Peut-on comprendre le résultat des élections ?
Le dimanche 23 avril les électeurs français ont choisi pour le second tour Emmanuel Macron et Marine Le Pen.
Et on peut se demander comment cela est arrivé. Naturellement, ce billet n’est pas écrit par un politologue, et vous devrez le prendre pour ce qu’il est, une simple réflexion sur notre capacité à comprendre ce qui motive le pays à faire un tel choix.
D’abord listons quelques biais et sophismes bien connus des zététiciens
- Effet Barnum : Une description suffisamment vague peut correspondre à presque tout le monde (Cf Horoscope).
- Effet puits (apparenté au précédent) : plus un discours est vague et creux, plus on sera tenté de le trouver profond et persuasif.
- Effet de simple exposition : augmentation de la probabilité d’avoir un sentiment positif envers quelqu’un ou quelque chose par la simple exposition répétée à cette personne ou cet objet (Cf Publicité).
- Biais de confirmation : nous cherchons / comprenons / retenons / partageons mieux les informations qui nous confortent dans une idée préétablie.
- Conformisme & « preuve sociale » : Tendance à nous rallier à un avis largement partagé.
- Erreur fondamentale d’attribution : Surestimation des facteurs internes pour expliquer les comportements, réussites et échecs des individus et sous-estimation des facteurs contextuels (Cf l’homme providentiel, racisme, etc.).
- Croyance dans un monde juste : Tendance à penser que les gens reçoivent ce qu’ils méritent, que tout est pour le mieux, que les méchants seront punis etc. Cette croyance explique l’absence de réaction face à des injustices considérées comme justifiées ou provisoires.
- Le « juste milieu » : tendance à penser que le compromis entre deux positions est toujours une solution plus viable que l’une ou l’autre de ces positions.
- Biais du statu quo : Appréhension et résistance face au changement. Peut-être associé à l’aversion à la perte. (Cf « Un tiens vaut mieux que deux tu l’auras », etc.).
- Technique du chiffon rouge : Utiliser des associations émotionnelles qui vont déclencher la colère du public et nuire à sa capacité de raisonnement.
- La double faute : Accusé d’un méfait, s’en défendre en prétextant que d’autres font pareil, ou pire.
- Faux dilemme : Limiter artificiellement les alternatives à deux choix présentés comme les seuls envisageables.
Autant de biais qui semblent expliquer bien, voire prévoir, le vote Macron (tandis que le vote Le Pen est accentué par un sentiment d’impuissance des citoyens et un parfum d’impunité et de prime à l’absence de résultat chez les politiques). Cela fait sens, comme on dit. C’est parce que ces mécanismes intuitifs de notre esprit ont un réel poids dans nos décisions que la sagesse populaire a retenu la phrase du cardinal de Retz :
« On ne sort de l’ambiguïté qu’à ses dépens. »
La tentation du simplisme
Souvenons-nous toutefois que ces biais et d’autres permettraient aussi d’expliquer les résultats s’ils avaient été différents, la grille de lecture des biais cognitifs permettrait donc d’expliquer plusieurs résultats contrastés, ce qui implique qu’en définitive elle n’explique au mieux que partiellement ce qui se passe. Il est donc sage de ne pas réduire le choix d’autrui à une réponse irrationnelle, un réflexe téléguidé par le monde politico-médiatique. Il semble acquis, toutefois, que le vote n’est pas un acte aussi rationnel qu’on pourrait le penser et que, sans doute, il devrait l’être. On peut en effet considérer que le choix d’un dirigeant et d’une ligne politique devrait être inspiré par une analyse factuelle et la pleine mesure des conséquences, et donc se construire de manière rationnelle. Qu’on me permette de souligner qu’aucune société au monde n’a jamais eu à souffrir d’un excès de rationalité, et que l’on n’a jamais manqué de personnes votant « avec le cœur » pour des politiques catastrophiques.
