La Psychanalyse : entre pseudoscience et dérives sectaires
La question “la psychanalyse est-elle une secte ?” n’est pas seulement polémique. Elle devient inévitable lorsque les données scientifiques convergent vers un constat d’inefficacité, tandis que des segments influents du mouvement psychanalytique continuent de peser sur les décisions publiques. Le retrait récent d’un amendement visant à dérembourser les consultations psychanalytiques, après une mobilisation coordonnée de sociétés savantes et de praticiens, illustre la capacité d’organisation d’un milieu qui se vit comme détenteur d’un savoir irréductible, menacé par l’évaluation scientifique (Cf Sénat, 2025).
La psychanalyse aide-t-elle réellement les malades ?
La question est d’abord clinique. Et la réponse, aujourd’hui, est claire : aucune indication validée par des essais contrôlés randomisés et des méta-analyses rigoureuses ne montre que la psychanalyse classique — longue, centrée sur l’interprétation du transfert — apporte des bénéfices supérieurs à ceux de psychothérapies structurées comme les TCC, la thérapie dialectique (TCD) ou d’autres approches fondées sur les preuves.
Si vous êtes dans une situation où votre santé mentale demande du soin, la psychanalyse n’est jamais la meilleure réponse, elle n’est donc pas celle que la médecine doit proposer.
Je ne suis pas en train de vous donner mon avis subjectif, mais de vous rendre compte de décennies de travaux scientifiques. L’expertise collective de l’INSERM (2004) soulignait déjà que, pour la dépression, les troubles anxieux, la schizophrénie et les troubles de la personnalité, les approches cognitivo-comportementales disposent de preuves solides, tandis que les thérapies psychanalytiques reposent sur un corpus limité, hétérogène ou insuffisamment contrôlé. (INSERM, 2004). Les résultats accumulés depuis n’ont pas inversé cette hiérarchie :
— Dépression : Les thérapies psychodynamiques brèves montrent une efficacité modérée, comparable à celle des autres traitements, mais la psychanalyse longue n’a pas de preuves robustes justifiant son usage comme traitement principal (Leichsenring et Rabung, 2008 ; Cuijpers et al., 2014).
— Troubles anxieux : Les TCC constituent le traitement de référence. La psychanalyse n’a aucune preuve spécifique d’efficacité, et son utilisation en première ligne augmente le risque de retard de soins (Baldwin et al., 2014 ; Hofmann et al., 2013).
— Troubles de la personnalité : Certaines psychothérapies psychodynamiques intensives montrent des effets positifs, mais pas de supériorité sur les approches spécialisées comme la TCD (Leichsenring et al., 2011 ; Livesley et Larstone, 2018). La psychanalyse longue n’est pas mieux documentée.
— Psychoses et schizophrénie : La psychanalyse n’a aucune efficacité démontrée pour ces troubles. Les recommandations internationales (NICE, 2014) sont explicites : les traitements reposent sur la pharmacothérapie, les interventions psychosociales et la psychoéducation structurée, pas sur la cure analytique (Mueser et al, 2013).
— Troubles psychiques chez l’enfant et l’adolescent (hors autisme) : Quelques études contrôlées indiquent que les psychothérapies psychodynamiques brèves peuvent apporter un bénéfice dans certains troubles ciblés — anxiété, dépression, difficultés relationnelles — mais la qualité des preuves reste modérée à faible, et aucune supériorité n’a été démontrée par rapport aux approches mieux établies, comme les thérapies comportementales, familiales ou systématiques (Midgley et al., 2021). En pratique, les recommandations internationales continuent de privilégier ces dernières, car elles sont mieux évaluées, plus structurées et plus aisément compatibles avec les systèmes de soins.
— Autisme : C’est le domaine où le contraste avec les données scientifiques est le plus fort. Les approches psychanalytiques sont sans preuves, et parfois dangereuses, car elles retardent la mise en place d’interventions éducatives dont l’efficacité est établie (HAS, 2012). Waltz (2015) et Epstein (2014) montrent en détail comment les modèles psychanalytiques de culpabilisation parentale ont profondément nui aux familles.
