La zététique consiste à questionner les raisons pour lesquelles nous pensons que quelque chose est vrai.

Certaines personnes veulent continuer de croire ceux dont on a prouvé maintes fois qu’ils mentaient dans leur intérêt et pour salir autrui ; le remède ne se trouve pas ici. Celles et ceux qui ont conscience que la confiance se mérite, et pas seulement en prononçant les phrases qui font plaisir aux oreilles convoitées, trouveront ici matière à réflexion.

 

Le 4 décembre 2022, Idriss Aberkane tweetait ceci :

« Tout est sous contrôle.

La Réalité : les accusations contre Fact and Furious ont reçu de nombreuses preuves (ordinateurs, documents photoshoppés, certificats médicaux, plaintes, procès verbaux)

Wikipedia : c’est rien que des mensonges sans preuves complotés par @france_soir »

Pour appuyer le narratif que Wikipédia est employé pour désinformer le public, Aberkane ajoute une image captant un paragraphe.

On peut y lire : « En novembre 2022, un site français, Facts & Furious, ferme suite à des accusations d’articles sur commande et de trafics de test au COVID-19, sans aucune autres preuves que les dires de Francesoir. » Sont associés trois liens vers le site de Xavier Azalbert.

 

Quel est le problème ?

 

Premier indice : la graphie « facts & Furious » avec un s à « facts » se retrouve dans certaines publications d’Idriss Aberkane ainsi que dans le titre de son passage vidéo chez André Bercoff.

 

Idriss Aberkane ne donne pas la source de cette capture, mais en cherchant un peu on finit par trouver quelque chose d’intéressant sur la page de l’article « Vérification des faits« , autrement dit le fact-checking, qui est la Némésis d’Idriss Aberkane.

 

A partir de là, on peut se poser quelques questions.

 

Petit TUTORIEL

Sur une page wiki, vous pouvez avoir accès aux modifications successives apportées par les internautes  en cliquant sur Voir l’historique.

 

On arrive sur cette page :

La ligne qui nous intéresse est celle du 4 décembre à 9h23.

En cliquant sur « diff » on peut voir l’état du passage avant et après la modification :

 

Sur la droite, on voit les modifications. Elles sont mises en évidence par un surlignage bleu. Ici a été rajouté à l’ancienne version «  sans aucunes autres preuves que les dires de Francesoir. » Ce sont ces quelques mots qui permettent à Idriss Aberkane de prétendre, dans son tweet, que pour Wikipédia : « C’est rien que des mensonges sans preuves complotés par @france_soir »

NB : la version actuelle de cette page ne contient plus la mention à France Soir, mais informe toujours sur l’existence des accusations portées. Le « s » fautif à « Facts » est toujours là…

 

Et maintenant nous pouvons regarder la chronologie des faits. La modification sur Wikipédia est validée à 9h23. Le tweet d’Idriss Aberkane est posté à 9h29.

Quelle coïncidence qu’il ait visité cette page dans les 6 minutes qui ont suivi cette modification faite par un internaute anonyme.

Je ne dis pas qu’Idriss Aberkane a modifié lui-même la page Wikipédia pour pouvoir nourrir le narratif complotiste qui lui sert à dissuader son public d’avoir confiance dans l’encyclopédie qui dresse de lui un portrait fiable et donc peu flatteur. Je n’en ai pas la preuve. Mais 6 minutes c’est court pour y glisser d’autres hypothèses.

 

Attendez. Regardons mieux.

Le tweet est envoyé à 9h29, mais la capture d’écran porte un horaire différent : 9h24.

 

Autrement dit, c’est dans la minute qui a suivi la modification de la page Wikipédia, qu’Idriss Aberkane disposait de la capture d’écran qui a servi à écrire dans la foulée son tweet accusant Wikipédia de désinformation.

Je vous laisse vous faire votre propre avis. Je dirais simplement que la fiabilité de Wikipédia se situe notamment dans sa transparence et dans la possibilité de retracer les modifications des articles pour comprendre comment ils sont construits. L’encyclopédie n’est pas parfaite, mais elle sait se défendre contre la plupart des manipulations.

 

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Je me permets une petite conclusion

Une règle semble s’imposer depuis le temps que j’observe le comportement des stars du complotisme. Chaque fois qu’Idriss Abekane porte une accusation, il s’agit très exactement de ce qu’il commet lui-même et veut camoufler en désignant un coupable ailleurs. Ce mode de projection n’est pas nouveau, mais il est ici pratiqué avec une régularité étonnante et un culot qui pourraient forcer l’admiration si les mensonges ne portaient pas sur des sujets graves avec pour conséquence des vies mises en danger.

 

Mes remerciements à Lez qui a repéré ce détail chronologique.

 

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Par Alexis Seydoux, historien

 

Dans sa dernière vidéo Idriss Aberkane propose une analyse géopolitique visionnée plus de 320 mille fois. Même si l’on sait que l’individu ment effrontément sur son parcours, ses accomplissement, ses compétences (etc.), il pourrait malgré tout rester un analyste pertinent et utile. Hélas, quand un historien se penche sur ce travail, rien de subsiste.

Acermendax

 

Nous avons regardé Idriss Aberkane, titulaire d’un PhD en géopolitique (non reconnu par l’Etat français) nous faire ses prédictions sur l’Arabie Saoudite. Dans une vidéo de moins de vingt-cinq minutes (Bientôt un coup d’état en Arabie Saoudite ? publiée le 28 novembre 2022), il nous explique que l’Arabie Saoudite tente de changer de camp et que les États-Unis ne vont pas se laisser faire et vont provoquer un coup d’état à Ryad au rythme de la CIA[1]. Prévision révolutionnaire qui s’appuie sur une lecture de l’histoire de l’Arabie saoudite et des relations extérieures des États-Unis.

 

Nous allons ici décrypter les arguments historiques de monsieur Aberkane, en suivant le fil de sa vidéo. Nous cherchons à montrer la pertinence de ses arguments.

 

L’idée générale de la vidéo, c’est la perte de puissance des États-Unis, et notamment de la présence du dollar. Monsieur Aberkane met en avant l’argument qu’on perçoit la perte de puissance d’un état par sa tolérance aux contestations de son pouvoir (20 premières secondes de la vidéo)[2]. Et de nous mettre en parallèle la récupération des aigles perdus par Crassus à Carrae par Agrippa, après un accord politique avec les Parthes[3]. On ne voit pas ici le rapport avec la perte de puissance, au contraire ; c’est bien une marque de la puissance romaine qui est déployée. Ajoutons un “n’importe quoi” : les survivants des légions de Crassus auraient des descendants jusqu’en Chine. On a ici une lecture historique datant du XIXe siècle, totalement inutile (à part à faire étalage d’anecdotes qui font « cultivé »)[4].

 

L’hypothèse posée veut que l’Empire américain accepte le début de la fin du dollar[5]. Là, Aberkane nous lance une tirade sur ce qui arrive classiquement aux pays qui refusent d’accepter le paiement en dollars sur le marché des hydrocarbures. Il nous donne trois exemples de pays que les États-Unis ont menacé ou attaqué pour ne pas avoir joué le jeu : le Venezuela, la Libye et la Syrie[6].

Le Venezuela a toujours vendu son pétrole en dollars[7]. La rupture avec Washington est liée à la Révolution bolivarienne mise en place par le président Hugo Chavez, qui entend s’opposer à la domination nord-américaine, et par sa volonté de fédérer les états d’Amérique du Sud contre le géant états-uniens[8]. Concernant la Libye, son affrontement avec les États-Unis date des années 1980 ; elle est liée aux actions terroristes pilotées par Tripoli, comme l’attentat de Lockerbie ou l’attentat de Berlin[9]. Quant à la Syrie, elle n’a pas tourné le dos à la politique américaine sur la question des hydrocarbures. D’une part, elle est depuis les années 1950 une alliée de la Russie Soviétique et fait partie de longue date du camp anti-américain[10]. Et si Damas s’est rapproché un moment de Washington durant la Guerre du Golfe en 1991, la Syrie s’est de nouveau tournée vers Moscou dès le début de la Guerre civile. D’autre part, la Syrie n’est qu’un tout petit producteur de pétrole, avec moins de 0,5 % de la production mondiale en 2010 et environ 5,5 millions de barils en 2018[11]. Donc, les trois exemples donnés par Idriss Aberkane pour montrer qui les États-Unis punissent en cas de sortie du système du dollars dans la vente des hydrocarbures sont tous faux.

Il ajoute un exemple, celui de l’Iran qui aurait aussi voulu sortir du dollar et qui aurait été puni par les États-Unis et spécialement par la CIA. On est ici dans une totale confusion et dans des assertions fausses. Il cite l’exemple de Mossadegh, renversé en 1953 avec l’aide de la CIA et de la Révolution islamique de 1979 choisie par les États-Unis pour éviter la révolution marxiste. Dans le premier cas, le Premier ministre iranien, le docteur Mossadegh, allié au parti marxiste Tudeh, a nationalisé le pétrole iranien ; il est renversé lors d’un coup d’état orchestré par les Britanniques et les États-Unis, car ces deux états craignent leurs pertes d’influence respectives[12]. Dans le second cas, les États-Unis ne sont pas face à un choix entre l’islamisme – dont on ne connaît encore pas bien les contours, et le marxisme, mais face à la prise de pouvoir par les religieux chiites soutenus par les libéraux et les Moudjahidines du Peuple ; à cette date, le parti Tudeh et la gauche marxiste iranienne n’est que l’ombre de ce qu’elle était dans les années 1950[13]. Enfin, quand l’Iran sort du marché du pétrole, c’est du fait de l’embargo onusien, qui interdit à Téhéran de vendre ses hydrocarbures après la révélation de son programme nucléaire. On voit ici toute l’ignorance d’Idriss Aberkane sur ces questions.

 

Terminons sur les délires autour de l’Iran et de l’Arabie Saoudite. Depuis sa fondation dans les années 1920, l’Arabie Saoudite et l’Iran sont antagonistes , autant sur le plan politique que religieux. Le Wahhabisme saoudien a pour ennemi le chiisme, au nom du Tahwid, l’unicité de Dieu. Dans le même temps, Téhéran et Ryad sont adversaires pour le contrôle du Golfe. Seulement, l’Iran avec une population bien plus nombreuse et une armée plus importante, devient dans les années soixante-dix le gendarme du Golfe. L’Arabie Saoudite ne peut rivaliser. Les deux pays sont alliés des États-Unis, ce qui n’empêche pas Ryad et Téhéran d’être opposés[14].

Terminons sur les multiples erreurs risibles sur la fondation de l’Arabie Saoudite, qu’un élève de L1 n’aurait pas commises. D’abord, sur le Wahhabisme considéré comme une secte[15]. Fondé au début du XVIIIe siècle par Ibn Abd al-Wahhab, c’est au départ un mouvement fondamentaliste qui insiste l’unicité de Dieu et condamne les nouveautés[16]. Devenu la doctrine de la tribu des Saoud, dans le Nedjed, le Wahhabisme est marginalisé et considéré comme hétérodoxe, surtout après le pillage de La Mecque en 1803. En marge du sunnisme, le Wahhabisme est réintégré après la Congrès du Monde Musulman en 1926 ; qui se tient à La Mecque sous la direction du roi Abdul Aziz. Il n’est donc plus une secte contrairement aux affirmations d’Idriss Aberkane[17].

Le pire est à venir.

Pour Idriss Aberkane, l’Arabie Saoudite est une fondation britannique, plus précisément issue de la volonté de Winston Churchill. Selon notre YouTubeur, c’est ce dernier qui, après l’échec des Dardanelles, aurait mandaté Thomas Edward Lawrence, Lawrence d’Arabie, d’armer la meilleure tribu ennemie des Ottomans. C’est encore complètement faux. En fait, dès l’entrée en guerre de l’Empire ottoman contre l’Empire Britannique, en novembre 1914, le Foreign Office, le ministère britannique des Affaires étrangères, cherche des alliés parmi les groupes arabes de la péninsule. Cette mission est confiée au commissaire britannique en Égypte, sir Henry MacMahon, qui ouvre en juillet 1915 une correspondance avec les Hachémites, sheriff de La Mecque. Donc, ce n’est pas Churchill qui a l’idée de s’allier aux tribus de la péninsule arabique, et la correspondance n’est pas adressé au Saoud du Nedj, qui reste en dehors du conflit, mais aux Hachémites du Hedjaz.

À cette erreur initiale s’en ajoute une seconde. Selon notre géopoliticien en herbe, les Britanniques reconnaissent l’état arabe et le donnent aux Saoud à la fin de la guerre[18]. C’est toujours faux. À la fin de la guerre, les interlocuteurs des alliés sont les hachémites, et spécialement le roi Hussein. Les Britanniques et les Français, ont déjà discuté de leurs intérêts respectifs et divisés la région en zones d’influence. Alors que les Hachémites veulent former un royaume Arabe comprenant la péninsule arabique, la Syrie et les territoires mésopotamiens, les Britanniques et les Français divisent la région en trois, créant Irak, la Syrie et la Palestine. La seule partie indépendante est l’Arabie, confiée à Hussein.

Donc, contrairement aux affirmations d’Idriss Aberkane, les Anglais ne donnent pas à la secte wahhabite les lieux saints et d’énormes ressources. Les Saoud prennent le pouvoir tout seul, obligeant le souverain Hachémite à abdiquer le 3 octobre 1924 ; quelques jours plus tard, ibn Saoud entre dans La Mecque[19]. À cette date, l’Arabie n’est pas encore une terre productrice de pétrole. Les premières prospections commencent dans les années 1930 et l’exploitation n’est réellement lancée qu’après la guerre. Quant à la conférence du Quincy, le 14 février 1945, entre le président Roosevelt et le roi Saoud, elle a d’abord pour objet l’acceptation par le roi saoudien de l’entrée en Palestine des Juifs survivants des camps de la mort[20]. La véritable alliance entre l’Arabie Saoudite et les États-Unis intervient encore plus tard, lors de l’adoption le 9 mars 1957 par le Congrès de la Doctrine Eisenhower[21].

 

À partir de 09 :39, Aberkane se lance dans des prédictions saupoudrées d’erreurs ou d’hypothèses plus qu’hasardeuses, indiquant par exemple que même si Joe Biden est le président des États-Unis, c’est en fait l’ex-président Obama qui est aux manettes. Ou encore affirmant que Enrico Mattei, dirigeant de la compagnie pétrolière italienne ENI, mort dans l’accident de son avion ; aurait bien été assassiné à l’instigation de la CIA, alors que cette hypothèse n’est pas assurée[22]. Les dernières minutes ne sont que des conjectures et des prévisions qui ne s’appuient sur aucune donnée tangible, mais ressemblent plus à des conclusions numérologiques qu’à une analyse politique.

 

Que dire en conclusion ? Idriss Aberkane ne connait pas le sujet qu’il traite. Au mieux, il fournit des analyses de comptoirs ; en général, il débite des banalités truffées d’erreurs factuelles ; au pire, il délire dans une vision complotiste digne d’un abonné de Q-Anon.

 

Alexis Seydoux

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REFERENCES

[1] https://www.youtube.com/watch?v=Rvsp8sba5AM, 00 :23 :09, consulté le 29 novembre 2022

[2] https://www.youtube.com/watch?v=Rvsp8sba5AM, 00 :00 :20, consulté le 29 novembre 2022

[3] Claude BRIAND-PONSART et Frédéric HURLET, L’Empire romain d’Auguste à Domitien, Paris, Armand Colin, 2001, page 64 ; Michel CHRISTOL, Pierre COSME, Frédéric HURLET, Jan-Michel RODDAZ, Histoire romaine, tome 2, D’Auguste à Constantin, Paris, Fayard, 2021.

[4] https://www.youtube.com/watch?v=Rvsp8sba5AM, 00 :01 :09, consulté le 29 novembre 2022.

[5] https://www.youtube.com/watch?v=Rvsp8sba5AM, 00 :01 :32, consulté le 29 novembre 2022.

[6] https://www.youtube.com/watch?v=Rvsp8sba5AM, 00 :02 :52, consulté le 29 novembre 2022.

[7] https://www.letemps.ch/monde/venezuela-pret-approvisionner-marche-mondial-petrole-assure-nicolas-maduro, consulté le 29 novembre 2022.

[8] Michael MANN, The sources of Social Power, vol. 4, Globalization 1945-2011, Cambridge, CUP, 2013, page 289 ; Justin JENNINGS, Globalization and the Ancient World, Cambridge, CUP, 2011, page 149.

[9] Russel CRANDALL, America’s Dirty Wars, Irregular Warfare from 1776 to the War on Terror, Cambridge, CUP, 2014, pages 447 et suivantes ; Stefano MARCUZZI, The EU, NATO and the Libya conflict. Anatomy of a Failure, Londres, Routledge, 2022 ; ce livre analyse largement les relations entre la Libye et l’OTAN, dont les États-Unis.

[10] Sylvia CHIFFOLEAU, Le Moyen-Orient 1876-1980, Paris, Atlande, 2017, pages 201 et 202.

[11] https://d9-wret.s3.us-west-2.amazonaws.com/assets/palladium/production/atoms/files/myb3-2017-18-sy.pdf, consulté le 29 novembre 2022.

[12] Mohamed-Reza DJALILI et Thierry KELLER, Histoire de l’Iran contemporain, Paris, La Découverte, 2017 , page 58 ; Yann RICHARD, “L’islam politique en Iran”, in Politique étrangère, 2005, n°1, page 63.

[13] Yann RICHARD, “La prise de pouvoir de l’Ayatollah Khomeiny”, in L’Iran des Perses à Nos jours, L’Histoire, Paris, Fayard, 2010cité, page 191 ; Imane-Hélène CHAMES-EDDINE, Le Moyen-Orient, les années 1980, Paris Atlande, 2017, page 94

[14] Mohamed-Reza DJALILI et Thierry KELLER, Histoire de l’Iran contemporain, op. cité, page 69.

[15] https://www.youtube.com/watch?v=Rvsp8sba5AM, 00 :04 :45, consulté le 29 novembre 2022.

[16] Henry LAURENS, L’Orient Arabe Arabisme et Islamisme 1798-1945, Paris, Armand Colin, 2000, page 46.

[17] Henry LAURENS, L’Orient Arabe Arabisme et Islamisme 1798-1945, , Paris, Armand Colin, 2000, page 251.

[18] https://www.youtube.com/watch?v=Rvsp8sba5AM, 00 :07 :16, consulté le 29 novembre 2022.

[19] Henry LAURENS, L’Orient Arabe Arabisme et Islamisme 1798-1945, op. cité, page 250.

[20] Charlie LADDERMAN, “The Rise of Modern Middle East”, in Brooke BLOWER et Andrew PRESTON (edit), The Cambridge History of America and the World, volume III, 1900-1945, Cambridge, CUP, page 242.

[21] VIncent CLOAREC et Henry LAURENS, Le Moyen-Orient au XXe siècle, Paris, Armand Colin, 2005, page 117.

[22] Christopher DUGGAN, A concise History of Italy, Cambridge, CUP, 2014, 2e edition, page 266 : l’affaire n’est pas close et il est possible que l’accident de l’avion qui transportait Enrico Mattei a été causé par une charge explosive ; en revanche, rien ne relie directement les États-Unis à cette mort.

 

(34min36) « Thomas Durand est sous le coup d’une plainte pour association de malfaiteurs avec un juge d’instruction qui est nommé et qui s’occupe de son dossier à l’heure où nous parlons. Il est pourtant proche de Julien Pain. »

Ah bon ?

 

La meilleure défense c’est l’attaque ?

À ma connaissance, Idriss Aberkane n’a jamais porté plainte après le « coup de filet » dans la sphère zététique annoncé en avril 2022 par lui et France Soir, et la promesse de « 5 plaintes dans trois pays ». Si finalement il le faisait, cela ne prouverait rien d’autre que ça : il  a porté plainte. Jamais M Aberkane n’a su répondre par autre chose que des injures au détricotage de la fiction qu’est son CV et au débunkage de ses « travaux » par les rares chercheurs qui s’y intéressent. Son succès, il le doit à la couverture médiatique lénifiante de 2016 dans les grands journaux et les grandes télés qu’il vilipende aujourd’hui mais qui ont propulsé son premier livre en tête des ventes, et au prosélytisme fervent de la complosphère qu’il drague depuis sa disgrâce dans les milieux académiques et des grands médias.

En démocratie, il faut supporter que des arnaqueurs jouent avec les limites du système et se fassent le porte-voix d’idéologies indifférentes à la vérité : c’est le jeu de la liberté d’expression.

Mais ce 22 novembre 2022, Idriss Aberkane passe à l’attaque d’une manière indécente. Il aurait pu choisir de livrer une enquête tentant de démontrer qu’il a raison sur ceci ou sur cela (les sujets sur lesquels il s’exprime sont nombreux et il est constamment démenti par les faits…). Il aurait pu publier un article scientifique à l’appui de sa prétention d’avoir résolu la conjecture de Syracuse (pour vous donner un ordre de grandeur du ridicule, disons qu’il se targue d’avoir grillé Usain Bolt au 100 mètres, mais pleurniche que les autres athlètes ne courent pas assez vite pour s’en rendre compte). Il aurait pu rassembler des chercheurs de premier plan pour défendre le traitement à base d’hydroxychloroquine contre le covid. Il aurait pu livrer une enquête journalistique démontrant l’existence de malversations, de mensonges, d’intentions malhonnêtes chez ceux qui le critiquent. Il aurait pu prouver la « corruption » dont il accuse tout le monde en  échappant à ce jour à des plaintes en diffamation qu’il mérite. Et cetera.

Mais il choisit d’exploiter un contentieux matrimonial en donnant la parole, en direct, à une dame très remontée contre son ex-mari qui, selon elle, n’est « qu’un pion, l’abruti de service ». Antoine Daoust, mis en cause ici, a porté plainte pour diffamation, ce qui n’est jamais signalé par M Aberkane. La réaction d’Antoine Daoust, pour le moment, consiste en quelques tweets.

 

Pour ce que cela vaut : je déclare sur l’honneur n’avoir aucun lien d’intérêt avec Fact & Furious ou Antoine Daoust et ne m’être concerté avec personne pour écrire ce billet (sauf relecture par des membres de l’ASTEC). Je n’ai pas vocation à le défendre, ce n’est pas le but de ce billet. Ici, je veux souligner la manière dont Idriss Aberkane communique ; cela a toujours été son grand talent.

 

Un long entretien en vidéo sans coupure

Pendant 55 minutes, Monsieur Aberkane donne la parole à l’ex-femme d’Antoine Daoust, créateur de Fact & Furious, journaliste qui, pour informer le public, débunke régulièrement la désinformation délibérée de France Soir et de la complosphère associée à… Idriss Aberkane. Antoine a par exemple suivi de très près le travail du comité d’éthique chargé de statuer sur l’accusation de plagiat sur l’une des thèses de monsieur Aberkane. Histoire qui est sortie dernièrement dans l’Express.

Cette dame, Malika Daoust, dit tout le mal qu’elle pense de son ex-mari à un Idriss Aberkane assez malin pour rappeler constamment que le ciblé est présumé innocent, qu’il s’agit d’opinion, mais en choisissant le format du direct devant 700k abonnés déjà abreuvés au narratif d’un « gang mafieux », d’une « secte » qui serait aux trousses du héros Aberkane. [Pourquoi avoir choisi le format du direct au lieu d’un entretien enregistré permettant de s’assurer qu’on ne s’écarte pas du sujet ? Peut-être en prévision de la difficulté de plaider ne pas être responsable des propos tenus s’ils avaient été le résultat d’un choix lors du montage. Manœuvre habile si un éventuel juge s’y laisse prendre.]

