Chers complotistes — Rien de personnel

Ce billet s’adresse en particulier à celles et ceux qui partagent des contenus complotistes, qui y croient plus ou moins et conspuent toute la sphère sceptique qui est à leurs yeux, ou bien corrompue ou bien une bande d’idiots utiles du pouvoir. Si ça ne vous dérange pas, je vais vous appeler complotistes.

 

Petite parenthèse le complotisme ce n’est pas un mot qu’on balance à la tête de quelqu’un qu’on n’aime pas, c’est un concept précis, utilisé par les chercheurs et qui désigne une forme de rhétorique ou de raisonnement où l’on pose comme prémisse l’existence d’un complot ; on en est sûr, on n’en doute pas. Et déploie ensuite tout un argumentaire qui finit par confirmer cette certitude dont il n’était de toute façon pas question de douter. C’est pour ça que l’expression théorie du complot est embêtante : en réalité il n’y a pas de théorie, il a une croyance.

 

Seconde parenthèse. Les complots existent. Et tous les complots découverts, dénoncés et punis à travers l’histoire n’ont jamais été prouvés par des complotistes. Soit ils ont été éventés par les comploteurs eux-mêmes parce qu’un secret c’est dur à garder, soit ils ont été mis au jour par des gens qui enquêtent, qui prouvent, qui travaillent avant de dire qu’ils savent.

 

La dernière fois que je me suis adressé à vous, chers complotistes, plus spécialement aux antivax parmi vous, pour dire à quel point je vous trouve cons, j’ai reçu beaucoup d’insultes en commentaire. J’en ai tiré une leçon : vous écoutez quand on vous parle, au moins un peu frontalement. Et déjà je vous en félicite, sincèrement. Écouter ce que pensent ceux qui nous critiquent est crucial. Ça ne veut pas dire qu’on va tomber d’accord, mais au moins on est ouverts.

 

Aujourd’hui je voudrais vous expliquer comment on vous voit, depuis ici. Je peux avoir tort dans ma perception, mais ma perception, je la connais et je ne peux pas me tromper quand je décris ce que vous m’inspirez. Attention, vous pourriez être surpris.

 

  • Quand vous prenez la parole, vous voulez exprimer votre individualité. Vous vous dressez contre un monde injuste et brutal dans lequel vous ne recevez pas ce que vous pensez mériter. Vous vous investissez d’une sorte de mission.
  • Vous souhaitez vous connecter avec des gens qui pensent comme vous, qui cherchent une autre réalité que ce qu’on nous sert dans les grands médias.
  • Vous vous méfiez de ceux qui ont l’air de défendre des vérités verticales, qui s’expriment avec des formules toutes faites, qui prétendent avoir raison parce qu’ils représentent une autorité.
  • Vous avez tendance à détester un peu vite les gens qui vous contredisent, à croire sans prudence les histoires négatives qui les concernent, à traiter le camp d’en face comme s’ils étaient tous interchangeable, tous coupables, tous malhonnêtes.

 

Voilà quatre choses que m’inspirent les complotistes. Ces quatre jugements, vous devriez les recevoir sans vous sentir insultés parce que je pense exactement la même chose des sceptiques et zététiciens (relisez pour voir !). Ces quatre caractéristiques, je les retrouve chez les complotistes comme chez les sceptiques militants. Cela veut-il dire que ces deux groupes font la même chose ? Non.

 

L’un des traits les plus problématiques de notre espèce, c’est le tribalisme, la pensée de groupe. C’est la rançon de notre sens étroit de la coopération en petite équipe, ce qui est le secret de notre réussite évolutionnaire en tant d’humains. Dans un millénaire où nous devons collaborer par millions, sans mise à jour de notre cerveau, évidemment on se retrouve face à gros chantier.

