Christine Boutin, l’abomination, la Bible…
« L’homosexualité est une abomination. »
Ce propos de Christine Boutin dans une interview donnée au magasine Charles d’avril 2014 a été répercuté avec gourmandise dans toute la presse nationale, et il a suscité de nombreuses réactions outrées dans tous les milieux. Visiblement, il y avait beaucoup d’émotion en jeu. Arrêtons nous sur le mot « Abomination« : « Ce qui suscite l’horreur ». Indéniablement, c’est assez violent, et implicitement haineux.
Les réactions :
— Franck Riester (UMP) : « Scandalisé par les propos indignes de Christine Boutin sur l’homosexualité. Tout simplement une honte. »
— Jean-François Copé (UMP) « Les propos de Christine Boutin sur l’homosexualité sont insupportables, inacceptables, impardonnables. »
— Compte twitter du Parti Socialiste «Le Parti socialiste condamne les propos homophobes de Christine Boutin »
Abomination, n.f.
Horreur, dégoût quasi sacré qu’inspire ce qui est impie, maudit, mal ou monstrueux.
Des centaines d’internautes ont commenté, scandalisés. Face à ces critiques, Madame Boutin admet que ses propos ont été « maladroits » mais a refusé de répondre à une journaliste qui voulait savoir si elle continuait de les penser.
Justice ?
Christine Boutin passera en jugement dans un an. Cela signifie que la justice française juge la plainte recevable : dire que l’homosexualité est une abomination relève donc d’un propos qui n’a a priori pas sa place dans la république. Il sera temps d’y revenir quand aura lieu le jugement.
Mais madame Boutin a évoqué une origine Biblique. Et elle a raison.
« Tu ne coucheras point avec un homme comme on couche avec une femme. C’est une abomination.» (Lévitique 18:22).
Nous sommes en présence d’une affaire où une personnalité politique sera jugée pour avoir prononcé une parole directement tirée de la Bible.
Que peut-on en conclure ? Que le livre dont est tiré la citation visiblement fautive contrevient sans doute à la loi qui interdit les ouvrages incitant à la haine.
Il y a fort à parier qu’aucun des responsables politiques ou des journalistes qui ont dénoncé les propos de Madame Boutin n’ira au bout de la logique de cette affaire. Il semble qu’un voile d’immunité protège les religions à notre époque. Pourquoi ?
Il s’agit là d’un argument fallacieux… Si Madame Boutin avait plaidé en faveur du mariage des fillettes de 8 ans, qui sont tolérés par la Bible, elle aurait encouru de la même manière une peine pour incitation à la débauche de mineurs. Si Madame Boutin avait proposé un retour à l’esclavage des populations Nord Africaine ou des étrangers résidents en France, même chose, alors que c’est autorisé par la Bible. La bible, c’est comme la liberté d’expression en général, ce n’est pas la porte ouverte à toutes les réflexions idiotes et destructrices. D’autant moins pour une personnalité publique (enfin de moins en moins la concernant, mais ce n’est pas le débat)
Le problème est que des ouvrages sont censurés pour de tels propos. Personnellement, je ne pense qu’on devrait censuré la Bible. Par contre, la critiquer sur son contenu serait sain, car son contenu est effectivement illégal en France. Et l’idéologie chrétienne est du coup elle-même attaquable car clairement homophobe et sexiste (au minimum). Les instances religieuses ne sont pas en reste, il serait donc bon de les attaquer également.
« Par contre, la critiquer sur son contenu serait sain »
C’est déjà très largement le cas.
Si on prend le mot à mot de la source biblique, seules les femmes seraient autorisées à l’homosexualité, puisque de toute évidence l’injonction condamne l’homosexualité masculine. Ce sexisme divin me semble « abominable ».
Point sur l’affaire.
http://www.lemonde.fr/societe/article/2015/10/23/a-son-proces-christine-boutin-appelle-la-bible-a-la-rescousse_4796006_3224.html
Si elle devait être condamnée, la logique voudrait que la Bible soit à son tour incriminée. Ca risque d’être fort intéressant !
D’un point de vue laïque comme d’un point de vue religieux, censurer la Bible n’est pas une bonne idée.
En fait pour être honnête l’idée me paraît tellement tordue que j’ai du mal à argumenter contre ^^ Mais je vais essayer de vous faire comprendre mon point de vue :
Je vais commencer par répondre à cette phrase :
» Il semble qu’un voile d’immunité protège les religions à notre époque. Pourquoi ? »
Alors non. Je ne sais pas d’où vous sortez ça, mais il me semble au contraire plus facile de critiquer la religion que de la défendre. C’est peut-être une simple impression.
