Les ravages de la pureté [Vlog]

Les ravages de la pureté & Le harcèlement des gourous

Ou : Des vertus de la mesure

 

Petit Vlog au débotté et en deux parties pour contribuer à la bonne intelligence collégiale au mieux de mes modestes facultés. Je vais vous parler des ravages de la pureté, puis des gourous et influenceurs, et de la manière de les critiquer sans les harceler. Pour commencer je voudrais énoncer quelques principes sur lesquels j’espère que nous sommes d’accord dans les grandes lignes sans qu’il soit besoin de pinailler

  1. La liberté d’expression est d’une importance cruciale.
  2. Il faut assumer les conséquences de la parole que nous émettons en public, c’est-à-dire les critiques que l’on peut recevoir en retour.
  3. La pluralité des opinions est une bonne chose.
  4. Enfermer les gens dans une case est une mauvaise idée.
  5. Condamner à perpétuité la réputation d’une personne sur la base d’un propos tenu il y a x année est une posture mesquine, dangereuse, et, souvent, autodestructrice.

 

Et sur la base de ces quelques principes, je voudrais vous proposer une réflexion parce que je vois des comportements embêtant sur les réseaux sociaux autour de la communauté sceptique et parfois à l’intérieur.

 

Je ne suis pas d’accord avec toutes les prises de position des mes estimés collègues de la communauté des promoteurs de la pensée critique. Samuel, Sylvain, Christophe, Defakator, Pauline, Romain, Richard, Henri, Nathan, Virginie, Jean-Michel, Fantine, Florian, Gérald, Olivier, Serge, Ghaïs, Sohane, Dari, François, Faustine, Alexis, Clément, Loïc, Denis. Et CETERA sont tous des gens dont je respecte le travail, pour lesquels j’ai généralement une très haute estime personnelle, et à qui il arrive de dire des choses qui me font hausser un sourcil ou soupirer bien fort.

Sur cette chaîne nous avons reçu quelque chose comme 160 invités, sans doute davantage. À chaque fois, nous essayons d’avoir une intervention qui correspondent au champ de compétence de la personne que nous invitons et de valoriser les paroles qui s’alignent sur l’état des meilleures connaissances. Je ne dis pas qu’on y arrive toujours, mais on fait des efforts constants. Vous imaginez bien que mon équipe et moi-même, nous ne sommes pas d’accord avec l’entièreté des prises de parole publiques de tous ces gens au cours de leur existence. Et vous imaginez aussi sans doute qu’on ne peut pas procéder à une enquête de moralité pour passer au crible toutes les déclaration des gens que nous recevons. J’énonce un peu des évidences, je m’en excuse, mais je constate que c’est nécessaire.

Quand quelqu’un sort une dinguerie ou se comporte mal, cela n’anéantit pas ipso facto tout son travail et l’intérêt qu’on peut accorder à ses propos. En bon bayésien que nous sommes tous, cela nous pousse à réévaluer notre niveau de confiance, et c’est très bien.

Alors on ne va pas pouvoir donner satisfaction à des extrémistes (quel que soit leur camps) qui veulent voir disparaitre des individus à cause d’une prise de position discutable (même en reconnaissant qu’elle serait discutable). Parce que si nous faisons cela, nous allons très vite finir par fréquenter uniquement un petit nombre de gens qui pensent pareils et qui en plus ont toutes les chances d’avoir intégré l’idée qu’il faut excommunier ceux qui dévient un peu, ce qui finit évidemment par éliminer tout le monde.

Notre but, mon but en tout cas, ça n’est pas de tracer une ligne entre les bons et les méchants et tirer un rideau pour ne plus voir ces derniers ; j’ai très envie, au contraire, d’écouter comment pensent les autres pour leur proposer quelques concepts et outils méthodiques que je juge utile pour moins se tromper. Donc, je vous confirme que la porte est ouverte aux extrémistes, pas pour inciter notre public à se radicaliser, mais pour inviter tout le monde à être raisonnable. Et je crois que c’est une position qui est parfaitement comprise par la majorité des créateurs de contenus qui savent que nous avons deux but principaux :

  1. Faire communauté, nous soutenir, nous entraider à penser mieux, à trouver des ressources, à nous débarrasser d’idées mal foutues. Elargir le cercle des rationalistes
  2. Résister aux influences de ce que nous combattons : notamment le dogmatisme, l’intolérance et les pseudosciences.

Ces deux objectifs impliquent de parler aussi à ceux qui ne nous ressemblent pas, de leur tendre la main en étant compréhensif avec leur vécu, leur parcours, leur ressenti, sans pour autant cacher nos désaccord. Et ça, ça peut s’apprendre en faisant le choix que je vous propose.

