Du labo à l’arnaque : le business pseudoscientifique de Jean-Marc Sabatier

Article rédigé à partir d’une enquête réalisée par Alexander Samuel, Yogina, et Laurent Foiry.

Parmi les figures les plus controversées de la désinformation scientifique française apparues durant la pandémie de Covid-19, Jean-Marc Sabatier incarne une dérive particulièrement inquiétante : celle d’un chercheur en biologie à l’aura institutionnelle intacte, malgré une accumulation de manquements éthiques, de conflits d’intérêts flagrants et d’activités à la frontière du charlatanisme.

 

Le scientifique qui réécrit les règles de la science

Jean-Marc Sabatier est, sur le papier, un chercheur habilité à diriger des recherches (HDR), longtemps membre de l’équipe CNRS UMR 7051. Son statut d’éditeur en chef de journaux scientifiques comme Coronaviruses et Journal of Current Toxicology and Venomics, ainsi que son rôle d’éditeur associé à Frontiers in Pharmacology et au Journal of Advanced Research, lui confèrent une authentique crédibilité. Cette position éditoriale dans plus de 70 journaux scientifiques lui permet de publier des théories spéculatives sous l’apparence de la rigueur académique.

Car derrière cette façade respectable se cache un activisme pseudo-scientifique qui a progressivement migré vers les marges les plus radicales du discours antivaccinal et complotiste.

Dès 2021, Sabatier développe une théorie centrale selon laquelle le système rénine-angiotensine, dépendant du récepteur ACE2 par lequel le SARS-CoV-2 infecte les cellules, serait la cause unique de presque toutes les pathologies connues, du cancer au Covid long. Cette vision réductionniste, qui voit dans la dérégulation de ce système la source de cancers, myocardites et autres pathologies graves, s’appuie sur un langage très spéculatif, utilisant des cascades moléculaires qui pourraient théoriquement se dérouler dans un organisme, mais sans aucune démonstration pratique expérimentale. Cette extrapolation hasardeuse, non validée par les pairs, devient le socle d’une production éditoriale prolifique… dans ses propres revues, qu’il contrôle et oriente à sa guise.

 

La descente vers le complotisme

La pandémie de Covid-19 marque un tournant dans la carrière de Sabatier. En collaboration avec Jacques Fantini, proche de Didier Raoult, il commence à promouvoir des traitements « miracles » sur le site complotiste InfoduJour. Ce média, créé par Marcel Gay, Denis Robert et Thierry Gadault, publiera plus d’une centaine d’articles mentionnant les théories de Sabatier sur la vitamine D et le système rénine-angiotensine.

Le chercheur rejoint rapidement le « conseil scientifique indépendant » [Edit : il intervient régulièrement, sans toutefois devenir ‘membre’], une véritable centrale de désinformation autour du SARS-CoV-2, initié par le réseau Réinfocovid. Ses interventions chez des figures comme Karl Zero révèlent l’ampleur de sa dérive : il y compare les vaccins contre le Covid-19 à une « bombe à neutrons », évoque une « explosion de fausses couches » et prétend que les vaccins contiendraient du graphène activable par ultrasons.

Sabatier n’hésite pas à évoquer publiquement des théories de dépopulation. Interrogé par Brice Perrier sur ses propos chez Karl Zero suggérant que les vaccins « pourraient s’inscrire dans un projet de dépopulation », il maintient ses positions en déclarant qu’il s’agit d’un « produit très délétère » ayant « battu tous les records » d’effets secondaires. Invité par Children’s Health Defense Europe, il commente : « Est-ce que c’est une histoire de dépopulation ou quelque chose comme ça ? En tous cas, ça questionne. »

 

Un réseau d’intérêts troublants

L’analyse des liens de Sabatier révèle un enchevêtrement d’intérêts personnels et commerciaux qui jette un doute sur l’objectivité de ses prises de position. En décembre 2023, il cofonde ONIS Vitalité avec Damien Flusin (30%), Stéphanie Sabatier (20%), Romain Flusin (23%) et Camille Binder (27%). Cette entreprise développe son marketing autour du « protocole Jean-Marc Sabatier » contre le Covid long.

