La chaîne aborde sur un ton décalé dans la forme mais sérieux sur le fond les raisons qui font que notre lecture du monde est souvent bancale.

Le texte qui suit est le script de la vidéo Tronche de Fake #1 : Discours créationniste chrétien que vous pourrez visionner en fin d’article.

Il s’agit de l’analyse de la première partie de la conférence de l’Abbé Frament, donnée au sein d’un lycée français, une école hors contrat où ce genre de dérive (et combien d’autres ?) est possible puisqu’on la retrouve affichée sur le net.

Le lecteur curieux pourra trouver une autre critique de cette vidéo dans l’excellent blog La Théière Cosmique.

 

Introduction.

Il y a quelques jours je découvrais la vidéo de l’abbé Frament intitulée « L’évolution selon les manuels de SVT: ils sont inexcusables ».

Le monsieur explique qu’il présente ici une conférence qu’il a déjà donnée à ses élèves du Lycée Saint Bernard de Bailly. J’ignore ce qu’il enseigne, probablement la philosophie ou la théologie. Ici, il a décidé de présenter à ses lycéens des arguments scientifiques.

(1min00) … « Nous donnons à nos élèves la réponse à l’évolution d’un point de vue philosophique en classe de philo et d’un point de vue théologique en cours de doctrine… mais l’abbé m’a demandé de voir ça plutôt du côté des arguments scientifiques. »

Avant de réaliser cette réponse en vidéo, j’ai tenté de contacter ce monsieur en écrivant au webmaster du site sur lequel il a écrit quelques articles. Plusieurs semaines ont passé, je considère ne plus devoir attendre une réponse, mais si d’aventure il désirait débattre de ces questions avec moi, j’espère être disponible pour pouvoir répondre présent.

Je porte une blouse, uniforme de l’autorité scientifique. Ceux qui ont vu les autres vidéos de la Tronche en Biais ont compris que c’est un moyen pour nous de démythifier ce costume. Somme toute l’habit ne fait pas le moine. En l’espèce, la blouse servira de réponse au petit col blanc de l’autorité théologique que monsieur l’abbé représente aux yeux des élèves qui ont dû suivre cette malheureuse conférence.

Regardons-en le contenu.

2min 10 « On abordera les impasses, les difficultés que posent les théories générales de l’évolution. Et arrivé à ce point-là les élèves demandent mais pourquoi enseignent-ils encore l’évolution ? (…) Pourquoi s’obstinent-ils ? »

2min40 « une théorie est un ensemble d’hypothèses»

Non. Une théorie n’est pas juste un ensemble d’hypothèses, c’est un modèle explicatif du monde, une approximation de la manière dont la nature fonctionne. La théorie est construite à partir de connaissances préalables, d’observations nouvelles, d’hypothèses sur les mécanismes à l’œuvre et de prédictions sur ce que des expériences ou des relevés doivent montrer si la théorie est juste, à quoi s’ajoutent les méthodes et les protocoles pour vérifier le statut de ces hypothèses. La théorie, c’est le niveau le plus élevé de la construction conceptuelle des explications sur l’état et le fonctionnement du monde. Ce serait bien de ne pas l’oublier.

3min « La théorie ne vaut… comme toute chaine, que ce que vaut le maillon le plus faible.»

Comparaison n’est pas raison.

Une théorie ce n’est pas une chaine, parce que la manière dont la science explore la nature n’est pas rectiligne. Il y a de nombreuses disciplines dont les résultats se répondent et parfois se contredisent et permettent ainsi d’améliorer les connaissances. Il eut été plus inspiré de comparer une théorie à une toile d’araignée où se qui compte c’est la cohérence du maillage. Mais encore une fois comparaison n’est pas raison ; les images faciles sont propices à travestir la réalité, et on ferait bien d’en éviter l’usage, à moins de savoir très exactement de quoi on parle et dans quelles limites on établit cette comparaison.

Ajoutons qu’une théorie aussi riche que celle de l’évolution a de très nombreux faits à expliquer : la biodiversité, les convergences évolutives, les dimorphismes sexuels, les comportements, et mille autres choses. Si la partie de la théorie qui s’intéresse à l’un de ces phénomènes s’avère faible et fausse, cela ne rend pas automatiquement caduque le reste du paradigme évolutif. Car l’évolution est une théorie mais c’est aussi un paradigme, c’est-à-dire un angle de vue sur le réel qui est la source d’une vision du monde.

 

Partie 1. L’origine de la théorie.

3min40 « Les deux théoriciens de l’évolution : Lamarck et Darwin »

La pensée évolutionniste ne date pas de Lamarck et Darwin[1]. Durant l’antiquité, il y a eu Anaximandre, Démocrite ou Empédocle pour proposer des origines non surnaturelles aux espèces. Il y a eu des Chinois, des Romains puis des penseurs du Moyen-Orient pour suggérer que les êtres vivants n’étaient pas immuables. À la Renaissance, Buffon est beaucoup moins fixiste que Linné, Cuvier démontre des épisodes d’extinction d’espèce dans le passé, et le grand père de Darwin, Erasmus écrit déjà que tous les êtres vivants descendent sans doute d’organismes rudimentaires qui vivaient dans la boue… Ce que Lamarck cherche à comprendre, c’est le mécanisme de ce qu’on appelait le transformisme ; il échoue en partie. Et Darwin va proposer sa théorie de la sélection naturelle ; pas tout seul d’ailleurs puisque le jeune Wallace arrive aux mêmes conclusions de manière indépendante ; tous les deux publieront ensemble leurs travaux.

