La science et ses financements

Cet article invité nous a été proposé par l’une des personnes derrière l’excellent blog La Théière Cosmique suite à une intéressante discussion sur les réseaux sociaux. Les pages de la Menace Théoriste ont vocation à être utilisées par tous les sceptiques qui ont des choses à dire…

Mise au point sur des notions fondamentales pour la compréhension de la valeur des résultats scientifiques publiés. (~1700 mots / 8 minutes)

La vision populaire de la science est souvent fantasmée, et influencée par la place qu’elle occupe dans les produits culturels que nous consommons.


L’anecdote et l’observation ponctuelle n’étant pas des moyens satisfaisants de décrire la réalité, on emploie préférablement, à propos de tout thème, la méthode scientifique. Celles et ceux à qui on demande de l’appliquer sont les scientifiques de tous horizons, dont on attend des travaux nombreux et répondant au nombre croissant de questions que l’on se pose à propos de ce qui nous entoure, de ce que l’on respire et ce que l’on mange, ou encore de ce qu’il se trame sur de lointaines planètes.
Ces chercheurs dédient leur carrière à répondre aux questions qu’on leur soumet ; et à cet effet ils sont rémunérés, car il serait pénible de les voir atteints d’inanition. Mais alors, que peut-on dire de l’indépendance, attribut ô combien sacralisé aujourd’hui, de ces scientifiques, et qu’est-ce que cela implique vis-à-vis de la qualité de leurs productions ?


Qui paie et est-ce grave ?

La recherche scientifique est en partie publique, c’est-à-dire financée par les états. En France, ces financements concernent par exemple le CNRS, l’INSERM mais également de nombreux laboratoires plus modestes et dispersés à travers les universités et le pays entier ; en Europe le public connaît bien le CERN.
Cela dit, il est régulier qu’un intérêt privé finance un organisme de recherche publique pour réaliser des travaux sur un sujet quelconque. La plupart du temps c’est lorsque cet intérêt – entreprise, association ou autre – ne dispose pas des moyens techniques et des connaissances nécessaires à la réalisation de l’étude. Il est même assez courant qu’un chercheur soit directement employé par le département de R&D d’une entreprise afin de mener des recherches pour le compte de ladite entreprise.

Ces collaborations sont-elles la preuve que le chercheur est « soudoyé », « non indépendant » ou « à la solde de l’intérêt privé en question » ? Non, non et non. Et re-non. Je préfère être clair sur ce point.

Vous êtes – pour ceux d’entre vous qui êtes salariés – amenés à toucher un salaire de la part de votre employeur, plus ou moins à chaque fin de mois travaillé. Est-ce qu’en conséquence, vous vous sentez volontairement prêts, ou au contraire obligé, de braver la loi, les règlements, risquer vos diplômes et votre respectabilité / réputation pour les beaux yeux de votre employeur ?
Alors pourquoi diantre un chercheur serait-il différent, par quel insondable sorcellerie deviendrait-il automatiquement la marionnette des gens qui financent ponctuellement ses travaux ?


De même qu’un comptable n’a aucun intérêt à risquer sa place, sa liberté et sa respectabilité en falsifiant les comptes de son entreprise, sur demande de sa hiérarchie ou non, le chercheur a beaucoup à perdre en tentant de publier des travaux volontairement truqués.

Pourtant, des cas d’études falsifiés existent, donc certains essaient bien de tromper le public !

Il a existé, il existe et il existera au moins pendant un temps – je précise, parce que je ne suis pas médium – des chercheurs, extrêmement minoritaires jusqu’à maintenant, qui tenteront de tricher. Parfois parce qu’ils ont été payés pour le faire. On les condamne lorsqu’on a des preuves que c’est le cas.

Une accusation de trucage d’étude – et donc souvent, de mise en danger de la vie d’autrui, de manquement à l’éthique (toujours pour le coup) et de falsification – est une accusation grave ; on aurait pas idée de dénoncer son voisin pour un délit grave sans une quelconque trace de preuve, il doit en être de même avec ces accusations.

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C’est pourquoi on trouve des garde-fous dans l’organisation de la publication scientifique

Afin de parer à d’éventuelles erreurs involontaires, influences non souhaitées ou tricheries pures et simples, les modalités de la publication scientifique imposent plusieurs choses :

a/ annonce des conflits d’intérêt et financements : un conflit d’intérêt en sciences, c’est-à-dire le fait d’avoir un intérêt – financier, de renommée, de relations – dans le domaine précis concerné par les recherches effectuées, n’est pas un problème en soi. On le déclare en début d’article lorsqu’on publie, ainsi les lecteurs le savent, et cela leur permet de se concentrer sur la qualité du travail effectué plutôt que sur les finances de l’auteur. En cas de gros problèmes dans une publication – comme le cas Wakefield chez The Lancet – on est alors en mesure d’évaluer les raisons possibles des erreurs relevées. S’il s’avère que les conflits d’intérêts n’étaient pas déclarés, c’est alors d’autant plus suspicieux, et cela peut décrédibiliser durablement quelqu’un, jusqu’à stopper net sa carrière dans la recherche. Les chercheurs tiennent à ces annonces, et réclament qu’elles soient effectuées convenablement.

b/ relecture et vérification par les pairs de tout le contenu de l’étude, et mise à disposition gratuite des données brutes si demandées : comme déjà un petit peu abordé précédemment, les publications scientifiques sont relues par les spécialistes du domaine, et potentiellement par tous ceux qui le souhaitent, même non spécialistes. Les relecteurs peuvent critiquer librement le travail qu’ils vérifient, et amener à de multiples corrections le cas échéant.
Cette phase de la publication scientifique est primordiale, car elle est la protection principale contre les erreurs tant méthodologiques que mathématiques et statistiques, ou logiques, qu’elles soient volontaires ou non.

c/ Réplication de l’expérience par d’autres équipes afin de reproduire les résultats : il s’agit d’un complément du point précédent ; la réplication de l’étude permet de s’assurer qu’on a raté aucune erreur influençant les résultats obtenus. D’un point de vue purement statistique, c’est également l’occasion de diminuer les risques – déjà faibles si l’étude est bien construite – de faux-positif ou de faux-négatif.

d/ pleins d’autres choses qui ne nous intéressent pas ici.

Avec les trois premiers points, on a en théorie une influence nulle du commanditaire, et même des auteurs de l’étude, sur le résultats de celle-ci. S’ils trichent, on le voit.


Ces sécurités sont assez efficaces et sont constamment employées

Par exemple, personne dans la communauté scientifique n’accuse Gilles-Eric Séralini d’être corrompu et de truquer sciemment ses résultats ; c’est une possibilité, d’autant plus probable que ses erreurs sont rudimentaires, mais on a pas de preuve de sa culpabilité, donc on n’accuse pas.

