La zététique consiste à questionner les raisons pour lesquelles nous pensons que quelque chose est vrai.

Article invité.

La défense de la pensée critique passe souvent par une apologie de la science, de ses accomplissements, de ses mérites, de son importance cruciale pour édifier une démocratie éclairée. Mais c’est au risque d’une idéalisation qui efface les vrais défis que la science doit relever pour être à la hauteur de la mission qui est la sienne. Nous devons exercer un regard critique sur la science et pas seulement sur les faux discours et épistémologies avariées. Encourager nos amis chercheurs & chercheuses à embrasser pleinement les exigences de l’Open Science fait partie des devoirs de la zététique. C’est ce que Nathanael Larigaldie est venu nous dire avec ce billet.

Acermendax

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La zététique et la science

La zététique, depuis ses fondements initiaux jusqu’à la pratique contemporaine, entretient des relations étroites avec les outils scientifiques. Outils qu’elle tend à admirer, promouvoir, et au sein desquels ses principales méthodes sont extraites, afin de les appliquer à l’étude des phénomènes paranormaux en tout premier lieu (lire notamment « Le Paranormal » d’Henri Broch). Avec le temps le champ d’application s’est vu dériver vers une utilisation plus ou moins omnidirectionnelle afin de, comme cela est souvent présenté, pouvoir séparer le bon grain de l’ivraie de ses croyances et connaissances après avoir douté de ses certitudes.

Si les outils scientifiques peuvent assez bien s’appliquer dans les situations où la vérification et l’expérimentation directe sont possibles (c’est-à-dire le plus souvent dans les contextes d’investigation paranormale et de charlatanerie tels que le suggéraient justement Broch et ses premiers disciples), force est de constater que l’application concrète aux sujets plus complexes se limite finalement bien souvent à une injonction à suivre les conclusions des experts scientifiques dès que cela se révèle possible ; en particulier lorsqu’un consensus se dessine parmi ceux-ci.

L’injonction est simple et est pleine de bon sens : quiconque s’intéressant de près à un sujet de façon rigoureuse doit y dépenser énormément de temps, d’argent, accompagnés de longs apprentissages bien souvent pénibles de méthodes spécifiques et pointues. En somme, tout comme quasi-personne ne construit sa voiture en partant d’une clé à molettes et de bouts de taules dans son garage étant donné la colossalité de la tâche et achèterait plutôt sa voiture auprès d’une entreprise, il est pertinent pour quiconque d’utiliser la centralisation et spécialisation d’autrui comme base de connaissance prioritaire pour se former une opinion.

L’argument fait d’autant plus sens que, puisque les méthodes zététiques ont vocation à être empruntées à la science, le zététicien s’assure ainsi que les individus auxquels il accorde sa confiance pour étudier le monde à sa place utilisent des méthodes qu’il juge lui-même pertinentes pour l’étudier. À un certain degré, le scientifique pourrait être vu comme un zététicien ayant le temps, l’argent, le réseau et les incitations nécessaires pour étudier spécifiquement et dans le détail une quantité restreinte de domaines. Ou l’inverse, si l’on préfère cette lecture renversée : un zététicien serait finalement un scientifique amateur n’ayant généralement pas le temps ou les moyens d’étudier certaines (ou toutes) les méthodes complexes que la science utilise pour étudier le réel avec rigueur. En ce sens, la confiance par défaut accordée par la zététique à la science est une heuristique non seulement pertinente, mais également cohérente avec ses propres principes épistémologiques et sa vision proposée du monde.

Il n’y a pas loin à chercher pour observer ces parallèles entre la pratique scientifique et celle de la zététique. L’appel immédiat aux sources face aux affirmations sur les réseaux sociaux (que je surnomme parfois le « source bro? » pour faire un parallèle humoristique avec le plus répandu « source: trust me bro ») est une bonne illustration : les affirmations dans les publications scientifiques sont en général accompagnées d’une source afin de pouvoir juger de sa pertinence/crédibilité. Le fondement et la justification sont les mêmes (bien que l’utilisation de facto puisse être parfois sévèrement critiquée, dans un cas comme dans l’autre d’ailleurs).

Si vous estimez que ce qui est argumenté jusqu’alors est globalement vrai, alors vous devriez également être d’accord avec cette proposition : si la production scientifique ne suit en fait pas les préceptes que la zététique estiment être indispensables pour la création d’un savoir solide et rigoureux, alors l’heuristique de confiance par défaut envers la science ne fonctionne plus. Elle ne consisterait plus, en l’état, qu’à accorder une confiance disproportionnée à des individus ne respectant qu’à leur bon vouloir des principes épistémologiques et éthiques pourtant considérés comme indispensables pour la poursuite de l’étude du monde. En gros, conseiller de croire sur parole des gens dont l’argument central est un « trust me bro, j’ai un diplôme » déguisé. Ce qui serait contradictoire avec une idée un minimum rigoureuse d’esprit critique.

Non : lorsque la zététique conseille d’écouter la science, elle le fait en partant de la supposition que le système scientifique est au moins majoritairement un système basé sur de la rigueur intellectuelle, et non sur une chaîne de gens se faisant tous confiance sans vérifier les affirmations des collègues. Et que donc, par exemple, virtuellement aucun scientifique ne pourrait décemment écrire un papier prétendant avoir trouvé un effet statistique dans ses données sans que, quelque part dans le long et laborieux processus de collecte, analyse, écriture et publication des résultats, ses collègues directs et éloignés ne lui aient simplement demandé « source bro? ».

Et il se trouve, justement, que cela fait bien longtemps que toute une branche de la communauté scientifique tire une sonnette d’alarme qui ne retentit hélas que chez peu de gens : cette supposition est fausse bien, bien plus souvent qu’on le suspecte. Contrairement aux idées reçues, et attendez-vous à une intense déception si vous l’ignoriez avant, les données de l’extrême majorité des papiers scientifiques publiés ne sont jamais ni publiées, ni rendues accessibles aux autres chercheurs, même pendant la revue par les pairs, même lorsque cela est pourtant censément obligatoire pour certaines revues scientifiques, même lorsque d’autres scientifiques les demandent. Et là où la boucle du manquement de rigueur se boucle, c’est qu’il n’existe virtuellement aucune université au monde qui n’effectue le moindre contrôle pour vérifier l’intégrité de la collecte de données.

Je vais prendre un exemple. Imaginez un chercheur qui fait passer des questionnaires en ligne pour vérifier le lien entre partage de désinformation et orientation politique (exemple pris au hasard). Ce dernier rapporte un lien statistique entre certaines orientations et le partage de désinformation dans un article scientifique, publié dans une revue académique. Le plus souvent dans le fonctionnement scientifique contemporain, aucun individu au monde autre que l’analyste (et parfois certains de ses co-auteurs, mais c’est loin d’être une généralité) ne posera les yeux sur les données récoltées. Personne ne vérifiera jamais l’intégrité des données à une quelconque étape, et le plus souvent, même chose pour les analyses statistiques. Essentiellement, ce chercheur dit à l’intégralité de la communauté scientifique : « source: trust me bro ».

Si vous avez du mal à croire que ceci puisse arriver facilement, je vous invite à vous renseigner sur l’affaire entourant Francesca Gino (j’y ai notamment dédié un article de blog et un thread Twitter :

https://academia.hypotheses.org/51806  ;
https://twitter.com/NathLarigaldie/status/1687448236708057088.

Cette affaire montre notamment comment l’une des professeurs les plus reconnues de Harvard a très certainement falsifié une bonne partie de sa carrière grâce au fait que même ses très nombreux co-auteurs n’ont jamais vérifié, dans plusieurs papiers de recherche publiés dans d’excellentes revues, si elle effectuait son travail correctement. À titre personnel, je peux témoigner du cas récent d’un papier de recherche dont l’intégralité des analyses statistiques a été réalisée par un assistant de recherche, pré-PhD, ayant appris à faire ces analyses sur le tas alors qu’il n’avait aucune connaissance préalable sur le sujet. Ces analyses n’ont jamais été vérifiées par quiconque, le papier est à présent publié dans une revue bien réputée (entre autres sous le nom de l’un des chercheurs les plus réputés du labo de recherche où elle a été effectuée et du vice-recteur d’une autre université), et faisait partie d’un très gros projet prestigieux financé par les institutions européennes. Cette étude a bénéficié d’une communication de masse dans les médias, et a également été présentée dans des conférences et présentations destinées à informer les futures politiques européennes. Dans le cas de ce papier, le seul individu au monde ayant un jour approché l’analyse statistique sur laquelle repose l’intégralité des conclusions du papier est donc un assistant de recherche qui n’a travaillé dans ce labo que pendant 6 mois avant de quitter le monde académique (et en est d’ailleurs sorti dégoûté par le manque de rigueur). Absolument aucun lecteur de l’article se contentant de faire confiance au process scientifique n’a de moyen de savoir que les points majeurs de l’article réclamant les compétences les plus pointues ont été confiés à un junior, sans vérification de la qualité de son travail par ses seniors. Ce papier, sorti il y a moins d’un an, comptabilise déjà plusieurs dizaines de citations. Je ne pense pas que quiconque ait ce genre de processus en tête lorsqu’il imagine la « rigueur scientifique ».

Demandez-vous : en tant que zététicien, croiriez-vous les conclusions d’un individu sur Twitter disant « j’ai récolté des données que j’ai analysées, mais je ne vous donnerai accès ni aux données ni aux analyses, et ce même si vous êtes, vous aussi, expert du domaine en question. Je vais juste vous les décrire. Et ma conclusion sur le sujet dont nous parlons est […] » ? Bien sûr que non, pas en se revendiquant de l’esprit critique. La seule raison pour laquelle nous acceptons les articles scientifiques comme faisant preuve d’un plus grand degré de fiabilité est que nous imaginons qu’il est absolument évident que le processus scientifique implémente quelque chose, n’importe quoi, pour éviter de devoir juste compter sur ce genre de confiance aveugle. Face à cette affirmation, un zététicien devrait normalement réclamer qu’on lui apporte une preuve que le système fonctionne correctement et tel qu’il l’attend. Et ça tombe bien, puisqu’il existe un champ de recherche (la métascience) qui étudie ce genre de choses. Ce qui tombe vachement moins bien, c’est que quand on vérifie, on se rend en fait compte que nous avons seulement fait appel à ce qui nous semble être du sens commun qui ne se vérifie pas dans la réalité.[1]

Ainsi, pour continuer sur la lancée de l’opacité des données, une analyse (Hardwicke et al., 2021) menée entre autres par Tom Hardwicke et John Ioannidis (le même Ioannidis que le fameux « Why most published research findings are false ») montre qu’en psychologie, sur un échantillon d’études prises au hasard entre 2014 et 2017, seulement 2% partagent les données brutes récoltées dans l’étude, et 1% partagent le code des analyses statistiques réalisées.

Bien que ça y ressemble furieusement, je vous assure que ce n’est pas un cauchemar. En psychologie, et un constat similaire émerge progressivement dans les autres disciplines, 99% des études rapportent bel et bien des statistiques en disant « on a fait telle et telle analyse, et ça a donné tel et tel résultat. Voilà, croyez-nous sur parole quand on vous dit qu’on l’a vraiment fait, et qu’on a fait ça sans erreur ». Et ça va plus loin, puisque Hardwicke et Ioannidis ont également réalisé la cascade suivante : prendre les 111 études en psychologie et psychiatrie les plus citées entre 2006 et 2016, et demander aux auteurs d’avoir accès à leurs données lorsqu’elles n’étaient pas fournies. Ils ont ainsi pu récolter les données pour 14% des articles (Hardwicke & Ioannidis, 2018).

Hardwicke et Ioannidis sont des collègues chercheurs, reconnus de surcroît. Cette étude martèle le terrible constat qu’il est urgent de véhiculer au plus vite : même lorsque des collègues chercheurs demandent « Pardon, mais est-ce qu’on peut jeter un œil à vos données pour vérifier ? », soit une forme parfaitement saine de « source bro? » en plein cœur d’une science censée être rigoureuse et autocorrective, dans 86% des cas les données ne seront jamais transmises à quiconque. Les raisons sont multiples : refus sans explication, « les données ont été perdues », « le chercheur responsable de la gestion des données est décédé et personne d’autre ne les a », etc, etc… De la science sérieuse bien comme on l’aime, donc.

Un zététicien, et même tout citoyen un minimum à cheval sur la rigueur intellectuelle refuserait sans doute catégoriquement la conclusion d’une personne disant lors d’une discussion qu’il a des données et qu’il a fait des analyses qui lui donnent raison, promis juré craché, mais qu’il a laissées dans son autre pantalon. Il militerait même probablement activement auprès du grand public pour ne jamais accepter ni produire une argumentation aussi faible. Au nom de quel principe méthodologique devrions-nous donc accepter ceci de la part de gens sous prétexte qu’ils font partie d’une institution alors même que cette institution ne fait aucun effort pour garantir l’intégrité du processus de récolte de données ?

De mon côté, je me revendique comme faisant partie d’une sous-communauté grandissante au sein de la science qui estime que les principes de transparence et de responsabilité sont bel et bien censés également être vrais dans le milieu scientifique. Communauté dont la devise progressivement adoptée ces dernières années est « Nullius In Verba », ce qui se traduirait globalement par « ne croire personne sur parole ». Sous bien des égards (que je ne peux malheureusement tous développer ici, sous peine d’écrire un livre plutôt qu’un billet de blog), elle est le penchant purement scientifique du scepticisme. J’ai nommé : l’Open Science.

L’Open Science

J’ai remarqué dernièrement que pour beaucoup, il y a une assimilation quasi-totale de l’Open Science à l’Open Access, comme si la caractéristique principale de l’Open Science était l’ouverture des articles scientifiques au grand public sans avoir à payer la revue scientifique. En réalité, l’Open Science se propose comme l’intégration d’une constellation d’outils, de pratiques et de standards pour améliorer (entre autres) la transparence et la fiabilité de la démarche scientifique. En définitive, l’Open Access n’est qu’une seule de ces nombreuses facettes, et celle-ci n’est pas considérée comme la plus essentielle par la plupart des promoteurs de l’Open Science.

Ainsi, pour prendre quelques exemples rapides, les open scientists considèrent-ils que l’erreur est humaine, et que se tromper arrive à tout le monde. Conséquemment (et pour bien d’autres raisons encore), ils élèvent au rang de standard le fait de fournir les données et le code des analyses statistiques pour permettre à d’autres de vérifier s’ils n’ont pas fait d’erreur. Comme ils estiment également que la réplication est importante pour valider la solidité des conclusions, ils fournissent également tout le matériel de leurs études afin de pouvoir les reproduire telle quelles sans faire perdre son temps à tout le monde.

Cela vous semble être un principe scientifique de base et vous imaginiez que c’est comme ça que la science fonctionne en général sans avoir besoin que ne se fonde un mouvement interne qui essaie de se faire entendre tant bien que mal ? Vous n’êtes pas le seul. Tous les scientifiques à cheval sur la rigueur que je connais ont eu la même désillusion en démarrant leur carrière de recherche. Et pourtant, la communauté Open Science est encore minoritaire au sein du fonctionnement scientifique, malgré des décennies de recherche sur les problèmes mentionnés plus haut, et malgré les plaidoyers d’organisations nationales et internationales à l’adoption des principes souvent évidents qu’elle défend (e.g. premier lien, deuxième lien, troisième lien).