Rappelons-nous aussi qu’un scrutin majoritaire à deux tours est propice à générer des comportements inadéquates de la part des électeurs angoissés à l’idée de voir leurs idée et valeurs disparaître de la représentation nationale. Ils se livrent à des calculs stratégiques désespérés et à des compromis entre adhésion et rejet envers les candidats en fonction de ce que les sondages leur donnent à présumer sur les intentions de vote de leurs concitoyens. N’est-ce pas un scrutin qui protège le statut quo et participe à la résilience d’un système où le personnel politique ne se renouvelle pas ? Le scrutin majoritaire à deux tours apporte de la stabilité au régime, une stabilité qui devient une auto validation du régime.
Pourquoi ne nous dit-on jamais que d’autres modes de scrutin pourrait être envisageable en France ?
Peut-être, par exemple, ignorez-vous tout du jugement majoritaire, un mode de scrutin qui semble plus respectueux de l’expression du choix démocratique car il évite la qualification des candidats populaires mais fortement rejetés par une partie non négligeable du corps électoral.
Amertume ?
Les plus perspicaces d’entre vous feront valoir que si j’écris ce billet, c’est probablement motivé par l’absence du candidat vers lequel allait ma préférence. Bien sûr, si mon choix s’était porté sur Macron ou Le Pen dès le premier tour, je n’aurais pas envers les résultats la distance critique ici formulée. Je nourrirais sans doute une forme plus apaisée d’amertume. Il me faut confesser que j’eus été moins enclin à expliquer par des mécanismes irrationnels la qualification de mon candidat car j’identifie sans mal les raisons logiques et rationnelles de mon choix ; et il en va certainement de même des lecteurs macronistes ou lepenistes. Ce billet leur déplaira certainement.
Mais ce biais qui est le mien n’indique pas que j’aie moins raison que ceux dont le biais serait autre, et le constat de l’immense déception partagée par ceux qui rejettent les candidats qualifiés au second tour (et par une partie au moins des électeurs de Macron) dit assez qu’il faut se poser sérieusement la question du respect de l’expression démocratique, et de son hold up, le cas échéant, par des structures qui ne durent peut-être que parce qu’elles sont construites pour durer et que telle est leur principale qualité, mais aussi leur plus redoutable défaut.
On devine ainsi la tromperie que peut constituer ce qu’il est convenu d’appeler la démocratie. L’opinion « politique » d’un individu n’exprimant le plus souvent que sa satisfaction ou son insatisfaction en fonction du niveau qu’il a atteint dans l’échelle hiérarchique, suivant l’image qu’il s’est faite de lui-même, l’opinion d’une « majorité » n’est jamais le fait d’une connaissance étendue, à la fois globalisante et analytique des problèmes socio-économiques, mais le résultat de l’intégration d’innombrables facteurs affectifs individuels et de groupe, qui trouve toujours un discours logique ensuite pour valider son existence.
Henri Laborit
Au delà du résultat brut, qui peux s’effectivement s’expliquer par une liste de biais et son contraire, il y a un point que je n’arrive pas à comprendre : le nombre de votant.
Comment est-ce possible qu’il y ait quatre fois plus de personnes prêtent à payer 4€ pour voter ? On peux simplement répondre que 4 millions de personnes ont été dégoûtées par les affaires juridiques lié à leur candidat (je n’y crois pas mais je n’ai pas d’hypothèse alternative).
Dans ce cas comment l’expliquer pour l’autre primaire ?
https://framapic.org/nC1vBzOzVvWK/T594Krd9KxnO.png
De l’esprit critique en politique, ça fait du bien ! Un grand merci et surtout surtout : Continuez !
« Autant de biais qui semblent expliquer bien, voire prévoir, le vote Macron (tandis que le vote Le Pen est accentué par un sentiment d’impuissance des citoyens et un parfum d’impunité et de prime à l’absence de résultat chez les politiques) »
Sur quelle fine analyse statistique sont basées ces affirmations 😉 ?