Il a ses conflits d’intérêts, très bien, il a oublié de les annoncer pour sa dernière étude, moins bien mais c’est corrigé, il a fait plusieurs erreurs repérées et corrigées par le comité de lecture de la revue publiant ses travaux, très bien, il restait des erreurs que les reviewers ont repéré, parfait.

On constate plutôt que les accusations les plus véhémentes sont du fait des anti-sciences notoires ; ces derniers jouent sur la mauvaise représentation qu’a le public de ce qu’est un conflit d’intérêt, pour manipuler l’opinion publique. On a pu le constater par exemple lors de l’épisode du ClimateGate, visant à décrédibiliser les travaux liés au réchauffement climatique et à son origine anthropique.
Un autre cas intéressant est celui de Kevin Folta, dont le traitement médiatique n’est pas des plus pertinents, et qui est un excellent exemple d’attaque infondée sur un scientifique sérieux.

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La confusion entre travaux et personnes est entretenue par les individus qui s’opposent à la science, car il est plus simple d’attaquer ad hominem plutôt que d’invalider des recherches pertinentes formant un corpus cohérent.


Mais ce n’est pas parfait, des biais subsistent

Dans la réalité, des biais existent : principalement le biais de publication, qui consiste à ne pas publier les résultats négatifs, considérés à tort comme « moins utiles » – ou dans un cas extrême, ne pas publier pour cacher le résultat. Je me contenterai ici de citer le très bon billet de l’hôte de ce blog pour davantage d’informations à ce sujet.


Heureusement, la science n’est pas figée et s’adapte

La science évolue constamment, et de plus en plus de mesures sont mises en place pour éviter ce biais : déclaration préalable des études réalisées dans le futur, études d’indépendants, etc. Encore une fois, d’autres que moi en parlent de manière très pertinente, aussi citerai-je le travail du psychologue Bryan Nosek de l’Université de Virginie sur cette question.


Cela dit, tout n’est pas sujet de recherches, si ?

Il est évident que tout ne peut être étudié en même temps. Il est évident qu’une entreprise, dont la survie dépend des bénéfices qu’elle génère, étudie en priorité ce qui peut, à court, moyen ou long terme, lui rapporter de l’argent. Il est donc logique qu’une entreprise n’étudie pas ce qui ne l’intéresse pas.

La recherche publique doit être là pour travailler sur les sujets qui intéressent les chercheurs, qui peuvent être similaires à ceux des entreprises, ou bien tout à fait différents. Maintenant, comme je viens de le dire, on ne peut pas tout traiter en même temps.
A partir de quand peut-on considérer qu’un sujet mériterait d’être traité et ne l’est pas ?

Enfin, je suis passé sur le fait que publique comme privée, la recherche a un budget limité : on ne développe pas toutes les molécules susceptibles d’avoir un même effet positif sur la santé, on choisit les plus prometteuses. Même chose dans les domaines autres que la santé. Et c’est normal ! Personne n’aurait l’idée d’acheter 10 voitures différentes pour son seul usage personnel (sauf collection), on choisit la mieux adaptée à nos critères !

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Bref, pour conclure

Recevoir un financement n’est pas du tout la preuve de quoi que ce soit de répréhensible a priori. D’autant que ce financement peut être perçu ou non en salaire, en financement de recherche, ou en tout à fait autre chose, matériel, conférences, rénovations ou que sais-je. Être en lien avec des industriels, ou des organismes militants / politisés, n’est pas non plus une raison suffisante pour se voir refuser la publication de ses travaux.

En effet, il est dans la nature même de la recherche scientifique de traquer et d’éliminer, tant que possible et à tout instant, les sources de biais et d’erreurs. En autorisant les chercheurs en conflit d’intérêt à publier, on permet à bien plus de travaux d’être menés, en profitant des moyens considérables que peut apporter le secteur privé, ainsi que de l’expérience qu’un spécialiste peut engranger en travaillant de nombreuses années dans un secteur industriel précis ; et ce, tout en gardant à l’oeil les résultats qui pourraient être biaisés volontairement.

Il convient donc de se renseigner en profondeur sur ce dont on parle avant de lancer des accusations graves au sujet de personnes dont on met la carrière et la réputation, donc la vie professionnelle, en jeu.


Pour aller plus loin sur le sujet :
26 réponses
  1. 2nilamalis
    2nilamalis dit :

    Navré, j’ai arrêté la lecture au moment où vous nous prenez à partie,
    « vous qui êtes salariés… vous vous sentez volontairement prêts, ou au contraire obligé, de braver la loi, les règlements… ? »,
    c’est justement ce que je dois régulièrement faire, et pas plus tard que cette semaine, tout simplement pour éviter les représailles de ma hiérarchie, et garder mon modeste job…
    Alors que dire de ces chercheurs qui ambitionnent une grande carrière et courent après les financements ?

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    • Matt McOtelett
      Matt McOtelett dit :

      Bonjour 2nilamalis,

      Tout d’abord merci d’avoir pris le temps de commenter cet article !
      C’est dommage d’avoir arrêté la lecture si tôt, car juste après cette adresse au lecteur, j’explique pourquoi même dans votre situation, un scientifique ne peut pas pervertir son travail sans que ce soit finalement remarqué.
      J’explique également qu’un scientifique qui se permettrait ce genre d’écarts, ne met pas en jeu que « son modeste job » mais toute sa carrière, qu’il ambitionne grande comme vous le dites si bien.

      De fait, je serais très intéressé par le retour que vous pourriez faire de l’article complet, si d’aventure vous finissiez par le lire en entier 🙂

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      • 2nilamalis
        2nilamalis dit :

        Mon intro était juste une tournure rhétorique, pour ne pas abuser du point Bisounours, en lieu et place du point Godwin :p
        Je laisse le soin à d’autres d’argumenter sur les dégâts qu’une minorité d’études biaisées et/ou orientées (que ce soit par le scientifique lui-même, par l’industriel les finançant, le magnat de presse ou le mouvement politique les diffusant), peut provoquer sur la santé mentale, voire la santé tout court d’une part importante de la population, avec des effets à long terme.
        Pour exemple, la négation du dérèglement climatique anthropique, 3% des scientifiques > 20% de la population,
        ou bien 25 ou 30 ans de production de tel médicament ou telle autre « créature scientifique » sans sanction (là, j’abuserai du point Amiante, du point Mediator, du point Distilbène, du point Statines, du point Glyphosate, etc.).
        Votre phrase (extraite de son contexte) « Il est donc logique qu’une entreprise n’étudie pas ce qui ne l’intéresse pas » m’offre ma conclusion 😉
        L’autre phrase d’un célèbre sociologue « quand on pense qu’il suffirait que les gens n’en achètent plus pour que ça ne se vende plus » (Michel Colucci), n’a de pouvoir que si « les gens » ne sont pas systématiquement désinformés…

