La zététique consiste à questionner les raisons pour lesquelles nous pensons que quelque chose est vrai.

Article invité.

Lexi, créatrice de Prehistory Travel, a accepté de répondre à la question de la disparition de Néandertal. J’ai en effet lu dans un livre -bientôt débunké- que, dans la mesure où les humains modernes possèdent des séquences de Néandertal dans leur génome, on ne pourrait pas dire que celui-ci a disparu. Et pourtant…

Acermendax

 

Néandertal existe-t-il toujours ?

Le concept d’espèce

Néandertal, ou Homo neanderthalensis, est une espèce humaine éteinte, distincte de la notre. En effet, lorsqu’on évoque « Néandertal », il est essentiel de comprendre que l’on fait référence à une espèce à part entière, différente d’Homo sapiens.

Cela dit, le concept même d’« espèce » peut être débattu. En biologie, la définition la plus commune considère qu’une espèce regroupe des individus capables de se reproduire entre eux, de donner une descendance fertile sans être isolés d’un point de vue reproductif.

Mais, évidemment, en paléontologie il est très difficile d’étudier la capacité de reproduction entre deux fossiles, voire impossible en l’absence d’ADN. C’est le concept « d’espèce typologique » qui est alors utilisé : on considère un ensemble d’organisme comme appartenant à la même espèce si morphologiquement ainsi qu’anatomiquement ils se ressemblent tout en étant distincts d’un autre groupe d’organisme. En s’appuyant sur ce concept, Homo neanderthalensis et Homo sapiens sont bien deux espèces différentes. Les différentes études génétiques nous ont également permis de conclure en ce sens. À noter qu’en zoologie, Néandertal et Sapiens peuvent tout de même être considérés comme des sous espèces géographiques, car ils n’étaient pas totalement isolés reproductivement les uns des autres.

Si nous avons autant de mal à nous mettre d’accord sur une unique définition de l’espèce, c’est tout simplement car l’espèce n’existe pas intrinsèquement dans la nature. La notion d’espèce a donc été inventée pour aider à catégoriser le vivant au sein de différentes boîtes comme le règne, l’ordre, la famille, etc. Le vivant évolue constamment, mais les générations successives se ressemblent. Au sein d’une espèce on peut toutefois trouver des différences très marquées entre certains individus, liées par exemple au dimorphisme sexuel. Prenons le cas des grands singes, comme les gorilles. On observe des variations significatives entre les individus mâles, qui présentent notamment une crête sagittale, et les individus femelles, qui n’en ont pas.

Au-delà des différences intra-espèces, il est parfois difficile de déterminer à partir de quel degré de différence il faut considérer qu’il s’agit d’une autre espèce. L’évolution étant un phénomène lent, il faut plusieurs milliers d’années pour que les caractères que l’on va considérer comme caractéristiques d’une espèce apparaissent et se fixent de façon durable dans la population.

 

Un exemple assez frappant est celui d’Homo neanderthalensis. En effet, les premiers caractères morphologiques typiquement néandertaliens peuvent être débattus selon les modèles évolutifs proposés. Différentes catégories peuvent être faites entre pré-néandertaliens, néandertaliens archaïques et néandertaliens classiques. Ces derniers sont ceux pour lesquels nous observons le plus de traits néandertaliens, bien que la présence de ces traits puisse varier d’un individu à l’autre. Doit-on considérer les populations pré-néandertaliennes et néandertaliennes archaïques comme étant déjà d’une certaine façon des néandertaliens ou alors comme appartenant à une autre espèce, ancêtre de Néandertal ?

À cela s’ajoute la difficulté de différencier ce qui relève du dimorphisme sexuel, et de la variation morphologique à l’intérieur des populations.

 

Les origines de Néandertal : une question complexe

L’origine précise de Néandertal reste floue, notamment en raison de la fragmentation du registre fossile ainsi que de la grande variabilité des fossiles trouvés. Historiquement, on considère que les caractéristiques physiques propres à Néandertal se sont développées de manière progressive, dans un processus appelé accrétion (Dean , 1998 ). Ce modèle se compose de 4 étapes comme suit :

 

  1. D’abord les plus anciens, les  pré-néandertaliens, souvent regroupés aujourd’hui sous l’espèce Homo heidelbergensis à partir de -500 000 ans avec les fossiles des sites d’Arago ou Mauer par exemple.
  2. Puis des néandertaliens archaïques comme c’est le cas des fossiles de La Sima de Los Huesos daté à -430 000ans.
  3. À partir de – 250 000 ans des fossiles avec des traits beaucoup plus proches des Néandertaliens classiques, que l’on peut surnommer les premiers Néandertaliens comme ceux du site de Krapina ou encore Shanidar.
  4. Enfin de -70 000 à 40 000 ans les néandertaliens classiques comme ceux du site de La Chapelle-aux-Saints et de Spy.

 

Cela reste aujourd’hui le modèle le mieux connu et le plus accepté.

« Homo heidelbergensis » par Terra Antiqua

 

Cependant, depuis une dizaine d’années une vision plus cladogénétique, portant sur les processus de séparation et de bifurcations des embranchements au cours de l’évolution, propose une vision moins linéaire. En réalité, il y a eu d’énormes variations morphologiques au cours du Pléistocène moyen, avec par exemple des individus ayant des traits néandertaliens vivant à la même période que des individus ayants des traits plus variés . Dans ce modèle les fossiles de l’étape 1 et 2 sont en général considérés comme appartenant à l’espère Homo heidelbergensis et ceux de l’étape 3 et 4 à l’espèce Homo neanderthalensis.

Il est donc difficile de dire de quand date les premiers Néandertaliens. Si l’on considère les Néandertaliens archaïques on peut dire que c’est autour de -430 000 ans, si nous prenons les premiers  néandertaliens nous sommes autour de -250 000 ans et enfin si nous prenons en considération uniquement les néandertaliens classiques il faut attendre -70 000ans.

« Homo neanderthalensis » par Terra Antiqua

 

Néandertal et Sapiens : deux lignées distinctes

Contrairement à certaines idées reçues, Néandertal n’est pas un ancêtre de Sapiens. Nos deux espèces ont divergé à partir d’un ancêtre commun il y a environ -600 000 ans, formant ainsi deux lignées distinctes : celle menant à Homo sapiens en Afrique et celle menant à Homo neanderthalensis connu en Europe.

Il existe plusieurs modèles pour expliquer cette divergence :

  1. Modèle 1 : Séparation précoce
    Selon ce modèle, Homo erectus sensu lato  , ou Homo antecessor, aurait été l’ancêtre commun en Afrique. À partir de lui, Homo heidelbergensis aurait donné naissance à Homo neanderthalensis en Europe, tandis qu’Homo rhodesiensis aurait évolué en Homo sapiens en Afrique.

Certains chercheurs considèrent qu’Homo rhodesiensis devrait être appelé Homo heidelbergensis. Dans ce cas, les Néandertaliens seraient issus d’une souche européenne tandis que les Sapiens auraient une histoire évolutive plus africaine.

  1. Modèle 2 : Dispersions récurrentes
    Ce modèle propose que plusieurs vagues de migration hors d’Afrique ont conduit à des échanges génétiques avec les populations eurasiennes. Le dernier ancêtre commun aurait vécu entre -450 000 et -250 000 ans.
  2. Modèle 3 : Dispersion unique
    Un autre scénario suggère qu’une grande migration vers l’Eurasie a eu lieu il y a environ -700 000 ans. À partir de cette population de Homo heidelbergensis, Néandertal aurait évolué en Europe, Homo sapiens en Afrique, et les Denisoviens en Asie.

Ces trois modèles ne sont pas forcément opposés et il est possible qu’une partie de chacun ait joué un rôle au sein de cette histoire évolutive complexe.

Néandertal et Sapiens : Que nous apprend la génétique ?

Bien que Homo neanderthalensis et Homo sapiens soient considérés comme des espèces distinctes en paléoanthropologie, le séquençage du premier génome néandertalien en 2010 a révélé que toutes les populations humaines non africaines ont hérité une partie de leur génome de cet hominine aujourd’hui éteint. Ces croisements ont laissé des traces dans notre ADN : on estime qu’entre 1 ,8 % et 4% du génome des Eurasiatiques et des Océaniens provient de Néandertal.

Cette proportion génétique néandertalienne a longtemps été interprétée comme résultant d’un petit nombre d’événements de métissage avec une seule population, survenu entre –60 000 et -50 000 ans, peu après la sortie d’Afrique d’Homo sapiens.

Cependant, des recherches récentes montrent que d’autres événements de métissage ont également eu lieu entre Homo neanderthalensis et Homo sapiens. Une étude publiée en 2021 a mis en évidence que des fossiles retrouvés en Roumanie et en Bulgarie, dans les grottes de Peștera cu Oase et Bacho Kiro, datant d’environ -40 000 ans, portaient des traces d’un ancêtre néandertalien remontant à 4 à 6 générations. Toutefois, ces lignées se sont éteintes sans descendance. Par conséquent, cette vague de métissage n’a pas contribué aux populations européennes modernes, qui descendent d’une migration plus récente en Europe.

Pourquoi une part si faible néandertalienne dans notre génome ?

