Internet est-il un problème ? (radicalisation, manipulation, propagande…)
Notre bon Acermendax, tout zététicien qu’il est, commet parfois des approximations qui nuisent à la compréhension. On en aura pour preuve cette vidéo de présentation de la Tronche en Biais à l’ADFI, où il explique qu’Internet est un lieu de radicalisation, que donc Internet est un problème et que donc il faudrait trouver une solution dans Internet et qu’Internet alimenterait le discours conspirationniste. On ne peut pas lui en vouloir pour ça. En effet, le monde politique, à travers les médias et leurs discours, s’échine à faire croire qu’Internet serait la cause de tous les problèmes du monde du 21e siècle, particulièrement quand on parle de radicalisation, mais également du partage illégal de matériaux soumis aux droits d’auteur… mais c’est un autre débat. Cependant cette formulation est lourde de sens et contribue à cacher beaucoup de choses qui pourraient devenir problématique.
De quoi parle-t-on?
Acermendax, dans la vidéo de présentation, évoquait les problèmes liés aux biais de confirmation des internautes, qui ont une forte tendance à ne se documenter que sur des sites qui se référencent les uns les autres, deviennent in fine des cibles des dérives sectaires. Parmi ces dérives, nous trouveront des problèmes liés à la radicalisation, notamment religieuse. Cette dernière a beaucoup fait parler d’elle durant l’année 2015 et est toujours un sujet très en vogue parmi la classe politique française. Internet est régulièrement pointé du doigt comme le responsable d’une forte proportion de la radicalisation. La mode fut un temps à l’utilisation d’un nombre effrayant et sorti de son contexte : 90% des jeunes radicalisés l’auraient été sur Internet selon le rapport du Centre de Prévention contre les Dérives Sectaires liées à l’Islam (CPDSI).
Rachida Dati et le chiffre de la peur.
Quelle est la valeur de ce chiffre ? Que dit vraiment ce rapport ?
La CPDSI est une association loi 1901 créée en avril 2014. Le rapport de novembre 2014 avait pour objectif de donner des éléments de compréhension sur le processus de radicalisation ; il a été publié après une étude de 6 mois. Cette étude a été effectuée auprès des 160 premières familles qui ont détecté un changement chez leur enfant et ont contacté le centre de prévention. De l’aveu du rapport, celui-ci n’est pas nécessairement représentatif.
Le rapport parle bien d’une forte activité sur Internet comme d’un outil de communication virtuelle. On y parle de vidéos, de discussions, de réseautage mais également de toutes les techniques de manipulation connues. Rien qui n’existait avant Internet, donc. Il s’agit des mêmes techniques d’embrigadement que l’ont retrouve dans tous les mouvements radicaux.
Dans le rapport, on décrit le processus de dépersonnalisation des jeunes, on y parle de théorie du complot, de sociétés secrètes, de manipulations et de détournement de texte religieux ou d’imagerie tirée de la pop-culture. Dans tout cela, Internet n’est que le support, le moyen par lequel des personnes entrent en relation et se partageant des informations et du contenu. Tout cela aurait pu se passer dans la rue, entre personnes physiques.
Pourquoi s’en prendre à Internet ?
Comme pour les jeux vidéo, il s’agit probablement de désigner un coupable. En effet, quand un outil semble dangereux dans son utilisation, il semble plus facile de le retirer, le changer ou l’encadrer, quitte à ce que ces mesures ôtent l’utilité de l’outil incriminé. Il semble que former les personnes à l’utiliser soit trop compliqué, à croire qu’elles sont trop bêtes pour ça.
Dans son intervention sur BFMTV (voir vidéo ci-dessus), Rachida Dati parle de la responsabilité pénale de « géants de l’Internet », comme s’ils y pouvaient quelque chose, afin que ceux-ci ne puissent plus se cacher derrière l’excuse qu’Internet ne serait qu’un tuyau. Seulement, tous géants et industriels qu’ils soient, ils ont raison sur ce point : Internet est un ensemble de gros tuyaux. C’est un contenant, un récipient, un moyen par lequel un contenu est rendu accessible.
