Réseau Thêta — Une dérive pseudo-universitaire et pseudo-thérapeutique ?

Je souhaite alerter publiquement l’Université de Lille, l’Ordre des Médecins et la MIVILUDES à propos d’une formation actuellement diffusée sous le titre : « Expérience de Mort Approchée, NDE et thérapie selon Jung ».

 

Ce n’est pas par les canaux académiques ou scientifiques que j’ai découvert cette formation, mais via une publicité sponsorisée sur Facebook[1]. Cela dit tout du positionnement réel de cette initiative : une offre commerciale ciblant le grand public comme les professionnels de santé, et non une démarche universitaire ou de recherche. La logique est clairement mercantile ; la publicité mène à une page de vente détaillée, où l’on découvre une formation en ligne de 14 heures, proposée par Bruno Traversi (présenté comme “enseignant-chercheur à l’Université de Lille” mais qui fournit une adresse yahoo) et un Dr Nicolas Drouet, au sein d’un dispositif appelé Réseau Thêta, au tarif de 290€ (au lieu de 360€, précise-t-on !). Monsieur Traversi a bien un doctorat, sa thèse s’intitule : « La danse comme spontanéité – hypothèse d’une structure inconsciente du mouvement. » Sans commentaire.

 

Cela pose plusieurs problèmes :

Présenter une EMI comme un “savoir” à maîtriser, et promettre une capacité à l’analyser après 14h de formation, est non seulement scientifiquement fallacieux, mais potentiellement dangereux. Cela exploite un moment de grande fragilité psychologique chez les patients et leurs proches.

La formation mélange des éléments symboliques et spirituels (archétypes, renaissance, accompagnement de la mort) avec des prétentions d’analyse psychologique, voire clinique. Cela crée un glissement de terrain constant entre discours scientifique, ésotérisme et auto-légitimation thérapeutique.

Le message s’adresse directement aux professionnels de santé, leur laissant entendre qu’ils pourraient, après cette formation, exercer une forme d’accompagnement thérapeutique spécifique. Or, ni la psychologie jungienne, ni la notion de “thanatose”, ni le “réseau Thêta” ne sont reconnus comme fondements cliniques ou validés scientifiquement dans la prise en charge des patients.

Le nom de l’Université de Lille est mis en avant sans qu’il soit possible de vérifier l’existence d’un rattachement officiel. Le visuel du certificat délivré, les formulations utilisées et le nom de l’institut donnent l’apparence d’un diplôme universitaire ou d’une spécialisation, alors qu’il ne s’agit que d’une auto-certification privée sans reconnaissance légale ni académique. Et sur ce certificat le nom de l’Université de Lille… disparait.

Par son organisation en réseau fermé, sa promesse d’accès à un “savoir caché”, son flou terminologique (entre “spécialiste”, “accompagnant”, “thérapeute”) et l’absence de garde-fous rigoureux, le système mis en place présente plusieurs caractéristiques typiques des dérives pseudo-thérapeutiques et sectaires recensées par la MIVILUDES.

 

Au cœur du propos se trouve la méthode MIDAS (Méthode d’Induction de Dissociation Avancée Sensitive), inventée par Bruno Traversi au sein du « Réseau Thêta ». Elle prétend induire des états de conscience comparables à ceux des EMI et produire des effets thérapeutiques profonds (réduction de la peur de la mort, traitement de troubles psychiques, etc.)[2]. Pourtant, aucune publication scientifique indépendante, évaluée par les pairs, ne vient étayer ces allégations. Les descriptions méthodologiques sont vagues, les résultats sont rapportés exclusivement sous forme de témoignages internes, sans protocole expérimental rigoureux ni données vérifiables. Aucun cadre clinique, éthique ou universitaire reconnu n’encadre la pratique. Le vocabulaire employé (« certification », « spécialiste », « analyse d’EMI ») est trompeur, laissant croire à une reconnaissance académique ou médicale inexistante.

En l’état, la méthode MIDAS relève clairement d’une construction pseudo-thérapeutique dénuée de validation scientifique, et ne peut en aucun cas être légitimement présentée ou promue dans un cadre universitaire.

 

Bruno Traversi se présente comme chercheur à l'université de Lille et de Paris

Bruno Traversi se présente comme chercheur à l’université de Lille et de Paris

 

Je demande par conséquent :

À l’Université de Lille

De clarifier publiquement si elle cautionne, héberge ou soutient cette formation. Si ce n’est pas le cas, il est impératif qu’elle demande expressément à ce que son nom ne soit plus utilisé pour légitimer une initiative qui relève d’une approche non scientifique, hors des cadres universitaires habituels.

À l’Ordre des Médecins

De s’interroger sur la communication du “Dr Drouet” et les risques de confusion avec une compétence médicale ou psychothérapeutique reconnue. Le cadre déontologique n’autorise pas l’usage ambigu de titres ou de fonctions auprès du public dans des contextes commerciaux ou pseudo-scientifiques.

À la MIVILUDES

D’examiner en détail les activités du Réseau Thêta, de l’Institut de Psychologie Analytique et Thanatose, et de la formation en ligne sur les EMI, afin d’évaluer si les conditions d’une dérive sont réunies. Les ingrédients sont là : public ciblé en situation de détresse, promesse de transformation, absence de contrôle institutionnel, certification symbolique, vocabulaire thérapeutique, habillage scientifique, proximité avec des croyances métaphysiques, réseautage interne opaque.

À qui de droit

De se pencher sur l’omniprésence sur FACEBOOK de publicités mensongères, trompeuses et souvent en lien avec des pratiques thérapeutiques présentant un risque de dérive sectaire.

 

Ces pratiques constituent un enjeu de santé publique, de rigueur scientifique, et de protection des usagers face aux dérives pseudo-thérapeutiques. Elles brouillent les repères, fragilisent la frontière entre soin et croyance, et compromettent la confiance envers les institutions universitaires comme médicales.

 

Si les EMI vous intéressent, des informations fiables existent :

 

Thomas C. Durand
Vice-président de l’ASTEC

[1] https://www.facebook.com/100083385450107/posts/761869643269211/?mibextid=wwXIfr&rdid=6hRwydIeFKyrryKq#

[2] Source : https://psychologie-analytique.com/methode-midas/

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