Chouard, Résimont Aberkane, etc : Désinformation et complotisme.
Un tableau, relayé par Etienne Chouard, prétend démontrer que plusieurs affirmations jadis qualifiées de « complotistes » se sont révélées « justes ». C’est un exemple typique de rhétorique manipulatoire, fondée sur l’ambiguïté, le révisionnisme et la confusion volontaire entre faits scientifiques nuancés et narratifs conspirationnistes. Voici une analyse point par point, avec sources scientifiques à l’appui.
Méthode générale du tableau
Le dispositif repose sur un faux dilemme binaire : soit une affirmation est fausse (donc « complot »), soit elle est « juste » (donc ceux qu’on traitait de complotistes avaient raison). Mais la réalité est plus complexe. Dans tous les cas listés, les versions complotistes caricaturaient des données scientifiques réelles ou potentielles, mais les détournaient gravement.
1. « Un vacciné peut propager le COVID »
✅ Fait reconnu : oui, un vacciné peut être porteur du virus.
❌ Mais : les vaccins réduisent la charge virale et la durée de contagiosité, surtout dans les premiers mois après injection (Levine-Tiefenbrun et al., 2021 ; Singanayagam et al., 2022).
Le narratif complotiste disait : « les vaccins ne servent à rien ». Ce qui est faux.
Source
- Levine-Tiefenbrun, M., et al. (2021). Decreased SARS-CoV-2 viral load following vaccination. Nature Medicine, 27(5), 790–792. https://doi.org/10.1038/s41591-021-01316-7
- Singanayagam, A., et al. (2022). Community transmission and viral load kinetics of SARS-CoV-2 Delta variant. The Lancet Infectious Diseases, 22(2), 183–195. https://doi.org/10.1016/S1473-3099(21)00648-4
2. « Les vaccinés sont sensibles aux variants et à la réinfection »
✅ Oui, les variants comme Omicron ont réduit l’efficacité vaccinale contre l’infection, mais pas contre les formes graves.
Les complotistes disaient : « le vaccin est inefficace », ce qui est inexact. Il protège durablement contre les hospitalisations et les décès (Andrews et al., 2022).
Source
- Andrews, N., et al. (2022). COVID-19 vaccine effectiveness against Omicron. New England Journal of Medicine, 386(16), 1532–1546. https://doi.org/10.1056/NEJMoa2119451
3. « Les vaccins peuvent provoquer des effets secondaires graves »
✅ Oui, des effets rares existent (myocardites, thromboses avec AstraZeneca).
Les autorités les ont rapidement identifiés et encadrés. Le bénéfice-risque reste très largement en faveur de la vaccination, y compris chez les jeunes adultes (Patone et al., 2022 ; EMA, 2023).
Source
- Patone, M., et al. (2022). Risk of myocarditis following COVID-19 mRNA vaccination. Nature Medicine, 28, 410–422. https://doi.org/10.1038/s41591-021-01630-0
- European Medicines Agency. (2023). COVID-19 vaccines: Safety updates. https://www.ema.europa.eu
4–5. « 3e, 4e dose… tous les 3 mois »
Faux : Aucun pays n’a imposé une vaccination trimestrielle. Les rappels étaient adaptés à l’évolution du virus, en priorité pour les populations à risque.
L’affirmation extrapole abusivement des propositions scientifiques sur la durée de protection. C’est un homme de paille.
6. « Injections pour les jeunes enfants »
✅ Oui, la vaccination a été ouverte aux enfants avec consentement parental, dans des cas à risque, et sur base volontaire.
Les récits complotistes parlaient d’obligation vaccinale généralisée, voire d’expérimentation forcée. Ce n’est jamais arrivé.
7–10. « Camps », « ségrégation », « interdiction de travailler », « accès aux soins refusé »
Mensonges purs. Aucun « camp » n’a existé. Le passe sanitaire n’a jamais interdit l’accès aux soins vitaux. L’obligation vaccinale n’a concerné que certaines professions (soignants, pompiers).
Assimiler des mesures temporaires de santé publique à de la « ségrégation » est une rhétorique de la persécution, typique des discours complotistes (Douglas et al., 2017).
