La chaîne aborde sur un ton décalé dans la forme mais sérieux sur le fond les raisons qui font que notre lecture du monde est souvent bancale.

L’idée principale du livre « Homo chaoticus » de Didier Raoult consiste à prétendre révolutionner la compréhension du vivant grâce à ses travaux et réflexions sur les Transferts Horizontaux de matériel Génétique (THG). Nous aurions besoin de lui et de son livre pour dépasser Darwin et comprendre que l’image populaire de l’arbre du vivant est fausse, que l’évolution ne se limite pas à la transmission filiale de caractères plus ou moins mutés puis sélectionnés, mais que des transferts de séquences à partir de microorganismes jouent un rôle très important dans l’évolution. C’est une révolution !

Le problème est que dans cette histoire le travail de Didier Raoult occupe une place secondaire, marginale, liée à l’activité intense de séquençage de ses équipes qui leur a permis d’identifier de nombreuses instances de ce genre de transfert. Guère plus.

Faisons un petit historique des vraies découvertes en la matière, et nous verrons si nous avons besoin que le professeur marseillais révolutionne tout ça.

Le concept de transfert horizontal de matériel génétique (THG) a radicalement modifié notre compréhension de l’évolution biologique, en complétant la vision traditionnelle de l’évolution par descendance verticale, c’est-à-dire par transmission génétique des parents à la progéniture. Les contributions majeures à l’étude du THG sont les suivantes :

  1. Frederick Griffith (années 1920) – Les premières preuves expérimentales de transferts horizontaux de gènes viennent des travaux de Frederick Griffith en 1928. Il observe que des bactéries non pathogènes peuvent acquérir des gènes de virulence à partir de bactéries mortes, un phénomène qu’il décrit comme la « transformation bactérienne ». Il ne savait pas encore que ce processus impliquaient le transfert de gènes. Ces notions sont enseignées au lycée[1].
  2. Barbara McClintock (Années 1940) – Barbara McClintock découvre les éléments transposables, ou « gènes sauteurs », dans le génome du maïs. Elle a démontré que certains segments d’ADN peuvent se déplacer d’un endroit à un autre, modifiant l’expression des gènes adjacents. Ce mécanisme de réorganisation génétique active a révolutionné la compréhension des génomes, montrant que ceux-ci ne sont pas statiques mais dynamiques. Bien que sous-estimés à l’époque, ses travaux ont été largement reconnus avec l’obtention du prix Nobel en 1983.
  3. Susumu Ohno (années 1970)[2] – Susumu Ohno est surtout connu pour avoir introduit le concept « d’ADN poubelle » (junk DNA), et pour ses travaux sur la duplication génétique. Dans son livre Evolution by Gene Duplication, il a expliqué comment la duplication des gènes permettait l’évolution de nouvelles fonctions. Son travail a influencé les recherches ultérieures sur l’évolution des génomes et les mécanismes par lesquels de nouveaux gènes apparaissent, ouvrant la voie à la compréhension de l’importance des transferts horizontaux.
  4. Lynn Margulis [3] (années 1970) – Margulis propose en 1970 que des événements de transfert de gènes horizontaux entre des organismes ancestraux aient conduit à l’incorporation de certaines bactéries en tant qu’organites des cellules eucaryotes (comme les mitochondries et les chloroplastes). Cette hypothèse est révolutionnaire à son époque. En proposant une origine symbiotique à toute la lignée qui va donner les organismes pluricellulaires, elle montre que le transfert de matériel génétique peut avoir un rôle tout à fait considérable sur l’histoire du vivant.
  5. Carl Woese[4] (1977) – À la fin des années 1970, Carl Woese révolutionne la biologie en étudiant les séquences d’ARN ribosomique pour classifier les formes de vie.[Les ribosomes sont des particules cytoplasmiques généralement formées de trois types d’acides ribonucléiques, associés à des protéines et déchiffrant le code inscrit dans l’ARN messager pour synthétiser des protéines]Il découvre trois domaines distincts de la vie (bactéries, archées et eucaryotes). Ses recherches révèlent que les transferts de gènes horizontaux brouillent la classification stricte des organismes, en particulier chez les bactéries et les archées. Il conclut que les transferts génétiques fréquents ont créé un réseau évolutif plus complexe que le simple arbre linéaire communément représenté au public.
  6. Jörg Hacker et James B. Kaper (années 1980-1990)[5] – Jörg Hacker et James B. Kaper ont étudié le rôle des îlots de pathogénicité dans les bactéries, qui sont des segments d’ADN acquis par des transferts horizontaux. Ces îlots confèrent des avantages spécifiques, comme la virulence. Leur travail a montré comment les bactéries pouvaient échanger des gènes pour s’adapter rapidement à de nouveaux environnements, comme l’acquisition de résistance aux antibiotiques.
  7. Jeffrey Lawrence et John Roth (1996) [6]– Jeffrey Lawrence et John Roth ont montré que les transferts horizontaux étaient essentiels à l’évolution bactérienne. Ils ont proposé que l’évolution adaptative rapide des bactéries ne pouvait pas être expliquée uniquement par des mutations aléatoires et la sélection naturelle. Leur modèle met en évidence le rôle des transferts horizontaux de gènes comme mécanisme central de la diversification des bactéries.
  8. William Ford Doolittle (années 1990)[7] – Doolittle contribue à renforcer l’idée que le THG est un phénomène fondamental dans l’évolution, en particulier chez les micro-organismes. En 1999, il publie plusieurs articles expliquant comment le THG, notamment par des plasmides, des virus et d’autres vecteurs, façonne l’évolution bactérienne, mais aussi, plus largement, l’histoire de l’évolution des organismes.
  9. Eugene Koonin (années 2000)[8] – Il est l’un des principaux chercheurs à étudier l’impact du THG dans l’ère des génomes séquencés. Il observe des transferts horizontaux non seulement chez les procaryotes, mais aussi chez les eucaryotes. Koonin montre que les transferts horizontaux de gènes contribuent à la plasticité génétique et accélèrent les innovations évolutives.
  10. Nancy Moran (années 2000) [9]– Nancy Moran a réalisé des études sur les symbioses bactériennes chez les insectes, comme les pucerons, démontrant que ces symbiotes bactériens avaient acquis des gènes par transfert horizontal. Ses recherches montrent que les transferts horizontaux entre bactéries et hôtes multicellulaires jouent un rôle crucial dans l’évolution des symbioses. Cette découverte est importante car elle élargit le rôle du THG au-delà des microbes, touchant également des relations symbiotiques dans des organismes plus complexe
  11. Tal Dagan et William Martin (2000s-2010s)[10] – Dagan et Martin ont proposé le concept de réseaux phylogénétiques, qui intègre les THG pour représenter l’évolution non plus comme un arbre strictement hiérarchique, mais comme un réseau d’interactions complexes. Cela a été particulièrement important pour comprendre l’évolution des organismes unicellulaires, mais a aussi des implications pour les eucaryotes.
  12. Julie Dunning Hotopp et al. (2007)[11] – L’équipe de Julie Dunning Hotopp a publié une étude importante en 2007, montrant des preuves de transfert horizontal de gènes des bactéries vers les animaux, en particulier les insectes. Ils ont trouvé des segments d’ADN bactérien intégrés dans le génome de la mouche drosophile, un exemple frappant de transfert horizontal qui a ouvert de nouvelles perspectives sur l’impact du THG sur l’évolution des eucaryotes.
  13. Patrick Keeling et Jeffrey Palmer (années 2000)[12] – Keeling et Palmer ont étudié les génomes des plastes et des mitochondries, montrant que ces organites (résultant d’endosymbioses) avaient acquis des gènes par transferts horizontaux au cours de leur évolution. Ils ont contribué à notre compréhension du rôle des THG dans l’évolution des organismes eucaryotes et la transmission des gènes entre les génomes nucléaires et ceux des organites.