De nombreux scientifiques gravitent autour des communautés sceptiques, parfois en tant qu’invités d’émissions, ou qui parfois eux-mêmes font des études et/ou interventions publiques mentionnant l’existence du biais de confirmation, et que personne n’en est à l’abri. Or, même au sein de cette orbite, le préenregistrement d’études est toujours marginal alors que cet outil est spécifiquement conçu pour réduire significativement le biais de confirmation des scientifiques lors de leurs études (Nosek et al., 2018). Similairement, aucun de ces scientifiques ne niera qu’il est facile de se tromper. Et pourtant, presque aucun ne fournit ni ses données originales, ni son code complet, pour pouvoir vérifier ses travaux. Comment justifier correctement que les scientifiques proches du mouvement sceptique ne soient pas instantanément les meilleurs élèves sur la transparence et la rigueur de leurs travaux ? Doit-on accepter les scientifiques qui disent au peuple qu’il faut avoir de l’esprit critique et qu’il faut vérifier les informations, mais ne permettent pas à leurs collègues experts de vérifier leurs informations à eux ? En tant que scientifique et sceptique, nous portons en nous la responsabilité de crier haut et encore plus fort que les autres « Nullius in Verba », nous compris. J’enjoins le reste des scientifiques n’était pas encore 100% Open Science à emboîter le pas de ceux qui l’ont déjà fait sans plus attendre (et à me contacter s’ils ont besoin de la moindre aide pour démarrer !).

Du côté non-scientifique, il est à présent indispensable de commencer à réclamer des scientifiques qu’ils suivent ces pratiques pour que nous prenions en compte leurs études et leur avis, et de systématiquement demander pourquoi ils ne le font pas le cas échéant. Après des années de pratique scientifique, je peux vous assurer qu’il n’existe aucune justification véritablement satisfaisante pour expliquer l’absence combinée de données, code, matériel et de préenregistrement dans la quasi-totalité des études expérimentales. Dans la majorité des cas, la réponse ne sera rien de plus que « nous n’avons pas eu le temps de le faire », « nous avons oublié », ou « nous ne savions pas ». Je fais semblant de laisser le lecteur seul juge d’estimer la crédibilité à accorder à une étude dont l’investigateur admet ouvertement qu’il a pris des raccourcis dans sa méthode dans l’objectif de publier ses conclusions plus vite afin de favoriser sa carrière ou son influence politique plutôt que la rigueur, qui oublie d’utiliser des outils méthodologiques pourtant faits pour assurer la fiabilité de ses résultats, ou qui ignore leur existence. Ceci devrait suffire à convaincre n’importe quelle personne estimant que la rigueur est indispensable à la crédibilité, du bien-fondé assez clair de la démarche que je propose.[2]

Tout comme nous ne partagerions pas l’avis d’un individu sur Twitter disant « j’te jure, j’ai fait des analyses et j’ai raison, t’as pas besoin de vérifier quoique ce soit ! », cessons de faire la promotion d’études qui ne fournissent ni leurs données, ni leurs analyses, ni le matériel de reproduction, et n’ont pas été pré-enregistrées lorsque cela était réalisable. Surtout lorsque l’on vient d’insister auprès de nos interlocuteurs que la science fonctionne grâce à la réduction du biais de confirmation (très contestable si pas de pré-enregistrement), de la réplicabilité (très contestable si pas de matériel de reproduction) et de la possibilité de vérifier les erreurs (très contestable si ni données ni analyses). Ce sont des critères simples à suivre et à vérifier, des heuristiques qui ne sont pas nécessairement plus compliquées à implémenter que ce qu’un tuto de Defakator pourrait publier sur Youtube.

Je pense avoir montré, au moins partiellement, qu’un zététicien ne réclamant pas que les études auxquelles il se fie suivent les principes de l’Open Science dès que cela est possible trompe en réalité ses propres principes initiaux et se retrouve dans une posture incohérente : il réclame en effet d’inconnus sur internet lors  de discussions publiques un standard de rigueur comparativement supérieur à celui qu’il réclame pourtant à ceux qui lui procurent du savoir, et qui influencent les décisions politiques et  technologiques sous le prétexte que la personne qui a émis la conclusion détient une fiabilité décernée par la détention d’un grade académique ou un emploi salarié dans un centre de recherche. Soyons meilleurs que ça, et réclamons plus des institutions qui viennent ensuite expliquer aux citoyens et aux responsables politiques ce que nous sommes censés penser.

Si vous êtes sages, je tâcherai de développer avant longtemps bien plus d’exemples démontrant l’absolue nécessité de l’Open Science tant dans la production que dans l’évaluation de la science contemporaine. Parce que, trust me bro, je n’ai malheureusement fait ici qu’effleurer la pointe de l’iceberg.

 

Nathanael Larigaldie, PhD

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[1] Notez que les sources que je vais prendre ici, qui sont des plus alarmantes, concernent majoritairement la psychologie. Mais les tendances actuelles montrent que le problème est également présent entre autres en biologie et en médecine. La raison principale pour laquelle la psychologie a toujours le plus de données disponibles concernant ces échecs n’aurait pas pour cause, contrairement à la croyance populaire, que la psychologie dysfonctionne particulièrement plus que le reste. Ce serait plutôt parce que les psychologues acceptent plus facilement la critique de leur discipline, et que l’information est beaucoup moins difficile à faire circuler parce qu’elle est moins alarmante pour le grand public. Mais les initiatives cherchant à évaluer la réplicabilité des études en biologie du cancer, par exemple, y montrent un état absolument calamiteux encore bien pire que celui de la psychologie sociale (e.g. Errington et al., 2021). Ouille.

[2] Note importante : Un passe-droit est à accorder aux études anciennes, pour lesquelles les outils et les formations n’étaient pas encore si facilement disponibles pour l’Open Science. Je place personnellement cette limite arbitrairement à partir de ~2010-2015. Ce qui est certain, c’est qu’il n’est plus excusable pour une étude expérimentale sortant en 2023 de ne présenter ni préenregistrement, ni code, ni données brutes, ni matériel dédié à la reproduction (dans les situations où cela s’applique bien évidemment). Une étude publiée de cette manière devrait dorénavant immédiatement provoquer une dose importante de suspicion quant à son sérieux et sa pertinence au sein de la littérature scientifique

Article invité

Cet article fait suite au premier billet Neurosciences, le nouvel eldorado des coachs en bullshit publié en mai 2023.

Dans la première partie de cette enquête (disponible ici [1]), j’avais mis en lumière différents points quant à l’aspect scientifique que revêtait un “institut des neurosciences appliquées” qui forme des coachs dirigé par David Lefrançois, docteur et chercheur en neurosciences, selon ses dires.

Près de trois mois se sont écoulés et des doutes naissant parmi ses coachs, David Lefrançois a décidé de réagir en réalisant une vidéo de quarante minutes à destination de ces derniers [2]. Il leur montre son diplôme de doctorat et met à leur disposition son mémoire de thèse ainsi qu’un second mémoire, pour garder leur confiance.

Ces documents sont-ils authentiques et cohérents, ou David Lefrançois est-il allé jusqu’à fabriquer de faux documents universitaires pour continuer de se présenter comme docteur dans le milieu du coaching francophone ? A l’heure de la publication de ce billet, ces documents ont déjà disparu de la plateforme où le formateur de coachs les avait publiés pour ses clients mais leur analyse constitue un exercice intéressant et révélateur d’une imposture flagrante.

Sa vidéo, non exempte de quelques attaques personnelles à mon encontre, regorge de détails discutables sur lesquels je ne reviendrai pas dans ce billet, il y présente par exemple un document attestant de son intervention dans un M2 de l’université Paris Sud de 2016 à 2018. Pourtant c’est en 2021, trois ans après ces interventions donc, qu’à l’affirmation “Et tu enseignes également à l’Université Paris-Sud.”, il répondait au présent de l’indicatif: “C’est ça, exactement. Et je suis docteur en neurosciences.”[3].

Enquête, partie 2.

Un diplôme de doctorat … curieux.

Au sein de cette vidéo, David Lefrançois fait donc le choix de présenter son diplôme de doctorat qu’il prétend avoir obtenu en Ukraine. Il le présente en ces mots à sa communauté:

« C’est un diplôme très particulier, on a une petite fiche en or ici, c’est très important, il est numéroté et ce document est directement apostillé par l’état. D’accord ?[…] c’est pas vraiment le genre de documents qu’on peut copier. »

Image extraite de la vidéo où David Lefrançois présente son diplôme [2]

Sur ce diplôme, on distingue qu’il s’agit bien d’un doctorat en sciences (“Доктор наук” en ukrainien), et ce point sera crucial pour la suite, puis on y lit son nom et son prénom écrits en ukrainien et le numéro de ce diplôme (“ДД N°002075”, ДД pour Diplôme de Doctorat).

Et là, premier problème : ce diplôme date de mai 2008, or sur le site de Coach-Up Institut, le premier institut de coaching de David Lefrançois, il s’est prétendu expert en neurosciences à partir de janvier 2007 [4]. Curieux d’être expert avant d’être docteur, non ?

Évolution de la présentation de David entre juin 2006 et janvier 2007 [4]

Autre problème, le système ukrainien délivre deux niveaux de doctorat [5]: le diplôme de candidat ès sciences (“кандидат наук” en ukrainien) [6], qui correspond à un niveau Bac+8, au PhD, au doctorat français et qui s’obtient -en Ukraine- avec en général cinq publications en revue à comité de lecture nationale ou internationale. Et le second niveau, celui de docteur ès sciences (“доктор наук” en ukrainien) [7],  qui s’obtient en général dix ans après le diplôme de candidat et qui correspond en France à l’habilitation à diriger de la recherche (HDR) pour aller vers les postes de professeur titulaire. Et c’est ce second diplôme que David Lefrançois présente à ses coachs comme un diplôme de doctorat alors qu’il s’agit en réalité du plus haut diplôme universitaire d’Ukraine que seuls un quart des candidats parviennent à obtenir. Or dans une interview publiée cette année [8], il affirmait poursuivre en Ukraine un deuxième doctorat avant la guerre. Il est pourtant déjà titulaire du deuxième doctorat ukrainien en présentant ce diplôme -s’il est authentique-…

Je me suis alors concentré sur la manière dont il présentait ce diplôme : un diplôme avec hologramme, numéroté, apostillé impossible à copier. Si je devais montrer mon diplôme d’ingénieur, j’expliquerais la mention dans laquelle je l’ai obtenu, je parlerais de mon école, mais jamais il ne me viendrait l’idée de présenter ses sécurités que je ne connais même pas, et encore moins de préciser que ce n’est pas un faux. Alors ce propos m’a mis sur une piste. En effet, la page Wikipédia sur le système académique ukrainien [5] fait mention de la corruption assez importante dans le milieu universitaire, j’ai alors recherché naïvement comment acheter un diplôme de doctorat ukrainien, et je suis tombé sur ce site [9]:

Site de vente de diplômes ukrainiens [9]

Site qui vous propose à l’achat un diplôme de doctorat des années 2000 à 2023, et qui vous recommande avant d’acheter un tel diplôme, de prévenir vos proches que vous êtes docteur (ce qui je l’admets, est plutôt un bon conseil). Site qui vous vend, un diplôme authentifié par l’état ukrainien. Alors j’ai contacté ce faussaire, et dès son premier message, il me propose un diplôme avec les hologrammes officiels pour 1200 dollars, et en option l’apostille et le certificat d’authenticité du consulat pour la modique somme de 600 dollars.

Fin du message envoyé par le faussaire via Whatsapp

 Et c’est curieux: l’hologramme officiel, l’apostille, le certificat d’authenticité, comme une impression d’avoir déjà entendu cela. De plus, en revenant sur le site du faussaire, curieux hasard ou simple coïncidence, la photo du diplôme vierge qu’il propose de personnaliser porte exactement le même numéro de diplôme que le diplôme que présente David Lefrançois.

Photo du faussaire [9] vs diplôme présenté par DLF [2]

En plus de ce diplôme plein de coïncidences, le coach a mis à disposition de ses formés deux mémoires, un mémoire de thèse, ainsi qu’un autre mémoire sans précisions. Regardons maintenant cela de plus près.

Un mémoire de thèse … plagié ?

Cette section a été rédigée grâce au travail drastique d’un coach formé par David Lefrançois ayant un background universitaire. Je remercie cette personne qui a souhaité garder l’anonymat.

Dans le mémoire partagé par David Lefrançois [10], de nombreux éléments alertent d’emblée. Rien que le titre et sa syntaxe semblent curieux pour le mémoire du plus haut niveau académique d’un pays:

Photo de la première page du “mémoire” [10]

 Aucune université précisée, aucun encadrant, aucun membre de jury, et un mémoire d’une centaine de pages hors annexes une fois les pages blanches retirées. Une numérotation incohérente entre l’index et les pages réelles, une pagination à géométrie variable, la forme intrigue pour un mémoire représentant en Ukraine le travail d’une dizaine d’années dans la recherche, si imposant que les relecteurs en réalisent habituellement un résumé de 40 à 50 pages avant la soutenance [7].

 Autre élément, la bibliographie intitulée “Liste des sources utilisées”, censée se trouver en page 157 selon l’index, mais se trouvant en réalité en page 136 pourtant numérotée 95, intrigue. En effet, elle comprend 112 références classées par ordre alphabétique. Mais à partir de la référence 49, l’alphabet recommence, comme si deux bibliographies avaient été assemblées. De plus, la référence 70 est un article scientifique de 2016. Pour une thèse obtenue en 2008, c’est l’illustration d’un sacré don de voyance.

Intéressons-nous maintenant au contenu. Dès l’introduction, des répétitions et erreurs alertent comme “des activités […] professionnelles et professionnelles”, ou encore les verbes “Décriver” et “Découvrer” qui rejoignent les verbes du premier groupe, visiblement. Une mauvaise traduction de travaux ukrainiens qui va nous permettre de remonter aux originaux.

à gauche le « doctorat » de DLF [10], à droite la traduction de [11]

En effet, une partie de la thèse présentée comme la sienne par David Lefrançois est en réalité le travail de thèse de candidat ès sciences de Oleg Vitallievich Grechetsky [11] en sciences de l’éducation physique en 2019 à l’université de Lviv. Pourtant cette référence n’est pas citée dans la bibliographie alors qu’on parle tout de même d’un emprunt d’au moins dix pages identifiées comme étant un strict copier-coller mot pour mot. Même les figures ont été plagiées ou reproduites.

à gauche le « doctorat » de DLF [10], à droite la traduction de [11]

 Mais il s’est aussi grandement inspiré, et ce pour près de 25 pages de contenu et 22 pages d’annexes, mot pour mot, du mémoire de master de Trachuk Vitaly Vladimirovich présenté en 2019 à l’Université de Ternopil [12].

à gauche le « doctorat » de DLF [10], à droite la traduction de [12]

à gauche le « doctorat » de DLF [10], à droite la traduction de [12]

 En ce qui concerne le second mémoire partagé par David Lefrançois à ses coachs [13], sans suspense, il s’agit au moins partiellement d’un plagiat mot à mot d’un article du blog de Mikhail Litvak [14] pour au moins 2 pages, d’un second article du même auteur [15] pour au moins 7 pages et du mémoire de Agata Safaryan [16] pour au moins 11 pages.

à gauche le mémoire de DLF [13], à droite la traduction de [15]

à gauche le mémoire de DLF [13], à droite la traduction de [16]

Il se trouve que (comme surligné en rose) l’auteur de [14] et [15] fait référence sur son blog à l’un de ses ouvrages personnels “Si tu veux être heureux” de 1995. Même cette référence n’a pas été retirée du mémoire, une relecture de ce plagiat aurait peut-être été la moindre des choses.

Alors… docteur ou menteur ?

À ce stade et avec tant d’éléments, difficile de conclure autrement : David Lefrançois a fabriqué un faux mémoire de thèse pour convaincre son public qui doutait qu’il était docteur. Il y a joint un mémoire sur la psychologie du vampirisme lui aussi au moins en partie plagié.