Stéphanie Sabatier, qui n’apparaît qu’une seule fois sous ce nom dans les documents officiels (ailleurs dénommée Stéphanie Mouhat), est son ancienne thésarde. Professeure des écoles depuis 2018, elle continue néanmoins à publier dans des journaux scientifiques avec une affiliation au cabinet médical EFFE, dirigé par Etienne François et Emmanuelle Faucon-Ledard – cette dernière étant la sœur de Jean-Marc Sabatier. Le couple partage le même domicile, une propriété située dans un cadre résidentiel privilégié, et Stéphanie se fait régulièrement l’écho des théories de son compagnon sur les réseaux sociaux.

 

Des partenariats révélateurs

Les partenariats d’ONIS Vitalité éclairent les réseaux dans lesquels évolue désormais Sabatier. L’entreprise n’hésite pas à recruter sur le réseau de l’Alliance humaine, une communauté complotiste créée autour de la mouvance QAnon en 2020 par Antoine Cuttita. Elle s’associe également au site e-commerce « Au Bon Sens », co-exploité par Xavier Poussard (connu pour avoir lancé la rumeur selon laquelle Brigitte Macron serait un homme) et Alain Soral.

Plus préoccupant encore, ONIS Vitalité était initialement partenaire du domaine de l’Arc-en-Ciel de Kevin Lomberget, qui organise des congrès de naturopathie réunissant de nombreux désinformateurs : Henri Joyeux, Jérémie Mercier, Christian Tal Schaller, Christian Perronne, Louis Fouché, Vincent Pavan, Michel de Lorgeril, Alexandra Henrion-Caude, Jean-Dominique Michel, etc. Cette information, supprimée du site web de l’entreprise, figure encore dans le code source de la page.

 

Des publications problématiques

L’analyse de la production scientifique récente de Sabatier révèle des pratiques douteuses. Une de ses publications a été rétractée fin 2024 pour non-respect du processus de relecture par les pairs (source). Une autre, co-signée avec des figures controversées comme Xavier Azalbert de France Soir et Peter McCullough, a fait l’objet de nombreux commentaires critiques sur PubPeer (à voir ici). Le spécialiste Edzard Ernst a également repéré « une étude douteuse dont Jean-Marc Sabatier est co-auteur, proposant de soigner la maladie de Covid-19 avec des plantes ».

 

Une stratégie commerciale cynique

L’exploitation commerciale de la détresse des malades du Covid long révèle peut-être l’aspect le plus cynique de cette affaire. Plutôt que d’offrir gratuitement ses prétendus traitements aux personnes dans le besoin, Sabatier se fait le relai des cagnottes qu’ils ouvrent sur les réseaux sociaux pour se payer ses produits. Une cagnotte de soutien à une malade mentionne explicitement « le parcours de Jean-Marc Sabatier » et son affiliation au CNRS, instrumentalisant ainsi sa légitimité institutionnelle à des fins commerciales.

Ce mélange toxique de recherche familiale, de conflits d’intérêts, d’exploitation commerciale et de dérives idéologiques est particulièrement alarmant. Il ne s’agit plus seulement de fraude intellectuelle, mais d’un véritable système d’auto-promotion scientifique à des fins commerciales.

 

La passivité des tutelles : un silence coupable

En dépit de cette accumulation de casseroles, aucune sanction sérieuse n’a été prise par les tutelles scientifiques. Le CNRS, tout comme Aix-Marseille Université (AMU), a laissé faire. Le nom de Sabatier est encore associé à des publications sur des sites académiques ; il continue d’être invité à des conférences ; ses livres — notamment Covid long et effets indésirables des vaccins, préfacé par Christian Perronne et publié chez Guy Trédaniel, maison connue pour ses publications pseudo-scientifiques — se vendent librement.

Les quelques gestes symboliques (rétraction tardive d’un article, suppression discrète de sa page sur le site de l’INP-AMU) ne sauraient masquer l’essentiel : les institutions scientifiques n’ont pas joué leur rôle de garde-fou. Ni le HCERES, ni le COMETS, ni les comités d’éthique n’ont engagé de procédure sérieuse, malgré des signalements documentés et relayés par la communauté scientifique vigilante.