 

Et alors ?

Les apports de ces différents chercheurs et chercheuses ont démontré que le transfert horizontal de matériel génétique joue un rôle majeur dans l’évolution, en permettant à des organismes d’acquérir des traits nouveaux de manière rapide et indépendante de la descendance directe.

Les concepts centraux de variation, d’héritabilité et de reproduction différentielle dont la conjonction produit la sélection naturelle, restent fondamentaux, mais ils ont été élargis pour inclure des mécanismes supplémentaires qui permettent une évolution plus rapide et une adaptation plus flexible, notamment chez les micro-organismes. En raison de ces travaux on sait que représenter le vivant comme un arbre est simpliste et qu’il faudrait le voir comme un réseau, il ressemble davantage à un buisson tout emmêlé de toiles d’araignées.

Certaines affirmations contemporaines, souvent relayées par des figures polémiques comme Didier Raoult, suggèrent que ces idées seraient « ignorées » du grand public ou des scientifiques, mais cela ne reflète pas la réalité des débats scientifiques actuels puisque la majorité des biologistes reconnaissent le rôle des transferts horizontaux, à tel point qu’on parle sans problème d’évolution réticulée.

Cette reconnaissance de la complexité de l’évolution s’est faite sans abandonner pour autant les fondements darwiniens.

Dans son livre destiné au grand public, Didier Raoult ne cite, pour autant que je m’en souvienne, qu’un seul des chercheurs dont je vous ai présenté le travail, ignorant tous les autres au profit de citations d’Héraclite, Platon, Nietzsche ou Einstein.

Nous avions pourtant droit à une promesse dès les premières lignes : « Avec ce livre, je souhaite mettre en place une nouvelle théorie de l’évolution basée sur les données les plus récentes. » Et la couverture annonçait « révolution dans l’évolution ». C’est dommage parce que cela n’a aucune chance de se faire à travers un livre bâclé ; il faudrait toiut au contraire que l’auteur prenne le temps de soumettre aux spécialistes une démonstration en règle des principes nouveaux qu’il estime apporter. Mais soit dit entre nous cela n’arrivera pas car Didier Raoult n’apporte rien de nouveau.

 

Je le sais parce que j’ai lu son livre « Homo chaoticus ». Merci aux éditions Michel Lafon de m’avoir envoyé cet exemplaire du livre. Je vous parlerai de son contenu… Bientôt.

 

 

Remerciements : Hervé SEIST – Samuel ALEXANDER – Stéphane DEBOVE

[1] https://www.profsvt71.fr/pages/terminale-spe-svt/genetique-et-evolution/transferts-horizontaux-et-complexification-des-genomes-1.html

[2] https://link.springer.com/book/10.1007/978-3-642-86659-3

[3] https://fr.wikipedia.org/wiki/Th%C3%A9orie_endosymbiotique

[4] https://acces.ens-lyon.fr/acces/thematiques/biodiversite/dossiers-thematiques/les-trois-domaines-du-vivant/historique-de-la-classification-du-vivant-1/demarche-historique#:~:text=La%20comparaison%20des%20ARN%20ribosomiques%20a%20conduit%20historiquement%20%C3%A0%20la,l’arn%20messager%20en%20polypeptide.

[5] James B. Kaper Jorg Hacker (1999) The molecular basis of infectious diseases: pathogenicity islands and other mobile genetic elements. Amer Society for Microbiology

[6] Lawrence, Jeffrey & Roth, John. (2014). Genomic Flux: Genome Evolution by Gene Loss and Acquisition. 10.1128/9781555818180.ch15. – https://rothlab.ucdavis.edu/publications/Genomic%20Flux.pdf

[7] Doolittle, W. F. (1999). Phylogenetic classification and the universal tree. Science, 284(5423), 2124-2128.

[8] Koonin EV. Darwinian evolution in the light of genomics. Nucleic Acids Res. 2009 Mar;37(4):1011-34. doi: 10.1093/nar/gkp089. Epub 2009 Feb 12. PMID: 19213802; PMCID: PMC2651812.

[9] Moran NA, McCutcheon JP, Nakabachi A. Genomics and evolution of heritable bacterial symbionts. Annu Rev Genet. 2008;42:165-90.

Un article de Marc-André Selosse https://www.pourlascience.fr/sd/biologie/l-evolution-par-fusion-6304.php

[10] Dagan, T., Martin, W. The tree of one percent. Genome Biol 7, 118 (2006). https://doi.org/10.1186/gb-2006-7-10-118

Dagan, T., Artzy-Randrup, Y., & Martin, W. (2008). Modular networks and cumulative impact of lateral transfer in prokaryote genome evolution. Proceedings of the National Academy of Sciences, 105(29), 10039-10044.

[11] Dunning Hotopp JC, Clark ME, Oliveira DC, Foster JM, Fischer P, Muñoz Torres MC, Giebel JD, Kumar N, Ishmael N, Wang S, Ingram J, Nene RV, Shepard J, Tomkins J, Richards S, Spiro DJ, Ghedin E, Slatko BE, Tettelin H, Werren JH. Widespread lateral gene transfer from intracellular bacteria to multicellular eukaryotes. Science. 2007 Sep 21;317(5845):1753-6.

[12] Keeling, P., Palmer, J. Horizontal gene transfer in eukaryotic evolution. Nat Rev Genet 9, 605–618 (2008). https://doi.org/10.1038/nrg2386

Emission enregistrée le 16 juillet 2024
Invité : Bernard LAHIRE, Directeur de recherche CNRS au Centre Max-Weber  et à l’École normale supérieure de Lyon.

 

Editorial

Je vais énoncer un ensemble de faits qui devraient vous sembler d’abord d’une grande banalité, voire même inintéressants et sans lien aucun avec le thème des sciences sociales. Et pourtant nous verrons ce soir combien il est fructueux de s’interroger sur les conséquences en cascades de ces simples observations.

Allons-y. Les humains sont des animaux, des organismes hétérotrophes (c’est-à-dire qui doivent consommer d’autres organismes pour se maintenir en vie). Leur système digestif autorise une certaine gamme d’alimentation à base de fruits, de graines et de chaire animale.