Les coachs qui ont suivi ou suivent ses enseignements ne sont pas à blâmer dans cette histoire. Faire confiance à quelqu’un qui se dit docteur, scientifique ou chercheur n’est pas anormal : qui a déjà demandé à son médecin ses diplômes et son mémoire de thèse ? Ce qui est raisonnable, c’est de se questionner lorsqu’un doute apparaît. Et fort heureusement, on rencontre rarement ce genre de cas d’études et pour éviter qu’ils se multiplient et entachent la réputation de tout un milieu, la seule solution est probablement de vulgariser la science et de dénoncer les usurpations.

 

Gautier Corgne

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Cet article existe en version Vidéo sur YouTube

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Sources:

[1] https://menace-theoriste.fr/neurosciences-le-nouvel-eldorado-des-coachs-en-bullshit/

[2] https://vimeo.com/871559850

[3] https://www.coaching-personnel.fr/podcast-oser-ma-vie/articles/oser-ma-vie-avec-david-lefrancois

[4] https://web.archive.org/web/20070104010449/http://www.coachup-institut.com:80/societe/equipe.htm

[5] https://fr.wikipedia.org/wiki/Syst%C3%A8me_%C3%A9ducatif_en_Ukraine

[6] https://fr.wikipedia.org/wiki/Candidat_%C3%A8s_sciences

[7] https://fr.wikipedia.org/wiki/Docteur_%C3%A8s_sciences_(ex-Union_sovi%C3%A9tique)

[8] https://www.youtube.com/watch?v=azW_0sLhrA0

[9] https://kupit-diplom-attestat.com/en/diplomas/buy-doctoral-diploma/

(ATTENTION, la possession d’un faux est répréhensible et je déconseille la consultation et l’usage de ce site)

[10] https://drive.google.com/file/d/1c2Graedb2OICn4_qQ1DjciZo7X0rQ545/view

[11] https://repository.ldufk.edu.ua/bitstream/34606048/21022/1/%D0%93%D1%80%…

[12] https://elartu.tntu.edu.ua/bitstream/lib/29707/6/dyplom_Trachuk.pdf

[13] https://drive.google.com/file/d/15U7WU27AUDfqoHauVS8grqijYHotzeC3/view

[14] http://litvak.me/statyi/article_post/istoki-psikhologicheskogo-vampirizma

[15] http://litvak.me/statyi/article_post/mify-sovremennoy-zhizni

[16] https://artsakhlib.am/wp-content/uploads/2020/05/Агата-Сафарян-Анималистическая-репрезентация-архетипа-“Вампир”-в-романе-Б.Стокера-“Дракула”.pdf

Article invité

 

Ce texte m’a été transmis par ses trois auteurs, inquiets d’entendre régulièrement de fausses informations diffusées dans l’émission ‘“La chronique de Caroline Goldman”. Deux d’entre eux acceptent de donner une identité : Morgane, étudiante en médecine et Elsa Persant, étudiante en sciences politiques.

 

Acermendax

Nota bene : Vous pouvez visiter le site de la médiatrice de radio France .

 

Cher France Inter, Chère Médiatrice

 

Après écoute de “La chronique de Caroline Goldman”, (sur le TDAH et la dysphorie de genre) nous nous inquiétons de la diffusion d’informations non scientifiques et dangereuses sur ces sujets. Nous souhaitons rappeler que la psychanalyse n’est pas une science et enjoignons France Inter à faire appel à des scientifiques professionnels pour traiter de ces sujets complexes et importants.

Concernant le TDAH, Mme Goldman décrit un risque de surdiagnostic, alors même que la Haute Autorité de Santé (autorité publique indépendante à caractère scientifique) rapporte en 2021 un “retard important dans le repérage, le diagnostic et la prise en charge efficace de ce trouble” causé par une formation insuffisante des professionnels de santé [1]. De plus, l’utilisation de la méthylphénidate (molécule de la Ritaline) a été confirmée en 2019 par la HAS. Son utilisation est lourdement encadrée, et intervient dans le cadre d’une thérapie globale [2]. Une méta analyse assure également qu’il n’y a pas d’impact sur l’alimentation au long terme [3]

S’il est légitime de s’inquiéter du manque de moyen de la profession et de l’augmentation de médicaments chez l’enfants, cela ne devrait pas se faire au détriment d’une prise en charge adaptée pour les personnes ayant un TDAH [4].

 

Le 10 août, Mme Goldman partage dans sa chronique l’hypothèse du Dr Flavigny que la transidentité serait due au “fantasme d’un enfant d’avoir déçu ses parents”. Cette affirmation ne semble pas être soutenue par la communauté scientifique. La confiance qu’on peut accorder au Dr Flavigny sur la qualité de sa démarche académique doit s’évaluer au jour de ses positions sur divers sujets (comme l’inceste [5]). Le reste de la thèse ne semble donc pas reposer sur une base solide et entre de plus en contradiction avec les études contemporaines qui reconnaissent l’efficacité des thérapies de réassignement de genre [6].

Ce discours sous-estime la capacité des personnes trans à se connaître dans leur identité de genre. En plus d’être peu étayé scientifiquement, il est également dangereux dans un contexte de hausse de la lgbtphobie et d’attaques contre les droits des personnes trans à l’international.

 

Finalement, nous souhaitons rappeler que la psychanalyse ne s’appuie pas sur une méthodologie scientifique. Une longue lignée de professionnels de la science, de la psychologie ou de la médecine lutte contre cette vision [7,8,9]. Une tribune réunissant plus de 280 professionnels s’est déjà opposée à Mme Goldman sur ses théories d’éducation des enfants [10]. 

 

Pour toutes ces raisons, nous nous inquiétons de l’impact que peut avoir le discours de Mme Goldman et aimerions le retrait de son émission qui a diffusé de fausses informations sur deux sujets particulièrement délicats.

 

___________

Des chercheurs ont déjà donné l’alerte, comme par exemple Franck Ramus sur son compte X (Twitter) :

Sur le même sujet

 

__________________

1:https://www.has-sante.fr/jcms/p_3302480/fr/trouble-du-neurodeveloppement/-tdah-reperage-diagnostic-et-prise-en-charge-des-adultes-note-de-cadrage 

2 : https://www.has-sante.fr/jcms/p_3305318/fr/ritaline-lp-methylphenidate-tdah

3:https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S0013700617300635?casa_token=9pkEwCe2EdkAAAAA:vJ0CaEj1qAhyNeBRppeRb_klFrRMANKMUvLx4QOASt8LKEBm9da6qaP6qXGtGt2Rac_A1Sp1jg#abs0005 

4:https://www.has-sante.fr/upload/docs/evamed/CT-19405_RITALINE%20LP_PIC_EI_AvisDef_CT19405.pdf & https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S0929693X18300459?casa_token=7Ea1NY33RhkAAAAA:5oCf9dyN1ju44EtEzVqr5lDTBtMdm9yCCa0tGivvW-3zmfLbH5ued0Ju5sQI_SDFpzaUA9-Y6g#bibl0005 

5 :  https://www.youtube.com/watch?v=EAEI3olhybY

6 : https://www.sciencedirect.com/science/article/abs/pii/S0094014319300497?via%3Dihub 

7 : Psychothérapie : trois approches évaluées

8 : Le livre noir de la psychanalyse

9 : Une revue ouverte des études de résultat en psychanalyse

10 : https://www.docdroid.net/hamp8mf/liste-signataires-tribune-le-monde-20-mars-pdf

Comment dois-je réagir si je suis un expert, un spécialiste, voire un chercheur* dont les compétences sont remises en cause publiquement ? Il sera question ici d’experts qui prennent la parole, qui exercent explicitement leur expertise dans le cadre des médias, des réseaux sociaux, de conférences ou de livres.

 

Quelques comportements attendus

Notez bien qu’il s’agit d’une liste de critères qui n’ont pas vocation à être systématiquement présents mais qui représentent une matrice permettant d’évaluer si une personne entre un peu, beaucoup ou pas du tout dans ce qu’on peut reconnaître sous le mot expert.

  1. Le plus simple, le plus évident, mais pas le meilleur :  je rappelle mes titres académiques, les postes que j’ai occupés, les médailles et les hommages reçus. C’est la preuve sociale que mon expertise est largement reconnue. (Evidemment ça ne prouve pas que j’ai raison sur un point en particulier qui serait en question à l’instant t —voir deuxième liste—, mais ici nous cherchons des indices d’expertise)
  2. Je montre mes travaux validés par les pairs, les autres spécialistes. Le format idéal, qui constitue la forme la plus fiable (mais pas totalement fiable non plus) est l’article de recherche publié dans une revue à comité de lecture.
  3. Je montre mes collaborations passées ou en cours avec des institutions spécialisées du domaine, des chercheurs reconnus, etc.
  4. Je montre mes travaux, mes contributions et leur impact : si je suis cité par d’autres acteurs du champ dans leurs propres travaux, cela plaide pour le fait que j’y ai apporté quelque chose. Si personne ne me cite, je suis peut-être un fin connaisseur, mais puis-je me dire « expert » ?
  5. Je montre que dans mon travail je sais faire référence à l’état des connaissances du domaine, je fournis des sources à mes propos, j’aiguille le public vers les travaux d’autres spécialistes. En somme : mes contributions contiennent d’abondantes références à la littérature spécialisée.
  6. Si j’ai participé à des controverses scientifiques sur un sujet, je montre que j’ai su ne pas substituer mon avis d’expert avec une vérité établie par tout un champ disciplinaire. Cette forme d’humilité est le gage que je sais de quoi je parle lorsque je suis assertif.
  7. J’accepte de revenir sur les imprécisions ou erreurs que j’ai pu faire. Être un expert ne me protège pas de tenir des propos qui mériteraient d’être corrigés.
  8. Je demeure dans les limites de mon champ de compétence, ou bien je précise quand j’évoque des sujets qui s’en éloignent. De manière générale, je ne fais pas évoluer le périmètre de mon expertise au gré des besoins du moment.
  9. J’évite de m’exprimer (en tout cas à répétition) dans des médias qui par ailleurs désinforment le public, prennent des positions anti-science ou laissent libre cours à la parole d’imposteurs, baratineurs et autres magouilleurs.
  10. Je comprends que dans le champ social la confiance des autres n’est pas un dû et que je dois la mériter en donnant des gages. Je reconnais qu’il peut arriver qu’un expert doive défendre son expertise dans des polémiques, et même parfois faire face à des attaques injustes dont on sort par le haut en apportant des éléments qui permettent de rétablir ou de maintenir la confiance.

 

Parenthèse : On n’a évidemment pas besoin de se dire expert pour avoir le droit d’émettre un avis sur un sujet, pour partager ses connaissances, pour vulgariser une étude ou un concept, pour remettre en question des paroles officielles ou pour demander à un expert comment il sait telle ou telle chose.

 

Les propos et attitudes qui seront moins pertinents (même s’ils peuvent être vrais)

  • « C’est moi le meilleur. Je suis l’élite. »
  • « On s’en prend à moi car je mets en danger un business. »
  • « Tout le monde est corrompu sauf moi. »
  • « Je n’ai aucun conflit d’intérêt, donc je suis un expert »
  • « Les critiques sont orchestrées par un groupe qui me veut du mal. »
  • « On me critique parce que je me coiffe bizarrement, parce que je suis malade, parce que je suis moche, parce que je suis une femme. »
  • « Je me sens pas bien, je veux faire une pause. Vous devez garder vos critiques pour quand je vous dirai que je me sens mieux. »
  • « J’étais le premier à parler de ce sujet, j’ai le droit de le dire puisque je ne connais pas ceux qui en parlaient avant. »
  • « Défendez-moi ! Exprimez votre soutien inconditionnel. Faites taire les critiques ! »

 

Voici des sources scientifiques à propos de l’expertise (et de la pseudo-expertise) :

  • Caley MJ, O’Leary RA, Fisher R, Low-Choy S, Johnson S, Mengersen K. What is an expert? A systems perspective on expertise. Ecol Evol. 2014 Feb;4(3):231-42. (lien)
  • Michel Croce, On What it Takes to be an Expert, The Philosophical Quarterly, Volume 69, Issue 274, January 2019, Pages 1–21, (Lien, hélas derrière un paywall)
  • Fuhrer J, Cova F, Gauvrit N, Dieguez S. Pseudoexpertise: A Conceptual and Theoretical Analysis. Front Psychol. 2021 Nov 11;12:732666. (Lien).

 

 

Acermendax

(qui n’est plus un chercheur et qui ne se dit pas expert)

______

* Chercheur n’est pas un titre protégé, mais la plupart des gens s’accordent à dire qu’un chercheur est une personne qui produit de la connaissance en publiant des travaux dans des revues à comité de lecture. C’est le sens que je lui donne.

 

Suite à la vidéo « Fausse expertise chez les anti-complotisme » publiée le 9 aout, j’ai d’abord reçu une mise en demeure exigeant le retrait sous 24 heures de la vidéo de la part d’une avocate « pantoise ». J’ai gentiment répondu à ce courrier le jour même. Puis est arrivée une « mise au point » le vendredi 12 aout dans la soirée, consistant en un droit de réponse préparé par une impressionnante (?) phalange d’avocats, auquel j’accorde évidemment toute mon attention, même si je déplore que la réponse se résume à « je suis experte car on m’invite dans les médias, j’ai écrit une tribune et je publie des livres » à quoi s’ajoute la carte de la victimisation sexiste tout en oblitérant totalement le harcèlement de deux contributrices de la sphère rationaliste qui est à l’origine de l’existence de ladite vidéo (invisibiliser les femmes ne fait pas partie de notre projet.)

Après cela, vous pourrez lire le courrier que j’avais moi-même adressé à Marie PELTIER le 5 aout, pendant la préparation de la vidéo, afin qu’elle puisse apporter des réponses qui m’eurent évité de proférer d’éventuels propos incorrects ou trompeurs.

Ainsi, vous allez pouvoir découvrir la correspondance dans son intégralité et vous faire un avis sur l’honnêteté de ma démarche et de celle de Marie PELTIER.

Je rappelle que la vidéo concernait également Stéphanie LAMY, laquelle a d’abord choisi de ne pas réagir publiquement avant de publier abondamment des propos agressifs sur les réseaux, sans toutefois me communiquer un droit de réponse. Et je précise enfin que Madame PELTIER qui annonçait partout quitter les réseaux au moment de la sortie de la vidéo n’en a rien fait, y écrit beaucoup, et like encore des messages d’injures et de menaces.

 

Elle a même trouvé pertinent de déclarer qu’elle ne se « vengerait pas » des chercheurs/chercheuses ayant témoigné anonymement dans la vidéo, le genre de déclaration qui semble dire qu’elle serait en mesure et en droit de le faire. J’ignore si une vengeance est de mise contre le chercheur Pascal Wagner-Egger qui a témoigné non anonymement.

1. La vidéo (9 aout)

 

 

2. Courrier de mise en demeure (10 aout)

« C’est en ma qualité de conseil de Madame Marie PELTIER que je vous adresse la présente lettre de mise en demeure

Vous avez publié sur votre chaîne YouTube, ce 9 août 2023, une vidéo qui porte gravement atteinte à l’honneur et à la considération de ma cliente

En effet, vous y traitez ma cliente de « parasite » et vous y soutenez qu’elle est une fausse experte (<< Nous parlons de faux experts qui passent dans les médias de manière assez massive, qui se font un nom et qui prennent la place de celles et ceux qui travaillent »; « Le premier devoir de celui qui veut qu’on l’écoute, c’est d’éviter de se faire passer pour ce qu’il n’est pas « chercheuse« , « experte« , « universitaire » »)

Vous tentez également de jeter le discrédit sur son travail («< Elle s’est faite connaitre comme experte sur la Syrie sans parler la langue du pays »; « Il y a certainement de vrais experts [sur la Syrie] qui n’ont jamais pu parler dans les médias parce que la place était prise ») de manière gratuite et non fondée, allant même jusqu’à affirmer que ma cliente, spécialiste reconnue de l’anticomplotisme, appliquerait (avec Madame LAMY) « les méthodes d’un manuel de radicalisation et de dérive complotiste en ligne »). 

