La zététique consiste à questionner les raisons pour lesquelles nous pensons que quelque chose est vrai.

La physiopathie™ est une pseudo-médecine dérivée de la naturopathie, mais aussi une « marque déposée » le 14 mars 2016 à l’INPI par son co-inventeur le « philosophe, hypnologue et enseignant » (sur Internet) Loïc Chaigneau, 24 ans.

 

 

Marque déposée à l’INPI (dossier 4254814)

NB : le dépot INPI indique phytiopaPhie et pas phytiopaThie, mais le même individu parle bien de physiopaThie sur ses réseaux. Nous ne prétendons pas comprendre ce mystère.

Le dépôt de marque est une pratique que l’on retrouve notamment chez ceux qui cherchent à tirer profit de l’invention d’un concept qu’ils prétendent scientifique. Par exemple, la synergologie™. Personne n’a jamais déposé la marque « chirurgie » ou « oncologie » ou encore « gynécologie », « gériatrie », « pédiatrie », « endocrinologie », etc.

L’ensemble de ce qu’il est possible de savoir sur la physiopathie™ se résume aux écrits de son co-inventeur, et en particulier à son site internet.

Le co-inventeur de la physiopathie™ annonce sur son profil posséder un diplôme de naturopathe. Précisons que la naturopathie est une pseudo-médecine sans aucune formation reconnue par aucune institution et sans aucune validité scientifique et médicale. Sa pratique n’est validée par aucun protocole, il est donc formellement impossible de distinguer une bonne pratique d’une mauvaise. Le diplôme en question n’a, évidemment, aucune valeur.

La formation non scientifique du co-inventeur de la physiopathie™

Le pedigree de l’inventeur est loin des canons de la science. Fervent pratiquant de la Programmation Neuro Linguistique (PNL), il ignore ou feint d’ignorer qu’il s’agit d’une pseudo-science. Pour en savoir plus sur la PNL :

« Comme tous « les marchands de certitude », les praticiens de la PNL n’hésiteront pas à interpréter le moindre de nos comportements – de la même façon que les « gestuologues » – et à leur donner une signification psychologique, obligatoirement univoque. » (Christian Balicco)

Rappel sur la naturopathie

Par opposition à la médecine, la naturopathie ne fonde pas la grande majorité de ses pratiques sur l’expérimentation scientifique. La branche de la naturopathie que constitue la physiopathie™ s’inscrit dans ce cadre : elle n’a fait l’objet d’aucune publication scientifique, ni d’aucune publication tout court à notre connaissance.

Sur la naturopathie, elle-même une thérapie alternative manquant cruellement de bases scientifiques, voir cette source du Cercle zététique du Languedoc, où l’on apprend sur la naturopathie :

« Le véritable fondateur est Pierre Valentin Marchesseau (1911-1994). Ses sources : Hippocrate « théorie des 4 humeurs », Jésus Christ (Évangile apocryphe dit « de la paix ») et la tradition de soins naturels qu’utilisait le Christ pour rétablir la santé. Sa philosophie, le vitalisme, rassemble les 10 « agents naturels de santé ou techniques fondamentales », allant de l’hygiène nutritionnelle aux techniques vibratoires (couleurs, musique…) qui vont constituer la base de la pratique en naturopathie, le tout basé sur la théorie dite des « humeurs hippocratiques ». »

Que prétend faire la physiopathie™ ?

Le site, où le ‘physiopathe’ présente son travail et ses théories, annonce des concepts comme « thérapie psychique curative » ou « naturopathie évolutive », il est également question de biokinésie. Ces termes ne reçoivent jamais de définition se référant aux connaissances communes ni à aucune littérature scientifique.

La pratique de la physiopathie™ s’étend à la croyance dans la guérison par un « fluide magnétique » des mains du soignant, croyance qu’aucune analyse méthodique n’est jamais venu étayer et dont il convient de douter jusqu’à preuve du contraire. Parmi les techniques mises en avant sur le site :

« La Magnétologie : n’est autre que le recours à l’apposition des mains afin de traiter divers troubles physique ou psychique. Divers études, notamment sur les enfants prématurés, ont montré les bienfaits de cette technique. » (source)

Le physiopathe vend des « séances guidées » en clair des fichiers mp3 dont le contenu est censé vous aider à :

  • Vous débarrasser de vos acouphènes (37€)
  • Renforcer votre confiance en soi (29€)
  • Lutter contre l’insomnie (37€)
  • Perdre du poids (37€)

    Des fichiers mp3 à vendre pour vous soigner

Il vend 17,50 € un fichier pdf de « projet de naissance » indiquant aux parents un certain nombre de choses pour faire respecter leurs choix… On peut légitimement craindre qu’il s’agisse d’encouragements envers les parents qui désirent soustraire leurs enfants aux soins de la médecine scientifique. Espérons qu’il n’en est rien.

Le site annonce des « programmes en ligne » à partir de 99€ mais sans qu’il soit possible de trouver plus d’informations. Les consultations elles, démarrent à 65€. Toutes les captures d’écran faites sur le site datent du 26 septembre 2017.

Une pseudo-médecine caractérisée

Les pseudo-médecines communiquent généralement sur un mode testimonial en accumulant les anecdotes de clients satisfaits en lieu et place de publications scientifiques attestant de la réalité des résultats allégués. Avec l’inventeur de la physiopathie™, et en plus de la présence d’un livre d’or dont le but est évident, on franchit un cap, car avec lui l’anecdote personnelle du vendeur de thérapie tient carrément lieu de curriculum vitae

L’anecdote personnelle du ‘physiopathe’ en lieu et place de CV

Le co-inventeur, décidément peu avare de sa science, trouve le temps de mettre en ligne 160 vidéos sur Youtube. Il a l’occasion de donner des conseils sur la franc-maçonnerie, les surdoués, la politique, les philosophes, ou sur « Comment sauver son couple » (source).

Mais surtout, il vend (encore) des stages et des formations sur d’autres sujets qu’il prétend maîtriser (les tarifs ne sont pas toujours indiqués) :

  • Hypnose (& PNL)
  • Cri primal
  • Grossesse, accouchement, allaitement.
  • Phi-analyse
  • « Une autre conception microbiologique humaniste » (quoi que cela puisse vouloir dire)
  • « Nouvelle approche de la douance »

Il faut nécessairement être en présence d’un génie très impressionnant ou d’un fabuleux prétentieux.

Prudence

Dans de tels cas, on doit toujours se demander ce qui pourrait accroître l’emprise mentale du ‘soignant’ sur son patient. Ici on trouve un « contrat d’engagement et d’accord » dans lequel figurent 10 articles (comme les 10 principes de la naturopathie) et que vous pouvez télécharger sur ce lien.

L’article 8 précise que le praticien n’est qu’un accompagnateur, cela signifie qu’il décline toute responsabilité quant aux conséquences des choix de ceux qui choisiront cette ‘médecine’.

L’article 10 annonce que toutes les séances sont enregistrées, ce qui permet d’imaginer la pression que représente sur le patient l’existence d’archives de séances dirigées par un praticien manifestement en dehors de toute règle déontologique, et l’escalade d’engagement que cette pression peut produire.

Le danger des pseudo-médecines

On le voit, la physiopathie™ emprunte aux recettes qui font le succès des thérapies alternatives dont le principal pouvoir est d’impressionner par un vocabulaire hermétique pseudo-savant, et par des concepts creux qui maximisent la validation subjective des patients, c’est-à-dire leur croyance en dépit de l’absence de preuve.

Il faut évidemment fuir de telles pratiques qui ont vocation à gagner de l’emprise sur les patients en les éloignant des parcours de soin classiques de la médecine fondée sur les preuves. Le « contrat d’engagement et d’accord » que doit signer le client indique que le ‘travail’ de soin peut prendre 3 ans.

On notera la présence d’un « avertissement » sur le site, qui cherche à dédouaner toute responsabilité de la part du physiopathe au cas où des gens se mettraient à croire ses allégations.

Il a été démontré récemment que les médecines alternatives amputaient les malades d’années de vie, c’est un prix trop élevé pour le réconfort qu’apporte un langage bricolé d’un peu de pseudo-science et de spiritualité au rabais.

Au vu de ce qui a été présenté ci-avant, j’affirme donc que la physiopathie™ est une pseudo-médecine dont les allégations de soin sont totalement frauduleuses et de nature à tromper les patients sur la qualité du service qui leur est vendu. Cette mention demeurera jusqu’à preuve de l’efficacité spécifique de tout ou partie des soins prodigués par ce théoricien de la vente de produits à prétention thérapeutique qu’est le co-inventeur de la physiopathie™.

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NB : Le jour même de la parution de cet article, le site www.physiopathe.com fermait ses portes… Mais deux jours plus tard il était ouvert à nouveau…

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Suivez ce lien pour lire le droit de réponse de Loïc Chaigneau

Suivez ce lien pour lire ma réponse à ce droit de réponse.
Acermendax.

Les théories conspirationnistes ne sont crues que par une minorité de personnes car elles ne reposent pas sur des démonstrations qui permettraient de convaincre la majorité. Si l’interprétation extraterrestre de Roswell ou l’inside job du 11 septembre avaient pour eux des preuves suffisantes, la majorité des gens seraient convaincus, et le monde serait différent. De ce constat simple découle une question sur laquelle des chercheurs se penchent : pourquoi certaines personnes croient-elles ces propositions ?

 

Chercher des explications psychologiques à ces remports d’adhésion ne signifie pas qu’on veut transformer les gens en cas cliniques, en faire des malades qu’il faudrait traiter. Mais nous avons collectivement et individuellement tout à gagner à une meilleure compréhension de ce qui conduit certains d’entre nous à croire à l’existence d’une guerre intergalactique, aux meurtres de « médecins » holistiques par Big Pharma, ou aux mensonges de la NASA concernant notre Terre Plate… Car mieux comprendre comment des gens globalement normaux adhèrent à des idées fausses, voir délirantes, est le meilleur moyen de nous poser la question de la valeur de nos propres représentations. Puisque personne n’est à l’abri de croire des choses fausses, décrire les mécanismes par lesquels la croyance fausse se construit et s’entretient offre une grille de lecture sur nos cas particuliers.

Les recherches pointent déjà quelques facteurs pour la croyance dans les théories du complot. Pour en citer quelques-uns :

  1. L’agenticité est notre tendance à inférer que des événements sans cause identifiée sont le résultat de la volonté de quelqu’un, quelque chose, une entité agissante : un agent. En fonction du phénomène en manque d’explication, cet agent peut être Dieu, le gouvernement, les banques, Big Pharma, les Atlantes, les fantômes, etc. Nous n’avons pas tous le même degré d’agenticité dans notre lecture du monde
  2. Le besoin de contrôle est souvent important dans nos vies. Nous sommes très impactés dans notre moral chaque fois que nous avons le sentiment de n’avoir aucun choix, aucune liberté d’action. Il y a tout à craindre de l’avenir quand nous ne pouvons que subir. Certaines propositions cognitives peuvent nous apporter une illusion de contrôle qui peut leurrer ce besoin. C’est ce qui explique l’immense succès de la voyance, la facilité avec laquelle nous pouvons croire prédire les événements, et donc contrôler ce qui nous arrive. Les théories du complot apportent souvent des réponses de ce type. Celui qui croit dans le complot illuminati imagine qu’il connait des rouages secrets, et qu’il a donc un coup d’avance sur ce qu’il devrait normalement savoir. Ce sentiment d’en savoir plus nous dote d’un petit supplément de pouvoir sur ce qui nous arrive. Les périodes de crise sont donc particulièrement propice au succès de ces « théories ».

On pourrait également citer La méfiance (en particulier envers les sources d’information officielle), ainsi que la pensée intuitive (et l’établissement de liens de causalité entre des événements).

Un autre facteur, déjà décrit depuis quelques temps, vient de recevoir deux belles confirmations avec deux études, l’une dans le European Journal of Psychology, la seconde dans Social Psychology. Les théories du complot répondraient au besoin des individus de se sentir unique, de se distinguer de la foule. Cela explique notamment pourquoi certains auront tendance à croire dans toutes les théories du complot ; leur contenu important moins que leur nature secrète, minoritaire et anticonformiste. Cette disposition individuelle est nommée mentalité conspirationniste (Cf notre émission sur le sujet ci-dessous). Les études récentes montrent que les personnes avec une mentalité conspirationnistes adhèrent davantage à une théorie du complot quand elles pensent que cette théorie est très très peu connue.

 

3. Le besoin d’unicité est couplé à notre estime de nous-mêmes. Être celui qui voit plus loin, qui déchiffre les plans secrets des puissants, voilà qui est séduisant. Et cela nous rappelle l’aplomb avec lequel les prosélytes conspirationnistes appellent les autres à se réveiller, pauvres moutons qu’ils sont. Celui qui adopte une telle position, non seulement éprouve un plus grand sentiment de contrôle sur les événements, mais ressent aussi qu’il est spécial. On retrouve cette idée d’être spécial, différents, de se trouver à un stade plus avancé que les autres dans la pratique de l’ésotérisme et de l’étude du paranormal.

Ironiquement, l’une des choses qui rendent attractives certaines idées, et en particulier les théories du complot, c’est précisément qu’elles soient rejetées par la majorité.

Il n’y a rien de pathologique dans un tel comportement. Être meilleur, savoir plus, comprendre mieux sont des motivations universelles, et elles conduisent à l’excellence, à la découverte, au dépassement, au progrès. Mais à côté de la véritable excellence, exceptionnelle, on trouve une plus ordinaire soif d’excellence qui peut devenir une illusion. L’envie d’être différent des autres peut devenir la conviction d’être meilleur et que le rejet de mes idées fausses s’explique par la médiocrité de ceux qui me critiquent. Une telle disposition est malheureusement très vite alimentée par des biais comme l’auto-complaisance ou les biais de confirmation.

 

Specialis ergo credo

Je suis spécial, donc je crois

 

Que faire de ces résultats ?

Gardons-nous de croire que les facteurs ici présentés suffisent à tout expliquer. Ils ont des effets significatifs dans le cadre d’expériences de psychologie sociale, ils sont cohérents avec ce que l’on sait du fonctionnement de l’esprit humain, ils sont donc à prendre en compte, mais il sera toujours faux de réduire à ces quelques dimensions le fonctionnement mental de ceux qui croient des propositions irrationnelles ou déraisonnables.

Il semble plus important d’utiliser cette connaissance pour le bien de notre propre hygiène mentale. Parmi les choses que je tiens pour vraies, y en a-t-il envers lesquelles je suis enclin à une adhésion qui serait due à l’agenticité, au besoin de contrôle, à la méfiance, à mon intuition ou à mon désir d’être unique ? Si tel est le cas, me suis-je montré suffisamment prudent, ou devrais-je suspendre légèrement mon jugement ?