En 2012, la Haute Autorité de Santé a classé les approches psychanalytiques parmi les méthodes « non consensuelles à écarter ». Comme le résumait sobrement Le Monde : « la psychanalyse est mise hors jeu » (Vincent, 2012).
Conclusion clinique
La littérature scientifique ne montre aucune situation où la psychanalyse serait plus efficace, plus rapide, plus durable ou plus sûre que les psychothérapies évaluées. La psychanalyse peut offrir un espace de parole subjectif à certaines personnes, mais elle n’est jamais le traitement optimal pour un trouble identifié. Cette situation devrait orienter les politiques publiques : lorsqu’un retard thérapeutique peut entraîner un handicap, une chronicisation ou la mise en danger de patients vulnérables, financer une pratique sans preuves relève d’un choix politique discutable qui pèse sur des victimes évitables.
Autrement dit, le projet de déremboursement ne tombe pas du ciel. Il s’inscrit dans une évolution internationale où l’on cesse progressivement de financer, sur fonds publics, des interventions dont la balance bénéfice/risque n’est pas étayée par des essais contrôlés ou des méta-analyses. La psychanalyse, en France, reste pourtant largement protégée de cette mise à l’épreuve, ce qui nous amène à la question de son statut épistémologique.
Pour suivre mon travail plus facilement :
Une pseudo-science à l’autorité épistémique disproportionnée
La psychanalyse revendique depuis plus d’un siècle le statut de « science de l’inconscient ». Pourtant, dès les années 1950, Karl Popper soulignait qu’elle constitue l’exemple même d’une théorie impossible à réfuter : toute critique peut toujours être reconvertie en « résistance » du patient ou du contradicteur. Ce mécanisme fait basculer la cure dans un registre métaphysique où l’on ne traite plus les contre-arguments comme des données mais comme des symptômes. Les historiens Mikkel Borch-Jacobsen et Sonu Shamdasani ont montré, archives à l’appui, que cette impossibilité structurelle de mettre la théorie à l’épreuve s’accompagne d’un récit freudien réécrit a posteriori, avec des cas enjolivés, des succès proclamés sans contrôle, et une absence générale de suivi systématique (Borch-Jacobsen & Shamdasani, 2006).
Malgré cela, la psychanalyse continue d’occuper dans l’espace public une position d’« expertise » que rien ne justifie scientifiquement. Elle bénéficie d’une autorité épistémique profondément déconnectée de la recherche empirique, entretenue par un discours où l’effet rhétorique compte davantage que la vérité — ce que Harry Frankfurt décrit comme le registre du « bullshit », un parler-savamment qui ne se soucie pas de la validité de ses propositions (Frankfurt, 2005). Les métaphores opaques, les interprétations passe-partout et le jargon œdipien donnent l’apparence d’une profondeur théorique là où il n’y a, en réalité, aucune production de connaissance.
Une organisation en chapelles, plus proche de l’Église que du laboratoire
La psychanalyse ne s’est jamais organisée comme une discipline soumise aux standards académiques. Elle s’est constituée en écoles centrées sur un maître — freudienne, lacanienne, kleinienne, jungienne — chacune avec ses dogmes, ses rites d’entrée, ses excommunications et ses fidélités indiscutées. L’INSERM rappelait déjà, dans son expertise de 2004, que la formation psychanalytique est essentiellement privée, non standardisée, et sans intégration universitaire réelle.
Plusieurs historiens et sociologues ont décrit le fonctionnement institutionnel de la psychanalyse comme fortement hiérarchisé et quasi clérical. Élisabeth Roudinesco, dans son Histoire de la psychanalyse en France, montre que les textes des « maîtres » — Freud, Klein, Lacan — ont été élevés au rang de corpus normatif et que la légitimité professionnelle repose largement sur des parcours internes aux sociétés analytiques, souvent déconnectés des standards universitaires (Roudinesco, 1982). Jacques Van Rillaer, ancien psychologue clinicien formé à la psychanalyse, a documenté de son côté la ritualisation des supervisions, la dépendance aux écoles et l’importance des allégeances doctrinales dans la reconnaissance au sein du groupe, ainsi que l’opacité des mécanismes internes de validation (Van Rillaer, 1981 ; 1999). Une analyse publiée par l’AFIS propose même d’interpréter ce mode d’organisation comme présentant des traits « sectaires », en soulignant l’usage d’un langage ésotérique, la fermeture doctrinale et la stratégie d’occupation de positions d’influence dans les institutions publiques (Freixa i Baqué, 2023).