Il est donc parfaitement incorrect de dire  :

4min45 « la théorie de Lamarck est tombée quand on a commencé à étudié l’ADN»

Puisque l’ADN était totalement inconnu à l’époque où la sélection naturelle a été formulée par Darwin et Wallace. Il s’écoulera 95 ans avant la découverte de la molécule porteuse de l’hérédité par Watson, Crick et Franklin. Comment quelqu’un qui prétend enseigner le sujet à des lycéens peut-il en savoir si peu

« L’ADN de Rambo n’est pas modifié parce qu’il a fait du culturisme. »

Il est vrai que Darwin a longtemps continué à croire à l’hérédité des caractères acquis. Il avait tort. Mais il se trouve qu’on sait maintenant que ce n’est pas non plus complètement faux. L’épigénétique ça existe. C’est un domaine où il reste beaucoup de choses à comprendre, mais une chose est sûre : pour le moment il est simplement faux de dire que l’on sait que le culturisme a ou n’a pas d’effet sur la manière dont vont s’exprimer les gènes de la génération suivante. Il peut se produire des modifications épigénétiques subtiles et héritables ; la recherche dira si c’est le cas ou non. À ce jour, il convient d’être humble et prudent et de ne pas se risquer à des affirmations péremptoires si on ne veut pas finir par être démenti par des gens mieux informés.

5min26 « Darwin a donné deux théories. La micro-évolution et la macro-évolution »

Darwin n’a jamais dit ni écrit ça. Ces mots datent de 1927[2] sous la plume de l’entomologiste russe Yuri Filipchenko… qui n’est pas darwinien. Il croit à l’existence d’une force qui dirige l’évolution, et refuse la sélection naturelle de Darwin. Les termes sont ensuite utilisés par son élève Theodosius Dobzhansky, qui lui fut l’un des auteurs de la théorie synthétique de l’évolution, laquelle intègre les principes darwiniens avec les connaissances biochimiques acquises par la suite.

Quoi qu’il en soit  les biologistes de l’évolution ne font pas de réelle distinction entre micro et macro-évolution. C’est la même chose ; seule l’échelle temporelle diffère. Vouloir les distinguer comme le fait le monsieur, ce serait comme dire que les historiens considèrent que les siècles et les millénaires sont des choses sans aucun rapport entre elles.

6min : L’exemple de la phalène du boulot et du mélanisme industriel. Il parle de rocher, de feuille et de « deux zones géographiques différentes»

Monsieur l’abbé parle ici de l’exemple célèbre des phalènes du bouleau et de ce qu’on a appelé le Mélanisme industriel[3]. Mais comme il mélange un peu tout, reprenons cet exemple très simple que l’on enseignait il y a quelques années au collège.

La phalène du bouleau est un papillon de nuit qui se pose dans la journée sur l’écorce des arbres. Ces papillons sont de tailles, de forme et de couleurs multiples, c’est la diversité interne à toutes les espèces. C’est la même chose que chez les humains où chaque individu est un peu différent des autres.

La révolution industrielle arrive et la pollution par le charbon encrasse les troncs d’arbres. Et alors que constate-t-on ? Que les phalènes de couleur claire, qui étaient les plus nombreuses, deviennent moins fréquentes au fil des ans alors que les phalènes sombres, elles, font le chemin inverse. La couleur sombre devient un avantage sélectif pour les individus. C’est l’illustration simple et claire du mécanisme de la sélection naturelle au sein d’une diversité préexistante.

Ce qui est très intéressant c’est que la pollution a fini par diminuer dans cette région. Les troncs d’arbre retrouvent leur blancheur, et à nouveau les phalènes blanches ont  un avantage, si bien que leur population augmente au détriment des phalènes sombres. Cela montre que la diversité génétique est demeurée riche au sein de l’espèce, contrairement à ce que monsieur l’abbé pense avoir compris.

6min50 : « ce qui s’est passé pour les Pinsons des Galapagos c’est qu’avec le temps, ils n’ont plus été capables de se reproduire entre eux non pas pour des raisons génétiques mais pour des raisons physiques. »

Les pinsons qui ne peuvent pas se reproduire entre eux, c’est la définition même d’une spéciation au sens de l’espèce biologique. Le phénomène ici est dû à un isolement reproductif entre des populations isolées sur des iles. Nul besoin d’invoquer une incompatibilité « physique » (mal définie) et surtout nulle raison d’écarter des raisons « génétiques » comme ça, gratuitement. Ce qui sépare ces pinsons, c’est le temps : de génération en génération, leurs génomes s’éloignent. On parle de « dérive génétique », donc ben… c’est génétique. Même que ça se calcule, cette dérive.

7min24 « Exemple des races de chiens.. . Pourtant c’est la même espèce, on a la même paradigme génétique. comparaison avec les pinsons qui ne se reproduisent pas entre eux et là on dit que ce sont des espèces… « vous verrez ils le disent maintenant : La notion d’espèce est mal définie. Je n’ai pas autorité. On se sert de cette notion floue…» à 8min22

La notion d’espèce est floue… C’est à la fois vrai et terriblement ironique de le remarquer, puisque l’espèce est à l’origine un concept fixiste !