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    • SpideR
      SpideR dit :

      J’avoue que cet argument ne m’a particulièrement pas convaincu non plus, pour les mêmes raisons que 2nilamalis. Le comptable qui fait un truc limite pour faire plaisir à sa hiérarchie, par peur des représailles, ça arrive, et pas rarement, alors que les comptables sont réputés avoir une certaine droiture (et je ne veux pas dire par là que les chercheurs n’ont pas cette réputation, je veux dire que le comptable est justement un plutôt bon contre-exemple). Or, les scientifiques (comme par exemple les journalistes, de par la nature publique de leur travaux, par opposition aux comptables) sont beaucoup plus exposés à la volonté de la part d’une entité particulièrement riche ou influente de modifier un résultat avant que le public ne le voie
      C’est dommage je n’ai pas grand chose à redire sur le reste de l’article, cette partie là mériterait peut-être une nuance, une réécriture, voire un sacrifice au nom de la qualité globale de l’article

      Répondre
      • Matt McOtelett
        Matt McOtelett dit :

        L’argument ici n’en est pas vraiment un ; c’est uniquement une mise au point sur les attentes que l’on peut avoir concernant l’intégrité des autres. En effet, on entend souvent parler des scientifiques comme si la présence d’un billet à moins de 10m d’eux rendait automatiquement caduque tous leurs travaux ; par cette adresse au lecteur, je l’invite à s’interroger sur la pertinence de ces considérations.

        Enfin, en ce qui concerne le fait que certains comptables trichent – et donc par analogie, certains chercheurs également -, je ne vois pas en quoi c’est dommage qu’on puisse soulever ce point. C’est justement parce qu’il est impossible de se contenter d’une confiance aveugle dans les individus en général, qu’on a instauré des règles qui garantissent un comportement acceptable. Notez le titre et le contenu du paragraphe qui suit celui dont on parle 🙂

        Répondre
  2. Matt McOtelett
    Matt McOtelett dit :

    Il serait pourtant intéressant que vous développiez, car par définition un ensemble minoritaire d’études n’influe pas sur le consensus scientifique.

    En ce qui concerne le RCA, les 3% représentent non pas des scientifiques de manière générale, mais bien des experts du climat ; ça ne représente pas la proportion d’études qui ne soutiennent pas le consensus, et rien n’indique à priori que ces experts sont corrompus, ou les études en question faussées. Un consensus scientifique ne concerne jamais 100% des études publiées sur un sujet, il est statistiquement normal qu’un nombre restreint de papiers donnent des résultats différents.

    En ce qui concerne l’amiante, les scientifiques ont très tôt – début du XXe siècle – identifié les risques ; ce sont les pouvoirs politiques qui ont mis beaucoup de temps à agir sur les réglementations. Cela n’a rien à voir avec le propos de cet article. Idem pour le médiator et le Distilbène, c’est bien le processus d’autorisation de mise sur le marché qui a été mis en échec, et pas la recherche de manière générale : la recherche médicale indiquait déjà avant sa commercialisation, que le médiator avait un effet spécifique très faible, et des effets secondaires conséquents, par exemple.

    Quant à votre conclusion, elle tombe à côté de la réalité pour une raison simple : on impose à l’entreprise qu’elle paie de sa poche pour les études de risques de ses produits, sans quoi ils ne peuvent être commercialisés. Donc qu’elle en ait envie ou non, ces études doivent être réalisées, et ce n’est pas le contribuable qui paie. Reste à s’assurer que les comités qui épluchent les dossiers de mise sur le marché soient impartiaux et compétents, ce qui rejoint ce que je disais précédemment sur le volet politique de la vente d’un médicament ou tout autre produit.

    Pour conclure, je ne peux que vous rejoindre sur la qualité médiocre de la diffusion des informations scientifiques par els médias, et leur interprétation par le monde politique. Mais ces problèmes sont indépendants de ceux que la recherche peut rencontrer, et qui sont le seul sujet que j’entendais aborder dans cet article 🙂
    PS : le glyphosate, quoi ? A ma connaissance, le glyphosate ne pose pas de problème majeur lorsqu’il est employé dans les conditions décrites dans le manuel fourni à l’achat, au contraire (ceci est une traduction de mon collègue de La Théière Cosmique) :
    https://latheierecosmique.wordpress.com/2015/03/29/trad-glyphosate-et-cancer-que-disent-les-donnees/

    Répondre
  3. Ilian
    Ilian dit :

    Bonjour , j’ai trouvé cet article fort intéressant , mais c’est la discussion qui m’interpelle :
    Dans le scandale de l’amiante , si l’on savait dès le début du 20 ème que c’était dangereux (en tout cas les scientifiques) et que les pouvoirs politiques n’ont rien fait , alors pourquoi ces scientifiques n’auraient ils pas lancé l’alerte , pour aller plus loin ne devrait il pas y avoir un lien entre les scientifiques et le reste du peuple qui passe outre les politiques et au dessus des médias. Parce si au bout d’un moment les scientifiques se rendent compte que rien n’est fait pour stopper quelque chose de dangereux , peut être devrait ils faire bouger les choses ?
    Là c’est une question comme ça , mais on dirait presque une caricature du scientifique dans sa caverne qui cherche des choses et laisse les autres moins scrupuleux le soin de l’annoncer à tous .

    C’est le même problème avec le médiator , si l’on savait se médicament peu efficace , pourquoi n’a t’on pas de grand spécialiste le dire dans les média. On dirait l’histoire de la personne trompé qui quand elle découvre , se rend aussi compte que tous ses amis savaient .

    Mais sinon , l’article est très bien , je le trouve assez clair.

    Répondre
    • Matt McOtelett
      Matt McOtelett dit :

      Bonjour Ilian,

      merci pour votre retour sur l’article 🙂

      En ce qui concerne le lien entre scientifiques et public, c’est le rôle des comités qui sont en charge des mises sur le marché ou du classement des produits par dangerosité / type de risque. Le problème c’est que ces comités ne sont pas toujours constitués de personnes indépendantes, et ça peut être un problème, car contrairement à ce dont on a parlé ici, point de déclarations des conflits d’intérêts ou de « réplication » puisqu’il n’y a pas d’études à publier, mais juste des conclusions à tirer du corpus existant.
      Finalement, certains organismes s’organisent de manière à pallier à ces problèmes, c’est le cas de l’EFSA au niveau européen, qui abat un travail titanesque sans coup férir ; mais tous ne sont pas aussi rigoureux dans leur manière de travailler.