La MIVILUDES ne classe pas la psychanalyse, en bloc, comme « secte » au sens juridique, mais les rapport parlementaire de 2013 « les dérives thérapeutiques et sectaires : la Santé en danger » soulignent que certaines psychothérapies, lorsqu’elles reposent sur un maître charismatique, une doctrine indiscutée et un isolement progressif des patients, peuvent se comporter comme de véritables groupements à caractère sectaire. Le freudo-lacanisme fondamentaliste coche un grand nombre de ces cases.
L’art de l’entrisme : séduire les élites, saturer le débat public
Si la psychanalyse conserve une visibilité disproportionnée, c’est qu’elle excelle depuis un siècle dans l’entrisme culturel. Elle a irrigué la littérature, le cinéma, la critique sociale, et s’est installée durablement dans les médias, l’enseignement, les tribunaux pour enfants et certaines institutions hospitalières. Le psychanalyste médiatique occupe une place centrale dans l’imaginaire français : il raconte l’actualité comme un drame des désirs inconscients, produit des récits séduisants, et affirme accéder à une vérité cachée inaccessible aux non-initiés.
Ce capital symbolique s’est encore manifesté lors du débat sur le déremboursement, où les réseaux analytiques ont su mobiliser tribunes, sociétés savantes, influenceurs intellectuels et campagnes massives d’emails adressées aux parlementaires. Peu de doctrines discréditées scientifiquement conservent une telle capacité de mobilisation.
Des méfaits très concrets : autisme, culpabilisation, violences minimisées
Qualifier la psychanalyse de pseudo-science serait une simple querelle académique si les conséquences n’étaient que théoriques. Elles ne le sont pas. Des milliers de famille en ont été les victimes.
Dans l’autisme, l’attribution de la condition neurodéveloppementale à la « mère réfrigérateur » est devenue un cas d’école de stigmatisation pseudo-scientifique. Mitzi Waltz (2015) et Epstein (2014) ont montré comment des générations de cliniciens d’inspiration psychanalytique ont imputé le trouble à un déficit maternel malgré l’absence de données empiriques et malgré la montée des preuves génétiques et neurodéveloppementales (voir l’émission de 2021 sur la TeB). En France, cette lecture a perduré de manière exceptionnelle, retardant l’accès aux thérapies éducatives recommandées depuis longtemps ailleurs. Les recommandations de la HAS (2012), qui classent les approches psychanalytiques comme « non consensuelles », ont été publiées dans un climat de confrontation avec les associations de parents. Le documentaire Le Mur (Robert, 2011) illustre parfaitement la manière dont cette doctrine a continué d’accuser les mères jusque tard dans les années 2000.
Au-delà de l’autisme, la matrice psychanalytique a souvent servi à re-sexualiser la souffrance des victimes. Dans un entretien de 1979 publié par la revue Choisir la cause des femmes et récemment exhumé, Françoise Dolto répond à une question sur les viols de petites filles dans les familles en affirmant, verbatim : « Il n’y a pas de viol du tout. Elles sont consentantes », et va jusqu’à décrire la fillette victime d’inceste comme « très contente de pouvoir narguer sa mère ». Ces propos, reproduits et analysés par Franck Ramus (2019 & 2020), montrent à quel degré certains cadres interprétatifs psychanalytiques peuvent déréaliser les violences en les requalifiant en jeux de désir.
L’article de Catherine Vincent dans Le Monde replace ces déclarations dans le contexte de l’époque et rappelle que Dolto a, par ailleurs, condamné explicitement la pédophilie dans d’autres textes. Mais il souligne aussi le cœur du problème : une théorie qui a remplacé la réalité des violences par des fantasmes œdipiens ne peut que produire des dénis structurels. La souffrance réelle de l’enfant devient un matériau symbolique, la parole de la victime est suspectée d’être « fantasmatique », et l’agresseur peut apparaître comme un acteur secondaire d’un drame psychique qui le dépasse (Vincent, 2020).