Quand une personne a des propos ou des comportements que vous désapprouvez :

  1. Si vous le connaissez personnellement, dites-le lui en privé. Passez un coup de téléphone, envoyez un email : expliquez votre point de vue.
    Si vous ne le connaissez pas perso ou si l’étape 1 a grillé a foiré…
  2. Exprimez vous publiquement pour critiquer ce comportement ou ces propos en étant précis sur ce qui vous dérange, en proposant des solutions, en ne parlant pas de ce que vous ne connaissez pas, par exemple les états mentaux de l’intéressé·e.
  3. Et ensuite retenez-vous de suivre cette pente délicieuse qui consiste à rabâcher vos critiques ad nauseam jusqu’à ce que la personne incriminée change assez pour que vous puissiez constater que votre pression a porté ses fruits.

Je vous donne ce conseil, parce si vous faites le choix de ce genre d’attaque :

  1. Ça a peu de chances de marcher. Documentez vous sur la réactance. Et demandez-vous si vous-même vous avez envie qu’on vous traite comme ça.
  2. Vous n’avez pas conscience du phénomène d’engagement dans lequel VOUS mettez les pieds et qui peut vous pousser à sévir dans vos critiques, à devenir de plus en plus exigeant, à vous aveugler même aux changements que la personne que vous critiquez pourrait bien avoir amorcé.
  3. Vous sacrifiez probablement de futures occasions d’échanger avec cette personne et de la faire changer d’avis sur autre chose.
  4. Vous passez sans doute pour un connard aux yeux de ceux qui ne vous prennent pas pour un héros.
  5. La polarisation n’est votre amie que si vous voulez surfer dessus à des fins personnelles. Et ça se voit.

 

On peut plus critiquer les gourous ??

Mais attention, une fois que j’ai dit cela, il faudrait éviter de voir du harcèlement partout, sinon on n’a plus qu’à fermer sa gueule et dire amen à tout le monde. On peut critiquer les influenceurs complotistes et les vendeurs de pseudoscience sans tomber dans le harcèlement. Et pour ça j’en reviens à mes 5 principes du début. Tout en respectant ces principes, on est en droit d’émettre des critiques répétées ce certains personnages, à certaines conditions :

  1. On ne pourrit pas la personne en l’insultant, en lui donnant des surnoms, en lui inventant des maladies mentales, des handicaps ou des perversions. Bref, ne soyez pas un connard, ça devrait être dans vos cordes.
  2. On se concentre sur ce que ses propos ont de faux, trompeur et dangereux. On explique pourquoi on porte cette critique répétée.
  3. On ne s’acharne pas sur une déclaration datant d’il y a dix ans, sauf si c’est pertinent par rapport ce qu’il est en train de faire maintenant.
  4. On se focalise sur l’analyse de la rhétorique, sur la manière dont ce gourou est entendu et suivi malgré ses boniments ; sur le débunkage de son bullshit en proportion de ce qu’il produit.

Le gourou qui sortirait une vidéo par semaine pour dire que tout le monde est corrompu sauf lui ou pour dégoiser des sornettes du haut de ses pseudo-diplômes tout en vendant des formations vérolées. Chaque semaine. Eh bien il mérite de recevoir une réponse, une critique, une analyse, un débunk… Chaque semaine. Je ne dis pas qu’il faut le faire, je ne dis pas que moi je le ferai, mais je soutiens que c’est justifié et que ça ne déroge pas aux 5 principes de base

 

Mais ne confondons pas les gens avec qui nous sommes en simple désaccord, avec qui nous avons une dispute ponctuelle, localisée, circonstanciée, même si elle est profonde… avec celles et ceux qui sont des leaders d’opinion et gagnent du capital symbolique en proférant des boniments, en lançant des accusations vipérines ou en se prévalant d’expertises qui leur sont étrangères au risque de conduire leur public à des décisions désastreuses. En d’autres termes il ne faut pas se tromper de cible et il faut savoir agir de façon proportionnée.

 

Donc…

Ma conclusion sur ces deux sujets : le problème de la pureté et celui de la critique des gourous, c’est que la nuance est notre alliée. Nous sommes toujours plus pertinents quand notre réaction est pondérée, équilibrée. Mais ça implique de résister à des biais cognitifs et à des conditionnements sociaux qui nous attirent vers des réactions cathartiques, lesquelles nous shootent à la dopamine et nous encouragent à saloper notre environnement social. M’est avis que ces principes peuvent nous aider à mieux choisir nos combats, à canaliser plus sagement nos ressources limitées.

Ce que je viens de vous dire est facile à dire, mais c’est bien plus difficile à faire. A vous de voir si vous pensez que ça vaut le coup. La section commentaire est là pour ça.

Acermendax

1 réponse
  1. jed
    jed dit :

    Je plussoie vos 5 préceptes, en effet la nuance, la tolérance et la pondération devraient être de mise malgré le fait que parfois l’exercice semble difficile… Bref, grand merci pour vos actions de qualité et longue vie à l’Astec et la Tronche en Biais.

    Répondre

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