Plusieurs hypothèses cherchent à expliquer pourquoi cette part néandertalienne dans notre génome est si faible :

  • La purification du génome : Les gènes néandertaliens auraient été progressivement éliminés par sélection naturelle, car ils n’étaient pas bien adaptés au génome Sapiens.
  • Une faible fertilité des hybrides : plusieurs traces laissées par le métissage dans le génome de Sapiens comme par exemple le plus faible taux d’ADN néandertalien sur le chromosome X que sur les autres chromosomes, suggère que les hybrides Néandertal/Sapiens étaient peu fertiles.
  • La dilution génétique : Les Eurasiatiques modernes, et en particulier les Européens, auraient perdu une partie de leur héritage néandertalien en se mélangeant avec des populations qui n’avaient pas connu de métissage avec Néandertal.
  • Multiples métissages : Il y aurait eu plusieurs épisodes de métissage, au-delà du premier contact, mais ces derniers ont eu lieu avec des populations qui se sont éteintes sans donner de descendants.

 

Un cousin inconnu…La découverte de Denisova

Les métissages entre Homo sapiens et d’autres espèces d’hominines fossiles ne se limitent pas aux néandertaliens. En 2010, le séquençage d’un fragment de phalange distale découvert dans la grotte de Denisova, située dans les montagnes de l’Altaï en Sibérie, a révélé l’existence d’une nouvelle espèce, surnommée Denisova, en référence à la grotte où elle a été trouvée. Depuis cette découverte, de nombreuses études ont montré que certaines populations asiatiques, notamment en Asie de l’Est, ont hérité d’une faible proportion d’ADN dénisovien, souvent inférieure à 1%. Cependant, les populations océaniques, en particulier les Papous, ont hérité d’une part beaucoup plus importante, avec jusqu’à 6% de leur génome provenant de Denisova.

Contrairement à l’ancestralité néandertalienne, l’ADN dénisovien dans le génome humain résulte de plusieurs vagues de métissages avec différentes populations denisoviennes. Par exemple, les ancêtres des Papous se sont métissés avec des Denisoviens une première fois il y a environ -46 000 ans, puis une seconde fois il y a environ -25 000 ans, révélant une histoire d’interactions complexes entre Homo sapiens et Denisova.

 

Fun fact : Il y a aussi eu des hybridations entre Néandertal et Denisova. C’est par exemple le cas de Denny, une adolescente d’environs 13 ans retrouvée dans les montagnes de l’Altai et datée d’environ –90 000 ans, fille d’une mère néandertalienne et d’un père denisovien.

 

Un héritage désavantageux mais pas que…

 Aujourd’hui, la proportion d’ADN néandertalien et dénisovien chez les individus Homo sapiens est relativement faible, comme évoqué précédemment. Une grande partie des variants hérités de ces hominines fossiles a été progressivement éliminée par la sélection naturelle, car ils conféreraient des désavantages adaptatifs . Cependant, certains de ces variants se sont révélés extrêmement avantageux et ont fait l’objet d’une sélection positive. En effet, lorsque Homo sapiens a quitté l’Afrique, il s’est retrouvé confronté à de nouveaux environnements et pathogènes pour lesquels il n’avait pas développé d’adaptations spécifiques.

Un exemple frappant de sélection négative concerne certains gènes néandertaliens impliqués dans la reproduction. Des études ont montré que les hommes modernes porteurs de certains allèles néandertaliens présentaient une fertilité réduite.

À l’inverse, certains gènes néandertaliens ont été retenus car ils offraient des avantages adaptatifs. Par exemple, les variants associés à la régulation immunitaire, tels que ceux liés aux récepteurs TLR1, TLR6, et TLR10, ont été positivement sélectionnés car ils amélioraient la réponse immunitaire innée contre des pathogènes nouveaux auxquels Homo sapiens a été exposé en Eurasie. Ces variants ont probablement aidé à lutter contre des infections virales et bactériennes auxquelles les néandertaliens étaient déjà habitués.

En ce qui concerne Denisova, l’exemple le plus emblématique de sélection positive est le gène EPAS1, qui a permis aux populations tibétaines de s’adapter aux conditions de vie en haute altitude. Ce gène régule la production de globules rouges en réponse à des niveaux d’oxygène faibles. Les porteurs de ce variant dénisovien peuvent survivre à des altitudes élevées sans souffrir des effets néfastes de la polycythémie qui provoque une surproduction de globules rouges et des problèmes cardiovasculaires.

Ces exemples montrent comment le métissage avec d’autres espèces humaines a permis à Homo sapiens d’acquérir des adaptations cruciales à de nouveaux environnements, tout en éliminant les éléments moins bénéfiques au fil du temps.

 

Conclusion

L’histoire évolutive de Néandertal est complexe, et son évolution s’est faite progressivement, en plusieurs étapes. Bien que nos lignées aient divergé il y a environ 600 000 ans, Homo sapiens et Homo neanderthalensis ont cohabité et échangé des gènes à plusieurs reprises. Les recherches sur ces hybridations continuent d’apporter de nouvelles perspectives sur notre histoire commune avec les autres espèces d’hominines.

Néanmoins, vous l’aurez compris, il faut faire notre deuil de Néandertal : ce n’est pas parce que nous portons une petite partie de son bagage génétique en nous qu’il n’a pas disparu.

 

Alexia

Voir son site :

 

Bibliographie :

  • Dean D., Hublin J.-J., Holloway R., Ziegler R. (1998) ‒ On the phylogenetic position of the pre-Neandertal specimen from Reilingen, Germany, Journal of Human Evolution, 34, 5, p. 485‑508.
  • Mounier et al., “Virtual ancestors reconstruction: Revealing the ancestor of modern humans and Neandertals”, 2016
  • Villanea et al., “Multiple episodes of interbreeding between Neanderthals and modern human”, Nat. Ecol. Evol., 2019
  • Dannemann et al., “Neandertal introgression partitions the genetic landscape of neuropsychiatric disorders and associated behavioral phenotypes”, Translational Psychiatry, 2022
  • Hajdinjak et al., “Reconstructing the genetic history of late Neanderthals”, Nature, 2018
  • Tatiana V Andreeva et al., « Genomic analysis of a novel Neanderthal from Mezmaiskaya Cave provides insights into the genetic relationships of Middle Palaeolithic populations, Nature, 2022
  • Fabrizio Mafessoni et al., “A high-coverage Neandertal genome from Chagyrskaya cave”, PNAS, 2020
  • EMS Belle, “Comparing models on the genealogical relationship among Neandertal, Cro-Magnon and modern Europeans by serial coalescent simulation, Heredity, 2009
  • Hajdinjak et al., “Initial Upper Palaeolithic humans in Europe had recent Neanderthal ancestry”, Nature, 2021
  • Losif Lazaridis, “The evolutionary history of human population in Europe”, Science Direct, 2018
  • Llamas et al., “Human evolution : a tale from ancient genomes”, Phil. Trans. R., 2017
  • Jeremy Choin, Javier Mendoza-Revilla, Lara R Arauna, Sebastian Cuadros-Espinoza, Olivier Cassar, et al.. Genomic insights into population history and biological adaptation in Oceania. Nature, 2021, 592 (7855), pp.583-589. ff10.1038/s41586-021-03236-5ff. ffpasteur-03205291f

Remerciements :

Merci à Jérémy Duveau, Céline Bon et Charlotte Antoine pour leur première relecture de cet article.

 

 

 

Petit drame pharmaceutique banal.

Une officine affiche une publicité avec des recommandations homéopathiques pour soigner divers maux. C’est banal, mais c’est de la charlatanerie : l’homéopathie est une pseudo-médecine sans efficacité et coupable d’inciter les consommateurs à s’éloigner des parcours de soin qui peuvent sauver ou prolonger leur vie.

Un client bienveillant réagit avec un commentaire courtois et mesuré sur Google. La pharmacie répond sur un mode bullshitesque : elle défend son business ou sa croyance, mais certainement pas le respect de la santé publique. Le client contacte l’Ordre des Pharmaciens qui considère qu’il n’y a pas d’affaire puisque les produits homéopathiques sont considérés comme des médicaments. « Circulez, y a rien à voir ! ». Et la DGCCRF semble impuissante. Fin de l’affaire ?

En fac de pharmacie ou en Institut de formation des infirmiers, le discours est le même : on s’autorise à enseigner une croyance quasi-religieuse en l’homéopathie parce que légalement ces produits sont des médicaments qui doivent être présentés aux étudiants. [Je suis parfaitement d’accord pour que l’homéopathie soit enseignée, car c’est un excellent moyen d’acquérir des notions d’esprit critique très utiles pour des professionnels qui vont être confrontés à un public accompagné de croyances pseudo-scientifiques].

Ma conclusion, forgée au fil des années, est que nous avons besoin que le législateur mette enfin la loi en conformité avec la science et l’éthique de la santé en ne délivrant pas un sauf conduit pour une pratique périmée, trompeuse, coûteuse et de nature à altérer la relation de confiance entre le malade et le monde des professionnels de santé. L’homéopathie est dangereuse, non pas à cause des effets de ses produits (ils n’en ont pas), mais pour ses effets dévastateurs sur la compréhension des sciences et le lien de confiance primordial qu’il faut tisser entre le public et le monde de la santé.

 

Mon travail sur le sujet

Livre : Connaissez-vous l’homéopathie ?