 

Chers complotistes, je ne vous connais pas, mais je pense que vous valez mieux que le conneries que vous partagez, que vous dites, et que vous pensez peut-être ; comme je sais que les sceptiques valent mieux qu’ils donnent d’eux, parce qu’ils ne sont pas toujours à la hauteur (moi non plus) des principes émancipateurs qu’ils défendent.

Chers complotistes, vous êtes en bonne partie semblables aux sceptiques, nous avons des qualités et des défauts communs. Il nous manque certainement des qualités, de la culture, du courage, du vécu, de la mise en pratique… Mais il vous manque à coup sur de la métacognition, de la méthode, de la logique. Si on s’écoutait ça se passerait mieux. Mais on ne s’écoute pas. On ne s’écoute pas parce que nous voyons l’autre comme un ennemi. Je considère que le voir comme un con est un peu moins grave, mais ça ne résout rien.

 

Chers complotistes. Vous êtes en colère. Une partie de cette colère est légitime ; une autre est cultivée par des gens qui existent à travers vous. Vous êtes dégoûtés par l’état du monde, par la concentration des pouvoirs, par la brutalité du gouvernement. Moi aussi.

Mais le problème du complotisme c’est que votre mouvement informe incite à croire tous les récits ulcérants agités par des personnages qui font profession de surfer sur votre indignation pour se payer une carrière politique. Le complotisme colporte toutes les Fake news qui s’attaquent au pouvoir dans l’espoir que ça va lézarder le système, mais en réalité ça n’aboutit qu’à créer de la confusion alors que nous avons tous besoin de savoir distinguer ce qui est vrai de ce qui est faux pour pouvoir nous débarrasser des menteurs et des hypocrites.

« Moi j’aime pas trop les voleurs et les fils de pute. »

 

Je n’ai rien de personnel contre vous. Et en réalité vous non plus, parce qu’on ne se connait pas, et parce que vous n’êtes statistiquement pas aussi cons que les antivax sur lesquels je m’énervais la dernière fois et  qui vociféraient des horreurs en bas de chez moi. Le problème, c’est que vous vous sentez insultés dès qu’on vous dit que vous êtes complotiste. Et, du reste, certains utilisent ce mot comme une insulte ; nous seront peut-être d’accord pour dire que ceux là se comportent comme des cons.

 

Le complotisme existe, c’est une mauvais manière de raisonner, de militer, d’affirmer savoir ce qu’on ne sait pas,  de déshumaniser l’adversaire et de donner du pouvoir à des manipulateurs un peu tarés qui croient au satanisme ou à des pervers qui ne croient qu’à leurs propres ambitions. Les leaders du complotismes n’ont aucune solution. Ils n’en cherchent pas : ils tirent profit du merdier qu’ils entretiennent, ils ont un intérêt personnel à vous voir en colère, dégoutés, révulsés par les histoires fausses qu’ils agitent sous votre nez.

Des scénarios qui circulent dans la complosphère, on peut presque toujours dire : « Si c’est vrai, c’est très grave ». Et quand on n’est pas con, on veut d’abord vérifier si c’est vrai avant de hurler partout que c’est très grave.

Le nazisme, par exemple, est une idéologie complotiste. Sauf que ce qui était vraiment grave c’était la haine générée par les scénarios complètement fous des propagandistes. Si une histoire absolument révoltante de complot meurtrier impliquant des milliers de scientifiques, techniciens, ingénieurs et fonctionnaires œuvrant à dépeupler la planète vous prend aux tripes et vous donne envie de tout casser parce que c’est pas possible de vivre dans un monde pareil… Rappelez vous que, peut-être, en effet, c’est « pas possible », qu’on a vu dans l’histoire des manipulations de masse qui exploitent la colère, et de cette mise en garde attribuée à Voltaire : « Ceux qui peuvent vous faire croire à des absurdités peuvent vous faire commettre des atrocités ».

 

Chers complotistes, enfin, je tiens à vous dire que votre cerveau est très probablement en parfait état de marche, que vous disposez d’un accès internet pour vérifier les infos que vous recevez et que le complotisme n’est pas votre identité, vous avez le droit de changer d’avis. On a du côté des sceptiques pas mal de gens qui ont cru à ce que vous croyez.