Cette dérive n’est pas un accident individuel. Elle s’enracine dans le moment où Freud renonce à sa « théorie de la séduction ». Alors qu’il prenait initialement au sérieux les récits d’abus sexuels rapportés par ses patientes, il en vient à considérer ces récits comme des expressions de désir inconscient — un changement doctrinal majeur, dont les historiens de la psychanalyse ont bien mesuré les conséquences. Ce renoncement ouvre une tradition herméneutique où la parole de la victime vaut moins que la « vérité » supposée de ses désirs, où le récit d’abus peut être requalifié en « fantasme », et où la protection de l’enfant devient secondaire par rapport au maintien de la cohérence théorique.
S’y ajoutent les dimensions ouvertement normatives de la doctrine : une homophobie historiquement documentée, la réduction des identités LGBT à des « perversions » ou à des impasses œdipiennes, une hiérarchisation rigide des rôles masculins et féminins, et des lectures familiales qui reconduisent des normes genrées traditionnelles. Même si certains courants analytiques contemporains affirment s’être distanciés de cette vision, ces schémas conceptuels continuent d’imprégner les pratiques et les représentations. On en trouve la trace dans de nombreux textes commentés dans Le Livre noir de la psychanalyse, qui rassemble les critiques de cliniciens, historiens, philosophes et scientifiques autour des biais doctrinaux persistants (Meyer et al., 2005).
On pourrait attendre d’une approche thérapeutique une vigilance particulière sur ces enjeux. L’histoire documentée montre au contraire une série d’interprétations culpabilisantes, des décennies de discours contre-productifs sur l’autisme, des prises de position publiques banalisant ou détournant la gravité des violences sexuelles, et une résistance durable aux réformes inspirées par les études de genre, la psychologie du développement et les mouvements de personnes concernées.
L’expertise judiciaire : quand la psychanalyse produit des erreurs irréparables
Il existe un domaine où la persistance de la psychanalyse n’est pas simplement anachronique, mais dangereuse : l’expertise judiciaire.
Car ici, les interprétations projectives et les lectures fantasmatiques n’affectent pas seulement un suivi thérapeutique, elles influencent la garde des enfants, la qualification des violences sexuelles, la responsabilité pénale, et parfois l’issue d’une procédure criminelle.
La recherche en psychologie du témoignage et en criminologie a depuis longtemps établi la nécessité de protocoles reproductibles fondés sur des observations vérifiables (Ceci & Bruck, 1995 ; Lyon, 2014). La psychanalyse, au contraire, fonctionne sur la conviction qu’il faut « interpréter » derrière les faits : lire le fantasme, deviner l’inconscient, soupçonner le désir là où il y a la souffrance. Ce biais produit, en contexte judiciaire, des erreurs méthodologiques graves.
Dans ses travaux sur les morts suspectes d’enfants, la pédiatre et épidémiologiste Anne Tursz (INED) a documenté comment, dans les années 1980-2000, des expertises imprégnées de psychanalyse ont conduit à requalifier des violences ou des homicides en “accidents relationnels” au nom d’hypothèses théoriques infalsifiables (Tursz, 2010). L’idéologie analytique pathologisait parfois les mères protectrices et minimisait les signaux de maltraitance, avec des conséquences directes sur la protection de l’enfance.
Un autre terrain où ces dérives sont bien établies est celui des séparations conflictuelles. Une partie du milieu psychanalytique français a contribué à maintenir une version locale de la théorie de l’« aliénation parentale », héritée des thèses discréditées de Richard Gardner. Or les recherches empiriques montrent que ce concept est dénué de validité scientifique (Bruch, 2001 ; Meier, 2019) et qu’il mène à des décisions nocives, en particulier contre les mères dénonçant des violences sexuelles ou conjugales.
Ces dérives sont facilitées par un problème structurel : l’expertise psychanalytique n’est pas protocolaire. Aucun outil standardisé, aucune grille d’entretien validée, aucune mesure objective. Deux experts psychanalytiques peuvent rendre des conclusions opposées à partir du même dossier, et aucune instance ne peut les départager scientifiquement, car leur méthode n’est ni réfutable, ni contrôlable, ni même discutable autrement qu’en termes doctrinaux.
