USA : la fin d’une civilisation de la connaissance ?

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Depuis un demi-siècle, les États-Unis sont la première puissance scientifique du monde. On le constate avec l’omniprésence de leur technologie et de leurs services numériques par exemple. Mais ils sont également leaders dans la plupart des champs de la recherche, notamment médicale. Ils sont de loin les premiers en nombres de prix Nobel, et ces découvertes, elles ont un impact sur nos vies à tous, surtout dans les pays riches.

Le vice-président Vance a déclaré que les universités et les professeurs étaient ses ennemis et ceux de ses électeurs. Trump est désormais en guerre contre les scientifiques, les chercheurs, les intellectuels. C’est une situation inédite, surréaliste, et assez épouvantable, dont les conséquences seront essentiellement invisibles à l’échelle des individus puisqu’il s’agira de découvertes que l’on ne fait pas, de progrès qui ne voient pas le jour, de traitements à des maladies graves qui n’existeront pas. Des gens mourront un peu partout, sans savoir que c’est la politique de Trump qui les a tués.

Les américains ont donné à la bêtise, la bigoterie, la corruption, l’indécence d’un mégalomaniaque le pouvoir de ramener vers l’obscurantisme non seulement leur pays, mais la civilisation que nous partageons avec eux. Le modeste vulgarisateur des sciences que je suis est bien démuni pour tenter d’agir contre cette ignorance toute-puissante. Je ne sais pas quoi faire, mais je veux faire quelque chose, alors je vous propose un petit passage en revue des attaques récentes contre la science par l’administration Trump depuis février dernier…

 

 

  1. Février 2025 — Suspension du financement du Programme national sur le climat

  • Agence concernée : National Oceanic and Atmospheric Administration (NOAA, Administration nationale océanique et atmosphérique).
  • Action : Gel immédiat des budgets liés aux modèles climatiques et à la surveillance de l’évolution des températures globales. Réduction de 27% du budget – Des centaines de licenciements. Les scientifiques ont reçu l’ordre d’interrompre leurs échanges internationaux.
  • Conséquences attendues :
    • Court terme : rupture de séries de données essentielles à la modélisation climatique.
    • Moyen terme : affaiblissement des projections sur les risques climatiques extrêmes.
    • Long terme : affaiblissement de la coopération internationale (notamment avec le GIEC), perte de confiance dans les données américaines.
    • Mondial : les pays en développement, qui dépendent souvent des données américaines, seront particulièrement affectés. Risque accru de catastrophes non anticipées (canicules, ouragans, inondations).

Sources :

 

Début février 2025 — Gel des financements de l’aide internationale

Gel de milliards de dollars d’aide internationale, dont 268 millions alloués aux médias indépendants par l’United States Agency for International Development (USAID). Cela inclut le soutien à la recherche et à la diffusion d’informations scientifiques dans plus de 30 pays. L’accès aux connaissances scientifiques sera donc impacté, avec des effets sur au moins une génération.

 

7 février 2025 — Coupes budgétaires dans la recherche médicale

Le budget proposé par l’administration Trump pour 2026 prévoit une réduction de près de 18 milliards de dollars pour le NIH, soit une baisse de 40 %. Les coupes touchent tous les domaines, y compris la recherche sur le cancer, les maladies neurodégénératives, la santé des minorités, la santé reproductive, et la recherche internationale.

Conséquences : Arrêt d’essais cliniques, licenciements massifs, suppression de centres entiers, et perte de leadership mondial en recherche biomédicale.

Sources :

 

14 février 2025 —Licenciements dans un programme de surveillance épidémiologique

Des centaines de postes ont été supprimés au sein du NIH, de la NSF et d’autres agences, affectant la surveillance épidémiologique et la capacité de réponse aux crises sanitaires.

 

17 février 2025— Censure et suppression de données climatiques

Plusieurs articles de presse et ONG signalent la suppression de sections entières sur le climat des sites officiels de la Maison Blanche, de l’EPA, du Département d’État, etc. — Cette stratégie de censure et de réécriture des pages officielles sur le climat avait déjà été observée lors du premier mandat Trump, et s’est amplifiée en 2025.

Conséquences : Opacité accrue, perte d’accès aux données pour les chercheurs et le public, rupture de la coopération internationale.

Sources

 

Fin février 2025 — Interdiction de déplacement pour Katherine Calvin

L’IRIS (Institut de Relations Internationales et Stratégiques) rapporte que Katherine Calvin, scientifique en chef de la NASA et co-présidente du groupe de travail 3 du GIEC, s’est vu interdire de se rendre à une réunion du GIEC en Chine, puis a été licenciée début mars, son équipe ayant vu ses contrats résiliés.

Cette purge des agences scientifique est un abus de pouvoir dont les conséquences seront graves pour les électeurs de Trump, ses sympathisants autant que pour tout le monde.

 

Sources

 

  1. Mars 2025 — Interdiction des communications publiques des chercheurs fédéraux sans validation politique

Agences concernées : Environmental Protection Agency (EPA), Centers for Disease Control and Prevention (CDC), NOAA.

Action : toute publication ou communication publique (médias, colloques) nécessite une validation par le bureau politique de la Maison-Blanche. Des termes comme « climate science » sont bannis des communications officielles. La méthode est stalinienne, cela devrait inquiéter tout le monde.

  • Le 2 février : L’administration Trump a censuré le Centers for Disease Control and Prevention (CDC), interdisant aux scientifiques de participer à des conférences ou de communiquer avec les professionnels et le public. à Cette mesure limite la diffusion des connaissances scientifiques en santé publique.
  • Conséquences attendues :
    • Court terme : auto-censure, fuite de talents.
    • Moyen terme : affaiblissement du rôle d’alerte des institutions sanitaires et environnementales.
    • Long terme : effondrement de la transparence scientifique, perte de crédibilité mondiale.
    • Mondial : retards dans les alertes pandémiques ou environnementales pouvant coûter des milliers de vies. Coopérations scientifiques internationales mises en péril.