Chers sceptiques, vous savez le bien que je pense de vous. Attention à notre propre tribalisme, à la tentation d’une pureté militante qui nous pousserait à rabaisser les autres. Essayons de nous rappeler ce que nous avons en commun et que si la bienveillance est importante pour parler aux tenants-croyants de théories farfelues, elle ne devient pas subitement une option superflue quand on discute entre nous.

8 réponses
  1. Boring
    Boring dit :

    Bonjour,

    Merci pour cette intervention très intéressante.

    Une petite remarque : il semble que Voltaire n’ait jamais écrit la citation présente dans l’article, voir :
    https://fr.m.wikiquote.org/wiki/Voltaire#Citations_apocryphes
    et https://www.dicocitations.com/citations/citation-172385.php
    Il a quand même dit quelque chose d’approchant « Certainement qui est en droit de vous rendre absurde est en droit de vous rendre injuste » qui claque quand même un peu moins en 2022 (c’était probablement différent à l’époque où il a trouvé cette formule).

    Répondre
  2. Dominique
    Dominique dit :

    Que dire et ajouter de plus ?
    Tout est là. Et dans la tête enfumée de certains, rien ne change depuis des lustres.
    Merci Thomas pour cette interventio, une fois de plus as hoc. intervention

    Répondre
  3. Simon
    Simon dit :

    Chers zététiciens,

    Cher Thomas,

    Je suis possiblement complotiste. J’ai un doute sur le sujet.
    Avant la lecture – et l’écoute – de votre lettre ouverte, j’étais persuadé que votre grille de lecture ferait de la mienne celle d’un complotiste. J’ai entrevu dans vos mots une nuance, comme une main tendue que je souhaite ici empoigner.
    Je suis même prêt à passer outre l’ironie mâtinée de condescendance, celle qui imprègne votre œil et vos mots au moment de vous adresser aux complotistes. Peut-être est-ce malgré vous. Peut-être même en userais-je moi aussi, malgré moi. Parce que je pense sincèrement, comme vous, que nous nous ressemblons.

    Un passage m’a particulièrement interpellé : « Petite parenthèse : le complotisme ce n’est pas un mot qu’on balance à la tête de quelqu’un qu’on n’aime pas, c’est un concept précis, utilisé par les chercheurs et qui désigne une forme de rhétorique ou de raisonnement où l’on pose comme prémisse l’existence d’un complot ; on en est sûr, on n’en doute pas ».
    J’en déduis donc que :
    1 – certaines personnes souffrent d’un trouble cognitif : ils posent comme prémisse à tout raisonnement l’existence d’un complot.
    2 – certains chercheurs ont validé le terme de « complotistes » pour qualifier ces personnes intellectuellement infirmes, sujettes aux mirages et à la manipulation grossière.
    3 – le doute exclut le complotisme.

    Ainsi donc, imaginons que j’émette des doutes quant aux récits officiels ayant trait aux missions lunaires habitées, aux attentats du 11 septembre et à l’efficacité des vaccins Covid. En accord avec votre définition, sommes-nous donc bien d’accord avec le fait que je ne puisse être considéré comme complotiste ?

    Chers zététiciens, avant de traiter un individu de « complotiste » – qui ne peut être qu’une injure au vu de votre définition –, prenez-vous toujours soin de vérifier que ledit individu ait posé comme prémisse l’existence d’un complot ? Quelque talent de mentalisme serait-il donc requis pour se revendiquer zététicien ?

    Chers zététiciens, ne traitez-vous jamais de complotiste quelqu’un qui, comme vous, se posent des questions, à ceci près que celles-ci diffèrent des vôtres ?