      Le domaine pharmaceutique est particulièrement touché par diverses critiques qu’on peut émettre, et que je ne développerai pas plus ici car ce n’est pas le propos de l’article. Ca ne signifie pas qu’il faut arrêter toute médication ; cela signifie qu’il faut exiger de la part des instances de contrôle plus de sérieux.

      Enfin, je préciserai que les scandales dont on parle ont éclaté à propos de produits dont les autorisations ont été délivrées il y a plus de 40 ans, alors que les garde-fous au niveau des comités examinant les demandes de mise sur le marché étaient bien moins nombreux qu’aujourd’hui. C’est tristement grâce à ce genre de cas qu’on prend conscience des dernières failles insoupçonnées. Aujourd’hui, il serait impossible de recommencer les magouilles qui ont pu avoir lieu, et l’EFSA, comme d’autres institutions de surveillance et de protection de la santé, ont lancé des campagnes successives de vérification concernant les autorisations délivrées par le passé ; en fait, ces campagnes ont lieu dès que de nouvelles informations sur telle ou telle molécule sont avérées par la recherche. En tout dernier lieu, choisir de commercialiser ou non un produit reste hautement politique, bien que les données fournies par la sciences doivent être une base de décision essentielle : par exemple, consommer beaucoup de viande rouge ou transformée peut augmenter légèrement les risques de cancer, doit-on interdire leur commercialisation ? Imposer des limitations quelconques ? Tombons d’accord sur le fait que de telles questions voient leur réponse résider hors du champ de la science.

      Répondre
      • 2nilamalis
        2nilamalis dit :

        « Aujourd’hui, il serait impossible de recommencer les magouilles qui ont pu avoir lieu ».
        On peut toujours essayer de s’en convaincre…
        « Tombons d’accord sur le fait que de telles questions voient leur réponse résider hors du champ de la science ».
        Cela s’appelle botter en touche… Si Frank-Einstein crée un monstre dans son labo,
        c’est à l’insu de son plein gré que la World Company l’exploite pour provoquer un génocide, ou un écocide ?
        Qui est responsable/coupable, celui qui invente l’arme, ou celui qui s’en sert ?
        Qui aura le dernier mot ? Qu’est-ce que le Progrès ?
        La boite de Pandore se refermera-t-elle toute seule, ou explosera-t-elle, et nous avec ?
        Bonjour chez vous 😉

        Répondre
        • Matt McOtelett
          Matt McOtelett dit :

          Quel est votre propos exactement ?

          Je comprends mal l’allusion à la créature de Frankenstein, qui n’est un monstre que pour ceux qui décident de le considérer comme tel, et n’est pas intrinsèquement mauvais ; en fait, il est comme le fruit de la recherche : neutre d’un point de vue éthique ou moral. La maîtrise de la fission par exemple, permet d’éclairer des millions de foyers chaque jour, et pourrait permettre l’anéantissement de pays entiers. Le problème réside bien dans l’emploi qui en est fait, et non dans la technique elle-même.

          Nous sommes encore devant un cas où il est nécessaire de séparer ce qui relève de la science, et ce qui relève de ce qu’on fait des résultats scientifiques. Maintenant, je peux me tromper, auquel cas je vous invite à préciser votre pensée.

          Répondre
  4. Ilian
    Ilian dit :

    Je pense que la question posée est de savoir si parfois le scientifique devrait se censurer d’effectuer une recherche car il peut se douter d’utilisation malveillante plus tard.
    Par exemple si une personne se décide a créé une chose telle la créature de frankenstein (ou alors des recherches dans ce sens) , il pourrait se douter que le simple fait de ramener des morts à la vie, pourrais avoir des conséquences malheureuses ?

    Donc finalement y a t’il des champs d’études que l’on doit se censurer ?
    Politiquement la réponse est oui, vu que ça existe sur tous ce qui est humain.
    Mais scientifiquement je ne sais pas si il y a une réponse ou même si cette question a un sens.

    Peut être dans plusieurs siècles il y aura beaucoup plus de recherche sur la génétique sur l’humain comme des hybridation. Humain animal ou autres.
    Ou alors je me trompe totalement ?

    Répondre
    • Matt McOtelett
      Matt McOtelett dit :

      C’est intéressant que l’on revienne sur Frankenstein. La créature n’est pas éthiquement mauvaise ou bonne au départ, elle « est ». On peut critiquer le manque d’éthique lors de sa création, et lors de son « emploi » càd ses actions dans ce cas particulier, mais en elle-même n’est pas une bonne ou une mauvaise chose.

      Prenons comme exemple le procédé Haber-Bosch : il s’agit d’un procédé chimique permettant la synthèse de l’ammoniac, découvert au début du XXe siècle. Fritz Haber, chimiste allemand, était également très engagé politiquement pour une guerre opposant l’Allemagne à la France, avant la première guerre mondiale. Il est donc possible qu’il ait été motivé dans le développement du procédé par le fait qu’il permettrait de synthétiser de grandes quantités d’explosifs.
      Cependant, la synthèse de l’ammoniac a permis la production massive d’engrais, ce qui fut la principale manière d’éviter une famine à l’échelle mondiale en augmentant les rendements de l’agriculture de manière drastique.

      Peut-on dire qu’il aurait fallu stopper Haber dans ses recherches à cause de ses possibles intentions ? La question est pertinente, la réponse non triviale. Mais aurait-on du considérer le procédé Haber-Bosch comme « entaché » ou « souillé » par ces-dites intentions, au point de ne pas l’employer ensuite ? Non. Le procédé en tant que connaissance, est neutre éthiquement. Il fut utilisé à la fois dans un but très louable, et à la fois dans un autre but, qui le fut beaucoup moins. Ethiquement, au moins l’une de ces deux utilisations est critiquable, mais à nouveau, cela ne remet pas en cause la neutralité de la connaissance en elle-même.

      De fait, pour répondre à votre question : non, je ne crois pas qu’il faille censurer des champs d’études. Il faut contrôler l’éthique des méthodes de recherche, et l’éthique de l’emploi des connaissances acquises.

      Un mot sur votre ouverture finale : la génétique progresse effectivement beaucoup, et on connait de mieux en mieux le rôle des gènes qui déterminent ce que nous sommes. On peut imaginer des applications contraires à l’éthique telle que définie aujourd’hui, comme des übermenschen par exemple ; on peut également se laisser prendre à rêver d’un monde sans maladies ou handicaps héréditaires. La différence entre les deux ne réside pas dans l’interdiction de faire progresser la génétique, mais dans le questionnement éthique systématique des applications qu’on peut faire des connaissances qui la composent, et des manières qu’on se propose d’employer pour atteindre les connaissances visées.

      Répondre
  5. Ilian
    Ilian dit :

    Évidemment je me doute bien qu’on peut pas tout prévoir, mais si un effet négatif possible est évident, doit on sabstiendre d’avancer dans cette recherche.