Les humains sont homéothermes, diurnes, mobiles, dioïques (ce terme vient de la botanique : il décrit une espèce où l’ont peut distinguer deux types d’individus en fonction de leur sexe). Ils présentent un léger dimorphisme sexuel, la fécondation se produit à l’intérieur du corps des femelles, la copulation est possible à n’importe quel moment de l’année sans période d’œstrus contrairement à leurs cousins les plus proches. Les humains ont une longue période de développement, de croissance, d’enfance, donc de dépendance, et une durée de vie longue comparée aux autres animaux de même taille.

Tout cela a des conséquences inévitables sur leur mode de vie, sur les relations qu’ils peuvent entretenir et sur les comportements adaptés qu’ils peuvent acquérir dans leur environnement. Ces contraintes, installées au fil de millions d’années, tout au long de la lignée qui conduit jusqu’à nous, sont physiques, biologiques, historiques ; leurs conséquences sont sociales et culturelles. Et, à leur tour, les dimensions sociales et culturelles ont des effets sur de nombreux aspects de la physiologie, de l’éthologie, de l’anatomie, bref de la biologie de l’espèce.

La sociologie humaine serait très, très, différente s’ils avaient une forme de crabe, une fécondation externe ou des portées de 8 bébés. Cette évidence peut sembler tellement criante qu’on se demande ce qu’on pourrait bien en faire. Mais c’est une évidence qui a été soigneusement mise de côté par les sociologues tandis qu’ils construisaient leur discipline, la sociologie. Et il est peut-être temps de passer à une nouvelle étape de l’histoire de cette science si elle veut être pleinement scientifique. C’est en tout cas ce que propose notre invité de ce soir, Bernard LAHIRE dans son livre « Les structures fondamentales des sociétés humaines ».

Monsieur LAHIRE est un éminent sociologue, que l’on peut difficilement suspecter de vouloir du mal à ce champ disciplinaire ; et il ose ici un mouvement audacieux : tendre la main aux sciences de la nature, et notamment à la biologie, sur la base d’un principe solide : les sciences qui décrivent et expliquent le monde ne peuvent pas dire des choses contraires.

Où en est la scientificité des sciences sociales ? À quoi ressemblent ces structures fondamentales des société humaines ? Le monde académique est-il prêt à répondre aux exigences de scientificité pour des disciplines ? Nous essaierons d’avoir des réponse à ces trois grandes questions et à bien d’autres dans les deux prochaines heures en compagnie du Professeur Bernard LAHIRE, Directeur de recherche CNRS au Centre Max-Weber  et à l’École normale supérieure de Lyon.

Emission enregistrée le 19 juin 2024

Invitées : Anne-Hélène BOUCHOUX, Sarah LAUDOUAR, Willy MANGIN.

Editorial

Panique dans nos assiettes. Désormais la mort rode sur la nappe cirée ; nous mangeons mal, nous creusons notre tombe avec les dents ; c’est décidé la bouffe aura notre peau.

Tout —absolument tout— est mauvais pour la santé si consommé dans de mauvaises proportions. Le kiwi, c’est très bon le kiwi, c’est plein de vitamines, mais si vous n’avalez que ça pendant deux semaines, ça ne va pas bien se passer. Et à la longue vous allez mourir. D’ailleurs, c’est un résultat robuste bien que décevant : sachez qu’à ce jour 100% des gens qui mangent des trucs finissent par mourir.

Sans sucre, sans gluten, sans féculents, sans céréales, sans viande rouge : les humains meurent quand même.

Les journaux fainéants nous sortent six fois par jour des billets disant que tel aliment donne le cancer ou que tel autre protège contre le cancer, mais ça ne veut rien dire à part « je n’y connais rien mais je dois vendre du papier pour nourrir ma famille, la nourriture c’est important, s’il te plait, achète mon journal ou clic sur la pub. Mes enfants te remercient. »

Nous pataugeons dans un brouhaha d’inquiétudes horrifiées où il faut susciter le plus d’angoisse pour essayer de refourguer sa solution maison. Et au cœur de cela se niche un constat facile : tout le monde a son mot à dire sur l’alimentation, tout le monde peut aisément se sentir un peu expert du sujet ; on s’autorise à dire ce qui nous passe par la bouche, et on imagine qu’il suffit d’avoir une bonne tête sympathique ou un peu de style dans la plume pour avoir le droit de déverser des conseils.

Le problème, c’est qu’on méprise la diététique : cette espèce de sous-science des régimes amaigrissants, à peine différentiable de la naturopathie gnagnan qui nous fait des leçons de morale sur le fait qu’on mange mal et que 5 fruits et légume par jour / et que des fibres / et que, attention au gras, au sucré, au salé / nananère…

Le problème c’est que la Junk Food est partout, et qu’on le sait très bien. En réaction à l’invasion industrielle des aliments ultratransformés qui s’invitent dans mes placards autant que dans les vôtres, s’installe une sorte de nouvelle religion du bien manger, une tendance à l’orthorexie qui érige en modèle des influenceurs télégéniques dénués de compétence, de cohérence et d’éthique.

Quand tout le monde se mêle de nous faire la morale sur ce qu’on ne doit pas manger, sur ce qu’on ne doit pas faire manger à ses enfants, sur la bonne silhouette qu’on doit arborer, sur les bonnes, les mauvaises marques, sur l’écoresponsabilité, le végétarisme, le gaspillage, le fait maison… Qui pourrait avoir envie d’accorder du crédit à un diététicien formé à l’université, diplômé et dont l’activité est régie par les règles de professionnels de santé ? Qui a vraiment envie de prendre la diététique au sérieux ? Ce biais, je le souligne parce que je crois le retrouver en moi-même ; j’ai déjà ici critiqué les élucubrations de la naturopathie mais en plus de 150 émissions en live on n’avait jamais donné la parle à un diététiciens.

Ce soir nous en avons 3.

L’hydroxychloroquine, un médicament antipaludique et anti-inflammatoire, a été proposé dans le traitement du Covid-19. Au début de la pandémie, certaines études observationnelles, menées principalement en Chine, suggéraient un effet bénéfique potentiel de l’hydroxychloroquine, notamment en association avec l’azithromycine, un antibiotique.

Plus de 4 années se sont écoulées depuis l’arrivée du covid-19 et des variants du SARS-Cov2. Le temps permet de faire le tri entre les hypothèses. Dès les premières méta analyses de 2020, nous disposions d’informations solides sur les mérites de diverses traitements, mais il était sage d’attendre qu’un consensus solide s’installe. C’est chose faite.

Des études randomisées contrôlées, considérées comme la référence scientifique la plus solide, n’ont pas confirmé les premiers résultats prometteurs du traitement par hydroxychloroquine. Ces études ont montré que l’hydroxychloroquine n’était ni efficace pour réduire la mortalité chez les patients hospitalisés avec le Covid-19, ni pour prévenir l’infection chez les personnes exposées au virus. En outre, l’hydroxychloroquine a été associée à un risque accru d’effets secondaires graves, notamment des problèmes cardiaques.

Suite à ces résultats, les principales agences de santé internationales, telles que l’Organisation mondiale de la santé (OMS) et l’Agence européenne des médicaments (EMA), ont déconseillé l’utilisation de l’hydroxychloroquine pour le traitement ou la prévention du Covid-19.