[On parlait d’espèces bien avant Darwin, et on continue pour des raisons pragmatique, mais  les sciences de l’évolution nous ont appris que les espèces n’étaient pas homogènes dans le temps et dans l’espace, qu’elles n‘avaient pas de frontière bien définies, non pas parce que nous aurions du mal à trouver les critères objectifs qui les séparent, mais certainement parce que ces critères n’existent pas. Moralité il n’y a pas d’espèce, mais des lignées en perpétuel changement. Mais pour le comprendre, il faut être dans le paradigme évolutif.

 « Rien n’a de sens en biologie sinon à la lumière de la théorie de l’évolution. » Theodosius Dobzhansky

9min « Ensuite il y a la deuxième théorie de darwin… la macro-évolution » « on passe du poisson au lézard, du lézard au dinosaure et cetera et on arrive au singe et à l’homme.»

Monsieur l’Abbé ne vous fait-il pas penser à madame Garrison ?

https://www.youtube.com/watch?v=F9NPnKZkF-Y

« Les êtres vivants viennent d’une même souche qui s’est multiplié par le hasard, par la sélection naturelle. »

C’est très flou, ça, monsieur ! Le hasard intervient au niveau des mutations aléatoires dans le génome. Ensuite il n’y a plus beaucoup de hasard. Il faut que la mutation soit compatible avec le développement de l’embryon, sinon c’est une fausse couche et ça arrive tous les jours. Ensuite si la mutation apporte un désavantage, elle ne sera pas transmise à la descendance, au contraire si elle est avantageuse, elle aura tendance à se fixer dans la population, et là c’est un phénomène aléatoire, mais l’avantage n’est pas dû au hasard, mais au contraire à la forte résilience des pressions de sélection au cours du temps dans un environnement donné. Évidemment si on ne dit pas cela et qu’on se contente de lancer le mot hasard, la théorie semble fumeuse.

C’est un procédé rhétorique malhonnête qu’on appelle l’argument de l’épouvantail. On travesti la position que l’on attaque et on se bat avec un épouvantail pas très fortiche en défense. Mais, bien sûr on ne prouve rien et ne convainc que ceux qui ne connaissent pas la vraie version de la thèse adverse.

9min40 « les arguments qu’il apporte sont l’anatomie comparée.. ‘tous les êtres qui respirent ont une cage thoracique »…

Tous les organismes pluricellulaires respirent. Tous n’ont pas de cage thoracique, vérifiez sur une méduse ou une écrevisse, et nous avons donc une jolie preuve que les approximations grossières et fausses n’effraient pas monsieur l’abbé. C’est dommage.

9min53 « tous les êtres qui marchent ont des jambes… paléontologie : des formes qui vont du plus simple au plus complexe »

L’évolution n’est pas un changement vers le plus complexe. Les être unicellulaires restent à l’heure actuelle les plus nombreux, les plus diversifiés et les plus adaptés à tous les milieux. Le monsieur ne dit pas exactement le contraire, mais c’est sans doute mieux de le rappeler quand même, car je doute qu’il ait cela en tête.

« Les principes de Darwin. Premièrement des changements très progressifs (..) la nécessité pour cela d’innombrables formes intermédiaires. Deuxièmement c’est le hasard des mutations génétiques et la sélection naturelle du plus apte à la survie.

En fait c’est la sélection naturelle du suffisamment apte, et la nuance est d’importance.

« On verra les innombrables objections, voire même les impossibilités que ces hypothèses soulèvent. »

Avec plaisir.

11min « Actuellement on a Néodarwinisme avec deux tendances. Les vitalistes ( !) qui affirment l’existence d’une force de complexification (!!) et les « mécanistes ». Ca rappelle Anaxagore et Démocrite, c’est exactement la même erreur que ces grecs. »

 

Là c’est très intéressant car quand on recherche dans la littérature scientifique des concepts « vitalistes », c’est-à-dire liés à une force  vitale, à un principe organisateur du vivant qui dirigerait l’évolution… Eh bien on ne trouve rien. Parce que c’est pas du tout un concept scientifique !

Le monsieur est sans doute diplômé en philosophie, mais il lui faudrait lire un peu les travaux des biologistes… ou même simplement les manuels qu’il critique pour s’aviser que nulle parton ne trouve le présupposé d’une force vitale, puisque ça c’est précisément un concept spirituel, voire religieux, c’est sa vision du monde a lui qui réclame l’existence d’un tel principe. On a une expression facile pour décrire ce à quoi nous assistons : « Prendre son cas pour une généralité ».

« Donc voilà pour l’origine de cette théorie de l’évolution… »

Et pour la suite, je vous donne rendez-vous dans une prochaine vidéo. D’ici là, prenez-soin de votre esprit critique.