J’ai bien précisé que ce billet était probablement biaisé et ce que ce jugement pouvait être émis avec d’autres résultats. Il demeure que les biais ici listés ont de réels effets sur nos comportements. Et il me semble relativement clair que le contexte de ce scrutin additionnait particulièrement les biais à l’avantage des deux candidats retenus.
Je trouve effectivement ce billet particulièrement biaisé. Par exemple, « il me semble relativement clair que le contexte de ce scrutin additionnait particulièrement les biais à l’avantage des deux candidats retenus » -> pour moi ce n’est pas si clair ; il faudrait entrer dans une discussion détaillée biais par biais, et comparer si effectivement les deux candidats retenus ont fait « mieux que les autres » dans l’exploitation du biais considéré. Je veux bien le croire a priori sur certains biais, mais balancer ça sans retenue, je trouve pas ça très mesuré dans le propos.
Au hasard, le biais du statu quo, on pourrait tout aussi bien dire que ce sont ceux qui votent Le Pen qui sont contre les changements induits par la mondialisation (attitude réac) ou ceux qui votent contre qui refusent les bouleversements massifs que son élection ne manqueraient pas de provoquer (en bien ou en mal, là n’est pas le débat)… Bref, je trouve pas ça très sceptique de favoriser (sans données) une interprétation des résultats parmi tant d’autres (« ce vote s’explique largement par une affaire de biais »).
Au passage, si « ce jugement [peut] être émis avec d’autres résultats », c’est donc qu’il n’a pas une grande valeur explicative (ou prédictive), et que tu ne dis finalement rien de plus que « tiens au fait les biais cognitifs s’appliquent aussi dans la manière dont on vote »… Ce qui, tu l’admettras, n’est pas une grande découverte 😉
« Les plus perspicaces d’entre vous feront valoir que si j’écris ce billet, c’est probablement motivé par l’absence du candidat vers lequel allait ma préférence. Bien sûr, si mon choix s’était porté sur Macron ou Le Pen dès le premier tour, je n’aurais pas envers les résultats la distance critique ici formulée. »
Il me semble connaître le vote de l’auteur de ce billet par un selfie posté sur Twitter qui tendrait à prouver son effort d’objectivité…Me trompé-je ?
Si tu parles de la photo de Mendax tenant un bulletin pour Macron, le fait que Mendax le tienne dans sa main prouve qu’il ne l’a pas mit dans l’urne.
Petit séance introspection…
Pour ma part, j’ai voté « pour » Macron, parce que j’ai voté « contre » tous les autres. Ce n’est pas un vote d’adhésion. Ses discours étaient creux et j’ai fortement regretté que Macron prenne autant de temps pour dévoiler son programme, dont plusieurs points me gênent. J’ai plusieurs fois hésité. Mais son positionnement politique correspond à mon vote depuis plus de dix ans (centrisme) et il y avait peu d’offre politique correspondant à mon positionnement. J’aurais pu voter Lassalle, également centriste, mais il me semblait moins crédible encore (son positionnement sur la question de l’équilibre budgétaire, très important pour moi, a été éliminatoire). Et surtout, ce vote aurait fait perdre mon positionnement politique, dans la mesure où je pense que les sondages sont relativement justes. Mon vote me semble détaché et calculé.
Tout cela pour dire qu’il est possible que plusieurs biais aient joué en faveur de Macron – moi ils m’ont fait hésiter -, mais que ce n’est pas pourtant que le vote Macron a été pour tous ses électeurs un vote irrationnel.
Changer le mode de scrutin n’est pas forcément la chose la plus importante à faire, mais la 1er chose à faire(du coup c’est peut être la plus importante en faite). C’est développé par plusieurs You tubeur: la stat expliqué à mon chat, comme vous l’avez cité, il y a également science étonnante, science4All, y’a aussi FabienOlicard qui a justement fait une vidéo avec Science étonnante aujourd’hui.
