La zététique consiste à questionner les raisons pour lesquelles nous pensons que quelque chose est vrai.

Il existe des définitions du complotisme. Faites vos propres recherches ; on en trouve dans des articles scientifiques ; Wikipédia est votre ami. On ne va pas pouvoir tout faire à votre place. Merci.

 

MAIS c’est une chose d’avoir une définition et une autre d’avoir des critères de reconnaissance. Tout comme les notions de radin, vieux, progressiste ou extraverti (et leur contraires), la notion de complotisme n’est pas binaire, on peut l’être plus ou moins selon que l’on coche quelques cases, et voici une liste qui pourrait vous aider à vous situer (ou pas). Merci de vous munir de votre métacognition et d’un peu d’humour avant de vous aventurer plus loin.

 

Le Test

  1. Si quelqu’un du « camp d’en face » produit un énoncé qui me déplait… mais qui est vrai. Je le contredis quand même.
    • Oui
    • Non
  2. Je trouve que pouvoir citer UN expert à l’appui de ma thèse est un argument bien plus fort que les centaines d’experts / le consensus scientifique, qui appuient la thèse adverse.
    • Oui
    • Non
  3. Je partage souvent des informations choquantes, qui montrent que mes ennemis sont odieux, qu’ils ont torts, mais je n’estime pas très important que ces infos soient véridiques.
    • Oui
    • Non
  4. J’estime d’emblée que ceux qui me contredisent ont des intérêts cachés ou qu’ils sont stupides et téléguidés par des manipulateurs.
    • Oui
    • Non
  5. Il me suffit souvent de « faire mes propres recherches » pour avoir la preuve, dans une vidéo ou un blog, que la version diffusée par les scientifiques ou les journalistes est mensongère.
    • Oui
    • Non
  6. Je trouve que les autres sont terriblement crédules, manipulables et/ou lâches. Il n’y a de courage que chez ceux qui défendent mes idées.
    • Oui
    • Non
  7. Une version officielle est toujours un mensonge.
    • Oui
    • Non
  8. Ceux qui répondent « Non » à la question 7 pensent que les versions officielles sont toujours vraies.
    • Oui
    • Non
  9. La Lune est creuse. La Terre est plate. Mme Macron est un homme. Les vaccins tuent plus de gens qu’ils n’en sauvent. Et « on » nous le cache.
    • Oui
    • Non
  10. Quand je croise une information qui décrit un évènement ou un fait que j’estime grave et dégoûtant, je juge préférable de m’offenser immédiatement et de réclamer qu’on punisse les coupables plutôt que de vérifier qu’on sait ce qu’il s’est passé.
    • Oui
    • Non
  11. On me fait souvent remarquer que je dérange, et je sais que c’est parce que la majorité des gens ont peur de regarder la vérité en face.
    • Oui
    • Non
  12. Je déteste les gens qui utilisent le mot complotiste.
    • Oui
    • Non
  13. Il est plus important de démolir le propos émanant d’une source que je n’aime pas que de me renseigner réellement sur le sujet.
    • Oui
    • Non
  14. J’estime que ce questionnaire est mal fichu car il a pour but de salir tout ceux qui ne sont pas sur la ligne macronienne des woke fascistes.
    • Oui.
    • Non
    • Alors en fait oui, mais pas pour ces raisons là, et je vais vous dire en commentaire quelle question vous devriez changer ou lesquelles vous pourriez poser. En vous remerciant d’avance de l’attention que vous prêterez à ma critique.

 

Résultats

Vous avez répondu OUI :

  • 0 fois. Ok. Rien à signaler. Sauf un éventuel biais d’autocomplaisance. La zététique peut aider.
  • 1 à 3 fois. Vous êtes peut-être un zététicien chiant. Ou peut-être déjà sur une pente glissante vers l’hypercritique. La zététique peut aider.
  • 4 fois ou plus. Il y a comme un problème dans votre rapport à la vérité et aux raisons pour lesquelles vous défendez les idées que vous défendez. Rappelez-vous que l’humain est une espèce collaborative où la confiance a toujours été déterminante. Les gens intelligents ont a priori tendance à faire confiance à autrui. La zététique peut aider.

Article Invité

 

Quand le vidéaste Absinners a proposé que sa réponse à Archidiacre soit hébergée sur ce blog, j’ai accepté sans difficulté. Un petit récapitulatif pour comprendre le débat. Tout commence avec deux vidéos :

D’un côté des critiques estimant que les éléments concernant l’histoire du miracle de 1917 ne sont pas de nature à prouver le surnaturel, et de l’autre la position exactement contraire. Nouvel acte : la réponse d’Absinners sous format texte pour celles et ceux qui auraient vu les épisodes précédents et désireraient savoir si Archidiacre tient une position convaincante.

Acermendax

 

Bonjour, je suis Absinners de la chaine du même nom et ceci est une réponse à un article paru sur le blog d’archidiacre le 28 janvier 2024. Tout d’abord je tenais à remercier Thomas de me laisser exercer mon droit de réponse sur son site.

Contexte : il y a bientôt deux ans (oui le temps passe à une vitesse affolante…). La tronche en Biais et moi-même avons publiés chacun une vidéo critique sur le miracle solaire de Fatima. Best-seller de l’argumentaire chrétien, le miracle du soleil serait une preuve incontestable que Dieu existe. L’après-midi du 13 Octobre 1917 à la Cova da Iria, au Portugal, le soleil aurait dansé devant une foule de plus ou moins 70 000 témoins abasourdis. Ce qui rend l’histoire du miracle solaire particulièrement impressionnante, c’est que trois enfants, Jacinta, Franscisco et Lucia auraient prédit la venue du miracle trois mois à l’avance, car un ange les aurait prévenus.

Nos vidéos avaient pour but de critiquer la vraisemblance de ce miracle. Archidiacre a répondu à La Tronche en biais dans une vidéo d’une heure. Et j’ai moi-même répondu à la vidéo d’archidiacre dans une vidéo publiée dans la foulée. Cette histoire va manifestement se finir à l’écrit, puisqu’archidiacre a décidé de répondre à ma vidéo par ce biais sur son blog.

On peut déjà dresser un sommaire des points essentiels qui vont être débattus :

  • Combien de témoins ?
  • La réalité est-elle forcément naturaliste ?
  • Un témoignage est-il une preuve ?
  • La danse solaire, un miracle réellement prédit ?
  • La fausse annonce de la fin de la guerre ?
  • Lucie mythomane ou prophète ?

 

Combien de témoignages ?

Pour commencer, à ma plus grande surprise, on est passé d’une doxa qui nous raconte partout que 70 000 personnes ont été témoins du miracle, à cette citation de l’article d’archidiacre :

« Notons que c’est un détail qui ne nous importe pas, et nous serions heureux de nous mettre d’accord sur plusieurs dizaines »

Surprenante déclaration. Quand vous regardez n’importe quel blogs/documentaire/livre et sites pro-miracles, vous trouvez des gens qui avancent l’idée que le miracle solaire de Fatima a été constaté, non pas par des dizaines de personnes, mais bien par des dizaines de milliers de témoins. C’est aussi ce gros chiffre qui fait le charme de l’histoire, « comment nier l’évidence face à autant de témoins ? » nous dit-on. Donc, force est de constater qu’on est passé de 70 000 témoins unanimes à quelques dizaines, à quoi s’ajoutent un certain de gens qui n’ont rien vu du tout (comme expliqué dans ma vidéo). Impossible de ne pas relever qu’on a fait un saut quantitatif et qualitatif assez significatif.

Mais effectivement, ce n’est qu’un détail. Par défaut un témoignage dans le cadre d’un événement dit « extraordinaire », ne constitue pas une preuve, mille témoignages non plus (le pourquoi du comment est développé dans le prochain paragraphe). Cependant, au regard du pouvoir persuasif de ce récit formidable, les chiffres ont une importance séductrice considérable. Pour les sceptiques, ce n’est qu’un détail, certes, mais en s’attaquant aux chiffres, on s’attaque surtout à l’appareil de propagande religieux, on démontre à quel point il ne résiste pas à une analyse poussée des faits avancés péremptoirement.

 

La réalité est-elle forcément naturaliste ?

Contexte : Dans sa vidéo, archidiacre prétend que nier par principe le miracle solaire serait un « biais naturaliste ». Dire qu’il y a une réalité naturaliste, ce qui est ma position, serait, selon Archidiacre une « pétition de principe ». Dit autrement, quand on présume que seule la réalité naturaliste existe, on affirme gratuitement quelque chose d’infondé.

Selon Archidiacre, les deux propositions : 1) seul le naturel existe a priori, 2) le surnaturel existe, seraient tout aussi justifiées ou injustifiées l’une que l’autre, et il nous reviendrait de prouver que le surnaturel n’existe pas.

Ceci viole le principe de parcimonie et le concept de charge de la preuve. Toute affirmation extraordinaire nécessite des preuves extraordinaires. Le « miracle solaire » tel que raconté est une chose clairement extraordinaire ; je suis étonné de devoir le rappeler. Ce n’est pas à moi de démontrer que le soleil n’a pas dansé le 13 octobre ou n’importe quel autre jour au Portugal ou ailleurs, et chacun le sait. Comme chacun sait que je n’ai pas à prouver que le père noël ne peut pas déposer des cadeaux de noël dans chaque maison du monde en l’espace d’une nuit, parce que les implications d’une telle croyances violent ce qu’on sait de la réalité, tout simplement.

Si un évènement surnaturel survient, nous pourrons tous l’admettre après qu’il aura été prouvé. En religion, on nous demande de renoncer à toute démonstration pour s’en référer à la confiance due aux témoins (mais cela implique d’accepter que sont tout aussi prouvés la télékinésie, le complot reptilien, les histoires de Raël ou l’astrologie)

Pour croire aux miracles de Fatima, il faut impérativement faire confiance aux témoins. Pour s’en remettre au naturalisme, il suffit d’ouvrir les yeux. Ces deux postures ne font pas la même économie dans les hypothèses.

 

Un témoignage est-il une preuve ?

Une confusion assez problématique qu’on peut relever dans le texte d’archidiacre, c’est l’absence de distinction entre les faits avérés : des milliers de pèlerins qui se rendent dans un lieu-dit pour assister à un événement, et la danse solaire en elle-même : « il faut rappeler que l’on parle d’un évènement historique public ici. » Nous dit-il.

Bien évidemment personne ne conteste que des gens se soient réunis ce jour-là. En revanche, et ce n’est guère compliqué à comprendre, nous doutons du miracle.

Ceci étant clarifié, passons à l’autre affirmation, celle de la valeur stricto sensu d’un témoignage. On peut lire dans l’article :

« On ne s’étendra pas non plus sur sa comparaison entre l’évènement miraculeux devant la foule et les témoignages de crimes parfois erronés, qui n’est évidemment pas du tout juste et équitable. » On me reproche aussi d’« affirmer nonchalamment que les témoignages positifs à Fatima doivent être similaires à des témoignages erronés en procès »

En réalité je dis littéralement l’inverse dans ma vidéo : « aussi horrible qu’il soit, le crime ne transgresse pas toute nos conceptions de la réalité. Au-delà d’établir la culpabilité d’untel, le corps de la victime est en soi la preuve que l’homicide a eu lieu. Dans le cadre d’un phénomène extraordinaire, on n’a aucun degré de certitude qui s’en approche de près ou de loin ». Donc oui, comparer un phénomène extraordinaire (danse solaire) avec un phénomène ordinaire (un meurtre), n’est juste pas tenable épistémologiquement parlant. On est d’accord puisque c’est littéralement le propos de ma vidéo.

Mais admettons que j’aie prétendu qu’il faille comparer meurtre et miracle solaire. Jouons le jeu. Archidiacre nous propose une petite comparaison de son cru :

« Il serait déjà plus raisonnable et honnête d’avancer un exemple où il n’y eut aucun crime public tout court en dépit des nombreux témoins. Par exemple un fait public, éloquent, devant une foule de gens, comme le cambriolage d’un magasin, mais qui ne serait en fait jamais arrivé et serait le fruit de l’imagination de dizaines de personnes indépendantes sur les lieux. Enfin, là aussi la ressemblance avec les témoins à Fatima et leurs dispositions à se tromper serait limitée (pas de sceptiques des cambriolages par exemple) »

Oui effectivement, il n’y a pas de sceptique des cambriolages, puisque le cambriolage est un acte qui ne viole pas notre savoir empirique sur le monde. On en revient à ce qui a été dit précédemment. En poussant un peu la comparaison, on peut aussi relever le fait qu’absolument aucun juge ne statuerait sur une affaire aussi bizarre, puisqu’il n’y aurait pas d’affaire en premier lieu, puisque pas d’objet cambriolé à signaler, donc pas de délit. Donc l’affaire serait par définition nulle et non avenue. Ce qui est une conclusion relativement satisfaisante pour le sceptique, j’en conviens.

 

Un miracle réellement prédit ?

Dans ma précédente vidéo, j’ai démontré qu’il n’y avait aucune mention de cette fameuse prédiction du miracle par la sœur Lucia et ses deux cousins dans la presse portugaise précédant le 13 octobre 1917. Pire encore, quand on lit cette même presse, on apprend que les miracles étaient annoncés pour chaque mois, de mai à octobre. On a plusieurs preuves directes de cette prétention :

Le journal O século du 23 juillet 1917 nous dit que, le 13 du même mois, des gens s’étaient rendus à la Cova da Iria pour « assister au miracle annoncé » que « le 13, qui a été désigné pour l’apparition de notre dame ». On peut en conclure que le miracle a été annoncé pour cette date. Plus étonnant, le 13 septembre le même genre d’article de presse décrit exactement la même situation, je cite la Semana Alcobacense du 16 septembre 1917 : « Notre-Dame a promis de continuer à y rencontrer ses fidèles » « des milliers de personnes ont quitté leurs terres et leurs maisons pour aller à Fatima afin de voir Notre-Dame » ils finissent leur article en concluant que « et vous voyez le visage de tous ces gens pensant à l’argent dépensé et à la fatigue endurée pour, finalement, tomber dans l’escroquerie la plus ignoble qui ait été inventé ».

Ces articles nous montrent que le miracle n’a pas été prédit davantage pour le 13 octobre que pour une autre date. Le bon sens nous hurle que si c’était le cas, on n’aurait pas des témoignages antérieurs de journalistes qui reviennent des autres cérémonies[1] des trois enfants en nous racontant que tout le monde attendait déjà la venue de la vierge, chaque mois, bien avant le 13 octobre et non pas spécifiquement pour le 13 octobre, comme le prétend pourtant la légende. Archidiacre insiste qu’il est dit dans les journaux que le miracle avait été prédit pour octobre :

« Cela n’empêche pas le même journal de confirmer l’existence d’une autre annonce de miracle au 13 octobre, comme on l’a prouvé (« sinal visível anunciado », signe visible annoncé, cf. Doc 13; cf. aussi d’autres témoignages d’une annonce pour octobre aux Doc 31, 32, 35). »

Et en effet on peut lire dans l’articles de presse d’O século qui relate la journée du 13 octobre 1917 que le miracle avait effectivement été annoncé pour cette même date. Pourtant, comme spécifié dans la vidéo, l’explication de la prédiction du 13 octobre découle d’elle-même, forcément : si chaque mois le miracle était annoncé, comme on l’a vu, évidemment que ça allait aussi être le cas pour le 13 octobre. Une prédiction au sens stricte du terme, ça aurait été de dire chaque mois, « le 13 octobre quelque chose d’extraordinaire va arriver ». Or ce n’est pas ce que l’on constate.

Quand archidiacre nous dit que : « le youtubeur confond aussi une annonce pour le 13 juillet avec l’annonce pour le 13 octobre, en prétendant que c’était la première qui avait vraiment annoncé « le » miracle. » Il faut bien comprendre que non, je ne confonds rien du tout, je dis simplement que chaque mois c’était le même manège comme j’en ai apporté la preuve : il suffit de lire les articles de presse.

Il suffit d’ailleurs de lire Archidiacre lui-même : « les enfants ont aussi eu une apparition de la vierge le 13 juillet, et c’était ça le « miracle » annoncé dont parlait le journaliste d’O Seculo dans l’article de juillet ». On voit bien ici qu’on peut appeler miracle absolument tout ce qui nous arrange, ce qui rend toute annonce concernant le 13 octobre profondément banale.