Source :

 

  1. Avril 2025 — Fermeture de 14 programmes fédéraux de recherche en énergies renouvelables

  • Agences concernées : Department of Energy (Département de l’Énergie), National Renewable Energy Laboratory (NREL).
  • Action : suppression du financement de laboratoires travaillant sur le solaire, l’éolien et le stockage.

Rappel : La volonté de réduire ou supprimer le financement de programmes de recherche en énergies renouvelables est explicitement mentionnée dans le Project 2025 (Heritage Foundation), qui sert de feuille de route à l’administration Trump

  • Conséquences attendues :
    • Court terme : licenciement de chercheurs, arrêt de projets pilotes.
    • Moyen terme : affaiblissement de la transition énergétique américaine.
    • Long terme : retard structurel dans l’innovation énergétique.
    • Mondial : hausse de la demande mondiale en combustibles fossiles (car les États-Unis réduisent leur capacité à exporter des solutions vertes), ralentissant les objectifs de l’Accord de Paris. Aggravation de la crise climatique.

Source :

 

  1. Mai 2025 — Réduction drastique du financement de la recherche en santé reproductive

Agences concernées : Instituts nationaux de la santé (NIH) et Département de la santé et des services sociaux (HHS).

Arrêt du financement de l’Initiative pour la santé des femmes (Women’s Health Initiative), la plus grande étude sur la santé féminine aux États-Unis. Gel de 27,5 millions de dollars de subventions du programme Title X, affectant les services de planification familiale, de contraception et de dépistage des IST pour les populations à faible revenu. Signature de l’Ordre exécutif 14182, réaffirmant l’interdiction de l’utilisation de fonds fédéraux pour les avortements électifs (= sans indication médicale) et annulant les mesures précédentes visant à élargir l’accès aux soins reproductifs.

Conséquences attendues :

    • Court terme : Arrêt immédiat de nombreux projets de recherche en santé reproductive, licenciements de chercheurs, fermeture de centres de recherche régionaux.
    • Moyen terme : Réduction significative de l’accès aux services de santé reproductive pour les populations vulnérables, augmentation des grossesses non désirées et des complications liées à la grossesse.
    • Long terme : Affaiblissement de l’expertise nationale en santé reproductive, augmentation des inégalités de santé, impact négatif sur la santé publique des femmes et des minorités.
    • Conséquences mondiales : Réduction du soutien américain aux programmes internationaux de santé reproductive, affectant les efforts mondiaux en matière de planification familiale, de prévention des IST et de réduction de la mortalité maternelle, notamment dans les pays en développement.

 

En mai 2025, le New York Times révèle que l’administration a annulé 806 millions de dollars de subventions des NIH (Instituts nationaux de la santé) consacrées à la santé des minorités sexuelles. Parmi les projets abandonnés :

  • Une étude de 41 millions de dollars sur la prévention du VIH chez les jeunes (20 % des nouvelles infections aux États-Unis).
  • Des recherches sur les cancers et maladies cardiovasculaires touchant disproportionnellement les LGBTQ+.
  • Des travaux sur la santé maternelle des femmes lesbiennes ou bisexuelles.

Les NIH justifient ces annulations en invoquant un « réalignement des priorités », et critiquent les « catégories artificielles » comme l’identité de genre ou les « objectifs d’équité ». Des chercheurs comme Simon Rosser (Université du Minnesota) dénoncent une « bigoterie scientifique » créant une « hiérarchie entre patients ».

Résultat : des laboratoires ferment, des essais cliniques sont interrompus, et de jeunes scientifiques quittent le domaine.

 

Dernière minute… Au moment d’écrire ces lignes, le 7 mai : L’administration Trump annonce la suppression du financement fédéral pour la recherche sur la pollution spatiale, notamment celle liée aux satellites et fusées de SpaceX, une décision critiquée comme étant politiquement motivée pour protéger des alliés industriels

 

Des décisions de ce genre tombent presque tous les jours. Si Trump voulait saboter l’avenir de son pays et de l’occident, il ne s’y prendrait pas autrement. Mais cette folie orange et dérangée ne doit pas faire oublier les incohérences qui se jouent dans notre pays.

J’ai parlé en début d’émission des effets d’annonce sur la désinformation en santé couplée à des décisions absurdes qui financent les fausses médecines. On peut ajouter la dernière lubie de notre président :

Emmanuel Macron a lancé en grande pompe, le 5 mai 2025 à la Sorbonne, l’initiative « Choose Europe for Science », promettant 100 millions d’euros pour attirer des chercheurs étrangers, notamment américains, en France et en Europe. Cette opération séduction survient alors même que son gouvernement vient d’annoncer près de 500 millions d’euros de coupes supplémentaires dans le budget de la recherche publique française (source), s’ajoutant à une réduction d’un milliard d’euros déjà votée pour 2025. Cette contradiction, dénoncée par de nombreux acteurs du secteur, illustre l’hypocrisie du discours présidentiel : il vante l’attractivité scientifique de la France tout en affaiblissant concrètement ses moyens de recherche.

 

Les progrès fulgurants que nous avons connu au cours des décennies passées ont été le fruit d’investissements massifs dans la recherche et l’éducation. Nous vivons dans une civilisation de la connaissance qui permet de vivre vieux, en bonne santé, librement, dans le confort. Les évènements actuels vont peut-être faire de cet état avancé de notre civilisation une parenthèse avant une chute où personne n’a rien à gagner.

 

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