    Répondre
    • Soulsand
      Soulsand dit :

      Ce raisonnement paralyserait toute recherche scientifique !
      Chaque connaissance est à double tranchant : le procédé Fritz-Haber, évoqué précédemment, a permis à la fois la production massive d’explosifs avant la 1ère guerre mondiale et de tuer dans l’œuf une famine à l’échelle mondiale. L’électricité est vitale pour notre société, mais elle mène aussi aux missiles intelligents, aux canons électromagnétiques, aux tasers, aux chaises électriques…
      La recherche sur les virus développe à la fois les armes chimiques et les vaccins et médicament les plus vitaux.

      Répondre
  6. factsory
    factsory dit :

    Bonjour,

    C’est étonnant de faire un article sur le financement des études, les conflits d’intérêts en ne mentionnant pas explicitement le biais de financement et les éléments concrets les attestant (en déterminer la cause est autre chose).
    Pour citer des exemples (puisque j’en parle), on peut évidemment penser à l’industrie du tabac. Mais on peut aussi citer BigPharma (voir par exemple ici pour le dernier exemple en date : http://www.scientificamerican.com/article/many-antidepressant-studies-found-tainted-by-pharma-company-influence/) ou BigFood (par ex : http://well.blogs.nytimes.com/2015/08/09/coca-cola-funds-scientists-who-shift-blame-for-obesity-away-from-bad-diets/?_r=0 ou http://journals.plos.org/plosmedicine/article?id=10.1371/journal.pmed.1001798).

    « Alors pourquoi diantre un chercheur serait-il différent, par quel insondable sorcellerie deviendrait-il automatiquement la marionnette des gens qui financent ponctuellement ses travaux ? »
    Alors pourquoi recourir à une belle technique de l’homme de paille ?
    À vrai dire j’ai du mal à comprendre l’argumentaire. D’un côté vous dîtes que les chercheurs ne sont pas des marionnettes et de l’autre vous dîtes qu’il est important de citer ses conflits d’intérêts. Pourquoi si les chercheurs ne sont pas des marionnettes ? Il manque en fait une étape (il est vrai discrètement mentionnée par « d’éventuelles erreurs involontaires, influences non souhaitées ») : le biais de financement n’est pas forcément volontaire. On peut émettre plusieurs hypothèses expliquant ce biais et ne recourant pas à supposer la malhonnêteté des chercheurs :
    1. Les entreprises vont financer des chercheurs qui vont dans leur sens (ou arrêter le financement de chercheurs qui n’y vont plus).
    2. L’effet de réciprocité : recevoir un cadeau nous rend plus enclin (inconsciemment) à vouloir rendre à la personne
    3. Une sorte de lobbying : le fait d’être plus en contact avec des industriels pourrait rendre les chercheurs plus enclins à favoriser leurs hypothèses du fait qu’ils sont plus en contact avec de telles hypothèses que les chercheurs qui n’ont pas de contact avec les industriels.

    Répondre
    • Matt McOtelett
      Matt McOtelett dit :

      Bonjour Factsory,

      je constate que vous appréciez la lecture du contenu proposé par mon collègue Plasmodioum et moi ; merci pour votre assiduité 🙂

      Le cas du tabac et des produits pharmaceutiques est celui dont j’ai déjà traité avec 2nilamalis précédemment : dans ces deux cas comme dans ceux dont on a parlé plus haut, on a une poignée d’études biaisées, qui n’influencent en rien le consensus scientifique – la science a statué sur les premiers dangers observés du tabac dès le début du XXe siècle, donc bien avant le coup médiatique célèbre des années 70 – et c’est ensuite un lobbying politique ou via les médias qui influence finalement le public ou le comité chargé des mises sur le marché.

      J’ai également déjà expliqué le but de l’adresse au lecteur : c’est uniquement une mise au point sur les attentes que l’on peut avoir concernant l’intégrité des autres. En effet, on entend souvent parler des scientifiques comme si la présence d’un billet à moins de 10m d’eux rendait automatiquement caduque tous leurs travaux ; par cette adresse au lecteur, je l’invite à s’interroger sur la pertinence de ces considérations. Finalement, c’est une manière de rappeler la position de base d’où on est censé démarrer : tous les chercheurs ne sont pas corrompus – volontairement ou non – à priori. Je ne dis pas qu’aucun ne l’est, d’ailleurs j’indique des exemples juste après, le financements qui ont abouti à des travaux truqués. Point d’homme de paille ici 🙂

      En ce qui concerne vos hypothèses, elles seraient intéressantes si elles n’avaient pas déjà des réponses dans l’article supra ou ceux auxquels il renvoie :
      1/ Comment savoir à priori « dans quel sens » va un chercheur ? Un chercheur ne va dans aucun sens, il teste une hypothèse et conclue sur celle-ci en fonction de ses résultats. Chercher un résultat précis avant même d’avoir lancé l’expérience, c’est hors du B-A BA de la méthode scientifique. De plus, si par hasard vous lisez l’article que j’ai linké au paragraphe « Heureusement, la science n’est pas figée et s’adapte » vous découvrirez que de plus en plus souvent, il est demandé d’annoncer les travaux qu’on s’apprête à réaliser, et ainsi, il est impossible de cacher des résultats en ne les publiant pas, ou en arrêtant de financer une équipe qui ne trouve pas « ce qu’il faudrait ». D’autres méthodes de protection contre ces risques sont employées, vous les découvrirez dans ledit lien.
      2/ A nouveau, cela aurait du sens si le chercheur savait à l’avance ce qu’il compte trouver, et ce n’est pas le cas. Considérons également qu’une fois les données brut générées, il n’est pas vraiment possible de conclure le contraire de ce qu’elles montrent – pas sans se faire choper au peer-review en tout cas.
      3/ Ce point est le même que le précédent, formulé différemment. La réponse sera donc celle du point précédent, formulée identiquement 🙂

      Finalement j’ai du mal à comprendre en quoi votre thèse ne voit pas sa réponse dans tout ce qui précède ; je vous invite à relire au calme l’article supra, les points que je rappelle rapidement ici y figurent, et il propose des liens vers des explications plus amples, puis à reformuler votre critique le cas échéant.

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  7. factsory
    factsory dit :

    Bonjour,

    Je vous propose, pour avoir un débat sain, que nous évitions les attaques personnelles. Ainsi je vous propose d’éviter de m’accuser de ne pas lire votre commentaire « calmement ».

    Sur le fond : si je comprends bien vos critiques vous partez du principe que les chercheurs sont des personnes parfaitement rationnelles (p. ex. « il teste une hypothèse et conclue sur celle-ci en fonction de ses résultats »). Ce qui est une hypothèse très forte et réfutée par les faits. Par exemple Sismondo, 2008 fait référence à plusieurs études montrant que les interprétations des résultats sont biaisées par le financement (on peut aussi se reporter à Lexchin, 2003).