Les accusations reposent, pour l’essentiel, sur la seule parole du témoin. Selon elle, et avec l’assentiment d’Idriss Aberkane qui choisit de publier l’entretien, Antoine Daoust est un menteur, un arriviste, un escroc qui maquille et vend de fausses ordonnances ou tests PCR, un journaliste corrompu et un mari violent.

Alors bien sûr, SI C’EST VRAI C’EST TRES GRAVE, comme d’habitude avec les histoires balancées par la complosphère. Si Antoine Daoust est coupable, je veux qu’il soit puni. Mais quand on veut la justice, et pas juste détruire la vie d’un individu, ou pousser à la violence une communauté déjà prompte aux menaces et aux passages à l’acte (Cf l’agression de Thomas Huchon), on ne se lance pas dans une attaque brouillonne sur la chaine d’un polémiste en recherche désespérée d’un moyen de raviver l’adhésion de son public.

 

 

Le monde du journalisme est vaste : l’histoire de Malika Daoust pourrait intéresser n’importe quelle rédaction où le respect des principes déontologiques permettrait de savoir que les journalistes ont procédé à des vérifications avant de publier le témoignage. Les journaux sont remplis de gens aux idées diverses, aux sensibilités de tout bord, et vous trouverez toujours quelqu’un pour s’intéresser aux casseroles de n’importe qui. Ici, nous devons nous contenter de la crédibilité d’Aberkane-Azalbert, et c’est gravement insuffisant : ils ont désinformé par le passé, ils n’ont jamais montré de remord. Les intérêts de Malika Daoust et la valeur même de sa parole sont gravement mis en péril par cette stratégie de communication. Idriss Aberkane aurait dû aiguiller cette personne vers des médias plus sérieux, aptes à accueillir son témoignage.

 

 

Avec cette vidéo, le lynchage numérique d’Antoine Daoust par la complosphère est assuré. Il a commencé. Je ressens moi-même, pour avoir été tagué par le blogueur complotiste Xavier Azalbert et quelques autres, les contrecoups du harcèlement intensif dont Antoine Daoust est l’objet. Xavier Azalbert a publié sur Twitter des extraits d’échanges privés avec lesquels il entend prouver l’existence d’une sorte de gang mafieux.  » J’ai enquêté sur des affaires mafieuses par le passé » nous dit Aberkane (à 39 minutes) pour mieux décrire le milieu du fact-checking comme un réseau mafieux. Le contenu des échanges publiés montre-t-il autre chose qu’un journaliste entretenant des relations cordiales avec des personnes à même de fournir des informations avant qu’elles ne circulent ? Ce n’est pas mon impression. Alors dans quel but les publier ?

Le but semble évident : valider tous les autres contenus. Affirmer qu’Antoine Daoust « obéit à des ordres » quand il critique Raoult, Perronne, Azalbert, Aberkane, reparler encore de « blanchiment de terrorisme intellectuel » (48min), de l’apparition d’un réseau « ex nihilo » (55 min), de « la coordination de ce réseau » : des sources non indépendantes qui se protègent entre elles, bref de nous brosser un tableau complotiste de la situation. Comme d’habitude.

 

Instrumentalisation de la parole des victimes

Cette vidéo de monsieur Aberkane constitue la montée d’une nouvelle marche dans l’escalier de sa radicalisation.

Désormais, les histoires privées de celles et ceux qui le critiquent sont exploitées. Désormais, la chasse aux rumeurs est lancée, l’escalade des accusations est amorcée. Et nous voyons la pauvreté de la récolte étirée sur 55 minutes de malaise d’une vidéo titrée « SCANDALE au pays des fact-checkeurs » et destinée non seulement à abattre un homme mais à soutenir l’idée d’un gang organisé (dans lequel mon nom est cité, je suis bien placé pour vous dire que le délire est authentique). Sans doute que des gens qui agissent comme le groupe « CIA » dénoncé dans Complément d’enquête imaginent que tout le monde a le même mode opératoire. Mais en fait : non.

 

Le témoignage de Malika Daoust intervient dans un contexte où la parole des victimes de violences et d’abus se libère. Nous encourageons ce mouvement de fond afin que les victimes se fassent entendre et qu’on épargne le même sort à de futures potentielles victimes. C’est d’autant plus important que bien des obstacles se dressent contre la reconnaissance et la répression des violences faites aux femmes. Idriss Aberkane qui  prétend s’en prendre au système dans ce qu’il a de plus pernicieux, n’a jamais abordé la thématique de ces violences à ma connaissance, mais soudain elle devient assez importante pour la mentionner dans une émission en direct. Ce que Mediapart peut se permettre, fort de toute équipe de rédaction ayant le sens des responsabilités, Aberkane ne le peut pas.

Ce qui est particulièrement pervers ici, c’est que le témoignage de Malika Daoust est présenté sous cet angle, celui où l’on doit respecter la parole des victimes, les croire et espérer que la justice enquête… pour vriller aussitôt vers des propos qui n’ont rien à voir et qui sont des accusations de corruption.  J’attire votre attention sur le tour d’illusionnisme d’Idriss Aberkane qui cherche à rendre crédible des accusations au prétexte qu’elles émanent d’une personne par ailleurs présentée comme une victime de faits sur lesquels la justice devra se prononcer. Comme si ces accusations ne se suffisaient pas à elles-mêmes.

Si Malika Daoust a été la victime de mauvais traitements de la part de son ex-mari, c’est grave, il faut que son statut de victime soit reconnu. Mais, évidemment, dans le contexte très conflictuel d’un divorce qui se passe mal, les accusations méritent d’être accueillies avec précaution ; cela pourrait être faux. Dans les deux cas, ce n’est pas censé avoir d’impact sur la crédibilité de sa parole concernant la prétendue corruption d’Antoine Daoust. Idriss Aberkane aurait dû être prudent et ne pas mélanger les registres, sauf si, comme d’habitude il compte enfumer le public à l’instant présent en exploitant la lenteur du travail d’enquête nécessaire pour contrer son baratin. Cette histoire a tout de l’assommoir : un moyen commode de discréditer Antoine Daoust dans tous ses prochains travaux, dont certains concerneront certainement… Idriss Aberkane.

L’histoire de la conjecture de Syracuse est tellement absurde qu’il n’a aucune chance d’échapper au verdict de la science, et pourtant il baratine, il enfume, c’est sa stratégie. Elle est perdante en toute logique. Or, nous constatons que, dans certains territoires, la logique n’est pas aussi puissante qu’elle devrait l’être. Mise-t-il sur la bêtise de son public ?

 

Au final, Idriss Aberkane et France Soir multiplient les allégations, les soupçons, les insinuations tout en prétendant remettre sur les seules épaules de Malika Daoust la responsabilité de ce qu’ils publient. Antoine Daoust aurait fait de fausses ordonnances et de fausses PCR : si c’est vrai c’est grave, mais si c’est faux… Eh bien si c’est faux c’est pas leur faute : c’est Malika. Parce que derrière tout cela, il n’y a aucun travail d’enquête.

Les faits seront finalement avérés ou réfutés. Par d’autres. Ni Aberkane ni Azalbert n’ont travaillé à la manifestation de la vérité, ils ont manœuvré pour salir leurs ennemis. Leurs méthodes continuent de s’enlaidir pour le plus grand plaisir d’une frange du public qui demande du sang. Et qui pourrait bien finir par en obtenir.

 

 

L’objectif de tout cela est résumé dans un Tweet d’Aberkane : détruire la crédibilité du travail d’Antoine Daoust… Sans jamais répondre sur le fond de la critique émise par lui, mais en accumulant les couches de soupçon jusqu’à ce qu’on ne voit plus que le narratif aberkanien, du héros assailli par des vilains. Nous avons affaire à un exercice de manipulation par excellence. Et bien sûr des centaines de gens sont très heureux de colporter l’histoire (en y croyant peut-être, mais pas forcément) car elle permet de se prendre pour des citoyens plus avisés, plus courageux, plus éveillés (que des ennemis réels ou fantasmés) sans avoir à travailler ou à se mettre à réfléchir. Mais les contenus des articles et vidéos critiques demeurent ; les démonstrations sont là, factuellement indiscutées, progressivement incontestables.

 

Un peu de vigilance épistémique !

Demandez-vous ce que valent les informations que vous recevez. Si vous y croyez pour de bonnes raison. Si on vous les présente de manière complète ou tronquée. Si vous avez les compétences pour juger les faits, pour savoir s’il s’agit vraiment de faits, si les sources sont valides, si l’interprétation est correcte. S’il est bon d’avoir un avis maintenant ou s’il est préférable d’attendre que des procédures soient suivies pour que les informations soient triées.

Si toutes ces questions vous semblent superflues parce que la vérité est évidente, je suis bien désolé de devoir vous dire que c’est la preuve que vous avez besoin de vous les poser un peu plus sérieusement.

 

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Acermendax

Une affaire qui commence en novembre 2021

En novembre j’ai critiqué un enseignement donné par une enseignante de l’université de Lorraine. On peut dire que la critique a été plutôt mal reçue. Mes emails sont restés sans réponse, et à la rentrée suivante, sans avertissement, des sanctions sont tombées contre l’ASTEC et contre moi.

J’ai voulu en savoir plus. Mais sans réponse de l’université, je vous ai fait part de ces développements dans une vidéo récente qui a attiré l’attention des médias (l’Est Républicain, L’Express) sur la question de la présence de pseudosciences dans les enseignements. Nous avons par ailleurs reçu le soutien de très nombreuses personnes, notamment de chercheurs et de doctorants, mais aussi de la Ville de Nancy pour l’hébergement de nos émissions, et je les en remercie chaleureusement. Le nombre important des personnes ayant pris tout cela au sérieux est le premier signe encourageant que je veux souligner.

Nous en étions là. Et les esprits étaient assez échauffés… Et maintenant ?

 

Le 5 octobre, j’ai été reçu par Mme la Présidente de l’Université en présence notamment de M le Doyen de la faculté de pharmacie pour éclaircir cette affaire. Elle n’est pas très simple à résumer, et surtout elle a été obscurcie par un grave défaut de communication.

Des mesures sont déjà en cours de réflexion pour permettre la prise en compte des critiques sur les enseignements sans que cela menace la liberté académique des universitaires. C’est une équation compliquée, je n’ai pas de détails sur la manière dont cela sera fait. Je n’ai pas de raison de douter que c’est un effort sincère qui se met en place.

Durant cette crise, devant une politique de « on ne répond pas » mise en place par l’équipe administrative précédente (la présidente est nouvellement élue), chaque « camp » a porté des jugements sur la base d’informations incomplètes et de soupçons. Dans le contexte, c’était légitime, d’où les crispations nombreuses.

 

Dans mes vidéos, j’ai commis une erreur en disant que le cours critiqué était destiné à des étudiants de la faculté de pharmacie. Cette erreur aurait peut-être pu être évitée si j’avais contacté la faculté avant la vidéo, ou si la faculté avait répondu à mes deux emails. Mais on a déjà admis ce problème de communication.

Le fait que le cours critiqué soit en réalité donné à des étudiants infirmiers ne change pas la substance de ma critique scientifique. Et je dois appuyer sur le fait qu’aucun de mes interlocuteurs n’a contesté le contenu de cette critique. Personne au sein de l’UL n’a devant moi défendu ni cet enseignement, ni l’homéopathie.

 

Mais pour régler le problème, encore fallait-il l’identifier, ce qui a été complexe car l’Université de Lorraine est en contrat avec une quinzaine d’IFSI (Instituts de Formation en Soin infirmier) qui utilisent des vidéos de cours enregistrés parfois depuis 4 ans (comme celui de Madame Laurain-Mattar) et hébergés au milieu de dizaines de milliers de documents en ligne, sans en référer plus haut. De fait : le cours en question a été utilisé à la rentrée 2022 devant une nouvelle promotion d’étudiants infirmiers. L’un d’eux m’a alerté car il estime qu’il s’agissait d’une apologie de l’homéopathie où les objections recevaient un « Chut. Chacun pense ce qu’il veut. » Mme la Présidente a pris connaissance de l’existence de ce cours de 2022 lors de la réunion, avec déplaisir. M le Doyen et la faculté de pharmacie ne sont pas concernés par cette affaire. Je crois que ce cours sous sa forme actuelle va tout simplement disparaître maintenant que le problème a été mis en lumière.

 

J’avais des doutes sur l’enseignement prodigué aux étudiants en pharmacie. Le pharmacien qui donnait le cours d’homéopathie en 2021 et qui a tenu dans la presse des propos nourrissant mes inquiétudes sur son rapport aux connaissances scientifiques sur le sujet, n’intervient plus à la faculté depuis cette rentrée. Je ne peux pas juger le cours actuel dont je ne connais pas le contenu, mais à tout le moins il semble que des mesures sont bel et bien prises à Nancy sur ce sujet, je peux donc estimer maintenant que la communication existe avec l’établissement.

 

Une fois qu’il nous a été possible de nous entretenir, l’échange avec les dirigeants de l’Université a pu se faire de manière très ouverte et détendue. Je suis pour ma part rassuré sur la possibilité de porter une critique, sur l’écoute des dirigeants, et aussi sur le poids que votre soutien collectif a donné à l’alerte émise. Je veux insister sur cet aspect positif : j’ai pu voir l’attachement de très nombreuses personnes à ne pas laisser sans réponse des enseignements qui posent ce genre de problème.

L’université reste un milieu très imparfait, il va sans dire que de très nombreuses critiques peuvent encore être portées. Toujours sur le thème de l‘homéopathie on peut par exemple s’interroger sur la valeur de thèses d’exercice en pharmacie nombreuses prônant cette pseudo-médecine comme le signale ce communiqué de l’Association Française pour l’Information Scientifique.

 

 

Toutefois, je dois finir sur une note amère : les acteurs de cette affaire ont reçu beaucoup trop d’agressivité. J’en reçois suffisamment, tous les jours, pour des tas de raisons plus ou moins mauvaises, pour être attentif à ce problème envahissant. Je ne veux pas que les valeurs que nous tentons de promouvoir au sein de l’ASTEC soient l’alibi permettant à certains de se défouler sur des cibles. Si vous avez porté des accusations envers des individus alors même que vous en saviez forcément moins sur l’affaire que moi-même et les intéressés, si vous leur avez envoyé des courriers injurieux, je vous invite à plus d’autocritique.

Bien sûr, il ne faut pas baisser la vigilance face aux pseudosciences. Oui, une affaire comme celle-ci, qui implique une administration, prend du temps, passe par des filtres, et c’est frustrant. Il est légitime de demander des comptes à des institutions publiques. Mais nous devons garder notre calme quand nous voulons défendre l’intégrité du monde académique pour ne pas nous inventer des ennemis là où il n’y en a pas. Notre défense du rationalisme a besoin que nous soyons raisonnables.

 

Après ces incompréhensions et moments de flottement, la collaboration de l’ASTEC avec l’Université, et le module transversal « zététique et esprit critique » que je donnais pour les écoles doctorales, devraient être rétablis prochainement. Merci à tous pour l’attention que vous portez à cette problématique.

 

Acermendax
et le CA de l’ASTEC

 

 

 

Mauvaise nouvelle pour l’esprit critique au sein d’une Université française.

 

NB : Ce billet est la version texte de cette vidéo postée ce même jour.

 

En novembre dernier, je publiais une vidéo où je faisais l’analyse d’un support de cours transmis par un ou une étudiante qui tenait à garder l’anonymat, par peur de représailles — J’insiste : par peur de représailles. Cette personne tenait malgré tout à critiquer le cours d’homéopathie obligatoire qui lui semblait ne pas avoir sa place à l’université, en 5e semestre de licence. Elle avait raison, le cours est une honte. C’est une immense publicité pour les vertus magiques et les croyances de l’industrie homéopathique. Ce n’est par un travail de professeur d’université, c’est une réunion Tupperware.

Le but de ma vidéo, où j’ai pris soin de ne pas nommer l’enseignant, était d’alerter la faculté de pharmacie de Nancy dont j’estimais qu’elle verrait l’intérêt de réexaminer ce cours et de proposer mieux à ses étudiants. J’ai eu tort.

 

Mon objectif était d’attirer assez l’attention pour qu’un cours qui est là, depuis des années dans des conditions qui me semblent anormales, puisse être remis en question pour le bénéfice des étudiants et de la réputation de la Faculté. Bien sûr, je savais que je risquais de me faire des inimitiés à l’Université, alors même que j’ai un intérêt personnel à entretenir de bonnes relations avec cette institution, mais j’ai pensé qu’envoyer un simple courrier n’aurait servi à rien et qu’il valait mieux utiliser le poids et la renommée de cette chaîne YouTube pour faire changer les choses. [Les derniers développements valident mon jugement de l’époque, vous verrez que l’Université n’est actuellement pas disposée à tolérer la critique.]

 

Et donc, comme je vous le disais, j’ai une mauvaise nouvelle. Tellement mauvaise que j’ai demandé par deux canaux à l’Université de Lorraine de me donner quelques explication sur deux décisions prises en haut lieux, et que j’ai contacté le référent à l’intégrité scientifique de l’Université le 9 septembre. Si vous voulez voir à quoi ressemble une séance de cet enseignement obligatoire, je vous recommande le visionnage des deux vidéos précédentes ou je passe en revue le support de cours, puis un extrait du cours déposé sur l’Environnement Numérique de Travail. Autrement dit j’ai la capture vidéo des propos que je critique, ce qui permet d’être certain que je ne les déforme pas.

Un seul exemple.

Je donnerai ici un seul exemple de ce que je trouve problématique, en dehors de l’absence totale de science, de méthodologie, de perspective temporelle (ne disons même pas historique), de concepts notamment liés au placebo (un vrai sujet qui mérite des heures de cours !), c’est l’étude de cas donné en fin se séance.

Aux étudiants, on explique quoi répondre à une Maman qui vient dans une pharmacie pour son enfant de 8 ans, Arthur. Depuis 24h, le petit a le nez qui coule, il fait des cauchemars et a… 40°C de fièvre. La bonne réponse, soit-dit entre nous,  est « Madame, emmenez votre fils voire un médecin, et en attendant, voici un antipyrétique pour faire baisser la fièvre. » La réponse de madame la professeure Dominique LAURAIN-MATTAR est toute différente. En substance la voici : « Donnez-lui Oscillococcinum jusqu’à disparition des symptômes. Accompagné de Belladona 9CH (contre la rhinorrhée, la congestion tympanique, les cauchemars) et de Allium cepa 9CH contre la rhinorrhée.»

Madame la professeure ne fournit aucune source scientifique concernant l’efficacité de ces remèdes. Elle ne le pourrait pas d’ailleurs, puisque ça n’existe pas. En revanche, laisser sans vrai traitement Arthur qui souffre de fortes fièvres depuis plus de 24h, c’est dangereux, et je suppose que, comme moi, vous n’avez pas envie d’être reçu par un pharmacien qui suivrait ces conseils. Je suis très choqué par ce cours d’un point de vue scientifique et d’un point de vue éthique. Mais je suis ouvert  à toute explication qui montrerait que j’ai tort d’émettre cette critique. J’ai déjà dit que je partagerai tout droit de réponse qui serait demandé par l’enseignante ou par la faculté.

Je n’ai pas eu de réponse dont je puisse vous livrer lecture. Et pourtant il y a eu une réponse, à la rentrée de septembre. Le plus simple est que je vous lise le courrier que j’ai envoyé à Monsieur le Référent Intégrité le 9 septembre.

 

Message envoyé à l’adresse [email protected]

« Monsieur H

Je vous écris pour vous faire part de ce qui, à mon sens, est un sérieux problème d’intégrité scientifique dans l’enseignement dispensé dans la Faculté de pharmacie de Vandoeuvre-les-Nancy, mais aussi dans la manière dont l’Université de Lorraine gère la critique en son sein.

Je suis co-fondateur et directeur de la rédaction de l’Association pour la Science et la Transmission de l’Esprit critique (ASTEC). Depuis 2016, j’y exerce le métier de vulgarisateur scientifique, conférencier et formateur à l’esprit critique. Depuis six ans, j’interviens environ deux fois par an avec un module de l’École doctorale « Esprit critique et zététique » prévu pour 12 à 22 étudiants. Ce module reçoit un accueil très positif de la part des dizaines de doctorants ayant fait le choix de le suivre. Les évaluations sont disponibles auprès de l’Ecole Doctorale.

J’anime une émission de vulgarisation, La Tronche en Biais, qui a reçu le prix Diderot de l’AMCSTI en 2016. L’Université de Lorraine est un partenaire récurrent de nos émissions en direct durant lesquelles nous recevons en public des chercheurs et chercheuses pour discuter avec eux de thèmes sciences-société, afin d’inciter le public à questionner les concepts dont il dispose pour comprendre et agir. Nous avons d’excellentes relations avec le service Culture Scientifique qui nous aide beaucoup dans ce travail.

Le 15 novembre 2021, j’ai publié une vidéo[1] critiquant un enseignement prodigué à la Faculté de pharmacie de Vandœuvre-lès-Nancy suite au signalement d’un·e étudiant·e qui désire garder l’anonymat. Cet enseignement d’homéopathie de troisième année (semestre 5) ne lui semblait pas à sa place dans une formation universitaire.

J’ai analysé les documents mis à ma disposition pour évaluer la conformité de ce cours avec les connaissances scientifiques sur l’homéopathie. J’ai publié en vidéo une revue du support de cours et proposé plusieurs critiques à partir de constats d’inadéquation scientifique et pédagogique de cet enseignement, tel qu’actuellement administré. J’ai pris soin de ne pas nommer l’enseignante et de ne pas centrer mes critiques sur sa personne. Toutefois, j’ai suggéré que la Faculté devait prendre la mesure du problème constaté et rectifier le tir, par exemple en confiant cet enseignement – dont je ne conteste pas l’importance – à un enseignant-chercheur plus apte à restituer les éléments scientifiques disponibles sur cette question controversée.

Je sais que cette vidéo a suscité beaucoup de discussions au sein de la Faculté, et notamment une recherche de la source des « fuites », mais je n’ai reçu aucune réponse de l’établissement.

Le 18 novembre 2021 j’envoyais un mail à la direction de la faculté à l’attention du Doyen Raphaël DUVAL.

En voici le verbatim.

À ce courrier, je n’ai reçu aucune réponse.

L’ASTEC a décidé de laisser du temps à l’administration pour gérer cette situation. Je n’ai entamé aucune démarche ni produit aucun contenu en rapport avec cette affaire, ni jamais, bien entendu, attenté à la réputation de l’Université, de la faculté de pharmacie, ou de son doyen. J’ai appris en février qu’un rapport du Collégium Santé auquel je ne suis pas censé avoir accès me citait nommément. On m’a fourni un extrait du rapport validé le 7 janvier.

 

Le 21 février 2022, j’ai alors écrit un deuxième email, toujours à l’adresse [email protected]

 

 

Ce courrier est également resté sans réponse. C’est la seconde et dernière fois que j’ai essayé d’entrer en contact avec le Doyen DUVAL. Le 30 mars, je faisais le compte rendu de ces développements sur ma chaîne. Et je m’en suis tenu là. Derechef, avec l’ASTEC, nous avons estimé qu’il fallait laisser du temps à l’Université pour évaluer la meilleure conduite à tenir.

