La parole aux déconvertis [La Tronche est à VOUS #6]

Emission enregistrée le 25 mai 2022.

 

Editorial

 

Les sceptiques ont parfois la dent dure dans leur critique des théories infondées. L’âpreté du ton, des airs de condescendance, de jugement permanent, voilà quelques petites choses qui sont reprochées aux gens de notre sphère, il faut intégrer cette critique et voir comment s’améliorer.

Parce que le problème est que nous pouvons donner l’impression que l’on condamne les tenants-croyants à rester dans la croyance parce qu’on jugerait qu’il faut être très bête pour croire de telles fadaises. J’aimerais ne plus lire ce genre de commentaire, même si je comprends que ce qu’on exprime dans ces cas-là c’est de l’incompréhension devant des croyances qui nous semblent impossibles, irrationnelles et folles. Ne laissons pas cette incompréhension se transformer en un jugement définitif des personnes.

Beaucoup de sceptiques sont passés par la croyance ; ils ont parfois défendu activement des idées qui leur semblent aujourd’hui fausses. Il faut donc que nous soyons très ouverts à la possibilité que les croyants d’aujourd’hui sont des sceptiques de demain, des hommes et des femmes qui seront bien placés pour savoir comment on peut parler aux croyants pour les aider à se poser des questions et à se débarrasser des idées qui souvent ne sont pas seulement fausses, mais qui sont aussi dangereuses, au moins parce qu’elles savonnent la pente de la crédulité vers d’autres croyances qui font de même et mènent, in fine, à la pensée extrême.

Nous avons tous des croyances. Elles sont plus ou moins justifiées, plus ou moins alignées avec les connaissances communes, plus ou moins vraies, plus ou moins importantes pour nous. Et nous n’en avons pas toujours conscience. Je vous renvoie vers la série d’entretien réalisés à Toulouse lors des Rencontres de l’Esprit Critique où les confrères sceptiques répondent à la question « quelle croyance un peu extrême avez-vous eu ? ». Et il se trouve que répondre à cette question n’est pas si facile.

Je vais me permettre de donner ma réponse personnelle ici même. Et Vled pourra en faire autant.

À titre personnel, je n’ai pas vécu d’abandon de croyance ou de déconversion parce que je ne suis pas du genre à défendre beaucoup de certitudes. Ca m’arrive bien sûr, je l’ai fait ici même sur cette chaîne plus d’une fois mais dans un périmètre assez limité. Les certitudes que je dépends publiquement, à ce jour, ne sont pas réfutées, et le temps nous aidera à voir ce qu’il se passera si jamais cela arrivait : serai-je capable de changer publiquement d’avis sur un sujet important. Je pense que oui, mais c’est au pied du mur qu’on reconnait le maçon. Je n’ai donc pas de belle histoire de déconversion à vous raconter. Et ça  m’ennuie un peu. Parce qu’avec une telle histoire je pourrai vous donner une sorte de gage, un élément permettant de dire : Acermendax est capable de se remettre en question, de changer d’avis, d’admettre qu’il a eu tort. Ce serait très utile.

Alors, bien sûr mes opinons évoluent avec le temps, comme tout le monde, mais n’ayant jamais vécu d’épisode ou ce que je pense aujourd’hui est radicalement différent de ce que je croyais hier, je vis dans un sentiment illusoire d’être toujours exactement la même personne que lorsque j’étais adolescent ; mes changement d’opinion sont doux, diffus, progressifs et in fine invisible, alors que la déconversion est une discontinuité visible.

La discontinuité n’est pas nécessaire pour changer d’avis. Il y a sans doute des tas de gens qui croient des choses et qui se rendent compte, des années plus tard, qu’ils n’y croient plus,, sans pouvoir établir à quel moment ça a changé. C’est probablement arrivé à beaucoup d’entre vous mais je m’attends à ce que ce genre de chose ne soit pas abordé ce soir, en vertu de ce principe de discontinuité sans laquelle il est difficile de statuer sur un changement de croyance. C’est pourquoi j’ai voulu en parler : l’évolution insensible de notre vision du monde est rarement évoquée, nous pourrions bien sous-estimer le phénomène. J’ai tendance à croire qu’il est au contraire omniprésent… mais qu’il concerne surtout des croyances avec peu d’enjeux identitaire, qui cristallisent peu d’antagonisme dans la société ou notre entourage. Mais cette analyse que je vous livre n’est finalement que mon opinion d’aujourd’hui, sensiblement similaire à mes convictions sur le sujet depuis longtemps… mais peut-être aussi sensiblement différentes sans que je m’en aperçoive, peut-être en évolution au moment où je vous parle, et bien divergentes des idées que j’aurai sur la question dans dix ans. Pour le savoir, rendez-vous en 2032.

