Éloge du doute

Voici un petit échantillon des choses sur lesquelles je suis personnellement sans avis réel, où mon jugement est suspendu. Je n’envie pas ceux qui ont la certitude d’avoir raison ; je ne les juge pas non plus. Et je n’invite ici à aucun débat sur ces thèmes (s’il vous plait !)

  • Les films que je n’ai pas vus
  • Les livres et articles que je n’ai pas lus
  • Le bilan des bénéfices ou inconvénients de l’écriture inclusive
  • La collapsologie
  • L’existence historique de Jésus
  • Les conflits d’intérêt derrière chaque question scientifique
  • L’importance du PIB dans les grands choix politiques
  • Le déboulonnage des statues de mecs à la morale questionnable
  • Une vie extraterrestre intelligente à portée de télescope
  • LA bonne stratégie politique contre la pandémie
  • La sincérité des croyances des médiums
  • Plus généralement, la sincérité des gens que je ne fréquente pas
  • L’efficacité du débunkage VS celle de la communication non violente
  • La potentielle utilité de la chloroquine contre la covid-19
  • Le rachat de Star Wars par Disney

Je rejoindrai peut-être le cortège respectable des personnes convaincues, mais il faudra que je croise des arguments solides, que je les comprenne et que je me donne l’occasion d’en évaluer le poids. Je n’aurai pas la possibilité (notamment le temps) de le faire sur tous les sujets qui m’intéressent, sans compter tous ceux qui ne m’intéressent que moyennement ou pas du tout.  J’ai appris à bien supporter cette suspension du jugement ; elle est, je crois, le meilleur rempart contre les biais de confirmation qui brûlent de se mettre en mouvement dans ma tête, ni plus ni moins voracement que dans toutes les autres têtes de mes compagnons humains. Connaître ces biais est un atout précieux, mais certainement pas un sauf-conduit.

Le doute, c’est le questionnement.

Nous ne nous exprimons presque jamais au sujet des choses sur lesquelles nous sommes sans avis, toute la place est donc prise par ceux qui savent, ou qui croient savoir. Nous en venons à penser que le doute est anormal, qu’il est la faiblesse marginale des gens sans conviction ou sans courage. Pire que cela, cette marginalité amène à confondre douter et soupçonner, ou encore douter et nier.

Je rappelle que douter, c’est questionner la validité des raisons logiques pour lesquelles un énoncé serait vrai ou faux alors que soupçonner, c’est s’introduire dans les pensées, les intentions d’autrui pour tenter de détecter des motivations inavouées (Cf la vidéo ci-dessous). Douter, c’est éviter de croire sans raison, tandis que nier c’est affirmer l’existence d’une erreur ou d’une tromperie.

Je voudrais donc saluer le courage de ceux qui font face à leurs incertitudes, redoutent la légèreté des jugements portés sur les questions complexes, admettent leur faillibilité et savent qu’exprimer publiquement une opinion est trop souvent la première marche de l’escalier des croyances infondées pour s’octroyer le luxe de parler vite et fort. J’ai tort sur tout un tas de choses, c’est inévitable. Mais si jamais je venais à maîtriser parfaitement l’art du doute, me corriger deviendrait plus simple. C’est pourquoi j’aspire à la zététique tout en doutant d’être jamais vraiment à la hauteur de la tâche. Et c’est pourquoi j’invite les autres à le faire.

Si nous prenions plus souvent la parole dans les débats polarisés pour exprimer notre droit au doute, peut-être les convaincus se déchireraient-ils moins et retrouveraient le chemin de l’argumentation.

Evidemment, rien de tout ça n’est certain.

Acermendax

4 réponses
  1. ALLARD
    ALLARD dit :

    Entièrement d’accord et j’aime bien le nom « principe de charité » car moi je l’appelais une part de « naïveté » en considérant que la personne en face est honnête par principe de base…. Après j’avoue quand je sais que la personne est « con » avec des principes trop « différent » et discriminatoire (Homophobe, raciste, platiste,ect) je perd mon principe de « naïveté » (de charité du coup) ce qui peut-être dommage car la personne pour dire des choses « vrais » et intéressant… Mais il est vrais que certaine chose ne sont pas à débattre pour ma part et chacun à cette « part » qui est différent de tous…

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  2. François
    François dit :

    C’est vrai que ce n’est pas facile ni confortable de douter de tout, de toujours remettre en question ses propres pensées/croyances/connaissances.(le faire chez les autres est tellement plus aisé, la preuve tout le monde y arrive très bien)
    Eh zut, j’ai parlé de preuve je me suis fait avoir tout seul 🙂

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