 

 

Les organismes dotés d’un cerveau utilisent cet organe fort intéressant pour coordonner les mouvements de leur corps dans l’espace (et dans le temps) et pour développer des stratégies de survie et de reproduction (Cf cet article).

Les cerveaux les plus complexes permettent de produire des comportements hautement élaborés de collaboration qui nécessitent d’être capable de comprendre les intentions de l’autre afin d’anticiper les dangers et les actions les plus optimales. Homo sapiens est pourvu d’un fort bel organe du genre, le plus complexe qu’on connaisse, du propre aveu de la plupart des propriétaires du modèle « cerveau humain ». Avec cet organe, il peut communiquer via un langage articulé, il a accès à une galaxie de symboles très riche, et il excelle à interpréter les intentions et toutes formes d’actions dans son environnement qui relèvent d’un projet, d’une volonté, c’est-à-dire les résultats de la présence d’un « agent ».

Le cerveau humain est un champion de la détection d’agent, ce que Le psychologue Justin Barret a nommé le détecteur d’agentivité hyperactif. La plupart des animaux sont également très forts en ce domaine. Toujours à l’affût, ils décampent au moindre bruit, réagissent à la première odeur. Que ce soit dans le but de repérer un prédateur, une proie ou un partenaire, la règle darwinienne est stricte : il vaut mieux se tromper en croyant détecter ce qui n’est pas là que de se tromper en ne détectant pas (ou trop tard) ce qui était vraiment-là.

« La détection d’agent est la tendance des animaux et des humains à présumer l’intervention réfléchie d’un agent conscient ou intelligent dans des situations qui peuvent ou non en impliquer.» (Wikipédia)

Pour l’humain, le principal danger, mais aussi la principale ressource, ce sont les autres humains. Ce qui doit être détecté avant tout, et ne jamais rester inconnu, c’est la présence d’une intention humaine derrière les bruits, les mouvements, les objets. Ceux qui ont perdu à ce jeu n’ont pas laissé de descendant, les autres sont nos ancêtres ; ils nous ont légué leurs gènes. Et comme eux, nous voyons de l’humain partout, par défaut (même dans les nuages, avouez sans crainte vous n’êtes pas seul !).

Le cerveau « croit ».

En conséquence, les animaux, et les humains en particulier, sont tous un peu trop paranoïaques. Ils donnent du sens à des choses qui n’en ont pas, voient des connexions dans la course aléatoire des événements (une disposition qu’on appelle apophénie), sous-estiment la puissance organisatrice du hasard (Cf la vidéo de Micmaths), et parfois leur étonnement se cristallise autour de croyances superstitieuses qui peuvent se renforcer par la seule action du hasard et des biais de confirmation.

Et voilà pourquoi la synchronicité est un concept intéressant. Elle décrit l’expérience du sujet qui trace des connexions entre des éléments perçus dans l’environnement sans qu’il y ait entre eux de réels liens de causalité, même indirecte. Et l’on peut utiliser le concept pour décrire ce qui est éprouvé et gloser, parfois de manière fort intéressante, sur ce que cela dit de l’individu, sur les réflexions que cela lui inspire, le sens qu’il désire donner à ce vécu. Il peut y trouver une forme d’épanouissement ou à tout le moins un sens narratif qui tire sa valeur de son existence même. Cet aspect que l’on peut qualifier de mondain est parfaitement justifiable.

« La synchronicité est l’occurrence simultanée d’au moins deux événements qui ne présentent pas de lien de causalité, mais dont l’association prend un sens pour la personne qui les perçoit. » (Wikipédia)

Mais la synchronicité devient une notion contestable quand on l’emploie dans le but d’apporter une explication dans un domaine qui empiète sur le terrain empiriste des faits vérifiables et des hypothèses réfutables, en un mot, celui de la science.

Qu’est-ce que l’a-causalité ?

La synchronicité nous renseignerait sur des liens indéfinis existant entre des événements dont on peut par ailleurs établir qu’ils ne partagent aucune causalité commune. C’est Jung qui le dit :

« Une synchronicité apparaît lorsque notre psychisme se focalise sur une image archétypale dans l’univers extérieur, lequel comme un miroir nous renvoie une sorte de reflet de nos soucis sous la forme d’un événement marqué de symboles afin que nous puissions les utiliser. Nous nous trouvons face à un ‘hasard’ signifiant et créateur. ».

Il n’y a pas de relation causale entre les éléments que l’individu va interpréter comme étant reliés. Pour expliquer le sentiment qu’un lien existe… en l’absence de lien, on invoque une relation d’a-causalité qui semble bien n’être rien d’autre qu’une définition performative ; le simple fait de mettre un mot sur ces relations les rendrait réelles. L’écrasante force de l’a-causalité repose dans le soin que prennent les théoriciens à expliquer pourquoi on ne peut la tester. Elle serait trop particulière, trop subjective, impossible à répliquer, inadaptée au travail des scientifiques. Devenue irréfutable, elle cesse d’être une hypothèse scientifiquement valide et se transforme en un appel à l’ignorance.

Appel à l’ignorance : Je pense que X se produit. J’estime que X est le résultat de mon hypothèse Hx. Et comme vous ne savez pas expliquer X dans votre paradigme, alors Hx est valide.

Or, pour prétendre savoir quoi que ce soit, il faudrait d’abord s’assurer de l’existence de X (cf la dent d’or de Fontenelle), et établir une manière de s’assurer que Hx n’est pas erronée. S’il n’existe pas de moyen de vérifier si Hx est erronée, alors l’hypothèse n’est même pas fausse, elle est inopérante, inopérable et sans espoir.

Qu’est-ce qui a de la « signification » ?

Pour en appeler à la synchronicité, il faut avoir perçu une « coïncidence signifiante ». Mais on se demande ce que serait une coïncidence non-signifiante, probablement une coïncidence qui n’offre pas à l’imagination un support suffisant pour élaborer un scénario. Dès lors, le raisonnement est circulaire. Quand une coïncidence m’inspire un lien qui éveille mon intérêt, alors ce lien a du sens, et donc la coïncidence est signifiante, la preuve : elle a éveillé mon intérêt. Ce faisant, nous oublions toutes les fois où des coïncidences se sont produites sans éveiller notre curiosité et sans s’inscrire dans notre mémoire. C’est le biais du survivant.

Plus fort encore, on évoque la synchronicité et son vernis académique pour en faire la source de phénomènes qu’on croit ainsi avoir expliqués : télépathie, prémonitions, divination. Dans le domaine du paranormal on aura donc tôt fait de nous parler de synchronicité pour justifier de croire en la réalité de divers phénomènes, comme par exemple la psychogénéalogie et son cortège de faux souvenirs induits. La pseudo-démonstration consistera alors à égrener une liste de coïncidences, à s’en étonner et à leur attribuer une signification qui dépasse le fonctionnement établi du monde physico-chimique.

L’astuce est la suivante : la synchronicité repérée n’est pas explicable par la science, donc elle doit être expliquée par une hypothèse qui dépasse le cadre scientifique. (Naturellement, la faille est immédiate : il n’est pas établi qu’il y ait quoi que ce soit à expliquer, nous l’avons déjà signalé). L’étonnement initial relève de l’hyperactivité de notre détection d’agentivité ; c’est en tout cas une hypothèse qu’il faudrait toujours prendre la peine de réfuter, ce qui ne semble pas être la priorité de ceux qui désirent démontrer l’existence de phénomènes inexplicables.

« Dans tous les cas, ces synchronicités font sens, à nous de ressentir lequel. » (nous dit le blog « Histoire d’Intuition« )

Les coïncidences.

Des événements improbables se produisent tous les jours. Vous avez peu de chance de mourir en avalant de travers une cerise. Mais de temps en temps cela se produit. Pour la personne a qui cela arrive, l’événement est dramatique, il a une importance énorme. Pour les autres c’est un fait divers. Si vous jouez votre date de naissance et gagnez le gros lot au loto, vous pourrez être tenté de penser que vous étiez destiné à gagner cet argent, qu’une volonté cosmique s’exprime à travers cet événement. Le même jour quatre cent mille personnes ont joué leur date de naissance et ont perdu ; elles n’en ont pas conclu qu’une volonté cosmique les avait destiné à ne pas gagner le gros lot. Il y a donc dans cette lecture subjective et intuitive un biais très profond, celui de la négligence de la taille de l’échantillon. L’adepte de la synchronicité se croit seul au monde, il y a d’ailleurs des liens entre cette pensée et le solipsisme (le monde est dans l’esprit qui l’observe).

« Richard Feynman cite un moment où il eut un pressentiment que sa grand-mère venait de mourir. À ce moment, le téléphone sonne, et c’était un appel de ses parents. Il s’enquiert immédiatement de la santé de sa grand-mère : il se trouve que celle-ci se portait très bien. Or qui pense à compter le nombre de coïncidences non réalisées ? » (source)

Les coïncidences constituent le substrat de la synchronicité. Or les coïncidences n’existent qu’au sein d’un témoignage, d’une subjectivité, et l’on sait à quel point le témoignage est épistémiquement fragile. La synchronicité fait penser à une auberge espagnole. On y amène le sens qu’on veut y trouver et les conclusions qui nous arrangeraient bien, et c’est toujours –miracle!– exactement ce qu’on en retire.

Un terrain psychologique ?

La croyance dans la signification de la conjonction d’événements sans lien fait partie du tableau clinique de la paranoïa. Dans l’exercice de la zététique sur les réseaux sociaux, on rencontre des individus qui manifestent une propension à sur-interpréter les actes et les paroles, à suspecter complots et conflits d’intérêts, à attribuer des intentions (hostiles) à leurs contradicteurs, voire qui prétendent connaître les vrais motivations d’autrui. Les commentateurs qui évoquent la synchronicité comme une thèse sérieuse émargent souvent à plusieurs des caractères ci-avant. Cela n’est pas si étonnant.

« Les idées de référence sont un symptôme observé au cours de certaines affections psychiatriques correspondant à la croyance selon laquelle certains éléments de l’environnement possèderaient une signification personnelle et inhabituelle.

À un degré supplémentaire, les idées de référence peuvent constituer des idées délirantes qui sont observées au cours des psychoses, par exemple la schizophrénie. » (Wikipédia)

On trouve de quoi mieux comprendre le lien entre synchronicité et délire d’interprétation sur le site de Philippe Guillemant. Ingénieur au CNRS, Ph Guillemant mène une carrière sans aucun rapport avec ses travaux sur la synchronicité. Sur les plateaux des médias, néanmoins, son appartenance au CNRS est toujours mentionnée, répétée, appuyée pour établir qu’il s’agit de quelqu’un de sérieux. Cet abus récurrent de l’effet de halo, voire d’argument d’autorité, donne à croire que le CNRS est le cadre des travaux qu’il mène sur la synchronicité. Il n’en est rien. Mais le plus intéressant est la manière dont il présente sa « théorie de la double causalité ». Ci-dessous un extrait de son site.

La mise en pratique de la Théorie de la Double Causalité est loin d’être évidente, si l’on se réfère aux prérequis suivants que je propose en page 188 de mon livre pour provoquer des synchronicités « parlantes »:

  1. avoir un besoin d’aide authentique,
  2. faire une demande liée à une réelle préoccupation au moment de la demande,
  3. prendre le risque de  » se mouiller  » par un comportement risqué, non raisonnable et surtout pas raisonné,
  4. demander quelque chose dont la réalisation aura une réelle incidence sur son chemin de vie (nouvelles intentions)
  5. conserver son libre arbitre : surtout ne pas demander à l' »Ange » de choisir à sa place,
  6. atteindre un niveau suffisant de détachement et de lâcher prise,
  7. voir naître en soi un authentique sourire intérieur,
  8. sortir des habitudes et sentiers battus au moment de la demande (ou s’appréter à le faire),
  9. Se positionner dans le don de soi et ressentir l’amour qui l’accompagne.

J’ai rajouté ici le 9ème prérequis qui n’est développé qu’à la fin du livre.

Je précise enfin un 10ème point essentiel que j’ai omis de rajouter, tellement il est évident puisque c’est le principe même de la TDC:

10. Ressentir ce que l’on attend comme déjà réalisé.

On constate que la disposition idéale requise pour éprouver une synchronicité est aussi celle d’une grande vulnérabilité à la suggestion, aux apophénies et aux erreurs d’interprétation alimentées par le biais de confirmation (explicite dans le point numéro 10). Certains auteurs ajoutent que la synchronicité se manifeste davantage lors des changements importants dans la vie, ce qui accroît la vulnérabilité mentale.

La clef du mystère ?

La synchronicité est un concept invoqué pour réifier un phénomène qui est très certainement avant toute chose la marque de notre détecteur d’agentivité hyperactif. Le soupçon qui accompagne tous les événements dont il est possible de se dire qu’ils ont un sens caché, une connexion mystérieuse avec autre chose, et en particulier des événements de notre vie personnelle, intime s’hypertrophie, devient le prisme par lequel tout raisonnement est opéré. Parce que nous avons tous une vie intérieure faite de liens affectifs, irrationnels, inexplicables, nous faisons tous l’expérience du sentiment que certains détails ont un sens profond. Gardons précieusement ces sentiments contre le hold-up que rêvent d’en faire certaines théories incapables de se défendre sur le terrain de la raison, des faits et de la méthode.

Naturellement, il reste bien des choses à découvrir sur la nature. Le monde est infiniment complexe, et nous devons observer une stricte humilité épistémique, nous garder de croire avoir tout compris. Mais accepter d’avoir encore beaucoup à apprendre n’équivaut pas à devoir accepter les premières explications séduisantes qui croisent notre chemin. Avoir beaucoup a apprendre signifie qu’en chemin vers la connaissance, nous risquons de tomber souvent sur des idées fausses. Des idées qui restent fausses même quand elles sont sincères et réconfortantes.

La synchronicité n’est probablement pas la réponse que vous recherchez.

Jusqu’à preuve du contraire.