Internet est un ensemble de réseaux indépendants. Chacun de ces réseaux a un propriétaire où celui-ci fait ce qu’il veut. C’est un ensemble de chemins, plus ou moins gros à l’image du réseau routier avec petites routes communales et grosses autoroutes deux fois cinq voies gérées par des sociétés privées. Et comme pour le réseau routier, on n’y fait qu’une seule chose : transporter. Dans un cas, on transporte des biens ou des personnes, dans l’autre des signaux électriques. Cela signifie que dénoncer le rôle d’Internet dans la radicalisation est aussi absurde que de dénoncer le réseau routier pour le trafic de drogue. Oui, les criminels utilisent le réseau, cela ne fait pas du réseau une chose dangereuse.
Les différentes mesures qui ont été proposées pour réguler Internet sont inefficaces et ont l’inconvénient d’avoir des effets secondaires néfastes.
Ces techniques ont un impact très fort sur la vie privée. En effet, elles permettent, pour qui aurait accès aux informations recueillies, de recouper un ensemble de données personnelles sur les internautes sans aucun rapport avec l’objectif visé, telles que leurs habitudes de navigation et de vie, les produits de consommation qui les intéressent, leurs penchants culturels (entre autres…), leur contacts… Une fois regroupées dans une grosse base de données, ces informations peuvent être exploitées à des fins problématiques : profilage, surveillance de masse, censure illégitime [note: en marge de la censure « légale », qui pose déjà un certain nombre de problème qui pourront faire l’objet d’un autre article], chantage, extorsion… Tout y passe. Le propriétaire de cette base de données devient par là même extrêmement puissant. Et ce propriétaire peut être un gouvernement… Ou une société privée à qui le dit gouvernement a décidé de déléguer la tâche.
L’argument le plus utilisé pour les justifier est que si vous n’avez rien à vous reprocher, vous n’avez rien à cacher. Au premier abord,cela semble logique et justifié, mais pouvons-nous vraiment considérer cet argument comme valide ? C’est à vous de voir. Considéreriez vous normal qu’une personne puisse entrer chez vous, sans vous demander votre accord et sans vous en notifier au préalable, fouille dans vos affaires pour en faire une copie, voire les prenne avec elle, note tout dans un dossier sur lequel vous n’auriez aucun contrôle, le tout sans aucune validation judiciaire et sans motif avéré autre que celui que vous êtes peut-être un terroriste même si aucun indice ne le laisse présager ?
Quel rapport avec le gouvernement ? Que ferait, à votre avis, un gouvernement qui souhaiterait réduire au silence une certaine tranche de la population et qui aurait à sa disposition un catalogue de données sur l’ensemble de la population française prêt à être exploité ? Gardons-nous de considérer nos libertés comme acquises. Ce sont des droits accordés par la loi et la loi est modifiable. Ce que vous faites aujourd’hui dans la légalité pourra devenir répréhensible dans les années à venir. Parmi les dérives d’ores et déjà avérées, on trouvera plusieurs cas de censure dictatoriale au niveau d’un pays entier dans l’objectif d’isoler la population et d’accroître le pouvoir politique et policier. On peut citer aussi des cas d’espionnage et de ciblage international.
En plus des coûts importants qu’implique une surveillance de l’Internet, les techniques utilisées sont contraignantes, assez facilement contournables et n’ont donc qu’une efficacité très limitée… sur un médium qui n’a finalement peut-être pas un rôle si important que cela.
S’en prendre à Internet, surveiller ou limiter le trafic, serait une stratégie inefficace et dangereuse pour la démocratie. Cela n’a rien d’une solution.
Alors que faire contre la radicalisation ?
Dans le rapport de CPDSI, l’analyse des discours utilisés pour attirer les jeunes pointe des éléments chers aux adeptes de la théorie du complot : l’utilisation de nombreux biais ou encore la réécriture de l’identité des personnes à endoctriner, mais aussi de leur entourage. C’est probablement sur ces points que l’on trouvera une solution, en renforçant l’esprit critique des jeunes, en leur apprenant comment s’informer, comment utiliser correctement les informations qu’ils rencontrent.
Effectivement, dit comme ça, ça a l’air simple. Et, bien entendu, ce n’est pas le cas. Pour que ce soit possible, il faudrait que tout un chacun acquière la bonne manière d’employer des outils intellectuels permettant de questionner les autorités et les arguments afin de se construire un avis éclairé sur toutes sortes d e sujets… Bref, d’avoir un esprit critique ! C’est probablement le meilleur moyen de « lutter contre la radicalisation sur Internet ». Et Internet, peut faciliter l’exercice de l’esprit critique pour qui apprend à croiser ses sources, à vérifier et synthétiser correctement les informations et comment les confronter. Encore faut il que nous puissions garantir que ces dernières ne sont pas volontairement biaisés par des instances publiques ou privées.