Mais d’ici là la Tronche est à VOUS

 

 

 

Les neuf témoignages de l’émission

 

 

1 — « Lafayette »

« Je suis né dans une famille de scientologues.

Mon père était toxicomane, et a guéri dans un centre de désintoxication scientologue. Il y rencontra ma mère, bénévole là-bas. Mon père y a trouvé la spiritualité qu’il cherchait et ma mère fut également convaincue suite à cette guérison radicale. J’ai passé presque toutes ma vie à pratiquer la Scientologie à travers des cours, de l’audition et du bénévolat. Cela me prenait généralement 1 journée par semaine. C’était un sujet que je tenais pour tabou, je n’en parlais à personne. J’avais peur des réactions, connaissant la réputation de la Scientologie. Ma déconversion : Suite à une mise à jour de certains documents en Sciento, on m’a fait reprendre un bout de formation (toujours payant bien entendu). A la deuxième « mise à jour » j’ai eu le sentiment de me faire pigeonner. Plus tard, ma copine, curieuse et ouverte d’esprit, à testé un cours. Peu convaincue, elle a posé des questions qui ont planté une petite graine de doute dans mon esprit. Il se trouve que les parents de ma copine se sont lancés dans des croyances de type Chamanisme. Ouverts d’esprit, nous comparons et discutons de nos spiritualités.

Comment toutes ces croyances pouvaient-elles être vraies en même temps ? Sur les conseils d’une amie, nous découvrons la chaine de la TeB avec l’interview de Grégoire Perra qui trouve un fort écho en moi. Puis la série sur l’homéopathie qui m’a fait prendre conscience de l’importance de l’esprit sceptique. Enthousiasmé par cette manière de réfléchir, j’en parle à ma famille. Et je découvert qu’ils sont très butés et fermés à toute remise en question sur certains sujets. Je comprends petit à petit que c’est la logique intellectuelle même de la Sciento qui inhibe le scepticisme. La goute d’eau qui a fait débordé le vase c’est l’arrivé du Covid, l’élection de Trump, qui ont fait ressortir les penchants les plus complotistes et stupides de nombre de mes connaissances scientologues. »

2 — Claire

«Je peux m’exprimer sur le sujet de la déconversion religieuse : j’ai été élevée dans la religion catholique et j’ai été très pratiquante durant ma vie de jeune adulte. J’ai même rencontré mon mari sur un site de rencontre chrétien. Il y a environ 2 ans mon mari, très cartésien, s’est déconverti presque du jour au lendemain. J’ai suivi peu à peu mais le processus est extrêmement couteux et difficile pour moi, je trouve que se déconvertir passé la trentaine demande un effort énorme et je ne suis pas certaine d’y être gagnante. Je peux m’exprimer sur ces aspects-là.»

3 — Florian

« J’ai étudié puis pratiqué pendant 8 ans. Aujourd’hui deconverti depuis maintenant 3 ans des médecines alternatives, je voudrais parler de mon vécu durant mes études, mes années en cabinet ainsi que ma deconversion jusqu’à mon changement de carrière. Des discours anti scientifiques au charlatanisme, en passant par des prises de paroles dangereuses et complotistes, je veux éclairer les gens qui nous écoutent sur cette thérapie manuelle qui se fait passer comme scientifique et logique, mais aussi l’impossibilité de pouvoir émettre une parole critique, et comment ce système a complètement verrouillé cet aspect de moi durant des années. Je veux également revenir sur ma déconversion, comme il fut difficile d’en parler, de l’avouer, ainsi que de l’impact psychologique sur moi et mes proches, ainsi que du soutien extraordinaire de la communauté zet. J’ai récemment écrit un témoignage de 7 pages pour mettre tout cela par écrit et le partager sur une page sceptique, mais je pense qu’il est temps que je prenne la parole pour dire tout cela publiquement.»