Mes critiques sur le cours de Madame la professeure LAURAIN-MATTAR ont fait respectivement 198 000 et 123 000 vues en date du 1er septembre 2022. Elles n’ont donc rien de confidentiel. J’ai pourtant été invité lors des URPS Pharmaciens d’avril 2022 à venir parler d’esprit critique devant cette profession, à Paris, ce qui me semble indiquer que mes propos ne dérogeaient pas aux principes rappelés par les Académies de Médecine et de Pharmacie quant à l’homéopathie et à la manière dont on attend qu’elle soit traitée en milieu universitaire[4].

 

Aujourd’hui, les conséquences de cette histoire sont les suivantes :

  • Madame LAURAIN-MATTAR continue de professer le même enseignement à cette rentrée 2022. Notamment : UE Obligatoire PAH « Phythothérapie, Aromathérapie et Homéopathie » du DFA-SP2 OFF, pour DIPLÔME DE FORMATION APPROFONDIE EN SCIENCES PHARMACEUTIQUES 2ÈME ANNÉE, filière OFFICINE.
  • Le service Culture Scientifique m’annonce avant-hier qu’il devait cesser toute collaboration avec l’ASTEC, et ne pas communiquer sur notre prochain événement programmé le 13 septembre avec la venue à Nancy du généticien Thomas HEAMS. Aucune explication n’a accompagné cette rupture.
  • L’École Doctorale m’annonce hier que le module « Esprit critique et zététique » devait disparaître après de nombreuses années d’activité. La formation programmée les 22 et 29 novembre est annulée. Sans explication.

Je ne dispose pas de traces écrites de ces décisions.

 

Ces fins de collaboration ne sont pas directement imputées aux critiques transmises à la Faculté de pharmacie, sur lesquelles je n’ai jamais obtenu de réponses directes. Toutefois, je me permets de voir un lien entre ces situations, du fait de leur synchronisme et de l’absence systématique de justifications. Dès lors, j’en conclus que la Faculté de pharmacie et l’Université de Lorraine ont choisi de protéger un enseignement actuellement administré de manière pseudo-scientifique sans prendre la peine d’accepter le dialogue que j’avais pourtant engagé en toute cordialité, sans argumenter, sans faire preuve de la moindre autocritique. L’Université de Lorraine, qui se fait fort de nourrir le dialogue entre sciences et société, et qui vient d’obtenir le label « Science Avec et Pour la Société », me semble se compromettre dans ses manières d’agir.

Dans le même temps et « pour apaiser des tensions internes » d’après ce qui m’a été expliqué, il a été décidé non seulement de s’en prendre à la personne ayant émis ces critiques, mais de faire disparaître le seul module dédié à l’esprit critique au niveau de la formation doctorale et d’empêcher que se tiennent dans les locaux universitaires des évènements de culture scientifique qui intéressent nos 280 000 abonnés, dont une portion importante sont étudiants ou personnels de l’Université de Lorraine.

 

Cher Monsieur H, je me permets de poser clairement mes attentes suite à cette affaire.

Je ne réclame ni excuse ni démission, mais une déclaration officielle de l’Université où elle expliquerait ses décisions et ce qui les justifie.

Elle peut décider de :

  • Défendre coûte que coûte un professeur qui promeut une industrie pseudo-scientifique au lieu d’enseigner la science.
  • Supprimer le module « Esprit critique et zététique » proposé aux doctorants et dont les évaluations anonymes sont irréprochables.
  • Cesser toute collaboration avec une association loi 1901 de promotion des sciences et de l’esprit critique dont le sérieux est reconnu dans le monde académique, qui a donné plus de 100 conférences partout en France et reçu 150 scientifiques dans des émissions de vulgarisation dont la qualité n’est pas remise en cause.

L’Université peut aussi décider de revenir sur ces décisions et de cultiver la relation très importante que notre association a noué avec ses chercheurs, ses personnels et ses étudiants.

Il me semble que ces considérations émargent au champ de l’intégrité scientifique de la Faculté de Pharmacie et de l’Université toute entière s’il s’avère, comme je le crains, qu’on est en train de punir une association de promotion de l’esprit critique pour avoir fait son travail proprement et courageusement.

 

Dans l’attente d’une réponse de votre part, je me tiens à votre disposition pour toute information complémentaire.

 

Bien cordialement, »

 

Je vous recommande voir la deuxième vidéo dans laquelle je diffuse des extraits vidéos de Madame la professeure LAURAIN-MATTAR en train de professer. Diffusion rendue nécessaire par l’accusation lancée contre moi par monsieur le Doyen. S’il ne m’avait pas traité de menteur, notamment en disant à un journaliste, qui me l’a confié par téléphone, que le cour critiqué « n’existe pas », je n’aurais pas eu besoin de prouver le contraire.

 

L’Université refuse de répondre

Depuis ce courrier du 9 septembre, je n’ai toujours reçu aucune réponse à ma demande d’explication via le service culture scientifique sur la fin des collaborations, et via l’école doctorale pour la suppression du module d’enseignement. Plusieurs enseignants que j’ai avertis ont demandé des explications, notamment à l’école doctorale et n’ont reçu… aucune réponse. Je pense que, quel soit votre avis sur le fond, vous serez sans doute d’accord pour dire qu’il est anormal que cette institution publique refuse de répondre à la simple question de : pourquoi prenez-vous ces décisions ?

Vous savez sans doute que je ne suis pas médium, je ne suis donc pas en mesure de vous dire quelles sont les intentions et les raisonnements des instances dirigeantes de l’Université. Si je m’y aventurais, je pourrais me rendre coupable de diffamation. Dieu m’en garde. Ce que je peux faire c’est constater, avec vous, l’étonnant synchronisme entre ma critique et ce qui ressemble à une sanction, mais aussi le silence absolu de l’institution qui pourrait très bien choisir de nous expliquer les raisons de ses décisions si elles étaient défendables. J’en conclus que ces décision ne sont pas aisément défendables sur le plan de l’éthique universitaire et j’attends que l’Université joue son rôle en revenant sur ces dernières. Elle est dans son rôle en nous permettant de continuer à travailler avec ses services et avec l’immense majorité des personnels qui sont sur notre ligne, celle de la défense de la science, et en permettant que continue d’exister le module d’esprit critique qui me semble (hélas peut-être) très utile aux doctorants.

 

Dans l’état actuel des choses, l’ASTEC, notre minuscule association, n’a pas vocation ni aucunement les moyens de se battre contre l’Université, mais vous, cher lecteur, si vous étudiez dans cette université ou encore mieux si vous y enseignez, vous pouvez demander des comptes, vous pouvez questionner ces décisions, vous pouvez exercer de la pression pour que l’on nous explique si vraiment la pseudoscience doit être défendue contre les critiques au sein même de l’Université de Lorraine.

 

Aux étudiants en pharmacie j’adorerais proposer un cours gratuit (et facultatif !) sur la véritable histoire de l’homéopathie, ses principes, ses méthodes, sur pourquoi on y croit, et sur ce qu’on peut en faire aujourd’hui que l’on sait qu’elle n’a strictement aucun effet spécifique, mais qu’on serait bien sot de négliger les effets contextuels. Sauf que, je ne dispose d’aucun amphithéâtre et que je crois n’être plus le bienvenu sur le campus en ce moment. Je lance donc un appel pour faire exister un tel cours à toutes celles et tous ceux qui ont envie que le monde universitaire soit un lieu où l’on respecte la science et où l’on cultive l’esprit critique.

Si u tel soutien ne se manifeste pas, l’ASTEC et moi-même, qui avons choisi de ne pas détourner le regard devant la présence d’une pseudoscience au sein d’une institution que nous aimons et fréquentons depuis des années, nous aurons sacrifié cette relation au nom de nos principes, nous aurons toujours notre honneur. (Tant mieux !). Mais nous aurons aussi beaucoup perdu.

 

Cela va sans dire  : que personne n’aille insulter ou harceler qui que ce soit à cause de cette affaire, vous ne rendriez service à personne.

 

Et maintenant ?

Pour conclure je veux croire que tout ça est un immense malentendu de la part de décisionnaires qui ont crus être attaqués, qui ont pensé devoir se défendre et qui, un peu paniqués, ont mal jugé la situation car, évidemment ils sont eux aussi attachés à la libre pensée, à la liberté d’expression, au débat et à la libre critique. Disons qu’ils ont choisi une étrange façon de défendre ces principes en l’occurrence, mais bien sûr je suis certain qu’ils voudront rectifier le tir et ont à cœur que leurs étudiants, non seulement reçoivent des cours de science, mais soient en plus capables d’être exigeants sur la qualité de ces cours. Je ne peux pas imaginer qu’ils n’aient pas à cœur que plus aucun étudiant, jamais, n’aille se confier à un YouTuber par peur des représailles s’il osait émettre des critiques en interne.

 

Par conséquent, je m’attends à ce que tout rentre dans l’ordre et à pouvoir passer plus de temps à parler du travail des chercheurs de l’université que des doutes que m’inspirent les décisions des administrateurs.

Merci d’avance à celles et ceux qui voudront nous aider à régler cette situation. Et aussi à tous ceux qui nous soutiennent en finançant le travail que nous réalisons.

Comme toujours, faites attention aux idées que vous acceptez de mettre dans votre tête.

Acermendax

France Soir a publié hier l’entretien de deux journalistes de l’Express avec Idriss Aberkane. (à retrouver ici)

Ce genre d’entretien est tout à fait classique, j’en ai fait un certain nombre. Le ou la journaliste vous appelle pour vous parler du papier en cours et vous demande de donner votre opinion sur une information, d’expliquer une notion, de réagir à un propos, et quand tout se passe bien vous envoie avant publication les phrases que vous avez prononcées et qu’il désire mettre dans l’article final, afin que vous validiez bien que vos propos n’ont pas été déformés. Il arrive que le travail soit mal fait, par maladresse ou malice. Il n’est donc pas inutile d’enregistrer l’échange pour disposer d’un document qui atteste de la bonne foi de chacun au moment de juger quels propos ont été tenus. Les interviews, ce n’est pas toujours très agréable, on a parfois l’impression que les questions sortent de nulle part. Tout ça pour dire qu’un peu de prudence, ce n’est pas idiot du tout.

 

L’ExpressGate

Pour un article dans lequel des chercheurs ont démonté les prétentions de l’imposteur académique Idriss Aberkane (à lire ici), celui-ci a été contacté pour répondre aux critiques et défendre sa position. Mais Idriss Aberkane avait décidé que cet interview était autre chose : c’est lui qui enquêtait sur l’Express, c’est lui qui avait des questions pour les journalistes. Et il annonce tout de go qu’il utilisera cet enregistrement malgré le refus des journalistes qui ne sont pas venus offrir leur temps à l’enquêteur Aberkane mais qui lui tendent leur micro pour écrire leur article. Quand vous allez au restaurant, il ne suffit pas de dire que vous êtes venus évaluer la cuisine pour qu’on vous fasse visiter les lieux et qu’on oublie, qu’en fait, vous êtes juste un client.

Idriss Aberkane a en réalité une seule question (chargée) pour Victor Garcia. Et cette question suggère que celui-ci, parce qu’il aurait des liens avec le milieu zététique* (cherchez pas, on vous dit qu’il a des liens, c’est comme ça : il le voit sur Twitter [je n’invente rien]), ne pourrait traiter avec neutralité le sujet des formations et conférences d’Idriss Aberkane. On appelle cette technique l’empoisonnement du puits.

Notez bien que la neutralité des journalistes est une vraie question. Mais si Idriss Aberkane est un génie des neurosciences, il peut défendre son travail contre les critiques, il dispose des arguments, des références et même de noms d’experts à contacter qui valideront ses positions ; il n’a nul besoin de chercher à salir l’image des journalistes qui enquêtent (au pire, il refuse l’interview s’il pense que le risque d’être manipulé est fort, cela m’est déjà arrivé). Bref, ce procédé accusatoire devrait être étranger à celui qui dit faire de la science.

Mais de science il n’est pas vraiment question ici ; Idriss Aberkane n’a pas de carrière scientifique. Il est en revanche coutumier du renversement accusatoire : c’est moi (Thomas Durand) qui suis un mythomane quand je dénonce ses mensonges, il le répète presque cent fois en vidéo  ; c’est lui qui « audite le monde académique » quand ses prétentions à résoudre la conjecture de Syracuse font rigoler les chercheurs, c’est lui qui juge les travaux des neuroscientifiques quand ceux-ci rappellent que les siens… n’existent pas.

Et nous en arrivons à cet enregistrement d’un peu plus d’une heure où Idriss Aberkane passe son temps à rabaisser les deux journalistes, à décider qu’ils ignorent absolument tout, à les interroger à l’aide de questions chargées (plurium interrogatum), à dénoncer leurs intentions cachées, leur obéissance à des autorités qui voudraient du mal à Idriss Aberkane… Le feu d’artifice sophistique, teinté de paranoïa et gorgé de grandiloquence, est saisissant.

 

Idriss l’acrobate

La publication de cette interview par le blog-dépotoir France Soir vise à allumer un contre-feu dans une stratégie  digne de Charles Pasqua :

« Quand on est emmerdé par une affaire, il faut susciter une affaire dans l’affaire, et si nécessaire une autre affaire dans l’affaire de l’affaire, jusqu’à ce que personne n’y comprenne plus rien. »

Bien sûr, la plupart d’entre nous ne sont pas dupes. Si vous lisez ce texte, c’est que vous vous interrogez un peu et voulez lire un avis qui ne soit pas celui de l’hyperdoctor (il se surnomme comme ça lui-même). Quand je regarde cette vidéo, je détecte les manœuvres dilatoires, le name dropping me saute aux yeux, je vois bien les mensonges sur des prétendues publications scientifiques qui n’en sont pas, sur son expertise internationale imaginaire, je vois tout ce qui est suggéré sans être dit (des travaux top secrets, un réseau de chercheurs qui le respecteraient, une cabale lancée contre un homme qui dérange). La tromperie, flagrante, clignote en néon capital au fronton d’un égo boursouflé.

Mais il faut admettre aussi que l’exercice est bien exécuté ! Idriss Aberkane a un bagout d’enfer, il enchaîne avec aisance les idées, les noms, les concepts, les dates. Il y a du brio dans ce numéro d’acrobate où il déploie tout le clinquant de dix ans de pratique de l’enfumage. À un détail près : naguère c’était sur les plateaux télé, désormais c’est sur France Soir. J’en tire deux leçons.

  • D’abord, sa crédibilité est en flamme. Les journaux qui autrefois avalaient goulument sa faconde pour la vendre sur papier glacé se sont retournés contre lui. L’imposture éventée les fait passer pour un tas d’imbéciles éblouis par un miroir aux alouettes. Idriss Aberkane est cramé, non seulement dans le monde académique où il n’est personne, mais aussi dans le monde de la presse où il déchoit du rôle d’expert-tellement-intéressant à celui de désinformateur des sphères du complotisme. C’est pourquoi il est réduit à une position défensive qu’il camoufle derrière de l’agressivité.
  • Mais la deuxième leçon est plus négative. Il a réussi son exercice ! Il a gardé la face dans sa petite farce mise en scène pour le dépeindre aux commandes d’un échange où il fait la leçon, distribue des baffes virtuelles, ricane, accuse, et virevolte en citant des noms, des lieux, des travaux. Nous n’avons pas affaire à un imbécile. Il a de la mémoire et du talent, et notamment celui de faire passer sa mémoire pour la preuve qu’il est assez intelligent pour maîtriser tous les sujets.

 

Ca prouve quoi ?

Pour ceux d’entre nous qui savons à qui nous avons affaire, la séquence est la preuve que nous avions raison : l’escroquerie intellectuelle est évidente d’un bout à l’autre. Sans doute. Mais ceux qui pensent qu’Idriss Aberkane est un génie qui dérange, un homme brillant qui a dit la vérité trop fort et doit désormais le payer en devenant la cible du système, la séquence est aussi la « preuve » qu’ils ont raison. Et c’est là que le vrai talent du faussaire prend toute sa mesure. Ce que les manipulateurs malhonnêtes savent faire mieux que vous et moi, c’est se mettre en scène pour envoyer à la population déjà sensible à leur cause tous les signaux qui disent : « Lui, il a peut-être des défauts, mais il ne peut pas être malhonnête ».

L’échange avec les deux journalistes de l’Express est un cas d’école de manipulation où tout l’enjeu n’est pas de répondre aux lecteurs de l’Express désormais informés de l’imposture, mais de dissuader les fans d’Aberkane de s’intéresser à la position adverse en agitant la formidable roue d’un paon, dont l’effet hypnotique nous fait oublier qu’en dessous se trouve un faisan.

La fuite en avant d’Idriss Aberkane va certainement continuer. Il n’a pas d’autre choix que de jouer le rôle de la victime géniale. Il n’admettra pas ses mensonges (il en croit peut-être un certain nombre), il n’abandonnera pas la partition, et il est plutôt doué au pipeau.

 

Acermendax

 

* Je n’ai aucun lien avec Victor Garcia, pas plus qu’il n’en a avec aucun autre zététicien à ma connaissance. Il m’est arrivé de partager ses articles parce qu’ils touchent à des sujets qui m’intéressent. J’en atteste en termes aberkanniens : « Je le jure sur l’honneur, attaquez-moi en justice si vous pensez que c’est faux, sinon c’est que c’est vrai. »

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    14. Idriss Aberkane a-t-il piégé l’Express ?

Article invité.
Ce texte est le transcrit de l’essentiel de la vidéo du même titre publiée le 27 mars sur YouTube.

 

 

Avec un riche passé médiatique, des formations de coaching vendues par centaines, 2 livres devenus des best-sellers, près de 500 000 abonnés sur Youtube et plus d’un million de vues pour sa vidéo sur « Pfizer », l’entreprise pharmaceutique, il est normal que cet incontournable polémiste surdiplômé et réputé génie inspire la confiance voire la fascination d’un public en colère contre la société.

Pourtant, au fil du temps, les passages dans les médias ont diminué, les dramas et révélations sur internet se sont succédés et certains ont commencé à le qualifier de “menteur”, d’”escroc”, de “gourou”, de “complotiste”. Ça ne l’a pas empêché de rester un pilier pour sa communauté et même un exemple car tenant bon, seul contre tous. D’après lui, c’est parce-que la vérité ne peut être censurée et ses fans en sont convaincus, il est le porteur courageux de cette vérité que le gouvernement chercherait laborieusement à faire taire. C’est pourquoi, à leurs yeux, il faut le soutenir, le défendre face aux attaques de ses opposants, quoi qu’ils disent. C’est pourquoi il faut garder… la foi ?

CF quelques articles dans L’Express, le Midi Libre, Le Parisien.

Sa carrière semble de prime abord admirable, mais les scandales ont continué, notamment avec l’affaire #Karim, du nom de cette personne décédée du Covid-19 pour avoir eu la foi dans les propos anti-vax de cet influenceur. Une multitude de spécialistes et de débunkers sont d’ailleurs venus contredire les propos et faits qu’il choisit pour supporter ses idéologies séduisantes et si tout cela ne signifie pas forcément qu’il se fourvoie, cela inquiète et mérite donc vérification. Si ce qu’il avance est vrai, alors c’est extrêmement grave et il faut en effet avertir la population mais si ce qu’il dit est faux, alors c’est encore plus terrible parce qu’il trompe et met en danger des milliers voire des millions de personnes sur des sujets majeurs comme la santé.

Exemple, dans cette fameuse vidéo sur Pfizer où il ne parle pas tant que ça de Pfizer : il déclare que des centaines de méta-analyses existent en faveur de l’hydroxychloroquine contre le Covid, préconisée par son ami le professeur Didier Raoult, mais les moteurs de recherche de publications scientifiques n’en recensent qu’une poignée, jugées douteuses par les meilleurs experts, face à une écrasante majorité en sa défaveur ; il mentionne également les conseils de la Haute Autorité de Santé qui seraient infondés, alors qu’ils sont pour leur part prouvés par des centaines de scientifiques ; il accuse Bill Gates de diriger l’OMS et c’est vrai que c’est un donateur conséquent mais non majoritaire et sans rôle décisionnaire alors comment prouver ça ? ; il attaque enfin les vaccins, confondant manifestement thérapie génique et technologie ARN messager, prenant la courbe des contaminations au Covid comme preuve de l’inefficacité vaccinale et contredisant encore la science, comparant l’incomparable, oubliant les variants plus contagieux et le taux de réplication r0 ; sans parler de toutes les autres idées diverses qu’il déroule sans lien avec son thème et qui sont également réfutables grâce à quantité de sources et preuves en l’occurrence. Avec ce résumé de la situation… je ne sais déjà plus. Je ne peux pas me faire d’avis de cette façon, la science n’est absolument pas mon domaine de prédilection mais j’en ai d’autres et… je veux savoir.

Quelques ressources pour explorer le contexte : https://coronavirusquebec.com/pfizer-idriss-aberkane/ ; https://factandfurious.com/fact-checking/les-18-erreurs-didriss-aberkane ; https://scilogs.fr/raisonetpsychologie/baratin-a-francaise/ ; https://menace-theoriste.fr/idriss-aberkane-fact-checking/ ; https://web.archive.org/web/20161209064920/http://hemisphere-gauche.blogs.liberation.fr/2016/10/31/une-critique-consanguine-du-livre-didriss-aberkane/ ; https://www.scepticisme-scientifique.com/episode-362-limposteur/ ; https://web.archive.org/web/20161209064920/http://hemisphere-gauche.blogs.liberation.fr/2016/10/31/une-critique-consanguine-du-livre-didriss-aberkane/ ; https://web.archive.org/web/20161210094640/http://hemisphere-gauche.blogs.liberation.fr/2016/10/27/la-science-et-les-medias-ce-que-revele-le-succes-litigieux-didriss-aberkane/ ; https://www.facebook.com/mathieu.leocmach/posts/1528068607210568 ; https://www.scepticisme-scientifique.com/episode-362-limposteur/

 

Idriss Aberkane, communiquant avéré, est accusé par ses détracteurs d’avoir déformé la vérité sur bon nombre d’affirmations factuelles comme on l’a suggéré précédemment, mais aussi personnelles, notamment sur son CV et ses véritables compétences. Alors, n’ayant aucune reconnaissance scientifique, il est compréhensible qu’il soit en quête de légitimité. Je ne lui jette pas la pierre, la société est académique et je félicite même son habileté oratoire, mais cela donne encore des raisons suffisantes de se méfier des propos de l’”hyperdocteur”, comme il aime se qualifier. Le CV publié sur son site internet principal déclare qu’il serait aussi à la tête d’entreprises philanthropiques. Ça, ça sent l’enquête financière, pas ma tasse de thé mais considérant la fiabilité approximative de son discours et de son parcours, je ne résiste pas à la tentation d’aller jeter un peu plus qu’un coup d’œil.

 

Chapitre 1:1 Un homme de cœur

Quelques clics suffisent pour tomber sur le site et la brochure de Bioniria, sa fondation humanitaire suisse, dont on ne retrouve aucune trace ailleurs sur le web. Vient ensuite l’entreprise Eirin International, censée planter 20 000 arbres et accompagner une quarantaine de familles au Sénégal. Aucune trace non plus sur internet, rien de rien cette fois, pas de site internet, pas la moindre présence dans les registres administratifs et professionnels africains. Commençons donc par là : Rapport d’activité de Bioniria 2018-2020.