 

La fausse annonce de la fin de la guerre

Honnêtement, je ne pensais pas qu’Archidiacre aurait l’audace de nous critiquer sur ce terrain, tant les preuves sont abondantes, mais un petit rappel est de mise. Nous disposons d’ au moins quatre preuves que Lucia a faussement prophétisé la fin de la guerre :

1) Le 19 août 1917 le journal O Mondo corrobore le fait qu’elle a faussement prophétisé la fin de la guerre pour le 13 octobre de façon relativement éloquente : « Le 13 octobre, elle descendrait du ciel sur terre pour la dernière fois afin de faire la paix dans le monde et de mettre fin à la guerre »

2) Dans un article de l’historien Rui Ramos publié le 12 Octobre 2017, ce dernier nous dit que « le curé de Porto de Mós informe le patriarche que la foi s’est « refroidie », en raison de la poursuite de la guerre, dont Lúcia avait annoncé la fin le 13 octobre. »

3) Le compte rendu du prêtre Manuel Nunes Formigão qui a interrogé la voyante Lucie est sans équivoque, voici ce que dit son rapport sur les déclarations de l’ange : « Il leur a également dit qu’en octobre saint joseph viendrait également avec l’enfant jésus pour donner la paix au monde et divin fils pour bénir le peuple. » « 6eme apparition le 13 octobre : je leur ai dit qu’elle était notre dame du rosaire : que la guerre a pris fin ce jour-là ; que nos soldats viendraient bientôt » Toutes ces choses sont écrites noir sur blanc, mais pour une raison que j’ignore, archidiacre qui cite pourtant abondamment ce document, ce coup-ci, ne se semble pas s’inquiéter de cette incohérence.

4) Dans ses mémoires Lucie avoue d’elle-même qu’elle s’est trompée : « C’est peut-être parce que j’étais préoccupée de me rappeler les innombrables grâces que j’avais à demander à notre dame, que j’ai fait l’erreur de comprendre que la guerre finissait le jour même du 13. »

Et pourtant, dans son article, archidiacre nous dit que : « En fait notre vidéo la cite explicitement [la phrase de Lucia] à partir de 53:15, donc pourquoi nous la ressortir triomphalement comme si elle nous réfutait ? Soit ce militant n’a pas compris le passage de notre vidéo, soit il le détourne pour ses spectateurs, soit il l’a raté par inattention puisque nous citons justement cette phrase du mémoire à ce sujet »

A présent je cite ma vidéo : « ma question est simple : comment est-ce qu’on peut dire dans la même phrase qu’une personne n’a jamais dit de date, en montrant un extrait ou cette même personne reconnait avoir fait l’erreur de comprendre cette même date »

Je vous laisse juger de la réponse apportée à cette question.

 

Lucia : mythomane ou prophète ?

Quand j’affirme que Lucie est une mythomane, j’avance quelques preuves, dont celles que la TEB a montré dans sa vidéo. L’une de ces preuves, c’est le fait que dans ses mémoires Lucie affirme qu’elle s’est privé d’eau pendant un mois, ce qui est physiquement impossible :

« Nous avions aussi l’habitude, de temps en temps, d’offrir à Dieu le sacrifice de passer neuf jours ou un mois sans boire. Une fois, nous fîmes ce sacrifice en plein mois d’août, alors que la chaleur était suffocante. »

Voici ce qu’en dit archidiacre : « on pourrait tout à fait penser que ce qu’elle dit sur le mois sans boire n’est pas à comprendre littéralement heure par heure. »

Voilà donc que l’esquive de la distance interprétative utilisée pour défendre la Bible s’applique également à ce que disent les gens. Il faut la croire, nous dit-on. Parfois elle dit des choses qui ne sont pas vraies, mais croyons-la. Chacun jugera que la méthode n’est pas raisonnable.

Pour finir archidiacre s’offusque qu’une pauvre personne âgée soit traitée de mythomane. Et pourtant Lucia était petite fille quand sa mère, déjà, l’accusait de mentir. Ironiquement, c’est Archidiacre qui instrumentalise l’âge avancé de la voyante. En prétendant qu’elle a dit des faussetés à cause de son âge, c’est lui qui fait passer les vieux pour des « gens séniles qui perdent la boule ». Quand ça l’arrange, du moins.

 

En résumé, que peut-on retenir de cette affaire ?

  • Nous sommes passés d’un événement constaté par 70 000 témoins à quelques dizaines.
  • Tous les témoignages sont loin d’être unanimes.
  • Le miracle a été « prédit » à la condition qu’on fasse purement et simplement confiance à l’Église qui n’a rien publié à l’avance et qu’on oublie qu’un miracle était promis chaque mois.
  • Tout repose sur la parole d’une personne manifestement mythomane qui prétend avoir des conversations avec différentes entités surnaturelles, dont Jésus. Nous possédons au minimum trois preuves formelles de mensonges : 1 la fausse prédiction de la fin de la guerre 2 l’histoire du mois sans boire de l’eau. 3 son récit invraisemblable sur Mikhaïl Gorbatchev qui se serait jeté aux pieds du pape pour demander pardon.

Malgré tout, certains veulent faire de cette histoire l’une des plus parlantes et indiscutables preuves de l’existence de Dieu. Par charité, on peut en convenir avec eux sans partager la conclusion qu’ils souhaitent en tirer.

 

Absinners

Sources :

[1] Les « cérémonies » sont des rendez-vous mensuels que les trois voyants ont donné à la population tous les 13 des mois de mai jusqu’à octobre 1917. De mois en mois, de plus en plus de pèlerins venaient prier auprès des trois enfants qui entraient en contact avec « l’ange » durant lesdites cérémonies.

Article invité.

Les aliments ultra-transformés vont-ils ruiner votre santé ? C’est bien souvent le message véhiculé sur les réseaux sociaux, y compris par des professionnel-les de la nutrition. Malheureusement, ce dernier manque cruellement de nuance et ne reflète pas l’état actuel des connaissances scientifiques à ce sujet.


 

Introduction

Il est désormais reconnu que l’alimentation est un levier incontournable dans la lutte contre les maladies chroniques. Depuis une dizaine d’années, un nouveau paradigme a fait son apparition en recherche : l’impact de l’alimentation sur les maladies chroniques, en fonction du niveau de transformation des aliments. De nombreuses études ont depuis rapporté un lien entre la consommation d’aliments ultra-transformés et la survenue de maladies chroniques. Compte tenu de ces nouvelles données, certains chercheurs et professionnel-les de la santé considèrent désormais que les recommandations nutritionnelles actuelles sont obsolètes. Ils affirment que, grâce à une nouvelle approche dite « holistico-réductionniste », il est possible de formuler des recommandations plus efficaces, afin de prévenir la survenue de maladies chroniques. Ils en font donc la promotion lors de congrès professionnels, dans des livres ou dans les médias. En parallèle, ils dénigrent ouvertement des mesures de santé publique pourtant soutenues par de nombreuses instances de santé, ainsi que par des associations de consommateurs. Tandis que de nombreux médecins et diététicien-nes ont adhéré à ces discours, il semble que peu d’entre eux aient analysé la qualité des arguments avancés ainsi que la littérature dont il est question. Et c’est précisément le but de cet article.

 

Aliments ultra-transformés et santé

Historiquement, la science de la nutrition s’intéressait à l’impact de différents nutriments isolés sur les maladies, avant de finalement considérer que le « régime alimentaire » dans son ensemble est un meilleur indicateur (1). Aujourd’hui, les recommandations alimentaires sont basées sur les groupes d’aliments et les nutriments. Il est par exemple recommandé de consommer 3 portions de légumes par jour ou encore de limiter sa consommation de sel à 5g/jour. Le degré de transformation des aliments est lui aussi considéré dans une certaine mesure. Il est notamment recommandé de limiter la viande transformée (charcuterie) ou d’augmenter ses apports en céréales complètes. Ces recommandations sont le résultat de nombreuses études épidémiologiques, d’études cliniques et finalement, d’un consensus validé par plusieurs expert·es.

 

En 2009, le professeur Carlos A. Monteiro proposa une nouvelle classification des aliments (NOVA) selon leur niveau de transformation. Elle contient 4 catégories : 1) aliments peu/pas transformés (ex : légume frais), 2) ingrédients culinaires (ex : huiles végétales), 3) aliments transformés (ex : aliments en conserve) et 4) aliments ultra-transformés (ex : barre chocolatée). Depuis, de nombreuses études ont investigué le lien entre la consommation d’aliments ultra-transformés (AUT) et la survenue de maladies chroniques. En 2019, un rapport de l’Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO) résumait l’état des connaissances à ce sujet (2). En résumé, la consommation d’AUT était associée à un risque accru de cancer, de diabète, de maladies cardiovasculaires, de dépression, de troubles digestifs, d’obésité ou de mortalité, toutes causes confondues. L’association restait significative après l’ajustement à différents facteurs confondants (ex : âge, activité physique, ainsi que l’apport en différents nutriments). D’autres études ont depuis confirmé ces associations (3).

C’est, entre autres, sur base de ces données, que certains chercheurs ont considéré que l’approche « nutri-aliment » était désormais inadaptée. Ils en ont donc proposé une nouvelle qui considère que l’indicateur prioritaire pour juger le « potentiel santé » d’un aliment est sa « matrice nutritionnelle ». De quoi s’agit-il et quelles en sont les prétentions ?

 

L’approche holistico-réductionniste de l’alimentation

Dans un article récemment publié dans la revue de l’Association Française des Diététiciens Nutritionnistes, Anthony Fardet, docteur en nutrition humaine et chargé de recherche à l’INRAE[1], y présente en détail cette théorie, dont il est le principal promoteur dans le monde francophone. D’abord, il définit la matrice nutritionnelle comme « l’architecture visible tridimensionnelle des aliments » (4). Il précise que cette matrice s’observe également au niveau moléculaire : le glucose et le fructose possèdent les mêmes atomes mais leur structure tridimensionnelle diffère. Plusieurs exemples sont ensuite utilisés pour démontrer que les matrices sont plus importantes que leurs composants (ex : l’amidon du féculent versus le sirop de glucose). Il n’y aurait donc pas de « bons » et « mauvais » nutriments mais uniquement des « bonnes » ou « mauvaises » matrices. La matrice serait donc la « cause » (holisme) et les nutriments seraient les « effets » (réductionnisme). D’où le terme « holistico-réductionniste ». Il faudrait donc prioritairement se focaliser sur les matrices nutritionnelles et donc les degrés de transformation des aliments. Une exception toutefois à cette règle, la prise en soins curative (ex : carence vitaminique).

 

Vient ensuite l’argument principal pour appuyer les implications pratiques de cette théorie. En se basant sur des études écologiques[2] menées en France, en Inde et en Chine , il constate que les maladies chroniques n’ont cessé d’augmenter « bien que la consommation calorique globale par habitant et par jour n’ait pas excédé les recommandations officielles et que la diversification alimentaire ait augmenté » (4). A cela, s’ajoute également les résultats des études menées sur le lien entre la consommation d’AUT et les maladies chroniques, comme expliqué dans le précèdent chapitre.

Il faudrait donc abandonner les recommandations actuelles au profit de nouvelles, en se basant sur un nouveau concept : la règle du manger selon les 3V : Vrai (des matrices peu transformées), Végétal et Varié. Et c’est ainsi que se termine l’article du Dr. Fardet dans lequel, si l’on exclue les études entre AUT et maladies chroniques, 28 des 31 citations renvoient à ses propres travaux, bien souvent des revues narratives.

 

Les limites de la théorie holistico-réductionniste

Végétaliser son assiette et favoriser la variété sont des conseils qui vont clairement dans le sens des recommandation actuelles. De plus, l’idée de s’intéresser aux « matrices » des aliments/nutriments n’a rien de farfelu. Il est admis que les céréales raffinées sont moins intéressantes que les complètes, qu’il est préférable de consommer un fruit entier plutôt que son jus, ou encore que l’hydrogénation des graisses[3] a eu d’importants effets délétères (5). De là à affirmer que le niveau de transformation doit prévaloir sur les aspects « nutriments » et « groupe d’aliments », c’est une autre histoire. Et justement, cette histoire présente quelques problèmes.

 

Le premier point problématique est l’affirmation que les recommandations actuelles sont inadaptées et d’en apporter pour preuve la hausse des maladies chroniques.  Bien que la nutrition joue un rôle dans leur survenue, il s’agit de maladies multifactorielles. Le tabac, la sédentarité, la génétique, l’alcool et encore d’autres facteurs en sont également responsables. Mais au-delà de ça, il est surtout bien documenté que les recommandations nutritionnelles… ne sont justement pas suivies. Pour illustrer cela, voici (ci-dessous) une comparaison entre les recommandations alimentaires suisses (à gauche) et les consommations réelles de la population (6) (à droite). L’argument est donc parfaitement invalide.

Recommandations alimentaires en Suisse versus les consommations réelles de la population.

Le deuxième point problématique concerne le lien entre AUT et la survenue de maladie chroniques. Comme expliqué précédemment, ce lien est avéré et semble persister même après ajustement de divers facteurs confondants, y compris les apports en nutriments. Or, lorsque des analyses sont réalisées par sous-groupes d’AUT, on observe des résultats plus hétérogènes. Dans une étude issue de la cohorte NutriNet-Santé, seules certaines catégories d’AUT (boissons, laitages, graisses & sauces et produits sucrés) étaient significativement associées à un plus grand risque de diabète (7) (Annexe 1). Mais ce n’était pas le cas d’autres catégories, comme les fruits & légumes ultra-transformés ou encore les produits céréaliers ultra-transformés. Une autre étude menée dans 7 pays européens, regroupant 266 666 participants, a examiné les liens entre les sous-groupes d’AUT et la survenue de cancer et de maladies cardio-métaboliques. Résultats : les AUT issus des « denrées animales » ainsi les sodas étaient bien associés à un risque accru de multimorbidité (8). En revanche, ce n’était pas le cas pour les substituts de viandes végétaux, ou encore pour les produits céréaliers ultra-transformés. En effet, ces derniers semblaient plutôt avoir un effet neutre voir même potentiellement protecteur (Annexe 2). Ces résultats sont également cohérents avec une méta-analyse réalisée sur 3 larges cohortes américaines, dans laquelle la consommation de céréales complètes ultra-transformées ou de fruit ultra-transformés semblait protectrice, par rapport à la survenue de diabète (9) (Annexe 3). Voilà donc des données observationnelles en condition réelle qui viennent contredire, ou du moins nuancer, la théorie de « la matrice avant tout ». Et c’est là que réside le cœur du problème : un nouvel outil, un nouveau modèle ou une nouvelle hypothèse doivent être fondés sur des données scientifiques, mais doivent ensuite être testés en condition réelles. Pour illustrer cela, prenons un exemple : Le Nutri-Score.

 

De la théorie à la pratique

Le Nutri-Score, c’est ce logo composé de 5 lettres, que l’on retrouve sur les emballages alimentaires (Annexe 4). Comment a-t-il été créé? En très très résumé : les liens entre la consommation de nutriments/aliments et la survenue de maladies ont été examinés. Les nutriments les plus pertinents ont été retenus et pondérés, proportionnellement à leur impact sur la santé. Ce fut la première phase, à savoir la conception de l’outil. Puis, il a été testé en condition réelles afin de mesurer son efficacité. On sait depuis qu’il est non seulement utilisé par les consommateurs, que le panier de ceux qui l’utilisent est de meilleure qualité, et que les personnes consommant des produits notés A ou B ont un moindre risque face à certaines maladies chroniques (10). Si on revient maintenant à la théorie « holistico-réductionniste », cette dernière a bien été conçue sur des bases scientifiques. Mais lorsqu’elle est testée, notamment via des analyses en sous-groupes d’AUT, les résultats ne valident pas vraiment les hypothèses.

 

Alors évidemment, on a le droit de ne pas aimer le Nutri-Score, et même de le critiquer, car c’est ainsi qu’il s’améliore. Mais lorsqu’on se dit être catégoriquement « contre le Nutri-Score (…) pour des raisons scientifiques » (11) et qu’on y préfère une théorie invalidée par les études de terrain, il faut peut-être revoir ses cours d’épistémologie.

