La Guerre & l’Information [TenL#113]

Emission enregistrée le 13 juillet 2022

Invitée : Christine Dugoin-Clément (Chercheuse associée à la chaire « risques » du Laboratoire de Recherche IAE de Paris-Sorbonne Business School)

EDITORIAL

 

C’est la guerre. Nous enregistrons cette émission, aujourd’hui le 13 juillet 2022, dans le contexte du conflit ukrainien. Nous sommes loin de la ligne de front, et pourtant nous assistons à un conflit jusque chez nous où ce qui se joue, c’est l’opinion publique, et éventuellement la confusion et le chaos du clash entre les points de vue sur le sujet.

Quels sont les faits ?

En février 2022 la Russie a déclenché une opération militaire spéciale dans le but de libérer la population civile des exactions d’un régime nazi qui sévit en Ukraine depuis des années et opprime la minorité russophone. Cette situation inacceptable a été encouragée par l’OTAN qui souhaite étendre son influence jusqu’aux frontières russes en dépit des accords passés, raison pour laquelle l’occident est le vrai responsable de la crise en cours. D’ailleurs la population locale accueille les libérateurs russes en héros et souhaite acquérir la nationalité russe.

Vous avez le droit de croire tout ceci ou de préférer une autre version.

Celle d’une invasion brutale frappant des objectifs civils comme militaires de la part d’un régime autoritaire où la contradiction est punie de prison, ou le mot guerre est interdit, où une milice privée est engagée par le pouvoir et perpétue des crimes de guerre qui n’ont aucune importance puisque seule compte la version officielle fondée sur une réécriture de l’histoire où l’Ukraine n’est pas un vrai pays mais une invention des ennemis de l’Union Soviétique, une fiction occidentale destinée à voler à la Russie son territoire.

C’est fort différent. L’une de ces deux versions est forcément fausse. Et la ‘vérité vraie’ est peut-être ailleurs, sous une forme plus nuancée, plus complexe, plus difficile d’accès.

Sur nos réseaux et jusque dans le chat ce soir et dans les commentaires sous cette vidéo se joue une autre forme d’antagonisme. Des internautes s’écharpent et s’insultent en se dressant sur leurs certitudes, parmi lesquelles la principale est que le camp d’en face est un ramassis d’imbécile biberonnés de fausses informations. Le désinformé, c’est l’autre.

 

L’humain le plus intelligent ne peut atteindre que les conclusions éclairées par les informations dont il dispose. Si vous êtes mal informé, vous aurez beau raisonner le mieux du monde, vous n’arriverez pas à poser un verdict correct. Si vous êtes sage, vous suspendrez votre jugement, c’est l’attitude sceptique. Mais parfois il faut juger, il faut s’engager, il faut agir. Quand c’est la guerre, notre incapacité à juger peut devenir une arme dans les mains de ceux qui sèment la confusion. Or nous n’avons pas envie d’être les complices des menteurs, des manipulateurs, des agresseurs.

La célèbre phrase de Rudyard Kipling dit que «La première victime d’une guerre, c’est la vérité ». Il y a des morts dans ce conflit, des vies détruites parce que des forces armées ont été mise en branle suite à des discours qui méprisent la vérité ; il a fallu lui régler son sort avant de sortir les armes.

Les guerres modernes s’emmitouflent de propagande, se saoulent de Fake News et se répandent sous la forme de récits qui titillent nos émotions, exploitent nos penchants, flattent nos préjugés. Nous sommes sous influence, mais nous voulons résister.

Et pour se faire il sera utile de comprendre ce que sont les guerres hybrides, les guerres cognitives quelles stratégies d’influence sont à l’œuvre et comment les démocraties sont censées se distinguer des régimes autoritaires en respectant des règles qui leur défendent d’employer les techniques de guerre de l’information sur leur propre peuple.

Notre invitée, Christine Dugoin-Clément est Chercheuse associée à la chaire « risques » du Laboratoire de Recherche IAE (Institut d’Administration des Entreprises) de Paris-Sorbonne Business School. Ella a écrit « Influence et manipulations – Des conflits armés modernes aux guerres économiques »  et « L’Ukraine : entre déchirements et recompositions ».

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