Est-il permis de ne pas aimer le foot ?
Je n’aime pas le foot.
Je ne dis pas cela pour vous agacer. Je suis désolé de la négativité que vous ressentez peut-être en entendant ces mots. Mon but n’est pas de vous faire éprouver des sentiments désagréables, ni de vous convaincre que j’ai raison et que vous devriez vous aussi ne pas aimer ce sport. Je veux juste exprimer mon ressenti, ici, dans cet espace de liberté qui est le mien, sur ce blog (et une chaine YouTube) que vous n’êtes pas obligé de consulter. Il vous est très facile d’ignorer complètement mon propos.
Maintenant que je vous ai dit cette chose tout à fait banale : « je n’aime pas le foot », la plupart d’entre vous s’en contrefiche. Aujourd’hui, c’est la finale de la coupe du monde. La France est en finale, et si ça se trouve elle est championne au moment où vous lisez ces mots. Alors franchement, l’avis d’un zététicien sur la question vous indiffère. Vous vous concentrez plutôt sur la manière dont ça vous fait vibrer, dont vous vivez l’instant, vous profitez, vous avez bien raison.
Mais.
Maintenant regardez les commentaires sous la vidéo. Vous allez y trouver des tas de gens qui estiment que j’exagère, que je pousse le bouchon trop loin, qu’on a pas besoin de m’entendre me plaindre, que je devrais garder ça pour moi et ne pas être jaloux que les autres s’amusent. Vous verrez aussi des insultes et des menaces plus ou moins vague.
Je ne suis pas devin, je peux me tromper, d’autant que certains auront très envie de me donner tort en se retenant de commenter… Mais le peuvent-ils vraiment ? Jusqu’à présent à chaque fois où j’ai exprimé ce sentiment sur Facebook dans les années passées, cela a créé du débat. Les gens viennent se disputer sur la légitimité d’émettre un avis sur la possibilité de ne pas partager l’allégresse générale.
Je voudrais vous proposer de partager mon étonnement. S’étonner que les choses soient ce qu’elles sont, c’est la première étape de la sagesse disait ce bon vieil Aristote.
Un type dit qu’il n’aime pas le foot quand tout son quartier est en train de hurler, que les klaxons carillonnent au milieu des pétards, pendant que des gens plus ou moins ivres envahissent l’espace public, joyeux, mais sans beaucoup d’égard pour votre migraine ou le sommeil de votre petit enfant. Et ce type là, qui dit ça à ce moment-là. On trouve que lui, il abuse ! Ce type là, il serait capable d’écrire sur son mur facebook personnel, au vue de tous, un truc du genre « l’équipe de foot dont les supporters sont les plus bruyants et les moins respectueux de la vie des autres, je souhaite qu’elle perde. » Il est malade ce type ou quoi ? Encore une fois, je pense que pour la plupart d’entre vous c’est un non-événement, mais en fait il se passe quelque chose qui mérite qu’on prenne le temps d’y penser.
Face à cet espèce d’Acermendax qui dit qu’il n’aime pas le foot alors qu’on est tous en train de prendre un pied d’enfer avec cette coupe du monde organisée au Qatar après une immense affaire corruption qui n’est un secret pour personne mais ne dérange pas grand monde, dans des stades géants climatisés construits par des ouvriers dont les droits fondamentaux ont été piétinés et qui sont morts par milliers sur les chantiers ; cet espèce d’enfoiré, il veut nous gâcher la fête. C’est le sentiment que suscite le fait que je m’exprime sur un ton critique à propos d’un événement qu’il ne faut pas critiquer.
Je vous annonce que je vais recevoir les commentaires suivants, sans doute de la part de gens qui n’ont pas regardé la vidéo en entier, voir se sont contentés d’en lire le titre.
- On va me traiter d’élitiste binoclard au corps de lâche, de pauvre type qui était toujours le dernier à être choisi quand on faisait les équipes de sport au collège. On va me rabaisser pour dire à quel point on a toujours tort de rabaisser les autres.
- On va affirmer que je me moque des plaisirs simples de la plèbe, que je suis un parangon de la bourgeoisie intellectuelle insensible aux vrais valeurs populaires. Je suis méprisant.
- Pour d’autre, c’est du racisme, avec le sous entendu que les incivilités que je dénonce sont liées à l’ethnicité de ceux qui s’en rendent coupables, et que ce serait ça qui me dérange, je voudrais que les basanés restent à leur place. Parce que je suis une ordure.