 

Vous pouvez consulter les travaux scientifiques les plus fiables sur la question, il s’agit de méta-analyses reprenant les résultats de multiples études pour les comparer, les combiner et obtenir des conclusions plus puissantes que chaque étude prise indépendamment.

Méta-analyses :

  1. Méta-analyse de Annals of Internal Medicine (2020)
    • Résumé : Une méta-analyse publiée dans l’Annals of Internal Medicine a également conclu que l’hydroxychloroquine n’a pas d’effet significatif sur la réduction de la mortalité ou la progression de la maladie chez les patients atteints de COVID-19.
    • Détails : Les auteurs ont insisté sur le fait que les essais cliniques randomisés n’ont montré aucune preuve robuste de bénéfice, mais ont mis en évidence des risques potentiels pour la santé.
    • Référence : Hernandez, A. V., Roman, Y. M., Pasupuleti, V., Barboza, J. J., & White, C. M. (2020). Hydroxychloroquine or chloroquine for treatment or prophylaxis of COVID-19: a living systematic review. Annals of Internal Medicine, 173(4), 287-296. https://doi.org/10.7326/M20-2496

 

  1. Méta-analyse de la Cochrane (2021)
    • Résumé : La revue Cochrane, une source respectée pour ses analyses rigoureuses, a conclu que l’hydroxychloroquine n’a pas d’effet bénéfique en termes de réduction de la mortalité, de progression vers des formes graves de la maladie ou de la durée des symptômes de la COVID-19.
    • Référence : Singh, B., Ryan, H., Kredo, T., Chaplin, M., & Fletcher, T. (2021). Chloroquine or hydroxychloroquine for prevention and treatment of COVID-19. Cochrane Database of Systematic Reviews. https://www.cochranelibrary.com/cdsr/doi/10.1002/14651858.CD013587.pub2/full

 

  1. Méta-analyse publiée dans « Nature Communications » (2021)
    • Résumé : Une méta-analyse publiée dans « Nature Communications » a analysé les résultats de plusieurs ECR et a conclu que l’hydroxychloroquine n’est pas efficace pour réduire la mortalité ou prévenir les hospitalisations liées à la COVID-19.
    • Détails : Cette étude a également souligné les risques potentiels associés à l’utilisation de l’hydroxychloroquine, notamment des effets secondaires cardiaques graves
    • Référence : Axfors, C., Schmitt, A. M., Janiaud, P., Van’t Hooft, J., Abd-Elsalam, S., Abdo, E. F., … & Ioannidis, J. P. A. (2021). Mortality outcomes with hydroxychloroquine and chloroquine in COVID-19 from an international collaborative meta-analysis of randomized trials. Nature Communications, 12, 2349. https://doi.org/10.1038/s41467-021-22446-z

D’autres méta-analyses de 2023 arrivent aux mêmes conclusions :

  • Hong, H., Friedland, A., Hu, M., & Anstrom, K. J. (2023). Safety and efficacy of hydroxychloroquine as prophylactic against COVID-19 in healthcare workers: a meta-analysis of randomized clinical trials. BMJ Open. https://doi.org/10.1136/bmjopen-2022-063744
  • Mitjà, O., Reis, G., Boulware, D. R., et al. (2023). Hydroxychloroquine for treatment of non-hospitalized adults with COVID-19: A meta-analysis of individual participant data of randomized trials. Clinical and Translational Science. https://doi.org/10.1111/cts.13468

 

D’autres encore viendront peut-être s’y ajouter. À ce jour toutes vont dans le même sens et permettent d’écarter les doutes raisonnables sur le consensus en place.

 

 

Voici un petit vadémécum pour vous aider à vous y retrouver dans les nombreux contenus de La Tronche en Biais

 

 

Les émissions en direct sont la partie la plus importante du travail de la chaîne :

Le cœur éditorial.

Pour y voir plus clair dans le paysage, la playlist « Les yeux dans la Tronche » vous permet de retrouver les contenus qui traitent les sujets de fond de zététique / esprit critique : comment interroger nos représentations, réévaluer nos croyances, et comment répondre aux énoncés alléchants qui ne demandent qu’à être crus :

Pour des réflexions supplémentaires par petites touches, la playlist « Vite Fait » offre des contenus de moins de 5 minutes.

S’ajoutent d’autres playlists thématiques.

 

 

Bonnes découvertes à vous !

Cet article est le script de la vidéo du même nom publiée sur La Tronche en Biais.

 

Si vous regardez cette vidéo c’est probablement que vous êtes un humain, et que vous avez un accès à Internet. Vous êtes donc un animal social et culturel qui pratique quotidiennement la critique d’autrui, que ce soit face à face, via le commérage, l’analyse, le débunkage, le quolibet, l’insulte ou la discussion décontractée mais argumentée autour d’un point de contention.

Un humain fonctionnel qui ne critique pas, c’est-à-dire qui ne porte pas un jugement sur ce que disent et font d’autres humains, ça n’existe pas.

Ceux d’entre nous qui essaient de s’éduquer aux arcanes de l’esprit critique n’ignorent pas que la critique c’est important. La présence de ce mot dans 50% de l’expression « Esprit critique » est un indice de taille.

En zététique, nous apprenons à nous poser des questions pertinentes quand il s’agit d’évaluer s’il faut croire ou ne pas croire un énoncé. Et nous essayons de partager avec tout le monde les meilleurs outils méthodiques pour ce faire : la rhétorique, les vertus épistémiques, l’empathie cognitive, et une forme d’humilité dans chaque échange où nous risquons d’avoir tort, c’est-à-dire : souvent.

 

L’un des problèmes de la zététique, c’est que son volet principal, tourné vers une auto-éducation, une forme d’apprivoisement de son cerveau afin de questionner d’’abord nos propres croyances, nos propres perceptions et conceptions afin de les corriger… n’est pas visible ! Tandis que l’autre volet, l’autodéfense intellectuelle qui consiste à mettre à l’épreuve les énoncés émis par autrui, est souvent l’occasion de clash, de disputes, de ragequit et de tout un éventail de scènes émotionnelles qui nous donnent le sentiment que la conflictualité est partout, qu’elle sature l’air et que, finalement soit tout le monde harcèle tout le monde, soit personne ne harcèle personne. Point.

Monumentale erreur. On peut faire la distinction entre la critique et le harcèlement. Alors ça n’est pas toujours facile, parce qu’on ne dispose pas souvent de l’ensemble des informations permettant de se faire un avis, raison pour laquelle on serait bien sage de ne pas énoncer de jugement définitif sans avoir fourni des efforts conséquents pour s’informer. Ca n’est pas facile, mais on peut. Et là où cette distinction est le plus utile, c’est dans notre propre comportement. Parce que là nous disposons des infos nécessaires pour juger.  Voici donc un petit tutoriel sur l’art de donner la critique afin de pouvoir émettre des critiques importantes sans tomber dans le harcèlement.