Source
- Douglas, K. M., Sutton, R. M., & Cichocka, A. (2017). The Psychology of Conspiracy Theories. Current Directions in Psychological Science, 26(6), 538-542. https://doi.org/10.1177/0963721417718261
11. « Contrats secrets entre Pfizer et les gouvernements »
✅ Il existe des clauses de confidentialité dans les contrats d’approvisionnement pharmaceutique, ce qui est courant dans ce secteur.
La version complotiste parle de manipulation des États par Big Pharma, ce qui n’est pas prouvé. Ce que la presse sérieuse a révélé, c’est un problème de transparence contractuelle, pas une conspiration mondiale.
⚠️ En résumé :
Ce tableau joue sur la confusion entre prédiction, constat scientifique et accusation délirante. Il récupère des vérités partielles pour valider des récits mensongers exagérés ou infondés. Il ne s’agit pas de reconnaître que « les complotistes avaient raison », mais de dénoncer la manipulation a posteriori des faits, pour réécrire l’histoire au profit d’une posture victimaire.
Ce genre de contenu, simpliste et fallacieux, affaiblit la pensée critique au lieu de la nourrir.
Ca continue
Mais le Dr Résimont, licencié de son poste dans un hôpital bruxellois en raison de ses positions anti-vaccination, en rajoute encore en citant des racoleurs complotistes bien connus comme Idriss Aberkane ou Jean-Dominique Michel.
1 — Décryptage du procédé rhétorique
Le message d’Aberkane repose sur une structure typique de propagande complotiste à usage viral, que l’on peut résumer en quatre mécaniques fondamentales :
1. Amalgame des registres
Le message place sur un pied d’égalité :
- des faits historiques avérés (pas d’armes de destruction massive en Irak),
- des spéculations controversées (l’État profond aurait tué JFK),
- des événements mal compris ou partiellement vrais (masques inutiles),
- des thèses réfutées à plusieurs reprises (chloroquine efficace, ivermectine miraculeuse).
En les plaçant tous dans la même liste, il suggère que si l’un est vrai, tous doivent l’être. C’est un effet de contamination rhétorique, sans aucun lien logique.
2. Révisionnisme narratif
Beaucoup de ces sujets ont été présentés de manière fausse ou manipulatoire dès le départ par les milieux complotistes (Hold-Up, réseaux QAnon, Réinfocovid, etc.). Quand, avec le recul, un élément partiel se vérifie ou se nuance, Aberkane le récupère pour affirmer : « Vous voyez, les complotistes avaient raison depuis le début ».
Mais ce n’est pas le cas. Par exemple dire en 2020 « les vaccinés peuvent transmettre la maladie » alors qu’aucune donnée ne l’attestait à l’époque, ce n’est pas avoir eu raison trop tôt. C’est avoir eu tort prématurément, puis revendiquer a posteriori un aléa comme une prédiction.
3. Effet de surcharge cognitive et d’accumulation
La liste est très longue, volontairement. Elle empêche la vérification individuelle de chaque point par le lecteur. C’est un biais cognitif documenté : plus une liste est fournie, plus le cerveau tend à accorder de crédibilité au tout (Effet de halo, surcharge informationnelle, « gish gallop »).
Cette technique fonctionne comme un rouleau compresseur rhétorique, typique des messages viraux sur les réseaux sociaux.
Source : Schmid, P., & Betsch, C. (2019). Effective strategies for rebutting science denialism. Nature Human Behaviour, 3(9), 931–939. https://doi.org/10.1038/s41562-019-0632-4
4. Identification victimaire inversée
Aberkane ne défend pas des idées, mais une posture : celle du “complotiste persécuté qui avait raison”. Ce discours produit un effet de cohésion communautaire : si vous avez douté du consensus, vous êtes maintenant justifié, vous êtes un “éveillé”, un “résistant”.
Il valorise la posture dissidente non pas parce qu’elle produit des connaissances solides, mais parce qu’elle s’oppose au pouvoir dominant (État, médias, science institutionnelle).
Conclusion
— Ce genre de message est construit pour convaincre rapidement, pas pour démontrer. Il transforme des nuances en slogans, des doutes en certitudes, et des erreurs passées en preuves d’un génie incompris. C’est de la rétrovalidation post-hoc, un biais bien connu.