Quelques travaux

« Les faits ne pénètrent pas dans le monde où vivent nos croyances, ils n’ont pas fait naître celles-ci, ils ne les détruisent pas ; ils peuvent leur infliger les plus constants démentis sans les affaiblir, et une avalanche de malheurs ou de maladies se succédant sans interruption dans une famille, ne la fera pas douter de la bonté de son Dieu ou du talent de son médecin. »

Marcel Proust (Du côté de chez Swann)

 

Vue plus d’un million de fois, partagée des dizaines de milliers de fois sur les réseaux sociaux, et défendue par d’innombrables internautes, vous avez peut-être croisé la vidéo d’une maman antivax, Mahève Guibert, qui accuse beaucoup de monde de la prendre pour une idiote ou pour une folle. Ce qu’elle raconte va totalement dans le sens des inquiétudes de nombreux parents, des inquiétudes qu’on peut comprendre, il est parfaitement normal d’être rétif à l’idée d’injecter un produit pharmaceutique dans le corps d’un enfant qui n’est même pas malade. Mais la santé publique, des enfants comme des adultes est une question sérieuse, alors il faut se documenter correctement, quel que soit votre avis initial. Il est préférable de savoir pour quelles raisons on souhaite rejeter les conseils des médecins afin de pouvoir examiner ces raisons.

C’est ce que nous allons faire avec les raisons invoquées dans cette vidéo devenue virale et que vous pourrez trouver sous sa version Youtube derrière ce lien.

Bien entendu, il ne s’agit pas d’un pugilat ou d’une croisade, et madame Guibert, si elle le souhaite, est invitée à nous répondre, à fournir les sources de ses allégations afin que nous puissions admettre la justesse de ses propos et retirer nos propres critiques.  Nous ne réalisons cette réponse critique que parce que cette vidéo véhicule à grande échelle des informations dont on peut montrer facilement, avec un peu de vérification, qu’elles sont fausses.

Le script de ce Tronche de Fake a été préparé en collaboration avec Pauline de la chaîne Un peu pointu et avec les conseils avisés de Jidé (de Asclépios) et de Ronan (donc une immunologue, un médecin et un vaccinologue), et il a été relu et corrigé par d’autres personnes, notamment Louise Cluny et Julie Boulier du Blog Rougeole Epidémiologie qui s’est attardée sur le passage TV de Mahève Guibert, la maman antivax.

 

Allons-y.

 

1.    « Je savais que la vaccination comportait des risques et je voulais attendre ses deux ans avant de le faire vacciner car je considérais qu’il était important qu’il fasse ses premières défenses immunitaires tout seul »

On entend une forme d’appel à la nature. Les défenses que l’enfant se fabrique tout seul, sans aide extérieure, seraient préférables à celles produites par la vaccination. On ignore pourquoi, et je suppose que la maman ne saurait pas le justifier, d’autant que c’est complètement faux.

C’est surtout une mauvaise idée de ne pas aider le système immunitaire d’un enfant dès que possible car  il n’est pas prêt à se défendre contre la plupart des pathogènes. Les anticorps de la mère le protègent contre certaines maladies, mais pas toutes, et seulement pendant un certains temps. C’est pourquoi il est au contraire important de le vacciner tôt pour éviter qu’il ne meure d’une maladie évitable.

Au 18è siècle un enfant sur deux n’arrivait pas à l’âge adulte, et les maladies évitables par vaccination étaient une cause importante de cette mortalité infantile.

2.    « Quand ils se sont rendus compte que mon fils à la crèche n’était pas vacciné, le médecin m’a demandé de me mettre à jour rapidement »

Heureusement. C’est le rôle de ces établissements d’assurer la sécurité de tous les enfants. un enfant non vacciné a des risques accrus de contracter une maladie grave et contagieuse, et de la transmettre aux autres enfants, d’abord aux bébés qui ne peuvent être vaccinés contre tout, et puis ceux qui n’auront pas pu recevoir le vaccin pour des raisons médicales.

On a donc tous intérêt à ce que les crèches aient ce genre d’exigence.

3.    « Je ne voulais faire que les vaccinations obligatoires alors j’ai demandé à mon médecin Traitant. » Le DTP n’était pas disponible, j’ai été obligée de faire vacciner avec un hexavalent.

En France, on a cette particularité d’avoir des vaccinations obligatoires pour être admis en crèche ou à l’école (Diphtérie/Tétanos/Polio) et des vaccinations recommandées.

La raison est historique : ces maladies étaient des fléaux qu’il fallait éradiquer et pour cela, il fallait vacciner la majorité de la population. L’obligation était à l’époque le meilleur moyen.

Mais depuis, les pouvoirs excécutifs/législatifs ont pensé qu’il n’était plus nécessaire de rendre un vaccin obligatoire pour que les gens l’utilisent.  En toute logique, quand on vous propose un moyen de protéger vos enfants contre tout un tas de maladies potentiellement mortelles, et que ce traitement vous est remboursé, on s’attend à ce que les gens soient bien contents de l’accepter. (Autre raison possible à cette décision : en cas de problème d’acheminement et de livraison des vaccins, l’Etat n’est plus légalement responsable, si la vaccination n’est plus obligatoire.)

 

Seulement voilà, de nos jours la méfiance règne. Pour des tas de raisons, certaines bonnes, d’autres mauvaises, une partie de la population n’a plus confiance dans les discours officiels et, par ricochet, dans l’efficacité de la science. Résultat : on se méfie d’un médicament obligatoire. Plus fourbe encore, on veut bien du médicament obligatoire mais on refuse absolument le médicament qui n’est « que » recommandé.

Et le problème est inextricable parce que nous avons peu de choix.

  • Ou bien on maintient l’obligation actuelle, et on alimente la suspicion.
  • Ou bien on rend obligatoires les vaccins qui n’étaient que recommandés… et on alimente la suspicion.
  • Ou bien on lève l’obligation… et certains diront que c’est la preuve qu’ils avaient raison de refuser ces vaccins. Et donc on alimente la suspicion.

Le mois dernier l’Italie a rendu obligatoire 12 vaccinations qui étaient jusqu’ici seulement conseillées. Insistons sur un point qui n’est pas un détail : aujourd’hui les vaccins « recommandés » sont aussi efficaces et importants que les vaccins obligatoires !

 

4.    « Je ne voulais pas faire ces autres vaccins car ils causent des allergies engageant le pronostic vital »

C’est clairement FAUX.

Le vaccin hexavalent n’a pas plus d’effets secondaires que le DTP. Avantage : il permet de ne faire qu’une seule piqûre et de protéger contre 6 maladies. Donc moins de piqûres, moins de RDV chez le pédiatre, moins d’adjuvants (au cas où vous auriez peur des adjuvants, on va en reparler). Bref, c’est tout bénef.

Le risque zéro n’existe pas, que ce soit en prenant un train, un bain ou une bière. Mais le risque d’allergie face à un vaccin est très très faible. Si faible que ça n’aurait aucun sens de vouloir en protéger son enfant en l’exposant en même temps à 6 maladies très graves.

 Lien entre le vaccin contre l’hépatite B et la sclérose en plaque ?

Beaucoup d’études ont été menées sur le sujet. Elle établissent le consensus scientifique suivant : aucun lien entre vaccination et sclérose en plaque n’a pu être démontré. La manière dont s’expriment les scientifiques peut induire en erreur ; on dit qu’on échoue à montrer un lien parce que la démarche ne permet jamais de conclure à l’absence de lien, mais en fait ça revient au même. Pour la science, il n’y a pas de lien entre vaccination et sclérose en plaque.

Dire le contraire, je suis navré de le préciser, c’est mentir. C’est désinformer. Et on se demande au nom de quoi on justifierait ce genre de mensonge.

Pourquoi a-t-on suspecté ce lien ?

La sclérose en plaques se déclare en général à l’adolescence. Or le vaccin contre l’hépatite B était reçu… à l’adolescence. Certains personnes ont transformé cette corrélation en causalité et ont estimé que la maladie était la conséquence du vaccin. Et à ce moment là l’hypothèse n’était pas absurde, il fallait vérifier. C’était il y a plus de 20 ans. Et comme je vous l’ai dit, les études n’ont pas trouvé ce lien.

Depuis on vaccine contre l’Hépatite B avant 1 ans (avec le fameux hexavalent) toujours sans incidence sur la sclérose en plaque.

 

5.    « Du coup le médecin de la crèche me rappelle en disant qu’il va se débrouiller pour me trouver le bon vaccin, contrairement à ce qu’on m’a dit. »

Il le fait car son rôle est de protéger TOUS les enfants, même ceux dont les parents sont récalcitrants.

 

6.    « Quand j’arrive en pharmacie, je lis la notice, et je découvre, atterrée, que non seulement le Revaxis est interdit à la primovaccination mais qu’en plus il n’a pas d’autorisation de mise sur le marché pour les enfants de moins de 7 ans. »

Effectivement. Chaque vaccin a sa spécificité. Mais si vous refusez toutes les solutions idéales, vous vous retrouvez avec des solutions non-idéales comme celle-ci.

Le Revaxis qu’on lui a proposé n’est pas pour les bébés effectivement ; c’est pour cela qu’au départ on l’a dirigée vers l’hexavalent. Les doses en anatoxines diphtérique et tétanique du Revaxis sont plus faibles qu’en primo-vaccination. La vaccination serait insuffisante. C’est probablement LA raison pour laquelle il n’est pas injectable chez les moins de 6 ans. Et c’est pourquoi l’hexavalent était le meilleur choix dont disposait cette maman. En lui proposant le Revaxis, le médecin cherchait à sauver les meubles.  Il aurait pu faire une demande d’utilisation hors AMM, en tout cas dans cette situation  il est clairement en tort.

 

 

 

7.    « Je menace donc de porter plainte contre le médecin et l’établissement pour faute professionnelle grave. » Le médecin démissionne 48h après, et pour éviter le scandale, la place en crèche de l’enfant est maintenue.

D’abord je me permets de signaler que nous n’avons aucune preuve que cette histoire soit vraie et qu’elle se soit déroulée comme on le présente ici. Mais si c’est vrai, c’est un scandale. C’est un scandale pour les enfants que cette crèche est censée protéger. Car il peut se passer deux choses.

Cas numéro 1 : l’enfant non vacciné sera protégé par la couverture vaccinale des autres. Et la maman pourra dire : « Vous voyez, je n’ai jamais fait vacciner mon enfant, et pourtant il n’a jamais été malade. On vous manipule ! », et il y aura des gens pour la croire et pour refuser le vaccin à leur tour.

Cas numéro 2  : L’enfant non vacciné attrape une saloperie et il contamine un autre enfant, peut-être un enfant que des contre-indication ont empêché de se faire vacciner, ou un enfant trop jeune pour être vacciné…

On se demande si les parents antivax pensent à tous ces dangers là et s’ils mesurent les conséquences de leurs posture. Je vous rappelle que nous parlons de maladie infectieuses dont les risques mortels sont avérés.


Petite parenthèse : les vaccins et la loi…

Fabriquer un vaccin prend beaucoup de temps. À partir du moment où l’on a désigné la souche virale, Entre la mise en culture des cellules, l’infection, l’inactivation l’aliquotage, et les très très nombreuses validation et contrôle de lot, le processus prend 2 ans.  Si d’un coup 2 fois plus de personnes veulent un vaccin B au lieu de A, les compagnies ne peuvent pas se retourner si vite. Cela explique que les compagnies ne produisent pas des vaccins sur mesure pour les pays.  C’est malheureusement au pays de s’adapter au marché et pas l’inverse, ou alors on revient a une nationalisation de la production comme ce fut le cas jusqu’au années 50, mais bon c’est un autre débat.


8.    « Les médecins n’ont que 4 heures de formation sur le sujet ».

Cette allégation parait très étonnante. Vérifions dans le cursus de l’Université Paris Diderot en médecine. Voici les cours où tout ce qui touche aux vaccins est abordé (source).

1er cycle:

  • Première année (PACES)
    • Initiation à la connaissance du médicament : 33h
    • Santé publique : 16h
  • Deuxième année (DFGSM2) :
    • Bases fondamentales de l’immunologie : 10 séances
  • Troisième année (GFGSM3) :
    • Physiopathologie du système immunitaire et immunothérapies
    • Agents infectieux

2ème cycle :

  • DFASM 1: Santé – Environnement et maladies transmissibles : 32h
  • DFASM 2 : Immunopathologie : 30h
  • DFASM 3 : Pharmacologie et thérapeutique : 19h

 

Cela semble offrir un clair démenti aux déclarations de la maman antivax. Mais si elle peut fournir les preuves de ce qu’elle avance, nous sommes intéressés.

 

 

9.    « Dans la bibliothèque Universitaire de médecine de Toulouse je n’ai trouvé qu’un seul livre sur la vaccination ». Livre de 70 pages des laboratoires GSK « les enjeux économiques de la vaccination ».

On peut avoir accès en ligne à la liste des ouvrages de cette bibliothèque. En format livre on compte non pas une, mais 97 références. Si on ajoute les revues scientifiques, les compte-rendus de congrès, etc. on dépasse largement la centaine. Les étudiants en médecine ont par ailleurs accès à la totalité des bibliothèques universitaires de Toulouse où ils peuvent certainement trouver d’autres références encore.

Si cette dame n’a trouvé qu’un seul livre, on peut douter de sa compétence à se documenter sur ce qu’elle raconte en vidéo. Par ailleurs on ne trouve pas de trace du livre qu’elle cite. Quelle crédibilité tout cela a-t-il ?

10. Beaucoup de médecins ne remettent pas en question la pratique de la vaccination, juste parce qu’ils y « croient ».

La pratique des médecins évolue au fil du temps à la lumière des travaux des chercheurs. C’est leur métier de savoir quelles pratiques, quels soins sont utiles et importants. C’est toute la différence entre connaissance et croyance. Si les médecins ont confiance dans la pratique de la vaccination c’est parce qu’ils connaissent l’histoire de cette pratique

  • « Les effets de la vaccination antivariolique en Suède : protection des enfants et menace nouvelle pour les adultes. » (1998) [Etude sur l’effet de la vaccination antivariolique en Suède sur la base de documents historiques.]
  • « The right to die? Anti-vaccination activity and the 1874 smallpox epidemic in Stockholm. » (1992) [L’effet d’une campagne antivaccinale en 1874 a Stockholm sur la résurgence de la Variole…]

Il est plus raisonnable de penser que cette maman est davantage dans la croyance que ne l’est le corps médical.