Il parait que l’art est difficile et que la critique est facile. Je trouve la formule critiquable… Elle a du vrai pour les pratiques sportives ou artistique, mais en ce qui concerne l’arène des idées, la critique fait partie du job de base : l’art de la critique n’est en réalité pas si simple que ça. Souvent nous rencontrons des critiques de très mauvaise qualité parce que les gens ont l’air de s’imaginer qu’il suffit d’exprimer son ressenti, de donner son opinion, d’asséner des perceptions comme si elles étaient des faits établis, et d’engueuler tous ceux qui ne sont pas immédiatement convaincu parce qu’ils seraient fermés à la critique. Pardon, mais ça manque de métacognition.

 

 

Tutoriel étape1 : Se demander ce qu’on espère réaliser.

 

  1. On peut critiquer pour aider qqn à reformuler sa pensée, à se corriger, à s’améliorer. C’est ce que font les amis et les alliés autour d’une cause commune : votre cause mérite que vous ayez le courage de critiquer ceux qui la défendent mal, et que vous écoutiez les alliés qui sont en désaccord. MAIS l’écueil de cette démarche, c’est la « pureté militante », la police de la pensée qu’exercent certaines personnes qui tiennent à la leur posture plus qu’aux idées qu’ils sont censés défendre (Cf la série de Penseur Sauvage sur les narcissiques).

La critique utile de l’allié peut se transformer en harcèlement si elle s’acharne pour interdire certaines paroles par l’intimidation, la brutalité, la menace. Une personne normale est capable d’admettre qu’on n’est pas d’accord avec lui sans pour autant devenir un ennemi. La critique utile, elle accepte de ne pas être reçue et acceptée comme un ordre.

  1. On peut critiquer par opposition à un propos récurrent qui nous semble faux et qu’on voudrait éradiquer, comme les fake news. Et alors il faut savoir cibler le propos et pas celles et ceux qui s’en font les vecteurs. Ça implique de savoir viser et de savoir doser. C’est très important de le faire et de pouvoir continuer à le faire sans se faire accuser de harcèlement. C’est le bébé dans l’eau du bain.
  2. On peut critiquer car on estime qu’il faut détruire la crédibilité, le capital symbolique, la légende personnelle de quelqu’un qui ment, qui désinforme, qui manipule. Les escrocs, les voleurs, les autocrates, les gourous de sectes, tous ces personnages qui détruisent des vies, méritent qu’on leur barre le chemin. Votre critique fait alors de vous un ennemi.

Je n’attends pas de ceux qui me prennent pour leur ennemi qu’ils me traitent gentiment avec seulement des propos argumentés. Je m’attends hélas à ce que pour eux tous les coups soient permis pour me détruire. Rappelez-vous fact and Furious et la violence extrême des attaques lancés contre Antoine Daoust ; des exemples un tout petit peu moins extrême, il y en a des dizaines.

Je trouve particulièrement triste d’être traité comme un ennemi par des alliés qui prétendent ou croient émettre une critique constructive. Au fil des années, cette situation m’a souvent blessé. Si je suis capable de continuer mon travail aujourd’hui, c’est parce que j’ai fini par ne plus être aussi charitable qu’avant avec la confusion dans le registre de l’attaque en lieu et place de la critique. Ne vous étonnez pas si vous finissez bloqué en One Shot si votre mode d’expression est de rabaisser le YouTubeur que vous voudriez sincèrement aider à progresser ; il ne vous doit aucun égard particulier.

  1. On peut critiquer pour faire mal, pour se venger, pour apporter la justice, pour rechercher un moyen d’exister, de se réparer peut-être en détruisant l’autre, en anéantissant son existence publique. Ça malheureusement, c’est trop fréquent et en réalité ce n’est pas de la critique, c’est de l’agression. On peut juger qu’on agit en état de légitime défense —ça se plaide—, mais il demeure que ce n’est pas de la critique et que cette motivation est étrangère à la démarche zététique qui se place d’abord (même si elle ne se résume pas à ça) sur un plan épistémique : évaluer la véracité des propos, la solidité des arguments, la cohérence d’une posture.

Ces 4 contextes de la critique, je les distingue clairement et j’essaie de les rendre explicites dans mon travail. Je ne traite pas mes alliés comme des ennemis. Je ne confonds pas les idées avec les personnes qui s’en font l’échos, et je ne mets pas dans le même sac les croyants, même prosélytes, et ceux qui tirent profit de la croyance des autres.

BONUS. J’ajoute une 5eme motivation très en vogue dans les espaces militants : critiquer pour se construire une identité, pour sortir du lot, pour émettre un signal de vertu. La cible n’a alors plus guère d’importance en elle-même, elle ne représente qu’un moyen d’attirer l’attention sur les grandes qualités que l’on se prête à soi-même. Si la cible ne répond pas, on pourra continuer ou s’en trouver d’autres, mais si elle réagit, c’est parfait, on pourra toujours trouver un moyen de tirer avantage de la situation (Cf ma vidéo « le harceleur a toujours raison »). Attitude hypocrite, abusive, voire sociopathique, cette motivation du buzz est difficile à prouver bien entendu, puisqu’on ne peut pas prétendre lire dans les esprits. Mais une fois que les 4 premières motivations ont été passées en revu et ne permettent pas d’expliquer un comportement, cette cinquième lecture ne peut plus être écartée. Et alors, comme trop souvent, la cible d’une telle attaque n’a plus guère que de mauvaises alternatives devant elle (Cf ma vidéo «Psyhodelik a gagné»)

 

Etape 2 : oubliez l’octogone.

Une fois que je sais dans quel registre je me trouve, j’ai encore du travail car je dois me souvenir que la critique n’est pas réellement un sport de combat, mais un travail d’équipe, une course d’endurance en relai où je fais ma part du travail en comptant sur l’implication des autres à faire de même, et cela exige de moi que j’essaie d’être exemplaire (pas tout le temps, pas à chaque occasion, mais à chaque fois que je m’engage dans une activité importante). L’exemplarité est le signal honnête, couteux et donc fiable qui nous distingue les militants toxiques, des paladins clavicoles, des complotistes et des gourous. C’est ingrat, parce que chaque faux pas nous est reproché bien plus fort que les immondices commises par ceux que nous avons en face. C’est injuste, mais au bout de 10 ans je n’ai pas mieux à proposer : nous rappelons les règles et nous les suivons, nous misons sur l’intelligence collective, et régulièrement nous perdons… Mais en moyenne nous progressons. Et nous faisons ça ensemble, en accueillant parmi nous des gens qui naguère adhéraient à des croyances que la zététique les a aidés à mettre à distance.

Il en ressort que le débat face à face n’est que rarement la bonne manière de procéder, car il s’agit d’un rituel qui se joue au bénéfice du plus fort, du plus incisif, du plus volubile et adroit manieur de mots que du meilleur penseur, du locuteur le mieux apte à faire progresser tout le monde sur un sujet en discussion. Je vous renvoie à ce que j’ai dit au sujet de débattre ou de ne pas débattre avec tout le monde.

 

Parenthèse. La Tronche en Biais fait-elle du harcèlement ?

Sur cette chaîne, je livre des analyses de discours que j’estime contraire aux connaissances scientifiques, dangereuses, trompeuses… et j’apporte la contradiction à beaucoup de gens qui cherchent à avoir une influence que je juge néfaste sur la société.