La brochure de la fondation Bioniria m’offre plusieurs pistes malgré des défauts et imprécisions qui ne font pas très sérieux. Elle signale que son champ d’activité relève de “conférences, d’interventions dans la presse télévisée et écrite et d’événements sportifs”, ce qui colle avec les activités habituelles et pas spécialement humanitaires d’Aberkane. Selon le premier paragraphe du PDF : “l’action physique de la fondation Bioniria est majoritairement localisée au Sénégal”. Donc, le Sénégal, siège de l’entreprise Eirin International. Premier signe de son existence.

Plus loin, c’est la confusion entre Eirin International et Bioniria. Le tract explique entre autre que “la fondation Bioniria finance le micro-crédit social à taux zéro” des femmes peuls qui cultivent le Moringa d’Eirin à Richard-Toll au Sénégal, mais, pourtant, Idriss Aberkane affirme dans son CV que c’est l’entreprise Eirin qui est opérateur de micro-crédit. Étrange. Le Moringa est un super-aliment qui pousse dans les milieux désertiques. Bioniria rachèterait celui cultivé par Eirin pour le revendre ensuite en Europe et permettre aux femmes africaines une plus grande autonomie financière en les payant avec ces micro-crédits, dispositif africain comparable au salaire classique. En définitive, Eirin et Bioniria ont été créées par la même personne, Idriss Aberkane, et font la même chose en partenariat, c’est-à-dire cultiver le Moringa et apporter un revenu aux ouvrières en échange de la marchandise.

Pour mieux saisir la distinction entre ces deux entités, mais surtout leur indistinction, revenons au CV d’Idriss Aberkane. Dans une nouvelle tentative de se légitimer, ce dernier a récemment joint des documents prouvant chaque expérience et responsabilité revendiquées. Pour le cas d’Eirin, il a mis à disposition un scan du papier notarial qui officialise l’existence légale de la société. Ni une ni deux, je recherche le notaire, Maître Samuel Baloucoune. Problème, ce pauvre homme a rejoint les cieux il y a deux ans, je ne m’avoue pas vaincue et quelques démarches plus tard, son remplaçant par intérim me répond. La société a bien été officialisée à Richard-Toll, Saint-Louis, en 2009, co-créée par un local et Idriss Aberkane, mais, nouvelle alerte, n’a jamais été opératrice de micro-crédit comme l’a écrit ce dernier. De fait, ce n’est qu’une simple entreprise agricole. Idriss Aberkane aurait-il oublié le statut de sa propre société en la confondant avec la mission de sa fondation ?

On continue. Le site internet de Bioniria n’est pas très fourni, mais il offre quelques photos à analyser, par exemple avec Pic2Map, un extracteur de métadonnées. Grâce à lui, j’obtiens la localisation exacte de certains clichés. Sur Google Maps, ces coordonnées pointent bien vers une petite zone aride à quelques kilomètres de Richard-Toll, bien qu’en dé-zoomant, l’évolution du décor intrigue. Il est compréhensible de parler de “zone désertique” mais pourquoi avoir choisi cet espace en particulier ? Il est entouré d’immenses champs agricoles, d’un aéroport et de cette ville, Richard-Toll, considérée comme prospère et industrielle. D’après le tract Bioniria, la culture du Moringa dans cette région participerait à “la lutte contre la désertification” au Sahel et accompagnerait “plus de 1600 personnes” sur le territoire avec des campagnes d’alphabétisation et des cours d’agriculture. Soit, mais en dézoomant encore, on découvre plusieurs écoles sur Richard-Toll. Des écoles élémentaires, un collège, un lycée, un centre professionnel pour apprendre l’agriculture aux adultes et encore un autre centre pour se former à toute sorte de métiers. La brochure évoque un énième projet de crowdfunding, introuvable sur le net, pour construire une école primaire dans la zone en collaboration avec une juriste locale en droits de l’homme, Marième Misse. Pourquoi pas, mais surtout pourquoi ? L’école la plus proche est à 2 km, soit 30 min à pied selon Google Maps, sans parler des bus qui passent dans la région. Niveau impact humanitaire, on a vu plus impressionnant. Enfin, c’est mieux que rien.

J’approche Marième Misse qui s’avère aussi perdue que moi. Elle ajoute ne pas avoir concrètement collaboré avec Idriss Aberkane, elle témoigne de l’existence des femmes peuls cultivant le Moringa mais ignore tout des cours déjà dispensés, pourtant à l’initiative du projet d’école. Avant sa rencontre avec Idriss Aberkane, c’était un projet de construction écologique plus qu’une école et c’était son projet à elle. Au final, 2 ans plus tard, rien n’a jamais été fait, pas même commencé. Pourquoi la principale collaboratrice du projet d’école n’est-elle pas au courant pour les campagnes d’alphabétisation et les cours d’agriculture de Bioniria, alors qu’ils devaient à la base collaborer ensemble sur ce projet ? Encore des approximations de la part d’Idriss Aberkane ? J’appelle alors les autres établissements scolaires de la ville, ainsi que la mairie, la chambre d’agriculture et le tribunal régional de Saint-Louis. À ce jour, personne n’a entendu parler ou ne trouve trace ni de l’entreprise, ni de la fondation, ni de l’homme. Pourtant, 20 000 arbres plantés et 1600 personnes touchées depuis plus de 10 ans, ça ne devrait pas passer inaperçu. Peut-être que l’entreprise n’existe plus du tout aujourd’hui, même juridiquement. Peut-être qu’elle n’a jamais existé ailleurs que chez le notaire.

Idriss Aberkane mentionne cette grave injustice en vidéo sur sa chaîne YouTube. Elle serait liée à une autre de ses entreprises suisses. Mais nous y reviendrons dans un instant. Finissons d’abord avec la fondation Bioniria et ses œuvres charitables invisibles. En fait, je peux en comptabiliser… deux, mais parce que je suis gentille au fond. La première, une campagne de crowdfunding hébergée par le site d’une autre et “véritable” association humanitaire pour créer une réserve naturelle en Amérique Latine, mais cette campagne n’ayant reçu presque aucune publicité, pas même grâce à la visibilité d’Idriss Aberkane, son score restera de 0%. La deuxième, une vente d’œuvres digitales en cryptomonnaie sur le site non sécurisé et, depuis sa création complètement vide, Bioniria.io pour financer, je cite, “en majeure partie” la fondation Bioniria. Pour vérifier, voir les liens : https://wildangels.io/projects/la-reserve-de-yvy-tenonde ; http://bioniria.io/

 

 

Chapitre 1:2L’injustice des femmes peuls

Comme je le disais, Idriss Aberkane possède d’autres organisations. L’une d’entre elles est également basée en Suisse, il s’agit de General Bionics, une boite qui prétend produire des jeux et des logiciels. La page Wikipédia d’Idriss Aberkane rapporte sa mise en examen par la justice suisse pour soupçon de gestion déloyale, c’est-à-dire l’utilisation d’actifs, d’argent de la société, à des fins personnelles. Ce n’est pas tout, l’enquête en cours a eu pour conséquence de geler les actifs non seulement de la société General Bionics mais également ceux de la fondation suisse Bioniria depuis 2020.

Mais Idriss Aberkane ne comptait pas se laisser faire. En réponse à un article d’un journaliste de la RTS, radio télévision suisse, qui exposait l’évènement, il a sorti une série de vidéos pour protester contre son inculpation et le blocage de son argent. 174 femmes peuls d’Eirin se seraient plaintes auprès du gouvernement suisse car dépourvues de leur moyen de subsistance. Eh oui, puisque la fondation Bioniria n’a plus accès à ses comptes, elle ne peut ni racheter le Moringa d’Eirin ni payer en micro-crédit les femmes peuls, ça se tient. Mais est-ce la faute du gouvernement ou des délits d’Idriss Aberkane ? Peut-être que le gouvernement suisse veut vraiment obliger des sénégalais à marcher 30 min à pied, qui sait.

J’ai donc contacté d’anciens employés de Bioniria pour comprendre. Quelle ne fut pas ma surprise d’apprendre que selon toute vraisemblance, la fondation n’avait même pas encore trouvé d’acheteurs pour le Moringa. Elle transférait simplement de l’argent de ses propres caisses à Eirin tous les mois. Comment pouvait-elle gagner autant d’argent en n’ayant aucune activité ? Pourquoi Eirin ne s’est-il pas cherché d’autres acheteurs lorsque Bioniria a cessé de financer ? Les collaborateurs supposent que vendre le Moringa aux locaux était trop peu lucratif depuis la création d’Eirin en 2009. Alors pourquoi s’allier à Bioniria qui n’avait aucun moyen de revendre la marchandise, n’ayant aucun acheteur ? Pourquoi Eirin ne se tourne-t-elle pas vers de nouvelles fondations ou clients, même européens si les locaux ne payent pas assez ? Veulent-ils vraiment vendre du Moringa, ou ce montage de société sert-il d’autres desseins ? Idriss Aberkane dirige Eirin, c’est lui qui est responsable de ses employés, pas le gouvernement suisse qui mène une simple enquête basique …et justifiée.

Selon Idriss Aberkane, ses anciens associés de General Bionics seraient des traîtres, le journaliste de la RTS un menteur aggravé, presque criminel, et la procureur chargée de l’affaire, une corrompue. Sa preuve, un document rédigé par cinq “témoins citoyens journalistes” démontant point par point l’article de la RTS. C’est amusant à lire, je commence à comprendre pourquoi les détracteurs d’Idriss Aberkane l’accusent d’avoir un discours mélodramatique, vague et décousu. Mais ce n’est pas lui l’auteur, même s’il brandit le PDF pour sa propre vidéo de défense. Effectivement, le document indique avoir été rédigé et signé par Mame Fatma Sene, Apolline Bossy-Guérin, Gabriel Uribe, Emilie Beyou et Benjamin Castel. Mais qui sont ces témoins citoyens journalistes courageux qui viennent au secours d’Idriss Aberkane, la victime ? https://idrissaberkane.org/wp-content/uploads/2016/10/eirin-international.pdf

L’examen de leurs profils publics sur les réseaux sociaux dissipe les ténèbres, ou pas. Ces cinq individus sont quasi tous des associés d’Idriss Aberkane, il n’y en a que deux qui sont plus ou moins reliés à l’affaire et strictement aucun n’est journaliste. Mame Fatma Sene est assistante dans une entreprise au Sénégal, donc ni citoyenne suisse, ni citoyenne française et sans rapport avec General Bionics. Ensuite, Apolline Bossy-Guérin, jeune femme de 22 ans, est chargée d’affaire pour Bioniria et Game of Logos, autre entreprise d’Idriss Aberkane, mais elle est aussi, même si elle ne le mentionne pas dans son CV, dirigeante de la société Scanderia, qui propose les formations de coaching d’Idriss Aberkane (à retenir). Puis vient Benjamin Castel, entrepreneur, trader et co-auteur d’une formation de trading justement avec Idriss Aberkane. Gabriel Uribe, graphiste pour Idriss Aberkane et General Bionics. Grâce à notre échange de mails que je garderai privé, je sais qu’il a voulu soutenir amicalement et sincèrement son ami en co-signant le document. Enfin, il y a Emilie Beyou, ancienne gérante chez General Bionics, autre potentiel témoin de l’affaire parmi les cinq auteurs. Bref, ces fameux “témoins citoyens journalistes” ne sont rien d’autre que des amis d’Idriss Aberkane, voire, pour la plupart, des gens dépendants de lui professionnellement. Pas super objectifs comme témoignages.

Quelques petits coups de fil au service juridique du canton suisse et à d’autres contacts bien renseignés confirment que l’enquête est toujours en cours et qu’Idriss Aberkane est en mauvaise posture. Sa contre-attaque envers la RTS aura néanmoins servi à retarder l’affaire, car la procureure accusée de corruption par Idriss Aberkane a décalé sa responsabilité sur un autre canton, pour plus d’objectivité. Tiens, pas si méchant ce gouvernement.

 

Chapitre 1:3L’empire Aberkane

En réalité, ce n’est pas moins de sept sociétés que gère de près ou de loin notre bon Idriss Aberkane dont une société de conseils aux entreprises. C’est qu’il doit être sacrément fort en affaires, dites donc. Malheureusement, au bord de la faillite, cette dernière a dû mettre la clef sous la porte, bon. Quoi d’autre, trois entreprises de jeux et logiciels dont celle en Suisse liquidée également et mise en examen. En parlant de jeux, quelques recherches dans la Wayback Machine, site d’archives Internet, permettent de démontrer l’absence de commercialisation de jeux (sauf « kFlow » qui a été arrêté), malgré toutes les annonces d’Idriss Aberkane sur les réseaux et médias ainsi que 3 entreprises consacrées à cette tâche. Et leurs chiffres d’affaires alors ? Là, il y a un gros problème. D’où peuvent-ils bien sortir, lorsque l’entreprise n’est pas en déficit ? Voir cette autre enquête.

Quand on creuse davantage avec des outils en ligne sur les entreprises comme Pappers, on découvre tout un tas d’autres étrangetés que je vais énumérer brièvement :

  • Aucun employé dans les 4 entreprises françaises mais des collaborateurs, associés et/ou bénéficiaires récurrents.
  • Idriss Aberkane est quasi toujours démissionnaire de son poste de président juste après avoir créé la société pour y laisser un de ses associés tout en restant le principal voire le seul bénéficiaire. Un moyen de se dédouaner en cas de soucis ?
  • La gérante de Scanderia formations, notre Apolline témoin citoyenne journaliste, se dit dans son LinkedIn chargée d’affaires chez Game of Logos et Bioniria mais pas gérante de Scanderia. C’est pourtant une belle promotion.
  • L’ancienne société de conseils aux entreprises fait penser à du conseil pour optimisation fiscale. Idriss Aberkane revendique des clients qui pour la plupart sont coupables de fraudes fiscales grâce à des montages financiers complexes et des évasions fiscales à l’étranger. Selon M. Soudoplatoff : l’entreprise ne donnait pas de conseils mais vendait le jeu « kFlow ». C’est pourtant la société Scanderia qui le commercialisait, pas la société de « conseils aux entreprises », donc prudence. http://www.gestion-daf.com/wordpress/contact/
  • parlons aussi des sites web de l’ensemble de ces sociétés. Tous très similaires, amateurs et incomplets. Par exemple, les liens vers les réseaux sociaux sont tous inactifs et les seules pages proposées manquent d’informations de base. J’ai eu beau envoyer plusieurs messages dans leur formulaire de contact, aucune réponse non plus, comme si ces URL n’étaient que des vitrines factices.

Les liens de l’enquête : https://www.pappers.fr/entreprise/scanderia-794269548 ; https://www.pappers.fr/entreprise/aberkane-803145945 ; https://www.pappers.fr/entreprise/gol-co-893033084 ; https://www.pappers.fr/entreprise/scanderia-894121334

 

Que s’est-il vraiment passé avec General Bionics en Suisse ? J’ai appelé les deux anciens associés d’Idriss Aberkane pour ma petite contre-enquête, je préserverai leur anonymat ainsi que celui de tout autre informateur comme le veut l’article R631-9 du code de déontologie des détectives privés. Verdict : selon le premier, la stratégie financière consistait à mettre l’entreprise en faillite pour ne plus payer de taxes et pointer du doigt un bouc émissaire, en l’occurrence cet associé qui a été acquitté par la justice suisse. Selon le second, qui n’a jamais été inculpé et qui collabore avec le Fisc, Idriss Aberkane faisait passer l’argent des droits d’auteur de ses livres publiés dans l’entreprise suisse pour ensuite l’utiliser à des fins privées avec moins d’impôts. À la base, cet associé aidait Idriss Aberkane à optimiser légalement ses ressources grâce aux avantages du pays, mais avec le temps, il s’est aperçu des manœuvres borderline de ce dernier. Ce n’est que lorsque la police l’a interrogé et informé des 400 000 francs, soit environ 380 000€, transférés sur ses comptes personnels, qu’il a saisi l’ampleur de l’affaire. Cela faisait alors déjà quelque temps qu’Idriss Aberkane avait coupé des salaires, renvoyé ses associés ainsi que plusieurs employés.

Ce second collaborateur en a fait un burn-out, il avait vraiment cru au projet et investi de son argent. Il explique qu’Idriss Aberkane plumait ses sociétés, se débarrassait des associés trop gênants, établissait ses sièges sociaux dans des cantons plus favorables fiscalement et créait de fausses factures ou des certificats non conformes. Sa logique : puisque c’est lui qui ramenait l’argent à General Bionics, la société lui devait le mode de vie auquel il aspirait, c’est-à-dire : hôtels de luxe, bouteilles de champagne, restos gastronomiques, etc. Sauf que légalement, les fonds injectés dans General Bionics devaient servir General Bionics et ses projets de jeux qui ont tous échoué du coup, eh oui. Pareil pour la fondation Bioniria, elle servait à blanchir de l’argent tout en ne produisant presque aucune action sauf Eirin, très bonne vitrine pour les inspecteurs suisses. En effet, les fondations en Suisse sont très faciles à créer et à exonérer fiscalement tant qu’elles ont un air d’intérêt public. Pratique.

Ces paroles humaines n’ont pas vocation à prouver quoi que ce soit, même si elles sont toujours plus objectives que celles des amis d’Idriss. Dans une mission officielle, le témoignage écrit avec une attestation légale a beaucoup de poids devant un tribunal et celui du détective dans un rapport d’enquête peut même faire office de preuve, mais sur internet en tant que citoyenne, c’est différent, les indices doivent être beaucoup plus conséquents. Il me faut donc encore creuser.

Idriss Aberkane a créé son entreprise General Bionics en Suisse mi 2018 et devinez quoi ? C’était quelques mois à peine avant la levée du secret bancaire en Suisse septembre 2018. Le secret bancaire, c’est l’interdiction qu’avaient les banques suisses de livrer des informations sur leurs clients, même à leur pays d’origine. Mauvais timing du coup, je le plains. On peut aussi noter qu’Idriss Aberkane a créé son entreprise Eirin International au Sénégal en 2009 qui n’est redevenue vraiment “active” avec un site internet et des actions concrètes qu’en 2018. Et devinez quoi ? Des avantages fiscaux pour les entreprises agricoles ont vu le jour au Sénégal début 2018.

Sa stratégie de faillite pour General Bionics soulève des doutes pour l’autre société radiée, la société de conseils aux entreprises. Les bilans comptables de cette dernière laissent envisager une fraude à la TVA et cette même stratégie d’abandon pour éviter les impôts en France. L’entreprise ne cessait de dépenser des sommes d’argent énormes sans gagner grand-chose. Dans le jargon, on parle de modus operandi, “mode opératoire”. Ce qui pose d’autant plus question, c’est qu’il est encore coach en optimisation et investissement auprès de ses abonnés, preuve qu’il maîtrise ou s’intéresse au moins au sujet. Bref, ce montage complexe et incohérent de nombreuses entreprises, souvent identiques, provoquant des amalgames dans la bouche d’Idriss Aberkane lui-même, fait sérieusement penser à des sociétés écrans pour faire circuler l’argent de son véritable business, la communication, par ses conférences, formations, coachings, passages médias, livres et vidéos, en toute discrétion.

J’admets que la fiscalité en France n’est pas des plus optimales mais elle est censée soutenir les plus défavorisés et garantir un service public de qualité. Notre cher Idriss Aberkane serait largement plus philanthrope et ses entreprises plus humanitaires si, au lieu de cacher de l’argent pour ne rien accomplir, tout ce beau petit monde payait ses taxes à l’Etat Français. Au lieu de ça, Idriss Aberkane passe le plus clair de son temps à répandre des informations erronées et souvent dangereuses. Si seulement je vous disais tout ça par jalousie, vengeance, conflit d’intérêt, orgueil ou n’importe lequel des 7 péchés capitaux… mais je ne travaille ni pour le gouvernement, qui n’a par ailleurs pas mon soutien, ni pour les détracteurs d’Idriss Aberkane. Enfin bon, pour cette manipulation fiscale, il n’y a pas mort d’homme non plus, mais des vies d’employés brisés, des clients lésés, des femmes peuls pas si indépendantes que ça, des gens leurrés par ses propos qualifiés de pseudo-scientifiques par ses pairs. Tous ces faux espoirs, cela méritait bien un peu d’attention. Et j’en passe…

 

Chapitre 1:4Entre folie et génie

Je vais quand même citer encore deux ou trois petites étrangetés, pour le plaisir du mystère. Exemples :

  • Idriss Aberkane est foncièrement opposé au vaccin Pfizer et ses petits cousins. Pourtant, en parallèle, il soutient publiquement le vaccin russe Spoutnik en déclamant son efficacité soit disant supérieure. Je suis tentée de faire un lien avec le scandale de la Russie qui voulait payer des influenceurs pour discréditer le vaccin Pfizer avec des sommes conséquentes et des fake news. Aujourd’hui, l’agence de liaison, Fazze, n’existe plus. Il est donc presque impossible de déterrer les preuves d’une potentielle collaboration avec Idriss Aberkane et ce n’est pas très important de toute manière, Idriss doit sincèrement croire au complot. C’est d’ailleurs son droit. Par contre, il n’a pas le droit de faire passer son opinion pour un fait, au risque de mettre en danger ceux qui croient en lui.
  • Un informateur du comité d’éthique de l’école polytechnique où a étudié Idriss Aberkane m’a révélé il y a quelques semaines que ce dernier aurait plagié, au moins en partie, l’une de ses thèses publiées et que le comité est en cours de délibération. Décidément, rien ne va dans le sens de ce pauvre Idriss.
  • Le meilleur ou plutôt le pire pour la fin : ses fameux crowdfundings, on en a parlé à plusieurs reprises. Il y en a eu d’autres mais strictement aucun n’a réussi. Idriss Aberkane opte malgré tout souvent pour cette option de financement, curieux. L’argent de la campagne pour les jeux ergonomiques Chréage (qui deviendra plus tard General Bionics, tout est lié) ne semble pas avoir été rendu aux participants après son échec, au vue de la colère exprimée dans les commentaires Youtube et du site internet indépendant qui l’hébergeait, site créé par Gabriel Uribe, le graphiste. Peut être parce que l’entreprise a fini en liquidation à cause de l’enquête en cours et de tous les actifs d’Idriss Aberkane gelés, ce qui n’aurait pas dû l’empêcher de rembourser les gens avec d’autres sources d’approvisionnement. Il possède tout de même 4 autres entreprises actives. En discutant encore avec Gabriel, j’apprends qu’il ignore où l’argent a bien pu s’envoler mais qu’il pense que son ami n’a juste pas de chance. Et ces contributeurs généreux alors ? Ils en ont de la chance ?

Il n’y a pas 36 000 hypothèses. Soit Idriss Aberkane n’est vraiment pas très doué, il croit savoir mais ne sait pas gérer son argent ni faire un travail scientifique correct. Il joue à des jeux dangereux et se plaint quand on lui enlève ses jouets. Soit c’est un génie du mal qui veut détruire le monde, mais ces fascinantes créatures sont beaucoup trop rares pour que ce soit une hypothèse plausible. Soit c’est un escroc qui arnaque les gens, peut-être parfois avec de bonnes intentions, peut-être parfois avec maladresse aussi. Le rasoir d’Hanlon ne dit-il pas : “Ne jamais attribuer à la malveillance ce que la bêtise suffit à expliquer” ? Mais bon, si on s’arrête à ça, on ne punit plus personne. Or, c’est un commerce juteux, cette notoriété qui permet à ses livres d’être des best-sellers et à ses formations de rencontrer un grand succès pendant qu’il contourne les lois et abuse de son public fatigué de la folie du monde ?