Ces affirmations sont purement mensongères et l’agressivité de vos propos révèlent une flagrante intention de nuire à ma cliente

Ces faits sont constitutifs d’infractions pénales graves tant en droit belge qu’en droit français (injures, calomnie et diffamation, harcèlement notamment) et causent un grave préjudice à ma cliente, lequel ouvre un droit à l’obtention de dommages et intérêts (responsabilité quasidélictuelle)

Je constate de surcroît que vous vous permettez d’affirmer connaître mon propre point de vue sur la situation de ma clientetout en discréditant mon propre travail, ce qui me laisse pantoise (« Je pense que l’avocate de Madame Peltier est d’accord avec moi car dans un de ses courriers que j’ai pu lire, qui est une mise en demeure, l’avocate ne mentionne aucun propos incriminant [] Donc c’est du bluff, de l’intimidation judiciaire« ). Ces affirmations, à nouveau mensongères et sans fondement, sont révélatrices de votre arrogance et du peu de sérieux de votre démarche. Permettezmoi, pour le bon ordre, de vous confirmer que le harcèlement dont a été victime Madame PELTIER fait actuellement l’objet de poursuites pénales

Je dois encore constater que vous diffusez, consciemment et volontairement, des extraits de vidéo de conférence privées tenues par ma cliente et pourtant couverts par la confidentialité, laquelle est clairement annoncée avant le début des conférences (« Elle en parle dans des vidéoconférences payantes auxquelles le public n’a pas accès mais que j’ai pu voir ») à ce sujet, la ou les personne.s vous ayant transmis ces vidéos ont ainsi violé cette confidentialité et la législation sur les droits d’auteur, ce qui pourrait justifier également des procédures judiciaires, outre votre implication personnelle. 

Votre intention de nuire à ma cliente et de discréditer son travail et son expertise est éclatante et ne souffre ainsi aucune contestation possible

Ceci alors même que ma cliente (à l’instar d’autres personnes de son entourage) vous a instamment demandé, en insistant sur son état de grossesse actuel et sa fragilité, de ne pas diffuser cette vidéo en l’état et à l’heure actuelle

Votre acharnement à son encontre sur ce point laisse sans voix et justifie par luimême une demande d’indemnisation en raison du préjudice subi

Dès lors, par la présente, je vous somme et vous mets en demeure de retirer immédiatement et au plus tard sous 24 heures la vidéo en question. 

A défaut, ma cliente agira par la voie judiciaire et notamment celle de la procédure d’urgence du référé civil, pour obtenir votre condamnation au retrait de cette vidéo, ceci outre des éventuelles procédures pénales, tant en France qu’en Belgique

J’ose encore espérer que nous ne devrons pas en arriver là

Je vous informe enfin que, au vu du caractère public de vos accusations, ma cliente se réserve le droit de diffuser publiquement la présente lettre

Olivia Venet 

Avocate »

 

3. Ma réponse à la mise en demeure (10 aout)

 

Bonjour Madame,

Merci pour votre très gentil message.
Comme je l’ai déjà dit dans la vidéo que vous avez vue, je propose évidemment à Madame Peltier de lui octroyer un droit de réponse afin de rétablir des faits que j’aurais présentés d’une façon qui lui semblerait erronée ou trompeuse, comme il convient, particulièrement dans une situation de désaccord scientifique.
Bien cordialement,
Thomas C. Durand

4. Le « droit de réponse » intitulé  « Mise au point concernant une vidéo de la Tronche en Biais » (12 aout)

« Monsieur,

Je fais suite à votre courriel de ce 10 août 2023.

Je vous informe que j’interviens à présent en cette cause aux côtés de Mes Emmanuel Daoud et Agathe Quinio, avocats au Barreau de Paris, qui me lisent en cc tout comme ma collaboratrice Me Chloé Licata.

Vous trouverez en annexe la mise au point rédigée par notre cliente Mme Marie Peltier, en réponse aux affirmations inexactes tenues dans votre vidéo.

Nous vous demandons d’en assurer une diffusion équivalente à celle de la vidéo litigieuse.

Bien cordialement,

Olivia Venet »

Mise au point concernant une vidéo de la Tronche en Biais

« Dans un contexte déjà lourd, marqué par un harcèlement constant de la part d’un groupe restreint, contre lequel des actions en justice sont déjà engagées, je tiens à réagir suite à la récente publication
vidéo de la Tronche en Biais. Depuis novembre 2022, j’ai fait l’objet d’attaques répétées consécutives à mon positionnement sur l’affaire « Facts and Furious ». Après une brève mention de cette affaire en juin dernier sur Twitter, implorant qu’on me laisse enfin en paix avec cette histoire, je pensais le sujet clos.

C’était sans compter, outre une importante vague d’attaques renouvelées durant le mois de juillet, sur un courrier reçu le 5 août, en plein milieu de mes vacances et alors que je traverse une période particulièrement délicate de ma grossesse. Une demande « urgente » de réponses à des questions orientées dont le ton malveillant était évident, rappelant par ailleurs une nouvelle fois l’affaire « Facts and Furious ». Nous avons aussitôt prévenu la Tronche en Biais des conséquences judiciaires qu’entraînerait une telle diffusion, étant donné le contexte. Deux témoins ont même pris la peine de contacter Thomas Durand à titre privé pour souligner l’inapproprié de cette démarche vis-à-vis de ma situation personnelle.


Je ne souhaite pas m’attarder sur chaque point avancé dans cette vidéo tant les imprécisions, les mensonges et surtout l’intention de nuire y sont flagrants. Personne ne devrait avoir à répondre à de telles accusations, visant clairement le discrédit professionnel. Mais je tiens à rectifier trois points majeurs :


1.
Sur mes « titres »

Ma transparence concernant mon parcours a toujours été de mise. Le titre de « chercheuse » ne m’a pas été attribué de ma propre initiative, même si mon travail en centres de recherche en Belgique a été reconnu. Bien souvent, les médias et organisations accueillantes m’ont associée à ce titre en raison de mes ouvrages sur le complotisme. Cependant, je m’en distancie volontiers quand la question m’est posée. Mon expertise repose sur la reconnaissance de mon travail et non une auto-proclamation. Si le but est de discréditer, alors ôtez-moi tout titre. Je préfère être jugée sur la qualité de mon travail – et je n’estime pas que Twitter est mon lieu de travail.

A cet égard, je renvoie à mes deux ouvrages : « L’ère du complotisme. La maladie d’une société fracturée » (2016, réédition 2021) et « Obsessions. Dans les coulisses du récit complotiste » (2018). Un troisième ouvrage est en cours de rédaction et sa parution est prévue l’an prochain. Je renvoie aussi à de plus récents entretiens, qui témoignent particulièrement de cette transparence sur mon parcours, à l’instar de la série en 5 épisodes sur le complotisme chez « Méta de Choc » diffusée en juin 2022 ou encore mon témoignage dans le podcast « Eloquentes » en mars dernier. Je pense par ailleurs, en termes de
reconnaissance de mon travail, à mon entretien en mars 2023 dans La Revue Défense Nationale (2023/3 – N° 858) sur le sujet :
« Propagande et complotisme : la Russie peut-elle
gagner la guerre des narratifs ? »
ou à ma participation en juin dernier au podcast « Sources Diplomatiques » de la Diplomatie Française sur le thème « Une société saturée par l’image et
l’impact sur la diplomatie ? ».
Rappelons enfin que mon activité principale est une activité d’enseignement en Histoire à l’Institut Supérieur de Pédagogie de Bruxelles (rebaptisé
désormais
Ephec Education).

2. Sur mon expertise

Il a été notamment mentionné que j’évoquais mon expertise sur la Syrie malgré mon absence de maîtrise de la langue arabe, un point que je ne cesse de rappeler moi-même. Mon travail se concentre sur la manière dont les démocraties occidentales perçoivent et reçoivent la propagande des dictatures, un sujet qui m’a conduit à me pencher sur le complotisme. Une simple étude de mes ouvrages aurait montré la vacuité de cet angle d’attaque. Pour un aperçu rapide, je renvoie à une tribune rédigée pour le quotidien Le Monde le 14 décembre 2016 intitulée « La chute d’Alep, c’est la victoire de la propagande complotiste », qui témoigne de cette étude conjointe au long cours de la propagande des dictatures et du phénomène complotiste au sein des pays occidentaux.


3.
Divulgation d’informations confidentielles

La publication d’extraits vidéo issus d’une conférence privée sans mon consentement constitue une grave violation de mes droits d’auteur et de la confidentialité. L’obtention de ces vidéos par des moyens qui interrogent m’amène à questionner les méthodes de la Tronche en Biais.
Je suis persuadée que de telles attaques n’auraient pas été dirigées contre des collègues masculins travaillant sur les mêmes questions, ayant pourtant pour certains une notoriété similaire ou
supérieure, et un parcours vis-à-vis duquel je n’aurais pas à rougir. Cette entreprise de discrédit semble plus aisée à mener contre une femme engagée dans le débat public. Espérons que, lorsque la
situation s’apaisera, nous pourrons enfin nous recentrer sur l’essentiel, à savoir la lutte contre la désinformation et le complotisme, dans une perspective éthique commune redéfinie.

J’ai inlassablement, ces derniers mois, ramené les « querelles » et « attaques » au sein de nos milieux à des enjeux et des questions de fond. Le débat de fond peut être confrontant et inconfortable. Mais
je le privilégierai toujours aux procès en disqualification et aux règlements de compte personnels. Je vous informe que consécutivement à la diffusion de cette vidéo, j’ai donné mandat à Me Olivia Venet,
avocate au barreau de Bruxelles, et Me Emmanuel Daoud, avocat au barreau de Paris, pour intenter toute action de nature à préserver mes droits.

Marie PELTIER

Je me permets un commentaire

Vous verrez ci-dessous toutes les questions esquivées par Marie PELTIER, je ne peux réagir qu’à ce qu’elle écrit et pas à ce qu’elle n’écrit pas. Je m’arrête sur une seule phrase : « Le titre de « chercheuse » ne m’a pas été attribué de ma propre initiative« . Et je l’accuse, c’est bien triste, d’être un mensonge.

La tribune ci-dessous signée Marie PELTIER dans Libération n’a pas pu être écrite, ni présenter son autrice comme « Chercheuse (Syrie, complotisme, questions interculturelles) et enseignante à Bruxelles » sans que l’autrice en soit pleinement responsable.

  • Dans cette conférence, à la 45e seconde, Marie PELTIER parle de sa « casquette de chercheuse sur le racisme »

En de maintes occasions, Marie PELTIER est présentée dans la presse en tant que chercheuse, ce qui apparait désormais comme une fausse information. Selon la « mise au point », il faudrait croire à l’incompétence générale des journalistes de presse écrite. D’accord, mais…

  • En 2016, sur la RTS, l’animateur présente « Marie Peltier. Vous êtes chercheuse et enseignante à Bruxelles. Vous travaillez sur la narration du conflit Syrien. » Marie PELTIER approuve
    • https://www.rts.ch/audio-podcast/2016/audio/l-action-en-syrie-de-la-russie-est-elle-diabolisee-25732777.html
  • En 2020, sur la RTS l’animateur de l’émission Geo Politis la présente « Historienne, essayiste chercheuse, professeur » ; Marie PELTIER ne le corrige pas.
    • https://www.rts.ch/play/tv/geopolitis/video/marie-peltier-le-complotisme-est-une-arme-politique?urn=urn:rts:video:11811499
  • En 2021 sur France Inter « Vous êtes historienne, chercheuse et enseignante (…) vos travaux font foi dès qu’il s’agit d’aborder la question du complotisme« …. Marie PELTIER acquiesce
  • La fiche de son livre de 2018 « Obsession » est identique à celle de son livre « l’ère du complotisme » de 2021, chez un autre éditeur : « Marie Peltier est historienne, chercheuse et enseignante à Bruxelles. » A-t-elle pu échapper à sa vigilance ? L’incompétence en série frappe-t-elle aussi les éditeurs ?

  • Ajout le 27 aout 2023. Le blog personnel de Marie Peltier sur Médiapart la présente ainsi : « Enseignante et chercheuse »

  • Etc.

Le débunkage de la moindre phrase nous met face à l’asymétrie de Brandolini… Mais le verdict, dont je vous laisse juge, me semble très clair. Un expert, c’est quelqu’un qui ne nous oblige pas à passer des heures à tout revérifier en raison de son habitude au mensonge.

 

5. Le courrier adressé à Marie PELTIER (5 aout)

 

Madame PELTIER,

Je m’intéresse à votre activité en ligne, notamment aux propos que vous tenez au sujet des « fact-checkers ». Je cherche à vérifier quelques informations ainsi qu’à bien cerner certains de vos propos afin de ne pas les dénaturer dans le script que je prépare pour analyser vos positions et formuler une critique que j’espère utile au public.

Je vous serais reconnaissant de bien vouloir me répondre dans les tous prochains jours, la publication étant imminente. Naturellement, je serai attentif à vous accorder un droit de réponse si vous en désirez un.

 

  •  Vous êtes parfois présentée comme enseignante-chercheuse[1]. Je voudrais savoir quelle université vous a recrutée avec ce titre ou s’il s’agit d’erreurs ?
  • À d’autres moments c’est simplement le terme chercheuse que vous employez (souvent en disant « enseignante et chercheuse », ce qui peut prêter à confusion, vous l’avouerez). Ce titre n’est pas protégé, mais il reste inhabituel de se dire chercheur sans avoir un doctorat. Pouvez-vous justifier de l’emploi de ce titre ?
  • Vous vous présentez comme une « spécialiste de la Syrie »[2] dont vous ne parlez pourtant pas la langue. Quels sont vos travaux scientifiques sur le pays qui permettent de dire que vous avez une expertise ?
  • En 2015, dans une tribune sur Libération vous vous présentez ainsi : « Chercheuse (Syrie, complotisme, questions interculturelles) et enseignante à Bruxelles »[3] Quels étaient alors vos travaux de recherches ?
  • À partir de 2017, vous vous présentez comme historienne[4]. Sur quoi cela repose-t-il ?
  • À partir de 2021, vous vous présentez dans les médias comme une spécialiste de la propagande[5]. Quels travaux permettent-ils de dire que vous avez cette expertise ?
  • À partir de 2023, vous êtes « historienne spécialiste de la mise en récit des questions étrangères et de la manipulation des médias »[6]. Sur la base de quels travaux ?

Mes recherches ne m’ont permis de trouver aucune publication scientifique à votre nom en dehors de votre mémoire de master. Mais je peux avoir raté quelque chose.

 

J’ai également des questions plus circonstanciées :

  • Quelles informations vous ont-elles permis de traiter Antoine Daoust « d’agresseur » le 29/11/2022 dans « l’affaire Fact n Furious » ?  Vous l’avez publiquement comparé au meurtrier Bertrand Cantat, pouvez-vous m’en expliquer la raison ?
  • Votre engagement pour le féminisme ne vous a pas conduit à condamner les vicieuses attaques misogynes de France Soir à l’adresse de Yogina, nouvelle compagne d’Antoine Daoust, visée par une campagne de diffamation durant des mois, alors même que vous avez tweeté quotidiennement sur cette affaire. Pourquoi ?
  • Pourquoi avoir choisi d’empêcher que quiconque puisse répondre sous vos tweets ? Cette stratégie ne risque-t-elle pas d’accroitre les QRT que vous accusez d’être une pratique de harcèlement ?
  • Quelle est votre position sur le doxxing ? Est-il normal d’utiliser un étudiant en stage pour qu’il « organise les données » récoltées en vue de démontrer que vous êtes victime de harcèlement sur Twitter ? L’institut Galilée valide-t-il ce genre de mission pour les étudiants placés en stage auprès de ses enseignantes(-chercheuses) ?