    Vous ne pouvez pas non plus cantonner le biais de financement à quelques études biaisées (« on a une poignée d’études biaisées, qui n’influencent en rien le consensus scientifique »). C’est là aussi réfuté par les faits. Le lien que j’ai donné dans mon message précédent (Ebrahim et al, 2015) montre que le biais de financement affecte aussi des méta-analyses (pourtant le plus haut niveau de preuve), dans une quantité que je ne saurais qualifier de « poignée » : « There is a massive production of meta-analyses of antidepressants for depression authored by or linked to the industry, and they almost never report any caveats about antidepressants in their abstracts. Our findings add a note of caution for meta-analyses with ties to the manufacturers of the assessed products. ». De même Bekelman et al, 2003 montrent qu’environ un quart des chercheurs reçoivent des financements de l’industrie et que lorsqu’il y a de tels financements, il y a de 2,63 à 4,91 fois plus de risques que les conclusions aillent en faveur de l’industrie. Là non plus je ne considère pas qu’il s’agit d’une « poignée » d’études.

    Le rôle de l’industrie du tabac ne s’est pas cantonné à un lobbying politique ou dans les médias. Dès les années 70 les chercheurs de l’industrie savaient que le tabagisme passif était nocif (Oreskes et Conway, 2012). Pourtant l’industrie va critiquer l’étude de Hirayama (en 1981 qui montre l’effet du tabagisme passif au Japon) alors qu’en interne elle reconnaît ses qualités. C’est en 1986 que le Surgeon General et que le CIRC vont reconnaître les dangers du tabagisme passif (http://www.surgeongeneral.gov/library/reports/secondhandsmoke/fullreport.pdf). L’industrie du tabac, en cachant ses recherches, n’a-t-elle pas retardé le consensus sur le sujet ?
    Malgré ces rapports, les reviews sur le sujet vont continuer à être publiées et là aussi on observe des biais dus au financement (Barnes, Bero, 1998) : 37% des reviews concluent à l’absence de danger du tabagisme passif, 74% d’entre elles sont écrites par un auteur affilié à l’industrie. On peut aussi se reporter à Tong et al, 2007 pour voir comment l’industrie a cherché à nier puis minimiser les effets du tabagisme passif sur les maladies cardio-vasculaires.
    Mais il n’y a pas que le tabagisme passif il y a aussi le lien entre maladie d’Alzheimer et tabagisme et là aussi on observe les mêmes biais (Cataldo et al, 2010).

    Je pourrais continuer en étendant à d’autres sujets mais je pense avoir donné assez d’éléments ayant réfuté vos affirmations.

    Concernant mes hypothèses, on peut savoir dans quel sens vont certains chercheurs, car contrairement à ce que vous semblez dire un chercheur n’est pas un être parfaitement rationnel. Vous avez des chercheurs qui ont défendu la non dangerosité du tabagisme passif, il est évidemment dans l’intérêt de l’industrie de financer de tels chercheurs pour leur permettre de publier leurs recherches.
    Et vous pouvez prendre ça avec plein d’autres sujets (les perturbateurs endocriniens, le déclin des abeilles, mais aussi la radioactivité : par exemple certains défendent l’hypothèse de l’hormèse, etc.).

    Réfs :
    Barnes et Bero, 1998 : https://jama.jamanetwork.com/article.aspx?articleid=187551
    Bekelman et al, 2003 : https://jama.jamanetwork.com/article.aspx?articleid=195843
    Cataldo et al, 2010 : http://www.ncbi.nlm.nih.gov/pmc/articles/PMC2906761/
    Ebrahim et al, 2015 : http://www.jclinepi.com/article/S0895-4356%2815%2900429-1/abstract
    Lexchin, 2003 : http://www.bmj.com/content/326/7400/1167.abstract
    Sismondo, 2008 : http://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S0277953608000361
    Tong et al, 2007 : http://circ.ahajournals.org/content/116/16/1845

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    • factsory
      factsory dit :

      Et pour insister sur la réfutation de cette phrase « c’est ensuite un lobbying politique ou via les médias qui influence finalement le public ou le comité chargé des mises sur le marché » (parce que, décidément, elle me heurte).
      Savez-vous que le BMJ refuse de publier les recherches financées par l’industrie du tabac ? http://www.bmj.com/press-releases/2013/10/15/bmj-journal-editors-will-no-longer-consider-research-funded-tobacco-indust
      Pourquoi ? « They point to extensive research drawing on the tobacco industry’s own internal documents, that shows for decades the industry sought to create both scientific and popular ignorance or “doubt” – at first around the fact that smoking caused lung cancer and later to the harmful effects of secondhand smoke on non-smokers and the true effects of using so called light or reduced tar cigarettes on smokers’ health. »

      Pourquoi diable prendre une telle mesure si l’influence de l’industrie du tabac n’a pas (aussi) été dans la sphère scientifique ?

      Répondre
      • Matt McOtelett
        Matt McOtelett dit :

        Réponse : Parce que les revues sont libres de publier ce qu’elles veulent. Cela impacte leur réputation et donc leur importance sur le plan scientifique, mais dans l’absolu, il y a aussi des revues qui publient n’importe quoi sans même lire une seule fois le papier (voir lien déjà cité plus haut). Le point important étant qu’on donne du poids uniquement aux articles – ayant été revus par des pairs et n’ayant pas posé problèmes – publiés dans les revues pratiquant des politiques en adéquation avec les garde-fous dont on parle dans l’article supra.

        Finalement, le choix de cette revue en particulier n’est la preuve de rien en soi. C’est même tout le contraire : si UNE SEULE revue refuse de publier les résultats de l’industrie du tabac, n’est-ce pas plutôt un indice qui tend à montrer que finalement, on a confiance en le fait que les protections existant aujourd’hui fonctionnent assez bien pour qu’on puisse publier ces études sans inquiétude ?

        On ne « protège » pas un consensus en interdisant de dire le contraire, même quand ça concerne le tabac. On le protège en demandant des travaux solides pour soutenir les corrections qu’on propose. Le BMJ refuse de publier les études réalisées par l’industrie du tabac, soit, d’autres accepteront, et les études qui seront recevables augmenteront leur renommée plutôt que celle du BMJ – qui n’est plus à prouver, ce qui leur permet de refuser à priori des travaux comme ici sans que ça remette l’importance de la revue en question.