Attention, nouveaux témoignages subjectifs, à prendre avec précaution pour ne pas basculer dans la diffamation : selon plusieurs anciens collaborateurs que je ne citerai toujours pas, et les confirmations d’une source très importante que je garderai également confidentielle, mais qui fait partie de son entourage proche et que j’ai approché sous un faux prétexte… Idriss Aberkane serait très intelligent mais mentalement instable, il ferait du chantage affectif en menaçant de se suicider, serait obsédé par l’argent et se convaincrait qu’il est quelqu’un de bien, qu’il fait le bien… j’ai envie de le croire, j’ai de la peine pour lui.

Alors, très cher Idriss, j’ai fini de te re-checker légalement, ce que tu redoutais. À ton tour de te manifester et d’apporter les réponses à toutes les interrogations soulevées, des réponses claires, sourcées, scientifiquement et juridiquement valides. Défends-toi, je t’écouterai avec grand plaisir, bien que mes recherches ne puissent être interprétées comme des inculpations, je laisse ce travail aux professionnels qui ne vont pas tarder.

 

Pour ce qui est du discours d’Idriss, je ne suis pas spécialiste des sujets illustrés en début de vidéo, pas plus que lui d’ailleurs ni la majorité de son auditoire. Cette enquête concerne uniquement son passif d’entrepreneur-coach. Pour se faire une opinion épistémique sur un des sujets de santé publique ou de science en général qu’il aborde régulièrement, une personne non-experte comme vous et moi devrait se tourner vers de véritables experts, l’OMS, les scientifiques… et non pas vers des showman de pop-science qui ne se focalisent que sur les aspects négatifs d’une question pour mieux justifier leur discour, comme le fait Idriss Aberkane. Nous ne devrions nous tourner ni vers des youtubeurs ni vers des détectives comme moi qui ne traitent également que de certains aspects de ces questions éminemment complexes. Comment se faire une opinion véritablement rationnelle quand on ne peut pas comprendre une situation dans son ensemble, quand on se contente du son de cloche d’un dénonciateur spécialiste en communication ? Peut être qu’en dé-zoomant, comme pour le Sénégal, on se rendrait compte que les autres pièces du puzzle sont positives ou que la balance bénéfices risques vaut le coût. Mais pour dé-zoomer sur des connaissances scientifiques précises, il faut maîtriser ces connaissances scientifiques précises et ce ne serait pas de trop que d’user de cette prudence commune dans le débat public.

En ce qui concerne son parcours, je ne suis pas non plus experte comptable ou inspectrice du fisc. Je ne sais pas tout et sans doute me manque-t-il des informations essentielles pour véritablement saisir toutes les subtilités de la situation. Je pourrais prendre en filature la cible et rentrer dans sa vie privée, mais ce ne serait ni légal ni sain, je me suis donc arrêtée aux éléments publics et témoignages. J’ai simplement créé le faisceau de présomption. Maintenant, il faut des preuves et pour cela une enquête beaucoup plus poussée sur les entreprises d’Idriss Aberkane, sur leurs factures de société, leurs bilans, leurs chiffres d’affaires annuels, leurs statuts ainsi que sur sa fiche d’imposition individuelle.

J’agis en tant que citoyenne, une citoyenne dont le métier est détective privé. Idriss Aberkane est suspecté de faire de la fraude à la TVA, de la fraude fiscale, du faux et usage de faux, de l’abus de biens sociaux et en définitive d’enfreindre tous les articles de loi affichés à l’écran. Rien que ça. Si on part du principe qu’il est intelligent et conscient et que ce ne sont pas des fautes de gestion mais des délits, il peut encourir, au minimum, une peine de 5 ans d’emprisonnement et une amende de 500 000€, et encore, ça peut monter jusqu’à 10 ans de prison et au million d’euros d’amende, tout dépend de l’ampleur réelle de son petit cache-cache financier.

Et vous ? Où vous mènent vos propres recherches ? Arrivez-vous aux mêmes conclusions que moi en enquêtant ? Est-ce que j’ai oublié quelque chose ? Est-ce que j’ai commis des erreurs ? Est-ce que vous me rejoignez pour garder un œil sur les activités de ce monsieur et pour signaler aux autorités compétentes ses agissements suspects ? Quoi d’autre ? Le haïr, l’insulter, le menacer, le harceler ? Pourquoi faire? Vous ne feriez que le conforter dans son auto-persuasion d’être persécuté et muselé parce-que prophète de la sacro-sainte vérité cachée, comme tant d’autres. Une chose est sûre, il n’est pas digne de confiance, que ce soit au niveau de son discours et de son parcours, comme ça a été démontré maintes et maintes fois, ou de ses responsabilités comme je viens moi-même de le démontrer ici. Alors, vous pouvez toujours lui accorder votre crédit, mais ce sera en connaissance de cause et à vos risques et périls.

Finalement, les seuls moyens réellement efficaces de l’empêcher de nuire davantage tout en préservant ses droits fondamentaux, c’est le partage de l’information au plus grand nombre et sur son propre terrain, celui de la communication, comme avec cette vidéo publique. Mais il y a aussi un autre moyen efficace, et ça fait parfois mal de l’admettre, il s’agit de la justice légale. Le système juridique français n’est pas optimal lui non plus mais si nous nous y mettons ensemble, nous pouvons grandement aider à la bonne exécution de son processus, c’est pourquoi nous devons nous rassembler.

Evidemment, j’ai moi-même remis mes investigations au service des impôts français qui ont immédiatement enclanché les vérifications judiciaires nécessaires et qui vont à présent manifester une grande méfiance face aux entreprises françaises récentes d’Idriss Aberkane. Mieux vaut pour lui qu’elles se tiennent à carreaux. Pour ma part, j’ai terminé mon enquête, ici s’arrête le pouvoir du détective. La boucle est bouclée, je peux m’attaquer à plus important. Désormais, la justice est entre vos mains. C’est à vous de jouer. Partagez cette vidéo pour informer autant que possible, continuez de vous intéresser à tous les aspects de la question et non pas juste à ceux qui vont dans votre sens, faites même vos propres recherches et si vous vous sentez l’âme d’enquêteur, je vous laisse toutes mes sources en description. Je posterai les potentielles corrections dans les sous-titres latins de la vidéo. Vous avez ce pouvoir vous aussi, saisissez-le.

 

Parce qu’être détective au fond, c’est être habité par ses missions, vouloir aider son prochain, c’est ne pas craindre les cauchemars de la réalité, être prêt à poireauter des heures dans une bagnole, à se torturer les méninges devant un ordinateur, à se déguiser en petit ange pour cacher le diable, tout ça pour un peu plus de justice en enfer.

 

Sur cette chaîne, je vous prends avec moi dans cette invocation de la connaissance, dans cette tentation de connaître les péchés des autres. Je vous lance un appel à toutes et à tous pour que vous participiez concrètement à cette quête de justice populaire, donc démoniaque. Guettez votre montre lorsqu’elle affiche 6h66, il se pourrait qu’elle présage l’arrivée de l’une de mes prochaines enquêtes inédites et publiques sur les petits secrets d’internet et sur ces gens qui profitent de leur pouvoir à vos dépends. Vous êtes moi, je suis vous. Rejoignez moi, rejoignez nous et enquêtons. Notre mission : nous défendre par l’investigation. Fin de rapport.

 

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Article invité.
MYG. connaît bien le monde universitaire, et notamment les filières littéraires. J’ai répondu favorablement à sa proposition de fournir une analyse méthodique, froide et circonstanciée de la thèse en littérature d’Idriss Aberkane dans le contexte des questions que posent ses mensonges sur son parcours académique. Vous allez voir que cette thèse est loin de correspondre aux canons du genre et ne s’est pas déroulée dans les règles de l’art.
Acermendax

 

« Je me suis gardé de faire de la vérité une idole, préférant lui laisser son nom plus humble d’exactitude. » Marguerite Yourcenar, L’Œuvre au noir, 1968.

 

Préambule

 

Le présent article n’a pas pour vocation de déterminer si Idriss J. Aberkane a, oui ou non, rédigé, soutenu et validé une thèse de doctorat en Littérature comparée : le fait est établi et n’est donc plus sujet à discussion. Par ce travail de clarification et d’analyse, je ne remets pas en cause la réalité des faits, mais tente de comprendre, à partir des éléments dont nous disposons en ligne, dans quelles conditions scientifiques et académiques cette thèse de doctorat a été préparée, rédigée et soutenue, mettant ainsi en perspective un ensemble d’informations sourcées quant aux circonstances de production d’un travail censément de haut niveau. Mon analyse s’articule en deux parties : un premier volet – soit le présent texte –, portant sur les conditions de préparation et de soutenance de ladite thèse, et un second volet – un texte actuellement en préparation –, abordant sa forme et son contenu proprement dits.

Dans le cadre d’un travail de vérification cherchant, sinon la vérité, du moins l’exactitude, rappelons que, pas plus que l’existence d’une source ne démontre en elle-même la véracité des interprétations qui lui sont potentiellement attachées, de même l’absence d’une information en ligne ne suffit-elle pas à prouver son inexistence. En ce sens, il est possible, pour ne pas dire probable, que, faute d’informations immédiatement disponibles ou en raison d’un éparpillement trompeur des données, ce compte-rendu omette de bonne foi des éléments biographiques, bibliographiques ou scientifiques pourtant utiles à l’analyse.

La nature du présent texte engage par elle-même à préciser d’où l’on parle et, sans entrer dans les détails, j’aimerais ici souligner trois points. D’une part, je ne connais ni Idriss J. Aberkane, ni aucun des acteurs engagés dans son Doctorat en Littérature comparée : ce ne sont donc pas des motifs personnels qui fondent mon initiative. D’autre part, si je ne partage pas son champ d’études, j’évolue dans une discipline connexe, laquelle offre assez de métier pour analyser à profit les éléments académiques et scientifiques à notre disposition. Enfin, s’il est indéniablement plusieurs raisons qui ont motivé ce travail de décortication, la première d’entre elles réside dans la volonté de montrer qu’un diplôme en Lettres de haut niveau ne constitue pas une certification au rabais et que, mutatis mutandis, il faut, pour l’obtenir dans de bonnes conditions, autant de rigueur, de précision et de travail qu’en mettent, dans leurs démonstrations, les spécialistes des sciences formelles et des sciences expérimentales.

Par souci de clarté, j’ai opté, à chaque fois qu’il m’était permis, pour une traduction française des mots, des expressions ou des citations originellement produits dans une langue étrangère. Sauf indication contraire, les traductions sont de moi.

Enfin, à tout seigneur tout honneur, nous utiliserons ici, très exceptionnellement, le “nous” de modestie.

 

MYG

Mercredi, le 28 février 2022.

 

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I. Le jury de la thèse

 

La thèse de doctorat : rappel des faits

 

Comme en atteste le répertoire national que constitue le site Thèse.fr, Idriss J. Aberkane est l’auteur d’au moins deux thèses de doctorat reconnues par l’État français. L’une d’elles, intitulée Ballade de la conscience entre Orient et Occident : une perspective soufie sur la conscience occidentale, connectant The Kasidah de R. F. Burton et The Waste Land de T. S. Eliot, a été préparée à l’École doctorale des Humanités de l’Université de Strasbourg sous les directions conjointes des Professeurs Éric Geoffroy (Université de Strasbourg) et Patrick D. Laude (Université de Georgetown au Qatar[1]), puis soutenue, dans cette même Université en date du 16 juin 2014. Cette thèse lui octroyé un titre de Docteur en Études méditerranéennes et orientales. Né le 23 mai 1986, Aberkane, au moment de la soutenance, venait de fêter son vingt-huitième anniversaire, ce qui constitue en effet un âge remarquablement jeune – sans être exceptionnel non plus – pour l’obtention d’un doctorat en Lettres au sein du système français.

 

 Le jury de thèse : rappel des faits

 

Son jury de thèse comprend 6 membres :

  1. Éric Geoffroy : co-directeur de thèse ;
  2. Patrick D. Laude : co-directeur de thèse ;
  3. Amira El-Zein : rapporteur ;
  4. Jean-Yves Heurtebise : rapporteur ;
  5. Paul Bourgine : examinateur ;
  6. Pierre Collet : président du jury.

La composition du jury peut être vérifiée sur le site Thèses.fr, sur l’une des pages de titre de la thèse de doctorat, publiée sur le site d’archives en ligne HAL, et, in fine, sur le diplôme délivré par le Ministère de l’Enseignement Supérieur et de la Recherche mis à disposition par Aberkane sur son site.

 

II. Les membres du jury

 

Parcours et publications

 

a. Éric Geoffroy (co-directeur de thèse)

 

Éric Geoffroy, islamologue spécialiste de la spiritualité soufie, est Professeur émérite[2] de l’Université de Strasbourg, en France. Vous trouverez des informations sur le parcours, les publications et l’actualité scientifique de Geoffroy sur son site personnel (lequel comprend un curriculum vitae détaillé), sa page IdRef, sa page Academia, sa page Wikipédia (également disponible en anglais, en allemand et en arabe) et sa page Facebook[3].

À l’aune d’un curriculum vitae bien sourcé, le parcours académique et scientifique de Geoffroy semble tout à la fois solide et cohérent. Sans entrer dans le détail de son cursus, signalons qu’après une Maîtrise d’Histoire, option Monde arabe, décrochée à l’Université d’Aix-Marseille I en 1985, et une Licence d’arabe, obtenue à l’Université Lyon II en 1986, Geoffroy passe le CAPES d’arabe, avant de soutenir, en 1993, à l’Université d’Aix-Marseille I, une thèse de doctorat intitulée Le soufisme en Égypte et en Syrie : implications culturelles et enjeux spirituels : fin époque mamelouke-début période ottomane. Consécration de son parcours académique, Geoffroy décroche cinq ans plus tard, à l’Université Aix-Marseille I[4], une Habilitation à diriger des recherches, laquelle n’est cependant pas répertoriée sur le site Thèses.fr.

À partir de 1995 et jusqu’en 2020, il est enseignant-chercheur au Département des Études arabes de l’Université de Strasbourg, l’un des centres historiques de l’Orientialisme en France. Parmi ses différentes activités scientifiques, il a dirigé ou co-dirigé en France 28 thèses de doctorat, dont celle d’Aberkane, toutes dans son domaine d’expertise.

Enfin, sa riche liste de publications, comportant tout à la fois articles et ouvrages techniques destinés aux universitaires et travaux de vulgarisation ouverts au grand public, fait état de maisons d’édition sérieuses et reconnues, telles que, par exemple, Albin Michel, Fayard, Flammarion, Garnier, les Presses universitaires de France, le Seuil ou l’Harmattan (en France), Brepols (en Belgique) ou encore Routledge (en Grande-Bretagne).

Il est à noter qu’en islamologue pointu, Geoffroy parle couramment l’arabe, comme en témoigne par exemple cette vidéo dans laquelle il répond aux questions d’un journaliste de la chaîne France 24 arabe. Son parcours académique est du reste émaillé de séjours plus ou moins longs en pays arabophones, plus particulièrement en Syrie où, de 1989 à 1992, il est allocataire de recherche à l’Institut Français d’Études Arabes de Damas (IFEAD)[5], puis en Égypte, pays dans lequel il accomplit, entre 1994 et 2008, plusieurs missions scientifiques à l’Institut Français d’Archéologie Orientale (IFAOI) ainsi qu’au Centre d’Études et de Documentation Économiques, Juridiques et Sociales (SEDEC), tous deux sis au Caire. Son site professionnel comprend également un volet en langue arabe.

En conclusion, il est évident que Geoffroy, islamologue arabisant de haut niveau, possède les qualifications universitaires et les compétences techniques permettant d’encadrer un travail de doctorat traitant des influences soufies sur la poésie anglaise de la fin du 19e siècle.

 

b. Patrick D. Laude (co-directeur de thèse)

 

Patrick D. Laude, littéraire spécialiste des relations entre poésie et spiritualité en Orient et en Occident, est Professeur de Théologie à l’École des Relations internationales de l’Université de Georgetown au Qatar. Vous pouvez trouver des informations sur le parcours, les publications et l’actualité scientifique de Laude sur sa page professionnelle, sa page IdRef, sa page ResearchGate et sa page Wikipédia (également disponible en anglais).

Avant que de plonger dans le parcours de Laude, précisons que l’Université de Georgetown au Qatar constitue une antenne de l’Université de Georgetown – elle-même située à Washington D.C. (aux États-Unis) –, implantée depuis 2005 à Doha, capitale du Qatar.

Comme Geoffroy, Laude est un universitaire qualifié dont le parcours se reconstitue aisément à partir de son curriculum vitae et de différentes notices biographiques disponibles en ligne. Admis à l’École Normale Supérieure[6] à Paris, en 1979, il obtient tout d’abord une Licence en Histoire à l’Université Sorbonne Paris-IV[7], puis, en 1982, une Maîtrise en Philosophie au sein de cette même institution. Trois ans plus tard, il décroche un Doctorat en Littérature française à l’Université de l’Indiana (aux États-Unis) ; doctorat sur lequel nous n’avons trouvé aucune indication en ligne. En 1991, il rejoint l’équipe de l’Université de Georgetown, aux États-Unis, avant de prendre, en 2006, un poste de Professeur au sein de son antenne qatarie alors fraichement implantée.

Le travail de Laude semble se situer au confluent de la poésie, des mysticismes orientaux (islamique, juif et indien), de la tradition chrétienne (avec le quiétisme) et du comparatisme entre les traditions spirituelles orientales et occidentales. Sa liste de publications, également fournie, témoigne de maisons d’édition reconnues, à l’instar de l’Harmattan (en France), Peter Lang (en Suisse), State University of New York Press (abr. Sunny Press), Indiana University Press (aux États-Unis) ou Palgrave Macmillan (en Grande-Bretagne).

Selon le répertoire Thèses.fr, Laude n’a dirigé qu’une seule thèse de doctorat en France, à savoir celle d’Aberkane, ce qui, en l’état, n’a rien de surprenant : dans la mesure où sa carrière d’enseignant s’est déroulée aux États-Unis et au Qatar, il est probable que les travaux encadrés par ses soins aient été validés dans d’autres pays que la France et qu’ils ne soient, de ce fait, pas consignés sur ce site.

Il est à noter que, selon sa page professionnelle et sous réserve d’informations non divulguées, Laude ne maîtrise ni l’arabe, ni aucune langue orientale ayant façonné la mouvance soufie – mais, outre le français et l’anglais, qui constituent ses deux langues de publication, le grec et le latin. Je mentionne cependant que sa page ResearchGate fait état d’un article en arabe au moins, publié en 2014. Sans plus d’indication, il est difficile de déterminer si celui-ci a été rédigé en arabe par Laude lui-même ou s’il fut objet d’une traduction ultérieure à partir du français ou de l’anglais.

Quoi qu’il en soit de sa maîtrise de l’arabe, son apport dans l’encadrement de cette thèse se justifie pleinement, d’une part, par son travail sur les mysticismes orientaux, d’autre part, par sa connaissance des intellectuels européens ayant abondamment commenté la tradition soufie – à l’instar de René Guénon ou Frithjof Schuon – et, enfin, par l’approche comparatiste privilégiée au sein de ses travaux.

Pour conclure, le solide parcours académique, les nombreuses publications scientifiques et, in fine, l’expertise comparatiste de Laude justifient la co-direction d’une thèse portant sur la rencontre entre tradition soufie et poésie anglophone.

 

c. Amira El-Zein (rapporteur)

 

Amira El-Zein, littéraire de formation spécialisée dans la poésie arabo-musulmane et les rapports culturels entre Orient et Occident, est Professeur associée d’Arabe à l’École des Relations internationales de l’Université de Georgetown au Qatar. Son travail s’articule autour de trois axes : sa recherche fondamentale dans le domaine de la Littérature comparée, son activité de traductrice (de l’anglais et du français vers l’arabe et inversement) et, enfin, son œuvre de poétesse, en arabe et en anglais. Vous pouvez trouver des informations sur le parcours, les publications et l’actualité scientifique d’El-Zein sur sa page professionnelle, sa page Academia (laquelle comprend un curriculum vitae détaillé), sa page ResearchGate et sa page LinkedIn.

Après avoir obtenu un Bachelor en 1980, puis un Master en 1981, tous deux à l’Université libanaise, à Beyrouth (au Liban), El-Zein décroche en 1984 un DEA en Littérature arabe et islamique à l’Université Sorbonne Paris IV et, une année plus tard, au sein de cette même institution, deux Maîtrises successives, l’une en Traduction simultanée et l’autre en Traduction consécutive. En 1995, elle obtient, à l’Université de Georgetown, un Doctorat en Langue et Littérature arabes sur lequel nous n’avons pas trouvé plus de précision en ligne. Après un passage de quatre ans comme Professeure assistante à l’Université Tufts (aux États-Unis), El-Zein rejoint l’Université de Georgetown au Qatar en tant que Professeur associée.

Sa liste de publications scientifique proprement dite, qui comprend deux monographies ainsi que de nombreux articles spécialisés[8], fait elle aussi état de maisons d’édition reconnues, comme les University California Press (aux États-Unis), Routlege (en Grande-Bretagne) ou Brill (aux Pays-Bas).

Par ailleurs, El-Zein compte au nombre de ses travaux scientifiques la traduction d’auteurs réputés tels que le poète Mahmoud Darwich (de l’arabe vers l’anglais), l’écrivain Antonin Artaud (du français vers l’arabe), le critique d’art Gaëtan Picon (du français vers l’arabe) ou le philosophe Benjamin Walter (du français vers l’arabe), démontrant ainsi des connaissances indubitables dans les domaines de la Linguistique et du Comparatisme.

Si l’on se réfère au répertoire Thèses.fr, El-Zein n’a été rapporteur que pour une seule thèse de doctorat en France, à savoir celle d’Aberkane. Mais là encore, comme pour Laude, il ne semble pas anormal qu’une carrière académique accomplie aux États-Unis et au Qatar donne lieu à des suivis de thèses hors du giron français.

Comme déjà mentionné, El-Zein est une polyglotte confirmée, diplômée à la fois en littérature et en traduction, et pratiquant l’arabe, l’anglais et le français avec un haut degré de technicité. Son curriculum vitae démontre en outre que, du Liban, sa carrière l’a menée en France, aux États-Unis et au Qatar, pays dans lesquels sa formation linguistique n’a pu que se parfaire et s’aiguiser.

Au vu de son expertise dans la poésie arabe, de son ancrage au sein des études comparatistes et de ses compétences linguistiques avérées, l’engagement d’El-Zein comme rapporteur de thèse semble, là aussi, tout à fait justifié.

 

d. Jean-Yves Heurtebise (rapporteur)

 

Le domaine d’expertise de Jean-Yves Heurtebise est, de prime abord, plus difficile à établir, ce en raison du caractère hétérogène de ses champs de recherche. Signalons tout d’abord qu’il se présente aujourd’hui comme un sinisant[9], et plus particulièrement comme un spécialiste des relations entre la Chine et l’Occident.