Ces listes de « on avait bien raison » sont faciles à rédiger et à partager, mais compliquées à débunker (vous connaissez ce phénomène, on l’appelle l’asymétrie de Brandolini). Mais il faut QUAND MËME le faire. Alors voici ma contribution.
Réf. : Lewandowsky, S., Ecker, U. K. H., & Cook, J. (2017). Beyond Misinformation: Understanding and Coping with the “Post-Truth” Era. Journal of Applied Research in Memory and Cognition, 6(4), 353–369. https://doi.org/10.1016/j.jarmac.2017.07.008
Debunkage n°2
Partie 1 — Bloc COVID-19, vaccins, traitements et mesures sanitaires
Regroupons plusieurs affirmations pseudo-validées par Idriss Aberkane, toutes issues de controverses sanitaires liées au COVID-19. Voici une analyse point par point.
✅ « Effets mortels des vaccins : les complotistes avaient raison »
Ce que la science dit. Des effets indésirables graves sont survenus, notamment :
- Myocardites après vaccins à ARNm (surtout chez jeunes hommes)
- Thromboses rares avec AstraZeneca
Mais ces effets sont rares, surveillés, documentés et le bénéfice-risque reste très favorable à la vaccination, en particulier contre les formes graves du COVID.
Rappel : les discours complotistes affirmaient que les vaccins allaient « tuer massivement », « stériliser » ou « modifier l’ADN ». Rien de tout cela n’est fondé.
Sources :
- Patone, M., et al. (2022). Risks of myocarditis, pericarditis, and arrhythmias after COVID-19 vaccination or SARS-CoV-2 infection. Nature Medicine, 28(2), 410–422. https://doi.org/10.1038/s41591-021-01630-0
- Oster, M. E., et al. (2022). Myocarditis Cases After mRNA-Based COVID-19 Vaccination in the US. JAMA, 327(4), 331–340. https://doi.org/10.1001/jama.2021.24110
- WHO. (2022). Global COVID-19 Vaccination Strategy in a Changing World: July 2022 update https://www.who.int/publications/m/item/global-covid-19-vaccination-strategy-in-a-changing-world–july-2022-update
✅ « Non, aucune preuve irréfutable de l’utilité des masques et confinements »
Fausse formulation : la science ne fonctionne pas avec des “preuves irréfutables” mais avec des niveaux de preuve. Or :
- Les masques réduisent bien la transmission du SARS-CoV-2, surtout dans les lieux clos et mal ventilés (Chu et al., 2020 ; Brooks et al., 2021)
- Les confinements stricts ont permis de limiter les pics de contamination et d’éviter la saturation hospitalière (Flaxman et al., 2020), bien que leurs effets varient selon le contexte.
Ce que niaient les complotistes, c’était l’utilité même de ces mesures. Or elles ont été évaluées, discutées, corrigées — ce n’est pas du dogme, c’est de l’ajustement politique en contexte d’incertitude.
Sources :
- Chu, D. K., et al. (2020). Physical distancing, face masks, and eye protection to prevent person-to-person transmission of SARS-CoV-2. The Lancet, 395(10242), 1973–1987. https://doi.org/10.1016/S0140-6736(20)31142-9
- Flaxman, S., et al. (2020). Estimating the effects of non-pharmaceutical interventions on COVID-19 in Europe. Nature, 584, 257–261. https://doi.org/10.1038/s41586-020-2405-7
- Brooks, J. T., et al. (2021). Effectiveness of Mask Wearing to Control Community Spread of SARS-CoV-2. JAMA, 325(10), 998–999. https://doi.org/10.1001/jama.2021.1505
✅ « L’ivermectine n’est pas un vermifuge pour chevaux »
Faux argument de distraction. Non, l’ivermectine n’est pas un produit uniquement vétérinaire. Elle est utilisée en médecine humaine pour des parasitoses (gale, onchocercose). Mais…
En contexte COVID, les données robustes montrent l’absence d’efficacité clinique contre le SARS-CoV-2. Les discours complotistes n’ont pas seulement réclamé des essais, ils ont affirmé que l’ivermectine guérissait, qu’on la censurait, que Big Pharma l’interdisait. C’est faux et dangereux.
