La mauvaise autodéfense intellectuelle passe par des répliques qui suscitent un sentiment de chaleur confortable et la satisfaction d’avoir mis dans le mille. On est content de soi, on s’imagine avoir marqué un point, détenir le dernier mot. On peut quitter la conversation avec le sentiment du devoir accompli. Mais de l’autre côté de la conversation se passe tout à fait autre chose : on passe pour un bouffon.
Biais Cognitifs et Sophismes
Nous vivons tous dans un monde de concepts construit par notre cerveau à partir de nos perceptions de notre environnement. Nous le faisons assez efficacement, car la sélection naturelle s’est assurée d’éliminer continuellement ceux qui n’en étaient pas capables. Notre cognition possède néanmoins des points faibles responsables d’un hiatus entre notre monde mental et la réalité, ce sont les biais cognitifs.
Les biais cognitifs sont très variés, et entraînent des erreurs inconscientes de perception, d’interprétation, de mémorisation aboutissant à des erreurs de jugement.
Ce type de bais est responsable de la superstition des sportifs de haut niveau parmi lesquels s’est installée la rumeur que figurer en couverture du magazine Sports Illustrated porte malheur. Des dizaines d’exemples étalés sur soixante ans semblent corroborer cette idée : après leur apparition en couverture beaucoup se blessent, font des contre-performances, et voient leur carrière compromise.
La raison de cette apparente malédiction est simple : les sportifs qui figurent sur la couverture y sont honorés pour une performance hors norme, ils sont donc au pinacle de leur capacité, et une simple régression à la moyenne permet d’expliquer que beaucoup d’entre eux retrouvent ensuite des niveaux moins exceptionnels. Ensuite, le biais de confirmation d’hypothèse agit pour fixer dans la mémoire collective les cas qui confirment cette croyance et pour oublier ceux qui la contredisent, comme le cas de Michael Jordan, qui est apparu 49 fois en couverture. Enfin, l’oubli de la fréquence de base des accidents chez les sportifs dont beaucoup voient leur carrière abrégée avant d’avoir pu figurer en couverture garantit que l’on surestime la corrélation entre le magazine et les contre-performance.