Il est, depuis 2007, Professeur assistant au Département de Français de l’Université catholique FuJen, à Taipei (Taïwan), et Chercheur associé au Centre d’Étude Français sur la Chine Contemporaine (CEFC), à Taipei et à Hong-Kong (en République populaire de Chine), lequel centre est affilié au CNRS ainsi qu’au Département des Affaires étrangères de l’État français. Vous trouverez des informations sur le parcours, les publications et l’actualité scientifique d’Heurtebise sur sa page professionnelle (laquelle présente un curriculum vitae sélectif), sa page Google Scholar, sa page ResearchGate, sa page Academia, son numéro ORCID et sa page Wikimonde.

Heurtebise a soutenu en 2007 une thèse de doctorat préparée à l’Université Aix-Marseille I intitulée Penser la vie : la vie comme liaison. Il semble que celle-ci se situe dans la tradition du Vitalisme, un courant philosophique postulant que les êtres vivants ne se résument ni à leurs propriétés physico-chimiques, ni à leur âme, mais qu’ils sont traversés par un principe vital distinct de la matière.

Faits intéressants : sur sa page LinkedIn, Heurtebise prend soin de préciser que sa thèse a été validée en Histoire et Philosophie des sciences et des technologies. Il en indique de surcroît (en anglais) un titre plus précis et plus complet, à savoir La notion de vie : le rôle des métaphores épistémiques en Sociologie et en Biologie[10]. Trois réflexions s’imposent.

Tout d’abord, s’ils peuvent paraître convergents, les sens respectifs de ces deux titres diffèrent sensiblement. En effet, si le premier, accompagné de son résumé, évoque plutôt la réalité même de la vie, telle qu’elle peut être définie, comme processus dynamique, par des biologistes, des chimistes ou des médecins, le second, lui, désigne la notion de vie, c’est-à-dire son idée ou sa représentation abstraite, telle qu’appréhendée par des philosophes, des littéraires, des linguistes ou tout autre spécialiste faisant profession d’étudier la langue et les concepts.

Ensuite, tel qu’il se présente, ce second titre dessine les contours d’un travail qui consisterait à relever, dans un corpus de textes issus de la Biologie et de la Sociologie, les occurrences du terme “vie”, puis à analyser de manière ciblée celles qui témoigneraient d’un emploi métaphorique, c’est-à-dire imagé, facilitant la transmission d’une connaissance. On remarque que le type de recherche esquissé par le second titre, à mi-chemin entre la littérature (ici l’analyse de tropes[11]) et la philosophie (en particulier l’épistémologie), ne présente a priori aucun point commun avec le résumé publié sur Thèses.fr, ni avec les mots-clefs qui lui sont accolés, tels qu’“individu”, “vie” ou “vitalisme”.

Enfin, notons que ni le résumé précité – qui semble indiquer une réflexion sur le courant philosophique du Vitalisme –, ni le contenu que je déduis du second titre – lequel présage d’une recherche linguistico-littéraire portant sur un certain type de métaphore – ne correspond explicitement aux domaines de l’Histoire ou de la Philosophie des Sciences et des Technologies dont se réclame la mention indiquée sur LinkedIn. En effet, le premier relèverait plutôt de la Philosophie ou de l’Histoire de la Philosophie et le second de la Littérature, de la Linguistique ou de la Sociologie.

Quoi qu’il en soit, deux ans après sa soutenance, Heurtebise bifurque vers un champ de recherche radicalement nouveau, à savoir la Sinologie, sans que ce repositionnement scientifique ne trouve explication dans les différentes notices professionnelles disponibles en ligne. Sur sa page professionnelle, il se présente ainsi comme un comparatiste confrontant « catégories cognitives et représentations culturelles [des] mondes européens et chinois » à travers les prismes de l’histoire de la philosophie, de la pensée environnementale et de l’esthétique du cinéma. Entre 2009 et 2016, il effectue une longue série de séjours de recherche dans différentes Universités chinoises, comme la Tsinghua University, à Pékin (en Chine), ou la National Dong Hwa University, à Hualien (à Taïwan). Ses plus récents projets, stipendiés par le Ministère de la Science et de la Technologie de Taïwan, portent essentiellement sur la réception de la pensée chinoise dans l’Idéalisme allemand.

Sa liste de publications, qui comprend une monographie ainsi qu’une très honorable série d’articles consacrés aux rapports entre Chine et Occident, témoigne de parutions dans des maisons d’édition de référence, à l’instar de Brill (aux Pays-Bas) et de Peter Lang (en Suisse). Ajoutons qu’il a publié un nombre d’articles assez élevé dans la revue à comité de lecture Monde Chinois. Nouvelle Asie (en France), dont il est rédacteur en chef depuis 2017.

Heurtebise a été rapporteur d’une seule thèse française, à savoir celle d’Aberkane. Notons qu’outre son ancrage académique hors de l’Hexagone, il est sensiblement plus jeune que les trois membres du jury présentés plus haut et que, partant, il ne se situe pas au même stade d’avancement de sa carrière[12].

Selon sa page LinkedIn, il dispose de compétences professionnelles complètes en anglais et en allemand, de compétences professionnelles en chinois et, dans une moindre mesure, de connaissances en italien, en latin et en grec ancien. On ne trouve nulle mention d’une éventuelle maîtrise de l’arabe, du persan ou de tout autre idiome propre à la tradition soufie.

Au vu de son premier domaine d’études supposé, à savoir la philosophie vitaliste, de son domaine d’expertise actuelle, soit les rapports entre culture chinoise et culture occidentale, et de ses compétences linguistiques centrées sur des langues européennes ainsi que sur le mandarin, tout indique qu’Heurtebise ne possède pas les compétences pour être rapporteur d’une thèse de doctorat en Littérature comparée traitant de pensée soufie et de poésie anglaise. Dans le présent cas, la seule intersection commune aux deux chercheurs, à savoir l’approche comparatiste[13] entre Orient et Occident, ne suffit pas à justifier la rédaction de ce rapport, les civilisations, les corpus, les langues, les genres littéraires, les époques et les thèmes traités par chacun d’eux étant, au demeurant, tout à fait différents.

Nous ajoutons ici trois faits, présentant selon nous un certain intérêt au regard de l’analyse. D’une part, à supposer qu’elle soit exacte, la page Wikimonde consacrée à Heurtebise fait état de deux collaborations scientifiques avec Aberkane, largement antérieures à la soutenance de thèse. D’abord, ils auraient planché de concert sur une conférence intitulée Kinesthesia and Cognition : Towards the Merleau-Pontian Universes[14], présentée par le seul Aberkane lors d’une École d’été organisée en 2007 par le Center for the Study of Language and Information (CSLI), à l’Université de Stanford (aux États-Unis). Il semble ensuite que, dans le sillage de cette conférence, Heurtebise ait approfondi cette notion d’univers merleau-pontien dans le cadre d’une étude portant sur la danse, laquelle donnera lieu à un article publié en 2011 dans un ouvrage collectif paru aux Éditions Sorbonne Nouvelle : “Penser la danse ou Qu’est-ce qu’un corps? (un Univers Merleau-Pontien)[15]. La chronologie et la nature des rapports d’influence scientifique entre Heurtebise et Aberkane n’étant pas clairement exposées, nous nous bornerons à constater que leur collaboration sur ces domaines que sont la kinesthésie et la philosophie continentale française – sans rapport apparent avec leurs domaines d’expertise premiers –, remonte à 2007[16] au moins, soit à sept ans avant la soutenance d’Aberkane[17].

D’autre part, la section dévolue aux recommandations sur sa page LinkedIn fait état de deux commentaires, tous deux écrits par Aberkane. Ceux-ci, élogieux comme il est de coutume au sein de cette rubrique, sont publiés en 2012 et en 2015, soit respectivement deux ans avant et une année après la soutenance en question. Dans ces commentaires, rédigés en anglais, il y décrit Heurtebise comme un « chercheur exceptionnel dont la pensée dépasse de loin l’éventail d’une érudition encore plus vaste » (2012), laquelle inclurait les courants philosophiques de l’Orient et de l’Occident, les traditions artistiques, le développement durable, la gestion et l’entreprenariat[18]. Il y souligne également ses qualités extraordinaires d’enseignant et de mentor, indiquant que « pour tout ce qu’il sait [lui-même] en philosophie, en esthétique, en éthique et en histoire des civilisations, il y a une très forte probabilité que ce soit […] Heurtebise qui le lui ait d’abord enseigné » (2015)[19].

Enfin, mentionnons qu’Aberkane évoque la trajectoire académique d’Heurtebise dans une vidéo de la chaîne YouTube Myéline publiée en 2020 et intitulée Idriss Aberkane – Éducation nationale, Neuro-spiritualité, Actualités ! (à partir de 4’45), dans laquelle il aborde longuement les dysfonctionnements, réels ou supposés, du système éducatif français. Il y explique qu’Heurtebise, Professeur de philosophie adoré de ses étudiants[20] dans un Lycée marseillais, aurait permis à l’une de ses classes d’obtenir les meilleures moyennes collectives et individuelles au BAC blanc des dix dernières années au sein de son Rectorat[21], ce grâce à une pédagogie ludique et innovante. Son talent et son originalité lui auraient alors valu l’acrimonie d’un inspecteur moins titré que lui, mais habilité par le système à le remettre dans le rang. Aberkane présente le départ d’Heurtebise à Taïwan comme la conséquence d’un manque de reconnaissance de ses mérites pédagogiques, non comme une réorientation scientifique délibérée vers la Sinologie.

De ces trois éléments, on peut déduire que les deux hommes ont développé une collégialité, sinon une amitié de longue date, leur relation personnelle étant déjà bien installée au moment de la soutenance.

 

e. Paul Bourgine[22] (examinateur)

 

Ingénieur spécialisé en économie et en informatique de formation, Paul Bourgine se présente aujourd’hui comme chercheur senior du Campus numérique des systèmes complexes d’UNESCO-UniTwin, dont Aberkane a lui-même été nommé ambassadeur en 2014 par Collet, coordinateur dudit campus et, accessoirement, Président de son jury de thèse. Vous trouverez des informations sur le parcours, les publications et l’actualité scientifique de Bourgine sur sa page LinkedIn, sa page ResearchGate et sa page Google Scholar.

Le parcours de Bourgine n’est pas évident à reconstituer avec précision dans la mesure où nous n’avons pas trouvé de curriculum vitae détaillé[23] en ligne. Si l’on se réfère à sa page LinkedIn, il a d’abord obtenu une Licence en Mathématiques à l’École Polytechnique, à Paris, avant de décrocher une Maîtrise en Économie à l’École nationale du génie rural, des eaux et des forêts, laquelle lui a octroyé le titre d’Ingénieur général des ponts, des eaux et des forêts. Le site IdRef indique qu’il soutient ensuite deux thèses de doctorat. La première, en Ingénierie des systèmes économiques, a été défendue à l’Université Aix-Marseille III, en 1983, sous le titre La contribution à modélisation assistée par ordinateur : systémographie et système expert. Sur la seconde thèse de doctorat, soutenue dans le domaine des Sciences cognitives en 1989, nous ne trouvons d’indication précise sur aucun des sites consultés[24]. Selon sa page LinkedIn, Bourgine défend ensuite une thèse d’Habilitation en Sciences informatiques, vraisemblablement centrée sur l’intelligence artificielle. Si nous ne trouvons pas plus d’informations sur le titre de cette thèse d’État, son année de soutenance ou l’institution dans laquelle elle a été validée, ajoutons que, selon certains résumés d’activités, elle serait en réalité la thèse de 1989 présentée sous la dénomination “PhD” sur la page IdRef. Quoi qu’il en soit, après avoir été Directeur de recherche à l’École Polytechnique entre 1995 et 2010, Bourgine dirige, de 2005 et 2010, l’Institut des Systèmes Complexes de Paris (ISCP) du CNRS et, de 2006 à 2010, le Centre de Recherche en Épistémologie Appliquée (CRÉA) de l’École Polytechnique.

Sa riche liste de publications, essentiellement en anglais, porte sur ses sujets de spécialisation successifs, à savoir les modèles mathématiques, les sciences informatiques, l’environnement et l’intelligence artificielle. Si, faute de connaissance, il nous est impossible de juger de la valeur des revues dans lesquelles il a publié, signalons toutefois que l’indice-h de Bourgine relevé par sa page Google Scholar est de 29 sur une période de 25 ans[25].

Selon le répertoire Thèses.fr, Bourgine a dirigé 19 thèses, toutes – ou presque, nous y reviendrons plus bas – dans ses domaines d’expertise avérés. Nous ne trouvons inventaire explicite de ses connaissances linguistiques nulle part et rien n’indique par ailleurs que, de par son parcours personnel ou académique, il maîtrise l’une des langues orientales liées à la longue tradition soufie.

Au vu de son orientation scientifique, clairement ancrée dans les mathématiques, l’économie, l’informatique et les sciences cognitives, ainsi que de son absence patente de contribution aux disciplines littéraires, il est évident que Bourgine ne dispose pas des connaissances nécessaires à l’évaluation d’une soutenance de troisième cycle préparée dans le domaine de la Littérature comparée en général et de la mystique islamique en particulier.

Sur ce dernier point, ajoutons que Bourgine a également présidé le jury du PhD en Relations internationales et Diplomatie obtenu par Aberkane une année plus tôt, soit en 2013, et qu’il fera partie des examinateurs de la thèse de doctorat en Sciences de gestion soutenue en 2016, soit moins de deux ans après. Il a donc été, impliqué, à un titre ou à un autre, dans les trois diplômes de doctorat décernés à Aberkane sur une période de 3 ans environ[26].

 

f. Pierre Collet[27] (Président du jury)

 

Pierre Collet, spécialiste en Bioinformatique, est Professeur d’Informatique à l’Université de Strasbourg. Vous trouverez des informations sur le parcours, les publications et l’actualité scientifique de Collet sur sa première et sa deuxième pages professionnelles (qui constituent, ensemble, un curriculum vitae détaillé), sa page IdRef, sa page Google Scholar, son numéro ORCID et sa page ResearchGate.

Après une Licence en Linguistique anglaise obtenue en 1989 à l’Université Charles V (aujourd’hui Paris VII), il bifurque et décroche un DEA en Systèmes informatiques en 1990 à l’Université Paris VI. Notons que son curriculum vitae ne mentionne pas la Maîtrise dont l’obtention précédait, à l’époque, la préparation d’un DEA. Après un passage dans le secteur privé de l’aviation, il soutient en 1997 une thèse de Doctorat en Sciences médicales intitulée Système opérationnel de chirurgie assistée par ordinateur pour l’oto-rhino-laryngologie à l’Université Paris-Sud d’Orsay (aujourd’hui Paris-Saclay). Au cours de sa carrière, il devient, entre 2000 et 2003, chercheur au Centre de Mathématiques Appliquées de l’École Polytechnique au sein du projet européen ‘Distributed Research Evolutionary Algorithm Machine’ (DREAM), avant de décrocher un poste de Maître de Conférence à l’Université du Littoral Côte d’Opale. C’est dans cette même institution que, couronnement de sa carrière académique, il soutient en 2004 une thèse d’Habilitation, sur laquelle nous ne trouvons, en ligne, aucune information précise, ce avant que d’être nommé en 2007 Professeur à l’Université de Strasbourg, où il fondera le Campus Numérique des Systèmes Complexes (CNSC).

Arrêtons-nous un instant sur ce parcours, et plus particulièrement sur la première étape de ces études que constituera l’obtention d’une Licence en Linguistique anglaise. Si ce passage dans le domaine des Lettres peut, à première vue, détonner au sein d’un parcours scientifique exclusivement dédié à la Bioinformatique, il faut entendre que la Linguistique constitue une branche dans certains cas moins proche de la Littérature que de la Logique, de la Statistique et, plus généralement, des outils informatiques que celles-ci requièrent volontiers. Quoi qu’il en soit, nous relevons que son domaine de Licence jette un pont, plus ou moins ténu, vers la thèse de doctorat d’Aberkane, laquelle se concentre pour partie sur la poésie anglaise de la fin du 19e siècle. Nous reviendrons sur cet élément dans la suite de notre analyse.

Comme tout chercheur affilié aux sciences formelles, Collet publie essentiellement en anglais. Sa vaste bibliographie, dont nous ne pouvons, là aussi, décemment juger, porte bien sur ses disciplines de prédilection, à savoir, par exemple, la médecine assistée par ordinateur, l’automatique et les systèmes complexes. Signalons que la page Google Scholar de Collet fait état d’un indice-h de 25 sur une période de 19 ans.

Selon le répertoire Thèses.fr, il a dirigé ou dirige encore 6 thèses de doctorat, toutes dans ses domaines d’expertise.

Si, comme pour Bourgine, rien n’indique que Collet maîtrise l’arabe, le persan ou tout autre idiome ayant façonné la pensée soufie, nous relevons, une fois encore, un diplôme de premier cycle lui ayant peut-être octroyé une connaissance affinée de l’anglais, l’une des langues principales du corpus d’Aberkane.

Avant que de formuler une conclusion quant à la légitimité de Collet au sein de ce jury de thèse, commençons par rappeler que celui-ci y endosse le rôle particulier de Président, ce qui signifie que, bien qu’apte à prendre part aux échanges, à interroger le candidat sur son travail et, surtout, à formuler un verdict dans le cadre des délibérations qui président à la déclaration du résultat, sa fonction première consiste à gérer le bon déroulement de la séance en veillant au respect de la procédure formelle. On peut donc supposer que, contrairement aux directeurs de thèse – qui encadrent le travail écrit –, aux rapporteurs – qui jugent de sa qualité dans des rapports signés – et aux examinateurs – évaluant le niveau de la soutenance et la capacité du candidat à répondre aux objections –, le Président assume une position légèrement en retrait. Ainsi, il arrive que, dans des jurys d’excellente tenue, la présidence soit prise en charge par un chercheur possédant une expertise voisine de celle du doctorant ; au vu du contenu de la thèse ici discutée, un Président médiéviste arabisant, orientaliste historien des religions ou spécialiste de poésie italienne ou française[28] eût été tout à fait indiqué. En revanche, nous n’avions, jusqu’à ce jour, jamais eu connaissance d’un Président de jury relevant d’une autre Faculté que celle du doctorant et de son directeur de thèse[29].

Ces précautions formulées, il appert qu’eu égard à une carrière charpentée dans le domaine de la Bioinformatique et nonobstant un bref passage, en tout début de parcours, par la Linguistique anglaise, la présence de Collet au sein d’une soutenance validée en Littérature comparée se justifie mal, sinon pas du tout.

À ce sujet, dans une vidéo, publiée en 2022, intitulée Le Zététicien est-il fiable ? Spoiler : Non pas vraiment, Aberkane décrit Collet comme un linguiste « très compétent » (à partir de 36’27). Sans remettre en cause la qualité du diplôme obtenu par ce dernier en 1989, il est hautement improbable que quiconque, au sein de l’institution universitaire, attribue cette qualité à un étudiant de premier cycle. Car en effet, ce ne sont pas les diplômes qui, par eux-mêmes, prouvent une expertise, mais l’acquisition de connaissances approfondies, dont les certifications ne sont, in fine, que l’expression la plus tangible. De ce fait, un bref détour par la Linguistique anglaise accompli dans le cadre d’un diplôme de premier cycle obtenu un quart de siècle plus tôt ne saurait valider l’implication dans une expertise de haut niveau, surtout quand on sait quel vivier de spécialistes eût pu offrir à ce jury le seul Groupe d’études orientales, slaves et néo-hellénique de l’Université de Strasbourg.

À cet égard, nous aimerions soulever trois points. Tout d’abord, si Collet n’a dirigé en France que des thèses relevant de son expertise, il a été impliqué à trois reprises en tout dans des soutenances hors de son champ d’études : d’abord, la thèse en Littérature comparée sur laquelle porte le présent article ; ensuite, et comme Bourgine, la thèse en Sciences de gestion soutenue en 2016 par le même Aberkane, dont il fut alors le rapporteur ; et enfin – fait intéressant –, une thèse en Études méditerranéennes et orientales soutenue en 2014 par un dénommé Messaouda Mechelfekh sous le titre L’Islam spirituel contemporain au travers d’Internet : interactions, modélisation et prospective, et dont il fut, là aussi, le Président du jury. Si l’on se penche sur ledit jury, on (re)trouve, à la direction, Geoffroy (co-directeur de la thèse en Lettres d’Aberkane) et, aux rapports, l’islamologue Pierre Lory, Directeur d’études à l’École Pratique des Hautes Études, à Paris, et… Cyrille Bertelle, Professeur en Sciences informatiques à l’Université Le Havre Normandie, spécialisé dans la modélisation des systèmes complexes. Avec Mechelfekh, nous atterrissons donc sur une situation analogue à celle d’Aberkane, soit sur un jury hybride mêlant experts avérés d’un côté (Geoffroy et Lory) et, de l’autre, chercheurs sans rapport aucun ni avec le sujet, ni avec le domaine plus large dans lequel il s’inscrit (Collet et Bertelle).

Ensuite, dans sa vidéo intitulée Le Zététicien est-il fiable ? Spoiler : Non pas vraiment, Aberkane prétend (à partir de 38’25) que Collet serait déjà intervenu « dans des jurys en Littérature comparée » et Bourgine, de son côté, « dans des thèses en Sciences humaines ». Analyse faite des listes compilées sur le catalogue Thèses.fr, il appert que cette assertion est erronée, à deux exceptions près. Pour ce qui est de Collet, nous trouvons la thèse de Mechelfeck susmentionnée, laquelle ne touche cependant pas au domaine de la Littérature comparée, mais à la présence et à la diffusion de l’Islam sur les réseaux sociaux. Quant à Bourgine, il a bien encadré le travail d’un Ingénieur nommé Jean-Philippe Cointet, auteur d’une thèse, en 2009, intitulée Dynamiques sociales et sémantiques dans les communautés de savoirs : morphogenèse et diffusion[30]. Celle-ci, effectivement validée en Humanités et Sciences sociales selon la page IdRef de son auteur, se situe en fait à l’intersection entre analyse computationnelle et sociologie. Si Collet et Bourgine ont été investis, à un titre ou à un autre, dans des thèses (au pluriel) en Littérature comparée ou en Sciences humaines, ce n’est donc vraisemblablement pas en France.

À ce sujet et pour répondre à Aberkane, le fait que des spécialistes en mathématiques, en économie ou en informatique puissent régulièrement siéger dans des soutenances de thèses en Lettres ne plaiderait pas en faveur de leur expertise dans le domaine – la soutenance n’étant pas un lieu de formation pour les membres du jury –, mais constituerait le signe, inquiétant, d’un dysfonctionnement institutionnel bien installé.

Enfin, Collet mentionne dans son curriculum vitae qu’il est, avec Bourgine et Bertelle, le créateur du réseau virtuel UniTwin Campus Numérique des Systèmes Complexes validé par l’UNESCO, dont l’un des principaux but réside dans la promotion d’« un système intégré d’activités de recherche, formation, information et documentation dans le domaine de la science et de l’ingénierie des systèmes complexes ». Comme déjà évoqué, c’est bien de ce réseau qu’Aberkane, qui n’est pourtant pas ingénieur et qui n’a, semble-il, suivi aucune formation diplômante en mathématiques ou en informatique, a été nommé ambassadeur par Collet en 2014.

Il semble donc que Bourgine, Collet, Bertelle et Aberkane appartiennent tous, sinon aux mêmes champs de recherche, du moins à un réseau professionnel et amical commun, lequel préexistait à la soutenance ici examinée.