À ce titre, j’énonce des critiques fortes, sourcées, argumentées, parfois moqueuses quand j’estime devoir porter atteinte à la crédibilité de ceux qui font profession de désinformer. Evidement en face de moi se trouvent des personnes qui reçoivent cela comme des attaques et disent alors, parfois, qu’elles sont victimes de harcèlement. La justice peut les aider à établir la réalité de ces reproches, il leur suffit de porter plainte. À ce jour quand on m’attaque au tribunal c’est pour concurrence déloyale. De mon côté j’ai déposé des plaintes pour cyberharcèlement. J’ai été extrêmement clair : vous m’avez aidé en contribuant à une cagnotte qui permet de saisir la justice, et avec cela je travaille avec un avocat, maître Mathieu Lanteri, et j’espère que les tribunaux sauront traiter cela d’une manière qui aidera les internautes francophones à se débarrasser de certains comportements.

Vous ne me verrez pas négocier avec les harceleurs qui sen prennent à moi depuis des années ; je vais subir, subir, enregistrer, archiver, et puis un jour j’estimerai que les pièces sont suffisantes pour attaquer et alors ils seront embarqués pour une aventure judiciaire qui durera un an ou trois ans et peut-être qu’ils n’en tireront aucune leçon mais j’ai bon espoir que ça envoie un message général.

Je vous invite à passer en revue les 600 vidéos de la chaine et mes comptes sur les réseaux sociaux pour vérifier si je me livre à des insultes répétées, à des attaques personnelles, à des menaces ou à un acharnement qui serait différent du travail journalistique de Médiapart par exemple qui traite régulièrement une affaire en plusieurs épisodes en laissant à chaque foi les incriminés réagir ou ne pas réagir aux éléments qu’ils apportent, un travail que notre démocratie ne qualifie pas de harcèlement.

Retour au Tutoriel.

Etape 3. Les 3 questions cruciales

Je vais vous rappeler les trois questions que ne se posent pas les cons tels que je les définis depuis longtemps : ceux qui affirment ce qu’ils ne peuvent affirmer, prétendent savoir ce qu’ils ne peuvent savoir et projettent sur autrui leurs propres défauts. La 3e, nous l’avons déjà développée en début d’article.

  1. Suis-je mieux informé ou plus compétent que la personne à qui je m’adresse ?
  2. Ai-je raison de supposer telles intentions de la part de mon interlocuteur ?
  3. Ai-je identifié le but de mon commentaire dans le cadre d’une conversation ?

Sans questionnement, je suis le jouet de mes émotions, des algorithmes et des effets de manche des manipulateurs qui créent du scandale pour engranger des vues, de la popularité, du pouvoir pour en faire un mauvais usage amenant à plus de scandale, de vues et de pouvoir.

 

Etape 4. L’art de Recevoir la critique

Attention : il ne faut pas faire porter tous les efforts sur le seul émetteur d’un propos critique. Parfois la violence se trouve du côté de celui qui reçoit la critique et décide de contre-attaquer en pourrissant ce qu’il identifie comme une source de nuisance. En zététique, nous parlons souvent de la manière d’émettre une critique, mais presque jamais de la manière dont il faut la recevoir.

D’abord, et c’est très difficile, il faut éviter de prêter une intention agressive à celui qui nous critique. Il faudrait se concentrer sur ce que son propos pourrait avoir de vrai, l’entendre comme une parole amicale et bienveillante qui pourrait nous aider à mieux penser, mieux parler, à mieux défendre certaines idées. Parfois des remarques abruptes et désagréables s’avèrent de précieux conseils pour éviter des écueils que nous n’avions pas su voir. Tous les conflits d’opinion ne doivent pas susciter en nous le besoin de nous défendre. Tous les conflits ne sont pas mauvais, certains nous aident à garder le cap, d’autres nous rappellent les priorités que nous désirons cultiver ou les défauts que nous devons atténuer.

Celui qui reçoit une critique ferait bien d’avoir lui aussi les 3 questions à l’esprit. Parfois c’est quelqu’un qui en sait plus que moi qui vient m’apporter son aide, même si c’est sous une forme piquante.

 

Etape 5. Quelques réflexions en vrac

  • Vous n’êtes pas obligé de critiquer publiquement tout ce qui vous énerve. Vous pouvez choisir vos combats avec un peu plus d’intelligence et même inciter certaines personnes qui vous agacent à défendre une cause commune, à peser là où vous pensez que cela peut être utile. Vous avez le droit de vous allier à des gens qui ne partagent pas 100% de vos convictions.
  • Tout le monde n’a pas le même humour. Si votre blague peut être interprétée comme une agression, demandez-vous si ça vaut le coup de la garder absolument.
  • Vous n’avez pas besoin de vous répéter 100 fois. La répétition est l’un des critères du harcèlement. On n’aide pas autrui à s’améliorer en pratiquant le supplice de la goutte chinoise.
  • Si le reproche que vous avez à formuler à déjà été publié 250 fois par ailleurs, vous pouvez liker ces autres reproches, mais pourquoi voudriez-vous redire une fois de plus ce qui a déjà été dit ? Le but de votre critique est-il bien clair dans votre esprit ?
  • Vous n’avez pas besoin de GAGNER. Forcer l’autre à prononcer une phrase qui atteste de votre supériorité est l’une des marques les plus évidente que vous êtes un gros toxique.
  • Une critique peut être entendue et avoir un effet réel sur quelqu’un sans que ça se voit de prime abord, sans qu’il se produise une crise visible depuis la Lune. Si vous faites évoluer le vocabulaire ou le ton d’un vidéaste, d’une journaliste, d’un influenceur, c’est déjà beaucoup !
  • Vos propos publics sont publics : ils pourront vous être publiquement reprochés. Ne prenez pas Twitter pour un salon privé où vous pouvez ressasser toute votre rancune sur Edouardine ou Placibas : ce sont des propos tenus dans l’agora commune où ils peuvent atteindre les gens en question. On peut vous demander des comptes.
  • 15 ou 20 réponses désagréables sous votre dernière publication, ce n’est pas une shitstorm ni un cyberharcèlement de masse. Pour en avoir reçu des dizaines de milliers depuis 2014, dont quelques dizaines ou centaines de menaces de mort plus ou moins vagues, je vous serai reconnaissant de garder le sens des proportions.
  • Si vous voulez convaincre votre interlocuteur ou les lecteurs de votre échange que vous avez raison, il est préférable de leur donner envie d’être dans votre camp. Si vous préférez la grandiloquence de votre position morale, vous avez plus de chance de jouer le rôle de repoussoir en offrant une caricature de votre camp (Cf La polarisation illusoire). Bref, vous desservez votre cause, et c’est votre droit. Mais c’est un peu dommage.

 

Que dit la loi ?

Je finirai en lisant tout bêtement ce que la loi dit sur le harcèlement. Vous verrez que, en fait, ce n’est pas un texte abscons et compliqué.

Article 222-33-2-2 du Code Pénal

Le fait de harceler une personne par des propos ou comportements répétés ayant pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de vie se traduisant par une altération de sa santé physique ou mentale est puni d’un an d’emprisonnement et de 15 000 € d’amende lorsque ces faits ont causé une incapacité totale de travail inférieure ou égale à huit jours ou n’ont entraîné aucune incapacité de travail.

