Parlons de Dieu (et de science) [La Tronche est à VOUS]
Dans le format La Tronche est à VOUS, l’antenne est ouverte. Vous pouvez nous rejoindre sur Discord et demander la parole.
Ce soir, 16 février 2002, nous allons parler de Dieu. Et de science. Entendez par là que j’aimerais entendre des gens qui défendent l’idée que la science prouve l’existence de Dieu. Ils sont minoritaires mais ils existent, et s’ils sont très loquaces par écrits, on les entend moins souvent. Quelle joie ce serait que quelques-uns viennent ce soir nous expliquer en direct pourquoi ils ont raison.
Je voudrais aussi entendre des internautes sur la thèse du conflit entre science et religion. Il est devenu classique de nos jours de considérer qu’il n’y a pas de conflit parce que les sciences et les religions auraient des domaines de compétences distincts, ce qui empêche les interférences, ce qui garantit la paix, ce qui balaye les vieilles histoire de Galilée et des victimes de l’intolérance religieuse du temps où la théologie était la première de toutes les sciences et ne souffrait aucune contradiction de la philosophie de la nature.
Bien sûr nous pourrons aussi donner la parole à des sceptiques ou des croyants en l’inexistence de Dieu, le principal but de La Tronche est à VOUS est de multiplier les points de vue, les sensibilités, de souligner les nuances, de montrer qu’on a jamais vraiment fini de faire le tour d’une question compliquée.
Au cours de cette émission, il sera donc question de science. Elle sera conjuguée indifféremment au singulier ou au pluriel, évitons la pédanterie. Dans ma bouche, il s’agit de la démarche d’exploration du réel répondant à l’excellente définition de Yves Gingras ici même sur notre chaine (TenL106 « Peut-on encore se fier à la science ?« ) : « Faire de la science, c’est rendre raison des phénomènes par des causes naturelles. »
Une fois cette définition posée, vous comprenez immédiatement que si Dieu est un être surnaturel, on va avoir au moins quelques difficultés à le faire coïncider avec le concept de science.
Il sera question de Dieu, et cela ne doit pas être confondu avec la question des religions. Le concept de religion lui-même est hyper discutable, difficile à définir, généralement mal employé (Cf le livre de Daniel Dubuisson « l’invention des religions »). Mais la question de la religion est évidemment connexe, et on pourra si vous le souhaitez aborder le problème de la compatibilité entre adhésion religieuse et littératie scientifique (Cf livre de Benjamin Germann « Les obstacles de la pensée religieuse à l’apprentissage des sciences »).
Je voudrais rappeler que les mouvements rationalistes, sceptiques, de libre pensées se sont construits dans le passé en bonne partie en opposition au dogmatisme religieux, à l’autorité intellectuelle, morale, apodictique des Ecritures, au poids qu’exerçait sur la société un pouvoir qui se revendiquait de droit divin. Le rapport au religieux est donc historiquement l’un des plus importants de l’histoire de la pensée critique. Et pourtant dans le paysage de la zététique ce thème est quasiment absent. On parle bien sûr de paranormal, de plus en plus de pseudosciences, un peu de spiritualité, mais quasiment rien sur Dieu et la religion. Or, je pense qu’on a besoin de faire circuler les idées du scepticisme en ce domaine qui touche de nombreuses personnes et qui partout ou presque n’est traité que par des croyants.
Une citation pour finir cette introduction : Arthur Schopenhauer dans Sur la religion : « On ne peut servir deux maîtres à la fois : donc, ou la raison, ou l’Écriture. S’asseoir entre deux chaises, se nomme « juste milieu ».» Doit-on donner tort à l’auteur de L’art d’avoir toujours raison ?
NB : Le 1er mars, ne manquez pas L’entretien avec Olivier Bonnassies, co-auteur de « Dieu, la Science, les preuves »
Le paysage zététicien semble, en effet, passer à côté de la question religieuse ou de Dieu, en particulier. Peut-être par cet « arrangement » sociétal, où son périmètre est délié de celui de la science, qu’on vit au quotidien avec la laïcité? Peut-être que les zététiciens pensent que la question a été longuement traitée et que, socialement, l’on peut faire évoluer le débat sociétal sur d’autres aspects plus pertinents?
Quoi qu’il en soit, il ne semble pas y avoir beaucoup d’écho de la critique sceptique « moderne » portée par des scientifiques de pointe comme Richard Dawkins, Sam Harris ou Lawrence Krauss, ainsi que du controversé journaliste et écrivain Christopher Hitchens. C’est dommage, car le sujet mérite encore et toujours d’être traité pour évoluer collectivement.
J’ai deux arguments pour l’existence de Dieu ou plutôt de l’existence d’une autre chose que le monde physique. Autant pour le premier, j’ai des arguments pour contester sa pertinence, je peine à trouver la réfutation pour le deuxième.
– La science explique parfaitement un monde peuplé de zombies philosophiques, mais elle n’explique pas la conscience. Je peux concevoir une fourmilière, mais pas la fourmi et encore moins un homme. Mais on peut toujours rétorquer que ce n’est pas parce qu’on ne comprend pas qu’une autre chose existe.
– Dans un monde déterminisme, on ne peut pas avoir de libre arbitre. Le compatibilime peut être entendu si on fait de l’astronomie, mais il me semble inacceptable lorsque on parle de spiritualité. Cela fait trop carte joker. Accepter d’être déterminé ne me semble pas non plus tenable. Tous les enjeux d’une vie sont réduits à néant. Et même si c’était vrai, on aurait intérêt à penser le contraire. De toute façon, il était déterminé que je me trompe.
Patrick