 

N’hésitez pas à me faire part de vos questions si jamais les miennes n’étaient pas suffisamment claires.

Bien cordialement

Thomas C. Durand, PhD

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Notes

[1] Par exemple ici : « Père Paolo, la Syrie et l’Europe », Migrations Société, 2018/4 (N° 174), p. 91-95. DOI : 10.3917/migra.174.0091. URL : https://www.cairn.info/revue-migrations-societe-2018-4-page-91.htm

[2] Marie Peltier 🔜🐘 on Twitter: « Et quand en sus on y ajoute la dégueulasserie de m’attaquer sur le sujet de la propagande en Syrie, qui est non seulement mon domaine d’expertise mais aussi et surtout celui pour lequel j’ai donné toute mon énergie depuis plus de 10 ans, on révèle bien ce qu’on est devenu(s). » / X

[3] https://www.liberation.fr/debats/2015/09/02/terrorisme-complotisme-drame-des-migrants-et-si-l-europe-perdait-le-sens_1374430/

[4] https://www.youtube.com/watch?v=y-7s_luKXjg

[5] https://www.rtbf.be/article/sputnik-cite-dans-une-epreuve-du-ce1d-francais-inadmissible-caroline-desir-interpelle-son-administration-11015109

[6] https://www.podcastics.com/podcast/episode/table-ronde-la-photo-tout-un-monde-22-242626/

Article invité

Gautier Corgne, ingénieur de formation, m’a proposé cet article après avoir mené une enquête comprenant une prise de contact avec David Lefrançois dont les activités sont ici analysées. Ce travail sourcé et bénévole pose maintes questions.

Acermendax

Récemment épinglé par un rapport de la DGCCRF pour “manque de compétences, de titres professionnels ou de mentions valorisantes”[1], le secteur du coaching bien-être ne manque pas de cartes dans son jeu pour attirer de nouveaux adeptes. Dans l’une des dernières vidéos du youtubeur Squeezie, un ostéopathe fait mention de l’institut des neurosciences de Levallois. Un institut des neurosciences à Levallois, cela attire l’attention. Parce qu’il existe bien un Institut des Neurosciences à Paris sous l’égide du CNRS, mais sur le plateau de Saclay. Ici, c’est d’un tout autre type de centre dont il est question: un “institut des neurosciences appliquées” domicilié à Levallois-Perret, qui forme des coachs en “neurosciences motivationnelles”. Enquête.

 

Institut fictif, diplômes aux mentions fallacieuses ?

Les neurosciences se définissent comme étant l’ensemble des disciplines scientifiques étudiant le système nerveux. Si ces études passionnent de nombreux spécialistes en France et dans le monde, pour le commun des mortels le cerveau reste un organe au fonctionnement si complexe que se sont développés sans difficultés de nombreux neuromythes. Cerveau gauche et cerveau droit, nous utilisons 10% de notre cerveau,… ces propos alimentent des croyances encore fortes aujourd’hui que se mettent désormais à cultiver les coachs en bien-être: qui ne rêverait pas d’être capable d’utiliser toutes ses capacités cérébrales à l’aide de secrets validés par la science ?

Du côté des formateurs de cet institut tout d’abord, une seule intervenante est réellement titulaire d’un doctorat en neurosciences mais s’est tournée dans le coaching bien-être et n’a par conséquent plus d’activité scientifique dans le domaine. Parmi les autres intervenants annoncés en présentiel comme en distanciel: un kinésiologue formateur en hypnose, un psychologue sophrologue formateur en PNL, des coachs eux-mêmes formés par l’institut se disant diplômés en “neurosciences motivationnelles”: une présence alarmante de pseudo-sciences pour une formation qui se veut s’appuyer sur la science et la recherche. On peut légitimement se questionner sur la pertinence scientifique de la formation proposée, d’autant que celle-ci prétend former au niveau master. En effet, l’organisme propose l’obtention d’un “Master en Neurosciences Motivationnelles”. Pourtant en France, le grade de master est délivré par des organismes répertoriés sur France Compétences et depuis peu sur la plateforme MonMaster, parmi lesquels on ne trouve pas cet institut. Le master est une formation à l’appellation encadrée légalement délivré par les établissements d’enseignement supérieur accrédités par le ministère de l’Enseignement supérieur et de la Recherche [2] qui forme des étudiants issus d’une licence 3, à plein temps, avec plusieurs sessions de partiels et avec -sauf rares exceptions- des formateurs tous docteurs, doctorants ou agrégés dans le domaine du master. Ce qui n’est pas le cas ici.

 

L’appellation « neurosciences motivationnelles » utilisée dans les intitulés des formations de l’Institut est une invention de toute pièce, dont la consonance scientifique peut séduire. A Levallois Perret, aucun chercheur ni scientifique pourtant, uniquement une domiciliation dans un immeuble de bureaux. Sur le site de l’institut, un “numéro RCS” qui renvoie vers une SARL unipersonnelle créée en 2014 mais dont le gérant change régulièrement: curieux. Lorsqu’on tente d’acheter un contenu parmi les formations en ligne proposées, la plateforme renvoie vers un autre site web géré par une entreprise anglo-saxonne à qui on paie la formation choisie.

 

Liste d’une partie des formations proposées en ligne entre 197€ et 797€

 

Aux yeux de l’État français [3], c’est pourtant la société unipersonnelle du directeur de l’institut qui a obtenu la certification Qualiopi dont le logo est bien mis en valeur dans le footer, tandis que les formations en ligne sont facturées par une autre entité anglo-saxonne. Parmi ces formations: “Neuro reset”, “Quantum system”, “Psycho-neuro-nutrition”, “High level”, “Volonté et détermination”,… les intitulés et les descriptifs peuvent questionner. Les conditions générales de vente sur le site de l’institut indiquent que la loi applicable est la loi française, mais dès qu’on bascule sur la seconde plateforme, les conditions générales de vente diffèrent et indiquent que la loi applicable est la loi anglo-saxonne. La multiplicité des entités intrigue.

L’institut propose, avec cette structure particulière, plusieurs formations pour “former les meilleurs coachs du monde francophone” à 5997€ net sans facturation de la TVA. Or une SARL est soumise à TVA dès 36800€HT de chiffre d’affaires: soit l’institut vend au plus six formations par an -ce qui est incompatible avec les affichages de 1500 à 2000 coachs formés en quinze ans-, soit la non facturation de la TVA intrigue. Elle pourrait relever d’une exonération (Art. 261.4.4 a du Code Général des Impôts), mais la formation semble inclure du coaching et les prestations de coaching ne sont pas sujettes à exonération par cet article. De plus la formation est proposée pour « simplement vous développer personnellement » sur la page d’accueil, ce qui ne semble pas relever de la formation professionnelle continue dans ce cas précis, donc serait sujet à TVA.

Diplôme délivré en 2022 faisant mention d’une spécialisation en Neurosciences

 

Enfin, la brochure de l’Institut consultée comprend onze occurrences du terme “neurosciences”, parle de “neurobiologie de la motivation”, “neurobiologie de la peur”, “neuroponcture” (définie comme une technique de transformation émotionnelle), “neuromarketting”, “neurovente”… L’ajout du préfixe “neuro” donne un aspect très scientifique mais relève en réalité de ce que certains vrais spécialistes appellent du neuro-bullshit ou neuro-washing [4]. Les contenus “s’inspirent de très nombreuses années de recherches” d’après le descriptif de la plaquette de formation, mais de quelles recherches exactement ? Probablement de celles réalisées par le directeur de l’institut, David Lefrancois, chercheur -selon ses dires-.

 

Docteur et chercheur, ou imposteur ?

En interviews, dans ses vidéos, sur ses réseaux, sur son site ou sur les sites utilisés pour créer du référencement, le directeur de l’institut David Lefrancois se présente ou est présenté comme docteur/expert en neurosciences, scientifique, enseignant à l’université de Paris Sud,  psychologue et psychosocialiste, chercheur, titulaire d’une chaire d’études à Tel Aviv… un parcours académique on ne pourrait plus brillant. Il met en avant “ses recherches” sans jamais les préciser, pour appuyer ses dires et revendique plusieurs passages télévisés, après avoir été “expert” pour l’émission Toute Une Histoire sur France 2 il y a plusieurs années.

On retrouve l’un de ces passages sur Youtube [5] et ce dernier laisse perplexe. En effet, David Lefrancois y affirme qu’à vingt ans, un adulte a reçu vingt-deux à vingt-six mille heures de marques d’attention négatives. En comptant dix secondes par marque négative, cela correspond à plus de mille marques négatives par jour depuis sa naissance, ou encore trois ans de sa vie à recevoir des marques négatives en continu nuit et jour: cela n’a évidemment aucun sens.

Concernant le parcours académique prestigieux que prétend avoir eu David Lefrancois, on peut aussi émettre d’importants doutes. Il se dit chercheur mais Google Scholar ne recense aucune publication en revue à comité de lecture, ce qui est incompatible avec le parcours d’un docteur qui aurait des activités de recherche depuis un certain temps. Concernant son poste de titulaire d’une chaire d’études à Tel Aviv, cela semble également curieux pour un chercheur sans publications de se voir confier un tel poste, en général occupé par un Professeur des Universités qui a su se faire remarquer au sein de son laboratoire. Contactée, l’université de Tel Aviv m’a répondu ne pas connaître M. Lefrancois qui n’a en réalité jamais occupé un tel poste dans leur université.

Contacté à son tour à plusieurs reprises avant la rédaction de ce billet, David Lefrancois a fini par me répondre et affirme être docteur en neurosciences, un diplôme qu’il aurait obtenu à l’Université de Kiev, mais n’a su me fournir de document ni le DOI d’un article de recherche pouvant attester sans difficultés du parcours académique qu’il prétend avoir eu, réservant ces documents à ses clients. Il m’a proposé de me remettre son mémoire en ukrainien, uniquement en mains propres au cours d’une de ses conférences, ce que je n’ai pu accepter. Il a reconnu ne pas avoir été titulaire d’une chaire à l’université de Tel Aviv, et que cela était une invention d’un collaborateur qui l’a interviewé. Pourtant, ce propos se retrouve sur plusieurs articles et il est publié depuis un certain temps sur plusieurs plateformes, peut en témoigner la wayback machine. Enfin, il m’a précisé accompagner chaque année plusieurs futurs doctorants en neurosciences, ce qui sans jamais apparaitre en tant que co-auteur du moindre article scientifique, semble peu probable. Contactée par mes soins à la suite de ces échanges, l’Université académique de Kiev -via son directeur académique et son chef du département Biophysique moléculaire- m’a confirmé ne pas connaître M. Lefrancois et m’a précisé ne pas proposer de formations en neurosciences au-delà du niveau master.

De plus, la dénomination de “psychologue” est en France réservée aux titulaires d’un diplôme reconnu (français ou ayant été reconnu par un centre ENIC-NARIC) qui ont l’obligation de s’inscrire au répertoire ADELI [6] s’ils exercent. Ce qui ne semble pas le cas pour David Lefrancois, qui n’a répondu à mes demandes concernant ses diplômes.

En 2001, David Lefrancois ouvre sa première entreprise luxembourgeoise [7] dans le domaine du coaching, qui abrite le premier “Institut des Neurosciences Appliquées” à Paris XX, créé en 2007 sous cette appellation. Cette société est liquidée en 2011 et radiée du Registre du Commerce et des Sociétés (RCS) en 2012 pour insuffisance d’actifs. En 2011, il ouvre une nouvelle entreprise en France [8], rapidement liquidée en 2012, dont il annule la liquidation en 2014 [9]. En septembre 2015, il est interdit de gestion pendant douze ans par le Tribunal de Commerce de Nanterre [10]; et cette entreprise finit clôturée en 2021 pour insuffisance d’actifs. Une nouvelle entreprise ouvre alors en 2014 [11] sous la gestion d’une coach diplômée de l’institut la même année, qui sera dissoute en 2016 et radiée en 2017. En octobre 2016, David Lefrancois ouvre alors l’entreprise anglo-saxonne [12] dont il prend la direction en 2017. Toujours interdit de gestion en France, il parvient ainsi à engendrer des revenus via cette structure au Royaume Uni et via sa société unipersonnelle ouverte en 2014, gérée depuis 2017 par des tiers qui changent régulièrement.

 

Enfin, en plus d’être interdit de gestion depuis 2015, David Lefrancois a été condamné en 2019 à vingt quatre mois de prison dont dix-huit avec sursis dans l’affaire “Defaix”, une escroquerie où il a “joué un rôle moteur dans la conception de l’argumentaire commercial des coopératives”[13] qui récoltaient des fonds d’investissement dans des PME locales, fonds qui étaient en réalité détournés. De sérieux doutes peuvent apparaître à la lecture de ces éléments et au vu de ce passif.

Coachs en neurosciences ? Méfiance !

Depuis son existence, cet institut a délivré de nombreux diplômes dont on peut douter de la réelle valeur scientifique à l’issue de ce billet. Si j’ai été amené à mener cette investigation, c’est parce que j’ai rencontré en école d’ingénieurs un coach diplômé de cet institut, qui tenait des propos scientifiquement si discutables qu’ils m’ont poussé à interpeller mon école, puis à m’intéresser davantage à cet institut. Ce coach n’était pas de mauvaise foi, il avait acheté une formation un certain prix et était persuadé d’être compétent en neurosciences, au point d’être vacataire dans le supérieur, de s’inspirer par exemple de citations d’Idriss Aberkane, de tenir des propos flous sur les énergies dans le corps humain, le tout devant un amphithéâtre rempli d’étudiants -eux réellement- de niveau M2 dans l’une des plus grandes écoles d’ingénieur de France.

Le répertoire de l’institut compte à ce jour plus de deux cent coachs, l’institut annonce plus de mille cinq cent coachs formés en quinze ans -ou plus de deux mille en vingt ans suivant les pages-, et chacun a sa visibilité propre auprès de son public -David Lefrancois compte 346 000 abonnés sur Youtube, 114 000 sur Facebook à ce jour-. Parmi tout ce public, comment savoir combien de personnes en souffrance pensent trouver en ces discours une réelle expertise tandis que de vrais professionnels de santé sont susceptibles de leur porter assistance ?