Et du coup ?
Il faut comprendre qu’Internet ne peut pas être considéré comme le responsable de la radicalisation ou de la diffusion des discours conspirationnistes. Internet est un support neutre sur lequel transitent des informations. Ses applications, que sont le web ou les e-mails… entre autres, sont des moyens de transit. Le contenu, la manière dont il est diffusé, sa réception et les responsabilités associées n’appartiennent qu’aux utilisateurs. Si on doit associer Internet à une évolution, c’est celle de la vitesse à laquelle les dérives deviennent efficaces. Notre effort de pédagogie doit donc être immédiat.
La solution au mésusage de l’Internet est dans un bon usage de l’Internet.
À cette fin, nous devons apprendre à trier les informations disponibles, à reconnaître les sources douteuses mais nous devons aussi comprendre comment Internet fonctionne, en particulier quand on entend légiférer dessus. Un bon point de départ peut se trouver dans les conférences de Benjamin Bayart et en premier lieu « Comprendre un monde qui change : Internet et ses enjeux ».
Bonjour,
merci pour ce post qui rassure un peu le développeur que je suis : tout le monde n’est pas ignorant du fait qu’internet n’est qu’un simple réseau, totalement ignorant de son contenu.
Par contre, je pense que l’oubli le plus important fait par ce post –important car c’est ça qui fait peur à Mme Dati et aux autres politiques– c’est qu’internet c’est un média qui permet une communication rapide vers un nombre extrêmement important de personnes.
J’étais tombé sur une archive qui montrait la période des années 90 où les terroristes de l’époque (principalement des nationalistes dans le sud de la France) envoyaient leurs vidéo par VHS via la poste. On a donc bien l’idée du simple « tuyau à information ». Mais soyons honnête, le nombre potentiels de personnes touchées par les vidéo envoyées en VHS n’est pas le même qu’une simple vidéo hébergé sur une plateforme russe (ou youtube pour nos terroristes français) et relayée par les réseaux sociaux.
Et je ne suis pas aussi « positif » que vous quant à « il suffit d’éduquer les gens ». Ce n’est pas ici le niveau de facilité de la tâche que je mets en cause, mais la tâche elle-même. Depuis que j’ai découvert Hygiène Mentale et la TeB, j’ai pu me rendre compte d’une chose : la première revendication de toutes les personnes qui défendent une théorie complotiste, antiscientifique ou « alternative » c’est qu’ils « [font] marcher [leur] esprit critique contrairement à [nous] qui [sommes] des moutons ». Donc ces gens-là pensent déjà être éduqués, c’est même leur première conviction. Et en discutant avec eux, on se rend tout à fait compte qu’ils savent ce qu’est un biais de confirmation, un homme de paille etc. L’éducation ne suffit pas.
L’éducation ne suffit pas. C’est sans doute vrai.
Mais l’éducation au débat d’idée, la diffusion des outils de la pensée critique permettra sans doute d’encourager la contradiction des idées conspi. C’est peut-être via un effet indirect sur le climat intellectuel et la capacité des autres à démonter leur argumentaire, que l’éducation à la pensée critique aidera ceux qui s’enfoncent dans des modes de pensée extrême.
Est-ce optimiste ? Oui, sans doute.
M.
Bonjour,
Tout d’abord bravo pour ce site et les articles, une vraie bouffée d’oxygène.
L’éducation ne suffit pas oui sans doute…mais l’absence d’instruction contribue grandement au succès des messages simplistes (dont font partie les sites de radicalisation) qui pullulent sur internet.
J’ai grandi dans un quartier « sensible » où un groupe d’enseignants de mon ancien quartier a réalisé une étude sur le nombre de mots de vocabulaire d’élèves de collège. Résultat : 370 mots en moyenne. Comment dans ce cas tenir un raisonnement cohérent, apporter des nuances à ses propos ?
Alors oui il ne faut pas généraliser, de nombreux élèves sont encore excellents avec des raisonnements rationnels, mais si les sites internets à buts commerciaux sont si nombreux à proposer des raisonnements à l’opposé de toute pensée critique, c’est qu’il y a une forte demande.