- Pour d’autre, quand on est français, on soutient l’équipe de France. Point. Parce que, ta gueule, c’est comme ça. Même si on ne les voit pas faire preuve d’autant d’esprit de corps quand il s’agit de championnats de piano, de mathématique ou de macramé.
- Pour d’autres, je cherche le conflit partout. Je pourrais me contenter de ne pas aimer en silence, de supporter le bruit, la fumée, les hurlements et les violences dans la ville sans commenter. Je ne fais qu’aviver les tensions en ramenant ma science.
- Certains diront que je suis incapable d’entrer en communion avec la joie rayonnante de la population autour de moi, c’est un manque de spiritualité qui me rend obtus, minuscule et triste. Ordure que je suis.
- Et cetera.
Ce que je dis en réalité c’est que les fans de foot m’ont toujours privé, toute ma vie, d’être indifférent et ignorant des événements qui se produisent dans les stades. Ils m’imposent leur extatique point de vue sur l’importance majuscule du ballon rond poursuivi par les hordes encalçonnées sudoripares dont parlait le regretté Pierre Desproges il y a 40 ans. Pour ma part je ne hais pas le foot, mais je constate que ça pose problème de vous dire que l’emballement général autour de ce sport, ça m’emmerde. Il y a des gens qui, au lieu de profiter de la joie qu’ils éprouvent et dont l’expression s’affiche sur tous les supports imaginables, voudraient en plus que nous, les non adorateurs des fossoyeurs de gazons multi-millionnaires acquiescent, qu’on se tienne sage, qu’on ne dérange pas. C’est le début du totalitarisme. Je le répète, cette posture extrême ne concerne qu’une minorité. Mais les totalitaristes n’ont pas besoin d’être majoritaires dans leurs idées pour s’imposer, malheureusement.
Le foot est partout, il est plus important que le climat, que la probité, que l’exemplarité. On avait dit qu’on le boycotterait, mais bon, vous comprenez on est en finale, alors… Partout ! Mais ça n’est pas suffisant pour une partie des aficionados qui vont traquer ceux qui ne vibrent pas, ceux qui détonnent, les anormaux, ils vont les rabaisser pour anéantir la portée de ce qu’ils ont à dire, parce que d’une certaine manière on est sur un terrain religieux ou équivalent.
Et puis il y a les non extrémistes qui ne manqueront pas d’y aller quand même de leur reproche, au nom de la ferveur des autres. Ils vont dire qu’il faut respecter tous les avis et se mettre un peu à la place des fans qui se sentent jugés par une telle déclaration. Comme s’il y avait une symétrie entre le vacarme désordonné de primates qui veulent de sentir exister à travers le score d’une équipe de gens qu’ils ne croiseront jamais de leur vie, et la discrète désapprobation d’autres primates qui aiment bien quand on a le droit de ne pas être supporter de l’équipe qui arbore le drapeau d’un territoire juste parce qu’on est né dessus.
Si ce que je vous dis vous déplait, c’est peut-être parce que j’ai tort. Dans ce là, ce n’est pas très grave. Si j’ai tort, cette vidéo sera un four, la section commentaire sera vide, je me verrai réfuté, et à vrai dire un peu rassuré. Mais si ce que je vous dit vous déplait, c’est peut-être parce que cela touche à un sentiment du sacré. Il y a comme un léger parfum de blasphème. Et j’ai tendance à penser qu’il faut blasphémer de temps en temps, surtout quand un maximum de gens pensent qu’il ne faudrait pas, pas maintenant. Je pense que vous dire que je n’aime pas le foot et que je suis saoulé par vos passions apicales pour un sport balourd et disgracieux, c’est un peu mon rôle (pourvu que j’explique pourquoi, évidemment). Et j’espère que vous vous en foutez. Vous devriez n’avoir rien à cirer de mon avis sur le sport. Tant mieux si c’est le cas, ça se verra par l’absence de vos commentaire… Oui, j’ai tendance à ne pas croire les internautes qui s’attachent à écrire à quel point ils s’en foutent de la vidéo qu’ils viennent commenter.
Je pense que le sentiment du sacré toujours un obstacle à la pensée critique et donc au développement du genre humain. C’est une position axiologique qui s’appuie sur l’ensemble de mon travail depuis des années, vous avez bien le droit de ne pas être d’accord.
Je finirai en disant à ceux qui aiment le foot que je suis content pour eux s’ils partagent des moments de qualité avec leurs amis qui ont la même passion, qu’un sport populaire doit être respecté pour ce qu’il représente aux yeux des gens, que le rejeter par snobisme n’est pas une preuve d’intelligence, et que je suis absolument certain que la majorité des amateurs de foot ne se sentent pas concernés par les dérives dont j’ai parlé.