4 — SisterOfSIn

« J’ai passé une vingtaine d’année dans le protestantisme évangélique, dans lequel je suis née et que j’ai vécu sous un angle particulièrement rigoriste, mon père êtant pasteur. Je suis arrivée à fuir le dogme non sans mal, car ça a impliqué pour moi la perte totale de contact avec ma famille, pour tomber pendant un temps sous l’influence de Thierry Casas Novas. Ce dernier a heureusement eu une place seulement temporaire dans ma vie, mais là encore non sans mal : orthorexie, perte de cheveux, évidemment adhésion au discours complotiste anti-médecine. Et j’en suis finalement sortie grâce à l’influence de la Tronche en Biais. »

5 — Esteban

« J’ai grandi dans une famille de Témoins de Jéhovah et je suis devenu un membre actif par la suite. Jusqu’à mes 20 ans j’étais actif à Paris en tant que Témoins de Jéhovah.

La TeB et (notamment le documentaire “les lois de l’attraction mentale”) m’a aidé à arrêter de reléguer les interrogations que j’avais et à vraiment me les poser.

J’ai quitté les Témoins de Jéhovah il y a 3 ans. »

6 — Quentin

« Salut! Quentin, 30 ans.

Je sombre dans la pensée complotiste très tôt, vers 2007-2008, d’abord par le 11/9. La chose s’aggrave quand en 2009-2010 je deviens membre actif d’égalité et réconciliation, mouvement d’Alain Soral. J’y fais mes classes paranoïaques pendant quelques temps, en goutant sans surprise au complot judéo-maçonnique, au révisionnisme historique Faurissonien et autres. Puis je continue sur la lancée de « quête de sens » en m’intéressant alors à « la spiritualité », d’abord par les courants orientalistes à la René Guénon.

Parallèlement, j’erre un peu professionnellement, en validant une licence d’histoire, avant, en 2015, de « reprendre des études » en suivant une formation de naturopathie de 2015 à 2017. A cette école je touche à toutes les dérives pseudo scientifiques possibles, radiesthésie, kinésiologie, iridologie. Mais surtout, j’y rencontre un catholique intégriste, qui voit vite en moi le potentiel de conversion. Je me convertis alors au catholicisme « intégral » en 2017-2018, jusqu’à l’extrême puisque le parcours se conclut chez les sédévacantistes, secte parmi les sectes catholiques traditionnalistes… Messe dans des granges ou des salles d’hotel, fun times.

Malgré tout je doute souvent, et ce doute d’abord me conduit à critiquer ma pratique de naturopathe … et à me lancer dans le concours de 1ere année de médecine en 2018, à 26 ans. Concours que je réussis, et qui m’a sauvé l’existence, puisque ça a été le déclic de sortie des croyances. D’abord, j’abandonne mes dogmes « hygiénistes » en comprenant que la santé c’est plus compliqué que ce que je pensais, et, la fréquentation des cercles scientifiques ainsi que de bons contenus sceptiques aidant, hé bien tout le château de carte de croyance finit par se fissurer. L’explosion finale de l’édifice déjà bien affaibli a lieu avec le début du Covid, en 2020. Je m’éloigne de la pratique catholique en 2020, et je m’assume déconverti auprès de la famille dans la foulée.

