La Biodynamie crédibilisée par la Sociologie quantique … et réciproquement ?

Article Invité

Par François Vazeille


Directeur de recherche émérite au CNRS, j’appartiens au LPC (Laboratoire de Physique de Clermont-Ferrand) qui a le label d’UMR (Unité Mixte de Recherche, UMR6533). Les deux tutelles sont l’UCA (Université Clermont Auvergne) et le CNRS-IN2P3 (Institut National de Physique Nucléaire et Physique des Particules). Mes recherches s’effectuent au CERN (Laboratoire Européen pour la Physique des Particules), au sein de la collaboration mondiale ATLAS dans l’expérience éponyme, auprès du collisionneur de particules LHC (Large Hadron Collider).Les propos que je tiens dans ce billet n’engagent que moi, et je n’ai aucun lien d’intérêt avec une quelconque entreprise privée ou organisation dont je pourrais percevoir des fonds.

Avant-propos

Les propos que je tiens dans ce billet n’engagent que moi. C’est la version condensée d’un texte plus détaillé [0], citant de nombreuses sources. Quelques références, seulement, seront données dans ce billet, en conservant la numérotation du texte complet.

1. Introduction

Une publication de l’année 2019 – ″Quantum Theory as a source of insights to close the gap in Mode 1 and Mode 2 Transdisciplinarity. Potentialities, pitfalls and a possible way forward” [1] – aborde les aspects sociologiques de la ″transdisciplinarité″ en se référant à la Théorie quantique. Cyrille Rigolot, l’auteur, est agronome, chercheur à l’INRAE (Institut national de recherche pour l’agriculture, l’alimentation et l’environnement), membre de l’UMR (Unité Mixte de Recherche) ″Territoires″ associant AgroParisTech, INRAE, VetAgro Sup et l’UCA (Université Clermont Auvergne). Il rappelle les arguments en faveur d’une ″sociologie quantique″ et illustre son intérêt par un exemple concret dans son aptitude à réconcilier les praticiens et défenseurs de la ″Biodynamie″ et les acteurs de la Science académique. 

La ″sociologie quantique″ et la ″biodynamie″ s’écarteraient de la ″science normale″, ces deux domaines convergeant vers une Science de progrès, une ″Science extraordinaire″ dans laquelle l’esprit (la conscience humaine) se confondrait avec ces activités. Le scientifique ″académique″ que je suis est parfaitement en accord avec Cyrille Rigolot sur le fait que ni la ″sociologie quantique″, ni la ″Biodynamie″ ne relèvent de la Science, mais si la Science est souvent extraordinaire, ce n’est certainement pas selon la conception défendue par les défenseurs de cette ″sociologie quantique″ ou de la ″Biodynamie″. C’est ce que je vais expliquer succinctement dans ce billet, sachant que l’argumentation approfondie est accessible sous la référence [0] … dont je recommande la lecture, y compris l’épilogue.

2. ″Sociologie quantique″ et ″Conscience quantique″

La Théorie quantique se veut vraiment ″intégrée″ à la sociologie, du moins à cette mouvance qui n’est certainement pas partagée par toute la communauté des sociologues. 

Cyrille Rigolot accorde beaucoup d’intérêt à ″la conscience quantique″ (″Quantum consciousness″ ou esprit quantique), défendue notamment par Roger Penrose, récent prix Nobel de physique (2020) et Stuart Hameroof, médecin. C’est la seule tentative cherchant à ″matérialiser″ une origine quantique de l’esprit, mais elle n’est pas citée par l’auteur, lequel fait plutôt référence à Alexander Wendt, philosophe et politologue expert des relations internationales … et constructiviste, pas vraiment expert en Théorie quantique ou dans les Neurosciences.  Il est utile de rappeler que le constructivisme considère que la réalité est co-construite par l’esprit humain. 

D’après Penrose, authentique physicien et mathématicien, la conscience résulterait d’effets de ″gravité quantiquefaisant intervenir, dans des structures au cœur des neurones, un phénomène rappelant celui de la condensation de Bose-Einstein de l’hélium superfluide et des atomes ultra-froids de béryllium″. Malheureusement, une publication de physiciens australiens a rejeté complètement les idées de Penrose et Hameroof. En outre, cette théorie physique de l’esprit, plus qu’hardie et donc invalidée, fait appel à une théorie de la ″Gravitation quantique″, en cours d’élaboration et pas encore vérifiée par des tests expérimentaux.

Cyrille Rigolot cite un autre physicien, Basarab Nicolescu, qui veut unifier les différents niveaux de réalité, y compris les niveaux spirituels et cosmiques, en mettant en avant une troisième voie entre Objet et Sujet s’inspirant du Principe de superposition de la Théorie quantique. Puis il précise l’approche ″rigoureuse″ d’Alexander Wendt, dans son ouvrage ″Quantum Mind and Social Science. Unifying Physical and Social Ontology ″ [6]. 