Sources :
- Roman, Y., et al. (2021). Ivermectin for the treatment of COVID-19: A systematic review and meta-analysis of randomized controlled trials. Clinical Infectious Diseases, 75(11), e1684–e1692. https://doi.org/10.1093/cid/ciab591
- WHO. (2021). Guideline Therapeutics and COVID-19– Ivermectin. https://www.who.int/docs/default-source/coronaviruse/2021.4-lg-therapeutics-and-covid-19-2021-12-07-en.pdf https://www.who.int/publications/i/item/WHO-2019-nCoV-therapeutics-2021.1
✅ « La chloroquine n’a pas tué 110 000 personnes »
✅ Il est vrai que certains chiffres avancés (comme les 17 000 décès imputés à l’usage de la chloroquine en France) peuvent prêter à débat. Mais il est inexact de dire que cette estimation est infondée.
Les méta-analyses robustes montrent en effet un surrisque de mortalité lié à l’hydroxychloroquine chez les patients COVID hospitalisés. La plus complète d’entre elles (Axfors et al., 2021), incluant 28 essais randomisés, conclut à une augmentation de la mortalité de 11 % par rapport aux soins standards.
Ce sur-risque, rapporté à l’échelle d’un usage massif — comme celui promu précocement par Didier Raoult — permet d’envisager un ordre de grandeur de plusieurs dizaines de milliers de décès évitables, selon les hypothèses retenues.
Cela ne signifie pas que tous ces décès sont certains ou directement imputables à Raoult. Mais il est parfaitement raisonnable, sur la base des données disponibles, de considérer que le recours précipité à un traitement non validé a pu coûter de nombreuses vies.
Sources :
- Axfors, C., Schmitt, A. M., Janiaud, P., Van’t Hooft, J., Abd-Elsalam, S., Abdo, E. F., et al. (2021). Mortality outcomes with hydroxychloroquine and chloroquine in COVID-19 from international collaborative meta-analysis of randomized trials. Nature Communications, 12, 2349. https://doi.org/10.1038/s41467-021-22446-z
- Di Stefano, L., Ogburn, E. L., Ram, M., Scharfstein, D. O., Li, T., Khanal, P., … et al. (2022). Hydroxychloroquine/chloroquine for the treatment of hospitalized patients with COVID‑19: An individual participant data meta‑analysis. PLOS ONE, 17(9), e0273526. https://doi.org/10.1371/journal.pone.0273526
Partie 2 — Bloc « Politique américaine, Biden, Trump, JFK, Fauci, 6 janvier »
Aberkane enchaîne ici des affaires disparates autour de la politique américaine en affirmant toujours que « les complotistes avaient raison » sur tout. Décryptons.
✅ « Sénilité de Biden : les complotistes avaient raison »
Manipulation rhétorique classique : confondre vieillissement, fatigue et diagnostic médical.
Oui, Joe Biden a montré des signes de confusion ou de fatigue. Mais à ce jour, aucun diagnostic officiel de démence ou d’ »incapacité cognitive » n’a été rendu public. Les discours disant qu’il est « inapte » relèvent du commentaire partisan, pas d’un fait établi.
Ce n’est pas une prédiction validée, mais une attaque opportuniste fondée sur des apparences.
✅ « Portable de Hunter Biden : les complotistes avaient raison »
Il est désormais établi que l’ordinateur de Hunter Biden contenait bien des documents réels, notamment des échanges compromettants.
Mais :
- Aucun lien n’a été démontré avec une corruption directe de Joe Biden.
- En 2020, les affirmations relayées par les complotistes parlaient de réseaux pédocriminels et de trahison d’État, ce qui est infondé et diffamatoire.
Encore une fois : le fait qu’un élément partiel soit réel ne valide pas le narratif complotiste dans son ensemble.
Réf.
- Washington Post. (2022, 30 mars). Here’s how The Post analyzed Hunter Biden’s laptop.
- Wikipédia, « Hunter Biden laptop controversy » – https://en.wikipedia.org/wiki/Hunter_Biden_laptop_controversy
✅ « Le FBI a participé au 6 janvier »
Désinformation sans preuve.
Il n’existe aucune preuve sérieuse que le FBI a « organisé » ou « provoqué » l’assaut du Capitole. Des membres d’extrême droite ont tenté d’impliquer des « infiltrés », mais les enquêtes judiciaires et parlementaires ont confirmé la spontanéité radicale de l’émeute, avec organisation interne chez les Proud Boys et Oath Keepers.