En tout cas je ne vois pas ce qui, dans le contexte, vous fait dire ça. Parce que les politiques n’ont pas pensé à attaquer la Bible ?
Ensuite concernant cette idée de censurer la Bible… je n’en vois tout simplement pas l’intérêt. C’est comme censurer les parties sexistes de l’Odyssée (car oui il y en a) ou autre.
La Bible est un livre, sinon sacré pour celui qui y croit, historique. Vieux de 2000 ans. Le contexte de l’époque veut qu’il n’ait pas les mêmes valeurs que les nôtres. Il a été écrit par des hommes de l’époque, le modifier pour coller au 21ème siècle c’est prendre les lecteurs pour des imbéciles incapables de prendre le contexte en compte.
Ce serait une formidable atteinte à la liberté d’expression, en plus d’une provocation délibérée envers les différentes communautés chrétiennes en France (qui à mon avis ferait monter l’obscurantisme plus qu’il ne le ferait baisser). Je sais que le terme « liberté d’expression » est utilisé à bien des sauces, que ce concept a des limites, mais je pense pouvoir dire que censurer la Bible, la Torah ou le Coran serait une grave atteinte à cette liberté.
Je vous rappelle que nous sommes dans un pays laïque, qui garantit le droit d’exercer le culte de notre choix ou de n’exercer aucun culte, un pays qui garantit la liberté d’être déiste, théiste ou athée. Ce serait dommage de changer ça.
Je terminerai par dire que vous n’avez visiblement pas une grande connaissance de la théologie chrétienne (et madame Boutin non plus, d’ailleurs !)
Dans la religion chrétienne, les chrétiens ne sont pas sensés continuer d’appliquer les lois de « l’Ancienne Alliance », aka l’Ancien Testament. Il n’est pas aboli et reste sacré, mais les croyants n’ont plus à vivre sous les anciennes lois, telles que devoir lapider une personne adultère, ne pas manger de porc etc. Seuls les dix commandements restent à respecter.
C’est dit explicitement dit à plusieurs reprises dans le Nouveau Testament, je vous donne un exemple : « On vous a dit « aimez vos amis et haïssez vos ennemis », mais je vous le dit en vérité, aimez vos amis et vos ennemis, et priez pour vos ennemis ». La loi du Talion a été remplacée par « tendez la joue gauche ».
Dans la mesure où les passages que vous condamnez dans cet article ne doivent plus être mis en pratique dans la religion chrétienne, où est l’intérêt de les censurer ? le NT condamne le meurtre, la violence explicitement, et ces condamnations annulent les incitations au meurtre de l’AT.
Ce qu’il faut pour éviter l’obscurantisme, ce n’est pas cacher tout un pan des écritures des différents livres saints, mais le révéler et étudier attentivement le contexte dans lequel elles ont été écrites. C’est en se penchant par exemple sur le contexte où Paul a condamné l’homosexualité qu’on peut comprendre le pourquoi du comment et éviter de « créer » des chrétiens homophobes.
Enfin, de toutes façons le plus grave n’est pas que vous, qui n’avez rien à voir avec la religion, n’y connaissiez rien, mais bien que ce soit le cas de madame Boutin. En effet il y a plusieurs « abomination » citées dans Deutéronome. « Tu ne coucheras point avec un homme comme on couche avec une femme », oui, mais il ne faut pas oublier que manger du porc et des fruits de mer ( ( ͡° ͜ʖ ͡°) ), porter des vêtements de fibres différentes, partager le pain avec des égyptiens et porter des vêtements d’homme lorsqu’on est une femme, sont aussi désignées comme des abominations, a égalité avec la sodomie. J’espère donc que madame Boutin est végétarienne, fait très attention aux vêtements qu’elle porte et ne dîne jamais en compagnie d’égyptiens.
En plus de citer une loi qui n’est plus respectée, elle se permet donc un honteux « cherry picking » afin de condamner ce qui l’arrange et uniquement ce qui l’arrange.