Wendt recourt à la conception philosophique du Panpsychisme, selon laquelle l’esprit est une propriété présente partout à travers le monde qui se superposerait au monde matériel. Cette affirmation est soutenue par des considérations ″vitalistes″. Cela irait même vers le ″néo-vitalisme″ défendu par le sociologue postmoderne Bruno Latour. Ce concept attribue un rôle d’acteur à notre planète, au même titre que celui assumé par les humains, si bien que l’Univers serait un ″Big quantum″, un monde quantique. Affirmer que l’Univers est un ″Big quantum″ signifie qu’un philosophe serait capable de mieux connaitre la physique que les physiciens qui n’ont jamais imaginé une telle conception de l’Univers et de la Théorie quantique: quelle découverte extraordinaire ce serait ! Quant aux autres concepts de Panpsychisme et de force vitale, ils n’ont rien à voir avec la Science, y sont rejetés depuis fort longtemps et relèvent de la métaphysique, ce que nous retrouverons dans le contexte de la Biodynamie.

 ″La sociologie quantique ″rigoureuse″ imaginée par Wendt a les traits suivants [6]:

  1. La subjectivité humaine est gouvernée par les principes de la physique quantique.
  2. Le cerveau humain est un ordinateur quantique qui reproduit usuellement la fonction d’un « projecteur holographique ».
  3. Les êtres humains sont essentiellement une « fonction d’onde en mouvement » dont le mécanisme causal est celui d’une libre volonté.
  4. Les structures sociales, invisibles et dotées de subjectivité et d’intentionnalité, sont des organismes purement holographiques subissant la « cohérence quantique ». 

Steven R. Brown est un autre auteur recommandé par Cyrille Rigolot, en particulier dans sa publication ″A Primer on Q Methodology ″ [8], cette Méthodologie Q permettant de traiter de façon systématique des études empruntes de subjectivité, et cela dans des domaines aussi variés que les Sciences humaines, la Médecine, les Arts et bien d’autres encore. Pourquoi pas, mais quid de l’interprétation quantique de cette méthode ? L’observateur perturberait la réalité en la mesurant (Théorie Quantique) et celle-ci serait différente selon la perspective de l’observateur vis-à-vis du champ d’observation (Théorie de la Relativité) : voici la subjectivité démontrée et combattue grâce à la science qualifiée de normale″

Parmi les arguments de Cyrille Rigolot en faveur du concept de conscience quantique, les plus étonnants s’appuient sur des nombreux acteurs ″théoriciens″ du domaine, mais en marge, des ″chercheurs indépendants″ et des praticiens inhabituels tels que ″médiums, guérisseurs, médecins naturopathes…″. Tous ces ″brillants chercheurs indépendants″ savent-ils que les physiciens s’interrogent encore aujourd’hui sur l’interprétation de la Théorie quantique ?

3. La Biodynamie de Rudolph Steiner et de ses praticiens et défenseurs

Cette pratique agronomique est née de l’intuition du philosophe Rudolph Steiner qui n’avait aucune compétence en sciences et en agriculture, et qui inventa la doctrine ésotérique de l’Anthroposophie prônant une science spirituelle [10]. Tous les ingrédients de la Biodynamie relèvent des pseudosciences, de fausses sciences ou de la pensée magique : occultisme, astrologie, puissances telluriques et végétales, forces cosmiques, homéopathie, dimensions spirituelles, etc. Quelle crédibilité scientifique peut-on accorder à une telle argumentation?

Cyrille Rigolot se rapporte notamment à la publication des sociologues C. Compagnone et al. [12], où il est écrit que la pensée de Steiner est un ″savoir révélé″, que les ″méthodes analytiques classiques″ échouent à valider le ″savoir de la communauté de l’agriculture biodynamique″. Par contre, des techniques non validées par la ″science normale″, telles que le recours à ″l’effet Kirlian″ ou à ″la cristallisation sensible de Pfeiffer″ confirmeraient sans ambiguïté le savoir biodynamique. Le philosophe Michel Foucault est cité, plus loin le sociologue Bruno Latour. Michel Foucault est l’un des initiateurs de la philosophie postmoderne.

Cette nouvelle pratique ″ne s’appuie pas sur la seule rationalité scientifique mais fait appel aussi à l’intuition et à l’émotion″. L’émotion ? Elle apparait dans la ″dimension spirituelle … et affective dans l’activité de l’agriculteur [en Biodynamie] ″, ″une relation fusionnelle et sensorielle s’établit entre la plante et l’agriculteur… [ce qui lui permet] d’accéder à une conscience des choses ″.

