Pseudosciences dans le monde de l’enseignement — Un témoignage
Témoignage reçu par email, diffusé en accord avec l’autrice.
Je vous écris suite à l’émission sur les pseudo-sciences dans le milieu professionnel.
Je suis prof des écoles et effarée de voir comme les pseudo-sciences et pseudo-médecines sont mises à l’honneur dans l’Education Nationale. C’est valable à la fois dans nos formations obligatoires, et dans les propositions d’intervention de personnes extérieures dans les classes, personnes « validées’ par des Inspecteurs localement, et qui n’ont pas pourtant pas tellement de légitimité pédagogique (massage bien-être, yoga, sophrologie, etc…).
J’ai énormément de collègues qui ne voient aucun problème à cela, pas plus que les Inspecteurs, pourtant censés être garants de la laïcité. La question de la laïcité du yoga est d’ailleurs toujours éludée : « Oh, là là mais c’est pas vraiment le yoga spirituel comme tu dis là…. Non, ce qu’on fait, c’est des étirements et de la relaxation, quoi !… » Alors eh bien appelons ça des étirements, ma parole !
J’étais déjà bien remontée contre toutes ces pratiques, et voilà-t-y pas que j’ai décidé de m’inscrire sur Préau, un genre de « Comité d’Entreprise » ministériel, qui donne accès à une plateforme de formation en ligne, type MOOC, la plateforme SKILLEOS. Et là, gros choc : en plus des formations attendues en bureautique/langue vivante etc., je tombe sur une offre d’une centaine de cours en bien-être : développement personnel, méditation, PNL, loi d’attraction, relaxation biodynamique et j’en passe…
J’ai contacté la plateforme Préau, qui est donc financée par l’Education Nationale, pour savoir ce qu’ils en pensaient, mais un mois plus tard je n’ai toujours pas de réponse. Je les ai relancés ce jour.
Je cherche comment il est possible de contacter les référents laïcité des académies. Le seul moyen que j’ai trouvé, c’est le « fait établissement », ou déclaration d’une atteinte à la laïcité type port de signe ostentatoire ou discours pro-attentat…
Je suis dans l’Académie de Rennes, et je vais prochainement subir une formation de 3h la semaine prochaine sur « le bien-être à l’école », une intervenante est prévue, seul son nom est donné, j’ai dû rechercher de qui il s’agissait. C’est donc une IA-IPR (Inspectrice dans le secondaire) en Sciences de la Vie et de la Terre… et formatrice en sophrologie, qui vient nous parler du bien-être. Je suis perplexe devant ce mélange des genres.
Même constat exactement et même réflexion pour moi aussi, prof des écoles. Le manque de sciences et plus encore d’esprit critique dans notre milieu est effrayant. Le manque de formations, de manière générale est un scandale mais quand je vois ce qui se glisse par la porte des « formations » ça ne me rassure pas du tout.
La MGEN également m’avait bien inquiétée quand j’ai vu ce que notre chère mutuelle rembourse… (Et dans mon cas perso pour une maladie chronique je peux bien aller me faire voir pr me faire rembourser mes médicaments standards… bref). 100% d’accord avec ce témoignage, pourvu que ce soit vu et partagé.
La « Communication non verbale » voire « La méthode Coué » me semblent tout à fait fondées et en tous cas ne pas relever des pseudo-sciences.
Tout n’est pas forcément à jeter et heureusement j’ai envie de dire (attention cela dit, j’ai pas les connaissances suffisantes sur la méthode Coué ni sur les CNV, donc mon avis reste en suspens sur ces points).
Le problème (si on considère ces 2 formations comme valable) c’est qu’elles ne représentent que 2 sur 11 que la capture d’écran présente… morceau choisi ou non de cette enseignante, cela pose quand même question. Quitte à devoir choisir, inverser le ratio serait somme toute un peu mieux
Idem dans mon Lycée.
La sophrologie est proposée aux personnels comme aux élèves. Dès qu’on a un-e élève qui présente de l’anxiété ou du stress on propose la sophrologie. Ce n’est pas forcément inefficace (effets contextuels), certain semblent y trouver leur compte. En tant que prof de science je partage l’avis que ça n’a pas sa place au sein du Lycée.
C’est la même chose dans le lycée de mon beau-fils et j’avoue être assez perplexe, j’hésite depuis plusieurs mois à signaler à la direction que ce genre de pratiques ne devrait pas avoir sa place au lycée, je ne trouve pas la bonne formulation pour ne pas paraître agressif et générer de la réactance.
Il ne faut pas hésiter à faire un signalement directement à la Miviludes qui prendra contact avec l’établissement pour faire un point et un recadrage si nécessaire.
Ils ne disent pas qui a donné l’alerte et de plus cela permet de quantifier le phénomène. Ne pas se laisser impressionner par le fait que ce n’est peut-être pas (encore) une dérive sectaire, tout ce qui peut y mener, gagne à être signalé.
Les signalements sont rapides à faire, c’est ici : https://contacts-demarches.interieur.gouv.fr/miviludes/informer-la-miviludes-d-une-derive-sectaire/
Il existe des ressources pédagogiques pour se former et former à l’esprit critique, en voici une très riche en contenu sourcé, sérieuse et ludique à la fois : « Au cœur de l’esprit critique » de Séverine Falkowicz, maître de conférence en psychologie sociale.
Ce guide est rempli d’outils et méthodes pour déjouer les pièges et manipulations et aiguiser son esprit critique qu’on soit débutant ou déjà fan d’esprit critique.
Cela semble un problème généralisé dans l’administration publique, même l’Intérieur est concerné alors qu’il est chargé en premier lieu de défendre la laïcité et que la MIVILUDES dépend dorénavant de lui.
J’ai eu des retours de formations initiales d’agents de l’Intérieur avec un sous-traitant privé censé assurer une formation en gestion d’équipe et qui utilisait le profilage psychologique, selon la « méthode de Palo Alto » ou encore la méthode DISC. Au-delà de l’aspect discutable de ces méthodes (d’aucuns les qualifient de pseudo-sciences), c’est d’autant plus absurde que la hiérarchie des agents n’est pas sensibilisée à cet outil censé leur permettre de se positionner dans leurs équipes. L’argent public est donc dépensé au bénéfice de boîtes dont le travail, quand bien même serait-il pertinent, se perdra dans les limbes.
De plus, les agents sont censés postuler à des formations dépendant de plateformes régionales. Des échos que j’en ai eu, ces formations sont indigentes (ex : le formateur en réglementation est en retard de plusieurs années sur l’évolution des textes et il ne veut pas se fouler en réactualisant ses connaissances) et la majorité est concentrée de manière caricaturale dans le volet Bien-être au travail. Qui plus est, l’essentiel des modules dans cette catégorie est assuré par des coachs qui exercent par ailleurs en profession libérale et, quand vous regardez après eux, vous réalisez qu’ils versent pratiquement tous dans les pseudo-médecines (ex : reiki, sophrologie, PNL).
Ensuite, ce témoignage est peut-être biaisé : je veux dire par là que cela tenait possiblement à la direction défaillante de la plateforme régionale dont dépendait l’agent en question, à l’époque de son service dans ce territoire. Toutefois, le témoignage de l’autrice de cet article me laisse penser que c’est assez banalisé et s’inscrit dans le temps long en réalité.