Cette rumeur provient de QAnon et d’Alex Jones, sans fondement.
Réf.
- House Select Committee on the January 6th Attack. (2022). Final Report.
- U.S. Department of Justice. (2023). Capitol Breach Cases. https://www.justice.gov/usao-dc/capitol-breach-cases
✅ « Pardons préventifs pour Fauci et le clan Biden »
Cette affirmation est partiellement vraie — mais a été caricaturée.
Le 22 janvier 2025, quelques heures avant la fin de son mandat, le président Biden a effectivement accordé un pardon préventif visant Anthony Fauci, l’ancien chef de la NIAID, ainsi que Mark Milley et les membres du comité d’enquête du 6 janvier. Il s’agissait de les protéger d’éventuelles poursuites politiques, notamment de la part de l’administration entrante, qui avait promis des représailles judiciaires. C’est un fait établi et très documenté.
Ce qui est mensonger, c’est de prétendre que ce pardon constitue une forme de dissimulation criminelle ou de réseau mafieux, alors qu’il s’agit d’un acte présidentiel légal et constitutionnel, régulièrement utilisé à la fin de mandats pour protéger des collaborateurs perçus comme menacés
Refs.
- ABC News. (2025, 20 janvier). Biden preemptively pardons Anthony Fauci, Mark Milley and Jan. 6 committee members. ABC News.
- Politico. (2025, 20 janvier). Biden issues preemptive pardons for Fauci, Milley, Jan. 6 Committee and others.
- Associated Press. (2025, 20 janvier). Biden pardons Fauci, Milley and the Jan. 6 panel. AP News.
- Lawfare Media. (2025, 20 janvier). Biden grants preemptive pardons to Milley, Fauci, and others.
✅ « Jeffrey Epstein : les complotistes avaient raison »
Partiellement vrai.
Oui, Epstein a entretenu des liens avec de nombreuses figures puissantes et a échappé à la justice pendant des années, bénéficiant de protections suspectes (notamment via un accord de non-poursuite en 2008). Son décès en détention reste entouré d’anomalies (vidéosurveillance inactive, etc.).
Cela justifie l’investigation rigoureuse, pas le récit complotiste qui l’intègre dans un réseau mondial sataniste ou dans QAnon.
Réf.
- Kevin G. Hall (2019) Barr cites ‘serious irregularities’ in death of Epstein, vows to go after his associates, Miami Herald https://www.miamiherald.com/news/state/florida/article233785977.html
✅ « Kennedy assassiné par l’État profond : les complotistes avaient raison »
Théorie ancienne mais toujours non prouvée.
Oui, plus de 50 % des Américains croient à une conspiration autour de la mort de JFK. Mais aucune preuve solide n’a jamais été apportée pour impliquer « l’État profond ». Les documents déclassifiés jusqu’en 2023 ne valident aucune implication directe de la CIA.
C’est une croyance populaire, pas une découverte historique.
Réf.
- Shenon, P. (2013). A Cruel and Shocking Act: The Secret History of the Kennedy Assassination.
National Archives. (2023). - JFK Assassination Records Collection. https://www.archives.gov/research/jfk
✅ « Donald Trump n’est pas juste tombé de la scène »
Il est exact que Donald Trump a été la cible d’une tentative d’assassinat le 13 juillet 2024 à Butler (Pennsylvanie), lors d’un meeting. Il a été blessé à l’oreille par une balle tirée par un homme abattu sur place par le Secret Service. Ce n’est pas une rumeur, ni une exagération : l’événement est reconnu par toutes les sources officielles.
Ce qui est faux en revanche, c’est de suggérer que l’événement aurait été « dissimulé » ou minimisé par les autorités. La presse et les institutions ont immédiatement reconnu l’attentat et publié des images et communiqués officiels.
Ce n’est donc pas une victoire du complotisme, mais un fait traité de manière transparente, contrairement à ce que sous-entend Aberkane.
