Homéopathie à l’Université : Soyons raisonnables
Une affaire qui commence en novembre 2021
En novembre j’ai critiqué un enseignement donné par une enseignante de l’université de Lorraine. On peut dire que la critique a été plutôt mal reçue. Mes emails sont restés sans réponse, et à la rentrée suivante, sans avertissement, des sanctions sont tombées contre l’ASTEC et contre moi.
J’ai voulu en savoir plus. Mais sans réponse de l’université, je vous ai fait part de ces développements dans une vidéo récente qui a attiré l’attention des médias (l’Est Républicain, L’Express) sur la question de la présence de pseudosciences dans les enseignements. Nous avons par ailleurs reçu le soutien de très nombreuses personnes, notamment de chercheurs et de doctorants, mais aussi de la Ville de Nancy pour l’hébergement de nos émissions, et je les en remercie chaleureusement. Le nombre important des personnes ayant pris tout cela au sérieux est le premier signe encourageant que je veux souligner.
Nous en étions là. Et les esprits étaient assez échauffés… Et maintenant ?
Le 5 octobre, j’ai été reçu par Mme la Présidente de l’Université en présence notamment de M le Doyen de la faculté de pharmacie pour éclaircir cette affaire. Elle n’est pas très simple à résumer, et surtout elle a été obscurcie par un grave défaut de communication.
Des mesures sont déjà en cours de réflexion pour permettre la prise en compte des critiques sur les enseignements sans que cela menace la liberté académique des universitaires. C’est une équation compliquée, je n’ai pas de détails sur la manière dont cela sera fait. Je n’ai pas de raison de douter que c’est un effort sincère qui se met en place.
Durant cette crise, devant une politique de « on ne répond pas » mise en place par l’équipe administrative précédente (la présidente est nouvellement élue), chaque « camp » a porté des jugements sur la base d’informations incomplètes et de soupçons. Dans le contexte, c’était légitime, d’où les crispations nombreuses.
Dans mes vidéos, j’ai commis une erreur en disant que le cours critiqué était destiné à des étudiants de la faculté de pharmacie. Cette erreur aurait peut-être pu être évitée si j’avais contacté la faculté avant la vidéo, ou si la faculté avait répondu à mes deux emails. Mais on a déjà admis ce problème de communication.
Le fait que le cours critiqué soit en réalité donné à des étudiants infirmiers ne change pas la substance de ma critique scientifique. Et je dois appuyer sur le fait qu’aucun de mes interlocuteurs n’a contesté le contenu de cette critique. Personne au sein de l’UL n’a devant moi défendu ni cet enseignement, ni l’homéopathie.
Mais pour régler le problème, encore fallait-il l’identifier, ce qui a été complexe car l’Université de Lorraine est en contrat avec une quinzaine d’IFSI (Instituts de Formation en Soin infirmier) qui utilisent des vidéos de cours enregistrés parfois depuis 4 ans (comme celui de Madame Laurain-Mattar) et hébergés au milieu de dizaines de milliers de documents en ligne, sans en référer plus haut. De fait : le cours en question a été utilisé à la rentrée 2022 devant une nouvelle promotion d’étudiants infirmiers. L’un d’eux m’a alerté car il estime qu’il s’agissait d’une apologie de l’homéopathie où les objections recevaient un « Chut. Chacun pense ce qu’il veut. » Mme la Présidente a pris connaissance de l’existence de ce cours de 2022 lors de la réunion, avec déplaisir. M le Doyen et la faculté de pharmacie ne sont pas concernés par cette affaire. Je crois que ce cours sous sa forme actuelle va tout simplement disparaître maintenant que le problème a été mis en lumière.
J’avais des doutes sur l’enseignement prodigué aux étudiants en pharmacie. Le pharmacien qui donnait le cours d’homéopathie en 2021 et qui a tenu dans la presse des propos nourrissant mes inquiétudes sur son rapport aux connaissances scientifiques sur le sujet, n’intervient plus à la faculté depuis cette rentrée. Je ne peux pas juger le cours actuel dont je ne connais pas le contenu, mais à tout le moins il semble que des mesures sont bel et bien prises à Nancy sur ce sujet, je peux donc estimer maintenant que la communication existe avec l’établissement.