Vous devriez peut être faire un billet complet la dessus, plus on en parle, plus il y a une chance de faire évoluer les choses.
Faisant partie de ceux qui considèrent que la zététique gagnerait à ne pas traiter de sujets directement politiques, j’ai forcément un biais à la lecture de cet article. Mais je me permets de réagir pour saluer la façon d’assumer les biais liés aux opinions du rédacteur, c’est plutôt rare ça fait franchement du bien, après une campagne de premier tour caractérisée par une flopée de vidéastes qui se ridiculisent vidéo après vidéo pour défendre leur candidat au mépris du bon sens et des faits…
Cette campagne est riche d’éléments de discussion non-directement politiques qu’il serait, à mon humble avis, passionnant de traiter. Principalement cette fascinante capacité à juger les candidats sur une étiquette unique, sans prendre la peine de lire les programmes. C’est notamment frappant économiquement, chaque candidat étant estampillé « social » ou « libéral », réputé jouer sur « l’offre uniquement » ou « la demande uniquement », alors que la majorité des candidats (y compris les deux qui restent) jouent à la fois sur des leviers d’offre et de demande… Ces étiquettes sont pourtant largement imprimées dans les esprits, alimentant les discussion de superbes analyses à base de « beurk, lui il est libéral caca », « aaarg, lui il est social vomi ».
Cette campagne offre également un joli exemple de faits alternatifs quant aux sondages. Tout le monde nous a rabâché que les sondages se trompent tout le temps, avec des exemples à l’appui (Trump, Brexit, Primaires…) alors que tous ces exemples sont faux. Ça me rappelle un bel article de zététiciens (j’ai honteusement oublié la source, mais je crois que c’était sur le site de l’OZ) sur le fameux « nuage de Tchernobyl arrêté à la frontière », phrase qui n’a jamais été prononcée à l’époque, mais reconstruite a posteriori pour servir une idéologie.
PS : les captchas de ce site sont un supplice chinois
Article intéressant ! Une phrase attire toutefois mon attention. Vous dîtes « Qu’on me permette de souligner qu’aucune société au monde n’a jamais eu à souffrir d’un excès de rationalité, et que l’on n’a jamais manqué de personnes votant « avec le cœur » pour des politiques catastrophiques. » Qu’entendez-vous par le fait qu’aucune société au monde n’a jamais eu à souffrir d’un « excès de rationalité »? Si la rationalité est crucial, je me méfie comme de la peste des politiques qui se sont fondées sur le rationalisme à outrance, et ces politiques ont existé. C’est, je crois, une des définitions centrales du totalitarisme, qu’il ait été communiste, fasciste ou autre dans l’histoire. Vouloir soumettre les comportements à un principe rationnel, c’est un danger, d’autant plus s’il y a excès de rationalité. D’où mon commentaire, pour avoir plus de précisions de votre part.
Vous évoquez l’apparence de rationalité qu’affichent les dictatures bureaucratiques ou les juntes.
Je parlais des choix individuels et citoyens dont il reste à prouver qu’ils sont rationnels quand ils jettent un peuple dans les bras d’un tyran.
Si nous votions tous de manière rationnelle pour les programmes qui ont notre faveur, jamais un programme attentatoire aux droits humains n’aurait la moindre chance de passer. Je veux en conclure que nous devrions aller dans cette direction et bien mesurer les conséquences de nos choix au moment de les faire.
Je suis arriver a cette conclusion. La démocratie est un progrès, mais un progrès dépassable.
Je pense que le peuple doit avoir la sagesse et l’humilité de s’abstenir sur des questions sur lesquels il n’est pas compétent, de dire » je ne sais pas, je ne donnerais pas mon avis qui ne sera juste que par chance ». Sur des sujets ou un expert sais juste mieux quels sont les enjeux de la problématique à résoudre.