Je pense qu’on a bien sûr le droit de ne pas aimer le foot, tout le monde est d’accord. Mais qu’il existe une pression pour nous dissuader de le dire sous peine d’être jugé comme un bobo snobinard qui n’existe qu’en crachant sur ce qu’aiment les gens simples.
L’amour serein d’une chose ne voit pas comme une menace la divergence des opinions qui la concernent.
J’ai hâte que vous fassiez un article sur « je n’aime pas le travail » 😉
Si vous voulez ressentir l’artillerie lourde de la haine bien plus qu’au sujet du foot, vous avez là le sujet totalement approprié.
De la même manière, il ne s’agit pas d’empêcher autrui d’aimer le travail, comme vous n’avez empêché personne d’aimer le foot.
Qui plus est, il est nullement question de ne pas effectuer les tâches nécessaires pour ne pas laisser peser les efforts pénibles sur les seules épaules de quelques uns, ni même de refuser de faire ce qu’il faut en terme d’emploi pour subsister à ses besoins. Non, il ne s’agit pas de fuir le boulot, son job … il s’agit juste d’admettre qu’on n’aime pas bosser bien qu’on s’y résigne.
Croyez-vous qu’on puisse accepter cela ? Bien que la plupart des érudits de l’intelligentsia aient divorcés de la religion notamment du christianisme, l’injonction « tu gagneras ta vie à la sueur de ton front » semble ancrée au plus profond de notre esprit. Et non seulement tu devras travailler mais en plus tu devras le souhaiter.
A y regarder de plus près, cela n’arrange que ceux qui exploitent le travail des autres.
De la même manière, le foot c’est du « pain et des jeux », il est du coup très utiles d’occuper les consciences à autre chose que les « sujets qui fâche ».
Si vous vous posez la question « à qui profite le crime » je suppose que vous pouvez avoir assez facilement la réponse 😉
Pendant l’Immondial, des joueurs et des supporters de France et d’ailleurs ont subi un coup de froid : toux, fièvre, nez qui coule…Le Monde tremblait. Certains l’attribuèrent à la climatisation, d’autres à la fièvre du chameau ou au Sarkovide. Dans tout les cas, c’est louche, ça sent le complot. C’est clair.
Aujourd’hui, tous s’en footent mais moi, on ne me la fait pas : non, ce n’était pas qu’un petit catarrhe.
René Toihier-Moissat, technicien de surface
Du moment que vous aimez le Tour de France, vous avez le droit de rester !
Je l’ai toujours dit haut et fort, ce sport m’ennuie tout simplement. Je ne suis ni une intello ni bobo snobinarde.
Et mon entourage suffisamment intelligent pour le comprendre. Les goûts et les couleurs c’est une affaire se sensibilité et de perception.
Je suis navrée Mendax en écrivant aussi un commentaire sous ce post qui s’en espérait absent, mais…
Que c’est agréable de vous lire car vous avez le chic pour mettre des mots exacts sur des pensées que je partage mais que je n’ai hélas pas le talent d’exprimer aussi bien ou sûrement même la capacité de penser aussi clairement. Cet envahissement est je trouve aussi en partie un apprentissage inconscient perceptible à l école où à chaque rencontre sportive, au départ juste festive ou pédagogique, se retrouve en suite organisée avec la pression de doléances académiques d’une participation aux « Jeux 2024 » par exemple. L’accent est alors systématiquement mis sur la constitution d’équipes à qui on doit donner des noms de pays et décorer des drapeaux correspondants… En profiter pour expliquer aux enfants les bienfaits de ces activités physiques sur la santé par des intervenants bien plus qualifiés que moi et le plaisir de la pratiquer ensemble quel que soit son niveau, comme la musique par exemple ? Non, on organise toujours une forme de compétition, ou plutôt un simulacre de compétition car ce sont des enfants donc ils auront tous la même médaillette à la fin pour ne pas faire de jaloux (les enfants sont horriblement déçus si jamais il en manque) mais l’idée c’est qu’ils adhèrent au principe, que les enseignants acquiescent car le sport obligatoire est fait avec les honneurs, et surtout que tout le monde s’en réjouisse chaque année…, sauf moi.
Merci Mendax, je me sens juste moins seule.
Autre critère pour repérer le pseudo-expert : il est incapable de donner la définition exacte du mot zététique, ce qui est la preuve de son imposture en matière de connaissances. 🙂