3. Regarder la vidéo. Discours créationniste Chrétien – Tronche de Fake #1 (Abbé Frament)

 

 


 

Références

[1] https://fr.wikipedia.org/wiki/Histoire_de_la_pens%C3%A9e_%C3%A9volutionniste

[2] https://fr.wikipedia.org/wiki/Micro%C3%A9volution_et_macro%C3%A9volution#Origine_des_termes

[3] Cf. la critique de ce cas d’école par Christian Le Guillou https://www.google.fr/url?sa=t&rct=j&q=&esrc=s&source=web&cd=3&cad=rja&uact=8&ved=0ahUKEwi9hffU5brJAhWGPRoKHeayAI0QFggwMAI&url=http%3A%2F%2Fwww.svt.ac-aix-marseille.fr%2Fancien_site%2Fexpoconf%2Fdarwin%2Fla_phalene_du_bouleau.pdf&usg=AFQjCNFX5qKFQta4RdBMZkkrnzBm5t6yTQ&sig2=66xtZm9uO_3VvO2gQBlPnQ

Invité : Clara Egger et Ismaël Benlismane, du CORTECS

Emission enregistrée à Grenoble en novembre 2015.

Nous avons profité de notre passage à Grenoble et de l’accueil chaleureux de l’équipe de Radio Campus Grenoble pour échanger une heure durant avec Clara Egger et Ismaël Benslimane, membres du CORTECS.

CORTECS = COllectif de Recherche Trans-disciplinaire Esprit Critique & Sciences.

Ce fut l’occasion de parler de la place de la pensée critique dans l’enseignement et de la difficulté d’utiliser des médias et des réseaux dont le fonctionnement même est souvent antinomique avec cette pensée critique.

Pour en savoir plus, visitez le site de CORTECS : http://cortecs.org/

 

J’hallucine !

Vous voyez le monde à travers vos sens… Ou plutôt  travers le « sens » que vous donnez à ce que reçoivent les structures de votre corps qui relient votre cerveau à son environnement. Vos perceptions sont le résultat de stimuli qui passent par le filtre de vos récepteurs sensoriels et de très nombreuses structures cérébrales capable de reconnaître un signal au milieu du bruit ambiant.

Dans sa boite crânienne, votre cerveau reconstruit le monde. Et vous vivez donc tout entier dans ce monde mental qui pourrait bien être sensiblement différent du monde « réel » si un tel mot a un sens.

Pour mieux vous en rendre compte, regardez la conférence de Vled & Mendax lors de la journée Vulgarizators 2 à Lyon en novembre 2015 !

 

***

Un grand merci aux organisateurs et au staff de Vulgarizators, en particulier Yohann Thenaisie.

Les autres conférences du jour ont été données par :

Invité : Guillaume Lecointre, Professeur de Systématique au Muséum d’Histoire Naturelle.

Emission enregistrée le 12 janvier 2016.

Editorial

Celui qui se méfie des scénarios paranormaux, qui dénonce la pensée magique, qui suspecte la matière d’être capable d’expliquer par elle-même le monde dont il est témoin, qui pense que la psychologie et la sociologie donnent à voir des déterminismes cachés éclairant les mystères des légendes et des religions, celui qui pense que toute vérité est bonne à croire à condition de l’avoir fait passer au crible de la pensée méthodique, qui décline l’offre de vérité absolue des spiritualités vendues sous le sceau de la tradition ou de l’exotisme ou des deux, celui qui veut savoir pourquoi il pense savoir ce qu’il sait, et qui aimerait que les autres en fassent autant, qui rechigne à accorder à chacun le droit d’avoir raison contre les faits et s’entête à douter même de ses doutes, celui qui veut que ses  connaissances soient toujours sur la sellette afin d’être remplacées dès que s‘annonce une alternative plus vraisemblable, celui qui est agaçant parce qu’à force de ne pas prétendre avoir définitivement raison, il réussit à ne jamais avoir vraiment tort dans sa démarche, celui qui maîtrise le doute raisonnable, celui-là est familier, plus qu’il ne le voudrait, avec l’acrimonieuse accusation du crime honni contre la pensée, la salissure intellectuelle qui voudrait souvent clore les débats d’idée.

Celui-là, c’est un scientiste, mesdames et messieurs.

Le scientisme consiste à penser que la science à réponse à tout. La moindre de vos questions, vos petits embarras, vos lourdes angoisses, tournez-les vers la science et elle vous apportera des solutions.

Parmi les questions qu’on se pose, et depuis longtemps, il y a celle du sens de la vie. Pourquoi y a-t-il quelque chose plutôt que rien? Qui suis-je ? Qu’est-ce que la conscience ? A quoi sert l’univers ? Chacun peut imaginer son lot de questions métaphysiques, et le scientisme consisterait à dire que la science a les moyens d’y répondre.

Je n’ai jamais croisé ce genre de scientiste chez les sceptiques, les zététiciens, les rationalistes. Mais peut-être ces gens existent-il, peut-être faut-il apprendre à reconnaître les adeptes des sciences holistiques.

Nous allons nous poser la question de ce que la science, telle que pratiquée dans le monde académique de nos jours, dit sur ses propres limites. Nous verrons qu’elle ne prétend pas répondre à la question du sens de la vie, et pourtant certains semblent le croire. Elle ne dit rien sur l’existence de Dieu, et pourtant là-encore des scientistes nous disent le contraire.

Pour cette rentrée 2016, nous recevons un scientifique pour lui demander d’éclaircir un peu la notion du scientisme, et celle du positivisme, pour retrouver ensemble les contours du périmètre d’action de la science, et décrypter la position relativiste qui lui dispute sa place unique dans le paysage de la connaissance. Cet invité, c’est Guillaume Lecointre, systématicien et professeur au Muséum d’Histoire Naturelle.

