La philosophie pour enfants – TenL#51
Enregistré le 20 septembre 2017 chez Radio Caraïb Nancy
Invité : Pleen, vulgarisateur en éducation et intervenant en Philo pour enfants.
Editorial
Qui-suis-je ? Qu’est-ce que la conscience ? Le sentiment du beau est-il inné ? Que dois-je respecter chez autrui ? Des questions profondes, parfois si profondes qu’elles sont lointaines. La philosophie a un petit goût de terminale engoncée, de salle de classe endormie, de professeur verbeux et d’auteurs plus morts que morts qui semblent se parler à eux-mêmes. C’est en tout cas le sentiment qu’on peut avoir quand on n’a pas été un élève brillant dans cette discipline étrange et baroque réservée à la dernière année avant le bac, et où l’on serait censé prendre goût à la sagesse.
Alors, l’idée d’infliger ça à de tendres écoliers parait non seulement absurde mais carrément odieuse. Comme oser violenter l’innocence de l’enfance avec des concepts austères, avec de la pensée complexe, au lieu de les laisser goûter pleinement les années insouciantes qui les séparent de l’âge adulte, de ses tracas, contraintes, angoisses, du carcan que la société leur prépare, de la lente sédimentation des certitudes acquises au fil des années. Puis de la mort.
Philosopher c’est apprendre à mourir, dit-on. Ca ne regarde donc pas les enfants à qui on doit épargner ces considérations. L’argument semble valide. Il est recevable, mais peut-être ne fait-il pas le tour de la question.
Car nos enfants, et nous-mêmes à leur âge, tâchons de nous en souvenir, ne vivent pas chez les bisounours. Ils connaissent la contrainte : celle de l’école, celle de la politesse, celle de se taire quand parlent les adultes. Leur vie n’est guère pacifique. On reçoit plus de coups de pieds et de coups de poing à 6 ans qu’à soixante. Les jeunes singes que sont nos enfants ont entre eux des relations dont la dureté n’a rien à envier à ce que l’on voit dans Games of Thrones, le sang et les dragons en moins. Ils sont proportionnellement plus violents entre eux, ils subissent également plus de violence de la part des adultes : gifles, punitions, notes vexatoires, injonctions, etc. Ils savent bien que le monde est injuste, ils le voient, et ils ne trouvent pas ça normal. Sans doute ne faut-il pas attendre qu’ils s’y habituent, finissent par juger tout cela banal et prennent le pli de reproduire les comportements injustes qu’on leur donne en exemple, bien malgré nous.
La complexité du monde n’épargne personne, et les enfants y sont confrontés, peut-être de plus en plus jeunes. Désormais à douze ans, et avant, ils sont en contact avec des vidéos violentes, avec des propos extrêmes, avec des débats qui les dépassent mais dans lesquels la pression sociale leur demande de prendre parti. Que faisons-nous pour les aider à éviter les pièges ?
La science est formidable pour répondre à des questions que l’on peut transformer en expérience afin d’obtenir le verdict de la réalité sur nos hypothèses. Tout n’est pas élucidable par ces moyens, les réponses ne sont pas toujours compréhensibles. Ils est fort probable, disent les experts, que le meilleur moyen de nous protéger contre les idées fausses, les discours séduisants et la pensée extrême passe par les sciences humaines : comprendre l’histoire de notre espèce, de notre culture, de notre langue, comprendre la nécessaire humilité que l’on doit adopter face aux questions compliquées. Et comprendre qu’il faut débattre pour s’assurer qu’on comprendre bien ce que pense celui qui a l’air de dire que ce que je pense est incorrect. La philosophie ressemble beaucoup à ce dont on a besoin pour aider les plus jeunes à acquérir leur autonomie de pensée et à développer leur autodéfense intellectuelle.
Mais comment fait-on sur le terrain ? C’est ce qu’est venu nous dire Pleen, qui fait justement ce travail-là, comme ça tombe bien !
Il y aurait un moyen magnifique de renouveler la philosophie : ce serait de méditer sur : Emmanuel d’Hooghvorst, Le Fil de Pénélope (Editions Beya). Ce philosophe a énormément de choses à enseigner. Il commente notamment les contes d’enfants.