11. « Des études montrent que le plus gros pourcentage d’enfants non vaccinés se trouve être les enfants de médecins et de pharmaciens »

On nous parle d’études. On voudrait les voir. C’est important de fournir les études quand on prétend s’appuyer dessus. Curieusement, quand on épluche la littérature scientifique à la recherche d’études sur le comportement des professionnels de la santé vis-a-vis des vaccins, voici ce que l’on trouve :

  • « A look at the pediatrician as parent: experiences with the introduction of varicella vaccine ». (2003)
    • Cette étude réalisée sur 764 pédiatres dans l’état de New-York en 2003 pour savoir s’ils suivaient les recommandations de vaccination contre la varicelle sur leurs enfants a montré que… oui (pour 88%). Il n’y avait pas de différence entre les pédiatres qui ont des enfant et ceux qui n’en ont pas.
  • « Knowledge, attitudes, and beliefs of school nurses and personnel and associations with nonmedical immunization exemptions » (2004)
  • « How do physicians immunize their own children? Differences among pediatricians and nonpediatricians » (2005)
    • En Suisse, en 2004 : 92% des pédiatres questionnés suivent les recommandations vaccinales sur leurs enfants. 90% pour les autres spécialités. Toutes les spécialités vaccinent également leurs enfants au-delà des recommandations officielles (Hépatite A, Influenza et Varicelle).
  • « Discrepancies between general practitioners’ vaccination recommendations for their patients and practices for their children » (2016)
    • En France, cette étude réalisée sur des médecins généralistes en 2013/2014. 60% d’entre eux vaccinent leurs enfants mais ne recommandent pas systématiquement ces vaccinations aux parents des patients. C’est surtout flagrant pour le vaccin contre l’hépatite B (77% ont vacciné tous leurs enfants mais seul un tiers le recommandent). Les auteurs mettent en avant différentes raisons possibles, des “barrières médecin/patient” qui n’existent pas avec leurs enfants. Par exemple, la durée du rendez-vous, l’oubli d’en parler aux ados qui ne viennent pas spécifiquement pour cela, mais aussi le doute des parents.
  • « Knowledge and recommendation regarding routine childhood vaccinations among pediatric healthcare providers in Israel « (2017)
    • En Israël en 2017 le manque de connaissances en immuno et en vaccino chez les infirmières est corrélé à leurs doutes sur les vaccins. Donc plus on est formé sur le sujet, moins on est enclin à croire les infos douteuses qui circulent. Cependant, dans cette étude, même les infirmières qui ont des doutes recommandent aux parents de vacciner leurs enfants.

On constate que les professionnels de la santé ont tendance à vacciner leurs enfants plus qu’ils n’incitent les autres à le faire. La maman antivax affirme le contraire. Nous aimerions savoir sur quelles données elle s’est forgé sa conviction.

 

12. La vaccination arrive toujours à la fin des épidémies. « Une épidémie s’éteint par nature, vous n’avez pas été vacciné pour la peste, le choléra ou la lèpre. »

Voici pourquoi tout ça est parfaitement stupide :

  • La Peste : se soigne avec des antibiotiques.
  • La Lèpre : se soigne également avec des antibiotiques.
  • Le Choléra : il existe des vaccins que l’on utilise justement dans les pays où l’hygiène n‘est pas suffisante pour empêcher une épidémie. Par ailleurs on peut en traiter les symptômes mortels (déshydratation notamment) et éventuellement utiliser des antibiotiques.[2]

Et effectivement, on peut considérer qu’une épidémie “s’éteint par nature” une fois qu’elle a tué tous les gens trop faibles pour combattre la maladie. Si vous voulez défendre ce point de vue, il ne faudra pas vous plaindre qu’on s’inquiète de votre sens de la morale. Mais en réalité c’est plus complexe que cela, et une maladie endémique peut conserver des réservoirs à partir desquels elle peut se propager. La rougeole et la varicelle par exemple, sont endémiques. Elles sont alimentées par les naissances, qui renouvellent la population susceptible. C’est pourquoi il y a environ 800.000 cas de varicelle chaque année en France… autant que de naissances (source, p251).

 

Enfant souffrant de la variole. Les vaccins ont éradiqué cette maladie.

 

13. « Si on améliore notre hygiène, les épidémies disparaissent toutes seules. »

Cet argument classique de la rhétorique antivax prétend qu’en réalité les vaccins n’ont vaincu aucune maladie. C’est FAUX. Le CDC (Center for Disease Control and Prevention) a publié des données très précises sur le nombre de personnes affectées par diverses maladies au cours du temps. Sur les graphes, on indique quand les vaccins ont commencé à être utilisé, et on constate très facilement l’effet direct des vaccins sur le nombre des malades.

L’hygiène n’est pas impliquée dans l’éradication de la poliomyélite dans les années 1950 ou de la rougeole dans les années 1960 aux États Unis et dans les pays occidentaux. Vous trouverez tout cela très bien expliqué en français dans un article du blog la théière cosmique.

L’argument est de toute façon intenable pour les maladies dont les causes sont bien identifiées et ne dépendent absolument pas de l’hygiène. Que fait-on contre le HPV qui cause les lésions pré-cancéreuses responsables du cancer du col de l’utérus ? Que fait-on contre zika ? Contre le VIH ? La bronchiolite du nourrisson circule-t-elle uniquement parmi les familles ayant des carences en hygiène ?

Spoiler : Non.

 

Aucun progrès de l’hygiène ne peut expliquer la forte diminution des cas de rage suite à la vaccination des renards (source)

14. « On me demande souvent si je n’ai pas peur que mon enfant attrape le Tétanos. Je leur réponds que mon fils peut attraper le Tétanos 20 fois et en guérir 20 fois, il ne sera jamais à l’abri .Parce qu’il n’existe pas d’anticorps contre le bacille tétanique. »… Donc non.

On peut s’inquiéter pour l’enfant de cette dame si elle croit que guérir du tétanos est si facile. En quoi consiste le traitement ?

Les malades sont suivis en soins intensifs, soumis à des antibiotiques pour éliminer les bactéries à l’origine de la maladie. Mais ce qui tue, c’est la toxine, laquelle qui va s’attaquer aux neurones. Les patients doivent donc subir une sérothérapie.

Cela consiste à injecter rapidement une grande quantité, en plusieurs injections par voie intramusculaire, d’un sérum provenant d’un sujet – humain ou animal – immunisé, et donc contenant les anticorps nécessaires contre la maladie. Elle diminue la mortalité mais n’intervient pas sur la toxine déjà fixée sur les neurones. Le tétanos tue un tiers de ses victimes dans les pays développés.

En fonction de la gravité de leur état, les malades reçoivent du diazépam, des barbituriques, de la chlorpromazine, du dantrolène et du baclofène, des anticoagulants et éventuellement une trachéotomie.

Une sinécure pour l’enfant de cette maman.

Mais le pire, voyez-vous c’est que l’infection par le tétanos ne confère pas de protection immunitaire. Car en effet, comme le dit la maman, il n’existe pas d’anticorps contre le bacille tétanique. Mais surtout la dose de toxine libérée par les bactéries est infime et passe sous le radar du système immunitaire. Cette faible dose de toxine est suffisante pour tuer mais pas pour provoquer une réponse immunitaire. Si le système immunitaire était un minimum alerté, il pourrait créer les anticorps et réagir. Mais il ne peut pas tout seul. Le vaccin contient une dose énorme d’anatoxine, ce qui alerte le système immunitaire. L’individu est alors blindé en anticorps qui, assez passivement (on ne réactive même pas la mémoire cellulaire), vont pouvoir lutter en cas d’infection.

Par conséquent, le seul moyen d’être efficacement immunisé, c’est de recevoir un vaccin qui induit la production d’anticorps dirigés contre la toxine ! Il n’y a pas de bon argument pour ne pas vacciner un enfant contre le tétanos.

Bébé soufrant du tétanos.  La vaccination protège contre cette maladie.

15. « L’inefficacité de la vaccination, regardez les gens non vaccinés n’ont pas plus de maladies que ceux vaccinés. »  « En plus ils ne protègent pas bien, regardez le nombre de gens vaccinés contre la Grippe qui ont attrapé la Grippe ».

L’appel aux anecdotes personnelles est fréquent chez les promoteurs des pseudosciences ou des théories du complot. Le vaccin contre la grippe est préparé en suivant les recommandations de l’OMS  au sujet des virus les plus susceptibles de circuler durant l’hiver. Parce que la grippe est imprévisible, l’efficacité du vaccin varie d’une année sur l’autre.

Quand une personne vaccinée tombe malade, il y  a deux possibilités :

  1. Il s’agit effectivement d’une grippe et la personne n’a pas répondu au vaccin car son efficacité est incomplète.
  2. Il ne s’agit pas d’une vraie grippe mais d’une autre infection dont les symptômes ressemblent à ceux de la grippe.

Si vous pensez que le fait que le vaccin contre la grippe ne protège pas 100% des gens est un argument contre la vaccination, alors cessez de mettre votre ceinture de sécurité, car elle ne protège pas 100% des accidentés de la route. On appelle « sophisme de la solution parfaite » ce pseudo argument qui consiste à refuser une solution si elle n’offre pas une satisfaction complète.

Il demeure que la grippe représente un risque mortel pour certaines populations. Le vaccin contre la grippe sauve donc des vies.

Mais la grippe est un cas particulier, et d’autres vaccins ont une efficacité beaucoup plus grande.

  • Le vaccin contre la varicelle offre une protection à hauteur de 95%.
  • Le vaccin contre la rougeole est efficace à près de 100% après 2 doses.
  • Idem pour le vaccin contre la rubéole.

A savoir : Même quand il n’empêche pas la grippe, le vaccin permet d’en limiter l’impact. Le risque majeur avec la grippe concerne les personnes âgées polypathologiques qui parfois en décèdent. Si une vieille dame fait une petite grippe et reste au lit 3 jour parce qu’elle est vaccinée, c’est mieux que si elle fait une grippe féroce avec une décompensation respiratoire ou cardiaque qui va l’amener à décéder…

16. « La vaccination est inutile, dangereuse mais elle est infiniment profitable ».

Il y  a un marché très profitable, c’est celui des livres antivax. La vaccination quant à elle sauve 2 à 3 millions de vie par an, selon l’OMS. J’ignore quel tarif serait excessif.

Alors oui, la vaccination est profitable. Elle est profitable à l’échelle d’un pays, d’une société. Des dizaines d’études montrent que si un pays encourage la vaccination de sa population (en remboursant par exemple), le pays s’y retrouve en termes économiques : moins de personnes malades à soigner (parce que ça coûte de l’argent à la société), moins d’absentéisme, etc. On peut par exemple mesurer l’impact économique de la grippe et le comparer au coût de la vaccination de la population. Un cas de grippe c’est entre 28 et 68€ de frais ambulatoires, plus 4,8 journées d’arrêt de travail (source).

 

17. « Faites vacciner vos enfants, Détruisez leurs défenses immunitaires, vous en faites un client à vie du système de santé. »

On est dans la pure théorie du complot. On veut nous faire croire que les médecins détruisent les défenses immunitaires des enfants. C’est étonnant puisque depuis l’apparition des vaccins l’espérance de vie ne cesse d’augmenter.

Ensuite, on n’a pas besoin de faire des études de médecine pour comprendre le principe de la vaccination qui est d’entrainer le système immunitaire en le mettant en contact avec des particules qui induisent une réaction et, surtout, une mémoire immunitaire

Vacciner un nouveau-né, ça permet d’éviter qu’il n’attrape une maladie mortelle et qu’il ne sache pas s’en défendre. Ca l’empêche de tomber malade et de “devenir un client du système de santé”.


Dans la suite on aura droit à des déclarations non sourcées mais aussi sans rapport direct avec la vaccination. La maman nous raconte une histoire à faire peur .

 

18.  Les laboratoires pharma sont passés de 6 milliards à 30 milliards en 2012

D’où sortent les chiffres ? Quels laboratoires sont concernés ? Quelle est la part des vaccins dans ces données ?

Et surtout : qu’est-ce que ça prouve ? Une technologie qui rapporte de l’argent est-elle forcément néfaste ? C’est le message implicite, et il ne suffit pas de l’insinuer, il faudrait le prouver.

 

19.  Conséquences de la vaccination : « Asthme, Allergies, otites à répétition dans le meilleur des cas… »

Allégations sans source, sans référence. À notre connaissance il n’y a aucun lien entre ces affections et la vaccination. On ne peut plus accorder le bénéfice du doute à madame Guibert.

Si la source de telles propos est l’étude Kiggs, on trouvera une réfutation propre et nette dans cet article.

Enfant souffrant de la coqueluche. La vaccination protège contre cette maladie.

20. « … des maladies qu’on ne connaissait pas avant sont désormais légions : Alzheimer, Parkinson, SEP, Autisme. »

On constate qu’il y a de plus en plus de maladies dégénératives en France. À quoi est-ce dû ? À un meilleur dépistage. Mais surtout à un vieillissement de la population. Les gens souffraient moins d’Alzheimer quand ils mouraient à 40 ans.

Paradoxalement l’augmentation des maladies liées à l’âge au cours des dernières années est la conséquence d’une meilleure santé publique. Les gens vivent plus vieux et attrapent des maladies de vieux. Mieux encore, ils survivent à plusieurs maladies et peuvent les cumuler.

Accessoirement, rien de tout cela n’a de lien avec les vaccins. Aucune source n’est citée. Cela ressemble juste une histoire destinée à nous faire peur et à s’auto-persuader qu’on lutte contre quelque chose de mal.

 

 

21. « Le lien entre l’autisme et le vaccin ROR à cause du mercure et de l’aluminium (adjuvants) est évident désormais. »

NOPE. Nope, nope !

Le lien entre vaccination et autisme est le résultat des travaux d’Andrew Wakefield. On a démontré qu’il avait truqué ses résultats et menti. Radié de l’ordre des médecins, il vit de la vente de livres antivax et de conférences antivax qu’il donne à travers le monde, et bientôt d’un film antivax. Bref c’est pire que de la mauvaise science, c’est du mensonge. Un mensonge aux conséquences potentiellement criminelles

Et on a même des articles scientifiques publiés dans des revues qui parlent explicitement de fraude à ce sujet :

  • « The MMR vaccine and autism: Sensation, refutation, retraction, and fraud » (2011)
  • « Wakefield’s article linking MMR vaccine and autism was fraudulent » (2011)
  • « How the vaccine crisis was meant to make money » (2011)

Notre maman antivax n’est-elle pas informée qu’il existe un consensus scientifique sur l’absence de lien entre vaccination et autisme ?

  • Hviid A, Stellfeld M, Wohlfahrt J et Melbye M, « ASsociation between thimerosal-containing vaccine and autism », JAMA, vol. 290,‎  2003, p. 1763–1766 (source).
  • Kreesten Meldgaard Madsen, Anders Hviid, Mogens Vestergaard et Diana Schendel, « A Population-Based Study of Measles, Mumps, and Rubella Vaccination and Autism », New England Journal of Medicine, vol. 347,‎ 7 2002, p. 1477–1482 (source)
  • Luke E. Taylor, Amy L. Swerdfeger et Guy D. Eslick, « Vaccines are not associated with autism: An evidence-based meta-analysis of case-control and cohort studies », Vaccine, vol. 32,‎ 2014, p. 3623–3629 (source)

Pour comprendre en français l’affaire Wakefield, consultez cet article de l’AFIS. Les gens qui ont tendance à croire à l’existence de ce lien entre vaccin et autisme ne se rendent pas compte que cette thèse est d’un niveau de négationnisme scientifique équivalent à celui des  « climato-sceptiques ». Sur la manière dont on a démontré l’absence de lien entre vaccin et autisme, voir cette vidéo (anglais avec sous-titres fr).

