Le Bénéfice du Doute #20

Enregistré le 18 janvier 2022

Invité Lonni Besançon.

Editorial

Le 5 mars 2021 est publiée dans la revue Scientific Reports l’étude d’une équipe brésilienne qui démontre l’inutilité du confinement pour lutter contre la pandémie de COVID-19. Immédiatement elle est massivement relayée, et on peut le comprendre : les citoyens forcés de rester chez eux, parfois au péril de leur situation financière, en tout cas aux dépends de leurs projets et évidemment de leurs libertés, s’ils découvrent que la mesure qui les frappe ne sert à rien, ont bien raison de s’indigner et de faire en sorte que les politiques soient appelés à s’expliquer, a s’excuser et à réparer leurs erreurs.

Cette étude fera l’objet de 30 mille tweets, sera lue 400k fois et sera relayée dans 34 médias en France. Elle se hisse à la 112e place des articles les plus partagés de l’histoire (sur 20M d’articles référencés). Et tout cela serait idéal, exemplaire même pour le rôle social de la science d’évaluer une politique publique et de mettre les décideurs face à leurs responsabilités.

Le problème c’est que cette étude était de mauvaise qualité, des experts ont montré que ses conclusions n’étaient pas solides, et le papier a été retiré, rétracté. Il n’appartient plus à la littérature scientifique, il n’est plus une contribution à la connaissance, et il ne devrait plus exercer d’influence.

La rétractation scientifique est un phénomène normal, dans le sens où il est prévu dans les règles du fonctionnement du monde académique. Parfois un journal, même de grande qualité, va publier une étude qui n’a pas été correctement relue, vérifiée, critiquée, voire qui est une authentique fraude avec des données inventées que les relecteurs n’ont pas su détecter. Le fameux LancetGate entre dans cette catégorie, et l’étude de Merha et al très influente à sa sortie le 22 mai 2020, a été rétractée deux semaines plus tard le 5 juin, un délai record.

L’étude de Savaris et al dont nous allons parler ce soir a été rétractée le 14 décembre 2021, 9 mois après sa publication, et grâce aux efforts de chercheurs qui on dû montrer les erreurs de méthode afin de convaincre le journal qu’il s’agissait de mauvaise science. Les auteurs de l’étude critiquée n’ont pas admis leur erreur, il a fallu que l’éditeur tranche. Et face à la rétractation Savaris a parlé de « terrible décision ». Ce drama scientifique est une très belle occasion de regarder dans les coulisses de la science pour comprendre comment une étude validée par la publication dans une revue sérieuse, peut se retrouver annulée alors même que les auteurs n’admettent pas les objections adressées à leur travail.

Et pour en parler nous avons la chance d’avoir avec nous l’un des acteurs de cette affaire, celui qui a coordonné la critique, qui est monté au front et a obtenu cette décision. Lonni Besançon est chercheur sur l’interaction machine, et en visualisation de données à la Monash Université de Melbourne. Il est en direct d’Australie avec nous. Bonsoir Lonni.