Série de vidéos :

 

 

Acermendax

Le témoignage

Voici le témoignage qui m’a été envoyé par mail

« Je souhaite vous apporter mon témoignage comme vous devez en recevoir de nombreux je suppose. Cela concerne une anecdote illustrant bien les dérives pseudo-scientifiques de l’homéopathie en pharmacies, avec la forte emprise et complaisance qu’il y a autour et ce à plusieurs niveaux. Ayant contacté la pharmacie en question (dans le déni) puis la DGCCRF (impuissante semble-t-il) ainsi que le CROP, Conseil Régional de l’Ordre des Pharmaciens (complaisant avec ces pratiques), je décide donc à ce stade de vous contacter pour vous faire part de ce dont j’ai été témoin.

Il y a quelques semaines je me suis rendu à la pharmacie de xxxx située à Nantes (44300), en arrivant au comptoir j’ai été surpris de constater la présence d’une petite affiche scotchée, manuscrite, présentant des recommandations homéopathiques pour toute une floppée de symptômes plus ou moins importants (sans autres précisions par ailleurs). L’affiche était scotchée sur le comptoir, bien orientée côté clientèle. A ce stade, n’ayant pas le temps d’argumenter ni de savoir si cela est légal et n’étant pas à l’aise avec la situation, je n’ai pas fait de commentaire à la pharmacienne à ce sujet.

Plus tard, en me renseignant sur le code de déontologie des pharmaciens (trouvable sur le site du CNOP) je me conforte dans le fait que cette pratique y est contraire et j’ai donc décidé de laisser un avis sur la page Google de la pharmacie, leur donnant l’occasion de s’expliquer et d’agir en conséquence notamment en retirant l’affiche. J’ai bien veillé à ce que mon avis soit factuel et respectueux, et clair pour le grand public sans m’embarquer dans des détails techniques.

 

Leur réponse me paraissant un mélange de déni et désinformation (faisant moi-même de longues études en biologie/santé il ne m’a pas été bien difficile d’y reconnaitre de nombreux arguments fallacieux), c’est à ce moment que j’ai décidé de contacter l’Ordre des Pharmaciens et la DGCCRF en leur résumant les mêmes éléments (avec l’ajout de commentaires reprenant point par point ce qui n’allait pas dans la réponse de la pharmacie sous mon avis Google, je vous épargne ces détails).

 

Je vous fournis également la réponse de la pharmacie suite au signalement à la DGCCRF, qui encore une fois n’est pas du tout à la hauteur pour des professionnels de santé. Je pense qu’il est important de préciser :la chose suivante : dans ce mail de réponse, il est mentionné « Nous vous joignons la réponse (que vous avez aussi reçu) de Monsieur COUTABLE, Président du CROP ». En réalité je n’ai jamais reçu cette réponse du CROP, je n’en ai connaissance que parce que la pharmacie me l’a remise en copie. (Pour résumer : après mon signalement à la DGCCRF, la DGCCRF a transmis mon signalement à la pharmacie, laquelle est tenue d’y répondre, c’est donc un mail de la DGCCRF que j’ai reçu, contenant la réponse de la pharmacie, dans lequel la pharmacie me copie la réponse du CROP. Ayant à la base contacté en parallèle le CROP, celui-ci ne m’a jamais répondu, du moins à ce jour, mais a bien contacté la pharmacie).

 

Dans la foulée de cette histoire, j’ai également constaté que la pharmacie a mobilisé de nombreux clients fidèles pour laisser des avis positifs sur leur page Google et donc invisibiliser ou discréditer le mien.

J’avoue que la situation me sidère un peu, qu’autant de personnes diplômées en santé affichent toujours cette ferme complaisance vis-à-vis de l’homéopathie, mettant de côté leur éthique et la science. La situation peut sembler anodine mais à mon sens elle est révélatrice de l’emprise des dérives pseudo-scientifiques. Montrer une complaisance, une tolérance à l’égard de ces pratiques c’est tourner le dos à la science, alors que justement les pharmaciens (et par-dessus-tout leur Ordre) doivent en être les garants auprès du grand public.

J’ai à cœur de faire évoluer les choses à mon niveau, recadrer le médical autour de la science, la confiance et non autour d’idéologies ou du profit. D’ailleurs étant moi-même un individu « client » puisque je dois bien me rendre en pharmacie pour des médicaments, je suis tout autant légitime à exiger de ces professionnels de santé une relation de confiance professionnel-client. Un pharmacien qui fait la promotion de l’homéopathie, je n’ai pas confiance.

Je vous remercie d’avance pour le temps que vous accorderez à cette lecture. Bonne continuation dans la réalisation de vos contenus, ce sont des gens tels que vous qui font bouger les choses et qui motivent des gens lambda tels que moi à ne pas rester silencieux ou passifs face à la promotion de pseudo-sciences et pseudo-médecines.

Bien cordialement,

Un abonné anonyme. »

Article invité

Sous-pseudonyme, Victor m’a proposé une contribution dans le cadre d’un travail de fond sur les Pratiques de Soin Non Conventionnelles. Après quelques navettes de travail éditorial, voici le billet qui vous permettra de vous faire un avis un peu documenté sur la kinésiologie.
Acermendax

I – Contexte

En France la Kinésiologie (littéralement la science du mouvement) est une pratique qui n’est 
pas scientifiquement validée, elle est également classée parmi les pseudosciences et sous 
observation par la MIVILUDES [1]. 
Il existe deux types de kinésiologie :
  • La kinésiologie appliquée professionnelle, organisée au niveau international et accessible uniquement aux seuls professionnels de santé (dentistes, médecins, ostéopathes,
chiropracteur, etc.). Les indications revendiquées sont notamment les perturbations du
 système neuro-musculo-squelettique, mais également certains troubles fonctionnels, les 
allergies et intolérances alimentaires, certains désordres hormonaux, les chocs émotionnels.
Elle ne compte que quelques dizaines de praticiens en France. [2]
  • La kinésiologie non thérapeutique ou énergétique, bien plus représentée en France, est
 accessible à toute personne souhaitant être formée à cette technique (sans aucune formation
 préalable en santé). Il s’agit d’une profession non réglementée. Elle regroupe un ensemble de pratiques comme la « santé par le toucher », la « kinésiologie éducative ou Edukinesiologie », le « concept trois en un » mais aussi des déclinaisons plus ésotériques, telles que « l’astrologie kinésiologique ».

Selon le syndicat national de kinésiologie (SNK) : La kinésiologie n’est ni une médecine ni
 une thérapie et n’a aucun désir de l’être. La kinésiologie travaille en amont, sur la santé et le
 bien-être de l’individu et s’envisage comme une approche éducative et préventive. La 
kinésiologie énergétique couvre ainsi de larges domaines d’application : professionnels,
 familiaux, personnels, sportifs, éducatifs. 
Il existe très peu de données concernant la sécurité de ces pratiques. Il faut souligner que la
 kinésiologie énergétique a fait l’objet de plusieurs controverses : controverses internes à la 
discipline (recours au test mental) ou controverses externes (suspicion de dérives diverses à 
type de mise sous emprise, parfois sectaire). [2]

II – Auteurs fondateurs de la Kinésiologie

Dr George Goodheart (1918-2008), chiropracteur à Detroit (USA). Il est notamment l’auteur
 de Applied Kinesiology Research manuals (1964), Muscle Testing and Function (1966),
 Applied Kinesiology : A Training Manual and Reference Book of Basic Principles and
 Practices (1976) ainsi que de nombreux articles dans la revue chiropratic economics. Il a
 également fondé l’International College of Applied Kinesiology en 1976, qui a formé des
 milliers de chiroprateurs et d’autres professionnels de la santé à la kinésiologie.
Il utilisait le test musculaire et fit le lien entre la faiblesse musculaire et certains types de 
maladies. Au milieu des années 1960, il se mit à s’intéresser aux connaissances ancestrales du
 système des méridiens d’acupuncture, système qui dressait une carte des flux d’énergie à 
travers le corps. Finalement, il établit la relation entre organe stressé, muscle en faiblesse et méridien énergétique perturbé. Le Dr Goodheart se base essentiellement sur son ressenti lors
 de ses consultations et son expérience personnelle pour en tirer des conclusions sur une
 pratique générale comme en témoigne cet extrait de son livre You’ll Be Better The Story of
 Applied Kinesiology (2000)
« Ma secrétaire, une femme allemande très sympathique, qui avait été avec moi pendant de longues années, avait des ennuis de sinus et montrait systématiquement une inflexion de la 
tête lorsqu’elle avait une perturbation sinusienne. Malgré le fait que je pus trouver une 
faiblesse musculaire associée à son inflexion de la tête, la technique originale utilisée sur le
 jeune homme perdant ses cheveux ne produisit aucun renforcement musculaire, ni n’affecta 
l’implication des sinus. Pensant qu’il fallait simplement palper et traiter le muscle, comme il
 avait été fait avec le patient sciatalgique ce même après-midi, je testais ses fléchisseurs du 
cou en lui faisant relever la tête et la tourner légèrement d’un côté ; les muscles testèrent
 faibles. J’essayais de répéter la procédure qui avait aidé le patient sciatalgique en passant
 ma main le long de l’aspect latéral du muscle sterno-cléido-mastoïdien qui va de l’arrière du 
dos à la clavicule. Je ne sentais rien de différent en palpant et testant le muscle avec la
 technique utilisée plus tôt dans la journée sur l’homme avec la névralgie sciatique. J’essayais
 triomphalement de tester ses muscles du cou à nouveau, et, à mon grand chagrin, ses muscles 
étaient possiblement encore plus faibles qu’avant, je lui blessai pratiquement la tête à cause 
de l’effondrement soudain de son cou dans la direction de test de ma main. […] Puis je 
pensais que j’avais peut-être pressé sur quelque chose non associé au muscle lui-même, mais
 possiblement associé à des disjoncteurs lymphatiques posés en principe par un ostéopathe 
nommé Chapman. Les réflexes de Chapman étaient associés à des organes et à des glandes.
 Je stimulais le réflexe sinusien de Chapman et non seulement cela améliora son état sinusien,
mais aussi cela renforça le muscle sterno-cléido-mastoïdien. »
Dr John F. Thie (1933-2005), chiropracteur. Il développa une technique qui est aujourd’hui un
 socle incontournable de la kinésiologie : Le Touch For Health (1973) (TFH), la Santé par le
 Toucher. Une technique qui permet à chacun de réguler, d’harmoniser sa propre énergie, son 
bien-être grâce à la connaissance des 14 muscles en lien avec les 14 méridiens principaux.
 Des méridiens tous reliés à un organe précis.