J’ai l’impression qu’on s’accroche à ce droit juste pour la valorisation qu’apporte la décision, le choix que l’on soumet à la direction de la grandeur qu’est un pays. On se sent actif, on a l’impression d’avoir un impact important dans la direction du pays. De faire l’histoire,d’obtenir un échantillon de frisson de pouvoir. Alors qu’en vrai, on ne fait que donner son avis qui ne sera juste que par hazard et de tout facon pour de mauvaise raison. Comme aux échecs, Le débutant va faire un coup A, l’amateur va trouver ce coup mauvais car contredit par un coup B, le maître va trouver ce coup excellent en trouvant une parade astucieuse au coup B. Le débutant aura fait le bon coup, mais pour de mauvaises raisons, car il n’a pas la parade au coup B.
C’est l’apologie de l’oligarchie que je fait là, quelqu’un peut contredire cet argumentaire svp, je ne suis pas sur de vouloir penser cela.
C’est l’apologie du despotisme éclairé je dirais… Je suis passé par là aussi, je te donne ma réfutation perso ci-dessous.
Dans la plupart des domaines importants, économie santé stratégie etc., même les experts ne sont pas assez qualifiés pour prévoir de façon fiable les conséquences de telle ou telle décision. Les mécanismes en jeu sont tout simplement trop complexes, il y a trop de facteurs qui interviennent. Donc il n’est pas rationnel de laisser les experts décider tous seuls. Par contre il est intéressant d’associer un maximum de gens via des programmes politiques, des élections ou quelque chose d’équivalent, pour qu’ils se sentent impliqués et concernés. Même si les « experts » ont enfin de compte plus de pouvoir que les autres, ils restent contraints par des orientations extérieures.
En fait il ne faut pas se faire trop d’illusion sur le pouvoir des « experts » en général, ils sont plus compétents relativement, mais dans l’absolu leurs connaissances sont des gouttes d’eau dans l’océan…
Quel est la valeur de l’avis de quelqu’un qui n’y connais rien? Au mieux c’est au hazard, au pire il est influencée/manipulée.
Je suis d’accord qu’il y a des décisions qui se prennent collectivement, sur des sujet qui n’ont pas de « bonne réponses » (moraux…). Mais c’est une infime partie de direction d’un pays.
Et maintenant qu’on maîtrise très bien la communication et les mécanismes des manipulations, les élections ne sont qu’une compétion pour déterminer le meilleur en communication, et pas le meilleur pour gouverner.
Je pense que ces avancées en science sociale et humaine rendent obsolète la démocratie ( tel qu’elle est aujourd’hui, il y a des alternatives j’en doute pas). Faut juste changer les règles du jeu.
D’après moi, le problème est qu’il est difficile de déterminer quel est le meilleur des systèmes.
D’un côté, considérer que le peuple a forcément raison (ou en tout cas poser comme axiome qu’il faut se plier à ses décisions) est assez peu compréhensible. Je n’accorde aucune légitimité à la décision de la majorité de la population sur une question technique (virtuellement toutes les questions) parce qu’il n’y a pas de raison que 35 millions d’individus d’une collectivité arbitrairement définie aient davantage raison qu’un seul. C’est davantage un moyen d’associer tout le monde à la vie de l’État, ce qui peut d’ailleurs se comprendre. Mais les gens sont faillibles, ne sont pas experts en tout, votent pour des sujets qui les dépassent, et la communication joue un rôle important dans la décision finale, ce qu’on peut regretter. En bref, organiser un référendum pour ou contre la sortie de l’UE, c’est un peu comme organiser un référendum sur le remède à utiliser pour guérir une épidémie. Franchement, qu’est-ce qu’on en sait, en tant que citoyens lambda ?
D’un autre côté, un système reposant sur une oligarchie d’experts, ou sur un despotisme « éclairé » a des défauts également. Les pressions des lobbies sont plus dangereuses. Les gens se sentent moins impliqués et cela peut mener à des désordres. Et le côté « éclairé » du despotisme ne peut guère que s’observer a posteriori. C’est un acte de foi aussi, et un despote, tout expert qu’il soit, pourra se révéler éclairé ou non. Un système capacitaire (ou un « permis de vote ») a ses défauts également : comment déterminer qui pourra voter ?