 

Gautier Corgne

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Cet article existe en version Vidéo sur YouTube

 

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Sources:

[1] https://www.economie.gouv.fr/dgccrf/secteur-du-coaching-bien-etre-lenquete-de-la-dgccrf-releve-80-danomalies-chez-les-0

[2] https://www.enseignementsup-recherche.gouv.fr/fr/le-diplome-national-de-master-dnm-46220

[3] https://www.data.gouv.fr/fr/datasets/liste-publique-des-organismes-de-formation-l-6351-7-1-du-code-du-travail/

[4] https://www.usinenouvelle.com/blogs/le-blog-des-experts-des-neurosciences/neuromanagement-neuroleadership-neuropedagogie-prenons-garde-au-neuro-washing.N806560

[5] https://www.youtube.com/watch?v=f3GEf1bKLKw

[6] https://www.enseignementsup-recherche.gouv.fr/fr/psychologue-une-profession-reglementee-en-france-46456

[7] https://annuaire-entreprises.data.gouv.fr/entreprise/coach-up-institut-sa-institut-des-neurosciences-appliquees-440139368

[8] https://annuaire-entreprises.data.gouv.fr/entreprise/cabex-strategie-533265088

[9] https://www.verif.com/societe/CABEX-STRATEGIE-533265088/

[10] https://www.bodacc.fr/pages/annonces-commerciales-detail/main/?q.id=id:A201600512478

[11] https://annuaire-entreprises.data.gouv.fr/entreprise/799789383?redirected=1

[12] https://find-and-update.company-information.service.gov.uk/company/SC547387/filing-history

[13] https://www.ouest-france.fr/bretagne/rennes-35000/affaire-defaix-sept-anciens-collegues-de-defaix-juges-en-appel-6210936

 

Archiviste et responsable du patrimoine de la ville de Megève, David-Alexandre Rossoni est historien de formation. Il est l’auteur de Les OVNI du CNES (2007) et vient de publier dans la Collection Zététique de Book-e-Book « La pseudo-histoire décodée. L’exemple de Rennes-le-Château » qui revient en détail sur l’une des plus célèbres histoires de trésor du territoire français.

La légende de l’Abbé Saunière parle de passages secrets menant au fabuleux butin que les templiers auraient enfoui dans ce petit village du Languedoc, mais d’autres versions évoquent un trésor spirituel, et même Jésus Christ… et ont tout bonnement soufflé à Dan Brown la trame de son best-seller Le Da Vinci Code !

 

David Rosssoni a accepté de répondre à quelques questions.

 

Pourquoi avoir choisi l’affaire de Rennes-le-Château pour traiter le sujet de la pseudo-histoire ?

Cette « énigme historique » factice présentait à mes yeux plusieurs facteurs d’intérêt.

Déjà, elle n’avait jamais été étudiée par des historiens professionnels, si l’on excepte le travail de René Descadeillas il y a maintenant près d’un demi-siècle. Un ouvrage de référence sur le sujet restait donc à produire.

Et ce n’est pourtant pas la matière première qui manquait : ce petit coin du Razès a donné lieu depuis le milieu du XXe siècle à une invraisemblable quantité d’écrits divers et variés, de témoignages oraux, de documents audiovisuels, de controverses, etc. Il a même généré son propre sous-genre littéraire – dont le plus célèbre représentant reste le Da Vinci Code, qui a tout simplement été un des livres les plus lus au monde.

Au fil du temps, ce récit collectif a agglutiné beaucoup des thèmes de prédilection des pseudo-historiens : l’Atlantide, les cathares, les Templiers, les sociétés secrètes, la mythologie chrétienne en général… Il a connu tellement de développements qu’il a fini par refléter à peu près toutes les facettes de la pseudo-histoire : spiritualistes, conspirationnistes, relativistes… Il a aussi sollicité les différents types de croyances : religieuses, parareligieuses, pseudoscientifiques, politiques… Bref, il y avait de quoi faire !

Enfin – ou peut-être d’abord –, l’épicentre du prétendu Mystère se situait géographiquement au cœur de ma région natale, attrait supplémentaire évidemment, d’ordre affectif cette fois. Il faut dire que cette partie de l’Occitanie regorge de « puits à mythe », pour reprendre une expression de l’écrivain Henri Gougaud, avec le « triangle ésotérique » formé par la « montagne sacrée » du Bugarach, la cité thermale de Rennes-les-Bains et le village perché de Rennes-le-Château dans la haute vallée de l’Aude, le château de Montségur et les autres « citadelles du vertige », un peu plus loin les spoulgas cathares et les cavernes ornées paléolithiques dans la haute vallée de l’Ariège, encore un peu plus loin, sur l’autre rive de la Garonne, le territoire de la « race maudite » des Cagots… Toutes choses qui ont fait les beaux jours de « l’histoire mystérieuse » hexagonale…

Contrairement aux légendes traditionnelles des temps passés, ce récit collectif a pu être observé en continu de sa naissance à sa mort si l’on peut dire. Les apports respectifs des différents auteurs, les sources, dates et modes d’introduction de thèmes et personnages, les types de déformations imprimés aux faits historiques, etc. sont donc très bien identifiés. On peut retracer en détail l’ensemble du processus.

Le livre aurait pu ainsi s’intituler « Vie et mort d’un récit collectif » car, depuis une décennie environ, la « Belle histoire » – la version merveilleuse de l’affaire – avance à la manière d’un zombie : elle continue à être évoquée, utilisée à différentes fins, touristiques surtout, mais a quasiment cessé d’être objet de croyance. Je situerais sa mort effective vers 2013. Après l’affaire du Pech d’En-Couty qui a scellé en 2011 l’échec de la quête d’un trésor matériel, le fiasco encore plus grotesque de la prédiction de fin du monde à Bugarach en 2012 puis le refus par la DRAC en 2013 de donner suite aux spéculations para-archéologiques de l’architecte Paul Saussez en autorisant de nouvelles fouilles dans l’église de Rennes. En cette même année 2013 est paru le dernier livre à avoir un tant soit peu marqué les esprits, Le secret dévoilé de Christian Doumergue, un « true believer contrarié » devenu la bête des médias en France sur Rennes-le-Château et les sujets connexes. Les étrangers, principalement les Anglo-saxons, paraissent également avoir lâché l’affaire à la même époque, après y avoir été de très actifs mythmakers à partir du début des années 1970. Au moins implicitement, la cause semble désormais entendue.

 

 

 

Le livre de David Rossoni (cliquez !)

Que dit la version légendaire de cette histoire ?

De façon caractéristique, il n’existe pas une seule version légendaire mais plusieurs variantes. Et cette histoire imaginaire a de plus changé de genre au fil du temps, ce qui en accroît encore l’intérêt.

En règle générale, une légende se forme par l’exagération de faits réels, leur transposition dans un contexte différent, leur amalgame à des évènements indépendants ou/et leur remodelage pour épouser un scénario préexistant. On peut suivre sa construction progressive à partir de versions précédentes imparfaites, voir certains évènements disparaître, de nouveaux épisodes s’amalgamer au récit, etc.

Dans un premier temps, à la Belle Époque, nous avons ici un fait divers mineur mais revêtant un caractère insolite et une dimension symbolique – l’enrichissement en apparence inexpliqué d’un pauvre curé de campagne devenu bâtisseur, l’abbé Bérenger Saunière (1852-1917). Le caractère fastueux – selon les critères locaux – des constructions et du train de vie du prêtre ainsi que l’incertitude sur l’origine de l’argent dépensé ne tardent pas à donner lieu à des rumeurs villageoises. Une rumeur est un récit présenté comme authentique – le narrateur se réfère généralement à une source – mais dont il n’est pas possible en l’état de contrôler la véracité.

Un embryon de légende traditionnelle relative à la découverte d’un trésor (légende dorée) et à une pénitence posthume du prêtre (légende noire) prend naissance à partir de ces rumeurs dans l’entre-deux-guerres, après la mort de Saunière. Certains disent que les somptueuses bâtisses de son domaine ont été édifiées « avec l’argent d’un trésor trouvé », d’autres que la statue hideuse qui porte le bénitier de l’église est « l’ancien curé qui a été transformé en diable ». La découverte d’un trésor enfoui et la condamnation d’un prêtre séculier à une pénitence posthume en raison de péchés commis pendant sa vie – et surtout parce qu’il n’a pas dit les messes qui lui avaient été payées – sont des motifs narratifs communs dans le légendaire français.

La société française se modernise cependant rapidement après la Seconde Guerre mondiale. Les évènements originels sont à nouveau altérés dans la légende contemporaine, forgée, signe des temps, dans un but d’emblée commercial par un homme d’affaires d’origine citadine.

Ce premier auteur, déjà romancier amateur à ses heures, met habilement en récit la vie de Saunière et l’histoire antérieure du petit village audois en puisant plus dans la rumeur/mémoire collective que dans les documents d’archives pourtant à sa disposition. Afin de rendre sa pseudo-histoire plus attractive, notre inventeur en omet les points ordinaires et souligne, ou invente purement, des détails propres à frapper l’imagination. Les faux souvenirs déjà nourris à propos de Saunière par des gens du pays se trouvent favorisés par les échanges d’informations, la lecture d’articles journalistiques, des interviews guidées, consciemment ou pas, etc. D’autres motifs légendaires, plus ou moins rationalisés, viennent ainsi enrichir le récit.

En peu d’années, la croyance en une histoire remarquable se généralise. D’autres auteurs aux motivations variées reprennent cette version sensationnelle, avec des élaborations et des embellissements successifs.

Mais la légende d’un trésor matériel fait bientôt place à celle d’un trésor spirituel, qui se coule à son tour dans le mythe du Grand Monarque avec l’épisode de la descendance mérovingienne puis dans le grand mythe de l’Occident, le mythe chrétien, avec l’entrée en scène de Jésus-Christ et de Marie-Madeleine.

Le mythe contemporain est d’inspiration gnostique : une personne humble – Saunière ou son confrère de Rennes-les-Bains Boudet dans certaines versions plus tardives – découvre l’existence d’un secret pouvant changer le monde et accède à l’état de grand initié. Ce modèle gnostique est tout à fait compatible avec la spiritualité individualiste de notre époque qui se livre à un bricolage généralisé des croyances religieuses. Une nouvelle génération d’auteurs produit alors une multiplicité d’opinions théologiques « hérétiques » en explorant diverses variantes possibles du mythe.

La petite histoire rennaine permet désormais de récapituler l’histoire mythologique du monde occidental. De plus en plus, elle sert de prétexte à remettre sur le tapis et à discuter tout son fond de traditions ésotériques et religieuses, ses mouvements et dissidences spirituels, avec des élargissements successifs.

Mais, un jour, les mythes aussi peuvent mourir…

 

Comment avez-vous travaillé ? Avec quelles sources ? Sur combien de temps ? Quelles difficultés en chemin ?

L’ouvrage a bien sûr nécessité un gros travail de documentation, qui s’est étendu sur plusieurs années, accompagné de nombreux échanges avec des saunièrologues patentés et de multiples excursions dans le Razès. J’en ai rédigé une première version entre 2007 et 2010, date de sa publication sous le titre de l’Histoire rêvée de Rennes-le-Château – Éclairages sur un récit collectif contemporain. Le professeur Henri Broch a vivement souhaité le republier une dizaine d’années plus tard dans sa collection zététique. Je l’ai alors refondu pour en faire une version plus aboutie et mise à jour, ce qui m’a occupé une année de plus.

L’histoire de l’abbé et de son trésor ont fait l’objet de très nombreux ouvrages

Dans ce cheminement, avez-vous découvert des éléments jusqu’ici ignorés de ceux qui parlent de l’affaire ?

Il m’a plus fallu lutter contre le chaos informationnel, la surabondance anarchique d’informations, que contre la pénurie d’informations… Cette affaire, comme beaucoup d’autres domaines au XXIe siècle, a besoin de tout, sauf d’informations supplémentaires ! J’ai évidemment parcouru les rares publications académiques sur le sujet et consulté les fonds d’archives accessibles, mais la plupart des données factuelles avaient déjà été mentionnées « quelque part » – souvent éparpillées dans des documents produits par d’obscures associations, auto-édités par des chercheurs amateurs, publiés anonymement ou sous pseudonyme sur internet, etc. Mon apport personnel sur ce plan s’est limité à des éléments comme le positionnement politique de membres de la famille Saunière ou la source d’influence de tel évènement fictif introduit dans la biographie du héros. Plus qu’ajouter de nouveaux renseignements, l’essentiel de mon travail a consisté à rassembler, organiser, vérifier, analyser et synthétiser des sources partant absolument en tous sens pour enfin donner une vision claire et détaillée de l’ensemble du puzzle correctement reconstitué.

 

Quelles objections rencontre votre travail ?

Depuis que nous sommes entrés dans l’ère de la post-vérité avec notamment le développement des réseaux sociaux, on ne peut plus guère s’attendre, surtout sur un pareil sujet, à de quelconques objections argumentées… Lors de la parution de la première mouture de l’ouvrage, des controverses entre « croyants » et « sceptiques », ou opposant différentes chapelles de croyants, subsistaient encore. À titre d’exemple, le fortéen Philippe Marlin, par ailleurs propriétaire alors de la principale librairie de « la Colline envoûtée », m’avait essentiellement reproché la dureté de mes analyses critiques – concernant notamment le véritable inventeur de la légende – et s’inscrivait en faux sur la fin prochaine de cette histoire en tant qu’objet de croyance. Ma prédiction s’est pourtant réalisée peu après… si bien que M. Marlin a dû vendre son commerce en faillite. La disparition des controverses signe d’ailleurs le fait que le récit légendaire est devenu une fable à laquelle quasiment plus personne ne croit.

Plus généralement, chacun tend aujourd’hui à rester confiné dans sa bulle informationnelle, à l’abri des micro-agressions de ceux qui ne pensent pas comme soi. Le biais de confirmation fonctionne à plein. Les informations « déplaisantes » sont ignorées – elles ne nous parviennent simplement pas – ou sinon sont rejetées sans examen, balayées d’un tweet ou dans une brève vidéo… Le site de la Gazette de Rennes-le-Château passe simplement sous silence l’existence de mon livre, pourtant centré sur sa raison d’être. Le relativisme ambiant, nouvelle philosophie dominante de notre monde occidental, tend à tout transformer en simples opinions non contraignantes.

 

Quelle leçon principale devons-nous tirer de l’histoire de l’Abbé Saunière ?

Premièrement, que nous sommes bien une sacrée « espèce fabulatrice » ! Puis, que le mythe est plus fondateur que l’histoire à visée scientifique, et la rumeur plus forte que l’information. Enfin, qu’informer correctement reste le plus souvent insuffisant pour convaincre quelqu’un qui s’est déjà formé sa propre petite opinion sur un sujet.

Certaines personnes veulent continuer de croire ceux dont on a prouvé maintes fois qu’ils mentaient dans leur intérêt et pour salir autrui ; le remède ne se trouve pas ici. Celles et ceux qui ont conscience que la confiance se mérite, et pas seulement en prononçant les phrases qui font plaisir aux oreilles convoitées, trouveront ici matière à réflexion.

 

Le 4 décembre 2022, Idriss Aberkane tweetait ceci :

« Tout est sous contrôle.

La Réalité : les accusations contre Fact and Furious ont reçu de nombreuses preuves (ordinateurs, documents photoshoppés, certificats médicaux, plaintes, procès verbaux)

Wikipedia : c’est rien que des mensonges sans preuves complotés par @france_soir »

Pour appuyer le narratif que Wikipédia est employé pour désinformer le public, Aberkane ajoute une image captant un paragraphe.

On peut y lire : « En novembre 2022, un site français, Facts & Furious, ferme suite à des accusations d’articles sur commande et de trafics de test au COVID-19, sans aucune autres preuves que les dires de Francesoir. » Sont associés trois liens vers le site de Xavier Azalbert.

 

Quel est le problème ?

 

Premier indice : la graphie « facts & Furious » avec un s à « facts » se retrouve dans certaines publications d’Idriss Aberkane ainsi que dans le titre de son passage vidéo chez André Bercoff.

 

Idriss Aberkane ne donne pas la source de cette capture, mais en cherchant un peu on finit par trouver quelque chose d’intéressant sur la page de l’article « Vérification des faits« , autrement dit le fact-checking, qui est la Némésis d’Idriss Aberkane.

 

A partir de là, on peut se poser quelques questions.

 

Petit TUTORIEL

Sur une page wiki, vous pouvez avoir accès aux modifications successives apportées par les internautes  en cliquant sur Voir l’historique.

 

On arrive sur cette page :

La ligne qui nous intéresse est celle du 4 décembre à 9h23.