III – Théories fondamentales

La kinésiologie s’appuie sur des conceptions préalables
1. La chiropraxie dont est dérivée la kinésiologie est une autre pratique sans efficacité prouvée
 scientifiquement [3,4]. George Goodheart, considéré comme fondateur de la kinésiologie et John
Thie qui a introduit le concept de TFH, étaient tous deux chiropracteurs.
2. Selon la médecine traditionnelle chinoise les méridiens seraient des canaux du corps humain,
 interconnectés, par lesquels circule le « qi », l’énergie vitale du corps. Il en existerait
plusieurs types, liés aux théories de l’anma, du Yin et yang et des cinq éléments. 
L’acupuncture et le shiatsu font partie des applications les plus courantes de cette théorie, que 
l’on retrouve également dans certains arts martiaux comme le Tai Chi Chuan et qui ne repose sur aucune donnée ou raisonnement scientifique valide. [5]
3. Une théorie également largement remise en question : « Le cerveau triunique » élaborée par le
 neurobiologiste Paul MacLean dans les années 1960 [6]. Selon l’approche kinésiologique, le
 cerveau fonctionnerait de manière tri-dimensionnelle, ces trois dimensions mettraient en 
relation permanentes le néo-cortex (deux hémisphères cérébraux divisés en plusieurs lobes), le système limbique, ou cerveau moyen, et le tronc cérébral ou cerveau reptilien.
En cas de stress (corporel, émotionnel, chimique), la capacité d’utiliser simultanément ces trois dimensions serait diminuée.
La Kinésiologie proposerait alors :
  • De rétablir la circulation énergétique entre les différentes parties au moyen des mouvements selon différentes techniques empruntées à la médecine traditionnelle chinoise.
  • D’activer au niveau corporel ces dimensions afin de stimuler les zones correspondantes du
 cerveau et favoriser leur intégration. 
Dans ce cas, on cherche par test musculaire quels sont les mouvements qui vont permettre de
 corriger le stress lié à l’objectif et la kinésiologie aiderait à libérer l’état émotionnel pour que
 les personnes récupèrent leur potentiel énergétique vital pour profiter de l’enseignement prodigué.

IV – La kinésiologie concrètement

1) Une séance de Kinésiologie

Le kinésiologue demande au client/patient qui le consulte : « en quoi la kinésiologie peut
 aider ? ». Il essaie de faire préciser les propos en utilisant des « c’est à dire …, « depuis
 quand ?, où ?, mais encore…, en quoi c’est important pour vous de…, etc. » afin de
 déterminer la demande et la source du blocage. 
En kinésiologie les « tests musculaires » vérifient le « verrouillage » musculaire d’un muscle
 et non sa force musculaire ni une pathologie quelconque du muscle. Il est d’ailleurs important 
que le kinésiologue s’assure que le muscle qu’il teste ne soit pas pathologique.
Le test répond à
une logique binaire « on/off » et traduirait le stress émotionnel lié à une question, un
 problème, une sensation, un souvenir, une image mentale, comme un moyen de communiquer 
avec le corps.
  • Réponse « déverrouillée » indique un stress, une émotion négative ou un « non » (appelé test
 faible tf)
  • Réponse « verrouillée » indique une absence de stress, une émotion positive ou un « oui » 
(appelé Test Fort TF).
À ce jour, le test musculaire de kinésiologie n’a pas pu faire la preuve d’un intérêt diagnostic
puisqu’il ne repère pas mieux une pathologie, un stress ou un allergène que le hasard. [7]
Le praticien réalise alors des « pré tests » (sédation du muscle, hydratation, surcharges/
polarités, champ énergétique humain, croisements de la ligne médiane et ionisation) qui visent
 à s’assurer de l’absence « d’interférences » ou des sortes de « vérifications préalables » qui
 aboutiront le cas échéant à des « corrections ».
Trois exemples de pré-tests en kinésiologie :
  • Pour pré-tester l’hydratation, le kinésiologue tirera doucement une mèche de cheveux. S’il
 perçoit une émotion négative le client/patient devra boire un verre d’eau lentement.
  • Pour tester le « champ énergétique humain », le kinésiologue vérifie la « connexion » entre
 le champ énergétique humain et le cerveau en testant un « muscle indicateur » pendant qu’il
 parcourt, dans le sens contraire de sa circulation énergétique, le méridien « Vaisseau
 Conception ». Ce méridien est placé sur la ligne médiane du corps et remonte face antérieure 
du pubis jusqu’aux gencives. Si le praticien obtient lors du pré test un « tf » cela lui indiquera 
une « bonne connexion » dans le cas contraire il devra faire une correction en « balayant le méridien de haut en bas et de bas en haut »
  • Pour tester le « croisement de la ligne médiane » (c’est à dire vérifier la « connexion » entre les deux hémisphères cérébraux) le client/patient doit observer une croix. Aussitôt après le praticien test un muscle indicateur des 2 bras. S’il obtient des tf (tests faibles = non) le client/patient devra réaliser des séries de mouvements alternatifs comme suit : 20 cross-crawl puis 20 homo-crawl puis 10 cross-crawl
.
Une fois ces pré-tests réalisés, le kinésiologue pose une question fermée ou fait une série
d’énumérations en fonction de l’objectif de la séance ou de la problématique à résoudre et
 cherche un « changement d’indicateur ». 
Soit il pose la question « est ce que… », dans ce cas TF= Oui et tf= Non
, soit il cherche une information parmi plusieurs possibilités (énumération) dans ce cas TF=
non stress (ça ne nous intéresse pas) et tf= stress (c’est le tf qui nous intéresse car le kinésiologue cherche les stress).
Exemple : quel est l’aliment stressant ? Le praticien énumère : la carotte (TF), la pomme de
terre (TF), la tomate (TF), l’aubergine (tf) donc l’aubergine est l’aliment stressant) -> Il y a eu
 un changement d’indicateur.
 Puis il demande l’autorisation de travailler avec le client/patient à l’aide d’un nouveau test
 musculaire, s’il obtient un tf (non), il devra refaire les pré-tests et corriger les
 « interférences ».

La phase d’équilibration permet d’éliminer les blocages qui ont été repérés dans la phase de 
test. Ils peuvent faire appel à des rééquilibrations énergétiques selon des principes de 
médecine chinoise et de vases communicants (si un méridien est trop faible c’est qu’un autre
 méridien est trop fort). Par exemple le « contact fronto-occipital » consiste à placer une main sur le front pour « attirer le sang et l’énergie dans la partie antérieure du cerveau au niveau de l’APAC (Aire de la Pensée Associative Consciente) ». Ceci permettrait de déplacer la conscience d’une zone émotionnelle à une zone dite « froide » et placer l’autre main sur la zone occipitale pour « irriguer les deux parties du cerveau ce qui mettrait en relation la pensée consciente et la mémoire visuelle non émotionnelle ». Le kinésiologue pourra également s’appuyer sur des exercices de visualisation, la kinésiologie considérant que le cerveau répond exactement de la même manière aux expériences réelles et fortement imaginées. Ainsi que quelque chose soit historiquement réel ou construit dans le « schéma neurologique », l’émotion et le ressenti produiraient des réponses physiologiques similaires, « mettant en jeu tout l’arsenal hormonal, musculaire et circulatoire ». Ainsi le praticien pourra faire imaginer au patient/client de rassembler symboliquement le stress et en imaginant qu’il disparait selon son désir (s’envole à jamais comme une montgolfière, brulé, jeté, aspiré, gommé, etc.) ou encore créer des images mentales pour « modifier ses vérités internes».
Une des équilibrations également possible est « l’ionisation », en effet la kinésiologie estime que « l’équilibre ionique est la polarisation apportée par la respiration, chaque narine active un circuit complexe neuro-sensoriel, chimique et métabolique par la génération d’ions positifs (narine droite) et négatifs (narine gauche). L’alternance spontanée et inconsciente engendre la dominance d’une narine qui nous polarise et équilibre le rapport calcium/phosphore de la chimie corporelle. Or si pour des raisons conscientes ou inconscientes cette fonction est perturbée, des symptômes divers apparaissent comme des spasmes musculaires inexpliqués… » mais aussi que la paume de la main droite est chargée positivement, le dos de la main droite négativement, la paume de la main gauche négativement et le dos de la main gauche positivement. Ainsi pour tester l’ionisation il fera boucher une narine et inspirer de l’autre puis inverser les gestes.
La phase de Réévaluation : le kinésiologue vérifie que les corrections ont bien été faites à l’aide de nouveaux tests.