Ce qu’a montré le rapport de la FAO, et d’autres études depuis, c’est que les AUT sont avant tout plus riches en nutriments défavorables (sucre, acides gras saturés & trans, sel, densité énergétique) et plus pauvres en nutriments favorables (protéines, fibres, vitamines et minéraux) (2). Ces données n’excluent pas la possibilité que certains des effets délétères de ces AUT puissent aussi provenir d’additifs ou du processus de fabrication. Mais ces aspects doivent venir s’ajouter aux données macro et micro-nutritionnelles, pas les remplacer.

 

Conclusion

La consommation d’aliments ultra-transformés fait désormais parti des préoccupations de santé publique de nombreux pays. Compte tenu des données actuelles, il semble pertinent de tenir compte du niveau de transformation de certains aliments, dans les recommandations nutritionnelles. Mais les preuves sont toutefois insuffisantes pour affirmer catégoriquement que l’approche « holistico-réductionniste » doit être la base de nouvelles recommandations. Elle doit d’abord prouver sa prétendue supériorité avant d’être adoptée. En attendant, il semble plus raisonnable d’intégrer la dimension de l’ultra-transformation à ce qui existe déjà. Idem pour les outils comme le Nutri-Score, qui essaie désormais d’intégrer cette dimension dans son logo (12). Pour terminer, « les AUT » semblent être une catégorie extrêmement hétérogène. Peut-être qu’une classification plus affinée, par sous-groupes, permettrait d’obtenir des résultats plus précis, et de ne pas tous les mettre…dans le même panier !

 

Nicolas Parel, Diététicien MSc

Lien vers le profil LinkedIn : https://www.linkedin.com/in/nicolas-parel-7623901b7/


S’il le souhaite, le Dr. Fardet est invité à répondre à cet article sur ce blog.

 

Références :

  1. Mozaffarian D, Rosenberg I, Uauy R. History of modern nutrition science—implications for current research, dietary guidelines, and food policy. BMJ. 2018;361:k2392.
  2. Food and Agriculture Organization. Ultra processed foods, diet quality and human health [En ligne]. 2019 [cité 20 janvier 2024]. Disponible: https://www.fao.org/documents/card/en?details=CA5644EN/
  3. Pagliai G, Dinu M, Madarena MP, Bonaccio M, Iacoviello L, Sofi F. Consumption of ultra-processed foods and health status: a systematic review and meta-analysis. Br J Nutr. 2021;125(3):308‑18.
  4. Fardet A. L’effet de la matrice des aliments pour prévenir les maladies chroniques : la qualité des calories compte plus que leur quantité. Information Diététique. 2023;3:37‑49.
  5. Islam MdA, Amin MN, Siddiqui SA, Hossain MdP, Sultana F, Kabir MdR. Trans fatty acids and lipid profile: A serious risk factor to cardiovascular disease, cancer and diabetes. Diabetes & Metabolic Syndrome: Clinical Research & Reviews. 2019;13(2):1643‑7.
  6. Office fédéral de la sécurité alimentaire et des affaires vétérinaires. menuCH – la première enquête nationale sur l’alimentation [En ligne]. 2022 [cité 20 janv 2024]. Disponible: https://www.blv.admin.ch/blv/fr/home/lebensmittel-und-ernaehrung/ernaehrung/menuCH.html
  7. Srour B, Fezeu LK, Kesse-Guyot E, Allès B, Debras C, Druesne-Pecollo N, et al. Ultraprocessed Food Consumption and Risk of Type 2 Diabetes Among Participants of the NutriNet-Santé Prospective Cohort. JAMA Intern Med. 2020;180(2):283‑91.
  8. Cordova R, Viallon V, Fontvieille E, Peruchet-Noray L, Jansana A, Wagner KH, et al. Consumption of ultra-processed foods and risk of multimorbidity of cancer and cardiometabolic diseases: a multinational cohort study. Lancet Reg Health Eur. 2023;35:100771.
  9. Chen Z, Khandpur N, Desjardins C, Wang L, Monteiro CA, Rossato SL, et al. Ultra-Processed Food Consumption and Risk of Type 2 Diabetes: Three Large Prospective U.S. Cohort Studies. Diabetes Care. 28 févr 2023;46(7):1335‑44.
  10. UNESCO Chair GHE. Why the European Commission must choose the Nutri-Score nutrition label –[En ligne]. 2022 [cité 23 janvier 2024]. Disponible: https://unescochair-ghe.org/2023/05/12/report-why-the-european-commission-must-choose-the-nutri-score-nutrition-label/
  11. 20minutes.fr. Le Nutri-Score nouvelle version, amélioration ou coup d’épée dans l’eau ? [En ligne]. 2024 [cité 23 janvier 2024]. Disponible: https://www.20minutes.fr/sante/4071182-20240118-nutri-score-nouvelle-version-vraie-amelioration-coup-epee-eau
  12. Srour B, Hercberg S, Galan P, Monteiro CA, Edelenyi FS de, Bourhis L, et al. Effect of a new graphically modified Nutri-Score on the objective understanding of foods’ nutrient profile and ultraprocessing: a randomised controlled trial. BMJ Nutrition, Prevention & Health. 2023;e000599.

Annexes

Annexe 1 : Associations entre la proportion d’aliments ultra-transformés dans chaque groupe d’aliments et la survenue de diabète de type 2 (7)

Annexe 2 : Association entre les sous-groupes de consommation d’aliments ultra-transformés et le risque de multi-morbidité cancer-cardio-métabolique (8)

Annexe 3 : Associations entre les sous-groupes d’AUT et le risque de diabète de type 2 (9)

Annexe 4 : Le Nutri-Score

[1] L’institut national de recherche pour l’agriculture, l’alimentation et l’environnement

[2] Une étude écologique se base sur les données d’une population globale et non des données individuelles. Elle permet par exemple de connaître la consommation de viande de bœuf en France, mais pas comment elle se répartit entre les individus. Le niveau de preuve est donc inférieur à une étude de cohorte.

[3] Procédé qui modifie la structure des acides gras, associé à un risque accru de maladies cardiovasculaires.

 

 

 

Article invité.

La défense de la pensée critique passe souvent par une apologie de la science, de ses accomplissements, de ses mérites, de son importance cruciale pour édifier une démocratie éclairée. Mais c’est au risque d’une idéalisation qui efface les vrais défis que la science doit relever pour être à la hauteur de la mission qui est la sienne. Nous devons exercer un regard critique sur la science et pas seulement sur les faux discours et épistémologies avariées. Encourager nos amis chercheurs & chercheuses à embrasser pleinement les exigences de l’Open Science fait partie des devoirs de la zététique. C’est ce que Nathanael Larigaldie est venu nous dire avec ce billet.

Acermendax

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La zététique et la science

La zététique, depuis ses fondements initiaux jusqu’à la pratique contemporaine, entretient des relations étroites avec les outils scientifiques. Outils qu’elle tend à admirer, promouvoir, et au sein desquels ses principales méthodes sont extraites, afin de les appliquer à l’étude des phénomènes paranormaux en tout premier lieu (lire notamment « Le Paranormal » d’Henri Broch). Avec le temps le champ d’application s’est vu dériver vers une utilisation plus ou moins omnidirectionnelle afin de, comme cela est souvent présenté, pouvoir séparer le bon grain de l’ivraie de ses croyances et connaissances après avoir douté de ses certitudes.

Si les outils scientifiques peuvent assez bien s’appliquer dans les situations où la vérification et l’expérimentation directe sont possibles (c’est-à-dire le plus souvent dans les contextes d’investigation paranormale et de charlatanerie tels que le suggéraient justement Broch et ses premiers disciples), force est de constater que l’application concrète aux sujets plus complexes se limite finalement bien souvent à une injonction à suivre les conclusions des experts scientifiques dès que cela se révèle possible ; en particulier lorsqu’un consensus se dessine parmi ceux-ci.

L’injonction est simple et est pleine de bon sens : quiconque s’intéressant de près à un sujet de façon rigoureuse doit y dépenser énormément de temps, d’argent, accompagnés de longs apprentissages bien souvent pénibles de méthodes spécifiques et pointues. En somme, tout comme quasi-personne ne construit sa voiture en partant d’une clé à molettes et de bouts de taules dans son garage étant donné la colossalité de la tâche et achèterait plutôt sa voiture auprès d’une entreprise, il est pertinent pour quiconque d’utiliser la centralisation et spécialisation d’autrui comme base de connaissance prioritaire pour se former une opinion.

L’argument fait d’autant plus sens que, puisque les méthodes zététiques ont vocation à être empruntées à la science, le zététicien s’assure ainsi que les individus auxquels il accorde sa confiance pour étudier le monde à sa place utilisent des méthodes qu’il juge lui-même pertinentes pour l’étudier. À un certain degré, le scientifique pourrait être vu comme un zététicien ayant le temps, l’argent, le réseau et les incitations nécessaires pour étudier spécifiquement et dans le détail une quantité restreinte de domaines. Ou l’inverse, si l’on préfère cette lecture renversée : un zététicien serait finalement un scientifique amateur n’ayant généralement pas le temps ou les moyens d’étudier certaines (ou toutes) les méthodes complexes que la science utilise pour étudier le réel avec rigueur. En ce sens, la confiance par défaut accordée par la zététique à la science est une heuristique non seulement pertinente, mais également cohérente avec ses propres principes épistémologiques et sa vision proposée du monde.

Il n’y a pas loin à chercher pour observer ces parallèles entre la pratique scientifique et celle de la zététique. L’appel immédiat aux sources face aux affirmations sur les réseaux sociaux (que je surnomme parfois le « source bro? » pour faire un parallèle humoristique avec le plus répandu « source: trust me bro ») est une bonne illustration : les affirmations dans les publications scientifiques sont en général accompagnées d’une source afin de pouvoir juger de sa pertinence/crédibilité. Le fondement et la justification sont les mêmes (bien que l’utilisation de facto puisse être parfois sévèrement critiquée, dans un cas comme dans l’autre d’ailleurs).

Si vous estimez que ce qui est argumenté jusqu’alors est globalement vrai, alors vous devriez également être d’accord avec cette proposition : si la production scientifique ne suit en fait pas les préceptes que la zététique estiment être indispensables pour la création d’un savoir solide et rigoureux, alors l’heuristique de confiance par défaut envers la science ne fonctionne plus. Elle ne consisterait plus, en l’état, qu’à accorder une confiance disproportionnée à des individus ne respectant qu’à leur bon vouloir des principes épistémologiques et éthiques pourtant considérés comme indispensables pour la poursuite de l’étude du monde. En gros, conseiller de croire sur parole des gens dont l’argument central est un « trust me bro, j’ai un diplôme » déguisé. Ce qui serait contradictoire avec une idée un minimum rigoureuse d’esprit critique.

Non : lorsque la zététique conseille d’écouter la science, elle le fait en partant de la supposition que le système scientifique est au moins majoritairement un système basé sur de la rigueur intellectuelle, et non sur une chaîne de gens se faisant tous confiance sans vérifier les affirmations des collègues. Et que donc, par exemple, virtuellement aucun scientifique ne pourrait décemment écrire un papier prétendant avoir trouvé un effet statistique dans ses données sans que, quelque part dans le long et laborieux processus de collecte, analyse, écriture et publication des résultats, ses collègues directs et éloignés ne lui aient simplement demandé « source bro? ».

Et il se trouve, justement, que cela fait bien longtemps que toute une branche de la communauté scientifique tire une sonnette d’alarme qui ne retentit hélas que chez peu de gens : cette supposition est fausse bien, bien plus souvent qu’on le suspecte. Contrairement aux idées reçues, et attendez-vous à une intense déception si vous l’ignoriez avant, les données de l’extrême majorité des papiers scientifiques publiés ne sont jamais ni publiées, ni rendues accessibles aux autres chercheurs, même pendant la revue par les pairs, même lorsque cela est pourtant censément obligatoire pour certaines revues scientifiques, même lorsque d’autres scientifiques les demandent. Et là où la boucle du manquement de rigueur se boucle, c’est qu’il n’existe virtuellement aucune université au monde qui n’effectue le moindre contrôle pour vérifier l’intégrité de la collecte de données.

Je vais prendre un exemple. Imaginez un chercheur qui fait passer des questionnaires en ligne pour vérifier le lien entre partage de désinformation et orientation politique (exemple pris au hasard). Ce dernier rapporte un lien statistique entre certaines orientations et le partage de désinformation dans un article scientifique, publié dans une revue académique. Le plus souvent dans le fonctionnement scientifique contemporain, aucun individu au monde autre que l’analyste (et parfois certains de ses co-auteurs, mais c’est loin d’être une généralité) ne posera les yeux sur les données récoltées. Personne ne vérifiera jamais l’intégrité des données à une quelconque étape, et le plus souvent, même chose pour les analyses statistiques. Essentiellement, ce chercheur dit à l’intégralité de la communauté scientifique : « source: trust me bro ».

Si vous avez du mal à croire que ceci puisse arriver facilement, je vous invite à vous renseigner sur l’affaire entourant Francesca Gino (j’y ai notamment dédié un article de blog et un thread Twitter :

https://academia.hypotheses.org/51806  ;
https://twitter.com/NathLarigaldie/status/1687448236708057088.

Cette affaire montre notamment comment l’une des professeurs les plus reconnues de Harvard a très certainement falsifié une bonne partie de sa carrière grâce au fait que même ses très nombreux co-auteurs n’ont jamais vérifié, dans plusieurs papiers de recherche publiés dans d’excellentes revues, si elle effectuait son travail correctement. À titre personnel, je peux témoigner du cas récent d’un papier de recherche dont l’intégralité des analyses statistiques a été réalisée par un assistant de recherche, pré-PhD, ayant appris à faire ces analyses sur le tas alors qu’il n’avait aucune connaissance préalable sur le sujet. Ces analyses n’ont jamais été vérifiées par quiconque, le papier est à présent publié dans une revue bien réputée (entre autres sous le nom de l’un des chercheurs les plus réputés du labo de recherche où elle a été effectuée et du vice-recteur d’une autre université), et faisait partie d’un très gros projet prestigieux financé par les institutions européennes. Cette étude a bénéficié d’une communication de masse dans les médias, et a également été présentée dans des conférences et présentations destinées à informer les futures politiques européennes. Dans le cas de ce papier, le seul individu au monde ayant un jour approché l’analyse statistique sur laquelle repose l’intégralité des conclusions du papier est donc un assistant de recherche qui n’a travaillé dans ce labo que pendant 6 mois avant de quitter le monde académique (et en est d’ailleurs sorti dégoûté par le manque de rigueur). Absolument aucun lecteur de l’article se contentant de faire confiance au process scientifique n’a de moyen de savoir que les points majeurs de l’article réclamant les compétences les plus pointues ont été confiés à un junior, sans vérification de la qualité de son travail par ses seniors. Ce papier, sorti il y a moins d’un an, comptabilise déjà plusieurs dizaines de citations. Je ne pense pas que quiconque ait ce genre de processus en tête lorsqu’il imagine la « rigueur scientifique ».

Demandez-vous : en tant que zététicien, croiriez-vous les conclusions d’un individu sur Twitter disant « j’ai récolté des données que j’ai analysées, mais je ne vous donnerai accès ni aux données ni aux analyses, et ce même si vous êtes, vous aussi, expert du domaine en question. Je vais juste vous les décrire. Et ma conclusion sur le sujet dont nous parlons est […] » ? Bien sûr que non, pas en se revendiquant de l’esprit critique. La seule raison pour laquelle nous acceptons les articles scientifiques comme faisant preuve d’un plus grand degré de fiabilité est que nous imaginons qu’il est absolument évident que le processus scientifique implémente quelque chose, n’importe quoi, pour éviter de devoir juste compter sur ce genre de confiance aveugle. Face à cette affirmation, un zététicien devrait normalement réclamer qu’on lui apporte une preuve que le système fonctionne correctement et tel qu’il l’attend. Et ça tombe bien, puisqu’il existe un champ de recherche (la métascience) qui étudie ce genre de choses. Ce qui tombe vachement moins bien, c’est que quand on vérifie, on se rend en fait compte que nous avons seulement fait appel à ce qui nous semble être du sens commun qui ne se vérifie pas dans la réalité.[1]

Ainsi, pour continuer sur la lancée de l’opacité des données, une analyse (Hardwicke et al., 2021) menée entre autres par Tom Hardwicke et John Ioannidis (le même Ioannidis que le fameux « Why most published research findings are false ») montre qu’en psychologie, sur un échantillon d’études prises au hasard entre 2014 et 2017, seulement 2% partagent les données brutes récoltées dans l’étude, et 1% partagent le code des analyses statistiques réalisées.

