(Comment) peut-on critiquer la religion ?
Tronche en Live #129
Emission enregistrée le 10 janvier 2024.
Invités : Jack le Fou et Victor Rességuier.
Editorial
France, pays laïc, sans religion d’état évidemment, et même réputé pour être sévère avec la spiritualité. Depuis l’étranger nous sommes suspectés d’intolérance envers la scientologie et les autres sectes un tant soit peu connue, qu’ailleurs on reconnait comme des religions. Autrefois fille aînée de l’Eglise par la volonté de ses rois de droit divin, la France est devenue une Terre où progresse l’incroyance, ou plus exactement l’irreligiosité. Le monde politique en est un reflet criant : chez les élus il est plutôt de bon ton de ne pas trop afficher sa croyance, et la métaphysique constitue rarement un argument électoral. À titre de comparaison, le congrès américain ne compte quasiment que de fervents croyants ou des personnes qui jugent qu’elles ont besoin d’être considérées comme telles pour être élues.
En France, donc, nous avons le sentiment que la question est réglée, qu’il serait anachronique de porter une critique des religions puisque la révolution, les bouffeurs du curé, la loi de 1905, tout ça c’est vieux, c’est fini. Quel combat d’arrière-garde ! Il faudrait s’intéresser à des sujets politiquement plus sérieux.
Seulement plus de 50.000 enfants vivent dans des milieux sectaires dans notre pays. La religion y joue souvent un rôle prépondérant. Des millions de citoyens vivent sous l’influence d’une famille ou d’un environnement où la religion pèse du poids de ses jugements, de ses interdits, de ses obligations.
N’est-il pas un peu facile de considérer que les religions ne sont plus un problème quand elles n’affichent plus leurs ambitions politiques tout en continuant d’exercer le pouvoir qu’elles cultivent sur des populations qui sont souvent fragilisées ou traitées de haut ? À certains il semble facile d’oublier les premières victimes des dogmes que sont les personnes à qui on inculque ces dogmes.
Les religions se sont fait la guerre pendant la quasi-totalité de leur histoire mais veulent nous donner des leçons sur ce qu’est la paix. Elles ont inventé le blasphème, le crime par la pensée, pour interdire la critique, et partout où on leur a retiré ce pouvoir, elles pleurnichent ; les athées sont maltraités depuis des siècles dans les territoires où règnent les autorités religieuses, mais les religions se plaignent constamment d’être les vraies victimes d’un monde bien trop intolérant. Elles ont pratiqué la chasse aux sorcières, et les bûchers qui vont avec, les pogroms, la mise à l’index, l’excommunication et n’ont été gênées par l’esclavage que bien après le reste de la société, mais revendiquent le droit d’être des références de la morale et s’invitent dans certains comités d’éthique.
Les religions ont institutionalisé, avalisé au nom du divin l’assujétissement des femmes, leur emprisonnement dans les liens du mariage et l’impunité des hommes qui abusent d’elles ou des enfants, mais elles disent exactement le contraire. Les religions ont toujours prôné l’inégalité entre les bons croyants et les autres, mais cela fait moins recette alors cela n’a jamais existé. À travers le monde la pratique des mutilations génitales, chez les enfants, se fait d’abord au nom de la religion.
L’apostasie est punie de mort dans les textes de l’Islam. On a beaucoup tué pour cette raison ailleurs aussi, et d’ailleurs quand Dieu réclame que vous égorgiez votre enfant en sacrifice, il faut y voir une preuve d’amour. C’est l’amour et la grandeur de Dieu que les terroristes ont à la bouche quand ils massacrent leurs victimes.
Bon ! Calmons-nous.
Tout cela est très à charge, j’en conviens. On pourrait discuter des liens de causalités avérés, apporter des nuances bienvenues à tout ce que je viens de dire. Mais on ne devrait pas immédiatement être choqué ou effrayé quand quelqu’un soulève les points que j’ai évoqué ; et je suis sûr que j’en ai oublié.
Critiquer, même avec excès, les idées religieuses, les textes, les discours, cela devrait être d’une profonde banalité dans une société démocratique garantissant la liberté d’expression. Les critiques et mêmes les moqueries adressées aux intégrismes, aux rituels, aux valeurs arriérées et plus généralement aux croyances des gens qui vivent autour de nous, cela ne devrait pas recevoir pour réponse des coups de kalachnikov, ou l’indignation de gardiens de la bien-pensance ou l’invitation à se taire, à parler d’autre chose, à respecter les croyants.
Et si l’on trouvait plus de respect envers les croyants dans la critique des religions et de l’aliénation qu’elles produisent que dans l’amalgame incessant qui empêche les individus de penser par eux-mêmes et les force à défendre un totem pour avoir le droit d’exister ? Je ne fais que poser la question, comme dirait l’autre et j’ai avec moi ce soir en direct deux invités qui auront certainement des réflexions à ce sujet.
Je précise que dans les émissions La Tronche en Live les invités sont généralement des spécialistes, chercheurs ou chercheuses qui viennent partager leurs connaissances d’un domaine. Ce soir mes invités ne sont pas théologiens ou sociologues des croyances, mais des personnes qui pratiquent la critique de la religion, et qui sont témoins des difficultés particulières de l’exercice. Je suis moi-même critique des croyances surnaturelles et je trouve intéressant de comparer mon approche à celle d’autres personnes ayant une sensibilité et un parcours différents.
Jack le Fou est algérien, il a grandi dans un environnement musulman, il connait très bien l’islam, et il en fait la critique sur Internet où il échange et débat avec des croyants, notamment sur TikTok. Ça n’est pas de tout repos.
Victor Rességuier vient d’un milieu chrétien ; il a longtemps cru au catholicisme et était un fidèle engagé jusqu’à ce qu’il vive une déconversion. De ce fait il est très familier de cette religion et de la culture qui va avec. Il rédige occasionnellement des billets de blog sur le sujet et il a même aidé un certain Acermendax à écrire un film sur les secrets du miracle de Fatima.
Merci à Victor et Jack d’avoir accepté mon invitation.
Le plan de l’émission (initialement prévu)
- Pourquoi critiquer la religion ?
- Comment critiquer la religion ?
- Autocritique des critiques de la religion.
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