 

 

Invité : Jaques Grimault, Pyramidologue, informateur du film La Révélation des Pyramides.

Emission enregistrée le 05 février 2016.

Editorial

Ce soir nous allons parler méthode. Comment évaluer la vraisemblance d’une proposition ? Comment étayer une hypothèse et prouver une théorie ? Nous allons en discuter avec la personne qui se présente comme l’auteur des travaux derrière La Révélation des Pyramides.

Alors, on va spoiler un petit peu, et vous présenter ce qu’on trouve dans ce film très brièvement, vous pourrez ensuite vous faire votre idée en le regardant si ce n’est déjà fait.

Le point de départ c’est l’idée que la pyramide de Khéops n’est pas ce qu’on croit qu’elle est. Ce ne serait pas un tombeau, et pas celui de Chéops. En effet sa conception serait trop « parfaite », avec une précision par endroit, je cite : « au tiers de millimètre », un alignement hyper précis avec les points cardinaux, et cetera, et cetera. Les dimensions mêmes de la pyramide indiqueraient que ses bâtisseurs connaissaient l’unité de longueur de notre système métrique, inventé peu après la révolution française et de 0,22 mm trop court par rapport à sa définition en relation avec la longueur du méridien. Et cette valeur du mètre, connue on ne sait comment, et cachée dans la pyramide, permettrait de déduire de ses dimensions tout un tas de choses étonnantes, et notamment la vitesse de la lumière. Cela implique que ces bâtisseurs connaissaient cette vitesse, et là évidemment on est très loin de ce que les archéologues et les égyptologues nous disent.

Mais il y a plus. Vingt sites archéologiques seraient alignés le long d’un équateur penché passant par la pyramide et le centre de l’ile de Pâques. Et ces sites auraient tous en commun un certain nombre de caractères qui permettraient de déduire qu’ils ont été conçus par une seule et même civilisation qui ne connaissait pas la clef de voûte…

Pourquoi cet alignement ? Parce que le pôle nord défini par cet équateur penché à 30° se trouverait, je cite le documentaire « précisément au point d’oscillation du pôle magnétique terrestre »[1], je m’empresse de dire que et j’ignore ce que peut bien être un « point d’oscillation du pôle magnétique terrestre ». Et par conséquent on nous dit que ces édifices ont pour but de nous avertir d’un futur basculement des pôles magnétiques terrestres qui s’accompagnerait de, je cite encore mle documentaire «La destruction par le feu des anciens textes.» C’est-à-dire l’apocalypse.

Avant de donner la parole à Jacques Grimault qui va défendre cette thèse et éventuellement corriger tout infidélité qu’on aurait pu commettre à son endroit, récapitulons ce que tout cela veut dire.

Si c’est vrai alors : une civilisation très ancienne dont nous n’avons aucune trace a construit ou bien a guidé la construction des Pyramides et d’autres sites archéologiques importants partout dans le monde sur une période d’au moins trois mille ans (mais sans se faire repérer) à l’aide d’une technologie inconnue et incroyablement puissante et précise, mais discrète. Pourquoi ? Afin de cacher dans un message mathématique leur connaissance en Cyclologie (les cycles cosmiques) qui annonce que bientôt les pôles géomagnétiques vont s’inverser ce qui va provoquer des catastrophes dans le monde entier (ce qui n’est pas raccord avec ce que l’on sait des précédentes inversions des pôles et de l’histoire de la vie sur notre planète). Mais ces anciens bâtisseurs, malheureusement ont été incapables de laisser un message compréhensible par les scientifiques, et notre avenir repose désormais entre les mains de celui qui a su déchiffrer ce message et qui sait comment sauver l’humanité… Mais qui ne l’a pas révélé après toutes ces années, et promet de le faire dans des films.

Et voici le temps de donner la parole à notre invité, Jacques Grimault, qui se présente lui-même en tant qu’ingénieur en communication touristique et hôtelière. Jacques Grimault, bonsoir

Est-ce qu’on a oublié quelque chose ?

[1] LRDP : «Mon informateur attira mon attention sur le pôle nord qui lui correspondrait si ce cercle était l’équateur, et coïncidence, ce point se trouvait précisément au point d’oscillation du pôle magnétique terrestre, qui était, ce que j’ignorais, différent de notre pôle nord.»

 

 

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Avant de regarder l’émission, vous aurez peut-être envie de savoir où vous mettez les pieds, en consultant :

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A voir aussi : la version graphique de l’entretien réalisée par Livemapping.fr :

http://livemapping.fr/map.php?id=TEB_05_02_2016&mappeur1=tim&filter1=png&PHPSESSID=sllmgespeo7u99oj55ip45too4

Invitée : Sophie Robert, réalisatrice de documentaires.

Emission enregistrée le 22 décembre 2015.

Editorial

 

Une approche thérapeutique peut prétendre guérir par simple imposition des mains, par le miracle de l’eau bénite, grâce à des aimants, des ventouses, des aiguilles ou la récitation d’incantations. Il y a toujours des gens pour y croire, des anecdotes personnelles, des récits, des témoignages. Quand on a la saine réaction d’être sceptique, de se souvenir qu’un témoignage n’est pas une preuve et que quantités de gens croient quantités de mensonges, on doit toutefois se garder de la facilité, celle  qui nous vient presque comme un réflexe, qui consiste à se dire “quelle bande d’idiots ! Faut-il être bête pour croire à de pareilles sornettes ?” Réflexe malheureux s’il en est, car nous sommes équipés du même cerveau que ces gens et nous commettons les mêmes types erreurs, encore et encore.

