La chasse aux sorcières (Tronche en Live 84)

Invité : Olivier SILBERSTEIN

Enregistré à la Bibliothèque Stanislas de Nancy le 15 janvier 2020

Editorial

Vieille mégère au nez crochu, une verrue au menton, à cheval sur son  balai, elle vole sous la pleine Lune vers la forêt pour participer au sabbat et, toute la nuit, danser, copuler avec le diable, jeter des mauvais sorts et manger des bébés. La voilà, la sorcière !

On en a tué soixante mille en Europe, mais d’autres en ont réchappé.

La vilaine sorcière du folklore affolait les bonnes gens d’il y a quelques siècles. En tout cas, c’est ce qu’on s’imagine aujourd’hui. Et déjà il faut bien se souvenir qu’on tuait encore par chez nous, au nom de l’abominable crime de sorcellerie jusqu’en 1856 ! On avait commencé dès les années 1430 du côté de la Suisse. La sorcière est donc une figure bien implantée dans notre culture. Cela ne veut pas dire que nous comprenons bien ce qu’elle représente réellement ni les raisons de son succès. Savons-nous en quoi exactement elle faisait peur, cette créature un peu mythique, ce bouc émissaire que la population, dans une bouffée de déraison criminelle, accuse de tout et brûle en place publique pour conjurer ses angoisses ?

Les blâmait-on d’être des femmes fortes, émancipées, savantes, autonomes, des sortes de féministes d’avant l’heure que la société ne pouvait que rejeter au nom d’un ordre établi ? Mais d’ailleurs, est-ce que les accusations ciblaient uniquement les femmes ? Ou bien les marginaux, d’où qu’ils viennent, les originaux, les gens bizarres ou les malades, dont le décalage avec les us et coutumes les rendaient suspects d’une manière ou d’une autre ? Mais peut-être encore décochait-on le « vilaine sorcière » uniquement comme un stigmate social, un coup d’épée visant la réputation afin de détruire un rival économique, de spolier une veuve, de régler un conflit familial…

Des hommes érudits, puissants et (très) religieux, ont écrit sur la question des ouvrages ahurissant de superstition et de haine en mêlant à leur discours la religion qui était la leur. La chasse aux sorcières en devient-elle un phénomène religieux ? Et aujourd’hui ? Nos régions sont plutôt épargnées par le type de croyance qui conduit à ces débordements, mais il se produit encore, en quelques endroits du monde, au 21ème siècle, des histoires abominables de lynchages, de mises à mort au prétexte de sorcellerie. Les victimes sont souvent des femmes, des marginaux, des enfants, des personnes infectées par le VIH…

Les humains d’aujourd’hui, sur Twitter ou à la machine à café, ont des cerveaux indiscernables de ceux que réjouissaient l’exécution des sorcières. Et la société actuelle a conservé bien des codes, des fonctionnements, des automatismes qui nous rappellent cette époque. Sommes-nous traversés aujourd’hui des mêmes types de réaction, des mêmes désirs de vengeance, de punition, d’annihilation sociale, dans des mécaniques d’une même nature ? Si oui, qui sont nos sorcières à nous ?

Cela fait beaucoup trop de questions pour une seule soirée ; nous allons commencer avec un regard d’historien sur la période de cette chasse aux sorcières en Europe avec notre invité, Olivier SILBERSTEIN qui nous vient de l’Université de Neuchâtel. Bonsoir Olivier.


Sur presque le même sujet et dans un registre différent, vous pouvez être intéressé par « Le marteau des sorcières », une pièce de théâtre d’Acermendax.

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