Variante : L’EDUK

L’Edu-Kinésiologie ou Kinésiologie pour Apprendre « a pour but l’amélioration des situations d’acquisition intellectuelle ou motrice ». « Toutes les étapes de la vie sont concernées : de l’enfant qui commence à marcher, lire ou écrire, à l’adulte qui apprend à conduire, se recycle professionnellement, gère un emploi du temps surchargé ou prépare une compétition, les situations d’apprentissage sont fréquentes. Lors des passages difficiles, tels la rééducation de traumatismes ou la récupération suite à des interventions chirurgicales, les stress émotionnels spécifiques viennent s’ajouter à ceux existants déjà et responsables des états dyslexiques fonctionnels ».
Selon la kinésiologie, les difficultés d’ apprentissage sont souvent le « résultat d’une séparation des fonctions attribuées aux deux hémisphères cérébraux ». Il en résulte un manque de coordination et de « synchronisation des deux hémisphères » qui se manifestent par des inversions de syllabes en parlant, de lettres ou de chiffres en écrivant, ou des pertes partielles et provisoires des facultés cérébrales et du sens de l’orientation. L’Edukinésiologie propose de « rétablir la circulation énergétique entre les différentes parties au moyen des mouvements et d’activer au niveau corporel ces dimensions afin de stimuler les zones correspondantes du cerveau et favoriser leur intégration ».
Concrètement, elle fait appel à la même structure qu’une séances de kinésiologie classique avec pré-test, équilibration et réévaluation mais avec des exercices spécifiques comme par exemple dessiner bras tendu le symbole de l’infini (à droite puis à gauche), faire des écritures en miroir, écrire des chiffres ou des lettres dans le symbole de l’infini (« huit couché »).
V – Conclusion
La kinésiologie est donc une pratique d’inspiration New Age, qui puise ses fondements dans
des concepts sans base scientifique, voire franchement ésotériques et magiques. Elle n’a pas
fait la preuve de son efficacité au-delà de celle des autres pratiques dites non
conventionnelles. Bien que le peu d’études sur le sujet ne permette pas de conclure sur les
risques encourus par les adeptes de cette pratique, elle est placée sous observation par la
MIVILUDES et qualifiée de particulièrement inquiétante, notamment en raison de  risques
d’emprise psychologique du gourou-thérapeute envers l’adepte.
Victor

Références

[1] « Rapport annuel d’activité 2016-2017 MIVILUDES www.miviludes.interieur.gouv.fr
[2] Évaluation de la kinésiologie appliquée et des kinésiologies énergétiques – INSERM 2017
https://www.inserm.fr/rapport/evaluation-de-la-kinesiologie-appliquee-et-des-kinesiologies
energetiques-2017/
[3] Evaluation de l’efficacité de la pratique de la Chiropratique – INSERM 2011 https://
www.inserm.fr/wp-content/uploads/2017-11/inserm-rapportthematiqueevaluationefficacitechiropratique-2011.pdf
[4] Rubinstein SM, Terwee CB, Assendelft WJJ, de Boer MR, van Tulder MW. Spinal
manipulative therapy for acute low-back pain. Cochrane Database of Systematic Reviews
2012, Issue 9. Art. No.: CD008880.
[5] Evaluation de l’efficacité et de la sécurité de l’acupuncture – 2014 https://www.inserm.fr/
wp-content/uploads/2017-11/inserm-rapportthematiqueevaluationefficacitesecuriteacupuncture-2014.pdf
[6] Le « cerveau reptilien », siège de nos comportements primitifs, vraiment ? – INSERM
https://presse.inserm.fr/canal-detox/le-cerveau-reptilien-siege-de-nos-comportementsprimitifs-vraiment/
[7] Didactique de l’esprit critique : le projet K, analyse zététique de la kinésiologie https://
cortecs.org/wp-content/uploads/2014/01/
CorteX_Pharma2007_Dossier_Kinesio_EC_Pharma.pdf
Note pour la rédaction :
L’EKTC (Ecole de Kinésiologie et Techniques Complémentaires) est un centre de formation
qui enseigne la Kinésiologie, l’hypnose Ericksonienne et symbolique, l’EFT (Emotional
Freedom Technique), la méthode PEC (méthode Psycho-Énergétique Emotionnelle et
Corporelle), le Coaching en Neuroscience, dont le directeur est Romain Perry également
président de la Fédération de Kinésiologie Professionnelle (association loi 1901 déclarée en
préfecture de l’Isère en janvier 2019).
Parmi les formateur.rice.s, nous trouvons des kinésiologues, géobiologues, reflexologues
cranio-sacrés, ostéopathes, praticien.ne.s en magnétisme quantique, Niromathé, EFT, PNL,
psychologie positive, psychogénéalogie, biogénéalogie, CellRelease, Reiki, thérapie
corporelle accompagnatrice de femmes vers le cœur de leur énergie sexuelle et sacrée.
https://www.ecole-kinesiologue.fr/a-propos/https://www.ecole-kinesiologie.fr/nos-equipiers/

Il existe des définitions du complotisme. Faites vos propres recherches ; on en trouve dans des articles scientifiques ; Wikipédia est votre ami. On ne va pas pouvoir tout faire à votre place. Merci.

 

MAIS c’est une chose d’avoir une définition et une autre d’avoir des critères de reconnaissance. Tout comme les notions de radin, vieux, progressiste ou extraverti (et leur contraires), la notion de complotisme n’est pas binaire, on peut l’être plus ou moins selon que l’on coche quelques cases, et voici une liste qui pourrait vous aider à vous situer (ou pas). Merci de vous munir de votre métacognition et d’un peu d’humour avant de vous aventurer plus loin.

 

Le Test

  1. Si quelqu’un du « camp d’en face » produit un énoncé qui me déplait… mais qui est vrai. Je le contredis quand même.
    • Oui
    • Non
  2. Je trouve que pouvoir citer UN expert à l’appui de ma thèse est un argument bien plus fort que les centaines d’experts / le consensus scientifique, qui appuient la thèse adverse.
    • Oui
    • Non
  3. Je partage souvent des informations choquantes, qui montrent que mes ennemis sont odieux, qu’ils ont torts, mais je n’estime pas très important que ces infos soient véridiques.
    • Oui
    • Non
  4. J’estime d’emblée que ceux qui me contredisent ont des intérêts cachés ou qu’ils sont stupides et téléguidés par des manipulateurs.
    • Oui
    • Non
  5. Il me suffit souvent de « faire mes propres recherches » pour avoir la preuve, dans une vidéo ou un blog, que la version diffusée par les scientifiques ou les journalistes est mensongère.
    • Oui
    • Non
  6. Je trouve que les autres sont terriblement crédules, manipulables et/ou lâches. Il n’y a de courage que chez ceux qui défendent mes idées.
    • Oui
    • Non
  7. Une version officielle est toujours un mensonge.
    • Oui
    • Non
  8. Ceux qui répondent « Non » à la question 7 pensent que les versions officielles sont toujours vraies.
    • Oui
    • Non
  9. La Lune est creuse. La Terre est plate. Mme Macron est un homme. Les vaccins tuent plus de gens qu’ils n’en sauvent. Et « on » nous le cache.
    • Oui
    • Non
  10. Quand je croise une information qui décrit un évènement ou un fait que j’estime grave et dégoûtant, je juge préférable de m’offenser immédiatement et de réclamer qu’on punisse les coupables plutôt que de vérifier qu’on sait ce qu’il s’est passé.
    • Oui
    • Non
  11. On me fait souvent remarquer que je dérange, et je sais que c’est parce que la majorité des gens ont peur de regarder la vérité en face.
    • Oui
    • Non
  12. Je déteste les gens qui utilisent le mot complotiste.
    • Oui
    • Non
  13. Il est plus important de démolir le propos émanant d’une source que je n’aime pas que de me renseigner réellement sur le sujet.
    • Oui
    • Non
  14. J’estime que ce questionnaire est mal fichu car il a pour but de salir tout ceux qui ne sont pas sur la ligne macronienne des woke fascistes.
    • Oui.
    • Non
    • Alors en fait oui, mais pas pour ces raisons là, et je vais vous dire en commentaire quelle question vous devriez changer ou lesquelles vous pourriez poser. En vous remerciant d’avance de l’attention que vous prêterez à ma critique.

 

Résultats

Vous avez répondu OUI :

  • 0 fois. Ok. Rien à signaler. Sauf un éventuel biais d’autocomplaisance. La zététique peut aider.
  • 1 à 3 fois. Vous êtes peut-être un zététicien chiant. Ou peut-être déjà sur une pente glissante vers l’hypercritique. La zététique peut aider.
  • 4 fois ou plus. Il y a comme un problème dans votre rapport à la vérité et aux raisons pour lesquelles vous défendez les idées que vous défendez. Rappelez-vous que l’humain est une espèce collaborative où la confiance a toujours été déterminante. Les gens intelligents ont a priori tendance à faire confiance à autrui. La zététique peut aider.