La question que je pose est la suivante : comment diffuser l’esprit critique auprès de personnes qui s’en fichent royalement ? Notre démocratie repose sur le principe que les gouvernants doivent diriger selon les inclinations de la majorité. Qu’en sera-t-il si la majorité épouse des idées extrêmes ?
Votre blog est une belle initiative mais vous n’avez que 5 réponses alors que dans le même temps les sites de pseudo-sciences comportent des pages et des pages de discussions.
J’aimerais avoir votre optimisme en tout cas.
Bon courage !
Daniel Dubois
Internet est un outil fantastique, mais comme tous les outils, il faut apprendre à l’utiliser. Sauf que contrairement à bon nombre d’outils, il peut s’utiliser de manière intuitive. Et biaisée. Car effectivement séparer le bon grain de l’ivraie nécessite une bonne dose d’esprit critique qui s’acquiert lentement… Enfin, plus lentement que la vitesse de circulation de l’information. C’est le temps de l’éducation, et principalement de l’éducation aux sciences. La démarche scientifique développe l’esprit critique. Sauf que même dans l’enseignement des sciences, y compris à l’université, on bourre le crâne des étudiants, et la méthode scientifique est parfois laissée à la trappe… Il faudrait donc l’enseigner. Et ce dès le primaire… Vaste programme. Mais à avis plus à même de fournir des solutions que de verrouiller l’internet. Les dérives complotistes, sectaires, pseudo-scientifiques trouveront toujours le moyen de se propager, leur seule barrière c’est l’éducation, mais pas n’importe comment.
Il y a un biais dans cet article, qui peut être illustré par l’exemple suivant:
Les médias traditionnels (tv, journaux) sont actuellement dominés par de grands groupes, reçoivent de l’argent public, et ne sont malheureusement pas souvent neutres, en défendant les intérêts de leurs dirigeants.
Cet état de fait est dénoncé régulièrement sur internet, et établi par des faits, tel que le fameux « temps de cerveau disponible » de TF1.
Pourtant, exactement le même discours pourrait être servis sur ce sujet: on ne peut rien reprocher à la façon dont marche les médias traditionnels, car ils ne sont que l’outil (et la solution serait de laisser faire TF1, mais d’éduquer les gens).
Ce qui est problématique, c’est qu’on rencontre beaucoup trop souvent des personnes qui défendent à la fois le fait que les médias traditionnels doivent être réformé et à la fois le fait que internet ne peut pas faire de mal à une mouche.
C’est assez évident que ces personnes sont biaisées, non ? Elles sont plus favorables à l’argument qui soutient l’objet envers lequel elles ont de la sympathie.
(et il y a d’autres exemples: par exemple, le marché/la mondialisation (qui ne sont eux aussi que des outils))
Ce que je veux souligner ici, c’est le fait de jeter le bébé avec l’eau du bain: sous prétexte que qlq’un se trompe en disant quelque chose, on en conclut que l’inverse de cette chose est la vérité.
Alors, certes, Dati se trompe lorsqu’elle accuse internet de tout les maux. Par contre, interdire la possibilité de considérer qu’internet pourrait avoir des conséquences néfastes, c’est très dangereux: c’est interdire d’avoir une réflexion avancée.
C’est la création d’un biais de préjugé: internet en soi ne peut pas générer de mal, toute réflexion à ce sujet (que la réflexion se tienne ou pas) est, par défaut, considère a priori comme mauvaise, vu sous un mauvais œil, et on cherchera 2 fois plus la petite bête pour finalement conclure qu’il faut la rejeter (ce genre d’influence sur les résultats est très connue et très documentée).
Un élément qui est dommage dans certains cercles de « zététique », c’est qu’une notion fondamentale échappe à certains: tout le monde a des biais, y compris vous. Il est impossible de ne jamais faire une erreur due à un biais. Même si on est super malin. Même si on est super informé.
On peut réduire le risque d’erreur, mais les erreurs seront toujours là.
D’ailleurs, un bon zététicien se reconnaît dans le fait qu’il peut donner la liste des biais dans lesquels il est tombé la semaine passée, tandis qu’un mauvais zététicien considérera à tort qu’il est impossible qu’il puisse s’être trompé.
Mais cela pose un problème au niveau de la solution proposée: même si on pouvait éduquer tout le monde, cela n’empêchera pas les erreurs locales.
À vrai dire, il n’y a AUCUNE RAISON:
1) qu’il soit « physiquement » possible de bien éduquer tout le monde.