A mon humble avis, il est important de critiquer la démocratie, qui est loin d’être parfaite, et d’en finir avec le discours populiste de certains qui vantent le peuple souverain en l’opposant aux « élites » (de tous poils). Non, plus de pouvoir au peuple, ce n’est pas nécessairement une bonne chose (ni une mauvaise : restons sceptiques). Mais il faut également voir les problèmes des autres branches de l’alternative, qui ne sont pas nécessairement meilleures.
Quand le sort d’un individu dépend de la décision de quelqu’un d’autre, que ce soit « la majorité de la population » ou « un ministre », cela pose toujours des questions de légitimité de toute façon.
Bonjour,
je ne suis ni « Lepeninste » ni « Macroniste ». Mais j’en ai franchement marre de toutes ces variantes de « les électeurs sont des cons ». Même lorsqu’elles sont formulés avec de jolis mots comme « rationnel » ou « biais de confirmation ». La variante des politiques est « il nous faut mieux éduquer/faire de la pédagogie » (sous-entendu : « j’ai raison et n’importe qui de suffisamment formé le verrait »), à chaque fois ça me donne envie leur donner un coup de pied dans la mâchoire ; a variante « zététique » ne me semble pas meilleure.
Pourquoi est-ce que ce sont toujours les *autres* électeurs les cons ? Pourquoi est-ce que celui qui fait cette assertion ne se remet jamais en question ? Parce que c’est gentil de reconnaître « il est éventuellement possible que je sois peut-être biaisé », mais ce n’est pas ce que l’on appelle « une remise en question ».
Mais ce que je trouve le plus désagréable, c’est que les gens qui prétendent que les autres électeurs sont des cons n’en tirent jamais la conclusion logique : la démocratie est un mauvais système. Je suppose que c’est parce qu’ils ont conscience qu’ils toucheraient à un sujet tabou, il ne faut pas critiquer le principe même la démocratie. Pourtant c’est un fait évident : la démocratie n’est un bon système que si les gens votent pour un gars valable (… Quoique, on pourrait sans doute me rétorquer que la démocratie n’a pas pour fonction de désigner le meilleur gars, mais d’acheter la paix sociale en donnant à chacun l’illusion qu’il a son mot à dire). Vous pouvez changer le mode se scrutin tant que vous voulez, si vous estimez que les gens votent n’importe comment, ça ne sert absolument à rien : il voteront n’importe comment avec un autre scrutin aussi.
Par ailleurs il faudrait faire des études pour confirmer mon intuition, mais mon intuition est que Macron aurait été le vainqueur de Condorcet de cette élection (et mon intuition est que c’est peut-être la première fois de la 5ème république que le mode de scrutin a élu le vainqueur de Condorcet). Prenons mon intuition comme hypothèse : sous cette hypothèse, tout mode de scrutin ne désignant pas Macron comme vainqueur est objectivement inférieur au mode actuel. Changez le mode de scrutin, et soit vous obtenez le même vainqueur qui vous rend si amère, soit votre nouveau mode de scrutin est *encore pire* que l’actuel.
@Rosse : moi non plus je ne suis pas sûr d’avoir envie de penser ça. Mais au moins vous tirez les conclusions de ce que vous pensez.