Une méthode a été inventée pour ne pas tomber constamment dans les mêmes pièges, c’est l’approche rationnelle, critique, scientifique, qui recherche des critères objectifs pour déterminer si une chose est vraie ou fausse. On l’emploie pour déterminer le rôle des gènes, l’âge des roches, la composition des matériaux, l’efficacité des procédés industriels, l’évolution du climat, ou encore pour mesurer l’effet d’un médicament, d’une thérapie, d’un soin quel qu’il soit. Dans le cas de la santé, c’est souvent très compliqué, car beaucoup de facteurs entrent en ligne de compte, et nous savons que les effets contextuels (souvent appelés Placebo) ont un rôle non négligeable qui permet de faire croire au patient qu’on lui a rendu service. Néanmoins des études à grande échelle, et des méta-études sur des milliers de cas et sur des dizaines d’années existent et nous donnent à voir si un type de thérapie, y compris des psychothérapies, a de meilleurs résultats qu’un autre.

En termes de résultats, la littérature scientifique est claire et nette, la psychanalyse n’est pas un bon choix. Elle n’aide pas les gens qui vont mal, et si elle aide les autres, c’est surtout à soulager un compte en banque trop garni.

Il faudrait donc commencer par bien distinguer la psychanalyse des autres approches psychologiques, car la psychothérapie n’a pas été inventée par Freud, et il existe une pratique thérapeutique non psychanalytique et fondée sur les travaux de la science. Il n’y a guère qu’en France (et en Argentine) que le public continue de confondre psychologie, psychiatrie et psychanalyse… Et la faute en incombe en partie aux médias.

Pourquoi voit-on partout à la télévision, dans les journaux et les magazines des “experts” d’obédience psychanalytique, et rarement des chercheurs ou des cliniciens qui n’émargent pas à ces croyances ?

J’ai dit croyance, et cela fera grincer des dents, mais c’est pourtant l’exact libellé que doit revêtir l’adhésion au complexe d’Œdipe, à la catharsis ou au refoulement qui ne sont rien de moins que des dogmes dans lesquels on doit professer sa croyance pour pouvoir rejoindre telle ou telle école de pensée psychanalytique. Dit comme cela, c’est terrible, on dirait presque que la psychanalyse fonctionne comme une secte. On comprend aisément tous ceux qui trouvent cette idée choquante et qui la rejettent en bloc, mais ce n’est pas ce que nous allons faire ce soir. Nous allons essayer de regarder les choses en face.

Bien sûr, le genre de critique que l’on vient de formuler suscite souvent comme réponse la suspicion d’une volonté de nuisance envers ce qui demeure un courant de pensée très présent dans le monde médical français. Il faut assurément de la nuance, de la mesure, du recul afin d’avoir sur la question un avis dépassionné et objectif. C’est pourquoi il est indispensable de se pencher sur la manière dont les psychanalystes répondent aux critiques. Car la manière dont des professionnels répondent aux critiques sur leur profession est un excellent indicateur de la qualité de leur démarche scientifique et épistémologique. Les psychanalystes défendent-ils la psychanalyse sur le terrain de la science, des idées et des faits ?

Pour en discuter nous invitons une personne qui connait très bien le mode de défense des psychanalyste puisqu’elle a été en procès contre certains d’entre eux suite à son film “Le Mur : la psychanalyse à l’épreuve de l’autisme.” j’ai nommé Sophier Robert.

 

Scénariste, documentariste, réalisatrice et productrice de films, documentaires, clips et programmes pédagogiques et scientifiques, Sophie Robert met en image des sujets liés aux sciences humaines.

Plan de l’émission

 

  • 1. C’est quoi la psychanalyse ? 
  • 2. Comment distinguer le bon psychanalyste du mauvais psychanalyste ? (la réponse aux critiques)
  • 3. La psychanalyse est-elle une dérive sectaire ?

 

Les limites de l’entendement

Poursuivons notre exploration des limites de l’entendement. Vous avez désormais que l’usage du doute raisonnable ne doit pas être confondu avec le doute hyperbolique et nihiliste. Vous savez que nous sommes tous en recherche de cohérence et éprouvons une désagréable dissonance cognitive quand ce que nous pensons vrai est contredit, et vous savez également que nous sommes des champions de la création de narrations qui permettent de maintenir l’illusion d’être rationnel alors même que certaines décisions sont purement irrationnelles.

Cinquième épisode.

Il est temps de contempler l’aisance avec laquelle nous sommes capable de nous aveugler nous même. Les biais de confirmation sont probablement le type de biais le plus répandu, le plus multiforme, celui qu’on retrouve dans tous les types de croyance, chez les personnes de bonne ou de mauvaise foi, chez les ignorants comme les savants.
Le biais de confirmation, c’est notre tendance à être infiniment plus sensibles aux éléments qui confortent ce que l’on pense savoir qu’à ceux qui nous indiquent qu’on pourrait bien se tromper.