7 — Saba

« Je suis née dans une famille de confession musulmane. Depuis l’enfance j’essayais de me soumettre à tous les interdits qu’impose cette religion : pas de viande non halal, pas de porc, pas d’alcool… mais aussi, interdiction de fréquenter des membres du sexe opposé, et donc pas de relations amoureuses, encore moins avec des non-musulmans, interdiction de dessiner des êtres vivants — ce qui a été douloureux, car je rêvais d’une carrière dans un domaine artistique. Je croyais en l’existence des djinns (ou démons), au pouvoir de la sorcellerie, j’ai vécu des expériences d’exorcisme, que ce soit sur moi ou sur des personnes de mon entourage, je croyais aussi aux rêves prémonitoires. Quand j’outrepassais l’un des interdits cités plus haut (comme le dessin) j’en ressentais une grande culpabilité et une frayeur de ce qui m’attendait dans l’au-delà. Aussi, j’ai porté le voile pendant six ans, du lycée jusqu’en janvier de cette année. Je me souviens de la date exacte quand j’ai commencé à le porter : c’était le lundi qui a suivi les attentats du Bataclan. Depuis quelques temps, je suivais des chaînes youtube d’esprit critique, je m’ouvrais de plus en plus à la critique de ma religion. Je posais des questions peu dogmatiques à ma mère, ce qui me valait des disputes avec elle, j’ai essayé de calmer le jeu pour ne pas être en froid avec elle, mais dans le fond, ces questions sans réponses satisfaisantes de la part de la religion me troublaient et me poussaient à creuser davantage sur mes doutes. J’avais lu en parallèle des livres qui ont remis en question ma vision du monde comme Sapiens de Harari, Manières d’être vivant de Baptiste Morizot, et je m’intéressais de plus en plus aux livres de Richard Dawkins et à ses arguments. Le coup de grâce fut le live de la TeB avec le concordiste musulman, où beaucoup de points critiques ont été soulevés. Cette vidéo m’a orientée vers la chaîne de Majid Oukacha, qui n’a fait que de me conforter dans ce que je doutais. »

8 — Erendis

J’ai proposé mon témoignage sur  1) astrologie (avec thème astral et tout) / caractère selon les prénoms… dans mon adolescence (quand on se cherche), déconvertie seule par une prise de conscience personnelle

2) Radiesthésie ; déconvertie seule par une prise de conscience personnelle

3) Homéopathie car soignée très jeune « par homéopathie après essai de médecine conventionnelle », déconvertie par constat qu’en pratique, « ça ou rien… ça à l’air pareil » + la Tronche en Biais

4) L’avion sur le Pentagone car pas de trace de l’avion et apparence de prouesse de vol pour y parvenir, déconvertie par le Debunker des Etoiles

Les croyances autour de l’astro et des prénoms m’a possiblement aidé à découvrir qui j’étais durant l’adolescence.»

9 — Guru Djoz

«Je suis de confession juive et mon compagnon s’est converti. On a été très investit dans la religion et les communautés juives. J’ai vécu une déconversion de ma croyance religieuse mais aussi de mes croyances sur la santé (Thierry casanovas, etc…) ma mère est décédé d un cancer pour lequel nous avions fait le choix de tenter des méthodes naturelles etc….J ai étudié la médecine chinoise.  Et je vois les choses totalement différemment aujourd’hui. Donc de multiples déconversions en fait. »

 

 

4 réponses
  1. Anon
    Anon dit :

    J’ai moi-même un témoignage que je voudrais partager, et qui était trop long et difficile émotionnellement pour moi de partager durant le Tronche en Live.

    Tout d’abord, je vais donner un peu de contexte. Je suis issu d’une famille maltraitante, ma mère très croyante, mon père plus rationnel, mais les deux distants et j’ai vécu une enfance difficile à leurs côtés. Au début, je me suis beaucoup isolé dans les jeux-vidéos, j’avais très peu d’amis, de fortes carences affectives.

    J’ai eu différents diagnostiques psy, mais à mon avis ce n’est pas très important pour ce récit. Ce qu’il faut comprendre, de ce que j’en infère du moins, c’est que la situation très traumatisante de ma petite enfance (accident en bas âge) puis du traitement que j’avais à l’école (à cause de l’accident) et à la maison (maltraitance) m’ont rendu très mal et m’ont poussé à chercher des choses vers lesquelles me tourner, à trouver du sens aux choses. Ça sera été les croyances dont je vais parler.

    Quand j’étais assez jeune je regardais une série qui s’appelle Heroes, probablement que certains ici connaissent. En voyant les différents pouvoirs des personnages, du haut de mes 12 ans je me suis demandé ce qui avait motivé les auteurs, et plus largement, les premières personnes qui ont raconté des histoires de ce type. Mon esprit encore immature est alors tombé sur la conclusion qu’il fallait nécessairement que ces idées viennent de quelque chose, j’ai très vite donné un sens à tout ceci. C’était pour moi, au choix, une obscure force extérieure qui avait dû nous glisser ces idées, ou une sorte de 6ème sens qui nous mettait sur la voix des choses « vraies » de ce monde.