L’infraction est également constituée :

  1. a) Lorsque ces propos ou comportements sont imposés à une même victime par plusieurs personnes, de manière concertée ou à l’instigation de l’une d’elles, alors même que chacune de ces personnes n’a pas agi de façon répétée ;
  2. b) Lorsque ces propos ou comportements sont imposés à une même victime, successivement, par plusieurs personnes qui, même en l’absence de concertation, savent que ces propos ou comportements caractérisent une répétition.

Les faits mentionnés aux premier à quatrième alinéas sont punis de deux ans d’emprisonnement et de 30 000 € d’amende :

1° Lorsqu’ils ont causé une incapacité totale de travail supérieure à huit jours ;

2° Lorsqu’ils ont été commis sur un mineur ;

3° Lorsqu’ils ont été commis sur une personne dont la particulière vulnérabilité, due à son âge, à une maladie, à une infirmité, à une déficience physique ou psychique ou à un état de grossesse, est apparente ou connue de leur auteur ;

4° Lorsqu’ils ont été commis par l’utilisation d’un service de communication au public en ligne ou par le biais d’un support numérique ou électronique ;

4° bis Lorsqu’ils ont été commis sur le titulaire d’un mandat électif ;

5° Lorsqu’un mineur était présent et y a assisté.

Les faits mentionnés aux premier à quatrième alinéas sont punis de trois ans d’emprisonnement et de 45 000 € d’amende lorsqu’ils sont commis dans deux des circonstances mentionnées aux 1° à 5°.

 

CONCLUSION

Nul n’est censé ignorer la loi. Le doxing est punissable ; le harcèlement aussi. Je souhaite que nous passions tous à l’étape suivante de l’histoire d’Internet, celle où l’on n’a pas besoin de tout régler par le conflit comme des singes énervés ou des automobilistes du XXe siècles pour lesquels les accidents mortels étaient une fatalité qu’il fallait accepter parce que c’est comme ça, que voulez-vous, on n’y peut rien.

On a su éliminer les pires comportements de la route et apporter de la sécurité à tous les usagers.  Je pense qu’il est temps d’appliquer cette recette aux espaces numériques qui ressemblent encore un peu trop au far West.

 

Ressources à consulter sur ce sujet sur la TeB

— « Le harceleur a toujours raison » https://www.youtube.com/watch?v=MXWgNfIeYVA

— « Les ravages de la pureté » https://www.youtube.com/watch?v=dyzpxWWusVI

— Playlist « EMPRISE » de Penseur Sauvage. https://www.youtube.com/watch?v=c7fDEuTGgEY&list=PLoxcu07al0isu-CJ_A8PrqiXdFOOE1uai

— « Faut-il bloquer les gens sur Internet ? » https://www.youtube.com/watch?v=tqIip7cbXaM

— « Vous voulez du sang ? » (la zététique est-elle un art de combat ?) (aout 2020)  https://www.youtube.com/watch?v=B-Us-raVVtA

— « Rien ne vaut le débat ? » https://www.youtube.com/watch?v=VW_pcZa5vz8

— « Le gros préjudice moral de Frédéric Delavier » https://www.youtube.com/watch?v=7wxaNJ_f-9k

— « Trois actions en justice pour La tronche en Biais » https://www.youtube.com/watch?v=hxYYVMqhk28

— « Brulez vos idoles »  https://www.youtube.com/watch?v=KfBuvZAsG98

— « Le truc qui pourrit les débats » https://www.youtube.com/watch?v=-6uGz7PojHU

— « Arrêtez avec vos soupçons » https://www.youtube.com/watch?v=YFhVQAYZ2T8 (aout 2019)

— « La polarisation illusoire » https://www.youtube.com/watch?v=u06jMln7044

—  Votre colère ne vous donne pas raison. https://www.youtube.com/watch?v=zWK-H-clP9o

 

Le magazine de l’Esprit Critique 2..0 – Avril 2024

 

Tous les liens évoqués dans la vidéo sont accessibles ci-dessous :

 

Partie 1. Confluence

Revue des productions liées à l’esprit critique

— Hommage à Daniel Dennett, décédé le 19 avril à 82 ans.

Son livre « Darwin’s dangerous idea » était posé dans le décor de la chaine dans les tous premiers épisodes ! Son influence est présente dans mon travail. — Il a notamment travaillé sur la conscience et critiqué les conceptions héritées de Descartes, et ce qu’il a appelé le « théâtre cartésien de l’esprit ».

Citation : « L’idée qu’il existerait un centre spécial dans le cerveau est la plus mauvaise et la plus tenace de toutes les idées qui empoisonnent nos modes de pensée au sujet de la conscience. »

Plus globalement, son travail de philosophe a été tourné vers les sciences et vers l’émancipation des religions. Il a été l’un des 4 cavaliers de l’athéisme au côté de Richard Dawkins, Sam Harris et Christopher Hitchens décédé en 2011.

« Ma perspective fondamentale est le naturalisme, l’idée que les investigations philosophiques ne sont pas supérieures, ni antérieures, aux investigations des sciences naturelles, mais recherchent la vérité en partenariat avec elles, les philosophes devant s’assigner la tâche de clarifier et d’unifier assez ces points de vue si souvent conflictuels pour les fondre dans une vision unique de l’Univers […] »

Adieu et merci, monsieur Dennett.

 

Revue des productions

 

 

Les productions maison

 

Chansons et IA

 

LES REC de Toulouse ont une page Ulule. L’évènement est gratuitement accessible à tout le monde… ais ça coûte de l’argent et l’organisateur doit boucler son budget s’il veut pouvoir nous proposer un nouvel évènement l’an prochain : https://fr.ulule.com/rencontres-esprit-critique/

Enregistrement le 27 avril 2024 aux Rencontres de l’Esprit Critique – Toulouse.

Invités :

  • Dominique COSTAGLIOLA — Epidémiologiste et biostatisticienne, Directrice de recherches émérite à l’INSERM et membre de l’Académie des Sciences.
  • Catherine HILL — Epidémiologiste. En poste à l’institut Gustave Roussy jusqu’en 2023. Spécialité : fréquence et causes des cancers et surveillance des effets indésirables de médicaments (Mediator, Lévothyrox, Dépakine).
  • Jean-Noël VERGNES — PU-PH Dentiste hospitalo-universitaire. Approche biopsychosociale centrée sur la personne et l’épidémiologie.

Editorial

 

La santé est soumise à divers aléas. Si vous n’avez vraiment pas de bol vous portez une mutation unique, bien spécifique et très vilaine qui rend votre vie douloureuse et courte. Les maladies rares et orphelines, nous en avons parlé dans La Tronche en Live 123 « Maladies (et handicaps) invisibles » avec Claire-Cécile Michon et Eva Feigerlov.

En dehors de ce cas, vous appartenez à une population sur laquelle nous possédons des chiffres : incidence de telle ou telle maladie —contagieuse ou pas—, corrélation entre les affections, espérance de vie, etc. Et il existe une science qui collecte toutes ces données dans le but de nous aider à comprendre comment apparaissent et évoluent les maladies, c’est l’épidémiologie.

