METASCIENCE La peer-review : est-ce une si bonne idée ? [TenL 130]

Emission enregistrée le 23 janvier 2024

Invités
  • Adrien FILLON
  • Nathanaël LARIGALDIE

 

Editorial

 

Face à une allégation, à une affirmation concernant le monde, son état, son fonctionnement, nous sommes toujours fondés à interroger celui ou celle qui parle afin de savoir d’où lui vient cette connaissance ou cette conviction. Nous demandons des sources. Cette demande de source formulée par la zététique est un message qui est plutôt bien passé, elle est même caricaturée par ceux que notre travail dérange. C’est bon signe.

Quand nous demandons des sources à celle qui s’extasie du pouvoir de réjuvénation de sa crème quantique à la pierre de Lune ou à celui qui assure que l’uniforme à l’école va régler les problèmes de harcèlement ou à ceux pour qui la théorie du ruissellement démontre qu’il faut moins taxer les riches, ce que nous voulons c’est pouvoir lire un travail qui propose des hypothèse autour des phénomènes en question et mette en place une manière de tester et donc de potentiellement réfuter ces hypothèses. Si de tels travaux existent, ils fournissent de bonnes raisons de croire aux énoncés ; ils constituent des arguments dont on doit tenir compte et qui peuvent emporter notre adhésion.

Mais nous sommes exigeants, il nous faudra plus qu’un article de la revue Nexus, une enquête dans Voici, une fiche de propagande gouvernementale ou un pamphlet d’activiste. Nous avons appris à demander une source qui soit un article de recherche publié dans une revue internationale à comité de lecture. Autrement dit, on accepte d’y croire si c’est passé par le crible de la revue par les pairs du champ disciplinaire concerné. Ce sont les experts qui tranchent pour savoir si une posture est scientifique, si un résultat est valide.

Puisque nous sommes amenés bien souvent à nous confronter à des divagations pseudo-scientifiques voire carrément à du négationnisme scientifique, en zététique, nous avons à cœur de rappeler que le monde de la recherche scientifique, pour imparfait qu’il soit, reste de loin l’entreprise humaine la plus autocritique et auto-correctrice qui existe. Nous défendons comme repère épistémologique permettant d’avoir une conversation collégiale le système en vigueur de publication des travaux scientifiques.

Et là c’est le drame. C’est le drame parce que toute la sincérité de nos efforts pour contrer la désinformation et rappeler les vertus de la science pourrait bien avoir tendance à nous rendre idéalistes. Il ne faudrait pas, chers amis sceptiques, que nous défendions une science presque divinisée avec ses grands principes désincarnés de rigueur, de désintérêt, d’universalisme en oubliant que cet idéal est une idée, un projet tandis que sur le terrain les gens font un peu ce qu’ils peuvent avec ce qu’ils ont et se heurtent régulièrement aux aspérités d’une réalité professionnelle où l’exploration du réel se fait sous des contraintes qui ne maximisent pas vraiment nos chances de nous approcher du vrai.

Nous devons prendre soin de ne pas jouer contre notre camp en faisant comme si la Science (avec une majuscule) était un nouvel évangile. L’image de la science en constant progrès, critique d’elle-même, prompte à abandonner les idées réfutées et toujours dirigée par des priorités intellectuelles et épistémiques est certes stimulante, mais ce n’est pas (encore) la science que nous avons. Si nous nous berçons dans l’illusion que la vérité est à portée de main —qu’il suffit d’ouvrir Science ou Nature— alors nous risquons d’abandonner les chercheurs et les chercheuses dans leur combat pour améliorer le fonctionnement d’une institution qui manque encore de la maturité permettant de savoir comment l’efficacité de la science est scientifiquement évaluée.

Et pour aborder cette question nous nous demanderons si la revue par les pairs que je plébiscite moi-même comme beaucoup, est effectivement un système qui a fait les preuves qu’il méritait d’être si âprement défendu. Nous allons pratiquer un peu de Métascience.

Et cela n’est possible que grâce à la présence de deux chercheurs du domaine.

  • Adrien FILLON est docteur en psychologie sociale, chercheur postdoctoral à SInnoPSis, centre de recherche européen sur l’étude et les politiques de science et d’innovation à l’université de Chypre. Sa discipline : les méta-science.
  • Nathanael LARIGALDIE est docteur en neurosciences computationnelles de Durham University et actuellement chercheur postdoctoral en sciences cognitives à la School of Business and Social Sciences d’Aarhus University
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