 

Toute personne qui prétend qu’il y a un lien entre vaccination et autisme est forcément en train de vous baratiner.

NB : Les propos de la maman antivax sont d’autant plus confus que le ROR ne contient pas et n’a jamais contenu du mercure et d’aluminium (c’est un vaccin vivant atténué. Donc il n’a pas besoin d’adjuvants, et craint les conservateurs)

Enfant souffrant de la rougeole. La vaccination protège contre cette maladie.

22. « Le mercure et l’aluminium ont été retirés du commerce car toxiques ».

On se demande ce que cela peut vouloir dire exactement. Quel marché ? Quels produits contenant de l’aluminium  ? (il y en a plein). Et comme d’habitude : d’où vient l’information ? Quelle est sa qualité ? Sa pertinence ?

Le mercure et l’aluminium (sous forme hydroxyde d’aluminium dans les vaccins) ne sont toxiques que sous certaines conditions : être biodisponibles et dépasser une certaine dose. Pour mémoire : l’eau à haute dose tue 100% des gens qui se noient. Plus généralement, tout produit chimique à trop forte (et parfois à trop faible) dose présente des dangers pour la santé. Se focaliser sur le mercure ou l’aluminium comme s’ils étaient dangereux par nature, ça n’a aucun sens.

Disons un mot des adjuvants : leur rôle est d’activer la réaction immunitaire… Si on les retire, la plupart des vaccins ne fonctionnent plus. Le thiomersal est un éthyle mercure utilisé pour prévenir toute prolifération bactérienne ou fongique dans certains vaccins inactivés présentés en flacons multidoses ; ce n’est donc pas un adjuvant mais un conservateur.

Il a été recommandé de renoncer au thiomersal, mais ce n’est pas une interdiction stricte. Il ne s’agit que d’un principe de précaution, en raison des inquiétudes reposant sur… aucun élément permettant d’établir un risque. Pour information : si l’on respecte le calendrier vaccinal, plus aucun vaccin administré aux enfants en France ne contient du mercure (sous forme de thiomersal). Seul le spirolept, qui protège contre la leptospirose en contient.

On oublie souvent les parents qui ont d’abord refusé de vacciner leurs enfants puis l’ont regretté. Les régions les plus touchés par des résurgences de maladies jusqu’alors sous contrôle grâce à la vaccination sont précisément celles où le mouvement antivax compte le plus d’adeptes (en France, aux États-Unis).


« L’asymétrie de la billevesée. La quantité d’énergie nécessaire à la réfutation d’une billevesée est d’un ordre de magnitude supérieur à celle qu’il faut pour la formuler. » Alberto Brandolini

(« The bullshit asimmetry: the amount of energy needed to refute bullshit is an order of magnitude bigger than to produce it.»)


Conclusion

La vidéo de cette maman antivax est très symptomatique. Il s’agit d’un témoignage personnel. Les témoignages personnels sont les preuves les moins fiables en science, mais également dans le monde judiciaire. On entend beaucoup d’accusations, beaucoup d’allégations mais on ne voit aucune preuve.

Cette vidéo ressemble également à un Gish Gallop, du nom du créationniste Duane Gish, célèbre pour noyer son auditoire sous des dizaines d’arguments démontrant selon lui la fausseté de la théorie de l’évolution. Chaque allégation fausse requérait de la part de son contradicteur beaucoup plus de temps pour être réfutée qu’il n’en fallait à Gish pour la prononcer (regardez un peu la taille de cet article !). On nomme aussi ce type de rhétorique le millefeuille argumentatif.

Le discours de cette maman antivax est axé sur la peur. Sur la peur de ce qui peut arriver à la santé des gens que nous aimons. Très convaincante, cette stratégie ne fonctionne que si l’on peut faire oublier les véritables risques infectieux qui nous menacent tous.

Il est aisé de constater que la logique et la rhétorique déployée par les antivax est exactement celle qu’on retrouve chez les conspirationnistes. C’est très efficace, et il n’est pas surprenant que de nombreux parents sincèrement soucieux de la sécurité de leurs enfants y prêtent l’oreille. Si vous êtes parent, et pas au courant de l’état des connaissance scientifiques sur le sujet, alors vous aurez des soupçons en écoutant madame Guibert. Rien de plus normal. Les antivax ne sont pas des imbéciles, ils sont mal informés. Mais une fois que vous avez ces soupçons, c’est à vous de trouver à quelle source accorder votre confiance. Sur des sujets pareils le doute n’est pas un fin en soi.

Vous pouvez donc choisir de croire que l’on empoisonne sciemment les enfants, sur la foi de témoignages qui ont la même structure que ceux qui nient les premiers pas de l’Homme sur la Lune, le réchauffement climatique ou l’évolution du vivant ; ou bien vous admettez les preuves scientifiques qui disent que les vaccins ont sauvé et peuvent continuer de sauver des dizaines de millions de vie tout en présentant un risque très faible et sévèrement surveillé d’effets secondaires.

Personne ne peut vous forcer à croire l’un ou l’autre. Exercez votre esprit critique, documentez-vous et questionnez ceux qui vous disent qu’ils savent ce qu’il faut penser.

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Autres ressources sur le sujet.

 

Le sympathique vidéaste Nicolas Meyrieux a traité le sujet des pesticides dans sa série « La Barbe » le 17 mai 2017.

Sur un ton humoristique réussi, cette vidéo dresse une caricature amusante des gros industriels sans foi ni loi prêts à toutes les bassesses pour peu qu’elles rapportent. On peut souscrire à cette vision du monde. Il y a certainement des êtres humains sordides dans les organigrammes des grands groupes. Certains proposent que les grands patrons cumulent souvent les traits de caractères de psychopathes.

Mais, il y  a un mais !

 

Si critiquer les gros industriels et leurs pratiques pas Charlie mérite d’être fait, cela mérite d’être bien fait, et donc surtout pas en utilisant des arguments moisis, des contre-vérités ou des données parcellaires. Car toute attaque malhonnête ne peut que renforcer la position de la cible qui pourra légitimement discréditer les critiques qu’elle essuie. Ce serait nuire à la cause d’un contre-pouvoir aux grandes industries, en quelque sorte.

Il y a un deuxième mais : entretenir les gens dans la peur de ce qu’ils mangent, ce qu’ils boivent, ce qu’ils respirent avec des mauvais arguments, ce n’est pas éthique, cela dégrade la qualité de vie de ceux qui vous croient et qui s’angoissent pour de mauvaises raisons. Ce n’est pas correct, et on devrait donc éviter de le faire.

Il y a même un troisième mais, c’est celui des conséquences d’une mauvaise appréciation des réalités. On prend de mauvaises décisions, on entreprend des actions contre-productives, et au final on ne rend service à personne quand on pense être très bien informé alors qu’on ne l’est pas.

 

Dans cet article je vous propose de laisser de côté les caricatures — caricatures pour lesquelles j’ai le plus grand respect— pour nous concentrer sur un certain nombre d’affirmations qui, elles, ne sont pas présentées comme des caricatures mais comme des faits. Je remercie Chèvre Pensante pour son aide dans la préparation de cet article, et surtout Bunker D, qui a quasiment co-écrit ce fact-checking.


« 45% de nos aliments contiennent des taux toxiques de pesticides. »

Ce chiffre vient d’un rapport de l’EFSA (European Food Safety Authority) qui a trouvé des résidus de pesticides quantifiables dans 45% des échantillons. Cela ne veut absolument pas dire que ces taux sont toxiques.

La réalité des résultats, c’est que 1,5% des échantillons testés contiennent des résidus en quantités supérieures aux limites légales avec une marge suffisante pour éviter les imprécisions de mesure (comme pour les dépassements de vitesse), déclenchant alors des sanctions juridiques ou administratives. À cela, il faut ajouter que les limites légales incluent d’énormes marges de sécurité pour la santé.

La publication de cette étude se termine sur : « L’Autorité a conclu qu’il était improbable que la présence de résidus de pesticides dans les aliments ait un effet à long terme sur la santé des consommateurs. En ce qui concerne l’exposition à court terme, le risque pour les citoyens européens d’être exposés à des concentrations nocives de résidus par le biais de leur alimentation a été considéré comme faible. » (avec toujours la marge scientifique qui fait parler de probabilités, non de certitudes).

Enfin, le titre de la publication de l’EFSA est on ne peut plus clair : « Plus de 97 % des aliments contiennent des résidus de pesticides dans les limites légales », et sa simple lecture aurait permis au vidéaste de ne pas se tromper.

Les spectateurs de la vidéo ont reçue une information fausse.

« On classe les pesticides en 3 catégories : herbicides, fongicides, insecticides »

C’est oublier les bactéricides, les virucides, les parasiticides. Et s’il est vrai que « …cide = tuer », rappelons que ces produits n’affectent pas tous les organismes de la même manière (l’avocat est très toxique pour le chat… un félicide donc). Par exemple, le glyphosate agit sur la photosynthèse en inhibant l’enzyme EPSPS indispensable pour alimenter les voies de biosynthèse des acides aminés aromatiques Phe, Tyr et Trp, chez les plantes et les bactéries. Ceux d’entre nous qui ne sont pas des bactéries ou qui ne font pas de photosynthèse n’ont pas tant à craindre cette molécule.

Soulignons que l’analyse de la  toxicité – et de l’écotoxicité – tient une place cruciale dans les processus d’autorisation et de réautorisation des pesticides (Heureusement !). Pour en savoir plus, vous pouvez consulter ces liens

« Sous prétexte que ça file un petit cancer »

Cette phrase est prononcée dans une séquence « caricature » mais c’est l’accusation la plus grave de la vidéo. On ne peut donc pas l’ignorer, car aucun spectateur ne passera à côté, d’autant plus que le sujet revient plus tard en mode sérieux :

 

« On classe les pesticides dans la catégorie des CMR »

En réalité les pesticides ne sont pas TOUS cancérogènes, mutagènes et/ou reprotoxiques, mais ce n’est pas ce qui est donné à comprendre au spectateur. Le glyphosate, principale cible de toute cette vidéo, est certes classé “cancérogène probable” par le CIRC, mais il n’est pas suspecté de provoquer des cancers aux consommateurs, selon le Joint Meeting OMS et FAO. (Le sujet est approfondi dans cet article de Bunker D).

 

« Le glyphosate […] à la base c’était DOW et Monsanto qui le fabriquaient pour l’armée américaine […] pendant la Guerre de Vietnam »

En premier lieu, signalons qu’on a ici un sophisme de type déshonneur par association : le glyphosate a été employé pendant la guerre, or la guerre c’est mal, donc le glyphosate c’est mal. À cela s’ajoute une forme d’essentialisme anti Monsanto : Monsanto est malintentionné par définition (comme s’il s’agissait d’une entité consciente et pas d’une entreprise au sein de laquelle les individus changent au fil du temps. Condamnerait-on l’Allemagne d’aujourd’hui pour ses crimes de la Seconde Guerre ?).

Mais surtout, il y a confusion. Le pesticide utilisé au Vietnam (et produit entre autre par DOW et Monsanto sur ordre du gouvernement américain via le Defense Production Act de 1950), c’était l’Agent Orange. Et ce dernier contient du 2,4-D et du 2,4,5-T, mais absolument pas de glyphosate ! Cette confusion se retrouve dans des publications très militantes ; cela pose la question de la manière dont l’auteur de la vidéo a fait ses recherches et questionné ses a priori.

Nicolas Meyrieux, quelle est la source de l’information fausse que vous donnez dans votre vidéo ?

 

« reprotroxique… ca veut dire que je peux plus bander. »

Non, ça ne veut pas dire ça. Un produit reprotoxique affecte la fertilité des hommes et/ou des femmes, pas leur capacité à avoir des relations sexuelles.

Mais la vraie question est : le glypohosate est-il un reprotoxique ?

En 2015 l’EFSA n’a pas proposé de classer le glyphosate comme toxique pour la reproduction de catégorie 2. La dose quotidienne sans effet négatif pour la reproduction est estimée à 300 mg/kg/jour, ce qui est énorme, du même ordre de grandeur que la dose tout simplement toxique, et à laquelle jamais aucun consommateur n’est exposée dans des conditions à peu près normales [1].

Il semble donc peu raisonnable de prétendre que ce produit est reprotoxique, même si c’est dommage pour les bonnes blagues que cela permet de faire dans la vidéo.

 

« C’est mauvais pour les sols qui s’appauvrissent »

Il faudrait nous dire ce que signifie précisément « appauvrissement des sols », et également sourcer une telle déclaration. Les pesticides peuvent avoir des effets sur la microflore du sol, mais est-ce le cas du glyphosate ? En fait le glyphosate ne semble pas avoir cet effet aux concentrations attendues en champs. Et lorsqu’on augmente la dose, on constate au contraire une augmentation de l’activité microbienne (étude 1, étude 2, étude 3). Ce qui peut en revanche poser problème, ce sont les résidus qui se dégradent en 2-3 mois et peuvent affecter les cultures suivantes. Cela signifie qu‘il faut améliorer les produits et les pratiques, ce dont nul ne doutait.

Par ailleurs, on peut noter que la diffusion du glyphosate favorise une diminution de la pratique du labour, en permettant de désherber les parcelles sans retourner la terre. Or le labour est l’une des principales causes de mortalité des micro-organismes du sol en les remontant à la surface où il y a trop d’oxygène, et crée une couche imperméable un peu en dessous nommée « semelle de labour« .

Plus encore, le glyphosate favorise l’agriculture de conservation  qui consiste à laisser au sol une part voire la totalité des résidus de la récolte précédente. En plus de nourrir la terre, limiter l’érosion, favoriser la biodiversité au sol et améliorer l’absorption de l’eau, cette méthode limite le lessivage des pesticides vers les environnements voisins (il n’y a pas consensus sur ce sujet).

Il n’est pas question de dire que le glyphosate est une panacée, mais à quoi bon tordre la réalité et dresser un tableau à charge contre un produit qui n’est pas dénué de mérites ?

 

Cliquez pour voir le facepalm.