    Je m’intéresse très vite à la magie blanche, noire, au spiritisme, à la radiesthésie, aux auras, aux énergies, j’étais persuadé que je pouvais ressentir les esprits, utiliser des sortes de pouvoirs liés à des éléments, j’ai rencontré des gens qui « parlaient aux morts ». Petit à petit, on se voyait toutes les semaines, puis quasiment tous les après-midis, pour faire des séances de spiritisme.

    Par séance, j’entends surtout des séances d’écriture automatique. C’est arrivé, à plusieurs reprises, qu’il y ait des « possessions », c’était surtout l’une des personnes de ce groupe qui était, selon ses dires et actes, particulièrement sensible aux esprits. Les différents esprits que nous côtoyions avaient des noms, des personnalités, et lorsque ceux-ci possédaient le corps de cette amie, elle changeait complètement du tout au tout, renforçant ainsi la croyance. Moi-même je pratiquais l’écriture automatique, par je ne sais quelle induction mentale mon bras se mettait à trembler pour écrire des gribouillis plus ou moins lisibles sur des feuilles. Il m’est même arrivé de ressentir des « attaques » d’esprit, et de les combattre. Je me souviens même d’une fois où il y a eu une « possession » sur ma personne, on m’a raconté le lendemain m’avoir tenu à 5 ou 6 personnes et m’avoir frappé avec une buche pour me calmer, mais je n’en ai aucun souvenir et je n’avais pas de marque. Je ne sais toujours pas ce qu’il s’est passé aujourd’hui, mais je prends avec beaucoup plus de mesure et de pincettes les évènements d’alors, et plutôt que de sauter sur une conclusion je préfère dire aujourd’hui que « je ne sais pas ».

    A côté, j’effectuais des « recherches » concernant mes croyances, je postais régulièrement sur un blog et sur des sites spécialisés. J’en ai parlé autour de moi, j’étais tellement persuadé que c’était la seule et unique vérité et qu’il fallait que j’en parle absolument partout, je me rends compte a posteriori que c’était du prosélytisme d’une ferveur déconcertante pour mon âge. J’ai d’ailleurs totalement changé la vie d’une personne, que j’ai recroisé récemment et qui elle, au contraire de moi, est complètement restée scotchée à ces croyances.

    Au niveau social ça m’a beaucoup coupé du monde. Ceux qui étaient dans le même délire que moi ça allait, mais je vous laisse imaginer ce que ça a donné quand mes camarades de classe m’ont vu venir à l’école avec une feuille remplie de lettres faites en sang que j’avais faite lors d’un rituel.

    J’ai rencontré ma copine de l’époque également, avec qui je serai resté 8 ans. C’est grâce ou à cause d’elle que j’ai pu me sortir de tout ça. Elle était à fond dedans également, elle connaissait d’ailleurs bien la personne du groupe d’amis qui était « sensible » aux esprits. J’avais 14 ans, elle 17, nous avons passé une nuit en catimini dans une cabane non chauffée en plein hiver. Cette nuit a été extrêmement perturbante. Possession, violence, morsures, et surtout révélations qu’elle me faisait sur nos vies. Nos âmes étaient selon elle liées dans l’autre monde, nous étions des sortes « d’amants maudits » qui nous retrouvions à chaque vie mais qui ne finiraient pas ensemble, pour une raison ou pour une autre (dans ses récits d’autres vies, c’était moi qui la tuais, ou d’autres joyeusetés). Elle m’a appris par la suite qu’elle était une sorte de déesse dans ce monde spirituel, et moi un dieu, que nos âmes avaient été créées en même temps il y a des milliards (!) d’années, et bien des détails que je vous passerais.