Bref, j’ai souvent constaté que vous critiquiez la religion, mais visiblement vous n’en avez qu’une mince connaissance (et je n’essaye pas de vous insulter subtilement ou quoi, c’est la vérité). Si cela vous intéresse et que vous avez le temps, je vous donne le lien d’un forum assez intéressant qui pourrait vous permettre de dialoguer avec différents théistes, déistes et même quelques athées et faire entendre vos idées, parce qu’il me semble urgent que vous dialoguiez avec des religieux, vu ce que j’ai pu entendre de votre part : http://www.forum-religions.com/
Bisous (ノ◕ヮ◕)ノ*:・゚✧
Arami Resquin l’Oblat de la Terre
Je ne prétends pas répondre pour les auteurs de ce blog, mais il me semble qu’une confusion est faite entre le Texte (la Bible en l’occurrence) et la religion. Le Texte est « inaltérable » et a un sens, mais la religion n’en est que la lecture. Je veux dire que le dogme professé par les autorités religieuses ne prend pas en compte l’intégralité du Texte (et ce pour toutes les religions : il suffit de voir l’existence de différents courants se réclamant pourtant du même Texte).
Je reviens sur « l’inaltérabilité » du Texte dont je parlais auparavant : celle-ci n’est due qu’à la religion qui lui accorde une nature sacrée. Et pourtant, il a bien fallu qu’ils soient écrits par quelqu’un qui ne cherchait qu’à transcrire l’état d’une religion à un moment donné. Ainsi, les rédacteurs du nouveau testament étaient juifs mais ont foulé aux pieds le caractère sacré de l’ancien en y ajoutant tout un pan. Il serait donc intéressant que les croyants ou clercs puissent ajouter des addenda, notes, remarques ou invalidations au Texte, sans pour autant modifier le texte d’origine (qui de toute manière a été saccagé par les traductions). Pardonnez mon point goldwin, mais on fait bien paraître des éditions commentées de Mein Kampf qui appellent pourtant au meurtre de gens en fonction de critères qui de toute manière n’ont aucun sens.
Je me dis donc que l’évolution des techniques, en permettant la pérennité d’un texte, a arrêté l’évolution des religions, donnant enfin à la nature sacrée allouée aux Textes tout son pouvoir.
Dans l’absolu, ce n’est pas la Bible qui devrait être censurée, mais bien l’Eglise que l’on devrait forcer à amender son Texte et sa lecture.
*NB : j’appose une majuscule à texte pour désigner les textes sacrés et éviter la confusion avec un texte général/profane
Mme Boutin a été condamnée le 18 décembre 2015 à 5 000 euros d’amende pour « provocation publique à la haine ou à la violence » (http://www.lemonde.fr/famille-vie-privee/article/2015/12/18/christine-boutin-condamnee-a-5-000-euros-d-amende-pour-avoir-qualifie-l-homosexualite-d-abomination_4834809_1654468.html).
Bien évidemment, la Bible est sortie indemne de tout cela.
Arami, vous dites que vouloir s’en prendre au Tanakh (je fais un raccourci) c’est « prendre les lecteurs pour des imbéciles incapables de prendre le contexte en compte ». Malheureusement, c’est parfois le cas, en effet : certains lisent littéralement le Tanakh ou la Bible. Et par exemple Mme Boutin (pourtant catholique convaincue et non pas juive) ne voit rien à redire à la vision de l’homosexualité par l’ancienne alliance (et notamment la Torah).
Bonjour,
vous dites (à mot couvert) que prendre les conséquence de cette décision impliquerait de censurer la Bible, mais… Est-ce que la bonne chose à faire ne serait pas l’inverse, bien moins condamner la liberté d’expression ?
Qu’on se comprenne : les propos de Mme Boutin me file la gerbe. La simple idée que des gens décident de se réunir pour empêcher les homos de se marier (au lieu de n’en avoir simplement rien à foutre parce que ça n’affecte aucun de leurs droits) me file la gerbe. Les propos racistes me filent la gerbe.
Mais.
Visiblement, voir un mec se torcher le cul avec un drapeau français file la gerbe à d’autres que moi (je suppose que vous connaissez la photo de Frédéric Laurent dont je parle). Et ces gens ont décidé de faire une loi pour interdire qu’à l’avenir, quiconque puisse de nouveau user ainsi de sa liberté d’expression. Et le fait qu’on puisse faire une telle loi me file la gerbe.
Sauf que… Rationnellement, je ne peux que donner raison aux gens qui ont fait cette dernière loi : la loi française permet de limiter la liberté d’expression, ils voient un truc qui les dérange, ils votent une loi. Pourquoi ne le feraient-ils pas ? D’autant qu’ils ont visiblement assez de sièges à l’assemblée pour que la loi passe. Pourquoi est-ce ma raison devrait demander à ce les propos de Boutin soient condamnés, mais pas la photo du mec qui se torche avec le drapeau ?