« Depuis 2009, les rendements n’augmentent plus. »

Si c’est vrai, cela ne nous indique rien. Une stagnation peut très bien signaler qu’on arrive au maximum, et donc qu’on a bien travaillé. Pour interpréter cette stagnation comme un signe de mauvaise santé des agrosytèmes, il faudrait des études qui montrent explicitement cela. Ces études existent-elles ?


«  Les fruits et légumes sont moins nourrissants : une pomme de l’an 1950 contenait cent fois plus de vitamine C qu’une pomme d’aujourd’hui. »

C’est une information très surprenante. Il serait utile que l’auteur nous fournisse la source d’une telle affirmation. Dans la mesure où on a constaté que d’autres allégations étaient fausses, il faut sans doute se retenir d’y croire juste parce qu’on nous le dit. Et en l’absence de données à réfuter, il nous faudrait nous en tenir à cette posture.

Mais la suspension du jugement que pratiquent les sceptiques est évidemment très insatisfaisante pour la plupart des gens. Vous pourrez donc trouver une réfutation de cette affirmation ici. Vous pourrez y lire

« D’abord, pour remettre les pendules à l’heure, selon les études, le contenu en vitamine C des pommes a augmenté de 16% [en 50 ans]. »

 

Vous pouvez également consulter cette publication de l’Académie d’agriculture de France : « La valeur nutritionnelle des aliments a-t-elle diminué depuis 60 ans ? »

 

« La France est le premier consommateur de pesticides en Europe. »

C’est une présentation parcellaire de la réalité. Il manque le contexte. Et le contexte est que la France est aussi l’un des plus grands producteur agricole d’Europe ! Si on divise la quantité de pesticides par la surface agricole, la France est 9ème en Europe, c’est-à-dire dans la moyenne.

 

 

«  La seule solution contre ça c’est de manger Bio.»

Il est bien compréhensible qu’on veuille y croire. Après s’être fait aussi peur, on veut se rassurer, sauf que le Bio n’est pas du tout une réponse. En effet, les cultures « biologiques » sont parfois traitées avec des pesticides, contrairement à ce que l’on croit souvent (Cf.  la liste des intrants en agriculture biologique). Seuls les pesticides de synthèse sont interdits. Or les pesticides utilisés en Bio sont plutôt PLUS toxiques que le glyphosate par exemple. La Bouillie Bordelaise, un fongicide utilisé en bio, est du sulfate de cuivre neutralisé à la chaux. Elle est très toxique pour les poissons, et associée à des maladies du foie chez les viticulteurs (source). De plus le cuivre s’accumule dans le sol, et cette accumulation est toxique.

 

 

Conclusion.

L’agroalimentaire est une question d’une importance cruciale, il réclame notre vigilance à tous afin de ne pas avaler n’importe quoi. Mais c’est valable au sujet de la désinformation, d’où qu’elle vienne. La peur que nous inspirent certaines technologies ne doit pas nous faire oublier la balance bénéfice-risque. Certains ont peur des vaccins, peut-être parce qu’ils ont oublié les effets d’une épidémie ; d’autres ont peur des pesticides mais savent-ils combien de disettes et de famines ces produits (dangereux) nous ont épargné. Les bénéfices collectifs que nous tirons de ces produits sont importants, aussi tout en restant critiques et vigilants, exigeants et rigoureux des pratiques qui ont un impact sur l’environnement, n’oublions pas d’être vigilants, exigeants et rigoureux dans l’exercice même de la critique.

Si le but de cette vidéo est d’informer le public, Nicolas Meyrieux aurait tout intérêt à signaler les erreurs qui la parsèment et vont désinformer les spectateurs. Il peut éventuellement le faire en partageant cet article. Il peut également publier un erratum dans lequel il reviendrait sur les erreurs relevées ou bien pourrait argumenter sur la validité de ses affirmations tout en fournissant les sources qui lui permettent de le dire.

Le plus important est que les spectateurs qui aiment et suivent ce vidéaste (comme les autres) fassent preuve d’esprit critique et prennent l’habitude de demander des sources avant de faire confiance à une affirmation, même quand elle va dans le sens de ce qu’ils croient être vrai.

Si vous pensez qu’il faut éviter de croire des choses fausses juste parce qu’on a envie de les croire, partagez cet article partout où la vidéo analysée sera partagée. C’est un passage de relais, sans votre participation active d’internautes citoyens, une telle analyse restera lettre morte

 

« Tout est bruit pour qui a peur. » Sophocle

Edit.

En octobre 2017, Nicolas Meyrieux récidive avec une vidéo sur les semences très criticable.


NOTE
[1] (On notera DJA la Dose Journalière Admissible ; MRL la Maximal Residue Limit, c’est-à-dire la quantité maximale de résidus autorisés pour chaque pesticide dans chaque produit de consommation ; NOAEL la « No Observable Adverse Effect Limit », c’est à dire la consommation quotidienne maximale de produit jusqu’à laquelle on observe pas d’effet sur les cobayes en laboratoire.)

La DJA du glyphosate fixée par l’EFSA est de 0,5 mg/kg/j (précédemment 0,3 mg/kg/j). Elle est calculée à partir des NOAEL obtenues par expériences, avec un facteur d’incertitude de 100. (Autrement dit, la pire NOAEL trouvée est divisée par 100 pour absorber les éventuelles différences entre humains et cobayes.)

Un calcul des expositions de la population européenne a été opéré sur la base des différents modèles de diètes (adultes et enfants).  En supposant que tout produit consommé contient des résidus de glyphosate à la MRL, le pire régime est britannique et atteint 80,1% de la DJA (soit 0,4 mg/kg/j). Et encore ! Le calcul précédent repose sur des hypothèses aberrantes : tout produit récolté contient une quantité de glyphosate résiduel à la MRL, et ce taux de glyphosate n’est pas affecté par la transformation des produits. En prenant les résidus moyens trouvés par l’EFSA au lieu des MRL, et en prenant en compte l’impact de la transformation des produits, le pire cas est irlandais, avec 2,1 % de la DJA (soit 0,01 mg/kg/j).

Bunker D a calculé les quantité de glyphosate consommées à partir des résidus dans les urines mesurés par Générations Futures. Dans le pire cas, on est à 0,58 μg/j/kg ; en moyenne : 0,25 μg/j/kg. L’étude allemande URINALE, sur 2000 cobayes (et non 50 pour Générations Futures), trouvait au pire 4 μg/L de glyphosate dans les urines (contre 2,89 μg/L chez Générations Futures). De là, on obtient une consommation à, au plus, 0,8 μg/j/kg.
Dans ce pire cas, on est à 0,16% de la DJA.
Ces mêmes calculs sont appliqués dans une publication qui à tout un tas d’études. La pire concentration dans l’urine pour un consommateur, 18,8 μg/L, donne 3,76 μg/j/kg, soit toujours < 1% DJA.

Tout le monde n’a pas la chance de passer plusieurs heures à échanger de manière courtoise avec un homme qui croit à l’existence de complots extraordinaires impliquant des civilisations extraterrestres, des entités d’autres dimensions, une guerre intergalactique, et plus généralement un monde qui n’a rien à voir avec celui que le commun des mortels voit tous les jours.

C’est ce qu’il m’a été donné de vivre il y a quelques temps au cours d’une conversation en direct avec le fondateur de Stop Mensonges. J’aimerais revenir sur ces heures passées avec Laurent Freeman et tenter d’en tirer des réflexions utiles.

Dialoguer, c’est possible.

D’abord nous avons montré qu’il est possible d’être d’opinions très contrastées, de défendre deux manières de comprendre le monde diamétralement opposée sans passer son temps en vociférations, insinuations, injures ou accusations. C’est en soi très important, parce qu’à tenir autrui pour un ennemi on s’empêche d’envisager qu’il puisse avoir raison, or notre position de sceptique nous oblige à veiller scrupuleusement au maintien de cette option.

Sur les sujets liés au conspirationnisme (noyau central des publications de Stop Mensonges et des idées défendues par Laurent) force est de constater que les horions pleuvent dans les échanges virtuels, que les noms d’oiseau volent bas, et que les claviers débordent d’ad hominem, d’ad personam et d’accusations croisées d’être l’idiot utile, le mouton crédule ou le pigeon stupide. L’argumentation est hélas la grande absente de ces échanges brutaux. Quand argumentation il y a, c’est souvent une enfilade de sophismes qui n’a pour but que de discréditer la position adverse sans faire l’effort de la comprendre. Or, il est intéressant que ces quelques heures de discussion aient pu se dérouler en écartant griefs et soupçons afin de se concentrer sur les raisons pour lesquelles chacun des intervenants défendait sa position. Soyons honnêtes : je n’envisageais pas concrètement de convaincre mon interlocuteur qu’il avait tout faux, et je ne m’attendais pas moi-même à me trouver soudain illuminé par une vérité nouvelle. J’imagine qu’il en allait de même pour Laurent. Mon intention était de mieux comprendre son raisonnement. Comment il se fait qu’il tient la position qui est la sienne ? Comment en est-il arrivé à ses conclusions ? Pourquoi est-il si fortement convaincu que je suis, en tant que zététicien, dans l’erreur ?

Un entretien épistémique ?

L’entretien épistémique (EE) est une méthode dialectique qui permet l’examen des croyances, des opinions d’une personne. Héritière de la maïeutique de Socrate, elle consiste d’abord à questionner les arguments, à en examiner les prémisses pour demander à son interlocuteur le sens qu’il donne aux mots qu’il utilise, la source des informations qu’il juge fiables, les étapes de ses raisonnements. Ce questionnement doit être honnête et ne pas se résumer à une tentative de piéger l’autre ou de le « déconvertir ». Un entretien épistémique bien mené doit aboutir à un accord, pas forcément sur le fond, mais au moins sur la manière de décrire, de délimiter les positions de chacun.

La difficulté de l’EE réside dans l’évitement de notre réflexe correcteur (corriger la moindre erreur nous place en position de juge et incite à nous catégoriser en antagoniste), dans une forme de douceur du propos afin d’atténuer la violence épistémique que représente notre incrédulité face à la vision du monde défendue par notre interlocuteur et dans l’obligation qu’on se donne de ne pas apporter d’argument extérieur. La pratique de l’EE revient à prêter à autrui notre esprit critique, afin qu’avec cette aide auxiliaire, il examine lui-même la valeur de ses arguments, la solidité de ses prémisses et la cohérence de ses propos. Il faut pour cela réunir des conditions un peu spéciales. Il faut d’abord savoir écouter, éviter tout procès d’intention, se mettre d’accord sur l’objectif : quelle idée est soumise à examen ? Quelle place donne-t-on à la logique ? etc. Il faut au moins un peu de confiance et de considération pour celle ou celui à qui vous parlez. Et il faut surtout valoriser la possibilité de changer d’avis, s’accorder sur le bénéfice que représente notre capacité à abandonner des idées fausses.

Quand vous échangez en direct, en public avec l’auteur d’un blog qui partage des informations invérifiables ou majoritairement fausses et qui jouit d’un succès assez considérable pour influencer des dizaines de milliers de gens et devenir la principale source de revenu de son auteur, il est difficile de considérer que les conditions soient pleinement réunies.

On ne peut pas ne pas se demander si l’échange ne va pas légitimer la parole que l’on souhaite remettre en cause et ainsi accroître son influence. Et il semble difficile d’attendre une pleine remise en question, car comme disait Upton Sinclair :

Il est difficile de faire comprendre quelque chose à un homme lorsque son salaire dépend précisément du fait qu’il ne la comprenne pas.

Pour ces raisons, ma discussion avec Laurent de Stop Mensonges n’était pas un véritable entretien épistémique. Si cela avait été le cas, alors je l’aurais fort mal mené. Mais alors quel était donc le but de cet entretien qui a traîné en longueur sur près de 4 heures ?

 

L’ère du soupçon

Stop Mensonges (SM) fait vibrer la corde du soupçon, rendue trop sensible par une société où l’impunité des corrompus semble la règle, et où l’ascenseur social est en panne, comme on dit. Le rejet de la parole officielle suscité par l’ambiance de défiance générale autorise SM à faire feu de tout bois, à tenir pour vrai tout ce qui a des chances de déranger l’establishment, et à marquer ainsi des points dans l’adhésion d’une certaine population.

J’ai tenté plusieurs fois de poser la question centrale de la méthode avec laquelle SM décide de la fiabilité et de la pertinence des informations qu’ils partagent. Là se situe le grand hiatus de cette conversation, car de méthode il n’y a point, et le problème béant que cela pose n’apparaît pas du tout aux yeux de mon interlocuteur. La ligne éditoriale de SM est tout entière posturale, intuitive et relativiste. À chacune de mes questions, le concept de preuve est rejeté. « Je n’ai rien à prouver » répond Laurent quand on lui demande de justifier sa croyance dans l’existence du complot illuminati par exemple.

Il y a au moins une imposture dans cette affaire, c’est celle qui consiste à s’attribuer une plus grand ouverture d’esprit quand on tient pour vrai tout ce qui nous plait assez pour qu’on veuille que ce soit vrai tout en rejetant les arguments et preuves qui indiquent le contraire sans se donner la peine de les comprendre. C’est en réalité faire preuve d’une fermeture d’esprit complète que d’embrasser la pensée conspirationniste, irréfutable par excellence. J’ai eu l’occasion de le dire la sujet de la théorie de l’évolution que Laurent rejette pour des motifs qui s’avèrent faux quand on lui demande de les expliciter, sans qu’il manifeste l’élémentaire curiosité intellectuelle de vérifier l’information, de chercher à se corriger si jamais il avait tort. N’est-ce pas cela qu’on doit appeler de la fermeture d’esprit ?

Forteresse d’irréfutabilité

SM s’adonne à un raisonnement circulaire. Le complot intergalactique existe par définition, et on en trouve des indices partout, pour peu qu’on en accepte l’augure, jusque dans les propos de médium qui se prétendent en contact avec des entités extraterrestres, lesquelles racontent des histoires assez vagues pour pouvoir être rattachée à la cosmogonie adéquate. Un tel raisonnement circulaire donne à celui qui est dans la boucle l’illusion de la solidité, car il a réponse à tout. La réponse est toujours la même. Celui qui demanderait des preuves serait rappelé à sa condition de consommateur formaté, de sceptique borné ou de séide contrôlé par un pouvoir occulte. De preuve il n’en est nul besoin une fois qu’on s’est « ouvert » à la vérité.