        SI vous voulez montrer que l’industrie ou quiconque peut influer sur le consensus scientifique, il faut le faire proprement : trouver un point sur lequel le consensus s’est établi, puis a été remanié car on s’est aperçu qu’il était affecté par un groupe d’études dont les résultats et conclusions étaient douteuses et en lien avec un intérêt quelconque. A ma connaissance telle chose n’est jamais arrivé.

        Répondre
        • factsory
          factsory dit :

          Vous ne répondez pas sur BMJ : pourquoi se priver d’études potentiellement bonnes s’il n’y a aucun souci (ou si peu) avec les études financées par l’industrie du tabac ? Vous ignorez aussi la justification qui est donnée : l’industrie du tabac a créé du doute au niveau scientifique.

          Quant à votre dernier paragraphe : vous n’allez pas être déçu. C’est arrivé et ça arrive encore. Mon commentaire est juste en attente de modération parce que plus on donne de sources, plus on risque que son commentaire doive être modéré a priori…

          Répondre
          • Matt McOtelett
            Matt McOtelett dit :

            J’ai dit ce qu’il y avait à dire : le BMJ fait bien ce qui l’amuse, et le justifie comme il l’entend. Ca ne constitue la preuve de rien du tout. Surtout quand la justification est « a créé du doute » ; qu’est ce que c’est censé signifier ? On ne parle pas de renverser un consensus, là, loin de là. Si le BMJ considère qu’il ne vaut mieux pas pour lui, publier les travaux de l’industrie du tabac, grand bien lui en fasse. Vous n’expliquez pas pourquoi c’est la seule revue à avoir cette initiative par ailleurs, si comme vous le sous-entendez elle est si nécessaire.

    • Matt McOtelett
      Matt McOtelett dit :

      Il serait dommage de commencer à se braquer et voir des attaques personnelles partout ; je conseille à tout le monde de relire calmement les articles, afin de ne rien rater de leur contenu.

      Je n’ai jamais dit ni même posé en hypothèse que les chercheurs sont parfaitement rationnels, vous continuez de sur-interpréter mes dires. Je décris la méthode scientifique telle qu’elle doit être déployée. Par ailleurs, il n’y a absolument pas besoin d’être parfaitement rationnel pour tester une hypothèse sans chercher à l’avance un résultat plutôt qu’un autre, et heureusement, car c’est un biais énorme.

      Idem pour la poignée d’études dont je parle, nul part il n’est écrit qu’il s’agit de celles concernées par un « biais de financement » ; je parle des études niant la dangerosité du tabac, et financées par l’industrie du tabac. Soit dit en passant, une méta-analyse n’est pas le plus haut niveau de preuve, et n’est pas spécialement moins biaisée qu’une autre étude ; c’est une étude d’un genre un peu particulier, qui peut éventuellement permettre de donner une idée de la présence ou non d’un consensus, rien de plus. D’ailleurs un point clé du passage que vous citez est « in their abstracts » ; il est possible que les abstracts soient biaisés, en effet. Mais réjouissons nous, le peer-review ne se limite pas aux abstracts et concerne 100% de l’étude, des données brutes jusqu’à la conclusion 🙂

      En ce qui concerne le fait qu’un quart des chercheurs soient salariés par le privé, je ne vois pas en quoi c’est à priori un problème, car 1/ cela signifie que 75% des chercheurs ne le sont pas, et 2/ le fait que les études publiées par ces chercheurs soient plus souvent « en faveur » de l’industrie – quoi que ça puisse vouloir dire – s’explique très bien par le biais de publication, virtuellement nul aujourd’hui pour les études médicales puisque – troisième fois maintenant que j’aborde ce point – les chercheurs doivent déclarer à l’avance les travaux qu’ils comptent entreprendre et publier, et donc ne peuvent plus ne pas publier les résultats négatifs.

      Comme déjà dit, la communauté scientifique était déjà au courant de la nocivité du tabac avant les années 70 – Wynder et Graham font le lien entre cancer du poumon et tabac en 1950 par exemple – et la non-présentation des connaissances en la matière de l’industrie n’a au pire que retardé l’établissement d’un consensus – encore qu’on attend pas spécialement leurs travaux pour conclure, donc la non-présentation de leurs travaux n’a pas du ralentir grand chose -, et je doute que les études concluant l’opposé du consensus actuel aient beaucoup impacté la mise en place de ce dernier, car on parle d’un nombre réduit de travaux concluant à un non-danger, j’insiste. Exemple, quand vous parlez du tabagisme passif, Barnes et Bero montrent bien que moins de 10% des travaux menés et concluant au non danger étaient réalisés par des chercheurs ayant un quelconque rapport avec l’industrie, et parmi eux on peut imaginer que tous n’ont pas été influencés, en tout cas c’est loin d’être montré. Ainsi, on se retrouve avec un rapport de 9 pour 1 en faveur de l’existence de risques, ce qui est plus que nécessaire pour prendre des précautions ; de plus, l’analyse des conflits d’intérêts déclarés permet justement de se rendre compte de la prépondérance des études de l’industrie dans une catégorie, et on tient compte de cela lorsqu’on cherche à établir un consensus, comme déjà expliqué dans l’article supra. La preuve qu’on le remarque, c’est précisément les études que vous citez : notez par exemple que Bekelman trouve des revues de la littérature qui font ce constat dès les années 80.

      Finalement, à aucun moment vous ne montrez que les études qui ont pu être influencées par l’industrie ont affecté réellement le consensus scientifique ; il n’est nul part fait état de leur qualité, de leur accueil ou de leur emploi lors d’états de l’art.

      Qu’on se comprenne bien : je ne nie pas les tentatives de l’industrie du tabac d’influencer le consensus scientifique. Je dis qu’il est matériellement de plus en plus difficile de le faire, et qu’à priori personne n’a réussi jusqu’à maintenant, pour toutes les raisons que j’ai déjà évoqué ; qu’ainsi, c’est avant tout le lobbying dans les médias et au niveau politique qui a semé le doute sur le tabac. Je ne nie pas non plus que des chercheurs puissent être tout à fait malhonnêtes ou manipulés malgré eux, la preuve j’ai écrit tout un paragraphe dans l’article ci-dessus à ce propos. Je dis qu’il n’y a pas de raison de penser que c’est un phénomène généralisé, et qu’en plus on a mis en place de nombreux garde-fous pour éviter que cela ait un effet sur la recherche.

      Répondre
      • factsory
        factsory dit :

        Vous avez été très rapide pour lire et répondre à mon message et lire les différentes sources qui le composait… impressionnant.

        Ceci n’est pas la description de la méthode scientifique, mais la réfutation de biais chez les chercheurs : « Comment savoir à priori « dans quel sens » va un chercheur ? Un chercheur ne va dans aucun sens, il teste une hypothèse et conclue sur celle-ci en fonction de ses résultats. ».
        Un chercheur ne conclue pas seulement en fonction de ses résultats mais aussi en fonction de ses présupposés, de ses opinions, etc. Même si l’expérience est faite en double aveugle, l’écriture de l’article ne l’est pas.