Article Invité

 

Quand le vidéaste Absinners a proposé que sa réponse à Archidiacre soit hébergée sur ce blog, j’ai accepté sans difficulté. Un petit récapitulatif pour comprendre le débat. Tout commence avec deux vidéos :

D’un côté des critiques estimant que les éléments concernant l’histoire du miracle de 1917 ne sont pas de nature à prouver le surnaturel, et de l’autre la position exactement contraire. Nouvel acte : la réponse d’Absinners sous format texte pour celles et ceux qui auraient vu les épisodes précédents et désireraient savoir si Archidiacre tient une position convaincante.

Acermendax

 

Bonjour, je suis Absinners de la chaine du même nom et ceci est une réponse à un article paru sur le blog d’archidiacre le 28 janvier 2024. Tout d’abord je tenais à remercier Thomas de me laisser exercer mon droit de réponse sur son site.

Contexte : il y a bientôt deux ans (oui le temps passe à une vitesse affolante…). La tronche en Biais et moi-même avons publiés chacun une vidéo critique sur le miracle solaire de Fatima. Best-seller de l’argumentaire chrétien, le miracle du soleil serait une preuve incontestable que Dieu existe. L’après-midi du 13 Octobre 1917 à la Cova da Iria, au Portugal, le soleil aurait dansé devant une foule de plus ou moins 70 000 témoins abasourdis. Ce qui rend l’histoire du miracle solaire particulièrement impressionnante, c’est que trois enfants, Jacinta, Franscisco et Lucia auraient prédit la venue du miracle trois mois à l’avance, car un ange les aurait prévenus.

Nos vidéos avaient pour but de critiquer la vraisemblance de ce miracle. Archidiacre a répondu à La Tronche en biais dans une vidéo d’une heure. Et j’ai moi-même répondu à la vidéo d’archidiacre dans une vidéo publiée dans la foulée. Cette histoire va manifestement se finir à l’écrit, puisqu’archidiacre a décidé de répondre à ma vidéo par ce biais sur son blog.

On peut déjà dresser un sommaire des points essentiels qui vont être débattus :

  • Combien de témoins ?
  • La réalité est-elle forcément naturaliste ?
  • Un témoignage est-il une preuve ?
  • La danse solaire, un miracle réellement prédit ?
  • La fausse annonce de la fin de la guerre ?
  • Lucie mythomane ou prophète ?

 

Combien de témoignages ?

Pour commencer, à ma plus grande surprise, on est passé d’une doxa qui nous raconte partout que 70 000 personnes ont été témoins du miracle, à cette citation de l’article d’archidiacre :

« Notons que c’est un détail qui ne nous importe pas, et nous serions heureux de nous mettre d’accord sur plusieurs dizaines »

Surprenante déclaration. Quand vous regardez n’importe quel blogs/documentaire/livre et sites pro-miracles, vous trouvez des gens qui avancent l’idée que le miracle solaire de Fatima a été constaté, non pas par des dizaines de personnes, mais bien par des dizaines de milliers de témoins. C’est aussi ce gros chiffre qui fait le charme de l’histoire, « comment nier l’évidence face à autant de témoins ? » nous dit-on. Donc, force est de constater qu’on est passé de 70 000 témoins unanimes à quelques dizaines, à quoi s’ajoutent un certain de gens qui n’ont rien vu du tout (comme expliqué dans ma vidéo). Impossible de ne pas relever qu’on a fait un saut quantitatif et qualitatif assez significatif.

Mais effectivement, ce n’est qu’un détail. Par défaut un témoignage dans le cadre d’un événement dit « extraordinaire », ne constitue pas une preuve, mille témoignages non plus (le pourquoi du comment est développé dans le prochain paragraphe). Cependant, au regard du pouvoir persuasif de ce récit formidable, les chiffres ont une importance séductrice considérable. Pour les sceptiques, ce n’est qu’un détail, certes, mais en s’attaquant aux chiffres, on s’attaque surtout à l’appareil de propagande religieux, on démontre à quel point il ne résiste pas à une analyse poussée des faits avancés péremptoirement.

 

La réalité est-elle forcément naturaliste ?

Contexte : Dans sa vidéo, archidiacre prétend que nier par principe le miracle solaire serait un « biais naturaliste ». Dire qu’il y a une réalité naturaliste, ce qui est ma position, serait, selon Archidiacre une « pétition de principe ». Dit autrement, quand on présume que seule la réalité naturaliste existe, on affirme gratuitement quelque chose d’infondé.

Selon Archidiacre, les deux propositions : 1) seul le naturel existe a priori, 2) le surnaturel existe, seraient tout aussi justifiées ou injustifiées l’une que l’autre, et il nous reviendrait de prouver que le surnaturel n’existe pas.

Ceci viole le principe de parcimonie et le concept de charge de la preuve. Toute affirmation extraordinaire nécessite des preuves extraordinaires. Le « miracle solaire » tel que raconté est une chose clairement extraordinaire ; je suis étonné de devoir le rappeler. Ce n’est pas à moi de démontrer que le soleil n’a pas dansé le 13 octobre ou n’importe quel autre jour au Portugal ou ailleurs, et chacun le sait. Comme chacun sait que je n’ai pas à prouver que le père noël ne peut pas déposer des cadeaux de noël dans chaque maison du monde en l’espace d’une nuit, parce que les implications d’une telle croyances violent ce qu’on sait de la réalité, tout simplement.

Si un évènement surnaturel survient, nous pourrons tous l’admettre après qu’il aura été prouvé. En religion, on nous demande de renoncer à toute démonstration pour s’en référer à la confiance due aux témoins (mais cela implique d’accepter que sont tout aussi prouvés la télékinésie, le complot reptilien, les histoires de Raël ou l’astrologie)

Pour croire aux miracles de Fatima, il faut impérativement faire confiance aux témoins. Pour s’en remettre au naturalisme, il suffit d’ouvrir les yeux. Ces deux postures ne font pas la même économie dans les hypothèses.

 

Un témoignage est-il une preuve ?

Une confusion assez problématique qu’on peut relever dans le texte d’archidiacre, c’est l’absence de distinction entre les faits avérés : des milliers de pèlerins qui se rendent dans un lieu-dit pour assister à un événement, et la danse solaire en elle-même : « il faut rappeler que l’on parle d’un évènement historique public ici. » Nous dit-il.

Bien évidemment personne ne conteste que des gens se soient réunis ce jour-là. En revanche, et ce n’est guère compliqué à comprendre, nous doutons du miracle.

Ceci étant clarifié, passons à l’autre affirmation, celle de la valeur stricto sensu d’un témoignage. On peut lire dans l’article :

« On ne s’étendra pas non plus sur sa comparaison entre l’évènement miraculeux devant la foule et les témoignages de crimes parfois erronés, qui n’est évidemment pas du tout juste et équitable. » On me reproche aussi d’« affirmer nonchalamment que les témoignages positifs à Fatima doivent être similaires à des témoignages erronés en procès »

En réalité je dis littéralement l’inverse dans ma vidéo : « aussi horrible qu’il soit, le crime ne transgresse pas toute nos conceptions de la réalité. Au-delà d’établir la culpabilité d’untel, le corps de la victime est en soi la preuve que l’homicide a eu lieu. Dans le cadre d’un phénomène extraordinaire, on n’a aucun degré de certitude qui s’en approche de près ou de loin ». Donc oui, comparer un phénomène extraordinaire (danse solaire) avec un phénomène ordinaire (un meurtre), n’est juste pas tenable épistémologiquement parlant. On est d’accord puisque c’est littéralement le propos de ma vidéo.

Mais admettons que j’aie prétendu qu’il faille comparer meurtre et miracle solaire. Jouons le jeu. Archidiacre nous propose une petite comparaison de son cru :

« Il serait déjà plus raisonnable et honnête d’avancer un exemple où il n’y eut aucun crime public tout court en dépit des nombreux témoins. Par exemple un fait public, éloquent, devant une foule de gens, comme le cambriolage d’un magasin, mais qui ne serait en fait jamais arrivé et serait le fruit de l’imagination de dizaines de personnes indépendantes sur les lieux. Enfin, là aussi la ressemblance avec les témoins à Fatima et leurs dispositions à se tromper serait limitée (pas de sceptiques des cambriolages par exemple) »

Oui effectivement, il n’y a pas de sceptique des cambriolages, puisque le cambriolage est un acte qui ne viole pas notre savoir empirique sur le monde. On en revient à ce qui a été dit précédemment. En poussant un peu la comparaison, on peut aussi relever le fait qu’absolument aucun juge ne statuerait sur une affaire aussi bizarre, puisqu’il n’y aurait pas d’affaire en premier lieu, puisque pas d’objet cambriolé à signaler, donc pas de délit. Donc l’affaire serait par définition nulle et non avenue. Ce qui est une conclusion relativement satisfaisante pour le sceptique, j’en conviens.

 

Un miracle réellement prédit ?