Sinon il y a la vidéo de DBY sur la sagesse des foules qui explique qu’il peut être plus efficace de demander à plein d’amateurs plutôt qu’à quelques spécialistes : https://www.youtube.com/watch?v=xtuh5zTa7mQ ; la principale condition étant de demander à des amateurs, ie des gens qui ont des notions sue le sujet, et pas à des béotiens complets. Par ailleurs, il suffit de regarder l’état du net pour voir que sans être des spécialistes, beaucoup de gens sont des amateurs en politique. Donc… Peut-être que la démocratie fonctionne et que Macron était le meilleur candidat. (j’ai vérifié aucune des assertions de BDY, une autre possibilité est donc qu’il dise n’importe quoi, mais je trouve la vidéo intéressante)
Il convient de remarquer que notre scrutin à des deux tours a élu celui qui était selon tous les sondages, le vainqueurs de Condorcet. Le jugement majoritaire aurait sans doute élu Emmanuel Macron président. Votre sentiment pourrait très bien coller avec les imperfections du système et du scrutin à deux tours. Or, le résultat est le plus en accord avec les meilleurs formes d’expression démocratiques. De fait, ce n’est pas en réalité dans le mode de scutin qu’il faut chercher les origines de votre sentiment.
Cela pourrait venir de la représentativité des personnes candidates. Il apparait cependant, que les candidats représentaient des pans très larges et plustôt exhaustifs des différents champs politiques.
Cela pourrait venir de la campagne de Macron. C’est possible mais il est fort probable que Macron serait resté un vainqueur de Condorcet même s’il avait moins joué la carte des biais sophistique. Il aurait peut-être eu plus de mal à passer le premier tour à l’instar de Bayrou en 2012 (positionnement similaire) qui malgré son faible score était sans doute le vainqueur de Condorcet.
Je pense aussi que vous êtes honnêtes et que vous vous efforcez de produire l’analyse la moins biaisée possible.
Le problème vient selon moi de la polarisation et de la radiacalisation des opinions politiques comme l’explique Sience4All depuis quelques épisodes. Cette radicalisation fait que nous sommes moins enclin à accepter des compromis ce qui nous pousse à penser qu’il y a un défaut de représentativité. L’ennui est qu’on ne peut bien sûr pas représenter tout le monde et l’élection sert à déterminer, quelles visions font le moins de peines à la majorité.
En 2002, la grande majorité des électeurs de gauche ont été voter Chirac. Cette année on sent bien qu’alors que la différence d’opinions est plus grande entre Macron et MLP qu’entre Chirac et JMLP, les électeurs de gauche étaient moins motivés. Cette différence est devenue négligeable par rapport au fossé qui sépare leurs idées de Macron ce qui justifie de s’épargner le choix entre les deux.
La critique sur le mode de scrutin ébauché rapidement dans cet article n’était sans doute pas assez explicite ; c’est la pertinence même de l’élection présidentielle et du régime présidentiel, juché sur la légitimité de la rencontre du peuple et d’un candidat, qui est particulièrement propice à toutes les crispations/ cristallisations / replis irrationnels… et in fine du sentiment de perte de représentativité dans un régime qui se veut représentatif par nature. C’est ce paradoxe-là qui suscite la majeure part de l’amertume ici exprimée.
« La rencontre du peuple et d’un candidat » est un mythe. Ca me semble tellement évident qu’à vrai dire, je n’ai strictement aucun argument pour soutenir cette assertion.
Ceci étant, ça ne fait pas nécessairement de la démocratie représentative un mauvais système. Si ce que dit BDY sur la sagesse des foules est juste, et si les électeurs dans leur ensemble sont conscient (au moins intuitivement) qu’ils ne doivent pas voter pour un « homme providentiel » mais pour un gars qui saura quand il doit faire appel à d’autres experts, alors la démocratie représentative est finalement pas si dégueux que ça (et améliorer le mode de scrutin serait utile – mais selon moi ça ne changerait rien sur l’élection qui nous occupe).
A l’inverse si la démocratie représentative est objectivement inférieure à la technocratie, alors il ne sert à rien de modifier le mode de scrutin. Il faut alors virer le scrutin et le remplacer par *autre chose*.
Oui il y a 2 problematiques,
-Quel est l’influence de la communication stratégique sur l’opinon publique? Comment peut on la réduire pour laisser place au libre arbitre.
