La « vérité en politique » avec Usul (TenL44)

Enregistré le 3 mai 2017 – Invité : Usul.

 

Editorial

Qui parle encore de vérité de nos jours ?

Il faut être bien téméraire pour prétendre la détenir. Les philosophes et les scientifiques ont abandonné l’illusion de connaître le monde tel qu’il est. Nous avons appris que notre perception du monde est pro-active. Nous ne voyons que ce que nous cherchons, ce que nous sommes habitués à voir, ce que nous nous donnons les moyens de voir, et guère plus que ce que nous sommes en mesure de comprendre. Nous n’avons accès qu’à une représentation du réel, imparfaite et donc forcément un peu fausse.

Dans le monde politique on a moins de pudeurs, et on nous promet la vérité, quitte à la dépeindre à l’aide de faits-alternatifs, à l’éclairer sous un angle exclusivement idéologique, à instrumentaliser l’ignorance de nos semblables pour leur faire croire à des solutions recyclées, packagées, marketées et calibrées à l’aune des urnes électorales.

La zététique, c’est-à-dire l’art du doute, n’a pas pour seul usage de confondre les gourous et les escrocs, de débunker les médecines frauduleuses et les informations frelatées. Elle est d’abord un moyen d’examiner ce que nous croyons être vrai, et les raisons pour lesquelles nous tenons cette opinion. Que ce soit en matière de religion, de philosophie, de morale ou de politique, partout où nous n’avons pas facilement accès à des preuves déterminantes que X est vrai ou que Y est faux, dans tous ces domaines, faute de mieux, nous devons douter, c’est-à-dire cultiver un doute raisonnable et méthodique.

La zététique est donc un outil que l’on aurait tort de ne pas employer pour douter à bon escient des diagnostics et des remèdes proposés par le personnel politique censé servir l’intérêt général. Cela ne fera pas de nous des politologues, des experts en commerce extérieur, en géopolitique, en régulation des marchés ou en droit international, mais cela peut contribuer à dissuader ceux qui veulent être élus d’employer des artifices rhétoriques déloyaux. Ce serait déjà pas mal.

Ce rapport du monde politique à la vérité, aux faits, aux interprétations sera le sujet de notre émission de ce soir avec Usul. Avec lui nous nous demanderons notamment si la politique peut être une science. Mais avant de lui donner la parole, disons un mot sur le concept de neutralité.

Eh oui, la neutralité a été invoquée à plusieurs reprises dès l’annonce de cette émission il y a plusieurs jours. Usul ne cache pas la latéralisation prononcée de son analyse sur le monde. Il assume la couleur idéologique des valeurs les plus précieuses à ses yeux. Tout le monde n’est pas d’accord avec ses opinons, il le sait et il le vit bien, ou bien il aura l’occasion de démentir cette information dans un instant. Sa présence ici a suscité des questionnements. La Tronche en Biais ne serait pas neutre et impartiale en lui donnant la parole.

Car il faudrait apparemment que nous soyons « neutres » afin d’être fiables. Il faudrait gommer totalement nos opinions personnelles quand nous traitons un sujet en lien avec la société, et d’une certaine manière atteindre une sorte d’objectivité ataraxique qui validerait nos propos.

 

Cela semble discutable, aussi nous en doutons. D’une part parce que d’une certaine manière tout est politique, toute prise de parole publique s’inscrit dans un contexte et a de possibles répercussions sur nos représentations respectives. Et puis surtout parce que nous sommes tous biaisés, nous avons tous un point de vue, et il serait dangereux de vouloir le nier en affectant une « neutralité » qui n’est qu’un moyen de faire passer son point de vue pour la normalité.

Rappelons au passage que quand un fort agresse un faible, le neutre se rend complice du fort. La neutralité n’est donc pas une vertu en soi, et elle est souvent une imposture. Parfois, dans un débat, l’une des deux parties a tort, complètement et simplement tort. Parfois même les deux parties ont tort ! —suivez mon regard—  On se demande au nom de quoi l’on devrait nécessairement adopter une neutralité, au milieu, sous prétexte que le débat est de nature politique.

Bien sûr, il ne faut pas se montrer partial, injuste, motivé par le seul désir de valider nos idées, cela s’appelle faire preuve d’honnêteté. Et nous défendons l’honnêteté d’un propos qui assume se fonder sur des valeurs. Aussi, mesdames et messieurs, nous ne sommes sans doute pas neutres dans notre approche, pas plus que quiconque, mais cela ne peut pas être bien grave car nous sommes sceptiques.

Et cette posture nous permet d’éviter de croire ce qui n’est pas prouvé, et de réclamer de bonnes raisons d’accepter ce qu’on nous dit. La neutralité n’est pas utile quand on sait douter.

Mais demeure la question de la vérité que nous aborderons ce soir. Le vrai, le réel, et le politique. Usul, vous avez deux heures !

2 réponses
  1. idoric
    idoric dit :

    Il avait attiré mon attention, mais vous m’avez convaincu de commander le livre d’Henri Broch. Vu que vous l’avez déjà, peut-être que cela vous a échappé, mais il est aujourd’hui difficile à obtenir, autant le savoir…

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  2. idoric
    idoric dit :

    Mea culpa. En fait, le livre n’est peut-être pas dispo sur Amazon (mais est-ce bien grave ?) et consorts, mais il l’est bel et bien sur le site de l’éditeur :

    https://www.book-e-book.com/livres/8-l-art-du-doute-9782915312119.html

    Pour ma défense, quand j’étais tombé dessus lors de mes recherches, j’avais cru que site ne vendait que des ebooks du fait de son nom (maintenant j’ai compris le sens du nom ;)), je n’avais d’ailleurs même pas compris qu’il s’agissait du site de l’éditeur. J’ai compris mon erreur en regardant votre vidéo avec Henri Broch où il signale sa maison d’édition.

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