 

Synthèse

 

Au regard de l’ensemble des éléments présentés dans cette première partie, il apparaît clairement que, comme nous l’avons relevé plus haut pour Mechelfekh, le jury de la thèse soutenue par Aberkane en 2014 se présente sous une forme hybride. En effet, 3 des 6 membres, à savoir Geoffroy, Laude et El-Zein, témoignent d’une indubitable expertise dans les domaines de la civilisation arabe, de la tradition soufie et de leur réception par les auteurs occidentaux. En revanche, s’ils sont à n’en pas douter compétents dans leurs domaines respectifs, les 3 autres membres, à savoir Heurtebise, Bourgine et Collet, ne disposent ni de la formation, ni des connaissances requises pour juger des mérites d’un travail portant sur la spiritualité islamique, la poésie anglaise et les connexions établies entre elles deux à la fin du 19e siècle.

Trois faits sont ici à relever. D’une part, le groupe des rapporteurs, composé d’El-Zein et d’Heurtebise, répercute, en miniature, ce même caractère hétérogène, un seul rapport ayant été in fine rédigé par une spécialiste confirmée.

D’autre part, et le fait n’est pas de moindre importance, le règlement de l’École doctorale concernée exclut les directeurs de thèse[31] de la traditionnelle délibération prenant place en fin de soutenance. Il en ressort donc que, des membres autorisés à participer à l’évaluation finale, seule El-Zein disposait de l’expertise attendue, Heurtebise, Bourgine et Collet relevant de disciplines sans rapport avec le travail jugé.

Enfin, on peut s’étonner qu’eu égard à l’optique comparatiste revendiquée par cette thèse, le jury ne comprenne aucun spécialiste de Littérature anglaise ou américaine, Aberkane résumant lui-même son travail comme la recherche et l’analyse des indices de la pensée soufie au sein de The Kasidah (1880), de l’explorateur arabisant britannique Richard F. Burton, et de The Waste Land (1922), du grand poète américain T. S. Eliot. Sachant que les co-directeurs démontrent une expertise réelle de la mystique soufie, quel besoin d’introduire dans ce jury un sinologue, un économiste et un informaticien quand un angliciste reconnu eût été plus que bienvenu ?

 

III. La composition formelle du jury

 

Si l’on se réfère aux directives publiées par l’École doctorale des Humanités de l’Université de Strasbourg dont dépend Aberkane dans le cadre de sa thèse en Lettres, les conditions nécessaires à l’établissement du jury sont respectées :

A. Le jury doit être composé de 4 à 8 membres.
→ Le jury en comprend 6.

B. La moitié du Jury au moins doit être composée de Professeurs ou assimilés.
→ Le jury en comprend 5, à savoir Geoffroy, Laude, El-Zein, Heurtebise et Collet. Directeur de recherche habilité, Bourgine peut, sans nul doute, être assimilé à un Professeur.

C. La moitié du jury doit être composée de chercheurs extérieurs à l’École doctorale, au Collège doctoral et à l’ensemble des établissements du site de Université de Strasbourg.
→ Le jury en comprend 3, soit El-Zein, Heurtebise et Bourgine, le co-Directeur externe, en l’occurrence Laude, étant dans ce cas considéré comme un interne de par son engagement dans la préparation de la thèse, ce quelle que soit son affiliation académique effective.

D. Dans la mesure du possible, le jury doit inclure un nombre équilibré d’hommes et de femmes.
→ Ce point n’est pas respecté, le jury comprenant 5 hommes contre 1 femme. Cependant, cette condition étant présentée comme souhaitable sans être obligatoire, son non-respect ne constitue pas une dérogation aux exigences formelles de la composition du jury.

E. Le Président du jury doit être Professeur ou assimilé.
→ C’est le cas, puisque Collet est Professeur à l’Université de Strasbourg.

F. Les rapporteurs doivent :

  1. être habilités à diriger des recherches ou disposer d’un niveau équivalent ;
    → À notre connaissance, ni El-Zein, ni Heurtebise ne disposent d’une Habilitation. Toutefois, dans la mesure où ils effectuent leur carrière sur d’autres continents, sur lesquels le diplôme d’Habilitation n’a sans doute pas cours, et où tous deux ont été nommés Professeurs au sein de leurs institutions respectives, on peut raisonnablement considérer qu’ils possèdent le niveau équivalent requis.
  2. être externes à l’équipe d’encadrement, au projet doctoral, à l’École doctorale et à l’ensemble du site de l’Université de Strasbourg. ;
    → C’est le cas, puisqu’El-Zein évolue au Qatar et Heurtebise à Taïwan.
  3. ne pas avoir de co-publication commune avec le doctorant ;
    → À notre connaissance, c’est effectivement le cas pour l’un et pour l’autre et, si Heurtebise et Aberkane ont pu collaborer avant la soutenance, il semble qu’ils n’aient en revanche jamais co-signé d’article.

 

IV. La formation doctorale : le parcours du combattant

 

La voie de la recherche constitue, dès l’étape du doctorat, un cursus honorum possédant ses passages obligés, ses épreuves cycliques et ses figures imposées, soit un ensemble de contraintes plus ou moins explicites ne se résumant pas, loin s’en faut, à la rédaction du pensum final. Dans le présent cas, nous nous pencherons donc non pas sur la thèse elle-même, mais sur ces tâches et ces devoirs connexes, lesquels, accomplis qui dans la joie, qui dans l’abnégation, jalonnent toute formation doctorale de qualité.

 

Cohérence et transition

 

Dans le cadre de cette analyse, nous nous référons aux 6 documents suivants : d’abord, le curriculum vitae commenté et la liste de publications disponibles sur le site d’Aberkane, ensuite, les deux vidéos publiées en 2022 sur sa chaîne YouTube, soit Je BALAYE quelques youtubeurs racistes et putaclic et Le Zététicien est-il fiable? Spoiler : Non pas vraiment, enfin, les deux vidéos mises en ligne à la même période par la Tronche en Biais, à savoir Le CV HYPERtruqué d’Idriss Aberkane et Le bluff et le déshonneur d’Idriss Aberkane.

Lorsque l’on examine le parcours d’Aberkane dans son ensemble, le premier point qui ne laisse de surprendre est que celui-ci est passé d’un Master 2 en Biologie à une thèse de Doctorat en Littérature comparée sans qu’aucune transition scientifique ne s’opère entre ces deux phases de son parcours intellectuel et académique. Comme tout un chacun le sait désormais, après avoir obtenu un DEUG en Sciences et technologie avec mention Sciences de la vie[32], en 2005, à l’Université Paris-Sud d’Orsay (aujourd’hui Paris-Saclay), Aberkane décroche un Master 1 en Neurosciences cognitives, en 2008, à l’École Normale Supérieure de Paris, puis un Master 2 Recherche en Approches interdisciplinaires du Vivant, en 2009, à l’Université Paris-Descartes. Entre l’achèvement de son DEUG et le début de son Master 1, Aberkane effectue deux séjours d’études[33] à l’étranger : l’un en 2006, à l’Université de Cambridge (en Grande-Bretagne), au Département de Psychologie expérimentale, l’autre en 2007, à l’Université de Stanford (aux États-Unis), au Département de Mathématiques. Enfin, nanti de son Master 2, il retourne en 2009 à l’Université de Cambridge, où il participe à un travail de recherche publié en Psycho-acoustique. Pour résumer, de 2004 à 2009, soit jusqu’au niveau du Master 2, Aberkane se consacre, avec succès, à des domaines scientifiques sans rapport aucun avec les Humanités, à savoir et pour résumer, la Biologie, les Sciences cognitives et la Psychologie.

Dans le monde universitaire, les réorientations, quoique minoritaires, ne sont pas si rares, comme nous l’avons vu, à des degrés divers, avec les parcours d’Heurtebise, de Bourgine et de Collet. Cependant, les exemples offerts par ces chercheurs tranchent avec le cas d’Aberkane en plusieurs points. Par exemple, passant de la Philosophie des Sciences, durant sa thèse, à la Sinologie, une fois celle-ci achevée, Heurtebise poursuit sa formation sans s’extirper du vaste domaine des Lettres. Par ailleurs, en cohérence avec son nouveau champ d’études, son parcours post-doctoral se déroule, dès 2009, en Asie, et plus particulièrement sur des territoires chinois où il a dès lors tout loisir d’apprendre le mandarin, de se plonger dans la culture chinoise et, plus généralement, de s’atteler au vaste champ d’étude qu’est la Sinologie. De son côté, si Bourgine s’est successivement dirigé vers l’Économie et les Sciences cognitives, on constate que sa carrière prend racine dans les Mathématiques, celles-ci constituant le terreau commun de deux disciplines ultérieures apparemment sans rapport, mais qui en forment, en réalité, de possibles floraisons. Quant à Collet, s’il effectue en effet un saut de Faculté en passant d’une Licence en Linguistique anglaise à un DEA en Bioinformatique, il faut noter, tout d’abord, la précocité d’une réorientation intervenue vers l’âge de 23 ans et, ensuite, l’homogénéité du parcours de spécialisation qui suivra, et ce jusqu’à aujourd’hui.

Dans le présent cas, la situation est toute autre. Le premier point, qui interpellera tout chercheur en Lettres, vient de ce qu’Aberkane passe sans transition aucune d’une formation relativement poussée en Sciences du vivant, et donc en Biologie, à un cursus de thèse en Littératures anglaise et arabe. Comme évoqué plus haut, le sujet de sa thèse de doctorat mobilise, pour le fond, des connaissances poussées en Islamologie, Histoire de la civilisation arabe et Poésie anglaise et, sur la méthode, une maîtrise du comparatisme littéraire et historique. La transition entre les deux champs de recherche exige un apprentissage plus ou moins important, lequel pourrait reposer, selon les cas, sur des diplômes complémentaires, des séjours d’études dans des Universités étrangères, des certifications dans les langues nécessaires ou, de manière moins codifiée, un engagement régulier dans les cours et les séminaires accompagnant le parcours de thèse.

Précisons un élément d’importance. Nous ne pointons pas ici une obligation formelle de l’institution – dont, au cas d’espèce, nous ne connaissons pas les exigences s’agissant d’une inscription en doctorat – à laquelle Aberkane aurait trouvé à se soustraire malignement, mais un principe de cohérence et de qualité scientifiques garantissant, dès ses prémices, le niveau de la thèse en jeu. Imaginons, à titre d’expérience de pensée, qu’Aberkane ait effectué le trajet inverse et que, de son DEUG à son Master 2, il se soit spécialisé en Islamologie ou en Littérature anglaise, séjours d’études à l’étranger à l’appui. Partirait-on alors du principe que ces études, certes sérieuses et reconnues, l’auraient habilité à se lancer sans autre forme de transition dans un doctorat en Biologie, au même titre que tout titulaire d’un Master 2 en Sciences du vivant ? Quoi qu’il en soit, et c’est un point sur lequel nous reviendrons plus bas, si la rédaction, puis la validation d’un doctorat en Littérature comparée ont été possibles sans propédeutique sérieux, Aberkane n’est pas, par lui-même, responsable de la situation. Tout au plus peut-on faire le constat d’un manque d’investissement dans l’apprentissage de connaissances et de techniques dans lesquelles il visait pourtant une expertise scientifique de haut niveau.

Deuxième point : dans une vidéo de la chaîne YouTube Les Incorrectibles, intitulée L’entretien garanti sans censure d’Idriss Aberkane ! et publiée en 2022, ce dernier explique au journaliste Éric Morillot que « malheureusement, [il] ne compren[d] qu’un tout petit peu l’arabe » (à partir de 3’53), lacune qu’il souhaite du reste combler à l’avenir. Or, dans le cadre d’un parcours de doctorat en Lettres, il est en principe considéré comme indispensable, sinon de maîtriser, du moins de connaître, fût-ce passivement, les langues de son corpus principal. En ce cas, deux options s’offrent au doctorant : soit, de par sa vie ou de par sa formation première, il connaît déjà les langues en question au moment de son entrée en thèse et il n’aura plus dès lors qu’à muscler et à affiner ses compétences au gré de ses recherches, soit il ne les connaît pas encore et, dans ce cas, charge à lui d’acquérir un niveau acceptable au moins, en suivant des cours, en participant à des séminaires et en effectuant des séjours linguistiques (souvent combinables avec la recherche de fond)[34].

Les raisons de cette exigence sont simples : lorsqu’un chercheur fait profession de lire et d’analyser des textes, il est indispensable, pour la qualité de son travail, qu’il dispose d’un accès direct à son corpus et qu’il puisse ainsi juger de la qualité des traductions de référence. Sans cela, il reste dépendant de la médiation d’autres chercheurs et, partant, des partis pris, des biais ou des erreurs que répercutent leurs traductions, ce quels que soient par ailleurs leurs mérites objectifs. En maîtrisant les langues utiles à son projet, le doctorant établit un rapport direct, pour ne pas dire intime, avec les textes, prend du recul quant aux traductions déjà produites et, dans certains cas, propose dans sa thèse une version personnelle, fût-elle partielle, du corpus original.

Ainsi, si nous ne doutons pas qu’une formation première dans une branche comme la Biologie incluant plusieurs séjours d’études accomplis dans des Universités anglophones lui ait octroyé un bon niveau d’anglais, tout indique en revanche qu’une fois son Master 2 en poche, Aberkane n’a pas engagé ce parcours d’apprentissage, que ce soit pour l’arabe en premier lieu, mais aussi pour le persan, le turc ou tout idiome historiquement lié aux évolutions du Soufisme.

 

Pendant la thèse, autour de la thèse

 

La préparation d’une thèse de doctorat ne se limite pas à l’insularité d’une recherche de fond : elle peut inclure, selon les parcours, une participation active à des groupes de lecture, des séminaires, des écoles doctorales et des colloques, la co-organisation de rencontres scientifiques (officielles ou informelles), un travail de soutien logistique ou éditorial au sein de différentes unités de recherche, une activité pédagogique d’enseignement ou d’encadrement pour des étudiants de premier cycle, des séjours de recherche dans des Universités ou des Archives étrangères et, bien évidemment, la publication d’articles dans des ouvrages collectifs et des revues à comité de lecture.

Il est difficile, sinon impossible, d’établir le profil type du doctorant en Lettres, l’implication dans ces activités académiques et scientifiques différant de beaucoup selon la motivation personnelle, les financements, la liberté de mouvement, la disponibilité[35], les opportunités et les soutiens en tous genres émanant de la communauté scientifique. En revanche, il est certain qu’une vaste majorité de doctorants présentent au moins entre un et trois exposés extraits de leur travail en cours, si possible face à des experts de leur discipline, et qu’ils tentent de surcroît de publier en parallèle au moins un ou deux articles dans un ouvrage collectif ou, mieux encore, dans une revue à comité de lecture, le but étant – outre l’éventuelle poursuite d’une carrière académique au long cours –, la validation progressive de leur travail de thèse.

C’est à l’examen de l’ensemble de ces activités, connexes au travail de thèse, que nous nous consacrerons à présent. Nous commençons par souligner que, d’évidence, nous ne pouvons nous référer qu’aux informations accessibles en ligne et que les constats ici formulés ne valent que sous réserve de compléments et de corrections ultérieurs.

Sur le plan des présentations scientifiques, ni la section ‘Conférences’, ni le curriculum vitae commenté du site personnel d’Aberkane ne font état d’exposés scientifiques tenus entre 2009 et 2014 sur le Soufisme ou la poésie anglaise. Dans sa vidéo intitulée Le Zététicien est-il fiable ? Spoiler : Non pas vraiment, Aberkane évoque (à partir de 38’46) une conférence donnée au Collège international de philosophie : cependant, il n’en fait pas état sur son site et nous n’en avons, de nous-même, trouvé aucune trace en ligne[36].

Sur le plan des parutions, nous relevons bien 2 publications présentant un lien plus ou moins évident avec la thèse littéraire. Tout d’abord, un article rédigé en anglais et intitulé “Yin or Yang ? China and the Muslim world” (répertorié sous le numéro 21 dans sa liste de publications), paru dans la revue britannique E-International Relations en 2011. Cet article traite de la situation des minorités musulmanes en Chine. Nous aimerions, à ce sujet, soulever trois points.

D’une part, Aberkane indique qu’il aurait été publié en 2009, alors que le site de la revue mentionne quant à lui l’année 2011.

D’autre part, et plus important, la revue elle-même fait précéder l’article d’une mise en garde scientifique que nous reproduisons ici in extenso :

« Ce contenu a initialement été rédigé pour un programme de premier cycle ou de Master. Nous le publions comme une partie de notre mission qui consiste à valoriser les papiers de premier plan (peer-leading) d’étudiants durant leurs études. Ce travail peut être utilisé comme base de lecture et de recherche, mais ne devrait en aucun cas être cité comme une source experte ou utilisé en lieu et place d’articles ou de livres. »[37]

Cet avertissement se double d’une mention en fin d’article (p. 16), selon laquelle ce travail aurait été rendu en premier lieu en 2010 à Brendan Simms, Professeur d’Histoire des Relations internationales à l’Université de Cambridge et spécialisé dans la question allemande, l’Europe et les interventions humanitaires. Ces deux éléments nous conduisent à conclure que, si la revue semble jouir d’une bonne réputation, tant chez les chercheurs politologues que dans la presse économique de haut niveau, c’est en tant qu’étudiant qu’Aberkane y a publié un travail de séminaire, probablement sans en passer par l’astreignante procédure de revue par les pairs telle que l’entend le monde académique[38]. En effet, quel que soit l’âge ou le niveau d’avancement de son auteur, un texte qui traverserait la double épreuve de deux ou trois rapports anonymes rédigés par des experts exigeants et des multiples tours de révision qui en découlent en cas de préavis favorable aurait intégré de plein droit le rang des publications scientifiques de haut niveau, sans faire l’objet d’une telle mise en garde.

Enfin, il est intéressant de constater que l’ensemble des informations livrées en fin d’article sur le contexte académique de la rédaction brouille les pistes, rendant son ancrage dans une thèse en Littérature comparée relativement illisible. D’une, parce que, s’il se présente bien comme affilié au Groupe d’études orientales de l’Université de Strasbourg (ainsi qu’au Centre d’Études Diplomatiques et Stratégiques, à Paris), le texte, comme déjà mentionné, a été initialement rendu au Professeur Simms lors d’un séjour à l’Université de Cambridge sans rapport aucun avec la spiritualité soufie ou la littérature anglaise. De deux, car, dans la courte notice professionnelle qui clôt l’article (p. 16), Aberkane est décrit comme un chef d’entreprise et un chercheur en neuro-ergonomie affilié au Kozmetsky Global Collaboratory, sis à Stanford, ainsi qu’au Campus Digital des Systèmes Complexes Unitwin de l’UNESCO et dont les activités pédagogiques se concentrent sur l’économie et la géopolitique de la connaissance : de son travail de thèse en Littérature comparée, il n’est, ici, point fait mention.

Entendons-nous bien : on ne peut considérer la publication d’un travail de séminaire écrit en langue étrangère par un jeune doctorant dans la section estudiantine d’un journal reconnu que comme une distinction. Sur ce point, il n’y a rien à redire et nous connaissons beaucoup d’étudiants qui seraient fiers de bénéficier d’une telle opportunité. En revanche, au vu de l’analyse ici menée, il semble erroné de brandir ladite publication comme une preuve d’article revu par les pairs produit en lien avec une thèse de doctorat en Littérature comparée : ni le thème choisi, ni la procédure vraisemblable de sélection, ni les informations biographiques accompagnant le texte ne confirment un tel rapport entre les deux travaux.

La deuxième publication est un article paru, en 2011 également, dans la revue française Horizons maghrébins-Le droit à la mémoire sous le titre “ »Ortolano Eterno« – Invariants soufis dans la métaphysique des lettres modernes” (répertorié sous le numéro 19 dans sa liste de publications). Si nous n’avons pu consulter l’article, il paraît toutefois évident que son thème le relie au sujet de thèse d’Aberkane et que, de ce fait, il en constitue un travail préparatoire pertinent. Relevons ici trois points.

Tout d’abord, si la revue, publiée par les Presses Universitaires du Midi, présente un caractère scientifique indéniable, rien n’indique clairement qu’elle recoure à l’évaluation par les pairs en double aveugle. À cet égard, nous constatons que Geoffroy et Laude sont impliqués dans la parution de ce numéro, le premier en tant que directeur de publication, le second en tant que contributeur[39]. Sans certitude aucune, formulons l’hypothèse qu’Aberkane a, dans ce cas, bénéficié de l’invitation de son Directeur de thèse à publier un premier article en Littérature comparée dans une revue sérieuse et précisons dans la foulée que, le cas échéant, le fait ne serait ni rare, ni immoral : un Professeur désireux de soutenir un étudiant ou un jeune chercheur dans l’élaboration de sa carrière communiquera volontiers son nom à des collègues organisateurs d’un colloque ou fera en sorte, si l’occasion se présente, que celui-ci obtienne ses premières occasions de publication dans des ouvrages collectifs ou dans des revues thématiques pertinentes pour son sujet.

Au vu des éléments ici mentionnés, ce second article, quel qu’ait été son mode de publication, semble donc bel et bien à mettre au crédit de son engagement dans un travail de thèse en Littérature comparée.

Il est à ce sujet intéressant de remarquer que, dans ladite thèse (p. 237), Aberkane ne cite aucun des deux articles susmentionnés, mais un texte de vulgarisation sur les Neurosciences (“Apports de la neuropsychologie : des sciences… bientôt des technologies de la mémoire”, en 2009) et un article scientifique sur la didactique des Mathématiques (“Valorisation du background dans l’apprentissage des mathématiques : approche conceptique”, co-écrit avec Cédric Saule, en 2009 également).

Nous signalons encore que, des 4 articles qu’Aberkane a publiés entre 2008 et 2019 dans la revue universitaire québécoise Sens Public (dont nous n’avons pu déterminer clairement la procédure de sélection), 2 textes paraissent présenter un lien avec son sujet de thèse : “De la guerre à la guerre dans la géopolitique moderne” (répertorié sous le numéro 20 dans sa liste de publications), en 2010, dans lequel il se penche, entre autres, sur le maître soufi Idries Schah, et “Grandeur d’âme et désagrégation du moi” (répertorié sous le numéro 13 dans sa liste de publications), en 2018, où il revient sur le corpus de poètes anglophones traités dans le cadre de sa thèse. Cependant, le premier semble en réalité sans rapport aucun avec le sujet de la recherche doctorale puisque, combinant les œuvres d’un écrivain et d’un neurobiologiste, Aberkane entend proposer « une dimension nouvelle consistant à modéliser les conflits [armés ou économiques] comme des entités autonomes que l’on peut cibler et détruire ». Quant au second, il paraît en 2018, soit 4 ans après sa soutenance, et n’intègre donc pas ici la liste des publications ayant accompagné le processus doctoral proprement dit. Enfin, nous signalons, à titre plus anecdotique que, comme pour “Yin or Yang ? China and the Muslim world”, Aberkane mentionne des dates de publication erronées pour chacun de ces deux articles, puisqu’il indique 2010 (au lieu de 2005) pour le premier et 2015 (au lieu de 2018) pour le second.