    Avant de nous plonger plus en avant dans ce qui nous lie – zététiciens et candidats au complotisme –, j’aimerais donner un exemple criant de raisonnement fondé sur une prémisse indémontrable : « tous les complots découverts, dénoncés et punis à travers l’histoire n’ont jamais été prouvés par des complotistes ».
    À part Georges Abitbol, je ne vois pas qui pourrait générer de tels axiomes sans ciller.
    Et moi j’affirme que tous les complots découverts, dénoncés et punis à travers l’histoire ont été identifiés par des complotistes avant d’être prouvés.
    C’est tout aussi con, tout aussi indémontrable.
    C’est de bonne guerre, venons au fait. Nous avons beaucoup en commun alors cherchons davantage à nous comprendre, comme vous avez sincèrement invité à le faire, en dépit des quelques maladresses que je pointe amicalement.
    Je crois que l’historiette suivante pourrait nous aider en ce sens.

    Imaginez avec moi une superpuissance accusant le dirigeant d’un pays – au sous-sol riche en fossiles, par exemple – d’être un tyran assoiffé du sang de son peuple. Pire, ce tyran posséderait une arme redoutable capable de vaporiser un continent avec seulement deux gouttes. Des représentants de ladite superpuissance avancent des preuves de leurs accusations au monde entier. Comme il est impossible à l’observateur de vérifier ces preuves, celui-ci n’a d’autre choix que de croire en ce discours officiel, de le nier en bloc ou de faire preuve de scepticisme.
    Un individu A émet de sérieux doutes sur le discours officiel. Qualifions-le d’alternativiste (chacun est libre de choisir son -iste, le débat se gâtant souvent au moment où l’on se met à choisir le -iste des autres). Cet individu A a déjà vu ce schéma narratif en d’autres temps, en d’autres lieux. Ses circuits neuronaux, éprouvés par des années de curiosité pour ces sujets, le poussent définitivement à privilégier un autre scénario que celui offert par notre superpuissance. Il cherche, certains éléments probants tendraient à confirmer son scénario, mais il ne dispose d’aucune preuve irréfutable pour l’affirmer de façon péremptoire. Un individu B, de type zététicien, observe la scène et, faute de preuves réfutant le discours officiel, s’en tient à ce dernier. L’individu B observe l’individu A d’un air sceptique. Éventuellement mâtiné de condescendance. Arrive un individu C, tendance complotiste. Il n’a pas la patience de A, peut-être pas le même bagage cognitif non plus. La preuve irréfutable confirmant la théorie alternative n’existe pas ? Alors il va l’imaginer. Une bonne fake news comme l’individu B les aime, bien grossière, bien risible. L’individu A désespère, l’individu B jubile, il a trouvé la faille – le caniveau du Gouffre de Helm – qui lui permettra de démolir méthodiquement l’ensemble de l’argumentaire de C, emprunté à A. Au passage, il amalgamera les deux.
    Quelque temps plus tard, certaines données déclassifiées permettront de démontrer que la superpuissance a ravagé un pays sur la base d’un casus belli en bois de cagette. Hélas, bon nombre d’observateurs feront fi de ce dénouement. Quand l’alternativiste A réapparaitra, le zététicien B n’aura de cesse de chercher dans son dos un bon vieux complotiste C.

    Voyez-vous, l’alternativiste et le zététicien sont portés par le même doute, par la quête de démantèlement des discours obscurcissant le réel. Sauf que l’alternativiste a une prédilection pour les discours servis par les autorités qui font l’histoire, quand le zététicien semble se délecter des thèses esquissées par des hurluberlus englués dans la Toile.
    Voilà la vision que l’assimilé complotiste que je suis a de vous, les zététiciens.
    Il me semble que l’alternativiste prend de vrais risques en questionnant la narration des évènements majeurs de notre histoire récente, piliers d’une vision commune. Explorer cette réalité alternative est réellement risqué : l’alternativiste s’expose a minima aux rires narquois des chiens de garde et des zététiciens (que je distingue totalement des premiers cités), quand ce n’est pas à un véritable ostracisme social. Il s’expose aussi à de grossières erreurs dans la compréhension du monde, c’est vrai. Celles-ci peuvent entraîner une confusion mentale, un mal-être, une fuite en avant dans la remise en question systématique, jusqu’à la rotondité de la Terre, jusqu’à la présence de reptiliens ou que sais-je. C’est un chemin intellectuel – parfois entrelacé à un chemin spirituel – semé d’embûches.