En cliquant sur « diff » on peut voir l’état du passage avant et après la modification :

 

Sur la droite, on voit les modifications. Elles sont mises en évidence par un surlignage bleu. Ici a été rajouté à l’ancienne version «  sans aucunes autres preuves que les dires de Francesoir. » Ce sont ces quelques mots qui permettent à Idriss Aberkane de prétendre, dans son tweet, que pour Wikipédia : « C’est rien que des mensonges sans preuves complotés par @france_soir »

NB : la version actuelle de cette page ne contient plus la mention à France Soir, mais informe toujours sur l’existence des accusations portées. Le « s » fautif à « Facts » est toujours là…

 

Et maintenant nous pouvons regarder la chronologie des faits. La modification sur Wikipédia est validée à 9h23. Le tweet d’Idriss Aberkane est posté à 9h29.

Quelle coïncidence qu’il ait visité cette page dans les 6 minutes qui ont suivi cette modification faite par un internaute anonyme.

Je ne dis pas qu’Idriss Aberkane a modifié lui-même la page Wikipédia pour pouvoir nourrir le narratif complotiste qui lui sert à dissuader son public d’avoir confiance dans l’encyclopédie qui dresse de lui un portrait fiable et donc peu flatteur. Je n’en ai pas la preuve. Mais 6 minutes c’est court pour y glisser d’autres hypothèses.

 

Attendez. Regardons mieux.

Le tweet est envoyé à 9h29, mais la capture d’écran porte un horaire différent : 9h24.

 

Autrement dit, c’est dans la minute qui a suivi la modification de la page Wikipédia, qu’Idriss Aberkane disposait de la capture d’écran qui a servi à écrire dans la foulée son tweet accusant Wikipédia de désinformation.

Je vous laisse vous faire votre propre avis. Je dirais simplement que la fiabilité de Wikipédia se situe notamment dans sa transparence et dans la possibilité de retracer les modifications des articles pour comprendre comment ils sont construits. L’encyclopédie n’est pas parfaite, mais elle sait se défendre contre la plupart des manipulations.

 

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Je me permets une petite conclusion

Une règle semble s’imposer depuis le temps que j’observe le comportement des stars du complotisme. Chaque fois qu’Idriss Abekane porte une accusation, il s’agit très exactement de ce qu’il commet lui-même et veut camoufler en désignant un coupable ailleurs. Ce mode de projection n’est pas nouveau, mais il est ici pratiqué avec une régularité étonnante et un culot qui pourraient forcer l’admiration si les mensonges ne portaient pas sur des sujets graves avec pour conséquence des vies mises en danger.

 

Mes remerciements à Lez qui a repéré ce détail chronologique.

 

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Par Alexis Seydoux, historien

 

Dans sa dernière vidéo Idriss Aberkane propose une analyse géopolitique visionnée plus de 320 mille fois. Même si l’on sait que l’individu ment effrontément sur son parcours, ses accomplissement, ses compétences (etc.), il pourrait malgré tout rester un analyste pertinent et utile. Hélas, quand un historien se penche sur ce travail, rien de subsiste.

Acermendax

 

Nous avons regardé Idriss Aberkane, titulaire d’un PhD en géopolitique (non reconnu par l’Etat français) nous faire ses prédictions sur l’Arabie Saoudite. Dans une vidéo de moins de vingt-cinq minutes (Bientôt un coup d’état en Arabie Saoudite ? publiée le 28 novembre 2022), il nous explique que l’Arabie Saoudite tente de changer de camp et que les États-Unis ne vont pas se laisser faire et vont provoquer un coup d’état à Ryad au rythme de la CIA[1]. Prévision révolutionnaire qui s’appuie sur une lecture de l’histoire de l’Arabie saoudite et des relations extérieures des États-Unis.

 

Nous allons ici décrypter les arguments historiques de monsieur Aberkane, en suivant le fil de sa vidéo. Nous cherchons à montrer la pertinence de ses arguments.

 

L’idée générale de la vidéo, c’est la perte de puissance des États-Unis, et notamment de la présence du dollar. Monsieur Aberkane met en avant l’argument qu’on perçoit la perte de puissance d’un état par sa tolérance aux contestations de son pouvoir (20 premières secondes de la vidéo)[2]. Et de nous mettre en parallèle la récupération des aigles perdus par Crassus à Carrae par Agrippa, après un accord politique avec les Parthes[3]. On ne voit pas ici le rapport avec la perte de puissance, au contraire ; c’est bien une marque de la puissance romaine qui est déployée. Ajoutons un “n’importe quoi” : les survivants des légions de Crassus auraient des descendants jusqu’en Chine. On a ici une lecture historique datant du XIXe siècle, totalement inutile (à part à faire étalage d’anecdotes qui font « cultivé »)[4].

 

L’hypothèse posée veut que l’Empire américain accepte le début de la fin du dollar[5]. Là, Aberkane nous lance une tirade sur ce qui arrive classiquement aux pays qui refusent d’accepter le paiement en dollars sur le marché des hydrocarbures. Il nous donne trois exemples de pays que les États-Unis ont menacé ou attaqué pour ne pas avoir joué le jeu : le Venezuela, la Libye et la Syrie[6].

Le Venezuela a toujours vendu son pétrole en dollars[7]. La rupture avec Washington est liée à la Révolution bolivarienne mise en place par le président Hugo Chavez, qui entend s’opposer à la domination nord-américaine, et par sa volonté de fédérer les états d’Amérique du Sud contre le géant états-uniens[8]. Concernant la Libye, son affrontement avec les États-Unis date des années 1980 ; elle est liée aux actions terroristes pilotées par Tripoli, comme l’attentat de Lockerbie ou l’attentat de Berlin[9]. Quant à la Syrie, elle n’a pas tourné le dos à la politique américaine sur la question des hydrocarbures. D’une part, elle est depuis les années 1950 une alliée de la Russie Soviétique et fait partie de longue date du camp anti-américain[10]. Et si Damas s’est rapproché un moment de Washington durant la Guerre du Golfe en 1991, la Syrie s’est de nouveau tournée vers Moscou dès le début de la Guerre civile. D’autre part, la Syrie n’est qu’un tout petit producteur de pétrole, avec moins de 0,5 % de la production mondiale en 2010 et environ 5,5 millions de barils en 2018[11]. Donc, les trois exemples donnés par Idriss Aberkane pour montrer qui les États-Unis punissent en cas de sortie du système du dollars dans la vente des hydrocarbures sont tous faux.

Il ajoute un exemple, celui de l’Iran qui aurait aussi voulu sortir du dollar et qui aurait été puni par les États-Unis et spécialement par la CIA. On est ici dans une totale confusion et dans des assertions fausses. Il cite l’exemple de Mossadegh, renversé en 1953 avec l’aide de la CIA et de la Révolution islamique de 1979 choisie par les États-Unis pour éviter la révolution marxiste. Dans le premier cas, le Premier ministre iranien, le docteur Mossadegh, allié au parti marxiste Tudeh, a nationalisé le pétrole iranien ; il est renversé lors d’un coup d’état orchestré par les Britanniques et les États-Unis, car ces deux états craignent leurs pertes d’influence respectives[12]. Dans le second cas, les États-Unis ne sont pas face à un choix entre l’islamisme – dont on ne connaît encore pas bien les contours, et le marxisme, mais face à la prise de pouvoir par les religieux chiites soutenus par les libéraux et les Moudjahidines du Peuple ; à cette date, le parti Tudeh et la gauche marxiste iranienne n’est que l’ombre de ce qu’elle était dans les années 1950[13]. Enfin, quand l’Iran sort du marché du pétrole, c’est du fait de l’embargo onusien, qui interdit à Téhéran de vendre ses hydrocarbures après la révélation de son programme nucléaire. On voit ici toute l’ignorance d’Idriss Aberkane sur ces questions.

 

Terminons sur les délires autour de l’Iran et de l’Arabie Saoudite. Depuis sa fondation dans les années 1920, l’Arabie Saoudite et l’Iran sont antagonistes , autant sur le plan politique que religieux. Le Wahhabisme saoudien a pour ennemi le chiisme, au nom du Tahwid, l’unicité de Dieu. Dans le même temps, Téhéran et Ryad sont adversaires pour le contrôle du Golfe. Seulement, l’Iran avec une population bien plus nombreuse et une armée plus importante, devient dans les années soixante-dix le gendarme du Golfe. L’Arabie Saoudite ne peut rivaliser. Les deux pays sont alliés des États-Unis, ce qui n’empêche pas Ryad et Téhéran d’être opposés[14].

Terminons sur les multiples erreurs risibles sur la fondation de l’Arabie Saoudite, qu’un élève de L1 n’aurait pas commises. D’abord, sur le Wahhabisme considéré comme une secte[15]. Fondé au début du XVIIIe siècle par Ibn Abd al-Wahhab, c’est au départ un mouvement fondamentaliste qui insiste l’unicité de Dieu et condamne les nouveautés[16]. Devenu la doctrine de la tribu des Saoud, dans le Nedjed, le Wahhabisme est marginalisé et considéré comme hétérodoxe, surtout après le pillage de La Mecque en 1803. En marge du sunnisme, le Wahhabisme est réintégré après la Congrès du Monde Musulman en 1926 ; qui se tient à La Mecque sous la direction du roi Abdul Aziz. Il n’est donc plus une secte contrairement aux affirmations d’Idriss Aberkane[17].

Le pire est à venir.

Pour Idriss Aberkane, l’Arabie Saoudite est une fondation britannique, plus précisément issue de la volonté de Winston Churchill. Selon notre YouTubeur, c’est ce dernier qui, après l’échec des Dardanelles, aurait mandaté Thomas Edward Lawrence, Lawrence d’Arabie, d’armer la meilleure tribu ennemie des Ottomans. C’est encore complètement faux. En fait, dès l’entrée en guerre de l’Empire ottoman contre l’Empire Britannique, en novembre 1914, le Foreign Office, le ministère britannique des Affaires étrangères, cherche des alliés parmi les groupes arabes de la péninsule. Cette mission est confiée au commissaire britannique en Égypte, sir Henry MacMahon, qui ouvre en juillet 1915 une correspondance avec les Hachémites, sheriff de La Mecque. Donc, ce n’est pas Churchill qui a l’idée de s’allier aux tribus de la péninsule arabique, et la correspondance n’est pas adressé au Saoud du Nedj, qui reste en dehors du conflit, mais aux Hachémites du Hedjaz.

À cette erreur initiale s’en ajoute une seconde. Selon notre géopoliticien en herbe, les Britanniques reconnaissent l’état arabe et le donnent aux Saoud à la fin de la guerre[18]. C’est toujours faux. À la fin de la guerre, les interlocuteurs des alliés sont les hachémites, et spécialement le roi Hussein. Les Britanniques et les Français, ont déjà discuté de leurs intérêts respectifs et divisés la région en zones d’influence. Alors que les Hachémites veulent former un royaume Arabe comprenant la péninsule arabique, la Syrie et les territoires mésopotamiens, les Britanniques et les Français divisent la région en trois, créant Irak, la Syrie et la Palestine. La seule partie indépendante est l’Arabie, confiée à Hussein.

Donc, contrairement aux affirmations d’Idriss Aberkane, les Anglais ne donnent pas à la secte wahhabite les lieux saints et d’énormes ressources. Les Saoud prennent le pouvoir tout seul, obligeant le souverain Hachémite à abdiquer le 3 octobre 1924 ; quelques jours plus tard, ibn Saoud entre dans La Mecque[19]. À cette date, l’Arabie n’est pas encore une terre productrice de pétrole. Les premières prospections commencent dans les années 1930 et l’exploitation n’est réellement lancée qu’après la guerre. Quant à la conférence du Quincy, le 14 février 1945, entre le président Roosevelt et le roi Saoud, elle a d’abord pour objet l’acceptation par le roi saoudien de l’entrée en Palestine des Juifs survivants des camps de la mort[20]. La véritable alliance entre l’Arabie Saoudite et les États-Unis intervient encore plus tard, lors de l’adoption le 9 mars 1957 par le Congrès de la Doctrine Eisenhower[21].

 

À partir de 09 :39, Aberkane se lance dans des prédictions saupoudrées d’erreurs ou d’hypothèses plus qu’hasardeuses, indiquant par exemple que même si Joe Biden est le président des États-Unis, c’est en fait l’ex-président Obama qui est aux manettes. Ou encore affirmant que Enrico Mattei, dirigeant de la compagnie pétrolière italienne ENI, mort dans l’accident de son avion ; aurait bien été assassiné à l’instigation de la CIA, alors que cette hypothèse n’est pas assurée[22]. Les dernières minutes ne sont que des conjectures et des prévisions qui ne s’appuient sur aucune donnée tangible, mais ressemblent plus à des conclusions numérologiques qu’à une analyse politique.

 

Que dire en conclusion ? Idriss Aberkane ne connait pas le sujet qu’il traite. Au mieux, il fournit des analyses de comptoirs ; en général, il débite des banalités truffées d’erreurs factuelles ; au pire, il délire dans une vision complotiste digne d’un abonné de Q-Anon.

 

Alexis Seydoux

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REFERENCES

[1] https://www.youtube.com/watch?v=Rvsp8sba5AM, 00 :23 :09, consulté le 29 novembre 2022

[2] https://www.youtube.com/watch?v=Rvsp8sba5AM, 00 :00 :20, consulté le 29 novembre 2022

[3] Claude BRIAND-PONSART et Frédéric HURLET, L’Empire romain d’Auguste à Domitien, Paris, Armand Colin, 2001, page 64 ; Michel CHRISTOL, Pierre COSME, Frédéric HURLET, Jan-Michel RODDAZ, Histoire romaine, tome 2, D’Auguste à Constantin, Paris, Fayard, 2021.

[4] https://www.youtube.com/watch?v=Rvsp8sba5AM, 00 :01 :09, consulté le 29 novembre 2022.

[5] https://www.youtube.com/watch?v=Rvsp8sba5AM, 00 :01 :32, consulté le 29 novembre 2022.

[6] https://www.youtube.com/watch?v=Rvsp8sba5AM, 00 :02 :52, consulté le 29 novembre 2022.

[7] https://www.letemps.ch/monde/venezuela-pret-approvisionner-marche-mondial-petrole-assure-nicolas-maduro, consulté le 29 novembre 2022.

[8] Michael MANN, The sources of Social Power, vol. 4, Globalization 1945-2011, Cambridge, CUP, 2013, page 289 ; Justin JENNINGS, Globalization and the Ancient World, Cambridge, CUP, 2011, page 149.

[9] Russel CRANDALL, America’s Dirty Wars, Irregular Warfare from 1776 to the War on Terror, Cambridge, CUP, 2014, pages 447 et suivantes ; Stefano MARCUZZI, The EU, NATO and the Libya conflict. Anatomy of a Failure, Londres, Routledge, 2022 ; ce livre analyse largement les relations entre la Libye et l’OTAN, dont les États-Unis.

[10] Sylvia CHIFFOLEAU, Le Moyen-Orient 1876-1980, Paris, Atlande, 2017, pages 201 et 202.

[11] https://d9-wret.s3.us-west-2.amazonaws.com/assets/palladium/production/atoms/files/myb3-2017-18-sy.pdf, consulté le 29 novembre 2022.

[12] Mohamed-Reza DJALILI et Thierry KELLER, Histoire de l’Iran contemporain, Paris, La Découverte, 2017 , page 58 ; Yann RICHARD, “L’islam politique en Iran”, in Politique étrangère, 2005, n°1, page 63.

