Hasard & science : incompatibles ? (TenL#66)
Invité : Nathan Uyttendaele (Créateur de La Statistique Expliquée à mon Chat)
Enregistré mercredi 19 juin 2018. Amphithéâtre Déléage de la Fac de lettres. En Partenariat avec l’Université de Lorraine et Science & you.
Editorial
Des mystères nous entourent, de l’intérieur des particules élémentaires jusqu’au bord potentiels de l’univers, nous baignons dans une réalité qui n’est pas spécialement intéressée par notre avis sur la valeur du nombre pi ou la masse de l’électron. Nous nous retrouvons dans un monde sans mode d’emploi, novices à chaque étape de notre vie, incertains de ce que pensent les autres, de quoi demain sera fait, de la stabilité géopolitique et du retour de bâton de la biodiversité et du climat. L’incertitude est partout et elle nous angoisse.
Heureusement, nous ne sommes pas complètement ignorant. On a compris quelques petits trucs sur la manière qu’à la matière d’interagir avec elle-même, sur la dissipation de l’énergie, sur la mécanique, la biologie, la psychologie et même la sociologie… Il reste du travail, mais soyons encouragés par les brillantes réussites de la science. C’est grâce à la science que nous avons percé l’un des plus déroutants mystères de tous les temps : celui de la tartine.
Nous savons tous, nous l’avons vu : la tartine tombe toujours du côté du beurre — ou de la confiture ou de la pâte à tartiner à l’huile de palme qui tue les orangs-outangs. La tartine, toujours, tombe du mauvais côté. Par quel mystérieux hasard la tartine sait-elle comment elle doit s’y prendre pour gâcher notre petit déjeuner ? Eh bien désormais cette grande question est résolue. La tartine qui tombe de la table de la cuisine est attirée par le sol selon un certain vecteur d’accélération, elle bascule dans le « vide » avec un mouvement angulaire initial. Son poids n’est pas uniformément réparti, la densité du beurre ou de la confiture dépassant celle de la mie de pain. La taille de la tartine est corrélée à la taille de l’humain qui prend son petit déjeuner. Mais c’est également le cas de la table. Le rapport entre la longueur de la tartine et la hauteur depuis laquelle elle chute n’est pas dû… au hasard. La taille de l’humain est par ailleurs liée à la force d’attraction qui précipite la tartine vers son destin.
Il suffirait que nous tartinions moins, ou bien sur du pain plus dense, des tartines beaucoup plus longue ou au contraire bien plus courtes, en déjeunant sur une table basse, pour que les drames cessent. Cette solution nous est offerte par la puissance explicative de la science, mesdames et messieurs.
Cet exemple nous montre combien un phénomène même trivial se trouve déterminé par des facteurs qui entretiennent entre eux des relations. Ce sont ces relations qui permettent d’établir des règles, des lois, mais tout cela se cache derrière le bruit de fond du hasard produit par tous les autres facteurs que nous ne savons pas isoler. Un bruit de fond souvent trop dense pour qu’on y voie quoi que ce soit.
Il faut beaucoup d’efforts, d’imagination, de rigueur pour trouver des méthodes fiables d’isoler dans le bruit les petits signaux qui peuvent nous en dire plus… « La science c’est un jeu dont la règle du jeu consiste à trouver quelle est la règle du jeu ». La formule est de François Cavanna, et elle résume bien la démarche et en particulier le rôle d’une petite famille de scientifiques qui s‘attachent à traquer les corrélations et d’abattre à mains nues celles qui ne sont qu’illusoires. Ce sont des brutes. Ce sont, bien sûr, vous l’aurez compris : les statisticiens.
Un spécimen de cette catégorie farouche de savant nous a rejoints ce soir. Vous connaissez sa voix, car il est le maître d’Albert, le félidé de la chaine « La statistique expliquée à mon chat » et il vient nous parler des joies, des douleurs et du rôle de plus en plus central de la statistique dans la conduite de la recherche scientifique. Bonsoir Nathan Uyttendaele.
Bonjour,
Bonne vidéo !
Il n’y a pas qu’une seule personne qui a rit à la blague « ils sont de l’autre côté de la rue » !
Très bonne vidéo.
Et j’ai appris un truc : j’ai toujours cru que l’histoire de la tartine était une idée reçu : qu’on mémorisait lorsqu’elle tombait du mauvais côté en oubliant toutes les fois où elle est tombée du bon côté.
J’ai particulièrement apprécié la partie 3 qui m’a remis des idées en place.
Excellent, comme d’hab !
On relativisera l’histoire de l’huile de palme et des orangs-outans à la lumière de ces éléments :
http://theconversation.com/chasse-trafic-huile-de-palme-qui-tue-vraiment-les-orangs-outans-92217