J’en suis arrivé à la conclusion que si la liberté d’expression est respectée, alors il est normal que j’entende parfois des propos qui me filent la gerbe. Si je n’entends que des propos qui me plaisent, c’est sans doute que les gens ne sont libre de dire que ce qui me plait – ce qui manifestement n’est pas la liberté d’expression. Bref, j’en suis arrivé à la conclusion qu’on devrait lâcher du leste sur les lois limitant la liberté d’expression, les limiter au strict nécessaire (qui consiste en je sais pas quoi), sachant que ça nous mènera à entendre des propos dégueulasse.
Maintenant, raisonnons en zététicien. Ce que je ne suis pas, c’est bien pour ça que je poste ici en vous demandant d’ouvrir une réflexion là-dessus : est-ce que la limitation de la liberté d’expression a montré une efficacité en quelque affaire que ce soit ? Interdire les propos homophobe permet-il de réduire l’homophobie ? Au Etat-Unis, il me semble que la liberté d’expression est bien plus grande, ont-il plus de problèmes de négationnisme, de racisme, etc ? En un mot comme en 100, auriez-vous des arguments convaincants (au sens de la zététique) indiquant qu’il faut limiter la liberté d’expression ?
Si l’on veut prendre la zététique à témoin, je pense qu’il faut regarder les choses sous l’angle, non pas de la science, mais du droit et de son principe fondamental : ne pas nuire à autrui.
En ce sens, il y une restriction de la liberté d’expression qui est évidente et va de soit : les « mots » condamnables de fait : la calomnie, la diffamation, l’insulte, l’appel au meurtre ou à la violence etc. Ce sont des restrictions de la liberté d’expression qui ont toujours existé et font à peu près consensus. En effet, ce n’est pas la liberté de s’exprimer dans ce cas qui est condamnée, mais la conséquence de l’acte (au sens ou j’agis en m’exprimant) qui va nuire à autrui, de manière directe ou indirecte. Bien sûr, qui dit état de droit dit tribunal, débat contradictoire et jugement, il y a donc une évaluation du préjudice, si cela a été fait dans un certain contexte, public ou privé, était-ce de l’humour (l’ambiguïté qu’utilise par exemple Dieudonné) etc.
En ce qui concerne Madame Boutin, c’est dans ce champ du droit que s’inscrit son stupide « mot » : ce faisant (la parole est aussi un acte) elle stigmatise une catégorie de personnes dont la pratique n’est pas (plus depuis 1982, c’est peut-être ce qui l’embête) répréhensible. Ce n’est pas de la liberté d’expression, c’est de la calomnie ou au mieux de l’insulte.
Le cas de l’abruti fini qui se torche sur le drapeau est un peu différent : lui c’est une insulte non à une catégorie de personnes mais à un symbole fondateur de la république. Plus difficile à attaquer, d’autant que la critique de l’Etat, fût elle aussi « merdique », fait partie des libertés fondamentales (une loi est donc nécessaire a posteriori pour condamner de futurs émules crasseux). Je préfère donc le mépriser et souhaiter secrètement qu’il aura un jour besoin de l’Etat pour lui ou pour ses proches et peut-être changera-t-il d’avis sur la question.
Ce qui fait débat aujourd’hui, c’est la restriction par la loi de la liberté d’expression pour des sujets définis à l’avance. Par exemple : « les chambres à gaz n’ont jamais existé », « la shoah est une invention … », « je suis nostalgique du troisième reich ». En quoi le fait de dire de pareilles imbécilités doit-il être condamné ? Et c’est là que la bât blesse, et peut avoir l’effet inverse : si on m’interdit de dire cela, c’est non pas parce que j’ai tort mais parce que nous sommes pas dans une démocratie, il ya un mensonge public dont je suis la victime, donc je suis un martyr, et cela prouve aussi que l’autorité n’est pas très sûre d’elle même. Si l’on ajoute à cela que ces lois ont été promulguées par un ministre communiste (Jean Claude Gayssot) n’y a t-il pas une volonté claire d’amnistier une partie des crimes contre l’humanité (Staline, Mao, Pol Pot etc.) au détriment d’autres qui seraient pire ? et au nom de quoi ? Bref, théorie du complot etc.
En effet, et là peut-être la zététique peut nous aider : en quoi un ministre et un parlement auraient autorité pour juger de ce qui est vrai ou faux ?
En quoi le fait d’interdire de prononcer certaines paroles est il différent du blasphème d’autrefois ?