Sciences sociales : Quelle scientificité ? (Bernard Lahire) TenL139
Emission enregistrée le 16 juillet 2024
Invité : Bernard LAHIRE, Directeur de recherche CNRS au Centre Max-Weber et à l’École normale supérieure de Lyon.
Editorial
Je vais énoncer un ensemble de faits qui devraient vous sembler d’abord d’une grande banalité, voire même inintéressants et sans lien aucun avec le thème des sciences sociales. Et pourtant nous verrons ce soir combien il est fructueux de s’interroger sur les conséquences en cascades de ces simples observations.
Allons-y. Les humains sont des animaux, des organismes hétérotrophes (c’est-à-dire qui doivent consommer d’autres organismes pour se maintenir en vie). Leur système digestif autorise une certaine gamme d’alimentation à base de fruits, de graines et de chaire animale.
Les humains sont homéothermes, diurnes, mobiles, dioïques (ce terme vient de la botanique : il décrit une espèce où l’ont peut distinguer deux types d’individus en fonction de leur sexe). Ils présentent un léger dimorphisme sexuel, la fécondation se produit à l’intérieur du corps des femelles, la copulation est possible à n’importe quel moment de l’année sans période d’œstrus contrairement à leurs cousins les plus proches. Les humains ont une longue période de développement, de croissance, d’enfance, donc de dépendance, et une durée de vie longue comparée aux autres animaux de même taille.
Tout cela a des conséquences inévitables sur leur mode de vie, sur les relations qu’ils peuvent entretenir et sur les comportements adaptés qu’ils peuvent acquérir dans leur environnement. Ces contraintes, installées au fil de millions d’années, tout au long de la lignée qui conduit jusqu’à nous, sont physiques, biologiques, historiques ; leurs conséquences sont sociales et culturelles. Et, à leur tour, les dimensions sociales et culturelles ont des effets sur de nombreux aspects de la physiologie, de l’éthologie, de l’anatomie, bref de la biologie de l’espèce.
La sociologie humaine serait très, très, différente s’ils avaient une forme de crabe, une fécondation externe ou des portées de 8 bébés. Cette évidence peut sembler tellement criante qu’on se demande ce qu’on pourrait bien en faire. Mais c’est une évidence qui a été soigneusement mise de côté par les sociologues tandis qu’ils construisaient leur discipline, la sociologie. Et il est peut-être temps de passer à une nouvelle étape de l’histoire de cette science si elle veut être pleinement scientifique. C’est en tout cas ce que propose notre invité de ce soir, Bernard LAHIRE dans son livre « Les structures fondamentales des sociétés humaines ».
Monsieur LAHIRE est un éminent sociologue, que l’on peut difficilement suspecter de vouloir du mal à ce champ disciplinaire ; et il ose ici un mouvement audacieux : tendre la main aux sciences de la nature, et notamment à la biologie, sur la base d’un principe solide : les sciences qui décrivent et expliquent le monde ne peuvent pas dire des choses contraires.
Où en est la scientificité des sciences sociales ? À quoi ressemblent ces structures fondamentales des société humaines ? Le monde académique est-il prêt à répondre aux exigences de scientificité pour des disciplines ? Nous essaierons d’avoir des réponse à ces trois grandes questions et à bien d’autres dans les deux prochaines heures en compagnie du Professeur Bernard LAHIRE, Directeur de recherche CNRS au Centre Max-Weber et à l’École normale supérieure de Lyon.
Du non-sens très bien formulé, comme souvent. Soyez donc un peu plus rigoureux au sujet de ce que vous racontez au lieu de chercher à édifier la population, nous y gagnerons tous.