    Chers zététiciens, rire avec mépris de celui qui s’est perdu dans l’océan de données contradictoires qui submergent chaque jour son écran, c’est agréable pour l’ego, mais ce n’est pas très chevaleresque. Un esprit assoiffé de réel grandirait à se trouver d’autres adversaires.
    J’aimerais parfois que les alternativistes fassent preuve d’un peu plus de raison dans le choix des sujets qu’ils assaillent de leurs doutes. J’aimerais parfois que les zététiciens fassent preuve d’un peu plus de courage dans le choix des sujets qu’ils assaillent de leurs doutes.

    Cher Thomas, si vous déployiez autant de temps et d’intelligence – car, visiblement, vous ne manquez pas des deux – à remettre en doute le récit occidental de la genèse de la guerre en Ukraine, plutôt que le CV d’un confrère, tous les -istes, les -tiques et les -ciens avides de réel y gagneraient.

    Chers sceptiques, alternativistes, zététiciens, complotistes… Essayons de comprendre le réel en évitant les mirages, avec méthode et courage. Et pourquoi pas avec respect et humilité. De là pourraient naître des ponts intéressants. C’est cette main tendue que je retiendrai de votre lettre ouverte, Thomas, et vous remercie sincèrement pour celle-ci.

    Simon

    Répondre
    • Romain
      Romain dit :

      Cher Simon,
      La lecture de votre très remarquable commentaire me fait me rendre compte que j’ai le cul entre deux chaises. Sans aller aussi loin que vous, je vais d’abord tenter de vous résumer, je vous prie donc de corriger mon appréciation en cas d’erreur.
      Premièrement, vous pensez que chacun a la possibilité de comprendre un fait autrement qu’en acceptant un discours ou une posture émanant d’une autorité, simplement en cherchant un autre point de vue, quand cela effectivement dérange : c’est ce que vous appelez l’alternativisme.
      Deuxièmement, vous qualifiez la zététique, l’art du doute,
      écessité formelle de tenter d’accéder à une certaine forme de vérité en se méfiant

      Répondre
    • Romain
      Romain dit :

      (Suite, erreur de manipulation….)

      Deuxièmement, vous qualifiez la zététique, l’art du doute, cette nécessaire tentative d’accéder à une certaine forme de vérité en se méfiant des contreverités, d’enc…lage de mouche (rien de péjoratif, je vais droit au but), étant donné les sujets ciblés par les zététiciens de votre connaissance.

      Pour moi, qui me qualifie volontiers d’alternativiste, votre définitipn de l’alternativisme éclaire et renforce un positionnement politique et intellectuel parfois délicat.

      Dans le même temps, bien que je ne partage visiblement pas du tout l’opinion politique de M. Durand, je loue son travail de fond et la pertinence de nombreuses critiques faites preuves à l’appui.

      Là est le problème… vous reprochez à M. Durand ne ne pas se soucier des enjeux d’envergure nationale et de préférer se cantonner à des sujets plus « triviaux ». Or, notre cher hyperdocteur, dont je n’ai plus aucun doute concernant la malhonnêté intellectuelle grâce à la zététique de M. Durand, même presque mort médiatiquement est lui-même invité par un autre milieu que je suis très attentivement (et que je peux qualifier d’alternativiste grâce à vous) et dont il pourrit à mon sens la rigueur intellectuelle.

      De là à voir se réaliser l’assimilation alternativisme-complotisme que vous décrivez, il n’y a qu’un pas… je trouve donc que l’entente que vous appelez de vos vœux à la fin de votre message peut se réaliser, indirectement et à bas bruit, en regardant et prenant en compte les travaux petits et grands des uns des autres.