Testez un peu votre propre propension aux biais de confirmation avec quelques expériences, et partagez autour de vous auprès de vos contacts les plus touchés. Oui, on peut les aider !

Pour soutenir la poursuite de notre projet, visitez notre page Tipeee : https://www.tipeee.com/la-tronche-en-biais

 

 

Pour votre santé cognitive, consommez 5 pages zététiciennes par jour
— L’article du Dictionnaire des Sceptiques du Québec sur les biais de confirmation : http://www.sceptiques.qc.ca/dictionnaire/confirmbias.html
— Et sur Charlatan.info : http://www.charlatans.info/biais-confirmation.php
— Un blog sceptique intéressant : https://latheierecosmique.wordpress.com
— Welcome to the Skeptic Magazine (UK) http://www.skeptic.org.uk/
— Et pour trouver d’autres liens intéressant, visitez la page de la « Galaxie sceptique francophone » http://laelith.fr/Zet/Galaxie-Sceptique-Francophone/


Musique d’intro : Berlioz, extrait de la symphonie fantastique (le songe d’une nuit de sabbat).

Editorial

 

« Une croyance n’est pas une idée que l’esprit possède, c’est une idée qui possède l’esprit. » Robert Oxton Bolt

 

Fascination.

La pensée conspirationniste est fascinante, ce n’est pas un hasard. Elle a intérêt à fasciner pour attirer des individus qui vont ensuite la propager. La pensée conspirationniste, comme tous les mèmes, fonctionne à la manière d’un virus. C’est une entité capable de se répliquer et de muter. Les réplicateurs les plus aptes à infecter de nouveaux cerveaux et à les transformer en incubateurs désireux de les propager sont ceux que l’on va retrouver un peu partout : les gagnants de la course darwinienne des idées.

Être fascinant c’est bien la moindre des choses quand on est un mème efficace et rapide comme le sont les idées conspirationnistes. Mais ça n’est pas suffisant pour garantir un fort degré d’infectiosité. Il faut aussi être capable d’affaiblir les défenses du cerveau dans lequel on va s’implanter. Et il se passe exactement cela : quand une idée conspirationniste s’installe dans un cerveau, même à l’état de toute petite colonie, très discrète, l’individu devient beaucoup plus sensible à de nouvelles infections par des variants de cette idée. Les multiples souches de la pensée conspirationniste œuvrent en synergie. Celui qui croit à l’origine extraterrestre des ovni est plus disposé à croire aux illuminatis et au danger des OGM… et vice-versa. On a même démontré qu’il y avait une corrélation positive dans la croyance en des théories mutuellement contradictoire ; la logique n’a qu’à bien se tenir, la pensée conspirationniste ose tout.

Si les idées conspirationnistes étaient toutes de nature différente, si elles ne partageaient pas une grande partie de leur patrimoine mémétique, leur taux de pénétration serait bien plus faible. Mais la grande force de la pensée conspi se déploie une fois qu’elle est en place, d’une manière tout à fait saisissante.

Insubmersible.

La pensée conspirationniste se caractérise par ce qui est parfois comparé à un insubmersible canard de bain : la Méthode Hypercritique, la pratique d’un doute hyperbolique tourné vers toutes les explications alternatives mais jamais contre elle-même. Elle possède des défenses hors du commun qui la rendent presque inexpugnable. Une fois dans un cerveau, elle est capable de transformer les idées critiques en ingrédient de sa propre confirmation. C’est une pensée irréfutable, qui contient sa propre contradiction : tout élément qui démontre l’absence de conspiration… est la preuve que la conspiration est encore plus sophistiquée que prévue !

Alors bien sûr il ne faut pas oublier les subtilités ; la pensée conspirationniste se présente sous diverses couleurs et parfums, et tous ne sont pas aussi nocifs, agressifs et clivants. Il y a toute une constellation entre le « tous-pourris », « Big Pharma veut nous tuer » et le complot judéo-maçonnique-reptilien… Sans compter qu’en en plus les vrais complots existent !
« Complotiste » est devenu une insulte dégainée un peu rapidement et sans nuance quand les gens se montrent sceptiques. Tentons d’échapper à cet amalgame et ne confondons pas le scepticisme avec le conspirationnisme, car ce serait faire le jeu de la pensée conspirationniste qui a tout intérêt à semer le trouble dans nos défenses, à mimer le ‘vrai’ scepticisme, celui qui est utile, salutaire… et qui est en définitive le seul vrai remède connu comme cette infection mentale.

Mais déjà tentons de comprendre ce qu’est une théorie du complot, quels facteurs nous rendent plus susceptibles d’en être la proie et par quelle mécanique ces théories naissent et se répandent. Et pour cela nous recevons Anthony Lantian qui vient de soutenir sa thèse de psychologie sociale sur les théories du complot.

Editorial

« Personne ne comprend la Mécanique Quantique » disait Richard Feynman.


Bien souvent, tout ce que les gens savent ou croient savoir de la Quantique c’est que personne n’y comprend rien, que c’est contre-intuitif, étrange, exotique et mystérieux. La théorie atteint l’âge vénérale de 100 ans, et pourtant elle reste empreinte de mystère, comme si elle ne concernait pas le vrai monde de tous les jours, mais une arrière cuisine de l’univers, une sous-dimension, des coulisses incertaines que seule une science quasi-alchimique permet d’entrevoir à travers des brumes d’energie libre.