Bien que ça y ressemble furieusement, je vous assure que ce n’est pas un cauchemar. En psychologie, et un constat similaire émerge progressivement dans les autres disciplines, 99% des études rapportent bel et bien des statistiques en disant « on a fait telle et telle analyse, et ça a donné tel et tel résultat. Voilà, croyez-nous sur parole quand on vous dit qu’on l’a vraiment fait, et qu’on a fait ça sans erreur ». Et ça va plus loin, puisque Hardwicke et Ioannidis ont également réalisé la cascade suivante : prendre les 111 études en psychologie et psychiatrie les plus citées entre 2006 et 2016, et demander aux auteurs d’avoir accès à leurs données lorsqu’elles n’étaient pas fournies. Ils ont ainsi pu récolter les données pour 14% des articles (Hardwicke & Ioannidis, 2018).

Hardwicke et Ioannidis sont des collègues chercheurs, reconnus de surcroît. Cette étude martèle le terrible constat qu’il est urgent de véhiculer au plus vite : même lorsque des collègues chercheurs demandent « Pardon, mais est-ce qu’on peut jeter un œil à vos données pour vérifier ? », soit une forme parfaitement saine de « source bro? » en plein cœur d’une science censée être rigoureuse et autocorrective, dans 86% des cas les données ne seront jamais transmises à quiconque. Les raisons sont multiples : refus sans explication, « les données ont été perdues », « le chercheur responsable de la gestion des données est décédé et personne d’autre ne les a », etc, etc… De la science sérieuse bien comme on l’aime, donc.

Un zététicien, et même tout citoyen un minimum à cheval sur la rigueur intellectuelle refuserait sans doute catégoriquement la conclusion d’une personne disant lors d’une discussion qu’il a des données et qu’il a fait des analyses qui lui donnent raison, promis juré craché, mais qu’il a laissées dans son autre pantalon. Il militerait même probablement activement auprès du grand public pour ne jamais accepter ni produire une argumentation aussi faible. Au nom de quel principe méthodologique devrions-nous donc accepter ceci de la part de gens sous prétexte qu’ils font partie d’une institution alors même que cette institution ne fait aucun effort pour garantir l’intégrité du processus de récolte de données ?

De mon côté, je me revendique comme faisant partie d’une sous-communauté grandissante au sein de la science qui estime que les principes de transparence et de responsabilité sont bel et bien censés également être vrais dans le milieu scientifique. Communauté dont la devise progressivement adoptée ces dernières années est « Nullius In Verba », ce qui se traduirait globalement par « ne croire personne sur parole ». Sous bien des égards (que je ne peux malheureusement tous développer ici, sous peine d’écrire un livre plutôt qu’un billet de blog), elle est le penchant purement scientifique du scepticisme. J’ai nommé : l’Open Science.

L’Open Science

J’ai remarqué dernièrement que pour beaucoup, il y a une assimilation quasi-totale de l’Open Science à l’Open Access, comme si la caractéristique principale de l’Open Science était l’ouverture des articles scientifiques au grand public sans avoir à payer la revue scientifique. En réalité, l’Open Science se propose comme l’intégration d’une constellation d’outils, de pratiques et de standards pour améliorer (entre autres) la transparence et la fiabilité de la démarche scientifique. En définitive, l’Open Access n’est qu’une seule de ces nombreuses facettes, et celle-ci n’est pas considérée comme la plus essentielle par la plupart des promoteurs de l’Open Science.

Ainsi, pour prendre quelques exemples rapides, les open scientists considèrent-ils que l’erreur est humaine, et que se tromper arrive à tout le monde. Conséquemment (et pour bien d’autres raisons encore), ils élèvent au rang de standard le fait de fournir les données et le code des analyses statistiques pour permettre à d’autres de vérifier s’ils n’ont pas fait d’erreur. Comme ils estiment également que la réplication est importante pour valider la solidité des conclusions, ils fournissent également tout le matériel de leurs études afin de pouvoir les reproduire telle quelles sans faire perdre son temps à tout le monde.

Cela vous semble être un principe scientifique de base et vous imaginiez que c’est comme ça que la science fonctionne en général sans avoir besoin que ne se fonde un mouvement interne qui essaie de se faire entendre tant bien que mal ? Vous n’êtes pas le seul. Tous les scientifiques à cheval sur la rigueur que je connais ont eu la même désillusion en démarrant leur carrière de recherche. Et pourtant, la communauté Open Science est encore minoritaire au sein du fonctionnement scientifique, malgré des décennies de recherche sur les problèmes mentionnés plus haut, et malgré les plaidoyers d’organisations nationales et internationales à l’adoption des principes souvent évidents qu’elle défend (e.g. premier lien, deuxième lien, troisième lien).

De nombreux scientifiques gravitent autour des communautés sceptiques, parfois en tant qu’invités d’émissions, ou qui parfois eux-mêmes font des études et/ou interventions publiques mentionnant l’existence du biais de confirmation, et que personne n’en est à l’abri. Or, même au sein de cette orbite, le préenregistrement d’études est toujours marginal alors que cet outil est spécifiquement conçu pour réduire significativement le biais de confirmation des scientifiques lors de leurs études (Nosek et al., 2018). Similairement, aucun de ces scientifiques ne niera qu’il est facile de se tromper. Et pourtant, presque aucun ne fournit ni ses données originales, ni son code complet, pour pouvoir vérifier ses travaux. Comment justifier correctement que les scientifiques proches du mouvement sceptique ne soient pas instantanément les meilleurs élèves sur la transparence et la rigueur de leurs travaux ? Doit-on accepter les scientifiques qui disent au peuple qu’il faut avoir de l’esprit critique et qu’il faut vérifier les informations, mais ne permettent pas à leurs collègues experts de vérifier leurs informations à eux ? En tant que scientifique et sceptique, nous portons en nous la responsabilité de crier haut et encore plus fort que les autres « Nullius in Verba », nous compris. J’enjoins le reste des scientifiques n’était pas encore 100% Open Science à emboîter le pas de ceux qui l’ont déjà fait sans plus attendre (et à me contacter s’ils ont besoin de la moindre aide pour démarrer !).

Du côté non-scientifique, il est à présent indispensable de commencer à réclamer des scientifiques qu’ils suivent ces pratiques pour que nous prenions en compte leurs études et leur avis, et de systématiquement demander pourquoi ils ne le font pas le cas échéant. Après des années de pratique scientifique, je peux vous assurer qu’il n’existe aucune justification véritablement satisfaisante pour expliquer l’absence combinée de données, code, matériel et de préenregistrement dans la quasi-totalité des études expérimentales. Dans la majorité des cas, la réponse ne sera rien de plus que « nous n’avons pas eu le temps de le faire », « nous avons oublié », ou « nous ne savions pas ». Je fais semblant de laisser le lecteur seul juge d’estimer la crédibilité à accorder à une étude dont l’investigateur admet ouvertement qu’il a pris des raccourcis dans sa méthode dans l’objectif de publier ses conclusions plus vite afin de favoriser sa carrière ou son influence politique plutôt que la rigueur, qui oublie d’utiliser des outils méthodologiques pourtant faits pour assurer la fiabilité de ses résultats, ou qui ignore leur existence. Ceci devrait suffire à convaincre n’importe quelle personne estimant que la rigueur est indispensable à la crédibilité, du bien-fondé assez clair de la démarche que je propose.[2]

Tout comme nous ne partagerions pas l’avis d’un individu sur Twitter disant « j’te jure, j’ai fait des analyses et j’ai raison, t’as pas besoin de vérifier quoique ce soit ! », cessons de faire la promotion d’études qui ne fournissent ni leurs données, ni leurs analyses, ni le matériel de reproduction, et n’ont pas été pré-enregistrées lorsque cela était réalisable. Surtout lorsque l’on vient d’insister auprès de nos interlocuteurs que la science fonctionne grâce à la réduction du biais de confirmation (très contestable si pas de pré-enregistrement), de la réplicabilité (très contestable si pas de matériel de reproduction) et de la possibilité de vérifier les erreurs (très contestable si ni données ni analyses). Ce sont des critères simples à suivre et à vérifier, des heuristiques qui ne sont pas nécessairement plus compliquées à implémenter que ce qu’un tuto de Defakator pourrait publier sur Youtube.

Je pense avoir montré, au moins partiellement, qu’un zététicien ne réclamant pas que les études auxquelles il se fie suivent les principes de l’Open Science dès que cela est possible trompe en réalité ses propres principes initiaux et se retrouve dans une posture incohérente : il réclame en effet d’inconnus sur internet lors  de discussions publiques un standard de rigueur comparativement supérieur à celui qu’il réclame pourtant à ceux qui lui procurent du savoir, et qui influencent les décisions politiques et  technologiques sous le prétexte que la personne qui a émis la conclusion détient une fiabilité décernée par la détention d’un grade académique ou un emploi salarié dans un centre de recherche. Soyons meilleurs que ça, et réclamons plus des institutions qui viennent ensuite expliquer aux citoyens et aux responsables politiques ce que nous sommes censés penser.

Si vous êtes sages, je tâcherai de développer avant longtemps bien plus d’exemples démontrant l’absolue nécessité de l’Open Science tant dans la production que dans l’évaluation de la science contemporaine. Parce que, trust me bro, je n’ai malheureusement fait ici qu’effleurer la pointe de l’iceberg.

 

Nathanael Larigaldie, PhD

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[1] Notez que les sources que je vais prendre ici, qui sont des plus alarmantes, concernent majoritairement la psychologie. Mais les tendances actuelles montrent que le problème est également présent entre autres en biologie et en médecine. La raison principale pour laquelle la psychologie a toujours le plus de données disponibles concernant ces échecs n’aurait pas pour cause, contrairement à la croyance populaire, que la psychologie dysfonctionne particulièrement plus que le reste. Ce serait plutôt parce que les psychologues acceptent plus facilement la critique de leur discipline, et que l’information est beaucoup moins difficile à faire circuler parce qu’elle est moins alarmante pour le grand public. Mais les initiatives cherchant à évaluer la réplicabilité des études en biologie du cancer, par exemple, y montrent un état absolument calamiteux encore bien pire que celui de la psychologie sociale (e.g. Errington et al., 2021). Ouille.

[2] Note importante : Un passe-droit est à accorder aux études anciennes, pour lesquelles les outils et les formations n’étaient pas encore si facilement disponibles pour l’Open Science. Je place personnellement cette limite arbitrairement à partir de ~2010-2015. Ce qui est certain, c’est qu’il n’est plus excusable pour une étude expérimentale sortant en 2023 de ne présenter ni préenregistrement, ni code, ni données brutes, ni matériel dédié à la reproduction (dans les situations où cela s’applique bien évidemment). Une étude publiée de cette manière devrait dorénavant immédiatement provoquer une dose importante de suspicion quant à son sérieux et sa pertinence au sein de la littérature scientifique

Article invité

Cet article fait suite au premier billet Neurosciences, le nouvel eldorado des coachs en bullshit publié en mai 2023.

Dans la première partie de cette enquête (disponible ici [1]), j’avais mis en lumière différents points quant à l’aspect scientifique que revêtait un “institut des neurosciences appliquées” qui forme des coachs dirigé par David Lefrançois, docteur et chercheur en neurosciences, selon ses dires.

Près de trois mois se sont écoulés et des doutes naissant parmi ses coachs, David Lefrançois a décidé de réagir en réalisant une vidéo de quarante minutes à destination de ces derniers [2]. Il leur montre son diplôme de doctorat et met à leur disposition son mémoire de thèse ainsi qu’un second mémoire, pour garder leur confiance.

Ces documents sont-ils authentiques et cohérents, ou David Lefrançois est-il allé jusqu’à fabriquer de faux documents universitaires pour continuer de se présenter comme docteur dans le milieu du coaching francophone ? A l’heure de la publication de ce billet, ces documents ont déjà disparu de la plateforme où le formateur de coachs les avait publiés pour ses clients mais leur analyse constitue un exercice intéressant et révélateur d’une imposture flagrante.

Sa vidéo, non exempte de quelques attaques personnelles à mon encontre, regorge de détails discutables sur lesquels je ne reviendrai pas dans ce billet, il y présente par exemple un document attestant de son intervention dans un M2 de l’université Paris Sud de 2016 à 2018. Pourtant c’est en 2021, trois ans après ces interventions donc, qu’à l’affirmation “Et tu enseignes également à l’Université Paris-Sud.”, il répondait au présent de l’indicatif: “C’est ça, exactement. Et je suis docteur en neurosciences.”[3].

Enquête, partie 2.

Un diplôme de doctorat … curieux.

Au sein de cette vidéo, David Lefrançois fait donc le choix de présenter son diplôme de doctorat qu’il prétend avoir obtenu en Ukraine. Il le présente en ces mots à sa communauté:

« C’est un diplôme très particulier, on a une petite fiche en or ici, c’est très important, il est numéroté et ce document est directement apostillé par l’état. D’accord ?[…] c’est pas vraiment le genre de documents qu’on peut copier. »

Image extraite de la vidéo où David Lefrançois présente son diplôme [2]

Sur ce diplôme, on distingue qu’il s’agit bien d’un doctorat en sciences (“Доктор наук” en ukrainien), et ce point sera crucial pour la suite, puis on y lit son nom et son prénom écrits en ukrainien et le numéro de ce diplôme (“ДД N°002075”, ДД pour Diplôme de Doctorat).

Et là, premier problème : ce diplôme date de mai 2008, or sur le site de Coach-Up Institut, le premier institut de coaching de David Lefrançois, il s’est prétendu expert en neurosciences à partir de janvier 2007 [4]. Curieux d’être expert avant d’être docteur, non ?

Évolution de la présentation de David entre juin 2006 et janvier 2007 [4]

Autre problème, le système ukrainien délivre deux niveaux de doctorat [5]: le diplôme de candidat ès sciences (“кандидат наук” en ukrainien) [6], qui correspond à un niveau Bac+8, au PhD, au doctorat français et qui s’obtient -en Ukraine- avec en général cinq publications en revue à comité de lecture nationale ou internationale. Et le second niveau, celui de docteur ès sciences (“доктор наук” en ukrainien) [7],  qui s’obtient en général dix ans après le diplôme de candidat et qui correspond en France à l’habilitation à diriger de la recherche (HDR) pour aller vers les postes de professeur titulaire. Et c’est ce second diplôme que David Lefrançois présente à ses coachs comme un diplôme de doctorat alors qu’il s’agit en réalité du plus haut diplôme universitaire d’Ukraine que seuls un quart des candidats parviennent à obtenir. Or dans une interview publiée cette année [8], il affirmait poursuivre en Ukraine un deuxième doctorat avant la guerre. Il est pourtant déjà titulaire du deuxième doctorat ukrainien en présentant ce diplôme -s’il est authentique-…

Je me suis alors concentré sur la manière dont il présentait ce diplôme : un diplôme avec hologramme, numéroté, apostillé impossible à copier. Si je devais montrer mon diplôme d’ingénieur, j’expliquerais la mention dans laquelle je l’ai obtenu, je parlerais de mon école, mais jamais il ne me viendrait l’idée de présenter ses sécurités que je ne connais même pas, et encore moins de préciser que ce n’est pas un faux. Alors ce propos m’a mis sur une piste. En effet, la page Wikipédia sur le système académique ukrainien [5] fait mention de la corruption assez importante dans le milieu universitaire, j’ai alors recherché naïvement comment acheter un diplôme de doctorat ukrainien, et je suis tombé sur ce site [9]:

Site de vente de diplômes ukrainiens [9]

Site qui vous propose à l’achat un diplôme de doctorat des années 2000 à 2023, et qui vous recommande avant d’acheter un tel diplôme, de prévenir vos proches que vous êtes docteur (ce qui je l’admets, est plutôt un bon conseil). Site qui vous vend, un diplôme authentifié par l’état ukrainien. Alors j’ai contacté ce faussaire, et dès son premier message, il me propose un diplôme avec les hologrammes officiels pour 1200 dollars, et en option l’apostille et le certificat d’authenticité du consulat pour la modique somme de 600 dollars.