En conclusion, il semble raisonnable de considérer que, durant la période de préparation de sa thèse en Littérature comparée, Aberkane a publié, sans doute à l’initiative de son Directeur de recherche et peut-être hors procédure de sélection en double-aveugle, un article dans une revue scientifique établie ; article que, pour des raisons que nous ignorons, il ne citera finalement pas dans ladite thèse. Si, entre 2009 et 2014, Aberkane a publié dans des revues ou des ouvrages scientifiques d’autres articles, de quelque nature que ce soit, sur la mystique soufie, la poésie anglaise ou le rapport qu’elles entretiennent entre la fin 19e siècle et le début du 20e siècle, nous n’en avons trouvé trace ni sur son site, ni ailleurs.

Enfin, sur le plan des séjours de recherche à l’étranger qui jalonnent les parcours de thèse en Lettres, particulièrement lorsque ceux-ci se situent au carrefour de plusieurs langues, nous n’en trouvons aucune trace ni sur le site d’Aberkane, qui ne mentionne que ses passages à Cambridge, en 2005 et 2009 et à Stanford, en 2007, ni sur internet. Ce fait est ici d’autant plus surprenant que le doctorant étant alors suivi par deux Professeurs évoluant dans des univers académiques différents, il aurait pu profiter de l’occasion pour effectuer des séjours, ponctuels ou de longue durée, soit à l’Université de Georgetown aux États-Unis, soit à l’Université de Georgetown aux Qatar, notamment pour y approfondir ses connaissances en anglais et en arabe. C’est d’ailleurs entre autres dans cette optique de mobilité scientifique que s’établissent, bien souvent, les co-directions de thèse.

 

Synthèse

 

Pour conclure l’ensemble de cette analyse et sous toute réserve d’informations complémentaires, nous dirons qu’entre 2009 et 2014, Aberkane semble n’avoir effectué aucune présentation, en contexte académique, de sa recherche en Littérature comparée, ni aucun séjour de recherche littéraire ou linguistique à l’étranger, mais qu’il a publié un article scientifique, dont nous ne savons s’il a été revu par les pairs, dans un numéro coordonné par son Directeur de thèse.

Sans être disqualifiante, la paucité apparente de l’investissement scientifique et académique d’Aberkane dans ce doctorat en Lettres soulève question quant au niveau d’expertise acquis durant son processus d’élaboration.

 

V. Questions et hypothèses

 

L’ensemble des constats formulés à partir de la composition scientifique du jury et du parcours doctoral d’Aberkane soulève un certain nombre d’interrogations, que nous présentons ci-après de manière synthétique.

  1. La composition du jury est en principe décidée de concert par le Directeur de thèse et son doctorant, lesquels cherchent à établir un collège équilibré de spécialistes compétents sur le sujet avec qui, dans bien des cas, une relation scientifique aura été préalablement établie grâce à des colloques, des publications, des séjours de recherche ou, plus simplement, des échanges informels initiés par l’étudiant. Cela étant dit, le jury d’Aberkane semble, au regard des informations colligées, répondre à deux principes de formation distincts. D’un côté, on peut imaginer qu’El-Zein, arabisante confirmée et collègue immédiate de Laude à l’Université de Georgetown au Qatar, a été sollicitée par les deux encadrants en raison de son expertise bien réelle sur le sujet. En revanche, pour les raisons longuement détaillées plus haut, la présence d’Heurtebise, de Bourgine et de Collet s’explique beaucoup plus difficilement. Au vu des rapports amicaux vraisemblablement entretenus par chacun d’eux avec Aberkane dès avant la soutenance, supposons que c’est ce dernier qui soumettra leurs noms à ses deux co-directeurs – dont on voit mal comment, en spécialistes authentiques de la pensée soufie, ils en seraient venus à solliciter spontanément un sinologue, un ingénieur et un informaticien. La question qui subsiste est la suivante : si notre hypothèse s’avère, pourquoi ont-ils accepté une proposition qui ne pouvait que décrédibiliser la qualité de l’évaluation de la thèse et, partant, celle de leur travail propre ?
  2. L’organisation de la soutenance de thèse constitue un processus en plusieurs étapes, censé garantir l’impartialité de l’évaluation, tant pour le doctorant lui-même que pour l’institution. D’abord, le travail doit être considéré par le directeur de thèse comme digne d’être soutenu. Sur ce point, nous nous exprimerons dans le second volet de notre étude. Ensuite, le doctorant est contraint, deux mois avant la soutenance, de déposer auprès de son École doctorale le nom des membres du jury proposés par le Directeur de thèse. La proposition doit alors être successivement validée par l’École doctorale elle-même et par le Pôle scolaire de l’École doctorale. Ce n’est qu’au tamis de ce triple maillage – impliquant, au cas d’espèce, le Directeur de thèse, l’École doctorale et le Pôle scolaire – que, sous réserve d’acceptation, le jury de thèse sera confirmé. La question est alors la suivante : comment les deux instances académiques, qui n’entretenaient probablement aucune relation personnelle avec Aberkane, ont-elles pu accepter un jury pour moitié composé de non-spécialistes, sachant que seul l’un des rapporteurs (soit El-Zein) disposait des compétences requises et que, les co-directeurs n’étant pas partie prenante des délibérations, ces dernières n’incluraient alors qu’un unique expert (à savoir El-Zein toujours) ?
  3. Selon toute vraisemblance, Geoffroy et Laude sont des spécialistes de haut niveau qui, possédant une expertise réelle sur la civilisation arabo-musulmane, saisissent les exigences d’un domaine requérant des connaissances combinées en Histoire, en Littérature, en Théologie et en Langue arabe. La question qui subsiste est, partant, la suivante : pourquoi avoir accepté de superviser la thèse d’un étudiant en Biologie sans lui imposer une mise à niveau scientifique et linguistique plus ou moins formelle préalable ou concomitante à la recherche doctorale ?

 

VI. Et provisoirement

 

Comme nous le constatons, cette première analyse, centrée sur les conditions de préparation et de soutenance de la thèse en Littérature comparée rédigée par Aberkane, ouvre un certain nombre d’hypothèses et de questions. À toutes fins utiles, nous rappelons ici que le fait de formuler une hypothèse ou une question ne trace pas, de lui-même, un chemin unique vers la vérité des faits et que, partant, l’on ne saurait rendre la justice en transformant, par déception, sarcasme ou emportement, des spéculations vacillantes en lapidaires réalités.

Certaines de nos questions trouveront-elles réponses ? La suite de cette analyse le dira.

 

Corrigenda

 

  1. Comme nous le fait remarquer @Nach en Commentaire, le Qatar ne compte pas au nombre des sept Émirats arabes unis. Nous le remercions de nous avoir indiqué notre erreur et, ainsi, d’avoir remis la géographie à l’endroit.
  2. Comme l’a relevé à juste titre @Stan en Commentaire, l’article d’Aberkane intitulé “De la guerre à la guerre dans la géopolitique moderne” a été publié dans la revue Sens critique en 2010, non en 2005. Nous le remercions également de sa vigilance.

Dernière correction : 10 mai 2022.

 

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NOTES

 

[1] Nous expliquons, dans le chapitre II.b, la double dénomination de cette Université.

[2] Un Professeur est dit émérite (ou honoraire) lorsque, prenant sa retraite, il quitte son poste de Professeur sans forcément mettre un terme à sa carrière de chercheur. Dans le cas de Geoffroy, un flottement subsiste : si sa page Wikipédia le présente comme Professeur émérite, le curriculum vitae publié sur son site personnel le décrit comme enseignant-chercheur, ce jusqu’en 2020. Au vu de l’assise de Geoffroy au sein du monde académique et de la qualité scientifique de ses publications, cette imprécision s’avère, quant à notre sujet de fond, d’une importance toute secondaire.

[3] Nous ne mentionnons sa page Facebook que dans la mesure où celle-ci offre de nombreuses informations sur ses activités scientifiques.

[4] Notons que, selon le site du Groupe d’études orientales, slaves et néo-hellénique de l’Université de Strasbourg, cette thèse d’Habilitation aurait été soutenue à l’Université de Strasbourg.

[5] Aujourd’hui rebaptisé Institut Français du Proche-Orient (IFPO).

[6] Il est à noter que, si Laude semble bien avoir été élève fonctionnaire stagiaire de l’ENS de 1979 à 1982, aucune des notices biographiques consultées ne fait mention de l’Agrégation.

[7] Nous n’avons pas trouvé la date d’obtention de sa Licence en Histoire.

[8] Rappelons qu’El-Zein publie également des recueils de poésie en arabe et en anglais. Nous ne détaillons pas ici la liste de ses créations poétiques, lesquelles – quoique non sans rapport avec son activité de chercheuse et de traductrice – ne présentent pas un intérêt immédiat pour l’évaluation des conditions de soutenance d’Aberkane.

[9] Le terme “sinisant” (ou “sinologue”) désigne les spécialistes de la civilisation chinoise travaillant sur son histoire, sa culture, sa langue ou sa politique.

[10] En anglais : The notion of Life : The role of Epistemic Metaphors in Biology and Sociology.

[11] Un trope est une figure de style, à l’instar de la métaphore, de l’allégorie ou de la métonymie.

[12] Geoffroy est né en 1956, Laude en 1958, Heurtebise en 1975. Nous n’avons pas trouvé la date de naissance d’El-Zein et ne pouvons la déduire avec assurance de son curriculum vitae.

[13] Le comparatisme n’est pas une branche en tant que telle, mais une approche : il peut s’appliquer à différentes disciplines telles que, par exemple, la Linguistique, la Théologie ou le Droit. Ainsi, deux comparatistes ne partagent pas le même champ d’expertise à seule raison de leur méthode commune.

[14] En français : Kinesthésie et cognition : vers les univers merleau-pontiens.

[15] Voir Balcazar Moreno, Crevier Goulet (Dir.), Pensées du corps. La matérialité et l’organique vus par les sciences sociales, 2011, pp. 217-230.

[16] Aberkane était alors étudiant à l’École Normale Supérieure de Paris et Heurtebise soit tout jeune Docteur, soit en passe de le devenir.

[17] Il est à noter qu’Heurtebise, à l’instar d’Aberkane, est chercheur affilié (affiliated scholar) au Kozmetsky Global Collaboratory à Standford, dont le collectif de la Menace Théoriste a démontré, dans un article intitulé Qui parle pour la science ? Idriss Aberkane ?, qu’il ne constitue pas un centre ou un département scientifique au sens traditionnel des termes, mais « une organisation philanthropique affiliée à Stanford ». L’affiliation à un think tank n’a, en soi, rien de douteux ; c’est même un fait assez commun au sein de la communauté scientifique. Nous ne la mentionnons ici que dans un seul but, à savoir la clarification des rapports entretenus par le doctorant et l’un de ses rapporteurs.

[18] Voici le commentaire original in extenso : « Prof. Heurtebise is an outstanding philosopher whose thought far exceeds the range of his yet wide scholarship. Spanning between East and West, Prof. Heurtebise’s knowledge of Humanity’s manifold philosophical systems, artistic traditions and schools of thoughts find the most elegant applications in his conception of sustainable development, governance and entrepreneurship. I sincerely believe Prof. Heurtebise’s thought and novel concepts will be remembered before long, all through the 21st century. » (Nous mettons en caractères gras la partie traduite par nos soins.)

[19] Voici le commentaire original in extenso : « Dr. Heurtebise is an absolutely outstanding scholar and a fantastic mentor, in the genuine tradition of Aristotle, and these are hardly idle words. For anything I know about philosophy, aesthetics, ethics or the history of civilisation, there is a very high probability that Jean-Yves Heurtebise taught it to me in the first place. Dr. Heurtebise is a brilliant yet patient and caring educator, and a remarkable scholar of both the Chinese and European civilisation.s [sic]. » (Nous mettons en caractères gras la partie traduite par nos soins.)

[20] Selon Aberkane, ceux-ci auraient même créé une page internet intitulée In Heurtebise We Trust (à savoir « En Heurtebise nous croyons », parodie affectueuse de la devise officielle des États-Unis « In God We Trust », soit « En Dieu nous croyons »). Nous n’avons pas trouvé trace en ligne de cette page, qui a pu être supprimée entretemps.

[21] Un Recteur académique dirigeant une région, nous en déduisons que cette classe aurait obtenu les meilleurs résultats de sa région au BAC blanc de Philosophie sur une période de dix ans.

[22] À ne pas confondre avec son homonyme, Maître de conférence sénior associé (associated senior lecturer) en Biologie moléculaire à l’Université de Lund (en Suède), dont le numéro ORCID peut être consulté ici.

[23] Le fait n’est pas rare : les chercheurs ayant atteint un certain niveau de reconnaissance scientifique ne prennent pas toujours la peine de publier un curriculum vitae détaillé, lequel, à ce stade de leur carrière, ne leur est plus d’une absolue nécessité. Au cas d’espèce, la liste de publications parle d’elle-même.

[24] Il est à noter que, sous la rubrique ‘Infos’ de sa page LinkedIn, il est écrit que Bourgine possèderait un « PhD in Economics & Cognitive science » (soit un « Doctorat en Économie & Sciences cognitives »), l’esperluette laissant supposer l’existence non pas de deux doctorats traitant chacun d’un domaine distinct, mais d’un seul doctorat portant sur deux disciplines conjointes.

[25] Sachant qu’en principe – et sous toute réserve critique à l’égard des faiblesses présentées par ce système d’évaluation –, un indice de 20 désigne un chercheur de bon niveau et un indice de 40 un chercheur responsable d’une équipe de pointe, dans les deux cas sur une période de 20 ans d’activité environ.

[26] Sur une période de 25 mois plus précisément, puisqu’il obtient son diplôme de PhD en Relations internationales et Diplomatie le 17 décembre 2013 et que la soutenance de son Doctorat en Sciences de gestion se déroule le 3 février 2016. La date de soutenance du PhD nous étant sauf erreur inconnue, nous partons, dans ce cas, de la date d’émission du diplôme correspondant, laquelle est probablement postérieure de quelques mois à l’examen lui-même. Quoi qu’il en soit, l’ordre de grandeur reste correct quant à l’empan de validation de ses trois thèses successives.

[27] À ne pas confondre avec son homonyme, chercheur émérite du CNRS en Physique mathématique.

[28] La thèse de doctorat d’Aberkane traite abondamment des poètes Dante Alighieri, Charles Villon, Charles Baudelaire et Saint-John Perse.

[29] Nous ne prétendons pas qu’une telle présidence de jury soit contraire au règlement de l’École doctorale concernée, mais qu’elle est, au vu des us et coutumes scientifiques en vigueur, pour le moins atypique.

[30] Qu’il décrit lui-même sur sa page professionnelle comme « un doctorat en systèmes complexes », précisément l’une des spécialités de Bourgine.

[31] Qui, cependant, signent le rapport de soutenance final.

[32] Aberkane présente ce diplôme comme un DEUG de Biologie option Chimie.

[33] Par simple bon sens, nous répugnons à qualifier de “séjours de recherche” des séjours effectués dans des Universités étrangères à l’âge de 20 ans, avant même l’obtention d’un Master 1. Précisons que, sauf à considérer – dans un sens dont la largeur confinerait à la déchirure – que toute forme d’étude constitue par principe une recherche, le fait de prendre part à des séminaires ou à des groupes de travail investis par des scientifiques ne suffit pas à promouvoir un étudiant, aussi prometteur soit-il, au statut de chercheur. À ce compte, tout adolescent suivant une formation post-obligatoire pourrait revendiquer ce titre.

[34] Pour éviter tout malentendu, soulignons une fois encore que nous n’affirmons pas qu’Aberkane devrait parler l’arabe dans l’absolu mais que, dans la perspective d’une thèse traitant de spiritualité soufie, il eût été de bon aloi qu’il s’attelât à l’étude de la langue, de même qu’il est attendu d’un doctorant travaillant sur Platon, John Locke ou Friedrich Nietzsche qu’il apprenne le grec ancien, l’anglais ou l’allemand. Il s’agit, en Lettres, d’un prérequis général indépendant du corpus concerné.

[35] Nous pensons notamment à tous les doctorants qui, travaillant en-dehors du cadre académique, jonglent entre un (ou plusieurs) emploi(s) salarié(s) plus ou moins rigide(s), ainsi qu’à ceux qui, ayant charge de famille, disposant d’une mobilité réduite ou ne vivant pas à proximité immédiate de l’institution à laquelle ils sont rattachés, accèdent moins facilement aux activités scientifiques susmentionnées, cela sans que la qualité de leur travail en soit a priori amoindrie.

[36] Dans sa plus récente vidéo sur le sujet (à partir de 38’49), Aberkane prétend que cette information est mentionnée sur « le rapport de thèse disponible en ligne ». Si le diplôme de Doctorat décerné par l’Université de Strasbourg est bel et bien publié sur le curriculum vitae commenté, le(s) rapports(s) de thèse, eux, ne le sont pas. Dans cette section de son site, il livre du reste peu d’informations sur ce diplôme ou sur les activités scientifiques ayant entouré sa préparation. Nous soulignons enfin que le fait que cette conférence ne soit, à notre connaissance, pas répertoriée en ligne ne suffit pas à démontrer qu’elle n’a pas eu lieu.

[37] Voici le commentaire original in extenso : « This content was originally written for an undergraduate or Master’s program. It is published as part of our mission to showcase peer-leading papers written by students during their studies. This work can be used for background reading and research, but should not be cited as an expert source or used in place of scholarly articles/books. »

[38] Le fait qu’un article soit relu par un collègue spécialiste à la demande expresse de l’auteur ou par l’éditeur souhaitant prendre connaissance de son contenu ne constitue pas, en soi, un processus de revue par les pairs.

[39] Dans lequel on retrouve également une contribution de Mechelfekh, le doctorant de Geoffroy dont nous évoquions, dans le chapitre II.f, un jury hétéroclite semblable à celui d’Aberkane.

Article invité, sur proposition d’Actarus (il m’a demandé de lui trouver un pseudonyme) qui ne veut pas rester sans réagir quand un discours conspirationniste sert à faire avancer les intérêts personnels d’un naturopathe qui thésaurise sur la peur qu’il alimente lui-même.

Acermendax

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Eric Verhaeghe, du boniment sur abonnement

 

Parmi les multiples poussières qui constituent la nébuleuse complotiste, intéressons-nous au Courrier des stratèges, blog assorti d’une lettre confidentielle (c’est à dire disponible uniquement sur abonnement), qui promeut les opinions de son fondateur Eric Verhaeghe, lequel se présente comme un ardent défenseur des libertés.

Désinformation en bande organisée

Dès le début de l’épidémie de Covid-19, le 25 mars 2020, le Courrier des stratèges s’est fait largement connaître avec un article selon lequel le gouvernement aurait recommandé de ne pas procéder à la réanimation des résidents d’Ehpad. Cette première fake news sera rapidement debunkée par les équipes de CheckNews. Mais elle sera suivie de nombreuses autres (promotion de l’hydroxychloroquine, de l’ivermectine, effets secondaires graves des vaccins présentés comme des thérapies géniques, dangers du port du masque pour les enfants…). Le blog ouvre ses colonnes à Laurent Mucchielli, Xavier Azalbert, Silvano Trotta…

Les propos d’Eric Verhaeghe se radicalisent de plus en plus. Tout en minimisant le Covid qui aurait fait moins de 55 000 morts (selon lui), il dénonce les vaccins qui auraient causé, en octobre 2021, plus de 900 décès en France. Il crée une association, « Rester Libre ! » pour lutter contre « les mesures coercitives » prises dans le cadre de la lutte contre la pandémie. Enfin, en janvier 2022, il va jusqu’à comparer les discussions sur le passe vaccinal à la préparation d’un génocide.

Une fois atteint ce point Godwin, il s’installe dans l’outrance, appelle à la sécession, au harcèlement en ligne , à l’épuration, et pratique l’injure publique

 

Le Courrier des Stratèges et des Naturopathes

Pour quelles raisons Eric Verhaeghe, désormais suivi par près de 20 000 abonnés sur Twitter et 11 000 sur Facebook se livre-t-il à une telle désinformation ?

La première raison tient à son business model : il vend de l’abonnement à sa newsletter et a donc tout intérêt à générer du trafic avec des articles putes-a-clic.

La seconde est plus subtile. Eric Verhaeghe est également le créateur de Cosmico, une plateforme de mise en relation avec les praticiens de médecines naturelles (un genre de Médoucine) qui propose en outre une complémentaire santé NaturAssur qui rembourse les « soins » des médecines naturelles. Depuis le 21 septembre 2021, les articles (et les produits) de Cosmico sont hébergés sur la page du Courrier des Stratèges. Ce mélange des genres n’a rien d’étonnant. En disqualifiant la médecine et la science, en propageant des rumeurs, en alimentant la défiance et la paranoïa, Eric Verhaeghe fait la promotion de ses intérêts et vante, en creux, les pseudo-médecines, opposant médecine conventionnelle et « médecine naturelle ». Son blog va désormais jusqu’à proposer des traitements. Comme l’indique un de ses articles payants de décembre 2021 (dont nous n’avons lu que l’introduction en accès libre) le Covid est finalement une occasion inespérée de promouvoir les médecines « alternatives » (source).

Et si, à l’instar d’Eric Verhaaeghe, ceux qui appellent à refuser la vaccination ne cherchaient pas tout simplement à nous vendre leur pseudo-science et les multiples produits et services qui vont avec ? Rappelons ici la proximité entre les plateformes Réinfocovid et Réinfosanté et leurs liens avec les tisanes Fouché, ou encore les positions hallucinantes de Thierry Casasnovas, Jean-Jacques Crèvecoeur ou Christian Tal Schaller…

Où sont les véritables conflits d’intérêts ? Qui sont les marchands de peur ?

Actarus

 

52eme Chandelle dans les Ténèbres de l’éditeur Book-e-book créé par Henri Broch.

Dossier de presse

Le terme « pyramidologie » fait référence aux diverses spéculations sur les pyramides (construction, fonction etc.) élaborées par les « pyramidologues ». Ceux-ci émettent des hypothèses sensationnelles et séduisantes pour un public avide d’histoires fabuleuses. « La tradition pyramidologique n’est initialement pas une démarche purement anti-scientifique mais d’autres manières de raconter le temps profond », rappelle Thomas C. Durand. Mais ce sont ses dérives que dénonce l’auteur. Selon lui, le phénomène a pris une ampleur préoccupante, balayant des décennies de travaux de recherches scientifiques. Soucieux de remettre les pendules à l’heure, Thomas C. Durand explore ces récits alternatifs à travers les siècles, apporte son analyse, déconstruit des histoires certes fantastiques mais bien trop pseudoscientifiques pour son esprit critique. Au lecteur d’en tirer des leçons sur la manière dont les croyances se forgent et se transmettent…

Pour qui : le lecteur curieux de découvrir cet incroyable milieu de la pyramidologie, sans être érudit en archéologie, en histoire ou en architecture.

À propos de l’auteur : Thomas C. Durand est auteur de plusieurs ouvrages sur la science et l’esprit critique, romancier et dramaturge, animateur de la chaine Youtube La Tronche en biais, cofondateur et directeur de l’Association pour la science et la transmission de l’esprit critique et docteur en biologie végétale.

Ce livre est en grande partie le fruit d’un travail réalisé sur ce blog et sur La Tronche en Biais. Et il a été rendu possible par le soutien du public tout au long de ces cinq dernières années. Je remercie Jean-Pierre Adam d’avoir accepté d’en rédiger la préface.

Pour acheter le livre, vous pouvez utiliser ce lien.