Les conséquences sont réelles, documentées et publiques. Plusieurs enquêtes journalistiques ont révélé des cas où des enfants victimes d’inceste ont été décrits par des experts comme « séduisants », « fantasmatiques » ou « ambivalents » (Vincent, 2020, Le Monde). Dans certains dossiers, des signalements médicaux ou scolaires ont été ignorés au profit d’une lecture psychanalytique privilégiant « le désir inconscient » plutôt que les faits. La Miviludes, dans son rapport 2018-2019, alerte explicitement sur les « dérives psychothérapeutiques non fondées » dans le champ de la protection de l’enfance, sans nommer la psychanalyse, mais en décrivant très précisément les mécanismes caractéristiques de ses écoles françaises (Miviludes, 2020).
Le maintien de la psychanalyse dans la justice s’explique par un entrisme historique : depuis les années 1970, des psychanalystes ont occupé les tribunaux pour enfants, les services médico-psychologiques, les formations de l’ENM et les cabinets d’expertise. Une inertie institutionnelle considérable fait que, encore aujourd’hui, des juges associent « psychanalyste » et « expert naturel de l’enfant », malgré la littérature scientifique qui démontre le contraire.
Dans un domaine où une phrase mal interprétée peut priver un enfant de protection, où une erreur d’évaluation peut libérer un agresseur ou disqualifier une victime, la question n’est plus simplement épistémologique, elle est éthique et juridique : comment justifier que des théories non testables, non standardisées et scientifiquement discréditées continuent de peser sur des décisions où l’erreur est irréparable ?
Alors, la psychanalyse est-elle une secte ?
Ces constats ne sont pas seulement établis par des critiques externes de la psychanalyse. Ils ont été systématisés dans un ouvrage collectif majeur, Le Livre noir de la psychanalyse, qui rassemble chercheurs, cliniciens, historiens et philosophes autour d’un bilan rigoureux : l’échec thérapeutique massif, les interprétations délirantes, et les souffrances infligées aux patients et à leurs familles. L’ouvrage démontre que les dérives rappelées ici ne sont pas des accidents isolés, mais un effet structurel du dispositif analytique (Meyer et al, 2005)
Sur le plan légal, la psychanalyse en tant que telle n’est pas inscrite sur une liste d’organisations sectaires, et il existe des psychanalystes qui travaillent de manière honnête, intégrés à des équipes pluridisciplinaires, capables de collaborer avec d’autres approches. Mais si l’on prend les critères utilisés par les commissions parlementaires et la MIVILUDES – doctrine intouchable, maître charismatique, fonctionnement en chapelle, initiation et noviciat, contrôle symbolique des adeptes, utilisation de liens d’emprise dans la relation d’aide, refus de l’évaluation externe – une partie du champ psychanalytique, en particulier le freudo-lacanisme fondamentaliste, présente bel et bien des caractéristiques sectaires (Sénat, 2013 ; Miviludes, 2020).
C’est précisément cette part du champ qui dispose du plus fort pouvoir de nuisance : elle s’oppose à la diffusion d’approches fondées sur les preuves, entretient une confusion entre science et croyance (voir Popper, 1963 ; Borch-Jacobsen & Shamdasani, 2006), et met son prestige au service de récits qui peuvent abîmer durablement des patients, des familles, des victimes de violences sexuelles.
Que l’on choisisse ou non d’employer le mot « secte », le débat sur le remboursement public ne peut pas faire l’économie de ce constat. Continuer à financer, comme s’il s’agissait d’une psychothérapie parmi d’autres, une pratique à faible niveau de preuves, à forte dimension doctrinale et à dérives documentées, revient à cautionner l’asymétrie radicale entre son autorité symbolique et sa valeur thérapeutique réelle. À l’inverse, replacer la psychanalyse à sa place – celle d’une tradition culturelle, éventuellement d’une pratique de parole assumant son statut non scientifique – et réserver l’argent public à des prises en charge évaluées, c’est à la fois protéger les patients des dérives sectaires et réaffirmer que, en santé mentale comme ailleurs, l’autorité se gagne sur le terrain des faits, pas sur celui du prestige ou de la capacité de lobbying.
Acermendax
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