 

Quand l’inertie devient complicité

Le cas Sabatier révèle un problème systémique : l’inefficacité des mécanismes de contrôle dans la recherche publique française face à des comportements déviants mais bien insérés dans l’appareil institutionnel. Cette inaction a permis à Sabatier de transformer sa légitimité scientifique passée en levier de crédibilité auprès d’un public vulnérable, en mal de repères face à la complexité du discours médical.

En laissant prospérer un tel imposteur, les tutelles académiques portent une lourde responsabilité : elles ont laissé le prestige du CNRS servir de caution à des pratiques frauduleuses, avec un impact délétère sur la confiance dans la science, déjà fragilisée par la crise sanitaire.

 

Des questions se posent

Comment un chercheur peut-il utiliser impunément son affiliation institutionnelle pour promouvoir des théories complotistes et des intérêts commerciaux ? Pourquoi les tutelles restent-elles silencieuses face à une désinformation qui ternit l’image du CNRS et compromet la confiance du public dans la science ? L’impunité est-elle la règle au CNRS et à l’Université d’Aix Marseille ?

 

Documentation

 

11 réponses
  1. Sabatier Jean-Marc
    Sabatier Jean-Marc dit :

    Droit de réponse.

    Bonjour,

    Ce texte est truffé de mensonges :

    1. Je ne suis pas membre du « Conseil Scientifique Indépendant » (je ne l’ai jamais été) ;
    2. C’est Karl Zero qui a cité « la bombe à neutrons » dans une interview, pas moi ;
    3. Je n’ai jamais dit qu’il y avait du graphène activé par ultrasons dans le vaccin ;
    4. Je n’ai jamais été invité par « Children Heath Defense Europe » ;
    5. Je n’ai jamais ouvert de cagnotte de ma vie, ni demandé à quelqu’un de le faire pour moi ;
    6. Je n’ai pas co-fondé Onis, ni eu des parts de la société. Mon épouse a vendu ses propres parts aux fondateurs 10 mois après la création (achetées 700 euros à la création de la société fin 2023).
    7. Je n’ai jamais rétracté un article, sur les 280 articles publiés (c’est Wiley qui a rétracté un article dont j’étais co-auteur, sans le consentement des auteurs. Les coauteurs iraniens ont porté plainte à Wiley et leur université pour que cet article soit républié).

    Voilà, vous enlevez ça et votre article mensonger est vide….

    Merci de publier ce message.

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    • Thibault
      Thibault dit :

      … du graphène « activable » par ultrasons, pas « activé ».

      Quant à la « bombe à neutrons », l’image n’était-elle pas acquiéscée ?

      Même si ces 7 points avaient été des imprécisions ou des erreurs (ou un mensonge), l’article reste très lourd de sens, bien loin d’être vide.

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  2. Salim LAIBI
    Salim LAIBI dit :

    Bonjour !
    Allez-vous avoir l’honnêteté de publier son droit de réponse ?
    Il semble que de nombreuses approximations et erreurs ponctuent votre article.
    Merci.

    Répondre
  3. Sylvie
    Sylvie dit :

    Mon Dieu ! « Pseudo scientifique », « complotiste », « anti vaccinal », « charlatanisme » etc….quelle bassesse ! Mots et expressions utilisés depuis 5 ans pour discréditer les vrais chercheurs (et tant d autres) qui disent la Vérité. Le Jugement viendra pour vous.

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  4. Pifous
    Pifous dit :

    Les seules fausses révélations sont celles dont vous enoncez impunément au-devant de la vraie science. Quels sont vos intérêts d’être contre l’humain et pour le gouverne qui ment ? Il y a eu 103 000 morts suspectes depuis octobre 2020 et 200 000 effets secondaires dont 25 % sont très graves par la faute de la spike. Seulement 1% ont été déclarés par la pharmacovigilance ! Ce chercheur est un alerteur hyper compétent et vous des détracteurs hyper insolents. Vous faites du tort à une vérité effrayante. Si vous ne connaissez personne autour de vous qui a eu des problèmes de santé à la suite de ces injections géniques toxiques experimentales alors vous ne vivez pas du tout sur terre !