La réalité est en fait plus proche de ce qu’en disait Niels Bohr aux débuts de cette discipline.

« Ceux qui ne sont pas choqués quand ils rencontrent pour la première fois la théorie quantique ne l’ont probablement pas comprise »,

Alors oui, disons-le, les résultats de la physique quantique nous montrent un monde microscopique qui ne ressemble pas à celui des objets macroscopiques, les gros objets, ceux que nous voyons à l’oeil nu. Mais ça n’a rien de sorcier. Rien n’oblige la nature a se comporter comme Homo sapiens l’attend d’elle, et chaque fois que la science comprend quelque chose de nouveau, c’est en mettant de côté notre vision des choses intuitive et erronnée. Alors la physique quantique, c’est comme le reste, comme la théorie de l’évolution, celle des germes, ou encore la relativité : ça change la manière dont on voit le monde. Evidemment que ça change notre manière de voir le monde ! C’est à ça que ça sert !

Or il existe un “art d’accomoder le quantique à toutes les sauces” pour reprendre la formule de Richard Monvoisin (procurez-vous son ouvrage “Quantox”) et d’exploiter l’aura de mystère de cette branche de la physique pour défendre des thèses farfelues.

Dans un vertigineux exercice de l’analogie à outrance, des individus comme Deepak Chopra dressent ce constat : leur thèse fondée sur le pouvoir de la conscience sur la matière est étrange, bizarre et contre-intuitive, or la physique quantique semble étrange, bizarre et contre-intuitive, il faut donc que les deux soient liées !

Ta gueule, c’est quantique ?

Tentons de dissoudre le malentendu sur lequel d’aucuns construisent de lucratives entreprises de manipulation des personnes. Et pour y parvenir, nous avons avec nous un expert tout à la fois de la physique quantique et de la communication des sciences. Le professeur Julien Bobroff de l’Université Paris Sud est chercheur au Laboratoire de Physique des Solides à Orsay. Et il dirige l’équipe de recherche qui communique via le site www.vulgarisation.fr

Editorial

Un surdoué est un enfant précoce ou “à haut potentiel” ou bien encore un adulte dont les capacités intellectuelles dépassent la norme. Une fois qu’on a dit ça, on est bien avancé, car il nous reste à définir “précoce”, “haut potentiel” et ce qui permet de dire que l’intellect de quelqu’un dépasse la norme.

Bien sûr il existe le quotient intellectuel, le QI qui évalue la position de l’individu dans l’échelle de l’intellect entre le génie absolu et le crétin fini. Outil important, le QI, mais qui nous semble souvent mal adapté, réducteur, et peut-être peu fidèle à la réalité complexe de ce qu’est l’intelligence. En tout cas on l’entend souvent dire.

Le philosophe du 20ème siècle Michel Colucci a dit : “L’intelligence on croit toujours en avoir assez, vu que c’est avec ça qu’on juge”. Et de fait il existe ce qu’on appelle l’Effet Dunning-Kruger qui se manifeste en ce que les gens qui manquent d’une compétence dans un domaine, par exemple l’intelligence, manquent précisément de la compétence qu’il leur faudrait avoir pour savoir qu’ils sont incompétents. Le penseur John Cleese à traduit cela en “Quand vous êtes vraiment vraiment stupide, vous êtes trop stupide pour savoir à quel point vous êtes stupide.”

On pourrait donc se demander à quel point il faut être surdoué pour se rendre compte qu’on est surdoué, parce que le problème c’est que que l’effet Dunning-Kruger marche aussi pour les gens très compétents, mais dans l’autre sens : les gens très compétents ont une bonne idée de l’étendue de leur ignorance et donc ils ont tendance à sous-estimer leur compétence.

Moralité il faut se mettre d’accord sur des critères objectifs pour déterminer qui est surdoué et qui ne l’est pas. Il faut adopter une approche méthodique, une approche scientifique. Comment reconnait-on un surdoué ? Suffit-il d’être hyperactif et inadapté à l’école pour automatiquement appartenir à cette petite catégorie ? Ou bien au contraire est-ce un état discret qui ne se remarque que dans certaines conditions particulières ? A-t-on une idée du nombre de surdoués ? Pour tenter répondre à cela, il faut s’appuyer avec discernement sur ce que la science dit et être attentif à tout ce qu’elle ne dit pas et aux questions qu’elle laisse en suspens.

Nous allons voir que l’image d’Epinal du surdoué véhiculée au travers de notre culture est quelque peu déconnectée de la réalité du terrain. Et nous allons aussi évoquer la difficulté d’une bonne démarche scientifique sur ces questions.

Et pour cela nous recevons le docteur Nicolas Gauvrit qui est enseignant en mathématiques et chercheur en psychologie à l’Ecole Pratique des Hautes Etudes de Paris, au sein du laboratoire pluridisciplinaire “CHART” (cognition humaine et artificielle). Il est l’auteur d’un blog sur le site de Pour La Science (“psychologie et raison”), d’une dizaine de livres de diffusion scientifique, et il co-anime le podcast “scepticisme scientifique” avec Jean-Michel Abrassart et Jérémy Royaux.

J’ajoute qu’il a sorti l’an dernier un livre intitulé “Les surdoués ordinaires“ aux Presses Universitaires de France.