– Quel mode de scrutin laisse le moins de place a la stratégie politique? ( si on veux garder la démocratie). Je pense que j’ai mal compris le principe même de la démocratie, ce que j’ai dit est en faite valable que pour les référendums.Dans un vote pour élire un représentant dans une démocratie représentative, il n’y a pas de mauvais vote, on ne peut pas se tromper ( on peut être trompée mais pas se tromper.)
Il faut pas négliger les biais qui nous pousse a voter pour x, mais ceux ci sont indépendant du model politique.
Les résultats du 1er tour ont démontré qu’il y avait quatre tendances équivalentes au sein de l’électorat et une cinquième tendance au sein du peuple tout entier (la 5e : ne pas voter).
Ce sont ces tendances qui indiquent le mieux l’opinion vraiment partagée, c.a.d. un vote par conviction à une idéologie ou un vote d’adhésion à un programme.
Le second tour a révélé que devant un choix entre deux candidats, l’adhésion au programme s’est éclipsée devant l’adhésion à la «paix sociale». Pour certains, la paix sociale était mise à mal par le FN, donc il faillait voter contre. Pour d’autres, la paix sociale signifie le statu quo. Donc, demeurer dans ce système européen impliquait de voter contre le FN. Pour d’autres encore, cette «paix sociale» correspondait en l’absence de clivages. Donc, il fallait voter pour EM (devenu LREM — LR et EM mdr).
Tous les biais cognitifs sont présents dans la réflexion des électeurs (biais qui menaient à adhérer, au 1er tour, et biais qui menaient à contrer, au 2e tour).
Vu de l’extérieur (je ne suis pas Française), l’amertume est grande, c’est assez évident quand on tient compte de la bataille féroce que se livrent en ce moment les candidats aux Législatives pour rattraper les voix perdues lors des présidentielles ET compte tenu des nouvelles «allégeances» qui se définissent plus ou moins selon le degré d’opportunisme de plusieurs candidats. Des affiches qui ne disent pas clairement à quel camp on appartient, appartenir à deux camps en même temps, etc… Cela n’échappe pas aux gens qui voteront à ces élections en juin.
Les croyances et/ou les raisons logiques demeurent vives chez les militants des différents camps. Certains ont un discours construit, basé sur le programme qu’ils soutiennent, d’autres n’ont de ressources que de démolir un adversaire plutôt que son programme. Mais quelle que soit leur ferveur, leur honnêteté (ou l’absence d’honnêteté), leur désir sincère (ou opportuniste) de servir, il n’en demeure pas moins que les élus seront des «représentants»
Le fait est que la population est toujours d’accord pour être «représentée» et qu’elle préfère confier sa destinée à des gens qui ne sont pas obligés de lui rendre de comptes avant la fin du quinquennat. La déception et l’amertume auront la vie longue en France : comment pourrait-il en être autrement quand on accepte de ne plus avoir de pouvoir sur ses propres conditions de vie, dans ses propres mains? Et là, je ne parle pas du choix de rester ou de sortir de l’UE. Je parle de ce système de représentation. Comment appeler cela de la démocratie ?
Les modes de scrutin proportionnel, à jugement prioritaire, à note, etc. pourraient tous être valables tout comme le système de représentation qui en découlerait SI (et seulement SI) la démocratie directe était mise en pratique à partir de la base, i.e. du simple citoyen dans son patelin, sa ville, sa circonscription électorale. La démocratie directe implique un effort citoyen, c’est certain, mais il a l’avantage de permettre des prises de conscience et des plans d’action conséquents. La démocratie directe exige des comptes. Si cette façon de faire démocratique a réussi ailleurs, elle peut réussir en France.
La première chose à faire est d’admettre que les gens savent de quoi leur vie est faite… et que l’expression populaire n’a pas à se borner en manifs de protestation : elle peut s’étendre à la construction de solutions viables et réalistes, car la démocratie directe produit des éclosions de créativité populaire !
Bonne chance, les cousins !