Fin du message envoyé par le faussaire via Whatsapp

 Et c’est curieux: l’hologramme officiel, l’apostille, le certificat d’authenticité, comme une impression d’avoir déjà entendu cela. De plus, en revenant sur le site du faussaire, curieux hasard ou simple coïncidence, la photo du diplôme vierge qu’il propose de personnaliser porte exactement le même numéro de diplôme que le diplôme que présente David Lefrançois.

Photo du faussaire [9] vs diplôme présenté par DLF [2]

En plus de ce diplôme plein de coïncidences, le coach a mis à disposition de ses formés deux mémoires, un mémoire de thèse, ainsi qu’un autre mémoire sans précisions. Regardons maintenant cela de plus près.

Un mémoire de thèse … plagié ?

Cette section a été rédigée grâce au travail drastique d’un coach formé par David Lefrançois ayant un background universitaire. Je remercie cette personne qui a souhaité garder l’anonymat.

Dans le mémoire partagé par David Lefrançois [10], de nombreux éléments alertent d’emblée. Rien que le titre et sa syntaxe semblent curieux pour le mémoire du plus haut niveau académique d’un pays:

Photo de la première page du “mémoire” [10]

 Aucune université précisée, aucun encadrant, aucun membre de jury, et un mémoire d’une centaine de pages hors annexes une fois les pages blanches retirées. Une numérotation incohérente entre l’index et les pages réelles, une pagination à géométrie variable, la forme intrigue pour un mémoire représentant en Ukraine le travail d’une dizaine d’années dans la recherche, si imposant que les relecteurs en réalisent habituellement un résumé de 40 à 50 pages avant la soutenance [7].

 Autre élément, la bibliographie intitulée “Liste des sources utilisées”, censée se trouver en page 157 selon l’index, mais se trouvant en réalité en page 136 pourtant numérotée 95, intrigue. En effet, elle comprend 112 références classées par ordre alphabétique. Mais à partir de la référence 49, l’alphabet recommence, comme si deux bibliographies avaient été assemblées. De plus, la référence 70 est un article scientifique de 2016. Pour une thèse obtenue en 2008, c’est l’illustration d’un sacré don de voyance.

Intéressons-nous maintenant au contenu. Dès l’introduction, des répétitions et erreurs alertent comme “des activités […] professionnelles et professionnelles”, ou encore les verbes “Décriver” et “Découvrer” qui rejoignent les verbes du premier groupe, visiblement. Une mauvaise traduction de travaux ukrainiens qui va nous permettre de remonter aux originaux.

à gauche le « doctorat » de DLF [10], à droite la traduction de [11]

En effet, une partie de la thèse présentée comme la sienne par David Lefrançois est en réalité le travail de thèse de candidat ès sciences de Oleg Vitallievich Grechetsky [11] en sciences de l’éducation physique en 2019 à l’université de Lviv. Pourtant cette référence n’est pas citée dans la bibliographie alors qu’on parle tout de même d’un emprunt d’au moins dix pages identifiées comme étant un strict copier-coller mot pour mot. Même les figures ont été plagiées ou reproduites.

à gauche le « doctorat » de DLF [10], à droite la traduction de [11]

 Mais il s’est aussi grandement inspiré, et ce pour près de 25 pages de contenu et 22 pages d’annexes, mot pour mot, du mémoire de master de Trachuk Vitaly Vladimirovich présenté en 2019 à l’Université de Ternopil [12].

à gauche le « doctorat » de DLF [10], à droite la traduction de [12]

à gauche le « doctorat » de DLF [10], à droite la traduction de [12]

 En ce qui concerne le second mémoire partagé par David Lefrançois à ses coachs [13], sans suspense, il s’agit au moins partiellement d’un plagiat mot à mot d’un article du blog de Mikhail Litvak [14] pour au moins 2 pages, d’un second article du même auteur [15] pour au moins 7 pages et du mémoire de Agata Safaryan [16] pour au moins 11 pages.

à gauche le mémoire de DLF [13], à droite la traduction de [15]

à gauche le mémoire de DLF [13], à droite la traduction de [16]

Il se trouve que (comme surligné en rose) l’auteur de [14] et [15] fait référence sur son blog à l’un de ses ouvrages personnels “Si tu veux être heureux” de 1995. Même cette référence n’a pas été retirée du mémoire, une relecture de ce plagiat aurait peut-être été la moindre des choses.

Alors… docteur ou menteur ?

À ce stade et avec tant d’éléments, difficile de conclure autrement : David Lefrançois a fabriqué un faux mémoire de thèse pour convaincre son public qui doutait qu’il était docteur. Il y a joint un mémoire sur la psychologie du vampirisme lui aussi au moins en partie plagié.

Les coachs qui ont suivi ou suivent ses enseignements ne sont pas à blâmer dans cette histoire. Faire confiance à quelqu’un qui se dit docteur, scientifique ou chercheur n’est pas anormal : qui a déjà demandé à son médecin ses diplômes et son mémoire de thèse ? Ce qui est raisonnable, c’est de se questionner lorsqu’un doute apparaît. Et fort heureusement, on rencontre rarement ce genre de cas d’études et pour éviter qu’ils se multiplient et entachent la réputation de tout un milieu, la seule solution est probablement de vulgariser la science et de dénoncer les usurpations.

 

Gautier Corgne

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Cet article existe en version Vidéo sur YouTube

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Sources:

[1] https://menace-theoriste.fr/neurosciences-le-nouvel-eldorado-des-coachs-en-bullshit/

[2] https://vimeo.com/871559850

[3] https://www.coaching-personnel.fr/podcast-oser-ma-vie/articles/oser-ma-vie-avec-david-lefrancois

[4] https://web.archive.org/web/20070104010449/http://www.coachup-institut.com:80/societe/equipe.htm

[5] https://fr.wikipedia.org/wiki/Syst%C3%A8me_%C3%A9ducatif_en_Ukraine

[6] https://fr.wikipedia.org/wiki/Candidat_%C3%A8s_sciences

[7] https://fr.wikipedia.org/wiki/Docteur_%C3%A8s_sciences_(ex-Union_sovi%C3%A9tique)

[8] https://www.youtube.com/watch?v=azW_0sLhrA0

[9] https://kupit-diplom-attestat.com/en/diplomas/buy-doctoral-diploma/

(ATTENTION, la possession d’un faux est répréhensible et je déconseille la consultation et l’usage de ce site)

[10] https://drive.google.com/file/d/1c2Graedb2OICn4_qQ1DjciZo7X0rQ545/view

[11] https://repository.ldufk.edu.ua/bitstream/34606048/21022/1/%D0%93%D1%80%…

[12] https://elartu.tntu.edu.ua/bitstream/lib/29707/6/dyplom_Trachuk.pdf

[13] https://drive.google.com/file/d/15U7WU27AUDfqoHauVS8grqijYHotzeC3/view

[14] http://litvak.me/statyi/article_post/istoki-psikhologicheskogo-vampirizma

[15] http://litvak.me/statyi/article_post/mify-sovremennoy-zhizni

[16] https://artsakhlib.am/wp-content/uploads/2020/05/Агата-Сафарян-Анималистическая-репрезентация-архетипа-“Вампир”-в-романе-Б.Стокера-“Дракула”.pdf

Article invité

 

Ce texte m’a été transmis par ses trois auteurs, inquiets d’entendre régulièrement de fausses informations diffusées dans l’émission ‘“La chronique de Caroline Goldman”. Deux d’entre eux acceptent de donner une identité : Morgane, étudiante en médecine et Elsa Persant, étudiante en sciences politiques.

 

Acermendax

Nota bene : Vous pouvez visiter le site de la médiatrice de radio France .

 

Cher France Inter, Chère Médiatrice

 

Après écoute de “La chronique de Caroline Goldman”, (sur le TDAH et la dysphorie de genre) nous nous inquiétons de la diffusion d’informations non scientifiques et dangereuses sur ces sujets. Nous souhaitons rappeler que la psychanalyse n’est pas une science et enjoignons France Inter à faire appel à des scientifiques professionnels pour traiter de ces sujets complexes et importants.

Concernant le TDAH, Mme Goldman décrit un risque de surdiagnostic, alors même que la Haute Autorité de Santé (autorité publique indépendante à caractère scientifique) rapporte en 2021 un “retard important dans le repérage, le diagnostic et la prise en charge efficace de ce trouble” causé par une formation insuffisante des professionnels de santé [1]. De plus, l’utilisation de la méthylphénidate (molécule de la Ritaline) a été confirmée en 2019 par la HAS. Son utilisation est lourdement encadrée, et intervient dans le cadre d’une thérapie globale [2]. Une méta analyse assure également qu’il n’y a pas d’impact sur l’alimentation au long terme [3]

S’il est légitime de s’inquiéter du manque de moyen de la profession et de l’augmentation de médicaments chez l’enfants, cela ne devrait pas se faire au détriment d’une prise en charge adaptée pour les personnes ayant un TDAH [4].

 

Le 10 août, Mme Goldman partage dans sa chronique l’hypothèse du Dr Flavigny que la transidentité serait due au “fantasme d’un enfant d’avoir déçu ses parents”. Cette affirmation ne semble pas être soutenue par la communauté scientifique. La confiance qu’on peut accorder au Dr Flavigny sur la qualité de sa démarche académique doit s’évaluer au jour de ses positions sur divers sujets (comme l’inceste [5]). Le reste de la thèse ne semble donc pas reposer sur une base solide et entre de plus en contradiction avec les études contemporaines qui reconnaissent l’efficacité des thérapies de réassignement de genre [6].

Ce discours sous-estime la capacité des personnes trans à se connaître dans leur identité de genre. En plus d’être peu étayé scientifiquement, il est également dangereux dans un contexte de hausse de la lgbtphobie et d’attaques contre les droits des personnes trans à l’international.

 

Finalement, nous souhaitons rappeler que la psychanalyse ne s’appuie pas sur une méthodologie scientifique. Une longue lignée de professionnels de la science, de la psychologie ou de la médecine lutte contre cette vision [7,8,9]. Une tribune réunissant plus de 280 professionnels s’est déjà opposée à Mme Goldman sur ses théories d’éducation des enfants [10]. 

 

Pour toutes ces raisons, nous nous inquiétons de l’impact que peut avoir le discours de Mme Goldman et aimerions le retrait de son émission qui a diffusé de fausses informations sur deux sujets particulièrement délicats.

 

___________

Des chercheurs ont déjà donné l’alerte, comme par exemple Franck Ramus sur son compte X (Twitter) :

Sur le même sujet

 

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1:https://www.has-sante.fr/jcms/p_3302480/fr/trouble-du-neurodeveloppement/-tdah-reperage-diagnostic-et-prise-en-charge-des-adultes-note-de-cadrage 

2 : https://www.has-sante.fr/jcms/p_3305318/fr/ritaline-lp-methylphenidate-tdah

3:https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S0013700617300635?casa_token=9pkEwCe2EdkAAAAA:vJ0CaEj1qAhyNeBRppeRb_klFrRMANKMUvLx4QOASt8LKEBm9da6qaP6qXGtGt2Rac_A1Sp1jg#abs0005 

4:https://www.has-sante.fr/upload/docs/evamed/CT-19405_RITALINE%20LP_PIC_EI_AvisDef_CT19405.pdf & https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S0929693X18300459?casa_token=7Ea1NY33RhkAAAAA:5oCf9dyN1ju44EtEzVqr5lDTBtMdm9yCCa0tGivvW-3zmfLbH5ued0Ju5sQI_SDFpzaUA9-Y6g#bibl0005 

5 :  https://www.youtube.com/watch?v=EAEI3olhybY

6 : https://www.sciencedirect.com/science/article/abs/pii/S0094014319300497?via%3Dihub 

7 : Psychothérapie : trois approches évaluées

8 : Le livre noir de la psychanalyse

9 : Une revue ouverte des études de résultat en psychanalyse

10 : https://www.docdroid.net/hamp8mf/liste-signataires-tribune-le-monde-20-mars-pdf

Comment dois-je réagir si je suis un expert, un spécialiste, voire un chercheur* dont les compétences sont remises en cause publiquement ? Il sera question ici d’experts qui prennent la parole, qui exercent explicitement leur expertise dans le cadre des médias, des réseaux sociaux, de conférences ou de livres.

 

Quelques comportements attendus

Notez bien qu’il s’agit d’une liste de critères qui n’ont pas vocation à être systématiquement présents mais qui représentent une matrice permettant d’évaluer si une personne entre un peu, beaucoup ou pas du tout dans ce qu’on peut reconnaître sous le mot expert.

  1. Le plus simple, le plus évident, mais pas le meilleur :  je rappelle mes titres académiques, les postes que j’ai occupés, les médailles et les hommages reçus. C’est la preuve sociale que mon expertise est largement reconnue. (Evidemment ça ne prouve pas que j’ai raison sur un point en particulier qui serait en question à l’instant t —voir deuxième liste—, mais ici nous cherchons des indices d’expertise)
  2. Je montre mes travaux validés par les pairs, les autres spécialistes. Le format idéal, qui constitue la forme la plus fiable (mais pas totalement fiable non plus) est l’article de recherche publié dans une revue à comité de lecture.
  3. Je montre mes collaborations passées ou en cours avec des institutions spécialisées du domaine, des chercheurs reconnus, etc.
  4. Je montre mes travaux, mes contributions et leur impact : si je suis cité par d’autres acteurs du champ dans leurs propres travaux, cela plaide pour le fait que j’y ai apporté quelque chose. Si personne ne me cite, je suis peut-être un fin connaisseur, mais puis-je me dire « expert » ?
  5. Je montre que dans mon travail je sais faire référence à l’état des connaissances du domaine, je fournis des sources à mes propos, j’aiguille le public vers les travaux d’autres spécialistes. En somme : mes contributions contiennent d’abondantes références à la littérature spécialisée.
  6. Si j’ai participé à des controverses scientifiques sur un sujet, je montre que j’ai su ne pas substituer mon avis d’expert avec une vérité établie par tout un champ disciplinaire. Cette forme d’humilité est le gage que je sais de quoi je parle lorsque je suis assertif.
  7. J’accepte de revenir sur les imprécisions ou erreurs que j’ai pu faire. Être un expert ne me protège pas de tenir des propos qui mériteraient d’être corrigés.
  8. Je demeure dans les limites de mon champ de compétence, ou bien je précise quand j’évoque des sujets qui s’en éloignent. De manière générale, je ne fais pas évoluer le périmètre de mon expertise au gré des besoins du moment.
  9. J’évite de m’exprimer (en tout cas à répétition) dans des médias qui par ailleurs désinforment le public, prennent des positions anti-science ou laissent libre cours à la parole d’imposteurs, baratineurs et autres magouilleurs.
  10. Je comprends que dans le champ social la confiance des autres n’est pas un dû et que je dois la mériter en donnant des gages. Je reconnais qu’il peut arriver qu’un expert doive défendre son expertise dans des polémiques, et même parfois faire face à des attaques injustes dont on sort par le haut en apportant des éléments qui permettent de rétablir ou de maintenir la confiance.

 

Parenthèse : On n’a évidemment pas besoin de se dire expert pour avoir le droit d’émettre un avis sur un sujet, pour partager ses connaissances, pour vulgariser une étude ou un concept, pour remettre en question des paroles officielles ou pour demander à un expert comment il sait telle ou telle chose.

 

Les propos et attitudes qui seront moins pertinents (même s’ils peuvent être vrais)

  • « C’est moi le meilleur. Je suis l’élite. »
  • « On s’en prend à moi car je mets en danger un business. »
  • « Tout le monde est corrompu sauf moi. »
  • « Je n’ai aucun conflit d’intérêt, donc je suis un expert »
  • « Les critiques sont orchestrées par un groupe qui me veut du mal. »
  • « On me critique parce que je me coiffe bizarrement, parce que je suis malade, parce que je suis moche, parce que je suis une femme. »
  • « Je me sens pas bien, je veux faire une pause. Vous devez garder vos critiques pour quand je vous dirai que je me sens mieux. »
  • « J’étais le premier à parler de ce sujet, j’ai le droit de le dire puisque je ne connais pas ceux qui en parlaient avant. »
  • « Défendez-moi ! Exprimez votre soutien inconditionnel. Faites taire les critiques ! »

 

Voici des sources scientifiques à propos de l’expertise (et de la pseudo-expertise) :

  • Caley MJ, O’Leary RA, Fisher R, Low-Choy S, Johnson S, Mengersen K. What is an expert? A systems perspective on expertise. Ecol Evol. 2014 Feb;4(3):231-42. (lien)
  • Michel Croce, On What it Takes to be an Expert, The Philosophical Quarterly, Volume 69, Issue 274, January 2019, Pages 1–21, (Lien, hélas derrière un paywall)
  • Fuhrer J, Cova F, Gauvrit N, Dieguez S. Pseudoexpertise: A Conceptual and Theoretical Analysis. Front Psychol. 2021 Nov 11;12:732666. (Lien).