Chacun peut trouver sur Internet ou en librairie le livre qui lui confirmera qu’il avait tout compris sur l’Univers et que le reste de la population le déteste pour ça (biais de confirmation). Cela permet d’avoir une explication pratique et indolore à nos échecs. La pensée conspirationniste séduit les perdants et ceux qui ont le sentiment de n’avoir pas de contrôle sur les événements de leur vie, qui subissent. Elle transforme le mécontentement légitime envers une société injuste, brutale et pleine de fausses promesses, de fausses solutions et de populisme en un soupçon constant qui réussit à se prendre pour de la perspicacité. Soupçonner tout le monde devient le moyen de se croire immunisé contre la manipulation. Mais c’est oublier le point aveugle, cet invariant humain qui veut que chaque individu se croit moins biaisé que les autres, et échoue à identifier tout seul les angles morts de sa pensée critique. C’est oublier, surtout,  notre capacité sans cesse renouvelée à nous abuser nous même, à nous enferrer dans l’erreur, et la faiblesse de notre jugement quand il n’est pas adossés à des faits vérifiables, à des raisonnements valides, bref  à un esprit critique en état de marche.

Le cadre local de cohérence.

Dans une logique comme celle de Laurent, il semble que rien ne peut lui montrer qu’il se trompe. Il semble également pouvoir accepter pour vraies des propositions incompatibles entre elles. Dans ces conditions tout peut être à la fois vrai et faux. Et il s’en accommode. Cela rend évidemment discutable la possibilité même d’un débat argumenté, et l’on pourrait juger inutile et stérile notre échange. Certains commentateurs ne se privent pas de le dire, et on peut les comprendre.

Néanmoins, pourquoi ne renoncerait-on pas à l’objectif de convaincre ou de déconvertir qui que ce soit dans ce genre d’opération pour se contenter, faute de mieux, d’essayer de comprendre la logique de l’autre. Cette discussion, malgré les atermoiements, les redites, les cul-de-sac et les diversions, n’est pas sans mérite. Elle permet, me semble-t-il, de prendre la mesure des conséquences d’une croyance dans le « script du mensonge » cité par Laurent et à travers lequel tout argument fort, toute question dérangeante se voit désamorcé sans coup férir.

Il y a de la facilité et du confort à s’en remettre à ce genre de pensée protéiforme, et cela représente sans doute l’une des raisons de l’attraction qu’elle exerce sur l’esprit. Mais évidemment, c’est une voie sans issue, car privée du dialogue avec le monde extérieur qui seul permet de se débarrasser des prémisses erronées.

Je dis « évidemment », mais nous avons pu constater que je n’ai pas réussi à le faire comprendre (ou du moins admettre) à Laurent. Je n’ai pas réussi à convenir avec lui de ce qu’on peut raisonnablement classer dans les connaissances et de ce qui relève de la spéculation ou de la fiction. J’ai échoué également à lui faire admettre l’importance du débat contradictoire où plusieurs visions du monde se confrontent et peuvent s’éclairer l’une l’autre, et où éventuellement la moins correcte s’efface devant celle que les faits et les preuves étayent plus solidement.

Ces échecs étaient prévisibles, mais ils nous donnent matière à penser. Il me semble donc que l’expérience vaut la peine d’être tentée, car l’alternative est l’absence de dialogue dans laquelle on peut fonder peu d’espoir. Le dialogue, toutefois, est une ouverture à travers laquelle un certain nombre de points d’accord peuvent être trouvés.

Naïvement peut-être, j’estime que tout « chercheur de vérité » peut accepter la chose suivante : le respect des individus n’est assuré qu’à la condition d’accepter qu’une idée, même chère, puisse être fausse. Celui qui refuse cette prémisse ferait aveu de dogmatisme ; et si cette prémisse est acceptée, alors l’esprit critique peut jouer son rôle.

 

 

Entre les hommes il n’existe que deux relations : la logique ou la guerre. Demandez toujours des preuves, la preuve est la politesse élémentaire qu’on se doit. Si l’on refuse, souvenez-vous que vous êtes attaqué et qu’on va vous faire obéir par tous les moyens.
(Paul Valéry, Monsieur Teste, L’Imaginaire/Gallimard n°29)

La science n’explique pas tout !

Vous avez déjà entendu, lu ou prononcé cette sentence. Elle tombe dans un débat ou dans une discussion au moment où il faudrait avouer que l’on n’a pas d’argument pour soutenir une opinion sur un phénomène non expliqué (voire non avéré).

Elle abonde à la bouche de ceux qui veulent croire aux voyages astraux ou au pouvoir de guérison des pierres. Puisque la science n’explique pas tout, il faudrait accepter que leur conviction personnelle, souvent fondée sur des ouï-dire, est raisonnable. Il faudrait respecter leur opinion. Respecter est ici le maître mot, mais dans ce contexte il a le sens un peu particulier que l’on est prié de se retenir de critiquer, de questionner, de demander des preuves. Puisque la science a ses limites, alors on veut pouvoir croire à l’existence du Monstre du Loch Ness, mais surtout on veut pouvoir le dire sans recevoir de contredit. Au nom de la liberté.

Sauf que non. Cela ne fonctionne pas de cette manière.

« Moi j’ai raison, parce que la science n’explique pas tout. » N’est pas un argumentaire très puissant.

Tout ne s’explique pas ?

Expliquer, ce n’est pas produire une agréable narration, un récit confortable, c’est décrire la chaîne causale d’événements qui produit le phénomène dont il est question. Expliquer est donc une tâche ardue qui nécessite de franchir d’innombrables obstacles entre la nature telle qu’elle existe dans son infinie complexité et notre compréhension de ce qui s’y passe. La science implique un travail laborieux, lent, et elle affiche des résultats imparfaits, souvent approximatifs. Mais ce sont des résultats fiables, et ce n’est pas rien. Pour frustrante que soit notre ignorance, il serait sage de ne pas oublier que le peu que l’on sait n’a pas été acquis par la transcommunication instrumentale, par le chamanisme, l’astrologie, la méditation ou la prière, mais bien par l’utilisation d’une méthodologie rationnelle et sans cesse raffinée. La science n’explique pas tout, mais ce qu’elle n’explique pas, on se demande bien qui saurait l’expliquer mieux, et comment l’on pourrait évaluer la validité de ce savoir.

En effet une connaissance que l’on ne sait pas justifier est-elle toujours une connaissance ? Quand, deux fois par jour, une montre cassée indique l’heure exacte, en devient-elle fiable ?

Science sans conscience, etc. Oui, nous connaissons Rabelais aussi.

Celui qui dit « la science a ses limites », pose souvent ce préambule à une affirmation sans preuve (parfois elle est improuvable du reste) que l’on devrait accepter pour vraie au nom de tout ce qu’on ignore sur l’univers. Ce sophisme se nomme l’appel à l’ignorance. On peut toujours se dire « oui mais si jamais X est vrai, alors... » et imaginer des litanies de conséquences toute parsemées d’hypothèses ad hoc. Sur la base de ce que l’on ignore à propos de phénomènes hypothétiques, on peut construire des histoires cohérentes, c’est d’ailleurs le point de départ de beaucoup d’œuvres de fiction. Or, on ne demande pas à la fiction de nous décrire comment marche le monde, et en échange elle ne prétend pas le faire.

On explique quand même pas mal de choses.

Tout phénomène que les sens humains nous permettraient d’observer est accessible à l’expérimentation scientifique. Ce n’est pas forcément facile, cela peut nécessiter des protocoles complexes, longs, rébarbatifs, mais il n’y a aucune raison pour dire par exemple que la communication avec les défunts ou le voyage astral échapperait à la règle. Même des phénomènes réputés immatériels peuvent être étudiés, puisque ceux qui les rapportent sont faits de matière, possèdent un cerveau également fait de matière, et que l’on peut observer cette matière et mettre en place des protocoles dans lesquels le phénomène présumé a une action sur cette matière.

« La science n’explique pas tout » est alors un faux-fuyant qu’emploient ceux qui veulent continuer de croire en s’exonérant de tout effort pour prouver ce qu’ils disent. Bien sûr, rien ne les oblige à prouver ce qu’ils pensent, rien ne doit empiéter sur leur liberté de le penser. C’est un droit primordial. De même nous devons jouir de la liberté primordiale de rappeler à ceux qui voudraient convaincre les autres de la justesse de leurs thèses sur tel ou tel phénomène, qu’il existe un moyen connu, reconnu, éprouvé, pour eux de le faire. Ce n’est pas en vendant des livres, des conférences ou des films. Ce n’est pas en racontant des histoires sympathiques. Ce n’est pas non plus en dénigrant le travail des autres ou en jouant la victime offensée par le scepticisme légitime qui accueille leurs prétentions. Non, ce moyen de faire leurs preuves, c’est la pensée méthodique, rigoureuse, expérimentale, ouverte, réfutable.

Bref, c’est la science qui prouvera l’existence de l’âme si l’âme existe ; c’est la science qui prouvera l’éventuelle existence de n’importe quel phénomène paranormal. On peut le dire avec une certaine assurance parce que c’est ce que nous enseigne l’histoire du savoir humain. Aucune connaissance apportée par la science n’a jamais été réfutée par une méthode magique ou par l’intuition. Quand une connaissance scientifique devient caduque, c’est toujours le résultat de plus de science.

… Jusqu’à preuve du contraire.

C’est pour ces bonnes raisons que vous ne pouvez vous attendre à voir les gens rationnels épouser votre opinion si vous ne vous astreignez pas à l’étayer avec des arguments vérifiables, avec des preuves réfutables. Et c’est pourquoi encore, si vous échouez à convaincre les sceptiques, la raison de cet échec est à rechercher en premier lieu dans l’hypothèse que votre opinion mérite d’être revue et corrigée.

Des raisons qui nous dépassent.

Nous voulons croire que nos actions ne dépendent que de nous. Même si nous reconnaissons souvent volontiers les influences de nos amis, de nos parents, professeurs, de quelques artistes ou penseurs, nous gardons en nous un petit bastion de conviction que nous prenons pour ce qui fait de nous qui nous sommes : l’idée que nous sommes responsables de ce qui nous arrive.

Surtout quand ce qui nous arrive est positif. Quand des choses mauvaises arrivent, on en trouve plus aisément la cause à l’extérieur. C’est le bais d’internalité, aussi appelé erreur fondamentale d’attribution (et la tronche en Biais en parlera dans son épisode 9).

Nous savons bien que beaucoup de choses échappent à notre contrôle, mais nous acceptons difficilement l’idée que des forces invisibles puissent façonner nos désirs et jusqu’à la manière dont nous nous percevons nous-mêmes. Ces forces invisibles ne sont pas le fruit de conspirations diablement bien orchestrées, mais tout simplement le résultat des influences, subtiles ou non, de notre environnement. C’est ce qu’on appelle le déterminisme social.

Votre lieu de naissance, vos attributs physiques, le nom qu’on vous donne, l’éducation que vous recevez, la langue qu’on vous inculque, tout cela échappe à votre volonté et conditionne les décisions que vous prenez, les actes que vous posez.

C’est un sujet très complexe, et Sisyphe a invité plusieurs personnes à en discuter sur sa chaîne. Retrouvez la vidéo ci-dessous.

Les invités :

* La chaîne de Histony : https://www.youtube.com/channel/UCt8c…
* La chaîne de Juris Planet : https://www.youtube.com/channel/UC8ZF…
* La chaîne de Vled Tapas : https://www.youtube.com/user/LeSetBarre
* La chaîne de Loki Jackal : https://www.youtube.com/user/LokiJackal

C’est avec une certaine déception que nous annonçons l’annulation du débat sur la scientificité de la synergologie®. En effet, M. Turchet, après avoir oralement accepté la tenue d’un débat lors de la conférence du 29 septembre 2016, puis confirmé par la voix de sa directrice [1], a finalement préféré se désister.

Monsieur Turchet a conclu que nos demandes étaient déraisonnables et dignes d’un « harcèlement insidieux ». Nous laissons à chacun la possibilité de lire les courriels que nous lui avons adressés [2]. Au fond, nous ne souhaitions que voir des demandes scientifiques légitimes aboutir, et établir les règles d’un débat équitable pour chacun.

À plusieurs reprises nous avons demandé à M. Turchet de recadrer les échanges sur la préparation de ce débat et des demandes légitimes. Nous vous laissons seuls juges du niveau de harcèlement de nos requêtes :

  1. Le partage des documents, sources d’informations, les vidéos de conférences et les publications de M. Turchet qui étaient citées par lui ou les synergologues.
  2. Les rapports d’étapes des synergologues qui sont considérés comme de qualité et permettent de prouver la validité de la synergologie®.
  3. M. Turchet ayant refusé un débat dans des délais raisonnables (1 an), arguant que les preuves seraient disponibles à l’issue de ce délai, nous lui avons proposé de suspendre temporairement ses activités de formation dans les milieux judiciaires et médicaux. En effet, enseigner des pratiques dont la validité n’est pas prouvée nous semble peu déontologique au regard des conséquences possibles.
  4. Enfin, nous avons demandé à publier l’ensemble des mails afin que chacun puisse se montrer transparent dans ses démarches et propos.

 

Toutes ces demandes ont été refusées sans exception. Nous ne pouvons donc fournir les messages de M. Turchet mais uniquement nos réponses [2]. Bien entendu, il vous est parfaitement possible de les demander à M. Turchet (avec courtoisie et politesse), ceci étant laissé à sa discrétion. Nous serions ravis qu’il publie l’ensemble des échanges afin que chacun puisse se faire une idée.

 

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Concernant les documents produits par les synergologues, M. Turchet nous a donné deux justifications à son refus. La première invoquait une absence de prise en compte des travaux de manière sereine. Or, nous sommes restés parfaitement cordiaux et avons abordé les écrits des synergologues avec le plus grand calme académique, mais non sans “sens critique”. Nous avons tenté d’expliquer à M. Turchet qu’il semblait difficile de pratiquer une rétention d’information tout en nous reprochant de rien connaitre des méthodes de la synergologie®. En vain.

 

La seconde justification, plus intéressante encore, affirmait en substance que le travail des synergologues était confidentiel. Ces informations seraient utilisées dans le but de commercialiser un logiciel. Bien entendu nous avons tenté de vérifier cette information. Nous n’avons pas trouvé de brevet/patente [3,4] concernant la production d’un tel logiciel. Par ailleurs, nous n’avons trouvé aucune clause signée par les synergologues concernant la non-communication de telles informations [5]. Il est parfaitement possible que certains synergologues aient signé un tel document, mais cela ne semble pas le cas de l’ensemble des quelques 200 synergologues.

 

En somme, l’indisponibilité des sources, mais surtout les raisons avancées, nous semblent problématiques, manquent de transparence et nous poussent donc à douter fortement de l’idée du secret industriel global. Bien entendu, nous invitons tous les synergologues, s’ils le souhaitent, à nous faire parvenir de tels documents ou leur rapport d’étape.