2) qu’une fois éduqué, la grande possibilité offerte par internet de se renfermer dans une bulle confirmant ses propres biais dans lesquels on est tombé ne constituerait toujours pas un import négatif important à la situation.
Après tout, cela fait des siècles qu’on sait qu’il « suffit » de bien éduquer quelqu’un pour que celui-ci ne soit pas raciste ou pas sexiste, et pourtant, ces fléaux reviennent avec toujours autant d’importance (et actuellement, ils reviennent même de la part de personne se disant critiques, se disant capables de ne pas être manipulé par le politiquement correct). Pourquoi n’a-t-on pas simplement éduqué ? La réponse est sans doute qu’on a éduqué du mieux qu’on pouvait, mais que physiquement, le cerveau d’un chien ne sera jamais capable d’apprendre à faire des calculs de physique quantique, et le cerveau d’un être humain (intelligent ou pas, ce n’est qu’une fluctuation négligeable par rapport à l’échelle des possibles) ne sera jamais capable de ne pas, dans les conditions qui le favorise, gober un biais.
C’est sans doute un long débat, mais s’arrêter à « il est raciste parce qu’il est bête » n’est pas suffisant: le fait d’être bête facilite le fait de tomber dans la solution de simplicité, mais cela ne veut pas dire qu’il est impossible de tomber dans la solution de simplicité parce qu’on n’est pas bête. Le bon zététicien le sait: il sait qu’il y a une semaine, il fait telles ou telles erreurs, il est donc conscient que faire des erreurs, ça arrive.
Et après tout, ici, je souligne que l’auteur de cet article est passé à côté de la réalisation qu’il défendait internet face aux critiques sans pour autant défendre les média traditionnels face aux mêmes critiques, parce que internet est typiquement « plus sympathique », parce que considérer que certains problèmes sont « le résultat de méchantes personnes qui nous dirigent » est plus simple et plus rassurant. (l’auteur peut répondre: « j’aurais pu le faire », mais soyons honnête intellectuellement: si un politicien comme Dati avait dit qu’il faut réformer les médias traditionnels, aurait-il réellement réagi en se disant: « pff, n’importe quoi » ?)
Je ne considère pas que ça fait de l’auteur quelqu’un d’incapable, au contraire, selon moi, c’est une erreur totalement justifiée, qui doit arriver. Et l’auteur est sûrement quelqu’un d’intelligent et de correctement informé.
Un autre élément:
En tant qu’objet « physique » (au sens « non-social »), internet n’a aucune raison d’être sans impact.
Le marché est un outil neutre, et pourtant, je critique ses conséquences aisément et je ne suis pas fermé à toutes propositions qui pourraient apporter une alternative bénéfique.
C’est une solution de faciliter de rejeter la possibilité que les éléments qu’apporte internet aujourd’hui sont soit sans impact, soit d’impact uniquement positif, simplement parce que ce ne sont que des tuyaux.
Je ne pense pas que ce soit « parce que TF1 est méchant » que TF1 accapare des cerveaux. Je pense que c’est parce que si TF1 n’existerait, il y aurait un vide qui générerait la création d’une chaîne similaire à TF1. Cela veut dire que TF1 n’existe pas « parce que la télé est mal utilisée », mais que TF1 existe parce que c’est la conséquence logique de l’existence de la télé, c’est la conséquence de son application dans la société. De la même façon, si on ne met « que des tuyaux » dans la société, cela a des conséquences, positives, mais pourquoi pas parfois, négatives.
Même si je partage l’idée qu’Internet n’est pas la cause du phénomène de radicalisation et trouve aussi ridicules les grossières attaques à son égard, il ne faut pas non plus pencher tomber dans l’excès inverse comme le fait cet article.
Catégoriser simplement Internet comme un moyen de communication (ou plutôt comme un ensemble de moyen de communication) et en déduire donc qu’Internet posséderait les mêmes propriétés (vis à vis du phénomène qui nous intéresse, ie la radicalisation) que les autres media est assez réducteur, car cela ne prend pas en compte les effets d’échelles et propriétés émergentes liées à la taille d’un réseau et à sa rapidité.
Par exemple, l’argument : « Dans tout cela, Internet n’est que le support, le moyen par lequel des personnes entrent en relation et se partageant des informations et du contenu. Tout cela aurait pu se passer dans la rue, entre personnes physiques. »
Part du principe que puisqu’un ensemble d’élément* possède une propriété**, alors chaque élément*** de l’ensemble possède aussi cette propriété.