Références :
- Wikipedia. (2024). Tentative d’assassinat de Donald Trump en juillet 2024. https://fr.wikipedia.org/wiki/Tentative_d%27assassinat_de_Donald_Trump_en_juillet_2024
- Reuters. (2024, 16 juillet). We fact-checked some of the rumors spreading online about the Trump assassination attempt https://www.reuters.com/fact-check/misinformation-narratives-fact-checked-wake-trump-assassination-attempt-2024-07-15/
Partie 3 — Ukraine, Russie, guerre et propagande
✅ « Nazisme bandériste en Ukraine : les complotistes avaient raison »
Manipulation historique et amalgame.
Oui, Stepan Bandera fut un collaborateur nationaliste ukrainien allié aux nazis durant la Seconde Guerre mondiale. Oui, certains groupuscules ultranationalistes (comme Azov) en Ukraine s’en sont réclamés dans les années 2010.
Mais :
- Ces groupes sont marginaux au niveau national, très minoritaires dans les élections (Azov a fait 2,15 % en 2019)
- Le gouvernement ukrainien n’est ni nazi ni fasciste, et Zelensky est juif, ce qui rend l’accusation absurde
Parler de « nazisme bandériste » comme justification de l’invasion russe est une propagande d’État, pas un constat objectif.
Réf. :
- Shekhovtsov, A. (2018). Russia and the Western Far Right: Tango Noir. Routledge.
- Umland, A. (2022). How influential is the far right in Ukraine? Atlantic Council.
✅ « Ghost of Kyiv était une intox »
Vrai.
Cette histoire d’un pilote solitaire ukrainien abattant six avions russes a été démentie par l’armée ukrainienne elle-même en mai 2022. Il s’agissait d’un mythe motivant, une légende de guerre.
Cette propagande symbolique, immédiatement reconnue comme telle, n’a pas été démystifiée par la complosphère
Réf. :
- NBC News. (2022, May 1). Ukraine admits the ‘Ghost of Kyiv’ isn’t real, but the myth was potent for a reason. https://www.nbcnews.com/news/world/ukraine-admits-ghost-kyiv-isnt-real-wartime-myth-russia-rcna26867
✅ « Snake Island était une intox »
Partiellement vrai.
La phrase légendaire « Russian warship, go f*** yourself » a bien été prononcée (preuve audio), mais les soldats n’ont pas été tués comme initialement annoncé : ils ont été capturés puis relâchés.
Les complotistes ont-ils dévoilé la vérité dans cette affaire ? Non.
Réf. :
✅ « Non, les Russes n’utilisent pas de vagues humaines »
Faux.
L’ Institute for the Study of War documente que des groupes composés de détenus ou recrues mal formées furent envoyés en première ligne avec un équipement minimal, notamment lors des batailles de Bakhmut et d’Avdiivka (Institute for the Study of War, 2023).
Un rapport de la US Army confirme que ces tactiques visaient à tester les lignes ennemies en envoyant en masse des soldats peu ou pas équipés, causant des pertes élevées.
John Kirby, porte-parole du Conseil national de sécurité américain, a déclaré publiquement que des troupes russes « mal formées et mal équipées » étaient envoyées en masse, parfois sous menace d’exécution s’ils reculaient.
Ce terme est polémique, mais le principe tactique est documenté.
Réf.
- ISW (Institute for the Study of War). (2023). Russian tactics in Bakhmut.
- https://edition.cnn.com/2023/01/30/politics/mercenary-russia-wagner-group-what-matters
- https://www.osw.waw.pl/en/publikacje/osw-commentary/2023-04-28/popasna-to-bakhmut-wagner-group-russia-ukraine-war
✅ « Non, les Russes ne volent pas de puces dans les machines à laver »
Faux dilemme.
Il a été rapporté par plusieurs agences occidentales (dont la Maison-Blanche en 2022) que des composants civils (y compris des puces de machines à laver) ont été retrouvés dans des équipements militaires russes, en raison des sanctions technologiques.
Il ne s’agissait pas de « soldats russes pillant des lave-linges », mais d’un recyclage forcé d’électronique civile par l’industrie de défense russe.
Réf. :
Reuters. (2022, May 11). US says Russia using chips from dishwashers, fridges in military gear.
The Guardian. (2022, August). Russia’s military logistics face collapse under sanctions.
✅ « Non, Poutine n’a pas ordonné la mort de Navalny »
Inversion de la charge de la preuve.
Il est vrai que personne n’a produit une preuve judiciaire directe liant Poutine à l’empoisonnement de Navalny.