Dans ma précédente vidéo, j’ai démontré qu’il n’y avait aucune mention de cette fameuse prédiction du miracle par la sœur Lucia et ses deux cousins dans la presse portugaise précédant le 13 octobre 1917. Pire encore, quand on lit cette même presse, on apprend que les miracles étaient annoncés pour chaque mois, de mai à octobre. On a plusieurs preuves directes de cette prétention :

Le journal O século du 23 juillet 1917 nous dit que, le 13 du même mois, des gens s’étaient rendus à la Cova da Iria pour « assister au miracle annoncé » que « le 13, qui a été désigné pour l’apparition de notre dame ». On peut en conclure que le miracle a été annoncé pour cette date. Plus étonnant, le 13 septembre le même genre d’article de presse décrit exactement la même situation, je cite la Semana Alcobacense du 16 septembre 1917 : « Notre-Dame a promis de continuer à y rencontrer ses fidèles » « des milliers de personnes ont quitté leurs terres et leurs maisons pour aller à Fatima afin de voir Notre-Dame » ils finissent leur article en concluant que « et vous voyez le visage de tous ces gens pensant à l’argent dépensé et à la fatigue endurée pour, finalement, tomber dans l’escroquerie la plus ignoble qui ait été inventé ».

Ces articles nous montrent que le miracle n’a pas été prédit davantage pour le 13 octobre que pour une autre date. Le bon sens nous hurle que si c’était le cas, on n’aurait pas des témoignages antérieurs de journalistes qui reviennent des autres cérémonies[1] des trois enfants en nous racontant que tout le monde attendait déjà la venue de la vierge, chaque mois, bien avant le 13 octobre et non pas spécifiquement pour le 13 octobre, comme le prétend pourtant la légende. Archidiacre insiste qu’il est dit dans les journaux que le miracle avait été prédit pour octobre :

« Cela n’empêche pas le même journal de confirmer l’existence d’une autre annonce de miracle au 13 octobre, comme on l’a prouvé (« sinal visível anunciado », signe visible annoncé, cf. Doc 13; cf. aussi d’autres témoignages d’une annonce pour octobre aux Doc 31, 32, 35). »

Et en effet on peut lire dans l’articles de presse d’O século qui relate la journée du 13 octobre 1917 que le miracle avait effectivement été annoncé pour cette même date. Pourtant, comme spécifié dans la vidéo, l’explication de la prédiction du 13 octobre découle d’elle-même, forcément : si chaque mois le miracle était annoncé, comme on l’a vu, évidemment que ça allait aussi être le cas pour le 13 octobre. Une prédiction au sens stricte du terme, ça aurait été de dire chaque mois, « le 13 octobre quelque chose d’extraordinaire va arriver ». Or ce n’est pas ce que l’on constate.

Quand archidiacre nous dit que : « le youtubeur confond aussi une annonce pour le 13 juillet avec l’annonce pour le 13 octobre, en prétendant que c’était la première qui avait vraiment annoncé « le » miracle. » Il faut bien comprendre que non, je ne confonds rien du tout, je dis simplement que chaque mois c’était le même manège comme j’en ai apporté la preuve : il suffit de lire les articles de presse.

Il suffit d’ailleurs de lire Archidiacre lui-même : « les enfants ont aussi eu une apparition de la vierge le 13 juillet, et c’était ça le « miracle » annoncé dont parlait le journaliste d’O Seculo dans l’article de juillet ». On voit bien ici qu’on peut appeler miracle absolument tout ce qui nous arrange, ce qui rend toute annonce concernant le 13 octobre profondément banale.

 

La fausse annonce de la fin de la guerre

Honnêtement, je ne pensais pas qu’Archidiacre aurait l’audace de nous critiquer sur ce terrain, tant les preuves sont abondantes, mais un petit rappel est de mise. Nous disposons d’ au moins quatre preuves que Lucia a faussement prophétisé la fin de la guerre :

1) Le 19 août 1917 le journal O Mondo corrobore le fait qu’elle a faussement prophétisé la fin de la guerre pour le 13 octobre de façon relativement éloquente : « Le 13 octobre, elle descendrait du ciel sur terre pour la dernière fois afin de faire la paix dans le monde et de mettre fin à la guerre »

2) Dans un article de l’historien Rui Ramos publié le 12 Octobre 2017, ce dernier nous dit que « le curé de Porto de Mós informe le patriarche que la foi s’est « refroidie », en raison de la poursuite de la guerre, dont Lúcia avait annoncé la fin le 13 octobre. »

3) Le compte rendu du prêtre Manuel Nunes Formigão qui a interrogé la voyante Lucie est sans équivoque, voici ce que dit son rapport sur les déclarations de l’ange : « Il leur a également dit qu’en octobre saint joseph viendrait également avec l’enfant jésus pour donner la paix au monde et divin fils pour bénir le peuple. » « 6eme apparition le 13 octobre : je leur ai dit qu’elle était notre dame du rosaire : que la guerre a pris fin ce jour-là ; que nos soldats viendraient bientôt » Toutes ces choses sont écrites noir sur blanc, mais pour une raison que j’ignore, archidiacre qui cite pourtant abondamment ce document, ce coup-ci, ne se semble pas s’inquiéter de cette incohérence.

4) Dans ses mémoires Lucie avoue d’elle-même qu’elle s’est trompée : « C’est peut-être parce que j’étais préoccupée de me rappeler les innombrables grâces que j’avais à demander à notre dame, que j’ai fait l’erreur de comprendre que la guerre finissait le jour même du 13. »

Et pourtant, dans son article, archidiacre nous dit que : « En fait notre vidéo la cite explicitement [la phrase de Lucia] à partir de 53:15, donc pourquoi nous la ressortir triomphalement comme si elle nous réfutait ? Soit ce militant n’a pas compris le passage de notre vidéo, soit il le détourne pour ses spectateurs, soit il l’a raté par inattention puisque nous citons justement cette phrase du mémoire à ce sujet »

A présent je cite ma vidéo : « ma question est simple : comment est-ce qu’on peut dire dans la même phrase qu’une personne n’a jamais dit de date, en montrant un extrait ou cette même personne reconnait avoir fait l’erreur de comprendre cette même date »

Je vous laisse juger de la réponse apportée à cette question.

 

Lucia : mythomane ou prophète ?

Quand j’affirme que Lucie est une mythomane, j’avance quelques preuves, dont celles que la TEB a montré dans sa vidéo. L’une de ces preuves, c’est le fait que dans ses mémoires Lucie affirme qu’elle s’est privé d’eau pendant un mois, ce qui est physiquement impossible :

« Nous avions aussi l’habitude, de temps en temps, d’offrir à Dieu le sacrifice de passer neuf jours ou un mois sans boire. Une fois, nous fîmes ce sacrifice en plein mois d’août, alors que la chaleur était suffocante. »

Voici ce qu’en dit archidiacre : « on pourrait tout à fait penser que ce qu’elle dit sur le mois sans boire n’est pas à comprendre littéralement heure par heure. »

Voilà donc que l’esquive de la distance interprétative utilisée pour défendre la Bible s’applique également à ce que disent les gens. Il faut la croire, nous dit-on. Parfois elle dit des choses qui ne sont pas vraies, mais croyons-la. Chacun jugera que la méthode n’est pas raisonnable.

Pour finir archidiacre s’offusque qu’une pauvre personne âgée soit traitée de mythomane. Et pourtant Lucia était petite fille quand sa mère, déjà, l’accusait de mentir. Ironiquement, c’est Archidiacre qui instrumentalise l’âge avancé de la voyante. En prétendant qu’elle a dit des faussetés à cause de son âge, c’est lui qui fait passer les vieux pour des « gens séniles qui perdent la boule ». Quand ça l’arrange, du moins.

 

En résumé, que peut-on retenir de cette affaire ?

  • Nous sommes passés d’un événement constaté par 70 000 témoins à quelques dizaines.
  • Tous les témoignages sont loin d’être unanimes.
  • Le miracle a été « prédit » à la condition qu’on fasse purement et simplement confiance à l’Église qui n’a rien publié à l’avance et qu’on oublie qu’un miracle était promis chaque mois.
  • Tout repose sur la parole d’une personne manifestement mythomane qui prétend avoir des conversations avec différentes entités surnaturelles, dont Jésus. Nous possédons au minimum trois preuves formelles de mensonges : 1 la fausse prédiction de la fin de la guerre 2 l’histoire du mois sans boire de l’eau. 3 son récit invraisemblable sur Mikhaïl Gorbatchev qui se serait jeté aux pieds du pape pour demander pardon.

Malgré tout, certains veulent faire de cette histoire l’une des plus parlantes et indiscutables preuves de l’existence de Dieu. Par charité, on peut en convenir avec eux sans partager la conclusion qu’ils souhaitent en tirer.

 

Absinners

Sources :

[1] Les « cérémonies » sont des rendez-vous mensuels que les trois voyants ont donné à la population tous les 13 des mois de mai jusqu’à octobre 1917. De mois en mois, de plus en plus de pèlerins venaient prier auprès des trois enfants qui entraient en contact avec « l’ange » durant lesdites cérémonies.

Article invité.

Les aliments ultra-transformés vont-ils ruiner votre santé ? C’est bien souvent le message véhiculé sur les réseaux sociaux, y compris par des professionnel-les de la nutrition. Malheureusement, ce dernier manque cruellement de nuance et ne reflète pas l’état actuel des connaissances scientifiques à ce sujet.