D’autres auteurs, souvent des sociologues, tels Jean Foyer du CNRS, ne se contentent pas d’aborder les aspects sociologiques de la Biodynamie, ce qui n’est pas sans intérêt, mais prennent parti en faveur de celle-ci. Rien ne les étonne ! Les cornes remplies de bouse de vache et de quartz, enterrées en tenant compte des cycles lunaires et du zodiaque, servent en quelque sorte d’antennes pour le cosmos qui agit ″sur les quatre éléments (terre, eau, air/lumière, feu) qui structurent la pensée analogique de la Biodynamie″. Les différents éléments chimiques sont associés « à certaines forces et leur attribuent même une certaine subjectivité″. A titre d’exemple : L’azote est un gaillard très intelligent, il vous renseigne sur ce que font Mercure, Vénus, etc., parce qu’il le sait, parce qu’il le ressent″. 

Mais ce n’est pas suffisant ″La mémoire de l’eau [est] un point d’appui et de légitimation″

Mais ce n’est toujours pas suffisant, à ces aspects techniques de préparation par le praticien, il convient que celui-ci y ajoute des ″rapports « amicaux » de protection, d’assistance et de coexistence sur le temps long… [avec] le végétal … Non seulement les humains entretiennent des relations de communication plus ou moins directes … avec les végétaux, mais ceux-ci sont animés d’esprits avec lesquels il s’agit de s’allier au travers de différents rituels… Il s’agit d’entrer en contact avec les « esprits du lieu » ou les êtres élémentaires … ou êtres des différents éléments (Ondines, Gnomes, Sylphes, Salamandre, etc.) [qui] font partie de la cosmogonie anthroposophe″.

Cependant, la biodynamie s’apprend. Des ″formations sont organisées sur les Perceptions des forces du vivant … en essayant de prendre conscience des différentes dimensions physiques, éthériques, astral ou spirituel de notre corps… l’objectif est d’entrer en communication avec la plante par méditation, aspiration, ou empathie … [alors] émerge généralement une tendance qui renseigne sur l’état des forces de vie de la plante ″. Les participants sont même invités à méditer, en groupe, avec les végétaux, et à échanger ″leurs perceptions des dimensions immatérielles et le développement de leur (supra)sensibilité … ″. Le ″charisme″ des formateurs est évoqué.

Tout cela n’aurait-il pas les traits d’un comportement sectaire autour d’un gourou ? Georges Fenech, qui a présidé la Mission interministérielle de vigilance et de luttes contre les dérives sectaires (MIVILUDES), évoque cette question de façon plus globale dans le cadre de l’anthroposophie [15].

Une expérimentation a réuni ″une demi-douzaine d’experts aux spécialités différentes [dont] …la coordinatrice biodynamique de l’expérimentation, un médecin homéopathe, un auteur d’un ouvrage sur la sensibilité de l’eau, une experte en force de vie ″. C’est effectivement très sérieux ! Afin de favoriser les relations des agents avec les éléments naturels, différentes techniques sont utilisées : ″pendules, baguettes, méditations, visualisations, élixirs… ou simplement sur la base de leurs ressentisdifférentes techniques de rééquilibrage du lieu (géobiologie, acupuncture, hydrolats de fleurs…) ″. Les aptitudes des agents sont renforcées si ceux-ci ont d’autres qualités augmentant ″la sensibilité aux mondes supra-matériels où l’on peut percevoir des « réalités non ordinaires » … magnétiseurs, sourciers, rebouteux ou guérisseurs… ″.

La domination de l’humain sur le végétal est condamnée en termes de ″liens entre la domestication des céréales et l’origine de l’Etat, du modèle familial et de la propriété privée ou encore ceux entre plantations coloniales, racisme et rapport de genre″. Mais heureusement, ″… il existe d’autres exemples historiques ou contemporains où la relation au végétal est pensée sur un mode de compagnonnage qui peut impliquer des liens affectifs, y compris d’amour…″. Nous voici typiquement dans l’idéologie ″new age″ dont les liens avec le post-modernisme sont connus. 

 Mais comment accorder la ″Science normale″ et la ″Science extraordinaire″, puisque s’inspirant de Kuhn, cette Science extraordinaire qu’est la biodynamie devrait ″nourrir les réflexions sur les conditions de la transition agro-écologique″ ? 

 Cyrille Rigolot a LA solution : la SOCIOLOGIE QUANTIQUE !

4. La Biodynamie validée par la sociologie quantique.

Adeptes de l’esprit critique, nous pourrions dire qu’avant de chercher à valider par une explication ″physique″ la Biodynamie, peut-être serait-il judicieux de rappeler une règle fondamentale de la zététique : ″il faut s’assurer de la réalité d’un phénomène avant d’en chercher les causes″. En effet, il n’existe aucune preuve expérimentale des effets de la biodynamie, mais cela n’a aucune valeur puisque cela n’émane que de la ″science normale″ (celle qui est supposée être pratiquée à l’INRAE, au CNRS, à l’Université…) et que, de plus, la ″science extraordinaire″ possèderait ses propres méthodes ″extraordinaires″ qui valident son efficacité. 