[13] Yann RICHARD, “La prise de pouvoir de l’Ayatollah Khomeiny”, in L’Iran des Perses à Nos jours, L’Histoire, Paris, Fayard, 2010cité, page 191 ; Imane-Hélène CHAMES-EDDINE, Le Moyen-Orient, les années 1980, Paris Atlande, 2017, page 94

[14] Mohamed-Reza DJALILI et Thierry KELLER, Histoire de l’Iran contemporain, op. cité, page 69.

[15] https://www.youtube.com/watch?v=Rvsp8sba5AM, 00 :04 :45, consulté le 29 novembre 2022.

[16] Henry LAURENS, L’Orient Arabe Arabisme et Islamisme 1798-1945, Paris, Armand Colin, 2000, page 46.

[17] Henry LAURENS, L’Orient Arabe Arabisme et Islamisme 1798-1945, , Paris, Armand Colin, 2000, page 251.

[18] https://www.youtube.com/watch?v=Rvsp8sba5AM, 00 :07 :16, consulté le 29 novembre 2022.

[19] Henry LAURENS, L’Orient Arabe Arabisme et Islamisme 1798-1945, op. cité, page 250.

[20] Charlie LADDERMAN, “The Rise of Modern Middle East”, in Brooke BLOWER et Andrew PRESTON (edit), The Cambridge History of America and the World, volume III, 1900-1945, Cambridge, CUP, page 242.

[21] VIncent CLOAREC et Henry LAURENS, Le Moyen-Orient au XXe siècle, Paris, Armand Colin, 2005, page 117.

[22] Christopher DUGGAN, A concise History of Italy, Cambridge, CUP, 2014, 2e edition, page 266 : l’affaire n’est pas close et il est possible que l’accident de l’avion qui transportait Enrico Mattei a été causé par une charge explosive ; en revanche, rien ne relie directement les États-Unis à cette mort.

 

(34min36) « Thomas Durand est sous le coup d’une plainte pour association de malfaiteurs avec un juge d’instruction qui est nommé et qui s’occupe de son dossier à l’heure où nous parlons. Il est pourtant proche de Julien Pain. »

Ah bon ?

 

La meilleure défense c’est l’attaque ?

À ma connaissance, Idriss Aberkane n’a jamais porté plainte après le « coup de filet » dans la sphère zététique annoncé en avril 2022 par lui et France Soir, et la promesse de « 5 plaintes dans trois pays ». Si finalement il le faisait, cela ne prouverait rien d’autre que ça : il  a porté plainte. Jamais M Aberkane n’a su répondre par autre chose que des injures au détricotage de la fiction qu’est son CV et au débunkage de ses « travaux » par les rares chercheurs qui s’y intéressent. Son succès, il le doit à la couverture médiatique lénifiante de 2016 dans les grands journaux et les grandes télés qu’il vilipende aujourd’hui mais qui ont propulsé son premier livre en tête des ventes, et au prosélytisme fervent de la complosphère qu’il drague depuis sa disgrâce dans les milieux académiques et des grands médias.

En démocratie, il faut supporter que des arnaqueurs jouent avec les limites du système et se fassent le porte-voix d’idéologies indifférentes à la vérité : c’est le jeu de la liberté d’expression.

Mais ce 22 novembre 2022, Idriss Aberkane passe à l’attaque d’une manière indécente. Il aurait pu choisir de livrer une enquête tentant de démontrer qu’il a raison sur ceci ou sur cela (les sujets sur lesquels il s’exprime sont nombreux et il est constamment démenti par les faits…). Il aurait pu publier un article scientifique à l’appui de sa prétention d’avoir résolu la conjecture de Syracuse (pour vous donner un ordre de grandeur du ridicule, disons qu’il se targue d’avoir grillé Usain Bolt au 100 mètres, mais pleurniche que les autres athlètes ne courent pas assez vite pour s’en rendre compte). Il aurait pu rassembler des chercheurs de premier plan pour défendre le traitement à base d’hydroxychloroquine contre le covid. Il aurait pu livrer une enquête journalistique démontrant l’existence de malversations, de mensonges, d’intentions malhonnêtes chez ceux qui le critiquent. Il aurait pu prouver la « corruption » dont il accuse tout le monde en  échappant à ce jour à des plaintes en diffamation qu’il mérite. Et cetera.

Mais il choisit d’exploiter un contentieux matrimonial en donnant la parole, en direct, à une dame très remontée contre son ex-mari qui, selon elle, n’est « qu’un pion, l’abruti de service ». Antoine Daoust, mis en cause ici, a porté plainte pour diffamation, ce qui n’est jamais signalé par M Aberkane. La réaction d’Antoine Daoust, pour le moment, consiste en quelques tweets.

 

Pour ce que cela vaut : je déclare sur l’honneur n’avoir aucun lien d’intérêt avec Fact & Furious ou Antoine Daoust et ne m’être concerté avec personne pour écrire ce billet (sauf relecture par des membres de l’ASTEC). Je n’ai pas vocation à le défendre, ce n’est pas le but de ce billet. Ici, je veux souligner la manière dont Idriss Aberkane communique ; cela a toujours été son grand talent.

 

Un long entretien en vidéo sans coupure

Pendant 55 minutes, Monsieur Aberkane donne la parole à l’ex-femme d’Antoine Daoust, créateur de Fact & Furious, journaliste qui, pour informer le public, débunke régulièrement la désinformation délibérée de France Soir et de la complosphère associée à… Idriss Aberkane. Antoine a par exemple suivi de très près le travail du comité d’éthique chargé de statuer sur l’accusation de plagiat sur l’une des thèses de monsieur Aberkane. Histoire qui est sortie dernièrement dans l’Express.

Cette dame, Malika Daoust, dit tout le mal qu’elle pense de son ex-mari à un Idriss Aberkane assez malin pour rappeler constamment que le ciblé est présumé innocent, qu’il s’agit d’opinion, mais en choisissant le format du direct devant 700k abonnés déjà abreuvés au narratif d’un « gang mafieux », d’une « secte » qui serait aux trousses du héros Aberkane. [Pourquoi avoir choisi le format du direct au lieu d’un entretien enregistré permettant de s’assurer qu’on ne s’écarte pas du sujet ? Peut-être en prévision de la difficulté de plaider ne pas être responsable des propos tenus s’ils avaient été le résultat d’un choix lors du montage. Manœuvre habile si un éventuel juge s’y laisse prendre.]

Les accusations reposent, pour l’essentiel, sur la seule parole du témoin. Selon elle, et avec l’assentiment d’Idriss Aberkane qui choisit de publier l’entretien, Antoine Daoust est un menteur, un arriviste, un escroc qui maquille et vend de fausses ordonnances ou tests PCR, un journaliste corrompu et un mari violent.

Alors bien sûr, SI C’EST VRAI C’EST TRES GRAVE, comme d’habitude avec les histoires balancées par la complosphère. Si Antoine Daoust est coupable, je veux qu’il soit puni. Mais quand on veut la justice, et pas juste détruire la vie d’un individu, ou pousser à la violence une communauté déjà prompte aux menaces et aux passages à l’acte (Cf l’agression de Thomas Huchon), on ne se lance pas dans une attaque brouillonne sur la chaine d’un polémiste en recherche désespérée d’un moyen de raviver l’adhésion de son public.

 

 

Le monde du journalisme est vaste : l’histoire de Malika Daoust pourrait intéresser n’importe quelle rédaction où le respect des principes déontologiques permettrait de savoir que les journalistes ont procédé à des vérifications avant de publier le témoignage. Les journaux sont remplis de gens aux idées diverses, aux sensibilités de tout bord, et vous trouverez toujours quelqu’un pour s’intéresser aux casseroles de n’importe qui. Ici, nous devons nous contenter de la crédibilité d’Aberkane-Azalbert, et c’est gravement insuffisant : ils ont désinformé par le passé, ils n’ont jamais montré de remord. Les intérêts de Malika Daoust et la valeur même de sa parole sont gravement mis en péril par cette stratégie de communication. Idriss Aberkane aurait dû aiguiller cette personne vers des médias plus sérieux, aptes à accueillir son témoignage.

 

 

Avec cette vidéo, le lynchage numérique d’Antoine Daoust par la complosphère est assuré. Il a commencé. Je ressens moi-même, pour avoir été tagué par le blogueur complotiste Xavier Azalbert et quelques autres, les contrecoups du harcèlement intensif dont Antoine Daoust est l’objet. Xavier Azalbert a publié sur Twitter des extraits d’échanges privés avec lesquels il entend prouver l’existence d’une sorte de gang mafieux.  » J’ai enquêté sur des affaires mafieuses par le passé » nous dit Aberkane (à 39 minutes) pour mieux décrire le milieu du fact-checking comme un réseau mafieux. Le contenu des échanges publiés montre-t-il autre chose qu’un journaliste entretenant des relations cordiales avec des personnes à même de fournir des informations avant qu’elles ne circulent ? Ce n’est pas mon impression. Alors dans quel but les publier ?

Le but semble évident : valider tous les autres contenus. Affirmer qu’Antoine Daoust « obéit à des ordres » quand il critique Raoult, Perronne, Azalbert, Aberkane, reparler encore de « blanchiment de terrorisme intellectuel » (48min), de l’apparition d’un réseau « ex nihilo » (55 min), de « la coordination de ce réseau » : des sources non indépendantes qui se protègent entre elles, bref de nous brosser un tableau complotiste de la situation. Comme d’habitude.

 

Instrumentalisation de la parole des victimes

Cette vidéo de monsieur Aberkane constitue la montée d’une nouvelle marche dans l’escalier de sa radicalisation.

Désormais, les histoires privées de celles et ceux qui le critiquent sont exploitées. Désormais, la chasse aux rumeurs est lancée, l’escalade des accusations est amorcée. Et nous voyons la pauvreté de la récolte étirée sur 55 minutes de malaise d’une vidéo titrée « SCANDALE au pays des fact-checkeurs » et destinée non seulement à abattre un homme mais à soutenir l’idée d’un gang organisé (dans lequel mon nom est cité, je suis bien placé pour vous dire que le délire est authentique). Sans doute que des gens qui agissent comme le groupe « CIA » dénoncé dans Complément d’enquête imaginent que tout le monde a le même mode opératoire. Mais en fait : non.

 

Le témoignage de Malika Daoust intervient dans un contexte où la parole des victimes de violences et d’abus se libère. Nous encourageons ce mouvement de fond afin que les victimes se fassent entendre et qu’on épargne le même sort à de futures potentielles victimes. C’est d’autant plus important que bien des obstacles se dressent contre la reconnaissance et la répression des violences faites aux femmes. Idriss Aberkane qui  prétend s’en prendre au système dans ce qu’il a de plus pernicieux, n’a jamais abordé la thématique de ces violences à ma connaissance, mais soudain elle devient assez importante pour la mentionner dans une émission en direct. Ce que Mediapart peut se permettre, fort de toute équipe de rédaction ayant le sens des responsabilités, Aberkane ne le peut pas.

Ce qui est particulièrement pervers ici, c’est que le témoignage de Malika Daoust est présenté sous cet angle, celui où l’on doit respecter la parole des victimes, les croire et espérer que la justice enquête… pour vriller aussitôt vers des propos qui n’ont rien à voir et qui sont des accusations de corruption.  J’attire votre attention sur le tour d’illusionnisme d’Idriss Aberkane qui cherche à rendre crédible des accusations au prétexte qu’elles émanent d’une personne par ailleurs présentée comme une victime de faits sur lesquels la justice devra se prononcer. Comme si ces accusations ne se suffisaient pas à elles-mêmes.

Si Malika Daoust a été la victime de mauvais traitements de la part de son ex-mari, c’est grave, il faut que son statut de victime soit reconnu. Mais, évidemment, dans le contexte très conflictuel d’un divorce qui se passe mal, les accusations méritent d’être accueillies avec précaution ; cela pourrait être faux. Dans les deux cas, ce n’est pas censé avoir d’impact sur la crédibilité de sa parole concernant la prétendue corruption d’Antoine Daoust. Idriss Aberkane aurait dû être prudent et ne pas mélanger les registres, sauf si, comme d’habitude il compte enfumer le public à l’instant présent en exploitant la lenteur du travail d’enquête nécessaire pour contrer son baratin. Cette histoire a tout de l’assommoir : un moyen commode de discréditer Antoine Daoust dans tous ses prochains travaux, dont certains concerneront certainement… Idriss Aberkane.

L’histoire de la conjecture de Syracuse est tellement absurde qu’il n’a aucune chance d’échapper au verdict de la science, et pourtant il baratine, il enfume, c’est sa stratégie. Elle est perdante en toute logique. Or, nous constatons que, dans certains territoires, la logique n’est pas aussi puissante qu’elle devrait l’être. Mise-t-il sur la bêtise de son public ?

 

Au final, Idriss Aberkane et France Soir multiplient les allégations, les soupçons, les insinuations tout en prétendant remettre sur les seules épaules de Malika Daoust la responsabilité de ce qu’ils publient. Antoine Daoust aurait fait de fausses ordonnances et de fausses PCR : si c’est vrai c’est grave, mais si c’est faux… Eh bien si c’est faux c’est pas leur faute : c’est Malika. Parce que derrière tout cela, il n’y a aucun travail d’enquête.

Les faits seront finalement avérés ou réfutés. Par d’autres. Ni Aberkane ni Azalbert n’ont travaillé à la manifestation de la vérité, ils ont manœuvré pour salir leurs ennemis. Leurs méthodes continuent de s’enlaidir pour le plus grand plaisir d’une frange du public qui demande du sang. Et qui pourrait bien finir par en obtenir.

 

 

L’objectif de tout cela est résumé dans un Tweet d’Aberkane : détruire la crédibilité du travail d’Antoine Daoust… Sans jamais répondre sur le fond de la critique émise par lui, mais en accumulant les couches de soupçon jusqu’à ce qu’on ne voit plus que le narratif aberkanien, du héros assailli par des vilains. Nous avons affaire à un exercice de manipulation par excellence. Et bien sûr des centaines de gens sont très heureux de colporter l’histoire (en y croyant peut-être, mais pas forcément) car elle permet de se prendre pour des citoyens plus avisés, plus courageux, plus éveillés (que des ennemis réels ou fantasmés) sans avoir à travailler ou à se mettre à réfléchir. Mais les contenus des articles et vidéos critiques demeurent ; les démonstrations sont là, factuellement indiscutées, progressivement incontestables.

 

Un peu de vigilance épistémique !

Demandez-vous ce que valent les informations que vous recevez. Si vous y croyez pour de bonnes raison. Si on vous les présente de manière complète ou tronquée. Si vous avez les compétences pour juger les faits, pour savoir s’il s’agit vraiment de faits, si les sources sont valides, si l’interprétation est correcte. S’il est bon d’avoir un avis maintenant ou s’il est préférable d’attendre que des procédures soient suivies pour que les informations soient triées.

Si toutes ces questions vous semblent superflues parce que la vérité est évidente, je suis bien désolé de devoir vous dire que c’est la preuve que vous avez besoin de vous les poser un peu plus sérieusement.

 

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    5. — Idriss Aberkane, icône d’une fausse ère
    6. — Conférence d’Idriss Aberkane – Fact checking
    7. — Bullshitez votre cerveau et libérez votre bullshit : La méthode Aberkane et l’effet « Gourou inverse ».
    8. — Masterclass en imposture : Idriss Aberkane & Didier Raoult
    9. — Le CV Hypertruqué d’Idriss Aberkane
    10. — Le bluf et le deshonneur d’Idriss Aberkane
    11. — Le LEGENDAIRE Idriss Aberkane
    12. — IDRISS J. ABERKANE : Le cas de la thèse en littérature comparée
    13. — Enquête financière sur les entreprises d’Idriss Aberkane
    14. — Idriss Aberkane a-t-il piégé l’Express ?
    15. — Idriss Aberkane : le goût du scandale
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