 

 

Acermendax

(qui n’est plus un chercheur et qui ne se dit pas expert)

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* Chercheur n’est pas un titre protégé, mais la plupart des gens s’accordent à dire qu’un chercheur est une personne qui produit de la connaissance en publiant des travaux dans des revues à comité de lecture. C’est le sens que je lui donne.

 

Suite à la vidéo « Fausse expertise chez les anti-complotisme » publiée le 9 aout, j’ai d’abord reçu une mise en demeure exigeant le retrait sous 24 heures de la vidéo de la part d’une avocate « pantoise ». J’ai gentiment répondu à ce courrier le jour même. Puis est arrivée une « mise au point » le vendredi 12 aout dans la soirée, consistant en un droit de réponse préparé par une impressionnante (?) phalange d’avocats, auquel j’accorde évidemment toute mon attention, même si je déplore que la réponse se résume à « je suis experte car on m’invite dans les médias, j’ai écrit une tribune et je publie des livres » à quoi s’ajoute la carte de la victimisation sexiste tout en oblitérant totalement le harcèlement de deux contributrices de la sphère rationaliste qui est à l’origine de l’existence de ladite vidéo (invisibiliser les femmes ne fait pas partie de notre projet.)

Après cela, vous pourrez lire le courrier que j’avais moi-même adressé à Marie PELTIER le 5 aout, pendant la préparation de la vidéo, afin qu’elle puisse apporter des réponses qui m’eurent évité de proférer d’éventuels propos incorrects ou trompeurs.

Ainsi, vous allez pouvoir découvrir la correspondance dans son intégralité et vous faire un avis sur l’honnêteté de ma démarche et de celle de Marie PELTIER.

Je rappelle que la vidéo concernait également Stéphanie LAMY, laquelle a d’abord choisi de ne pas réagir publiquement avant de publier abondamment des propos agressifs sur les réseaux, sans toutefois me communiquer un droit de réponse. Et je précise enfin que Madame PELTIER qui annonçait partout quitter les réseaux au moment de la sortie de la vidéo n’en a rien fait, y écrit beaucoup, et like encore des messages d’injures et de menaces.

 

Elle a même trouvé pertinent de déclarer qu’elle ne se « vengerait pas » des chercheurs/chercheuses ayant témoigné anonymement dans la vidéo, le genre de déclaration qui semble dire qu’elle serait en mesure et en droit de le faire. J’ignore si une vengeance est de mise contre le chercheur Pascal Wagner-Egger qui a témoigné non anonymement.

1. La vidéo (9 aout)

 

 

2. Courrier de mise en demeure (10 aout)

« C’est en ma qualité de conseil de Madame Marie PELTIER que je vous adresse la présente lettre de mise en demeure

Vous avez publié sur votre chaîne YouTube, ce 9 août 2023, une vidéo qui porte gravement atteinte à l’honneur et à la considération de ma cliente

En effet, vous y traitez ma cliente de « parasite » et vous y soutenez qu’elle est une fausse experte (<< Nous parlons de faux experts qui passent dans les médias de manière assez massive, qui se font un nom et qui prennent la place de celles et ceux qui travaillent »; « Le premier devoir de celui qui veut qu’on l’écoute, c’est d’éviter de se faire passer pour ce qu’il n’est pas « chercheuse« , « experte« , « universitaire » »)

Vous tentez également de jeter le discrédit sur son travail («< Elle s’est faite connaitre comme experte sur la Syrie sans parler la langue du pays »; « Il y a certainement de vrais experts [sur la Syrie] qui n’ont jamais pu parler dans les médias parce que la place était prise ») de manière gratuite et non fondée, allant même jusqu’à affirmer que ma cliente, spécialiste reconnue de l’anticomplotisme, appliquerait (avec Madame LAMY) « les méthodes d’un manuel de radicalisation et de dérive complotiste en ligne »). 

Ces affirmations sont purement mensongères et l’agressivité de vos propos révèlent une flagrante intention de nuire à ma cliente

Ces faits sont constitutifs d’infractions pénales graves tant en droit belge qu’en droit français (injures, calomnie et diffamation, harcèlement notamment) et causent un grave préjudice à ma cliente, lequel ouvre un droit à l’obtention de dommages et intérêts (responsabilité quasidélictuelle)

Je constate de surcroît que vous vous permettez d’affirmer connaître mon propre point de vue sur la situation de ma clientetout en discréditant mon propre travail, ce qui me laisse pantoise (« Je pense que l’avocate de Madame Peltier est d’accord avec moi car dans un de ses courriers que j’ai pu lire, qui est une mise en demeure, l’avocate ne mentionne aucun propos incriminant [] Donc c’est du bluff, de l’intimidation judiciaire« ). Ces affirmations, à nouveau mensongères et sans fondement, sont révélatrices de votre arrogance et du peu de sérieux de votre démarche. Permettezmoi, pour le bon ordre, de vous confirmer que le harcèlement dont a été victime Madame PELTIER fait actuellement l’objet de poursuites pénales

Je dois encore constater que vous diffusez, consciemment et volontairement, des extraits de vidéo de conférence privées tenues par ma cliente et pourtant couverts par la confidentialité, laquelle est clairement annoncée avant le début des conférences (« Elle en parle dans des vidéoconférences payantes auxquelles le public n’a pas accès mais que j’ai pu voir ») à ce sujet, la ou les personne.s vous ayant transmis ces vidéos ont ainsi violé cette confidentialité et la législation sur les droits d’auteur, ce qui pourrait justifier également des procédures judiciaires, outre votre implication personnelle. 

Votre intention de nuire à ma cliente et de discréditer son travail et son expertise est éclatante et ne souffre ainsi aucune contestation possible

Ceci alors même que ma cliente (à l’instar d’autres personnes de son entourage) vous a instamment demandé, en insistant sur son état de grossesse actuel et sa fragilité, de ne pas diffuser cette vidéo en l’état et à l’heure actuelle

Votre acharnement à son encontre sur ce point laisse sans voix et justifie par luimême une demande d’indemnisation en raison du préjudice subi

Dès lors, par la présente, je vous somme et vous mets en demeure de retirer immédiatement et au plus tard sous 24 heures la vidéo en question. 

A défaut, ma cliente agira par la voie judiciaire et notamment celle de la procédure d’urgence du référé civil, pour obtenir votre condamnation au retrait de cette vidéo, ceci outre des éventuelles procédures pénales, tant en France qu’en Belgique

J’ose encore espérer que nous ne devrons pas en arriver là

Je vous informe enfin que, au vu du caractère public de vos accusations, ma cliente se réserve le droit de diffuser publiquement la présente lettre

Olivia Venet 

Avocate »

 

3. Ma réponse à la mise en demeure (10 aout)

 

Bonjour Madame,

Merci pour votre très gentil message.
Comme je l’ai déjà dit dans la vidéo que vous avez vue, je propose évidemment à Madame Peltier de lui octroyer un droit de réponse afin de rétablir des faits que j’aurais présentés d’une façon qui lui semblerait erronée ou trompeuse, comme il convient, particulièrement dans une situation de désaccord scientifique.
Bien cordialement,
Thomas C. Durand

4. Le « droit de réponse » intitulé  « Mise au point concernant une vidéo de la Tronche en Biais » (12 aout)

« Monsieur,

Je fais suite à votre courriel de ce 10 août 2023.

Je vous informe que j’interviens à présent en cette cause aux côtés de Mes Emmanuel Daoud et Agathe Quinio, avocats au Barreau de Paris, qui me lisent en cc tout comme ma collaboratrice Me Chloé Licata.

Vous trouverez en annexe la mise au point rédigée par notre cliente Mme Marie Peltier, en réponse aux affirmations inexactes tenues dans votre vidéo.

Nous vous demandons d’en assurer une diffusion équivalente à celle de la vidéo litigieuse.

Bien cordialement,

Olivia Venet »

Mise au point concernant une vidéo de la Tronche en Biais

« Dans un contexte déjà lourd, marqué par un harcèlement constant de la part d’un groupe restreint, contre lequel des actions en justice sont déjà engagées, je tiens à réagir suite à la récente publication
vidéo de la Tronche en Biais. Depuis novembre 2022, j’ai fait l’objet d’attaques répétées consécutives à mon positionnement sur l’affaire « Facts and Furious ». Après une brève mention de cette affaire en juin dernier sur Twitter, implorant qu’on me laisse enfin en paix avec cette histoire, je pensais le sujet clos.

C’était sans compter, outre une importante vague d’attaques renouvelées durant le mois de juillet, sur un courrier reçu le 5 août, en plein milieu de mes vacances et alors que je traverse une période particulièrement délicate de ma grossesse. Une demande « urgente » de réponses à des questions orientées dont le ton malveillant était évident, rappelant par ailleurs une nouvelle fois l’affaire « Facts and Furious ». Nous avons aussitôt prévenu la Tronche en Biais des conséquences judiciaires qu’entraînerait une telle diffusion, étant donné le contexte. Deux témoins ont même pris la peine de contacter Thomas Durand à titre privé pour souligner l’inapproprié de cette démarche vis-à-vis de ma situation personnelle.


Je ne souhaite pas m’attarder sur chaque point avancé dans cette vidéo tant les imprécisions, les mensonges et surtout l’intention de nuire y sont flagrants. Personne ne devrait avoir à répondre à de telles accusations, visant clairement le discrédit professionnel. Mais je tiens à rectifier trois points majeurs :


1.
Sur mes « titres »

Ma transparence concernant mon parcours a toujours été de mise. Le titre de « chercheuse » ne m’a pas été attribué de ma propre initiative, même si mon travail en centres de recherche en Belgique a été reconnu. Bien souvent, les médias et organisations accueillantes m’ont associée à ce titre en raison de mes ouvrages sur le complotisme. Cependant, je m’en distancie volontiers quand la question m’est posée. Mon expertise repose sur la reconnaissance de mon travail et non une auto-proclamation. Si le but est de discréditer, alors ôtez-moi tout titre. Je préfère être jugée sur la qualité de mon travail – et je n’estime pas que Twitter est mon lieu de travail.

A cet égard, je renvoie à mes deux ouvrages : « L’ère du complotisme. La maladie d’une société fracturée » (2016, réédition 2021) et « Obsessions. Dans les coulisses du récit complotiste » (2018). Un troisième ouvrage est en cours de rédaction et sa parution est prévue l’an prochain. Je renvoie aussi à de plus récents entretiens, qui témoignent particulièrement de cette transparence sur mon parcours, à l’instar de la série en 5 épisodes sur le complotisme chez « Méta de Choc » diffusée en juin 2022 ou encore mon témoignage dans le podcast « Eloquentes » en mars dernier. Je pense par ailleurs, en termes de
reconnaissance de mon travail, à mon entretien en mars 2023 dans La Revue Défense Nationale (2023/3 – N° 858) sur le sujet :
« Propagande et complotisme : la Russie peut-elle
gagner la guerre des narratifs ? »
ou à ma participation en juin dernier au podcast « Sources Diplomatiques » de la Diplomatie Française sur le thème « Une société saturée par l’image et
l’impact sur la diplomatie ? ».
Rappelons enfin que mon activité principale est une activité d’enseignement en Histoire à l’Institut Supérieur de Pédagogie de Bruxelles (rebaptisé
désormais
Ephec Education).

2. Sur mon expertise

Il a été notamment mentionné que j’évoquais mon expertise sur la Syrie malgré mon absence de maîtrise de la langue arabe, un point que je ne cesse de rappeler moi-même. Mon travail se concentre sur la manière dont les démocraties occidentales perçoivent et reçoivent la propagande des dictatures, un sujet qui m’a conduit à me pencher sur le complotisme. Une simple étude de mes ouvrages aurait montré la vacuité de cet angle d’attaque. Pour un aperçu rapide, je renvoie à une tribune rédigée pour le quotidien Le Monde le 14 décembre 2016 intitulée « La chute d’Alep, c’est la victoire de la propagande complotiste », qui témoigne de cette étude conjointe au long cours de la propagande des dictatures et du phénomène complotiste au sein des pays occidentaux.


3.
Divulgation d’informations confidentielles

La publication d’extraits vidéo issus d’une conférence privée sans mon consentement constitue une grave violation de mes droits d’auteur et de la confidentialité. L’obtention de ces vidéos par des moyens qui interrogent m’amène à questionner les méthodes de la Tronche en Biais.
Je suis persuadée que de telles attaques n’auraient pas été dirigées contre des collègues masculins travaillant sur les mêmes questions, ayant pourtant pour certains une notoriété similaire ou
supérieure, et un parcours vis-à-vis duquel je n’aurais pas à rougir. Cette entreprise de discrédit semble plus aisée à mener contre une femme engagée dans le débat public. Espérons que, lorsque la
situation s’apaisera, nous pourrons enfin nous recentrer sur l’essentiel, à savoir la lutte contre la désinformation et le complotisme, dans une perspective éthique commune redéfinie.

J’ai inlassablement, ces derniers mois, ramené les « querelles » et « attaques » au sein de nos milieux à des enjeux et des questions de fond. Le débat de fond peut être confrontant et inconfortable. Mais
je le privilégierai toujours aux procès en disqualification et aux règlements de compte personnels. Je vous informe que consécutivement à la diffusion de cette vidéo, j’ai donné mandat à Me Olivia Venet,
avocate au barreau de Bruxelles, et Me Emmanuel Daoud, avocat au barreau de Paris, pour intenter toute action de nature à préserver mes droits.

Marie PELTIER

Je me permets un commentaire

Vous verrez ci-dessous toutes les questions esquivées par Marie PELTIER, je ne peux réagir qu’à ce qu’elle écrit et pas à ce qu’elle n’écrit pas. Je m’arrête sur une seule phrase : « Le titre de « chercheuse » ne m’a pas été attribué de ma propre initiative« . Et je l’accuse, c’est bien triste, d’être un mensonge.

La tribune ci-dessous signée Marie PELTIER dans Libération n’a pas pu être écrite, ni présenter son autrice comme « Chercheuse (Syrie, complotisme, questions interculturelles) et enseignante à Bruxelles » sans que l’autrice en soit pleinement responsable.

  • Dans cette conférence, à la 45e seconde, Marie PELTIER parle de sa « casquette de chercheuse sur le racisme »

En de maintes occasions, Marie PELTIER est présentée dans la presse en tant que chercheuse, ce qui apparait désormais comme une fausse information. Selon la « mise au point », il faudrait croire à l’incompétence générale des journalistes de presse écrite. D’accord, mais…

  • En 2016, sur la RTS, l’animateur présente « Marie Peltier. Vous êtes chercheuse et enseignante à Bruxelles. Vous travaillez sur la narration du conflit Syrien. » Marie PELTIER approuve
    • https://www.rts.ch/audio-podcast/2016/audio/l-action-en-syrie-de-la-russie-est-elle-diabolisee-25732777.html
  • En 2020, sur la RTS l’animateur de l’émission Geo Politis la présente « Historienne, essayiste chercheuse, professeur » ; Marie PELTIER ne le corrige pas.
    • https://www.rts.ch/play/tv/geopolitis/video/marie-peltier-le-complotisme-est-une-arme-politique?urn=urn:rts:video:11811499
  • En 2021 sur France Inter « Vous êtes historienne, chercheuse et enseignante (…) vos travaux font foi dès qu’il s’agit d’aborder la question du complotisme« …. Marie PELTIER acquiesce
  • La fiche de son livre de 2018 « Obsession » est identique à celle de son livre « l’ère du complotisme » de 2021, chez un autre éditeur : « Marie Peltier est historienne, chercheuse et enseignante à Bruxelles. » A-t-elle pu échapper à sa vigilance ? L’incompétence en série frappe-t-elle aussi les éditeurs ?

  • Ajout le 27 aout 2023. Le blog personnel de Marie Peltier sur Médiapart la présente ainsi : « Enseignante et chercheuse »

  • Etc.