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  5. Marza
    Marza dit :

    Et vous monsieur le journaliste, avez vous une éthique dans votre travail ? À part la manipulation on a du mal à voir une logique…

    Répondre
  6. Gauthier Guiot
    Gauthier Guiot dit :

    Mort de rire

    tu en pas marre de te faire ridiculiser tout le temps ?

    J’espère que tu vas continuer dans tes croyances pour la pseudo science et reprendre quelques doses périmées pour la prochaine pandémie

    Répondre
  7. Cyril L
    Cyril L dit :

    Quel exercice saisissant d’hypocrisie zététique ! Cet article, signé par une fine brochette d’« enquêteurs » autoproclamés, prétend dénoncer les dérives de Jean-Marc Sabatier tout en les reproduisant à la virgule près. À coups d’amalgames, d’insinuations malveillantes et d’un acharnement quasi obsessionnel, les auteurs dressent un portrait à charge où l’idéologie supplante l’analyse, et où la rhétorique émotionnelle prend le pas sur toute rigueur intellectuelle.

    On prétend s’alarmer d’un prétendu « business pseudoscientifique », tout en spéculant à longueur de paragraphes sans le moindre recul critique sur ses propres sources. Les liens familiaux de Sabatier sont disséqués comme dans un mauvais polar, ses hypothèses scientifiques sont disqualifiées non pas pour leur contenu, mais en fonction des plateformes sur lesquelles elles sont relayées. Où est passée la sacro-sainte zététique ? On ne réfute pas, on discrédite. On ne débat pas, on calomnie.

    On reproche à Sabatier de publier dans ses propres revues ? Fort bien. Mais où est le bilan équivalent pour d’autres chercheurs influents qui font exactement la même chose dans des journaux où leurs pairs, collègues et amis siègent aux comités éditoriaux ? Faut-il rappeler que la science institutionnelle elle-même n’est pas exempte de conflits d’intérêts et de biais de confirmation ? Ou est-ce uniquement un problème quand les idées ne plaisent pas à la meute ?

    Le plus ironique reste ce procès permanent en complotisme, fourre-tout commode dès qu’un chercheur ose sortir du script officiel. Ainsi, toute critique de la gestion sanitaire devient « dérive idéologique », toute exploration scientifique non validée par l’orthodoxie du moment devient « charlatanisme ». On croyait naïvement que le progrès scientifique naissait du débat, pas de l’anathème.

    Enfin, parler de « passivité coupable » des institutions sous-entend une attente perverse : que l’on censure, que l’on interdise, que l’on punisse un chercheur pour ses idées — dès lors qu’elles dérangent les nouveaux censeurs autoproclamés de la pensée scientifique. Cela porte un nom : le dogmatisme.

    Ce texte, loin d’éclairer, alimente la défiance. Il n’est pas un exercice de rigueur, mais un tract. Et si Jean-Marc Sabatier dérange tant, ce n’est peut-être pas parce qu’il ment, mais parce qu’il touche à des vérités que certains préféreraient étouffer.

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  8. Raymond Arcand
    Raymond Arcand dit :

    Le gars est tellement scientifique qu’il ne cherche même pas un mobile. Sabatier doit chercher à faire de l’argent avec les complotistes peut-être?? Et pourquoi Sabatier serait tout à coup devenu un complotiste soudainement en 2020? Vous êtes vide comme pas possible.

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  9. David L
    David L dit :

    Bravo pour cet article qui recadre utilement le personnage. Après avoir consulté diverses sources, y compris les plus alarmistes comme celles de M. Sabatier, il apparaît que ses positions reposent davantage sur des croyances que sur des faits scientifiques.
    Aujourd’hui, avec l’accumulation des méta-analyses et des études démographiques, ses arguments sur les vaccins Covid à ARNm semblent difficilement défendables. Le graphique de l’article « How have Covid-19 vaccinations affected birth rates » de l’institut de recherche démographique Max Planck est limpide et mérite d’être consulté (MPIDR – How have Covid-19 vaccinations affected birth rates?).
    On pourra dire que j’ai aussi des croyances, mais si croire les données validées par les plus grands organismes de recherche vaut moins que des affirmations isolées, alors oui, je crois.

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