Une fois qu’il nous a été possible de nous entretenir, l’échange avec les dirigeants de l’Université a pu se faire de manière très ouverte et détendue. Je suis pour ma part rassuré sur la possibilité de porter une critique, sur l’écoute des dirigeants, et aussi sur le poids que votre soutien collectif a donné à l’alerte émise. Je veux insister sur cet aspect positif : j’ai pu voir l’attachement de très nombreuses personnes à ne pas laisser sans réponse des enseignements qui posent ce genre de problème.
L’université reste un milieu très imparfait, il va sans dire que de très nombreuses critiques peuvent encore être portées. Toujours sur le thème de l‘homéopathie on peut par exemple s’interroger sur la valeur de thèses d’exercice en pharmacie nombreuses prônant cette pseudo-médecine comme le signale ce communiqué de l’Association Française pour l’Information Scientifique.
Toutefois, je dois finir sur une note amère : les acteurs de cette affaire ont reçu beaucoup trop d’agressivité. J’en reçois suffisamment, tous les jours, pour des tas de raisons plus ou moins mauvaises, pour être attentif à ce problème envahissant. Je ne veux pas que les valeurs que nous tentons de promouvoir au sein de l’ASTEC soient l’alibi permettant à certains de se défouler sur des cibles. Si vous avez porté des accusations envers des individus alors même que vous en saviez forcément moins sur l’affaire que moi-même et les intéressés, si vous leur avez envoyé des courriers injurieux, je vous invite à plus d’autocritique.
Bien sûr, il ne faut pas baisser la vigilance face aux pseudosciences. Oui, une affaire comme celle-ci, qui implique une administration, prend du temps, passe par des filtres, et c’est frustrant. Il est légitime de demander des comptes à des institutions publiques. Mais nous devons garder notre calme quand nous voulons défendre l’intégrité du monde académique pour ne pas nous inventer des ennemis là où il n’y en a pas. Notre défense du rationalisme a besoin que nous soyons raisonnables.
Après ces incompréhensions et moments de flottement, la collaboration de l’ASTEC avec l’Université, et le module transversal « zététique et esprit critique » que je donnais pour les écoles doctorales, devraient être rétablis prochainement. Merci à tous pour l’attention que vous portez à cette problématique.
Acermendax
et le CA de l’ASTEC
Bonjour,
j’avais l’intention d’écrire une lettre à l’université de Lorraine ( tout à fait courtoise, je le précise) Mais comme le problème semble se résoudre, est-ce toujours nécessaire ?
Je pense que dans l’immédiat, cela ne serait pas très utile. Il se pourrait qu’on ait besoin de soutien dans d’autres occasions ! 🙂
Bravo pour votre patience, votre détermination et le résultat que cela a donné !
Voilà une excellente nouvelle. Bonne à plusieurs égard :
1) une communication rétablie qui montre qu’entre adultes raisonnés et raisonnables on a plus à gagner à discuter que par messages ecris indirects.
2) la prise en compte du discours problématique dispensé un cours universitaire
3) le rétablissement des interventions de l’ASTEC au sein de l’université.
Bonne continuation à l’ASTEC et son travail d’utilité publique.
« On condamne d’autant plus fermement une erreur qu’on s’y est laissé prendre. » (Husserl)
Une citation qu’il convient de rappeler, pour les plus fervents pourfendeurs de ce qui imprégnait leur quotidien fut un temps …
Excellente nouvelle.
Même si je ne suis pas toujours en accord avec l’angle d’attaque pris pour certains sujets de la part de M. Durand, cette affaire m’avait laissé une sourde et lourde inquiétude quant à l’avenir même de la Tronche en Biais. Et au-delà, elle aurait laissé une quasi-victoire institutionnelle aux adversaires de la pensée critique, ce qui aurait été un joyeux cauchemar surtout à ce haut niveau.
Pour finir, je ne peux que comprendre la « note amère » de la fin quant au défoulement médiatique…
Bref, bravo à M. Durand, à la TeB et à l’Astec pour avoir levé ce méchant lièvre et s’en être sortis grandis.
Bravo,l’utilisation d »un discours autant modéré que pondéré, bienque nécessitant temps et réflexion est un brillant exemple de communication non-violente!
Courage et persévérance pour cet angle de dialogue!