Le débunkage de la moindre phrase nous met face à l’asymétrie de Brandolini… Mais le verdict, dont je vous laisse juge, me semble très clair. Un expert, c’est quelqu’un qui ne nous oblige pas à passer des heures à tout revérifier en raison de son habitude au mensonge.

 

5. Le courrier adressé à Marie PELTIER (5 aout)

 

Madame PELTIER,

Je m’intéresse à votre activité en ligne, notamment aux propos que vous tenez au sujet des « fact-checkers ». Je cherche à vérifier quelques informations ainsi qu’à bien cerner certains de vos propos afin de ne pas les dénaturer dans le script que je prépare pour analyser vos positions et formuler une critique que j’espère utile au public.

Je vous serais reconnaissant de bien vouloir me répondre dans les tous prochains jours, la publication étant imminente. Naturellement, je serai attentif à vous accorder un droit de réponse si vous en désirez un.

 

  •  Vous êtes parfois présentée comme enseignante-chercheuse[1]. Je voudrais savoir quelle université vous a recrutée avec ce titre ou s’il s’agit d’erreurs ?
  • À d’autres moments c’est simplement le terme chercheuse que vous employez (souvent en disant « enseignante et chercheuse », ce qui peut prêter à confusion, vous l’avouerez). Ce titre n’est pas protégé, mais il reste inhabituel de se dire chercheur sans avoir un doctorat. Pouvez-vous justifier de l’emploi de ce titre ?
  • Vous vous présentez comme une « spécialiste de la Syrie »[2] dont vous ne parlez pourtant pas la langue. Quels sont vos travaux scientifiques sur le pays qui permettent de dire que vous avez une expertise ?
  • En 2015, dans une tribune sur Libération vous vous présentez ainsi : « Chercheuse (Syrie, complotisme, questions interculturelles) et enseignante à Bruxelles »[3] Quels étaient alors vos travaux de recherches ?
  • À partir de 2017, vous vous présentez comme historienne[4]. Sur quoi cela repose-t-il ?
  • À partir de 2021, vous vous présentez dans les médias comme une spécialiste de la propagande[5]. Quels travaux permettent-ils de dire que vous avez cette expertise ?
  • À partir de 2023, vous êtes « historienne spécialiste de la mise en récit des questions étrangères et de la manipulation des médias »[6]. Sur la base de quels travaux ?

Mes recherches ne m’ont permis de trouver aucune publication scientifique à votre nom en dehors de votre mémoire de master. Mais je peux avoir raté quelque chose.

 

J’ai également des questions plus circonstanciées :

  • Quelles informations vous ont-elles permis de traiter Antoine Daoust « d’agresseur » le 29/11/2022 dans « l’affaire Fact n Furious » ?  Vous l’avez publiquement comparé au meurtrier Bertrand Cantat, pouvez-vous m’en expliquer la raison ?
  • Votre engagement pour le féminisme ne vous a pas conduit à condamner les vicieuses attaques misogynes de France Soir à l’adresse de Yogina, nouvelle compagne d’Antoine Daoust, visée par une campagne de diffamation durant des mois, alors même que vous avez tweeté quotidiennement sur cette affaire. Pourquoi ?
  • Pourquoi avoir choisi d’empêcher que quiconque puisse répondre sous vos tweets ? Cette stratégie ne risque-t-elle pas d’accroitre les QRT que vous accusez d’être une pratique de harcèlement ?
  • Quelle est votre position sur le doxxing ? Est-il normal d’utiliser un étudiant en stage pour qu’il « organise les données » récoltées en vue de démontrer que vous êtes victime de harcèlement sur Twitter ? L’institut Galilée valide-t-il ce genre de mission pour les étudiants placés en stage auprès de ses enseignantes(-chercheuses) ?

 

N’hésitez pas à me faire part de vos questions si jamais les miennes n’étaient pas suffisamment claires.

Bien cordialement

Thomas C. Durand, PhD

__________________

Notes

[1] Par exemple ici : « Père Paolo, la Syrie et l’Europe », Migrations Société, 2018/4 (N° 174), p. 91-95. DOI : 10.3917/migra.174.0091. URL : https://www.cairn.info/revue-migrations-societe-2018-4-page-91.htm

[2] Marie Peltier 🔜🐘 on Twitter: « Et quand en sus on y ajoute la dégueulasserie de m’attaquer sur le sujet de la propagande en Syrie, qui est non seulement mon domaine d’expertise mais aussi et surtout celui pour lequel j’ai donné toute mon énergie depuis plus de 10 ans, on révèle bien ce qu’on est devenu(s). » / X

[3] https://www.liberation.fr/debats/2015/09/02/terrorisme-complotisme-drame-des-migrants-et-si-l-europe-perdait-le-sens_1374430/

[4] https://www.youtube.com/watch?v=y-7s_luKXjg

[5] https://www.rtbf.be/article/sputnik-cite-dans-une-epreuve-du-ce1d-francais-inadmissible-caroline-desir-interpelle-son-administration-11015109

[6] https://www.podcastics.com/podcast/episode/table-ronde-la-photo-tout-un-monde-22-242626/

Article invité

Gautier Corgne, ingénieur de formation, m’a proposé cet article après avoir mené une enquête comprenant une prise de contact avec David Lefrançois dont les activités sont ici analysées. Ce travail sourcé et bénévole pose maintes questions.

Acermendax

Récemment épinglé par un rapport de la DGCCRF pour “manque de compétences, de titres professionnels ou de mentions valorisantes”[1], le secteur du coaching bien-être ne manque pas de cartes dans son jeu pour attirer de nouveaux adeptes. Dans l’une des dernières vidéos du youtubeur Squeezie, un ostéopathe fait mention de l’institut des neurosciences de Levallois. Un institut des neurosciences à Levallois, cela attire l’attention. Parce qu’il existe bien un Institut des Neurosciences à Paris sous l’égide du CNRS, mais sur le plateau de Saclay. Ici, c’est d’un tout autre type de centre dont il est question: un “institut des neurosciences appliquées” domicilié à Levallois-Perret, qui forme des coachs en “neurosciences motivationnelles”. Enquête.

 

Institut fictif, diplômes aux mentions fallacieuses ?

Les neurosciences se définissent comme étant l’ensemble des disciplines scientifiques étudiant le système nerveux. Si ces études passionnent de nombreux spécialistes en France et dans le monde, pour le commun des mortels le cerveau reste un organe au fonctionnement si complexe que se sont développés sans difficultés de nombreux neuromythes. Cerveau gauche et cerveau droit, nous utilisons 10% de notre cerveau,… ces propos alimentent des croyances encore fortes aujourd’hui que se mettent désormais à cultiver les coachs en bien-être: qui ne rêverait pas d’être capable d’utiliser toutes ses capacités cérébrales à l’aide de secrets validés par la science ?

Du côté des formateurs de cet institut tout d’abord, une seule intervenante est réellement titulaire d’un doctorat en neurosciences mais s’est tournée dans le coaching bien-être et n’a par conséquent plus d’activité scientifique dans le domaine. Parmi les autres intervenants annoncés en présentiel comme en distanciel: un kinésiologue formateur en hypnose, un psychologue sophrologue formateur en PNL, des coachs eux-mêmes formés par l’institut se disant diplômés en “neurosciences motivationnelles”: une présence alarmante de pseudo-sciences pour une formation qui se veut s’appuyer sur la science et la recherche. On peut légitimement se questionner sur la pertinence scientifique de la formation proposée, d’autant que celle-ci prétend former au niveau master. En effet, l’organisme propose l’obtention d’un “Master en Neurosciences Motivationnelles”. Pourtant en France, le grade de master est délivré par des organismes répertoriés sur France Compétences et depuis peu sur la plateforme MonMaster, parmi lesquels on ne trouve pas cet institut. Le master est une formation à l’appellation encadrée légalement délivré par les établissements d’enseignement supérieur accrédités par le ministère de l’Enseignement supérieur et de la Recherche [2] qui forme des étudiants issus d’une licence 3, à plein temps, avec plusieurs sessions de partiels et avec -sauf rares exceptions- des formateurs tous docteurs, doctorants ou agrégés dans le domaine du master. Ce qui n’est pas le cas ici.

 

L’appellation « neurosciences motivationnelles » utilisée dans les intitulés des formations de l’Institut est une invention de toute pièce, dont la consonance scientifique peut séduire. A Levallois Perret, aucun chercheur ni scientifique pourtant, uniquement une domiciliation dans un immeuble de bureaux. Sur le site de l’institut, un “numéro RCS” qui renvoie vers une SARL unipersonnelle créée en 2014 mais dont le gérant change régulièrement: curieux. Lorsqu’on tente d’acheter un contenu parmi les formations en ligne proposées, la plateforme renvoie vers un autre site web géré par une entreprise anglo-saxonne à qui on paie la formation choisie.

 

Liste d’une partie des formations proposées en ligne entre 197€ et 797€

 

Aux yeux de l’État français [3], c’est pourtant la société unipersonnelle du directeur de l’institut qui a obtenu la certification Qualiopi dont le logo est bien mis en valeur dans le footer, tandis que les formations en ligne sont facturées par une autre entité anglo-saxonne. Parmi ces formations: “Neuro reset”, “Quantum system”, “Psycho-neuro-nutrition”, “High level”, “Volonté et détermination”,… les intitulés et les descriptifs peuvent questionner. Les conditions générales de vente sur le site de l’institut indiquent que la loi applicable est la loi française, mais dès qu’on bascule sur la seconde plateforme, les conditions générales de vente diffèrent et indiquent que la loi applicable est la loi anglo-saxonne. La multiplicité des entités intrigue.

L’institut propose, avec cette structure particulière, plusieurs formations pour “former les meilleurs coachs du monde francophone” à 5997€ net sans facturation de la TVA. Or une SARL est soumise à TVA dès 36800€HT de chiffre d’affaires: soit l’institut vend au plus six formations par an -ce qui est incompatible avec les affichages de 1500 à 2000 coachs formés en quinze ans-, soit la non facturation de la TVA intrigue. Elle pourrait relever d’une exonération (Art. 261.4.4 a du Code Général des Impôts), mais la formation semble inclure du coaching et les prestations de coaching ne sont pas sujettes à exonération par cet article. De plus la formation est proposée pour « simplement vous développer personnellement » sur la page d’accueil, ce qui ne semble pas relever de la formation professionnelle continue dans ce cas précis, donc serait sujet à TVA.

Diplôme délivré en 2022 faisant mention d’une spécialisation en Neurosciences

 

Enfin, la brochure de l’Institut consultée comprend onze occurrences du terme “neurosciences”, parle de “neurobiologie de la motivation”, “neurobiologie de la peur”, “neuroponcture” (définie comme une technique de transformation émotionnelle), “neuromarketting”, “neurovente”… L’ajout du préfixe “neuro” donne un aspect très scientifique mais relève en réalité de ce que certains vrais spécialistes appellent du neuro-bullshit ou neuro-washing [4]. Les contenus “s’inspirent de très nombreuses années de recherches” d’après le descriptif de la plaquette de formation, mais de quelles recherches exactement ? Probablement de celles réalisées par le directeur de l’institut, David Lefrancois, chercheur -selon ses dires-.

 

Docteur et chercheur, ou imposteur ?

En interviews, dans ses vidéos, sur ses réseaux, sur son site ou sur les sites utilisés pour créer du référencement, le directeur de l’institut David Lefrancois se présente ou est présenté comme docteur/expert en neurosciences, scientifique, enseignant à l’université de Paris Sud,  psychologue et psychosocialiste, chercheur, titulaire d’une chaire d’études à Tel Aviv… un parcours académique on ne pourrait plus brillant. Il met en avant “ses recherches” sans jamais les préciser, pour appuyer ses dires et revendique plusieurs passages télévisés, après avoir été “expert” pour l’émission Toute Une Histoire sur France 2 il y a plusieurs années.

On retrouve l’un de ces passages sur Youtube [5] et ce dernier laisse perplexe. En effet, David Lefrancois y affirme qu’à vingt ans, un adulte a reçu vingt-deux à vingt-six mille heures de marques d’attention négatives. En comptant dix secondes par marque négative, cela correspond à plus de mille marques négatives par jour depuis sa naissance, ou encore trois ans de sa vie à recevoir des marques négatives en continu nuit et jour: cela n’a évidemment aucun sens.

Concernant le parcours académique prestigieux que prétend avoir eu David Lefrancois, on peut aussi émettre d’importants doutes. Il se dit chercheur mais Google Scholar ne recense aucune publication en revue à comité de lecture, ce qui est incompatible avec le parcours d’un docteur qui aurait des activités de recherche depuis un certain temps. Concernant son poste de titulaire d’une chaire d’études à Tel Aviv, cela semble également curieux pour un chercheur sans publications de se voir confier un tel poste, en général occupé par un Professeur des Universités qui a su se faire remarquer au sein de son laboratoire. Contactée, l’université de Tel Aviv m’a répondu ne pas connaître M. Lefrancois qui n’a en réalité jamais occupé un tel poste dans leur université.

Contacté à son tour à plusieurs reprises avant la rédaction de ce billet, David Lefrancois a fini par me répondre et affirme être docteur en neurosciences, un diplôme qu’il aurait obtenu à l’Université de Kiev, mais n’a su me fournir de document ni le DOI d’un article de recherche pouvant attester sans difficultés du parcours académique qu’il prétend avoir eu, réservant ces documents à ses clients. Il m’a proposé de me remettre son mémoire en ukrainien, uniquement en mains propres au cours d’une de ses conférences, ce que je n’ai pu accepter. Il a reconnu ne pas avoir été titulaire d’une chaire à l’université de Tel Aviv, et que cela était une invention d’un collaborateur qui l’a interviewé. Pourtant, ce propos se retrouve sur plusieurs articles et il est publié depuis un certain temps sur plusieurs plateformes, peut en témoigner la wayback machine. Enfin, il m’a précisé accompagner chaque année plusieurs futurs doctorants en neurosciences, ce qui sans jamais apparaitre en tant que co-auteur du moindre article scientifique, semble peu probable. Contactée par mes soins à la suite de ces échanges, l’Université académique de Kiev -via son directeur académique et son chef du département Biophysique moléculaire- m’a confirmé ne pas connaître M. Lefrancois et m’a précisé ne pas proposer de formations en neurosciences au-delà du niveau master.

De plus, la dénomination de “psychologue” est en France réservée aux titulaires d’un diplôme reconnu (français ou ayant été reconnu par un centre ENIC-NARIC) qui ont l’obligation de s’inscrire au répertoire ADELI [6] s’ils exercent. Ce qui ne semble pas le cas pour David Lefrancois, qui n’a répondu à mes demandes concernant ses diplômes.

En 2001, David Lefrancois ouvre sa première entreprise luxembourgeoise [7] dans le domaine du coaching, qui abrite le premier “Institut des Neurosciences Appliquées” à Paris XX, créé en 2007 sous cette appellation. Cette société est liquidée en 2011 et radiée du Registre du Commerce et des Sociétés (RCS) en 2012 pour insuffisance d’actifs. En 2011, il ouvre une nouvelle entreprise en France [8], rapidement liquidée en 2012, dont il annule la liquidation en 2014 [9]. En septembre 2015, il est interdit de gestion pendant douze ans par le Tribunal de Commerce de Nanterre [10]; et cette entreprise finit clôturée en 2021 pour insuffisance d’actifs. Une nouvelle entreprise ouvre alors en 2014 [11] sous la gestion d’une coach diplômée de l’institut la même année, qui sera dissoute en 2016 et radiée en 2017. En octobre 2016, David Lefrancois ouvre alors l’entreprise anglo-saxonne [12] dont il prend la direction en 2017. Toujours interdit de gestion en France, il parvient ainsi à engendrer des revenus via cette structure au Royaume Uni et via sa société unipersonnelle ouverte en 2014, gérée depuis 2017 par des tiers qui changent régulièrement.

 

Enfin, en plus d’être interdit de gestion depuis 2015, David Lefrancois a été condamné en 2019 à vingt quatre mois de prison dont dix-huit avec sursis dans l’affaire “Defaix”, une escroquerie où il a “joué un rôle moteur dans la conception de l’argumentaire commercial des coopératives”[13] qui récoltaient des fonds d’investissement dans des PME locales, fonds qui étaient en réalité détournés. De sérieux doutes peuvent apparaître à la lecture de ces éléments et au vu de ce passif.