Mais :
- Le FSB est directement impliqué dans l’opération (confirmé par Bellingcat, Der Spiegel, CNN)
- Un des agents a avoué par téléphone avoir participé à l’empoisonnement
- Navalny a été persécuté, emprisonné, interdit de soins, et est mort en détention
L’absence de signature de Poutine ne disculpe pas le régime. La complaisance avec un dictateur sanguinaire dont le régime est connu pour corrompre des influenceurs en Occident laisse songeur
Réf. :
- CNN « Russian opposition leader Alexey Navalny dupes spy into revealing how he was poisoned »
https://edition.cnn.com/2020/12/21/europe/russia-navalny-poisoning-underpants-ward - https://www.bellingcat.com/news/uk-and-europe/2021/01/27/navalny-poison-squad-implicated-in-murders-of-three-russian-activists/
✅ « Non, les Russes n’ont pas envoyé le T-70 de Melitopol au front »
Vrai, mais anecdotique.
Cette intox est apparue début 2023 : une vidéo prétendait que l’armée russe utilisait un char musée de la Seconde Guerre mondiale. Les experts ont rapidement prouvé qu’il s’agissait d’un transport local dans une zone occupée, sans usage militaire.
C’est une rumeur de guerre relayée sans vérification. Ce n’est pas une preuve que « tout est faux », ni une victoire du complotisme.
Réf. :
Oryx Blog. (2023). No, Russia isn’t using WW2 tanks in combat.
CONCLUONS
Les messages d’Aberkane, Resimont, Chouard et compagnie procèdent d’une stratégie rhétorique classique du conspirationnisme rétrospectif : dresser une liste hétéroclite d’événements réels, de polémiques non tranchées et de pures inventions, puis en tirer une validation illusoire de l’idéologie complotiste.
Ce procédé repose sur plusieurs ressorts :
- Le millefeuille argumentatif :
En empilant des cas très différents (de l’attentat de Nord Stream aux rumeurs sur Puff Daddy), on crée une illusion de masse critique. Cela sature le jugement, rend difficile la vérification, et fait passer des mensonges au milieu de vérités partielles. - L’amalgame entre anticipation et validation :
Avoir exprimé une suspicion avant qu’une information ne soit confirmée ne signifie pas avoir eu « raison ». Les conspirationnistes évoquent mille scénarios ; l’un finit par se rapprocher des faits. Leur justification repose sur la chance, non sur la méthode. Les astrologues ont pour ainsi dire breveté le procédé. - La réécriture opportuniste du passé :
Certaines affaires (comme celle du laptop de Hunter Biden) sont récupérées a posteriori comme preuves de lucidité, alors qu’elles furent souvent déformées ou instrumentalisées dès le départ, sans lien avec une démarche critique rigoureuse. - L’inversion de la charge de la preuve :
Ce discours présume la véracité des hypothèses complotistes et exige qu’on prouve leur fausseté. C’est une inversion logique qui court-circuite toute démarche scientifique ou journalistique sérieuse. - La captation des frustrations :
En jouant sur des faits parfois mal traités par les médias ou les institutions, ce type de discours capitalise sur les erreurs du camp adverse, sans jamais proposer de solution fiable, cohérente ou fondée.
En somme, nos complotistes en chef ne démontrent pas que « les complotistes avaient raison » ; ils exploitent la complexité du réel pour faire croire que le soupçon systématique est plus fiable que l’expertise, que l’intuition vaut enquête, et que l’hostilité vaut méthode.
Cette rhétorique de revanche ne fait illusion qu’auprès de ceux qui leur accordent déjà un peu de crédit. Peut-être est-il utile de leur faire connaître ce débunkage, car dans l’histoire les cocus ce sont les followers des baratineurs.
C’est très instructif ! Merci. J’aimerais un truc du genre tous les six mois sur tout ce qui a circulé les 5 dernières années pour lesquelles le temps (et le travail) ont éclairci les choses.
Merci beaucoup pour cette synthèse riche en exemples et instructive quant au fonctionnement mental de ceux qui attaquent le réel en priorisant toujours l’improbable au détriment du probable; on espère pour eux que, dans leur vie concrète -sauf à vouloir se gâcher la vie – ils n’utilisent pas cette approche.