Dossier : « Dieu n’existe pas »

Pour son numéro du 25 aout 2022, le journal Marianne a choisi pour thème de son dossier : « Dieu n’existe pas » avec deux interviews et des extraits de mon livre « DIEU, la contre-enquête ».

La journaliste Margot BRUNET m’avait posé quelques questions pour ce dossier, mais cet entretien n’a pas été retenu dans les 8 petites pages qui lui sont dédiées. J’ai songé qu’il pourrait malgré tout vous intéresser. Je vous recommande bien sûr la lecture du dossier complet

 

 

Interview avec TCD.

La première version de la couverture mentionnait “Les raisons de croire existent, mais elles pourraient vous surprendre”. Quelles sont ces raisons ? 

Il y a d’abord des raisons historiques, sociales, traditionnelles, familiales, nous héritons d’un narratif sur le monde où Dieu joue souvent un rôle. A travers le monde, les croyants croient parce qu’ils sont élevés « pour ça », dans des rites différents, des religions variées, des dogmes contradictoires. Mais par chance le croyant est toujours né dans la bonne version de l’histoire, celle qui est Vraie avec une majuscule. Et puis derrière tout cela, il y a une histoire plus longue qui est celle de notre cerveau depuis des dizaines de millions d’années. Le cerveau des primates humains est conformé d’une manière qui maximise nos chances de survivre et de nous reproduire. Et cela a des conséquences sur nos intuitions, nos présupposés, notre appétit intellectuel. Nous avons tous les mêmes petits raccourcis mentaux très utiles pour traiter les informations de notre environnement de sorte à rester en vie. Il se trouve que ces raccourcis forment des « pentes de l’esprit humain » et au fond des vallées que cela produit se trouvent des concepts intuitifs, très faciles à penser, bien plus difficiles à questionner, quasiment universels, et Dieu en fait partie.

 

Est-ce qu’on voit selon vous émerger un mouvement qui veut prouver scientifiquement l’existence de Dieu, et votre ouvrage est-il une réponse à ce mouvement ? 

L’envie de prouver l’existence de Dieu par la raison date d’avant la science, c’était l’un des leitmotivs de la théologie chez Thomas D’Aquin et d’autres avant lui. Aux Etats-Unis le mouvement de l’Intelligent Design essaie depuis plus de soixante ans de faire entrer la religion dans les cours de science des enfants. On n’assiste à rien de vraiment nouveau, mais il y a actuellement une offensive en France avec le mouvement évangélique qui organise depuis 2019 des séminaires clairement créationnistes nourris de « science biblique », et par exemple le livre « Dieu, la Science les preuves » de MM. Bonnassies et Bolloré qui arbore les couleurs (mais sans l’assumer) d’un concordisme décomplexé attaché à réécrire l’histoire des sciences pour donner l’illusion que le progrès de la connaissance conforte la théologie et que, finalement, la science rapproche de Dieu.

 

La science doit-elle, selon vous, s’attarder sur la question de l’existence de Dieu ? Si oui, pourquoi, et en quoi cela nourrit la science ? Qu’est-ce que l’étude de l’existence de Dieu apporte à la science ? 

Il y a au moins deux dimensions à cette question. La plus simple est de se demander si un chercheur peut enquêter sur une hypothétique entité éternelle et toute puissante, et la réponse est oui dès lors qu’on dispose d’une définition minimale de cette entité et que l‘on peut tester des hypothèses en interrogeant les phénomènes par l’expérimentation des faits faisant intervenir la matière et l’énergie : ce que la science est en mesure de traiter. Le problème est que les croyants ne sont pas d’accord sur la définition de Dieu, sur sa nature, sur ses intentions, ses moyens d’agir et que jusqu’à aujourd’hui Dieu peut expliquer absolument tout et son contraire, ce qui, en science, revient à n’expliquer… rien. Sur cet aspect, rien est donc à peu près tout ce que Dieu peut offrir à la science : les découvertes se font justement parce qu’on ne se contente pas de « c’est Dieu qui l’a fait ».

L’autre dimension, c’est la question de l’origine et de la fonction éventuelle de la croyance en Dieu dans l’histoire humaine. Pourquoi est-ce aussi répandu ? Pourquoi cela joue-t-il si souvent un rôle structurant dans une société ? L’anthropologie, l’histoire, la sociologie, la psychologie et de nombreuses autres sciences humaines apportent des clefs de réponse et il est à mon sens très important que ces questions scientifiques se développent et que les réponses soient partagées dans le grand public.

Je m’efforce de traiter ces deux grands aspects dans mon livre.

2 réponses
    • Guillaume R.
      Guillaume R. dit :

      Bonjour.
      Je peux me tromper, mais il me semble que les dieux des monothéistes (et Yahvé en particulier) sont problématiques du fait que ceux qui se réclament de leurs paroles révélées prétendent détenir la vérité, ce qui n’est pas le cas chez les polythéistes. (Opinion personnelle basée sur les travaux de Hans Blumenberg, lus il y a quelques années ; il se peut que ma mémoire me joue des tours.)

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