      Dans le cas de l’hyperdocteur, on peut apprendre bien des choses en l’écoutant quelques minutes, mais connaissant sa propension à la mythomanie, il vaut mieux s’en méfier…

      Répondre
      • Simon
        Simon dit :

        Cher Romain,

        Je vous remercie tout d’abord pris la peine de lire avec attention mon copieux commentaire, puis d’en saluer l’intérêt. Merci également de me donner l’occasion de préciser ma pensée.

        Non, je ne réduis par toute la zététique à de la tendresse envers les diptères. J’ai sincèrement un grand intérêt pour cette méthode que j’estime féconde. J’ai plaisir à la voir déployée par M. Durand avec talent, bien que ses conclusions divergent profondément des miennes. Je regrettais seulement certaines limites observées chez les sectateurs zététiciens comme « alternativistes ». Limites particulièrement mises en lumière quand les uns s’en prennent aux autres.

        Les récentes joutes entre M. Durand et M. Aberkane les ont en effet plutôt bien illustrer. Je les pointe non sans un certain malaise parce que j’ai une réelle estime pour les deux personnages, leurs conséquents travaux respectifs, leurs prises de risque. Il est bien facile pour moi de les juger dans un commentaire sous le couvert de l’anonymat.

        L’époque est à l’hyperspécialisation. Il faut un doctorat en biologie pour prononcer le mot « photosynthèse », un autre en physique pour murmurer le mot « quantique » et un troisième en égyptologie pour évoquer les pyramides. À qui échoit le droit de proposer des analyses transverses ? À personne semble-t-il, à moins d’avoir trois doctorats. À personne, donc.

        Idriss Aberkane a très probablement gonflé son CV pour se faire une place dans le paysage médiatique. Tout du moins, il l’a « suroptimisé » : un stage devant une invitation rémunérée, un gros mémoire illustré devenant une thèse, etc. Ce n’est pas très glorieux, mais ça ne doit pas discréditer tout ce que touche M. Aberkane. Oui, certains de ses développements comportent des approximations. On ne peut pas maîtriser six champs de compétence que l’on fait communiquer entre eux comme un seul auquel on consacrerait toutes ses recherches. Pour ma part, ce que je vais chercher chez quelqu’un comme M. Aberkane est une denrée rare de nos jours : la transversalité.
        On peut en effet regretter que certains intellectuels dissidents comme M. Aberkane aient souvent l’ego sujet à l’inflation. Certaines ouailles voient le dissident comme un messie, certains contradicteurs zélés le feraient se prendre pour un martyr. L’ego est mis à rude épreuve. Alors le dissident se perd parfois dans le sensationnel approximatif d’une part, pour abreuver les ouailles, et dans le règlement de compte amer pour contre-attaquer d’autre part.

        En face, le zététicien serait le parfait complément de notre alternativiste. Il amène une rigueur scientifique qui fait parfois défaut au premier cité. Son approche est plus structurée, plus sûre, elle identifie biais, sophismes et enthousiasmes intempérés que l’alternativiste laisse derrière lui dans ce chemin fougueusement défriché. Jusque-là, le zététicien est on ne plus salutaire pour le débat, l’assainissant, le recadrant. C’est ensuite que son effet peut devenir à mon sens pernicieux. En ce sens, « l’affaire Durand / Grimault » fut particulièrement éloquente.

        Dans LRDP, Grimault reprend à son compte certaines théories alternatives – auxquelles j’accorde par ailleurs du crédit – qu’il « enrichit » de nouvelles données. Ces dernières seraient fascinantes si elles étaient sourcées. M. Durand échange avec M. Grimault. M. Durand fait preuve d’une patience et d’une méthode admirables. M. Grimault se ridiculise, montre la vacuité de son travail. Très bien. En ce sens, on peut dire que le travail du zététicien était nécessaire, je suis d’accord. Mais l’entreprise de M. Durand a selon moi également un effet pervers. Après avoir démontré que le vecteur d’informations – M. Grimault – était vérolé, on laisse à penser que toutes les informations présentées par les travaux de ce dernier, par capillarité, le seraient également. Par extension, que toutes les théories alternatives ayant trait à l’archéologie antique le seraient tout autant.

