Le véritable langage des oiseaux (TenL #88)

Enregistré le 13 mai 2020

Invitée : Pauline Delahaye

Editorial

L’humain est un animal d’une déconcertante banalité. Entendez par là que comme toutes les autres espèces, il est très spécial. Il perçoit le monde comme aucune espèce ne le fait. Il éprouve des états internes en partie incommunicables. Il a une image de lui-même différente de ce que perçoit un observateur externe. C’est difficile de se figurer ce que vit, ce que ressent réellement un humain, à moins d’être dans sa peau. Et encore.

Et les autres animaux alors ? Eh bien ce sont pas des humains comme les autres. Et pourtant, nous avons bel et bien tendance à les regarder de la sorte, à leur attribuer des intentions, des pensées, des désirs qui correspondent à ce que nous sommes capables d’éprouver nous-mêmes. Comment pourrions-nous faire autrement ? Nous avons un cerveau d’humain adapté à lire dans le monde des signaux qui sont utiles à notre survie, et notamment en comprenant nos congénères. Nous avons l’habitude de parler aux animaux dans notre langage,  mais un peu plus lentement et un peu plus fort, comme des touristes un peu idiots qui espèrent se faire comprendre des autochtones. Et nous nous complaisons dans cette idée : « Il ne leur manque que la parole ». « Regardez, il sait qu’on parle de lui !! » Nous projetons sur la vie mentale des animaux des quantités de choses qui ne viennent que de nous.

Se débarrasser  de ces fantasmes, c’est le rôle de l’éthologie, la science du comportement animal. Et pour citer les cours du professeur Robert Sapolsky de Stanford « l’éthologie consiste à interroger l’animal dans sa propre langue, à faire comprendre ce qui a du sens pour lui pour éventuellement saisir la manière dont il traite l’information et comment il pense ». C’est la seule manière de nous débarrasser de l’anthropomorphisme, cette tendance que nous avons à donner des attributs humains à ce qui n’est pas humain. Cela pose bien sur la question de sa voir ce qui est véritablement et irréductiblement humain chez l’humain, la question du propre de l’homme sans cesse ressassée.

On trouve de l’altruisme chez les autres animaux ; on y trouve aussi des meurtres prémédités. la culture n’est pas notre apanage, ni l’outil. Le rire se retrouve chez le rat. Et l’humour, peut-être, chez les grands singes. Le mensonge résiste encore ; c’est peut-être notre singularité. Mais pour dire cela, il faudrait être sûr de ce que cela veut dire et disposer des moyens de le détecter. Par exemple, chez les corneilles. Le langage en tout cas se retrouve dans la nature sous bien des formes. Chez les oiseaux, mais pas seulement. l’une des dimensions les plus fascinantes de ces langages, c’est le rôle qu’y jouent les émotions, ces signaux que l’animal émet sans toujours pouvoir les contrôler, ces manifestations d’une vie mentale qui reste à ce jour, pour nous, une boite noire.

C’est pour parler de ces émotions et du langage des animaux que nous recevons Pauline Delahaye, Dr en science du langage, spécialiste en zoosémiotique et autrice du livre « Des signes pour le dire » aux Presses universitaires de Rennes. Bonjour Pauline

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