        La « poignée d’études biaisées » ne fait pas référence au biais de financement ? À quoi fait référence l’industrie pharmaceutique dont il est question juste avant, alors ?

        Critiquer une étude parce qu’elle se focalise sur les abstracts, c’est un peu limite. Oui lire 150 papiers intégralement ça prend du temps. Un abstract est censé résumer les conclusions de l’étude, si l’étude trouve qu’un médicament a des aspects négatifs cela devrait apparaître dans l’abstract. Si ce n’est pas le cas, c’est déjà la manifestation d’un biais dans la présentation des résultats.

        J’ai bien lu (trois fois) vos commentaires sur la mise en place de registres d’études menées. Si vous avez des sources montrant que, grâce à ce dispositif, le biais de publication, c’est fini, je serais heureux de les connaître. Étant donné que ces registres sont récents, je serais étonné qu’on puisse déjà tirer des conclusions sur le dispositif, c’est pourquoi je suspends mon jugement sur ce point et c’est pour cela que je n’ai pas fait de commentaires sur le sujet.

        Je ne vois pas pourquoi vous parlez des travaux sur la nocivité (primaire) du tabac, je n’en parle pas.
        Je serais curieux de savoir comment vous obtenez les moins de 10% de Barnes et Bero.

        « l’analyse des conflits d’intérêts déclarés permet justement de se rendre compte de la prépondérance des études de l’industrie dans une catégorie »
        Ah donc, vous reconnaissez bien le rôle du biais de financement et de sa nécessaire prise en compte ? Cela suppose aussi que les conflits d’intérêts soient clairement indiqués (cf. Ebrahim et al qui ont dû partir à la chasse pour connaître les conflits d’intérêt).
        Mais c’est justement ce que je reprochais à votre article initial : d’insister seulement sur la fraude délibérée (§ « Pourtant, des cas d’études falsifiés existent, donc certains essaient bien de tromper le public ! ») qui est la pointe émergée de l’iceberg comparée au biais de financement. Peut-on s’accorder là-dessus ?

        « les études qui ont pu être influencées par l’industrie ont affecté réellement le consensus scientifique » : comment définissez-vous le consensus scientifique ? Si ce n’est par les reviews et meta-analyses, qui justement risquent d’être biaisées lorsque financées par l’industrie (comme je l’ai montré), qu’est-ce alors ?

        « Je dis qu’il n’y a pas de raison de penser que c’est un phénomène généralisé » : à partir de quel moment parlez-vous de phénomène généralisé ?

        Que un quart à un tiers des études allant dans un sens contraire, ait des liens avec les industriels, ce n’est pas une modification du consensus pour vous ? Imaginez que 1/4 des études sur le réchauffement climatique mettent en doute l’origine anthropique de ce réchauffement ? Ne serait-ce pas suffisant pour qu’on doute de l’origine anthropique du réchauffement ? 1/4 c’est énorme !
        Par exemple dans la review de Barnes et Bero : 94% des études en lien avec l’industrie du tabac disent que le tabagisme passif n’est pas dangereux contre 13% de celles sans lien « No matter how we analyzed the data, tobacco industry affiliation was the only factor associated with concluding that passive smoking is not harmful to health in the multivariate analyses. »
        Si vous en voulez d’autres, on peut en trouver d’autres : « Financial conflicts of interest may bias conclusions from SRs on SSB consumption and weight gain or obesity. » http://journals.plos.org/plosmedicine/article?id=10.1371/journal.pmed.1001578
        Ne pas prendre en compte le biais de financement réduit également la taille estimée de l’effet. Exemple avec la prise d’énergie à cause des sodas (taille d’effet de 0,23 pour les 22 études non financées par l’industrie contre 0,05 pour les 10 études financées par l’industrie) : http://www.ncbi.nlm.nih.gov/pmc/articles/PMC1829363/
        Influer sur la taille de l’effet n’est-ce pas influer sur le consensus concernant l’importance du problème ?

        Question de curiosité : connaissiez-vous ces différentes études mettant en avant le biais de financement ? Ou plus généralement connaissiez-vous l’étendue de ce biais de financement ?

        Répondre
        • factsory
          factsory dit :

          (j’ai encore un message en attente de modération, mais dans celui-ci je vais me concentrer sur la phrase la plus importante de votre message précédent)

          « de plus, l’analyse des conflits d’intérêts déclarés permet justement de se rendre compte de la prépondérance des études de l’industrie dans une catégorie, et on tient compte de cela lorsqu’on cherche à établir un consensus, comme déjà expliqué dans l’article supra »
          Comment en tient-on compte ?
          Désolé mais je ne vois pas où vous mentionnez cela dans l’article supra. Ce que je trouve c’est ça : « On le déclare en début d’article lorsqu’on publie, ainsi les lecteurs le savent, et cela leur permet de se concentrer sur la qualité du travail effectué plutôt que sur les finances de l’auteur » → ce qui est remis en cause par certains articles que j’ai cités (les recherches financées par l’industrie peuvent être d’aussi bonne voire meilleure qualité que les autres, mais le biais de financement existe : ce sont donc bien les finances des auteurs qui importent.

          Et il y a aussi ceci : « Avec les trois premiers points, on a en théorie une influence nulle du commanditaire, et même des auteurs de l’étude, sur le résultats de celle-ci. » Ce qui est également remis en cause, les réplications sont nécessaires mais elles se font aussi du côté industriel et si on ne met pas de côté les études financées par l’industrie, dans les exemples que j’ai donnés, on risque de se retrouver avec un consensus biaisé.

          Ou encore cela : « En autorisant les chercheurs en conflit d’intérêt à publier, on permet à bien plus de travaux d’être menés […] et ce, tout en gardant à l’oeil les résultats qui pourraient être biaisés volontairement. » où vous ne mentionnez pas le biais de publication puisque vous ne parlez que de biais volontaires. Or il n’y a aucune raison de penser que les nombreuses études biaisées mentionnées au dessus sont l’oeuvre de personnes malhonnêtes ou, autrement dit, que le biais de financement est un biais volontaire.

          Répondre
          • factsory
            factsory dit :

            En lien avec le sujet, on peut suivre Marion Nestle (chercheuse en nutrition pour la faire — trop — court) sur son blog, tenir le compte des études financées par l’industrie dont les résultats sont en cohérence avec le financement ou non. Le résultat actuel est de 80 contre 7 (je vous laisse deviner dans quel sens). Cela ne signifie évidemment pas qu’elles ont tort, mais cela illustre le biais.
            http://www.foodpolitics.com/tag/sponsored-research/

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