Ce qui est assez fallacieux.
* Internet en tant qu’agrégat de conversion
** communication facilitant la radicalisation
*** une conversation unique
Mon commentaire n’a pas pour but d’attribuer des propriétés spécifiques à Internet qui favoriseraient la radicalisation (il faudrait pour cela des études bien plus approfondies), mais plutôt de rappeler qu’on ne peut pas exclure ces dites propriété par principe.
Internet est un médium qui fait circuler l’information. Un médium qui agit différemment de la TV ou de la presse. Penser qu’Internet puisse causer des méfaits, c’est à mon sens se tromper. Seule la pensée critique peut éviter que la concentration d’informations sur un médium cause des méfaits. Vouloir réguler internet c’est solliciter la dénonciation pour censurer des contenus froissant, c’est vouloir maîtriser une forme de discours qui élimine d’office des intervenants. Mettre la main sur Internet c’est vouloir faire la même chose que la presse : créer des écrans de fumer pour aider les décideurs et dirigeants dans leurs actions, diffuser des messages volontairement mensongers pour manipuler l’opinion public. Donc, à mon sens, dire qu’il faut réformer Internet, dire qu’internet génère des problèmes, c’est dire officieusement qu’Internet est un danger pour les classes dirigeantes et leurs actions, pour tout homme de pouvoir et leurs actions.
Ce que montre l’article, c’est « qu’internet » n’est pas « LE » problème, mais bien les informations qui y circulent ou qui n’y circuleraient pas, si un gouvernement, un société privé, était en charge de « filtré » les données sur le net.
D’un côté, il me semble important, au nom de la liberté de pensé, de se renseigner, d’avoir la possibilité de se renseigner sur divers site internet.
Personne ne pointe aussi le problème suivant :
Si je consulte un site sur la fabrication des pyramides fait par des extraterrestre, est ce que ça fait de moi un adepte de la théorie des anciens astronautes ?
Si je consulte un site djihadiste, est ce que je suis un terroristes ?
Si je consulte le figaro, suis-je de droite ?
Si je consulte l’humanité, suis-je communiste ?
Abonné la la new-letter de Marine LePen, fait de moi un électeur frontiste ?
Abonné à la new-letter du PS, fait de moi un socialiste ?
Des bonnes questions, qui ne va pas dans le sens des lois, de « pénalisation de la consultation de certain site », partant du principe que « si on consulte, c’est que l’on est forcément un sympathisant ». Rien n’est plus faux, on peut consulté à site pour se renseigner, étudier les thèses développé sans pour autant y adhérer une seconde. On peut lire Mien Kampf et ne pas forcément devenir ou être anti-sémite.
Hors, je constate que les politiques n’ont pas cette lecture, il prennent internet pour un « autoroute » où il faut « placé des radars » et sanctionné l’internaute qui « fauterai » de manière automatique ou automatisé. A mon sens, c’est plus un problème générationnel des politique en place (qui ne comprennent rien de ce qu’est internet, cf débat sur HADOPI et le Parefeu Open Office, très célèbre anecdote qui illustre bien la méconnaissance total du fonctionnement du net et de ce qu’est un parefeu, un traitement de texte libre et la différence entre ces deux logiciels), qui ne comprennent pas comment marche internet.
A mon sens, la censure du net (pratiqué dans cette grande démocratie qu’est la Chine), ne mènera à rien de plus que codé les messages (comme les dissident Chinois qui critique le régime sur le net « officiel de pékin », en utilisant des codes).
On ne peut quand même pas nier que le mode de fonctionnement d’internet a quand même grandement facilité la propagation de facteurs de radicalisation. Comme tout le monde peut potentiellement toucher une grande audience, absolument n’importe qui peut radicaliser d’autres gens ou diffuser largement une thèse de son invention.
De plus, ce même fonctionnement a permis à certaines communautés à prendre une pouvoir que leur envierait la Cosa Nostra. Ainsi, il est extrêmement facile de détruire définitivement et de manière irréversible la vie d’une personne de notre choix dans une impunité quasiment garantie. Je vous renvoie aux affaires Marion Séclin et Nadia Daam pour que vous en ayez les meilleures illustrations.
Je ne suis donc que moyennement d’accord avec cet article.
Peut-on maintenir ce qui est dit à l’époque en 2021 ?