    Elle m’a raconté tellement de choses, c’était une sorte d’engrenage où chaque croyance supplémentaire renforce toutes les croyances précédentes. Si je remets en question la nouvelle croyance, alors ça signifie que je pourrais aussi remettre en question les précédentes. Par conséquent, je ne remettais rien en question, ce serait trop inconfortable, et malgré un amour qui disparaissait au fil des années, je m’efforçais de l’aimer car « c’était le destin », nous étions liés, ça lui briserait le cœur, sans compter le chantage affectif que vous pouvez bien évidemment imaginer.

    Même si j’avais entrepris de quitter cet environnement après quelques années, car je « sentais » que quelque chose ne collait pas, je sortirais définitivement de ce milieu à partir du moment où je la quitterai. C’était très difficile, son emprise était telle sur moi, mais je voyais de plus en plus d’incohérences dans son propos. Si elle pouvait elle aussi communiquer avec des esprits, pourquoi les messages étaient-ils toujours si vagues ? Comment se faisait-il qu’il y avait des incohérences entre ses propos à elle et ceux de mon autre amie, il y a des années de cela ? Si tout ceci existe, si des esprits nous entourent, il devrait nécessairement y avoir un moyen de le vérifier, de tester cette hypothèse. Comme elle n’était pas en mesure de répondre à mes questions, après 8 années de couple dont 4 de vie commune, j’ai réussi à surmonter ma dépendance affective qui avait été cultivée avec mon passé traumatique et cette relation toxique et lui dire que je mettais fin à cette relation. Il faut bien comprendre que, pour moi, questionner ma relation c’était avant tout questionner mes croyances (si nous étions liés, je n’étais pas « en droit » de la quitter), d’où le temps nécessaire à cette prise de conscience.

    Je pense sincèrement que les vidéos de la Tronche en Biais ont été l’un des points finaux de toute cette histoire. Au fond, j’ai toujours cherché la vérité, la différence c’est qu’à l’époque je prenais pour argent comptant les choses qui me plaisaient, et j’ai adopté, par un mécanisme que je perçois comme similaire à celui des complotistes, des explications qui étaient beaucoup plus rassurantes que de ne pas savoir. En m’intéressant à la zététique, je me suis intéressé au doute.

    Et si, finalement, j’ai enfin pu prendre du recul sur tout ça avec les vidéos d’introduction au sujet, c’est cette phrase que Mendax sortira bien plus tard qui mettra les mots juste, bien que dans un contexte différent, sur exactement ce que je vivais auparavant : la zététique c’est l’art du doute, le complotisme c’est la mécanique du soupçon. En tant que fervent croyant et défenseur de mes croyances, j’attribuais du sens aux choses, plutôt que de prendre du recul et oser ne pas savoir.

    Alors merci à toutes les personnes qui sont derrière cette chaîne, car vous avez participé à ce que je grandisse et devienne plus humble, plus mesuré, plus bienveillant aussi.

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    • Acermendax
      Acermendax dit :

      Merci pour votre message.
      Parcours très difficile à expliquer en effet. Je suis heureux que notre travail ait pu jouer un rôle dans cette trajectoire.
      M.

      Répondre
  2. steph
    steph dit :

    En voyant le titre, je me suis inquiété de savoir s’il s’agissait de deconvertis dans le sens croyances->raison ou raison->croyance… Le 2e cas me semble plus « grave ». Et j’en connais… Un médecin qui à perdu son fils dans un accident de voiture… Un pharmacien qui petit à petit a fini par adhérer aux discours des patients accrocs aux granules de sucre…

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    • HARRAULT
      HARRAULT dit :

      C’est une véritable épidémie, ces « conversions » à l’envers. je remarque ceci, avec ahurissement; ce ne sont pas (pour ceux que je connais) des personnes ignares, et elles furent par le passé parfaitement raisonnables. Et puis, elles sont « tombées dans le chaudron », comme on dévale un toboggan = de plus en plus vite, de plus en plus bas. Particulièrement dans la mouvance médecines alternatives, mais pas seulement. C’est aussi tout un contexte, moral, politique, social. Ya pas grand chose à faire, je le crains, car ces personnes sont persuadées d’avoir ENFIN trouvé la bonne voie, après des années d’errements. Seule solution, après des tentatives d’argumentaire = les laisser vivre leur truc. Mais ça fait chagrin, quand on a été amis proches.

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