Je me permets d’emble de corriger une éventuelle confusion l’épidémiologie n’est pas l’étude des épidémies, mais celle de la fréquence des maladies dans les populations.

Dans notre société moderne où l’on ne meurt presque plus en bas âge ou en accouchant, où les jeunes ne meurent plus à la guerre, où nous vivons longtemps… nous avons tous de très nombreuses occasions de chopper des maladies qui trainent ou de nous exposer à des produits qui nous font du mal.

Les organismes étant d’une complexité folle, en dehors des infections virales ou bactériennes il est souvent impossible de déterminer avec précision l’évènement, la cause, l’origine exacte, factuelle de la maladie d’une personne en particulier. Si vous avez un cancer, on ne pourra pas déterminer que c’est à cause d’un dommage sur votre ADN causé par une molécule qui vient d’un verre de Côte du Rhône que vous avez bu le 3 octobre d’il y a onze ans, même si bien là que se trouve son origine.

Le travail de l’épidémiologie c’est de nous donner les informations utiles pour pouvoir prendre des mesures qui ont un impact sur la santé publique, sur les risques que nous courons, sur les choix thérapeutiques à privilégier, bref sur la politique de santé. Et c’est peut-être cette connexion avec le monde de la décision et du pouvoir qui rend cette discipline un peu controversée.

Pour en parler, nous avons du lourd ce soir ! Bienvenue à nos invités.

 

 

Emission, enregistrée le 23 avril 2024.
Invité : Jacques ROBERT. Professeur émérite de cancérologie (université de Bordeaux), praticien hospitalier honoraire (centre de lutte contre le cancer).

Editorial

Les cancers accompagnent le monde animal depuis avant les dinosaures, ce sont des maladies de la dérégulation des cycles cellulaires qui font oublier à nos cellules qu’elles ont un rôle bien précis à jouer dans l’organisme et ne peuvent pas se la jouer perso. Si vous voulez comprendre le phénomène, je vous conseille la TenL#80 avec Frédéric THOMAS auteur de « L’abominable secret du cancer ».

Les cancers sont des maladies qui font peur et qui sont fréquentes. Nous connaissons tous quelqu’un qui est concerné, et il est parfois bien difficile de savoir comment réagir à sa maladie ou à celle de nos proches. Et si cet aspect là vous semble important, je vous conseille la TenL 118 « Le cancer de la peur » enregistrée à la Cité des Sciences et de l’industrie au milieu de l’exposition « Cancers » avec deux chercheuses et les deux commissaires de l’exposition.

Les cancers nous mettent face aux limites de la médecine, et de la brutalité de nombreux traitements, qu’il s‘agisse de chirurgies invasives ou de thérapies chimiques ou radiologiques incapacitantes. Dans la détresse qui vous accable à ce moment-là, on se raccroche à des discours qui nous inspireraient de la méfiance en d’autres circonstances. Les malades du cancer figurent parmi les premières cibles du marketing des pratiques de soin non conventionnelles, parfois appelées « médecines douces » ou « médecines complémentaires ». Et sur ce sujet notre émission La TenL #102 « Cancers et « médecines alternatives et complémentaires » » avec Le cancérologue Simon SCHRAUB,  pourra vous intéresser.

Ce soir, nous explorons d’autre aspect de ces maladies. Nous commencerons par le pur charlatanisme qui sévit malgré les lois, grâce à certains milieux alternatifs très prosélytes et sans que les plateformes numériques ne fassent grand-chose.

Les médecins, les vrais, les diplômés en poste dans les hôpitaux, ceux envers qui la confraternité doit être absolument respectée sous peine de blâme, il leur arrive aussi de promouvoir des traitements claqués au sol, de prétendre avoir des solutions que la profession refuse de voir et de vriller avec extase en embrassant les médias alternatifs et complotistes.

Et puis au-delà des dérives personnelles, le cancer est confronté à des dérives systémiques, avec des travaux scientifiques peu reproductibles, un charity business entaché de corruption, avec un déficit de confiance envers la manière dont on finance les travaux… Et une formation des soignants qui a longtemps fait l’impasse sur l’empathie et parfois maltraité des malades qui ont préféré aller voir ailleurs.

Nous allons regarder tous ces problèmes en face avec un professeur d’université cancérologue, spécialiste de tout cela et auteur d’un livre sans concession « Impostures en cancérologie » aux éditions H&O.

 

Emission enregistrée le 15 avril 2024. BU Ingénieurs Brabois.

Invités : Gérard Audibert Dr. en médecine, directeur de l’Espace de Réflexion Ethique Grand Est, antenne lorraine. Aurélie Pourrez PhD, chercheuse en information-communication au Centre de Recherche sur les Médiations, CREM (UL).

 

Editorial

 

La théorie de l’évolution, la dérive des continents, le changement climatique d’origine anthropique, voici quelques exemples de consensus scientifiques. On attend de chacun qu’il comprenne qu’il s’agit de « vérités de sciences » (avec des guillemets bien sûr) : des énoncés qu’il n’est plus raisonnable de rejeter. Le consensus est invoqué pour marquer les frontières de l’indiscutable et ne pas perdre un temps infini à réinventer l’eau tiède dans des débats qu’il vaudrait mieux focaliser sur des questions qui se posent réellement et dont les réponses sont bel et bien à découvrir.

Mais tout cela peut avoir un petit gout d’autoritarisme, de verticalité, voire même de dogmatisme. Ainsi donc, il y aurait une sorte de parole infrangible, un évangile devant lequel tous doivent s’incliner ? Et qui l’incarne cette parole, quel docte sage peut tracer à la seule force de son stylo ou de sa voix les limites entre ce qu’il est permis d’investiguer et ce qui doit être cru ? Personne, évidemment.

Le consensus ce n’est pas un texte sacré protégé par un clergé, ce n’est pas une doctrine administrée par des zélateurs, c’est plutôt une sorte d’émulsion collective, une zone d’accalmie dans les débats, un espace pacifié où la formulation des connaissances établies est exposée aux yeux de tous et résiste tranquillement aux assauts des hypothèses alternatives et des expériences nouvelles.

Le problème des métaphores, c’est qu’elles ont beau être jolie, elles sont toujours un peu fausses et ne décrivent pas réellement ce dont elles parlent, alors nous allons nous intéresser aux diverses manières de présenter ces fameux consensus, comment ils s’installent, comment ils se déplacent ou volent en éclats, et surtout comment peut faire le non spécialiste pour savoir si un énoncé s’appuie sur un consensus ou s’en écarte, comment le citoyen peut distinguer une parole qui se donne tous les moyens de mesurer ses prétentions au test de ses hypothèses d’un galimatias pseudo-savant concocté selon les besoins ponctuels du locuteur.

Pour contribuer à éclairer un peu tout le monde, nous allons revenir sur la notion de consensus scientifique, comme nous étions revenus sur celle d’expert lors de l’émission enregistrée à la médiathèque d’ARTEM avec Céline SEGUR et Laurence CORROY.

Et pour cela nous comptons sur nos deux invités