Quand la nature reprend ses droits – TenL#53
Enregistré le 13 octobre 2017 au bar Le rallye, Verdun.
Invités :
- Jérôme Dumont, historien au Mémorial de Verdun
- Mathieu Gaillard, chiroptérologue.
- Isabelle Masson-Loodts, archéologue et journaliste.
Editorial
Nous avons oublié ce que c’est que la guerre. La guerre chez nous, dans nos villes. C’est bien sûr une bénédiction, mais aussi une forme d’ignorance que nous risquons de payer un jour. Pardon pour la banalité de ce qui va suivre, mais la guerre est une machine criminelle qui transforme des humains en soldats et, plus grave encore, en statistiques. C’est aussi une activité destructrice de tout ce qui tombe dans son sillage avec des effets considérables sur l’environnement. Des millions de tonnes de métaux disséminés, des villes détruites dont les polluants se répandent, des terres brulées, des populations affamées qui cherchent à subsister dans les arrière-pays.
Malheureusement Guerre est l’un des premiers mots qui vient à l’esprit quand est prononcé le nom de Verdun, où nous nous trouvons ce soir, bien avant les mots Science ou Fête. Pourtant nous sommes à Verdun à l’occasion de cette Fête de la Science 2017 à l’invitation du Pays de Verdun.
Nous avons aujourd’hui des images crépusculaires des paysages dévastés lors de la Grande Guerre, l’usure, la peur, le pilonnage de l’artillerie, les hurlements et les entrailles déversées dans de sinistres tranchées. L’horreur absolue qu’il serait vain de chercher à décrire. Cent ans ont passé sur une région ravagée. Où en sommes-nous ? La guerre détruit les humains, laisse des traumatismes jusque dans l’héritage génétique transmis par les survivants ; elle a aussi de profonds effets sur les écosystèmes. Mais avec le temps, la nature reprend ses droits. La nature n’a rien à envier aux Lannister, elle finit toujours par liquider ses dettes. La nature est là depuis longtemps, et au cas où nous disparaissions demain dans un grand nuage nucléaire, les bactéries, les cloportes et les tardigrades –parmi beaucoup d’autres– continueraient de peupler le monde.
La nature qui reprend ses droits est donc une expression qui a tout du truisme et ne doit pas nous faire oublier l’équilibre des forces en présence. Quand l’activité humaine, et en particulier la plus désordonnée et irresponsable de toutes, détruit des écosystèmes, ce que nous détruisons, c’est le monde dans lequel nos ancêtres ont vécu et sont passés au tamis de la sélection naturelle en nous transmettant les caractères qui nous attachent à l’état ancestral du monde. Nous, humains, avons besoin de la nature plus que la nature n’a besoin de nous.
Dans le fracas des combats, ce que nous bousillons, c’est notre héritage, mais c’est aussi le capital des générations à venir. Nous allons voir ce soir, avec un invité historien, l’ampleur des destructions dont nous nous sommes rendus coupables. Mais nous verrons aussi, avec un invité chiroptérologue, que les paysages dévastés finissent toujours par devenir le milieu « naturel » d’organismes qui trouvent le moyen d’y prospérer. Le problème est qu’Homo sapiens est un organisme qui ne prospère pas si facilement sur les décombre de ses propres méfaits, et la troisième partie de l’émission parlera de la place de l’humain dans ces paysages laissés à l’abandon.
Car il y a, à Verdun, des humains en vie avec des projets et des rêves. Bienvenu dans la Tronche en Live, et bonne Fête de la Science.
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