 

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Malgré le désistement de M. Turchet, nous avons essayé d’ouvrir le débat avec l’un de ses directeurs de thèse, Monsieur Parisse. Celui-ci n’a pas souhaité répondre à notre invitation. Selon M. Parisse, ce débat n’aurait d’intérêt qu’après la production de suffisamment de données sérieuses et la démonstration par M. Turchet de la validité de son approche lors de sa thèse.

 

“La thèse de Mr Turchet est en cours de réalisation. Il s’attache dans cette thèse à faire ce que demandent Denault et collègues, c’est à dire réaliser un travail scientifique reproductible et démontrant la validité ou non des principes qu’il défend, en utilisant les méthodes classiques citées par Denault: validation Popperienne et Kappa de Cohen. […] Est-ce que Mr Turchet s’inscrira dans cette recherche (en faisant référence aux principes de publication scientifique de revues telles que Gesture), où échouera t il à démontrer la validité de sa méthode, une première réponse arrivera à la fin de sa thèse.”

 

Ceci implique que les preuves scientifiques n’existent pas encore. Une réponse qui détonne fortement avec les propos de M. Turchet et de ses collaborateurs qui affirment la validité scientifique de la synergologie® [6-8]. Les propos du directeur de M. Turchet vont même à contre-pied de la méthodologie que souhaite appliquer le fondateur de la synergologie®. Par exemple, M. Turchet voulait intituler le débat « Face à l’échec de l’expérimentation traditionnelle du langage corporel : réflexion sur les nouvelles voies de recherche« , allant de fait à l’encontre de la position publiée par Denault et al. (2015) [9] concernant la synergologie®. Par ailleurs, M. Turchet avait publié un article de blogue qui se voulait la réfutation de la publication de Denault et al. (2015)  [10].

Nous ne doutons pas de l’honnêteté des propos du directeur de thèse de M. Turchet qui nous semblent modérés, raisonnables et représentatifs de la suspension de jugement à l’égard de la validité de la synergologie®. Cependant, l’incohérence entre les propos de M. Turchet et de son directeur de thèse nous interpelle quant à la démarche que suivra M. Turchet. Le message de M. Parisse nous semble donc cohérent avec notre position qui consistait à demander, pour des raisons éthiques (voir la demande numéro 3), l’arrêt des formations dans l’attente de preuves tenant compte des critiques de Denault et al. (2015).

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Comme vous le constatez, nous n’avons donc pas reculé, contrairement à ce qu’avait prédit la directrice de l’Institut de synergologie® [1], mais le débat a, semble-t-il, fait reculer M. Turchet. Au vu de ce refus, nous envisageons donc de réaliser une série d’articles sur la synergologie®, permettant d’expliquer notre point de vue sur la discipline, ainsi que les dangers potentiels liés à la pratique de la synergologie®. Toutefois, cet article de blogue n’est pas synonyme de fermeture quant à la possibilité de débattre publiquement ou d’échanger des documents.

 

 

Nicolas Rochat

Frédéric Tomas

 

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  1. https://www.facebook.com/InstitutEuropeenDeSynergologie/posts/724379797711506
  2. PDF lettre mail
  3. http://bases-brevets.inpi.fr/fr/resultats-recherche-simple/1482427837026/result.html
  4. http://www.ic.gc.ca/opic-cipo/cpd/fra/recherche/resultats.html?query=Turchet&start=1&num=50&type=basic_search&newSearch=0
  5. licence pour les Synergologues juin 2012
  6. De Blois, N. Annabelle Boyer décode le langage nonverbal L’Écho de la Lièvre, 2013
  7. Gagnon, C. (s. d.-a). Langage non verbale, langage universel du corps la synergologie. Consulté le 2015-09-24, sur http://www.christinegagnon.ca/fr/synergologie/synergologie-et-science
  8. Bagoe, F. (s. ). Synergologie : une discipline critiquée ? Consulté le     2015-09-24, sur             http://www.ds2c.fr/blog/synergologie-une-discipline-critiquee.html
  9. Denault, V., Larivée, S., Plouffe, D., & Plusquellec, P. (2015). La synergologie, une lecture pseudoscientifique du langage corporel. Revue de psychoéducation, 43 (2), 427-457.
  10. http://philippe.turchet.synergologie.org/2015/06/10/la-synergologie-et-les-faits
Cet article est tiré du manuscrit La vie après la mort – Une approche rationnelle, paru aux éditions book-e-book, collection Une chandelle dans les ténèbres dirigée par Henri Broch, dont il constitue une annexe.

L’idée que la physique quantique prouverait l’existence d’un au-delà se propage, se répète et se défend sur bien des supports livresques ou électroniques qui n’ont qu’en apparence des liens avec la démarche scientifique. Ce mélange des genres est parfaitement illustré par la théorie du biocentrisme.

Qui est le Dr Lanza ?

Lanza fortune-magazine-coverMédecin et chercheur en biotechnologies, Robert Lanza est a priori quelqu’un de sérieux, même s’il s’amusait à faire des expériences génétiques sur des poulets dans son sous-sol quand il était adolescent… (ce qui ne relève pas d’un sens de l’éthique particulièrement poussé). Il travaille sur les cellules souches et le clonage dans des laboratoires solides, a une carrière de haut standing avec des articles qui lui sont consacrés dans Fortune ou Time Magazine (qui le classe dans les 100 personnes les plus influentes du monde en 2014). Il n’est pas question de douter de ses compétences pour le plaisir de douter ; admettons par conséquent que le Dr Lanza est un chercheur en biologie largement qualifié.

En 2007, il publie dans la revue littéraire American Scholar un article sobrement intitulé « A New Theory of the Universe » dans lequel il place la biologie au-dessus des autres sciences, ce qui est un peu trop flatteur pour les biologistes qui se passent volontiers de ce genre de prétention. Deux ans plus tard il sort un livre « Biocentrisme : comment la vie et la conscience sont les clefs de la compréhension de l’univers »[1]. On constate qu’il est question ici d’une théorie sur… tout. Et cela sort de l’ordinaire pour dire le moins. Lanza dit carrément qu’il pense réussir l’unification qu’Einstein aurait échoué à réaliser : « Einstein croyait qu’il pouvait construire à partir d’un côté de la nature – le coté physique, sans l’autre côté — le vivant. Mais il était physicien, et en tant que tel, il ratait ce qui n’était pas dans sa fenêtre. »[2]

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Que dit la théorie du biocentrisme ?

Beaucoup et très peu à la fois, à telle enseigne que le nom de « théorie » est abusif. Sans en trahir l’esprit ni le tourner le moins du monde en ridicule, en respectant la manière dont Lanza exprime ses idées, voici ce que dit le biocentrisme : la conscience crée l’univers. Le temps et l’espace n’existent pas mais sont de simples manifestations dans notre esprit. La réalité est déterminée par l’observateur. Les particules voyagent dans un « champ de conscience ». Le biocentrisme et la relativité prévoient les mêmes phénomènes, mais le biocentrisme est supérieur car il n’a pas besoin d’imaginer une dimension supplémentaire ni de nouvelles mathématiques pour être formulé.

Lanza donne à l’échec d’Einstein une explication qui ne s’embarrasse pas du langage généralement employé en science, celui des faits expérimentaux, de la justesse des prévisions, de la cohérence du modèle théorique, voyez plutôt : « Si seulement en rentrant du bureau, Einstein avait jeté un œil par-dessus l’étang et regardé les poissons percer la surface pour contempler le vaste univers dont ils ne représentent qu’une partie infime et complexe. « Nous sommes là, nous sommes là ». Mais il ne vit pas au-delà des équations, les poissons ridant la surface de l’eau, les oiseaux et les papillons mariant leurs couleurs avec celle du ciel. »[3]

Le biocentrisme prétend que la science actuelle a tout faux et que c’est la vie qui est au centre de l’existence, de la réalité et du cosmos. En d’autres termes, c’est la pensée magique avec un nom savant : « Quelque part dans la poussière de l’univers, il y a peut-être des trous noirs et des quasars, mais sans vie, ils n’ont pas le pouvoir de bouger des planètes et des systèmes solaires quand l’ensemble de l’espace et du temps est enfermé dans notre propre tête. »[4]

Quel rapport avec la question de la vie après la mort ?

 

Le nom de Lanza ressort à la moindre requête internet sur ce que la science peut dire sur la mort et ce qui se trouve au-delà. Lanza défend l’idée que le biocentrisme est une théorie réfutable (et donc scientifique) et il place ses espoirs de validation dans la… physique quantique. Il prétend que le biocentrisme est le paradigme dans lequel on expliquera au mieux le principe d’indétermination d’Heisenberg, l’expérience des fentes d’Young et le « réglage fin » des forces de l’univers. Et surtout, il répète que la physique quantique permet de dire que la mort n’existe pas.

Autant vous dire qu’avec ce genre de prétention on a trois cas de figure. Ou bien la communauté scientifique adopte la nouvelle idée car elle est cohérente et étayée, et parce qu’elle explique mieux le monde que les anciennes théories (ça arrive, c’est ce qui s’est passé avec la Relativité d’Einstein). Ou bien la communauté est divisée ; certains reconnaissent les mérites de la nouvelle idée, mais d’autres n’y adhèrent pas, ne sont pas convaincus, et cela produit une période de débat et de controverse dans la communauté scientifique (ça arrive souvent ; en ce moment la théorie des supercordes est dans ce cas de figure). Ou bien l’idée est si faiblement construite, si pauvrement prouvée ou si peu originale que les experts ne voient pas vraiment de raison d’en débattre (ça arrive tout le temps, et ces idées-là sont jetées aux oubliettes sans même passer par la poubelle de la science, comme la théorie des anciens astronautes). Dans le cas du Dr Lanza, le niveau de prétention de sa théorie qui existe depuis huit ans et le désintérêt profond qui l’accueille chez les scientifiques augurent assez nettement de la catégorie dans laquelle on peut le ranger. Mais ne préjugeons pas trop, et accordons-nous à penser qu’il peut avoir raison, après tout.

Sur quoi s’appuie cette « théorie » ?

Lanza n’a pas vraiment fait de travaux visant à prouver ou réfuter sa théorie, mais sa déclaration que la physique quantique a prouvé l’existence de la vie après la mort lui vaut d’être l’une des pseudo-autorités dans le domaine de l’au-delà.

Nos connaissances actuelles indiquent assez clairement que pour qu’il y ait conscience, il faut réunir beaucoup de conditions, et notamment il faut avoir à sa disposition un univers localement assez bien organisé où la matière va former des structures capables de s’auto-organiser, de se reproduire, et, en un mot, d’évoluer. Mais c’est pile l’inverse que propose M. Lanza. Pourquoi ? À cette question, nous n’obtenons de réponse que sous la forme de platitudes et d’élucubrations qu’on pourrait traduire par « Ta gueule, c’est quantique. »[5]

Une vision du monde irrationnelle.

Et Lanza de publier dans le Huffington Post un article en collaboration avec Deepak Chopra, le gourou de la pensée magique sauce quantique qui pratique probablement la forme de langage la plus creuse accessible à l’être humain[6]. Cet article vise à tourner Darwin en ridicule à grand renfort d’appels à l’ignorance et du fallacieux principe anthropique. Nous avons donc affaire à un biologiste anti-darwinien qui ne publie ce genre de propos que dans la presse non scientifique.

Pour vous faire une idée du type de raisonnement à l’œuvre, ils défendent l’idée que le temps ne peut pas exister car cela voudrait dire que vous êtes en ce moment au dernier jour, à la dernière minute, à la dernière seconde produite par l’univers après une éternité d’instants empilés les uns à la suite des autres. Or, quelle est votre chance d’être là, précisément à ce moment ? Une chance sur une infinité : vous n’avez donc aucune chance d’être là, vous ne devriez pas être là. Notre existence et celle du temps seraient donc incompatibles. Or, comme le temps et l’espace n’existent pas, la conscience ne peut pas s’éteindre, personne ne peut mourir, et la vie est éternelle… Voilà.[7]

Alors bien sûr, on peut vouloir que cela soit vrai. C’est compréhensible, et d’une certaine manière c’est même ‘naturel’, au sens des propensions intuitives de notre psyché à vouloir prolonger notre existence. Mais vouloir que cela soit vrai n’est pas une preuve que cela l’est vraiment. Et évoquer les principes de la physique quantique, en dehors du contexte bien précis dans lequel ils décrivent des phénomènes bien réels, n’est pas un argument scientifique. Le physicien Sean Caroll a une réponse à ce genre de propos : « La conscience est compliquée et déroutante, la physique quantique est compliquée et déroutante, alors certains nous disent que les deux doivent être la même chose. »

Depuis deux siècles, la science contrarie nos intuitions narcissiques en nous éjectant du centre du cosmos, du sommet de l’évolution et en nous considérant comme un épiphénomène de l’univers. Le biocentrisme de Lanza est un moyen de revenir là-dessus et de placer la conscience (humaine) au cœur du cosmos. C’est en fait un égocentrisme.

Bien sûr Lanza n’est que l’un des multiples théoriciens de l’au-delà qui à défaut de preuves scientifiques construisent des narrations qui feraient de potentiels bons livres s’ils avaient le courage de les nommer fictions.

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Vous pouvez retrouver ce texte  et d’autres réflexions sur le concept d’au-delà et sur les Expériences de Mort Imminente dans ce livre.

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Références

[1] Biocentrism: How Life and Consciousness are the Keys to Understanding the Universe. http://www.robertlanza.com/biocentrism-how-life-and-consciousness-are-the-keys-to-understanding-the-true-nature-of-the-universe/

[2] « Einstein believed he could build from one side of nature — the physical, without the other side — the living. But he was a physicist, and as such, missed what was outside his window. » dans l’article intitule : Did Einstein Set Science Back 100 Years? http://www.robertlanzabiocentrism.com/did-einstein-set-science-back-100-years/, consulté le 15.12.2015.

[3] Ibidem

[4] Toujours Ibidem…

[5] http://www.tvqc.com/2013/12/la-physique-quantique-prouve-quil-ya-une-vie-apres-la-mort/

[6] Il existe un site : « Wisdom of Chopra » où le visiteur est invité à deviner si des phrases sont tirées du compte twitter de Chopra ou d’un générateur aléatoire d’absurdité. Exemple : « Le temps est la continuité de la mémoire qui utilise l’égo comme un point de référence interne ». (Time is the continuity of memory using ego as an internal reference point)

[7] http://www.robertlanzabiocentrism.com/life-is-forever/*