Coachs en neurosciences ? Méfiance !

Depuis son existence, cet institut a délivré de nombreux diplômes dont on peut douter de la réelle valeur scientifique à l’issue de ce billet. Si j’ai été amené à mener cette investigation, c’est parce que j’ai rencontré en école d’ingénieurs un coach diplômé de cet institut, qui tenait des propos scientifiquement si discutables qu’ils m’ont poussé à interpeller mon école, puis à m’intéresser davantage à cet institut. Ce coach n’était pas de mauvaise foi, il avait acheté une formation un certain prix et était persuadé d’être compétent en neurosciences, au point d’être vacataire dans le supérieur, de s’inspirer par exemple de citations d’Idriss Aberkane, de tenir des propos flous sur les énergies dans le corps humain, le tout devant un amphithéâtre rempli d’étudiants -eux réellement- de niveau M2 dans l’une des plus grandes écoles d’ingénieur de France.

Le répertoire de l’institut compte à ce jour plus de deux cent coachs, l’institut annonce plus de mille cinq cent coachs formés en quinze ans -ou plus de deux mille en vingt ans suivant les pages-, et chacun a sa visibilité propre auprès de son public -David Lefrancois compte 346 000 abonnés sur Youtube, 114 000 sur Facebook à ce jour-. Parmi tout ce public, comment savoir combien de personnes en souffrance pensent trouver en ces discours une réelle expertise tandis que de vrais professionnels de santé sont susceptibles de leur porter assistance ?

 

Gautier Corgne

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Cet article existe en version Vidéo sur YouTube

 

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Sources:

[1] https://www.economie.gouv.fr/dgccrf/secteur-du-coaching-bien-etre-lenquete-de-la-dgccrf-releve-80-danomalies-chez-les-0

[2] https://www.enseignementsup-recherche.gouv.fr/fr/le-diplome-national-de-master-dnm-46220

[3] https://www.data.gouv.fr/fr/datasets/liste-publique-des-organismes-de-formation-l-6351-7-1-du-code-du-travail/

[4] https://www.usinenouvelle.com/blogs/le-blog-des-experts-des-neurosciences/neuromanagement-neuroleadership-neuropedagogie-prenons-garde-au-neuro-washing.N806560

[5] https://www.youtube.com/watch?v=f3GEf1bKLKw

[6] https://www.enseignementsup-recherche.gouv.fr/fr/psychologue-une-profession-reglementee-en-france-46456

[7] https://annuaire-entreprises.data.gouv.fr/entreprise/coach-up-institut-sa-institut-des-neurosciences-appliquees-440139368

[8] https://annuaire-entreprises.data.gouv.fr/entreprise/cabex-strategie-533265088

[9] https://www.verif.com/societe/CABEX-STRATEGIE-533265088/

[10] https://www.bodacc.fr/pages/annonces-commerciales-detail/main/?q.id=id:A201600512478

[11] https://annuaire-entreprises.data.gouv.fr/entreprise/799789383?redirected=1

[12] https://find-and-update.company-information.service.gov.uk/company/SC547387/filing-history

[13] https://www.ouest-france.fr/bretagne/rennes-35000/affaire-defaix-sept-anciens-collegues-de-defaix-juges-en-appel-6210936

 

Archiviste et responsable du patrimoine de la ville de Megève, David-Alexandre Rossoni est historien de formation. Il est l’auteur de Les OVNI du CNES (2007) et vient de publier dans la Collection Zététique de Book-e-Book « La pseudo-histoire décodée. L’exemple de Rennes-le-Château » qui revient en détail sur l’une des plus célèbres histoires de trésor du territoire français.

La légende de l’Abbé Saunière parle de passages secrets menant au fabuleux butin que les templiers auraient enfoui dans ce petit village du Languedoc, mais d’autres versions évoquent un trésor spirituel, et même Jésus Christ… et ont tout bonnement soufflé à Dan Brown la trame de son best-seller Le Da Vinci Code !

 

David Rosssoni a accepté de répondre à quelques questions.

 

Pourquoi avoir choisi l’affaire de Rennes-le-Château pour traiter le sujet de la pseudo-histoire ?

Cette « énigme historique » factice présentait à mes yeux plusieurs facteurs d’intérêt.

Déjà, elle n’avait jamais été étudiée par des historiens professionnels, si l’on excepte le travail de René Descadeillas il y a maintenant près d’un demi-siècle. Un ouvrage de référence sur le sujet restait donc à produire.

Et ce n’est pourtant pas la matière première qui manquait : ce petit coin du Razès a donné lieu depuis le milieu du XXe siècle à une invraisemblable quantité d’écrits divers et variés, de témoignages oraux, de documents audiovisuels, de controverses, etc. Il a même généré son propre sous-genre littéraire – dont le plus célèbre représentant reste le Da Vinci Code, qui a tout simplement été un des livres les plus lus au monde.

Au fil du temps, ce récit collectif a agglutiné beaucoup des thèmes de prédilection des pseudo-historiens : l’Atlantide, les cathares, les Templiers, les sociétés secrètes, la mythologie chrétienne en général… Il a connu tellement de développements qu’il a fini par refléter à peu près toutes les facettes de la pseudo-histoire : spiritualistes, conspirationnistes, relativistes… Il a aussi sollicité les différents types de croyances : religieuses, parareligieuses, pseudoscientifiques, politiques… Bref, il y avait de quoi faire !

Enfin – ou peut-être d’abord –, l’épicentre du prétendu Mystère se situait géographiquement au cœur de ma région natale, attrait supplémentaire évidemment, d’ordre affectif cette fois. Il faut dire que cette partie de l’Occitanie regorge de « puits à mythe », pour reprendre une expression de l’écrivain Henri Gougaud, avec le « triangle ésotérique » formé par la « montagne sacrée » du Bugarach, la cité thermale de Rennes-les-Bains et le village perché de Rennes-le-Château dans la haute vallée de l’Aude, le château de Montségur et les autres « citadelles du vertige », un peu plus loin les spoulgas cathares et les cavernes ornées paléolithiques dans la haute vallée de l’Ariège, encore un peu plus loin, sur l’autre rive de la Garonne, le territoire de la « race maudite » des Cagots… Toutes choses qui ont fait les beaux jours de « l’histoire mystérieuse » hexagonale…

Contrairement aux légendes traditionnelles des temps passés, ce récit collectif a pu être observé en continu de sa naissance à sa mort si l’on peut dire. Les apports respectifs des différents auteurs, les sources, dates et modes d’introduction de thèmes et personnages, les types de déformations imprimés aux faits historiques, etc. sont donc très bien identifiés. On peut retracer en détail l’ensemble du processus.

Le livre aurait pu ainsi s’intituler « Vie et mort d’un récit collectif » car, depuis une décennie environ, la « Belle histoire » – la version merveilleuse de l’affaire – avance à la manière d’un zombie : elle continue à être évoquée, utilisée à différentes fins, touristiques surtout, mais a quasiment cessé d’être objet de croyance. Je situerais sa mort effective vers 2013. Après l’affaire du Pech d’En-Couty qui a scellé en 2011 l’échec de la quête d’un trésor matériel, le fiasco encore plus grotesque de la prédiction de fin du monde à Bugarach en 2012 puis le refus par la DRAC en 2013 de donner suite aux spéculations para-archéologiques de l’architecte Paul Saussez en autorisant de nouvelles fouilles dans l’église de Rennes. En cette même année 2013 est paru le dernier livre à avoir un tant soit peu marqué les esprits, Le secret dévoilé de Christian Doumergue, un « true believer contrarié » devenu la bête des médias en France sur Rennes-le-Château et les sujets connexes. Les étrangers, principalement les Anglo-saxons, paraissent également avoir lâché l’affaire à la même époque, après y avoir été de très actifs mythmakers à partir du début des années 1970. Au moins implicitement, la cause semble désormais entendue.

 

 

 

Le livre de David Rossoni (cliquez !)

Que dit la version légendaire de cette histoire ?

De façon caractéristique, il n’existe pas une seule version légendaire mais plusieurs variantes. Et cette histoire imaginaire a de plus changé de genre au fil du temps, ce qui en accroît encore l’intérêt.

En règle générale, une légende se forme par l’exagération de faits réels, leur transposition dans un contexte différent, leur amalgame à des évènements indépendants ou/et leur remodelage pour épouser un scénario préexistant. On peut suivre sa construction progressive à partir de versions précédentes imparfaites, voir certains évènements disparaître, de nouveaux épisodes s’amalgamer au récit, etc.

Dans un premier temps, à la Belle Époque, nous avons ici un fait divers mineur mais revêtant un caractère insolite et une dimension symbolique – l’enrichissement en apparence inexpliqué d’un pauvre curé de campagne devenu bâtisseur, l’abbé Bérenger Saunière (1852-1917). Le caractère fastueux – selon les critères locaux – des constructions et du train de vie du prêtre ainsi que l’incertitude sur l’origine de l’argent dépensé ne tardent pas à donner lieu à des rumeurs villageoises. Une rumeur est un récit présenté comme authentique – le narrateur se réfère généralement à une source – mais dont il n’est pas possible en l’état de contrôler la véracité.

Un embryon de légende traditionnelle relative à la découverte d’un trésor (légende dorée) et à une pénitence posthume du prêtre (légende noire) prend naissance à partir de ces rumeurs dans l’entre-deux-guerres, après la mort de Saunière. Certains disent que les somptueuses bâtisses de son domaine ont été édifiées « avec l’argent d’un trésor trouvé », d’autres que la statue hideuse qui porte le bénitier de l’église est « l’ancien curé qui a été transformé en diable ». La découverte d’un trésor enfoui et la condamnation d’un prêtre séculier à une pénitence posthume en raison de péchés commis pendant sa vie – et surtout parce qu’il n’a pas dit les messes qui lui avaient été payées – sont des motifs narratifs communs dans le légendaire français.

La société française se modernise cependant rapidement après la Seconde Guerre mondiale. Les évènements originels sont à nouveau altérés dans la légende contemporaine, forgée, signe des temps, dans un but d’emblée commercial par un homme d’affaires d’origine citadine.

Ce premier auteur, déjà romancier amateur à ses heures, met habilement en récit la vie de Saunière et l’histoire antérieure du petit village audois en puisant plus dans la rumeur/mémoire collective que dans les documents d’archives pourtant à sa disposition. Afin de rendre sa pseudo-histoire plus attractive, notre inventeur en omet les points ordinaires et souligne, ou invente purement, des détails propres à frapper l’imagination. Les faux souvenirs déjà nourris à propos de Saunière par des gens du pays se trouvent favorisés par les échanges d’informations, la lecture d’articles journalistiques, des interviews guidées, consciemment ou pas, etc. D’autres motifs légendaires, plus ou moins rationalisés, viennent ainsi enrichir le récit.

En peu d’années, la croyance en une histoire remarquable se généralise. D’autres auteurs aux motivations variées reprennent cette version sensationnelle, avec des élaborations et des embellissements successifs.

Mais la légende d’un trésor matériel fait bientôt place à celle d’un trésor spirituel, qui se coule à son tour dans le mythe du Grand Monarque avec l’épisode de la descendance mérovingienne puis dans le grand mythe de l’Occident, le mythe chrétien, avec l’entrée en scène de Jésus-Christ et de Marie-Madeleine.

Le mythe contemporain est d’inspiration gnostique : une personne humble – Saunière ou son confrère de Rennes-les-Bains Boudet dans certaines versions plus tardives – découvre l’existence d’un secret pouvant changer le monde et accède à l’état de grand initié. Ce modèle gnostique est tout à fait compatible avec la spiritualité individualiste de notre époque qui se livre à un bricolage généralisé des croyances religieuses. Une nouvelle génération d’auteurs produit alors une multiplicité d’opinions théologiques « hérétiques » en explorant diverses variantes possibles du mythe.

La petite histoire rennaine permet désormais de récapituler l’histoire mythologique du monde occidental. De plus en plus, elle sert de prétexte à remettre sur le tapis et à discuter tout son fond de traditions ésotériques et religieuses, ses mouvements et dissidences spirituels, avec des élargissements successifs.

Mais, un jour, les mythes aussi peuvent mourir…

 

Comment avez-vous travaillé ? Avec quelles sources ? Sur combien de temps ? Quelles difficultés en chemin ?

L’ouvrage a bien sûr nécessité un gros travail de documentation, qui s’est étendu sur plusieurs années, accompagné de nombreux échanges avec des saunièrologues patentés et de multiples excursions dans le Razès. J’en ai rédigé une première version entre 2007 et 2010, date de sa publication sous le titre de l’Histoire rêvée de Rennes-le-Château – Éclairages sur un récit collectif contemporain. Le professeur Henri Broch a vivement souhaité le republier une dizaine d’années plus tard dans sa collection zététique. Je l’ai alors refondu pour en faire une version plus aboutie et mise à jour, ce qui m’a occupé une année de plus.

L’histoire de l’abbé et de son trésor ont fait l’objet de très nombreux ouvrages

Dans ce cheminement, avez-vous découvert des éléments jusqu’ici ignorés de ceux qui parlent de l’affaire ?

Il m’a plus fallu lutter contre le chaos informationnel, la surabondance anarchique d’informations, que contre la pénurie d’informations… Cette affaire, comme beaucoup d’autres domaines au XXIe siècle, a besoin de tout, sauf d’informations supplémentaires ! J’ai évidemment parcouru les rares publications académiques sur le sujet et consulté les fonds d’archives accessibles, mais la plupart des données factuelles avaient déjà été mentionnées « quelque part » – souvent éparpillées dans des documents produits par d’obscures associations, auto-édités par des chercheurs amateurs, publiés anonymement ou sous pseudonyme sur internet, etc. Mon apport personnel sur ce plan s’est limité à des éléments comme le positionnement politique de membres de la famille Saunière ou la source d’influence de tel évènement fictif introduit dans la biographie du héros. Plus qu’ajouter de nouveaux renseignements, l’essentiel de mon travail a consisté à rassembler, organiser, vérifier, analyser et synthétiser des sources partant absolument en tous sens pour enfin donner une vision claire et détaillée de l’ensemble du puzzle correctement reconstitué.

 

Quelles objections rencontre votre travail ?

Depuis que nous sommes entrés dans l’ère de la post-vérité avec notamment le développement des réseaux sociaux, on ne peut plus guère s’attendre, surtout sur un pareil sujet, à de quelconques objections argumentées… Lors de la parution de la première mouture de l’ouvrage, des controverses entre « croyants » et « sceptiques », ou opposant différentes chapelles de croyants, subsistaient encore. À titre d’exemple, le fortéen Philippe Marlin, par ailleurs propriétaire alors de la principale librairie de « la Colline envoûtée », m’avait essentiellement reproché la dureté de mes analyses critiques – concernant notamment le véritable inventeur de la légende – et s’inscrivait en faux sur la fin prochaine de cette histoire en tant qu’objet de croyance. Ma prédiction s’est pourtant réalisée peu après… si bien que M. Marlin a dû vendre son commerce en faillite. La disparition des controverses signe d’ailleurs le fait que le récit légendaire est devenu une fable à laquelle quasiment plus personne ne croit.

Plus généralement, chacun tend aujourd’hui à rester confiné dans sa bulle informationnelle, à l’abri des micro-agressions de ceux qui ne pensent pas comme soi. Le biais de confirmation fonctionne à plein. Les informations « déplaisantes » sont ignorées – elles ne nous parviennent simplement pas – ou sinon sont rejetées sans examen, balayées d’un tweet ou dans une brève vidéo… Le site de la Gazette de Rennes-le-Château passe simplement sous silence l’existence de mon livre, pourtant centré sur sa raison d’être. Le relativisme ambiant, nouvelle philosophie dominante de notre monde occidental, tend à tout transformer en simples opinions non contraignantes.

 

Quelle leçon principale devons-nous tirer de l’histoire de l’Abbé Saunière ?

Premièrement, que nous sommes bien une sacrée « espèce fabulatrice » ! Puis, que le mythe est plus fondateur que l’histoire à visée scientifique, et la rumeur plus forte que l’information. Enfin, qu’informer correctement reste le plus souvent insuffisant pour convaincre quelqu’un qui s’est déjà formé sa propre petite opinion sur un sujet.