La sociologie quantique va être le sésame providentiel de Cyrille Rigolot pour ne plus douter en ″réussissant″ à concilier la biodynamie et le savoir académique. Son ″dialogue constructif″ associe deux concepts, ″méthodologiques et ontologiques″. Les aspects méthodologiques sont illustrés par la Méthodologie Q et, aussi, par les différentes approches des parties prenantes, en se référant au Principe de complémentarité de la Théorie quantique, selon deux aspects : la complémentarité liée à la position de l’observateur vis-à-vis des conditions d’observation de l’intérieur ou de l’extérieur, ou alors celle se rapportant aux conditions normatives d’observation. L’aspect ontologique est représenté par le recours à la ″conscience quantique″.

 La conclusion va au-delà de la biodynamie : ″c’est une façon différente de voir le monde, justifiée par une relation fondamentalement nouvelle entre le Sujet et l’Objet″.

5. Discussion et conclusion

L’usage de la métaphore ne porte guère à confusion, car elle contient, en elle-même, l’idée d’une approche didactique d’un thème complexe ou peu connu. Le recours à l’analogie est moins explicite car il peut laisser croire qu’il s’agit d’une démonstration. A cet égard, le philosophe Jacques Bouveresse en avait montré les limites et les dangers dans son ouvrage ″Prodiges et vertiges de l’analogie″ [20], en appui du livre des physiciens Sokal et Bricmont [21] fustigeant les intellectuels postmodernes se croyant obligés d’agrémenter leurs propos philosophiques, sociologiques et autres, d’arguments scientifiques erronés et sans rapport avec le sujet traité. Qu’en est-il ici ? Les exemples sont légions dans ce billet et dans la version détaillée.

Mes arguments ne sont pas des propos de circonstance, je reprends quelques extraits de deux textes, dont l’un a été édité sur ce blog [22, 23]. Je précise tout de suite que ce qui définit la science et sa bonne pratique n’est en rien un carcan qui entraverait la liberté du chercheur et sa créativité ; bien au contraire, c’est le gage d’une approche rigoureuse, partagée par tous les champs scientifiques à travers le monde, donc favorables à la transdisciplinarité… lorsque cette dernière est raisonnable.

Les piliers de la science sont la rationalité et l’objectivité dans, à la fois, les approches théoriques et expérimentales des problématiques étudiées.

La rationalité impose un matérialisme méthodologique. L’observation ou l’expérience portent sur la ″matière″ au sens large : matière, énergie, champs de force, espace-temps… Cette notion est applicable aux sciences humaines. Dans ce cas, la matière concerne, par exemple, les données collectées à partir de tests, d’enquêtes, de recherches historiques… Rien n’est écrit à l’avance : les ″livres sacrés″ ne sont pas des livres de Science. Rien n’est révélé par des entités supérieures. La science est amorale ; elle explique ce qui est, pas ce qui doit être.

L’objectivité implique le réalisme (la nature existe indépendamment de l’observateur) et une démarche vers l’objet étudié et non vers la personne qui l’étudie. 

Il en découle des critères invariants précisant ce qu’est la bonne pratique de la science. Parmi ceux-ci, le critère de réfutabilité de Popper selon lequel n’est scientifique que ce qui peut être réfuté ; un autre sur le croisement entre les disciplines : ce qui est admis dans un champ scientifique l’est dans tous les champs sous réserve que les domaines soient compatibles. 

Un autre aspect présent dans les articles que nous avons analysés est le recours à des notions qui n’ont plus cours aujourd’hui dans le savoir scientifique ou qui ne sont pas reconnues par la science, la vraie, ou encore la mise en avant de praticiens de sciences parallèles. Voici un rappel de ce que nous avons trouvé: ″les quatre éléments (terre, eau, air/lumière, feu), médiums, guérisseurs, médecins naturopathes, magnétiseur, sourciers, rebouteux, expert en forces du vivant, occultisme, astrologie, puissances telluriques et végétales, forces cosmiques, mémoire de l’eau, force vitale, homéopathie, dimensions spirituelles, pendules, baguettes, méditations, visualisations, élixirs″… Ces auteurs considèrent que tous ces exemples relèvent d’une ″science extraordinaire″. Ils sont situés hors du champ scientifique dit ″normal″, celui qui a fait ses preuves dans la progression des connaissances de la nature et de l’humain, pas à pas, dans le temps long, avec des doutes, des incompréhensions, des crises. Paradoxalement, les tenants de la ″science extraordinaire″, eux, ne doutent pas.

La ″sociologie quantique″ et la biodynamie placent l‘irrationnel au premier plan. Il est question de ″révélation, occultisme, suprasensibilité, émotion, ressenti, esprits du lieu, êtres élémentaires″. Où est l’approche rationnelle de la science ? Cette subjectivité mise en avant, ces émotions, ressentis, méditations, communications avec les plantes, ne satisfont pas au critère de réfutabilité de Popper. Le dénialisme consistant à avancer que la science ″ normale ou officielle″ n’a pas autorité pour juger la biodynamie repose sur l’argumentation que la ″Science extraordinaire″ ne peut pas être validée par les techniques de cette science ″normale″, mais exclusivement par des ″méthodes extraordinaires″: ″Effet Kirlian, cristallisation sensible de Pfeiffer, pendules, baguettes, méditations, visualisations, élixirs…″.  Tout cela traduit un aspect très connu de la mouvance des pseudosciences, dans laquelle les différentes pseudosciences et leurs acteurs se confortent mutuellement.

Nous avons vu que la théorie de la Relativité avait été évoquée par Brown. D’autres auteurs puisent également dans les Mathématiques, les théorèmes de Gödel en particulier. Côté français, le plus connu est certainement Edgar Morin, qui déclare à propos du doute et de l’incertitude [26]: ″Cette incertitude a été introduite dans la logique avec la conscience des limites de non-contradiction et du tiers exclu, comme avec le théorème de Gödel montrant qu’aucun système ne dispose des possibilités de s’expliquer lui-même avec ses moyens propres″. Ce n’est pas parce que Gödel a tenté de généraliser dans d’autres champs – sans succès – ses notions d’incomplétude parfaitement démontrées en logique mathématique formelle, qu’Edgar Morin doit se croire autorisé à en faire autant. Cette attitude de certains ″penseurs″ à vouloir faire dire plus de choses à un concept en dehors de son domaine propre, est sévèrement critiquée par Jacques Bouveresse : ″Le théorème de Gödel mérite … une place à part, parce qu’il est certainement de beaucoup le résultat scientifique qui a fait écrire le plus grand nombre de sottises et d’extravagances philosophiques″ [20]. 

Edgar Morin ne prononce jamais l’expression ″sociologie quantique″, mais c’est tout comme. Dans d’autres écrits, il critique la raison chez l’homme. Le Sujet doit intervenir dans certaines sciences humaines. Il se réfère à la mécanique quantique (dualité), la logique (Gödel, comme nous venons de le voir), l’optique (hologrammes), la thermodynamique (entropie). Il vante un retour à la ″noosphère″ chère à Teilhard de Chardin et accepte les ″orixas″ (existence réelle des esprits au Brésil). 

Rassemblons toutes les idées énoncées par les différents auteurs : les rejets de la raison et de l’objectivité, la mise en avant de l’holisme, cette insistance à recourir à des penseurs postmodernes ou ayant inspiré le postmodernisme, le constructivisme (Rudolph Steiner bien sûr, Claude Compagnone, Alexander Wendt, Jean Foyer, Edgar Morin, etc.). Ne serait-ce pas la traduction d’une approche postmoderne ? La sociologie est une discipline qui compte. C’est vraiment une science, quoi qu’en dise le sociologue postmoderne Michel Maffesoli, professeur d’Université : « Pour moi, la sociologie n’est pas de la science, c’est de la connaissance. J’ai toujours essayé de mettre en place une sociologie compréhensive, pas explicative, ni quantitative » [28]. Ce professeur est, au-moins, cohérent sur un point : le postmodernisme n’est, en effet, pas compatible avec la science. 

La transdisciplinarité de la sociologie est, par essence, évidente dans les sciences humaines, puisqu’il existe des recouvrements avec la philosophie, la psychologie, et même l’archéologie, l’histoire, les sciences économiques et politiques, et d’autres encore. C’est la traduction du croisement des disciplines que nous avons évoqué dans les invariants propres à la science. C’est même vrai avec des champs apparemment plus éloignés comme les sciences cognitives et les neurosciences [29, 30]. Mais faut-il aller plus loin en puisant dans les sciences dures à tout va : mathématiques, relativité, mécanique quantique ? Paradoxalement, en utilisant cette ″Science normale″ qu’est la théorie quantique pour justifier l’essor d’une ″Science extraordinaire″ qui n’a de science que le nom ? Ce recours à la ″Théorie quantique″ ne serait-il pas un nouvel avatar du postmodernisme ?

Ces intellectuels français défendant la sociologie quantique et la biodynamie ont des responsabilités. Ils sont supposés être qualifiés pour produire des connaissances robustes et les enseigner, pour vulgariser la science auprès des jeunes, du grand public et des médias. Ils relèvent d’organismes publics de recherche scientifique et/ou d’enseignement : INRAE, AgroSup, VetAgroSup, CNRS, Universités… Faut-il passer sous silence les responsabilités de ces tutelles lorsqu’elles tardent à réagir alors que la science est malmenée ? Ou parce qu’elles n’ont plus le choix ayant trop tardé… ou ne réagissent pas du tout ? L’exemple récent du sociologue du CNRS Laurent Muccielli est révélateur d’un malaise certain dans certaines pratiques ″sociologiques″ en France [31].

La biodynamie n’a aucune base ni aucune validation scientifique. L’univers n’est pas un ″Big Quantum″. La théorie quantique ne justifie en rien la Subjectivité.  Bien que la mode consistant à mettre en cause … la causalité soit entretenue par des philosophes et des sociologues, la causalité reste un principe essentiel de la démarche scientifique, y compris dans la théorie quantique. Cyrille Rigolot ne démontre pas que la ″Science normale″ qu’est la théorie quantique permettrait de réconcilier les tenants de la science académique et cette science ″extraordinaire″ où seraient confondus Objet et Sujet, où rationalité et objectivité seraient rejetés au profit de l’irrationalité et d’une subjectivité associée.

Références bibliographiques 

[0] François Vazeille, ″La Biodynamie crédibilisée par la sociologie quantique … et réciproquement ? ″,

      septembre 2021. Version complète : https://cernbox.cern.ch/index.php/s/FaZbcS0b9zDVwHx

[1] Cyrille Rigolot, ″Quantum Theory as a source of insights to close the gap in Mode 1 and Mode 2 Transdisciplinarity. Potentialities, pitfalls and a possible way forward”, Sustainability Science, Springer Verlag (Germany), 2019, pp.1-7. ⟨10.1007/s11625-019-00730-8⟩. ⟨hal-02290715⟩

[6] Alexander Wendt, ″Quantum Mind and Social Science″. Unifying Physical and Social Ontology″, Cambridge University Press, 2015.

[8] Steven R. Brown, ″A Primer on Q Methodology″, Operant subjectivity, 16 53/4), 91-138, April/July 1993.  https://www.researchgate.net/publication/244998835_A_Primer_on_Q_Methodology

[10] Grégoire Perra et Thomas C. Durand, ″Les secrets de l’Anthroposophie″, Vidéo et références jointes au texte, novembre 2018. https://menace-theoriste.fr/les-secrets-de-lanthroposophie/

[12] Claude Compagnone, Philippe Prévot, Laurence Simonneaux, Dominique Lévite, Maurice Meyer et Christophe Barbot, ″L’agronomie : une science normale interrogée par la biodynamie ? ″, Agronome, Environnement & Sociétés, Savoirs agronomiques pour l’action, 6(2), 107-112, décembre 2016. 

[15] Georges Fenech, ″Gare aux gourous. Santé, bien-être″, Ed. du ROCHER, Monaco, 2020.

[20] Jacques Bouveresse, ″Prodiges et vertiges de l’analogie. De l’abus des belles-lettres dans la pensée″, Ed. Raison d’agir, Paris, octobre 1999.

[21] Alan Sokal et Jean Bricmont, ″Impostures Intellectuelles″, Ed. Odile Jacob, janvier 1997.

[22] F. Vazeille, “Sciences et pseudosciences. Comment et pourquoi en sommes-nous arrivés là ? “, Bulletin Historique et Scientifique de l’Auvergne, novembre 2021.

Version pdf intégrale : https://cernbox.cern.ch/index.php/s/3O5uoxSt5NfzcaE

Initialement prévue en mai-juin 2021, l’édition est en novembre, mais le texte est inchangé.

[23] F. Vazeille, ″De l’épistémologie très personnelle de Didier Raoult à la bonne pratique de la science. Deuxième partie : la science et sa bonne pratique. ″, La menace théoriste. La tronche en biais, 2021. 

[26] CNRS LE JOURNAL, N°305, septembre 2021.

[28] Michel Maffesoli, ″Interview L’OBS par Sarah Diffalah″, 21 mars 2015.

[29] Gérald Bronner et Etienne Géhin, ″Le Danger sociologique., Paris, PUF, 2017.

[30] Sebastian Dieguez, ″Total Bullshit″, Paris, PUF, 2018.

[31] Acermendax, ″Trajectoire vers le complotisme du sociologue Laurent Mucchielli″, La menace théoriste. La tronche en biais, 2021. 

EDIT : L’article a été corrigé. Il n’indique plus que Monsieur Rigolot est sociologue, mais bien qu’il est agronome.

9 réponses
  1. hebus
    hebus dit :

    merci pour cet article.

    Je travaille à INRAE et j’attend de mon organisme de tutelle qu’il réagisse promptement et au minima recarde son agent.
    Cyrille Rigolot se sert de son halo de chercheur dans cet institut pour faire la promotion de la biodynamie sur un compte twitter dit « personnel » (qui fait tout de même reference à son compte twitter « pro » dans sa bio).

    Si je travail à INRAE ce n’est pas pour faire de la magie & cie.
    Je me suis engagée pour aider des chercheuses et chercheuses, qui établissent de nouvelles connaissances et participent à faire un meilleur monde pour les générations futurs.

    Et là je peux le dire: j’ai mal à mon institut.

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    • Patrice BORGOGNO
      Patrice BORGOGNO dit :

      Que pensez vous de la nouvelle étude de Lionel Ranjard, directeur de recherche à l’INRAE de Dijon, UMR Agroécologie. Les résultats préliminaire explosent 30 fois plus de liens et d’interactions des communautés microbiennes des sols en biodynamie (49000 liens) par rapport à bio (1700 liens) et conventionnel (1400 liens).

      « M. Ranjard n’a pas d’explication scientifique pour l’instant pour comprendre ces résultats. Il ne souhaite pas évoquer l’aspect énergétique (les forces cosmiques, calendrier lunaire…) de la Biodynamie. Il émet, cependant, des hypothèses concernant notamment l’influence des préparations Biodynamiques. J’attend la fin de l’étude en 2023… 🙂

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      • hebus
        hebus dit :

        oui, vous avez parfaitement raison: attendons la fin de l’étude (et sa publication dans une revue à comité de lecture 🙂 )

        Répondre
  2. Haplo
    Haplo dit :

    Quelqu’un se dévouerait pour calculer un ordre de grandeur de pognon public dépensé pour produire de telles foutaises ? (à la place d’une production de travail utile à la société)

    Et je ne parle même pas de l’image de l’institut, qui risque de passer pour une bande de guignols…
    Il faut faire quelque chose, ce n’est clairement pas la première fois qu’un chercheur d’un institut « renommé » se permet de partir en roue libre sans conséquence. Liberté de parole OK, mais on assume les conséquences de ce qu’on dit svp.

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  3. David
    David dit :

    En parcourant le texte original de François Vazeille, je me suis demandé comment ces intellectuels pouvaient écrire des conneries pareilles (bêtises, divagations, élucubrations…trouver un terme plus précis). J’ose croire qu’ils ne sont qu’une minorité d’égarés.

    Concernant Cyrille Rigolot étant donné qu’il a été recruté par un organisme à priori sérieux, j’ai pensé qu’il écrivait un article canulard à la Sokal. D’ailleurs François Vazeille y fait référence dans son analyse, et même…Cyrille Rigolot lui-même en ces termes :

    « Given this apparent prolificacy, it seems that reluctance to physics is not an unsurpassable barrier to explore the theory with some non-academic practitioners at least, but this obviously raises another issue. Against what they refer to as “pseudo-science”, skeptics call for a vigorous vigilance, stressing the risk of misinterpretation of quantum theory by non-specialists, or even its use to serve ideological preconceptions at the expense of intellectual rigour (Sokal and Bricmont 1998). »

    Le panneau indique « attention virage dangereux » et il appuie sur le champignon (mais c’est la vieille mécanique newtonienne qui suggère de ralentir alors bon…)

    Enfin je partage la désillusion de François Vazeille sur l’efficacité d’un « debunkage » de son exercice rhétorique visant à faire du rugby un sport quantique ou relativiste.

    « Bien entendu, un Physicien critique et vétilleux, comme l’auteur de ces lignes, va aussitôt contredire de telles affirmation en cherchant la petite faille dans ces raisonnements complexes et probablement absconds. Cependant, ces doutes soumis à la société, impressionnée par ces ′′démonstrations′′ si robustes, seront-ils bien perçus ? Rien n’est moins sûre, car ce serait si beau un Rugby à la fois quantique, relativiste et gödélien. En outre, peut être pourrais-je par la suite, aborder le Football en termes de Relativité générale? »

    Eh oui, dans un monde fini (je parle des dimensions de la Terre et des éléments vivants ou non qui la composent) et peut-être finissant (en tout cas à l’avenir angoissant pour beaucoup de personnes, dont je fait partie) il est plus confortable psychologiquement parlant d’imaginer qu’il existe un autre monde merveilleux soumis à des lois modulables selon notre humeur et avec pour résultat un bonheur constant. Et si en plus en empruntant des concepts à la science on peut avoir l’air d’un érudit auprès de ses amis (ou adeptes), c’est toujours bon à prendre pour l’égo (et parfois pour le portefeuille).

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    • François Vazeille
      François Vazeille dit :

      Je complète les messages précédents sur 2 points.
      Le premier concerne l’évaluation des établissements publics d’enseignement et de recherche. Celle-ci est réalisée par le comité dénommé Hcéres (Haut conseil de l’évaluation de la recherche et de l’enseignement supérieur), autorité administrative indépendante. Elle évalue, en particulier, les UMR (Unité Mixte de Recherche). Cela se traduit par une énorme charge de travail des unités examinées, se traduisant par un document au nombre de pages impressionnant et, bien entendu, la visite d’une commission composée de personnes « expertes » du domaine concerné. Cette commission donne ses conclusions, en soulignant les points forts et les points faibles, fait des propositions et reconduit l’unité si tout va bien. Le dernier rapport concernant l’UMR Territoires, rapport rendant compte de la campagne 2019-2020, est accessible à l’adresse ci-dessous.
      https://www.hceres.fr/sites/default/files/media/downloads/a2021-ev-0690193k-der-pur210019406-030819-rf.pdf
      Cette autorité est plutôt satisfaite et n’est pas indisposée par les travaux effectués.
      Le deuxième point a trait aux aspects « économiques » de la biodynamie. Nous savons que la mouvance anthroposophique est liée à des entreprises commerciales très importantes. Les aspects financiers sont également très présents dans la mouvance biodynamique : il suffit de constater le rôle joué par le label DEMETER qualifiant, par exemple, la production viticole, label mis en avant dans les grandes surfaces offrant des foires au vin en ce moment. Ces grandes surfaces évoquent un label d’excellence, qui est même appliqué à un vin aussi prestigieux que le Pommard ! La biodynamie fait vendre !

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  4. bonny jean-marie
    bonny jean-marie dit :

    Bonjour et merci pour cet article riche et alarmant.
    Moi-même chercheur à l’INRAE et vigneron, je constate l’emprise croissante de la biodynamie qui est présentée comme « le niveau au dessus du bio ». La certification est un piège car elle crédibilise la pratique alors que le consommateur souvent ignorant de ce qu’elle recouvre. D’ailleurs de nombreux vignerons très influents s’en font les prosélytes (G. Bertrand, N. Joly, M. Chapoutier …), dont certains ont le culot de reprendre « l’argument quantique ».
    Du point de vue de la communication, la chose est aisée. Le grand public préfère un discours poétique rattaché au (sur)naturel et truffé d’analogies faciles à comprendre, plutôt que le surplomb rabat-joie du scientifique qui réclame validation et rationalité.
    Malheureusement, revenir aux bases de la méthode scientifique apparait comme un combat d’arrière-garde puisque le praticien (qui a les pieds dans la terre et pas dans des laboratoires) « constate les effets ». Je suis donc effaré que mon institut soit le canal de telles dérives.
    Peut-être que quelques conférences à destination du grand-public pourraient être utiles. En tout cas, je souhaite ardemment être intronisé au groupe des scientifiques critiques et vétilleux.

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  5. Vazeille
    Vazeille dit :

    Merci pour vos commentaires. Il se trouve que mon oncle était vigneron. Il prenait grand soin de ses vignes … mais n’entrait pas en communication avec les ceps! Il aurait bien ri derrière sa moustache de vieux gaulois.

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  6. Vazeille
    Vazeille dit :

    Indépendamment de mon texte s’étonnant du silence de l’INRAE (et du CNRS et des Universités) concernant des propos qui rejettent les fondements de la Science au bénéfice d’une science extraordinaire confondant Objet et Sujet, faisant appel à l’irrationnel, aux sentiments, voire à la révélation, et se donnant une prétendue légitimité en associant la biodynamie et une sociologie quantique renforcée par ce qualificatif des sciences dures, Philippe Stoop publiait peu de temps après, sur European Scientist le texte : ″L’agrologie en action : Chercheurs militants et BorderLines selon l’INRAE″.
    https://www.europeanscientist.com/fr/opinion/lagrologie-en-action-chercheurs-militants-et-borderlines-selon-linrae/
    Il rendait compte d’un débat organisé par la mission Agrobiosciences de l’INRAE, où ″le rationaliste de service à l’AFIS″ était prié de garder pour lui ses arguments ″rationalistes″, tous les autres intervenants se renforçant mutuellement dans cette nouvelle science défendue par l’agronome de l’INRAE défendant la biodynamie.
    Lorsque Philippe Stoop découvrait mon texte, il écrivait que cette nouvelle ″est encore plus ébouriffante que la publication sur le caractère fasciste de l’evidence based medicine, que je citais dans mon article ! ″
    Nous constatons que l’interprétation de la science que donne ″mon agronome″ est partagée par un grand nombre d’autre chercheurs de l’INRAE … et qu’il convient d’être du ″bon côté″ si l’on ne veut pas être moqué.
    Nous sommes en droit de nous poser des questions sur la qualité de cette science produite par ces chercheurs. Nous sommes, aussi, en droit de nous inquiéter sur l’image de la science que donnent ces chercheurs auprès du grand public.
    Je m’attendais à des réactions de leur part après la diffusion de mon article, en particulier de l’agronome qui relève, comme moi, d’une unité de recherche de la même Université. Ce ne fut pas le cas. J’attends encore…

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