        Mais à la place – ou idéalement à la suite –, j’aurais adoré voir M. Durand s’attaquer à certaines théories admises en égyptologie qui souffrent rapidement de la contradiction. Je regrette qu’il y ait un plancher un verre empêchant à M. Durand et d’autres zététiciens de s’attaquer directement aux discours officiels. Immédiatement, un soupçon de complotisme viendrait décrédibiliser leur travail passé, présent et futur auprès de la communauté scientifique établie.

        À quand un zététicien cherchant à malmener le récit officiel des attentats du 11 septembre ? J’aimerais tant voir quelqu’un de la qualité de Thomas Durand s’y atteler. Je regrette que ce soit impossible et pour cause, ce serait un suicide social et financier pour ce dernier. Il est plus aisé de trouver un doux dingue qui, entre deux questions intéressantes soulevées, nous expliquerait que les attentats cachent un symbolisme satanique. Je ferais sans doute pareil si j’étais zététicien. S’assurer un triomphe dialectique ou risquer de tout perdre, le choix est vite fait.

        Parmi mes désirs les plus fous de complémentarité entre zététiciens et alternativistes, certains me semblent moins inaccessibles. M. Durand pourrait par exemple s’attaquer à une cible moins facile que celle constituée par M. Grimault. Je pense par exemple à Graham Hancock dont les ouvrages ont – eux – le mérite d’exister et d’être sourcés. Thomas, si vous me lisez, je vous recommande la lecture de l’Empreinte des Dieux et Magiciens des Dieux (les titres sont catastrophiques, je vous l’accorde). De votre travail se frottant au à celui de M. Hancock pourrait jaillir une étincelle plus éclairante que d’interminables vidéos aux airs de règlements de compte. Autre suggestion, moins chronophage pour vous : les derniers documentaires de Patrice Pouillard (le réalisateur de LRDP, désormais affranchi de Grimault), nettement plus sérieux et dignes d’intérêt que LRDP : BAM et Retour sur BAM.

        Et promis, Thomas, j’arrête de saturer votre espace commentaire avec de tels pavés. Je n’ai pas l’habitude de contribuer à quelque forum que ce soit, je ne maîtrise pas bien ce format.

        Enfin, Romain, ma conclusion sera la vôtre : il faut regarder le travail de tout le monde, malgré les antagonismes. Et demeurer en effet méfiant, critique, des uns comme des autres. Sans oublier de saluer ce qui permet de nourrir notre réflexion, de part et d’autre.

        Répondre
  4. Andres
    Andres dit :

    Thomas,
    Voyez-vous la violence dont vous faites preuve quand vous traitez ceux que vous appelez « complotistes » de cons et que vous vous permettez de les féliciter ou de leur dire qu’ils « valent mieux que les conneries qu’ils partagent » ? Voyez-vous que le dialogue est déjà rendu impossible par votre manière de considérer votre interlocuteur comme inférieur ?
    Oui, bien sûr. Tel est le procès d’intention que je suis tenté de faire.
    Mais si la réponse est non, alors je vous en informe : vous portez une violence en vous qui rend impossible le dialogue.
    Merci à Simon pour son commentaire remarquable, en ce qu’il vous tend une main en faisant fi du mépris et de la condescendance (donc de la violence, donc de l’absence de dialogue, donc de l’absence de sens scientifique et zététique !) dont vous faites preuve.

    Répondre

Laisser un commentaire

Rejoindre la discussion?
N’hésitez pas à contribuer !

Répondre à Andres Annuler la réponse

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *