L’expertise en santé sur les réseaux sociaux [TenL 132]
Emission enregistrée le 19 mars à la Médiathèque d’ARTEM, Nancy.
Invitées : Laurence Corroy et Céline Ségur, Professeures d’Université et enseignantes chercheuses au Centre de Recherches sur les médiations Communications-Langue-Art-Culture.
Editorial
Vous nous regardez sur Internet. Et vous avez bien raison parce que nous avons ici des programmes de qualité. Vous nous regardez parce que vous êtes abonné ou parce qu’au détour de votre navigation, vous êtes tombé sur un lien qui conduit ici. A un moment ou un autre, avant d’arriver sur la Tronche en Biais vous êtes presque à coup sûr passé par un réseau social numérique.
Les réseaux qui vous ont aiguillé jusqu’ici, d’une certaine manière, je les aime bien, mais il faut bien admettre que ce sont exactement les mêmes qui font grossir le public de tout un tas d’influenceurs dont le discours est diamétralement opposé au notre.
Une étude récente du sociologue Laurent Cordonier a montré que les internautes qui ont tendance à davantage s’informer sur les réseaux sociaux au sujet des questions de santé sont aussi ceux qui ont au final les connaissances les plus faibles et les plus fausses. Je vous renvoie vers le Ca Coule de Source numéro 13 de décembre dernier avec, justement, Laurent Cordonier.
La crise du covid a amplifié le problème, nous sommes envahis par des tas de gens qui disent tout et son contraire au sujet des virus, des vaccins, des cancers, des remèdes, des effets secondaires, des régimes etc. Certains ont des centaines de milliers d’abonnés, et ceux qui les suivent estiment avoir autant de raisons de leur faire confiance que vous en avez vous-même, peut-être, de vous fier à cette chaine. C’est un peu cornélien.
Les profils de ces prescripteurs alternatifs de conseils de santé sont multiples, certains sont même médecins, mais la plupart ont une posture d’opposition au « dictat de la pensée unique » des hôpitaux, des ministères, des grandes entreprises du médicament, et, en se construisant une image d’artisan de la vérité vraie qui résiste à la propagande de Big Pharma, ils établissent un lien avec leur audience, il se tisse une histoire commune entre le spectateur et le créateur de contenu, ce sont des relations parasociales dans lesquelles la confiance ne dépend plus tellement des faits mais repose davantage sur les affects, les émotions, les identités numériques, et alors l’argumentaire scientifique qui devrait arbitrer les conflits sur la nature des maladies et la pertinence des traitements n’a plus tellement voix au chapitre ; c’est comme si l’expertise (notre thème de ce soir) changeait de nature : elle n’est plus connectée en priorité à la capacité de s’en référer aux connaissances de la littérature scientifique, mais à celle d’incarner un ensemble de valeurs, d’endosser le rôle de porte-parole d’une sous-culture qui apporte à l’audience le sentiment d’avoir le droit de choisir la vérité qui lui convient.
Tout cela est-il un symptôme de l’ère de la post-vérité dont on a beaucoup parlé ? Cette crise de confiance envers les élites est sans doute multifactorielle, et si elle se déchaine particulièrement sur les réseaux sociaux, cela ne signifie pas que toutes les causes soient à chercher dans ces espaces.
Pour éclaircir la question de l’expertise, des nouveaux usages numériques, des nouveaux chemins qu’emprunte la confiance du public, nous serons aiguillés par deux Professeures d’Université et enseignantes chercheuses au Centre de Recherches sur les médiations Communications-Langue-Art-Culture.
Merci d’accueillir Laurence Corroy et Céline Ségur.
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