 

Introduction

Il est désormais reconnu que l’alimentation est un levier incontournable dans la lutte contre les maladies chroniques. Depuis une dizaine d’années, un nouveau paradigme a fait son apparition en recherche : l’impact de l’alimentation sur les maladies chroniques, en fonction du niveau de transformation des aliments. De nombreuses études ont depuis rapporté un lien entre la consommation d’aliments ultra-transformés et la survenue de maladies chroniques. Compte tenu de ces nouvelles données, certains chercheurs et professionnel-les de la santé considèrent désormais que les recommandations nutritionnelles actuelles sont obsolètes. Ils affirment que, grâce à une nouvelle approche dite « holistico-réductionniste », il est possible de formuler des recommandations plus efficaces, afin de prévenir la survenue de maladies chroniques. Ils en font donc la promotion lors de congrès professionnels, dans des livres ou dans les médias. En parallèle, ils dénigrent ouvertement des mesures de santé publique pourtant soutenues par de nombreuses instances de santé, ainsi que par des associations de consommateurs. Tandis que de nombreux médecins et diététicien-nes ont adhéré à ces discours, il semble que peu d’entre eux aient analysé la qualité des arguments avancés ainsi que la littérature dont il est question. Et c’est précisément le but de cet article.

 

Aliments ultra-transformés et santé

Historiquement, la science de la nutrition s’intéressait à l’impact de différents nutriments isolés sur les maladies, avant de finalement considérer que le « régime alimentaire » dans son ensemble est un meilleur indicateur (1). Aujourd’hui, les recommandations alimentaires sont basées sur les groupes d’aliments et les nutriments. Il est par exemple recommandé de consommer 3 portions de légumes par jour ou encore de limiter sa consommation de sel à 5g/jour. Le degré de transformation des aliments est lui aussi considéré dans une certaine mesure. Il est notamment recommandé de limiter la viande transformée (charcuterie) ou d’augmenter ses apports en céréales complètes. Ces recommandations sont le résultat de nombreuses études épidémiologiques, d’études cliniques et finalement, d’un consensus validé par plusieurs expert·es.

 

En 2009, le professeur Carlos A. Monteiro proposa une nouvelle classification des aliments (NOVA) selon leur niveau de transformation. Elle contient 4 catégories : 1) aliments peu/pas transformés (ex : légume frais), 2) ingrédients culinaires (ex : huiles végétales), 3) aliments transformés (ex : aliments en conserve) et 4) aliments ultra-transformés (ex : barre chocolatée). Depuis, de nombreuses études ont investigué le lien entre la consommation d’aliments ultra-transformés (AUT) et la survenue de maladies chroniques. En 2019, un rapport de l’Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO) résumait l’état des connaissances à ce sujet (2). En résumé, la consommation d’AUT était associée à un risque accru de cancer, de diabète, de maladies cardiovasculaires, de dépression, de troubles digestifs, d’obésité ou de mortalité, toutes causes confondues. L’association restait significative après l’ajustement à différents facteurs confondants (ex : âge, activité physique, ainsi que l’apport en différents nutriments). D’autres études ont depuis confirmé ces associations (3).

C’est, entre autres, sur base de ces données, que certains chercheurs ont considéré que l’approche « nutri-aliment » était désormais inadaptée. Ils en ont donc proposé une nouvelle qui considère que l’indicateur prioritaire pour juger le « potentiel santé » d’un aliment est sa « matrice nutritionnelle ». De quoi s’agit-il et quelles en sont les prétentions ?

 

L’approche holistico-réductionniste de l’alimentation

Dans un article récemment publié dans la revue de l’Association Française des Diététiciens Nutritionnistes, Anthony Fardet, docteur en nutrition humaine et chargé de recherche à l’INRAE[1], y présente en détail cette théorie, dont il est le principal promoteur dans le monde francophone. D’abord, il définit la matrice nutritionnelle comme « l’architecture visible tridimensionnelle des aliments » (4). Il précise que cette matrice s’observe également au niveau moléculaire : le glucose et le fructose possèdent les mêmes atomes mais leur structure tridimensionnelle diffère. Plusieurs exemples sont ensuite utilisés pour démontrer que les matrices sont plus importantes que leurs composants (ex : l’amidon du féculent versus le sirop de glucose). Il n’y aurait donc pas de « bons » et « mauvais » nutriments mais uniquement des « bonnes » ou « mauvaises » matrices. La matrice serait donc la « cause » (holisme) et les nutriments seraient les « effets » (réductionnisme). D’où le terme « holistico-réductionniste ». Il faudrait donc prioritairement se focaliser sur les matrices nutritionnelles et donc les degrés de transformation des aliments. Une exception toutefois à cette règle, la prise en soins curative (ex : carence vitaminique).

 

Vient ensuite l’argument principal pour appuyer les implications pratiques de cette théorie. En se basant sur des études écologiques[2] menées en France, en Inde et en Chine , il constate que les maladies chroniques n’ont cessé d’augmenter « bien que la consommation calorique globale par habitant et par jour n’ait pas excédé les recommandations officielles et que la diversification alimentaire ait augmenté » (4). A cela, s’ajoute également les résultats des études menées sur le lien entre la consommation d’AUT et les maladies chroniques, comme expliqué dans le précèdent chapitre.

Il faudrait donc abandonner les recommandations actuelles au profit de nouvelles, en se basant sur un nouveau concept : la règle du manger selon les 3V : Vrai (des matrices peu transformées), Végétal et Varié. Et c’est ainsi que se termine l’article du Dr. Fardet dans lequel, si l’on exclue les études entre AUT et maladies chroniques, 28 des 31 citations renvoient à ses propres travaux, bien souvent des revues narratives.

 

Les limites de la théorie holistico-réductionniste

Végétaliser son assiette et favoriser la variété sont des conseils qui vont clairement dans le sens des recommandation actuelles. De plus, l’idée de s’intéresser aux « matrices » des aliments/nutriments n’a rien de farfelu. Il est admis que les céréales raffinées sont moins intéressantes que les complètes, qu’il est préférable de consommer un fruit entier plutôt que son jus, ou encore que l’hydrogénation des graisses[3] a eu d’importants effets délétères (5). De là à affirmer que le niveau de transformation doit prévaloir sur les aspects « nutriments » et « groupe d’aliments », c’est une autre histoire. Et justement, cette histoire présente quelques problèmes.

 

Le premier point problématique est l’affirmation que les recommandations actuelles sont inadaptées et d’en apporter pour preuve la hausse des maladies chroniques.  Bien que la nutrition joue un rôle dans leur survenue, il s’agit de maladies multifactorielles. Le tabac, la sédentarité, la génétique, l’alcool et encore d’autres facteurs en sont également responsables. Mais au-delà de ça, il est surtout bien documenté que les recommandations nutritionnelles… ne sont justement pas suivies. Pour illustrer cela, voici (ci-dessous) une comparaison entre les recommandations alimentaires suisses (à gauche) et les consommations réelles de la population (6) (à droite). L’argument est donc parfaitement invalide.

Recommandations alimentaires en Suisse versus les consommations réelles de la population.

Le deuxième point problématique concerne le lien entre AUT et la survenue de maladie chroniques. Comme expliqué précédemment, ce lien est avéré et semble persister même après ajustement de divers facteurs confondants, y compris les apports en nutriments. Or, lorsque des analyses sont réalisées par sous-groupes d’AUT, on observe des résultats plus hétérogènes. Dans une étude issue de la cohorte NutriNet-Santé, seules certaines catégories d’AUT (boissons, laitages, graisses & sauces et produits sucrés) étaient significativement associées à un plus grand risque de diabète (7) (Annexe 1). Mais ce n’était pas le cas d’autres catégories, comme les fruits & légumes ultra-transformés ou encore les produits céréaliers ultra-transformés. Une autre étude menée dans 7 pays européens, regroupant 266 666 participants, a examiné les liens entre les sous-groupes d’AUT et la survenue de cancer et de maladies cardio-métaboliques. Résultats : les AUT issus des « denrées animales » ainsi les sodas étaient bien associés à un risque accru de multimorbidité (8). En revanche, ce n’était pas le cas pour les substituts de viandes végétaux, ou encore pour les produits céréaliers ultra-transformés. En effet, ces derniers semblaient plutôt avoir un effet neutre voir même potentiellement protecteur (Annexe 2). Ces résultats sont également cohérents avec une méta-analyse réalisée sur 3 larges cohortes américaines, dans laquelle la consommation de céréales complètes ultra-transformées ou de fruit ultra-transformés semblait protectrice, par rapport à la survenue de diabète (9) (Annexe 3). Voilà donc des données observationnelles en condition réelle qui viennent contredire, ou du moins nuancer, la théorie de « la matrice avant tout ». Et c’est là que réside le cœur du problème : un nouvel outil, un nouveau modèle ou une nouvelle hypothèse doivent être fondés sur des données scientifiques, mais doivent ensuite être testés en condition réelles. Pour illustrer cela, prenons un exemple : Le Nutri-Score.

 

De la théorie à la pratique

Le Nutri-Score, c’est ce logo composé de 5 lettres, que l’on retrouve sur les emballages alimentaires (Annexe 4). Comment a-t-il été créé? En très très résumé : les liens entre la consommation de nutriments/aliments et la survenue de maladies ont été examinés. Les nutriments les plus pertinents ont été retenus et pondérés, proportionnellement à leur impact sur la santé. Ce fut la première phase, à savoir la conception de l’outil. Puis, il a été testé en condition réelles afin de mesurer son efficacité. On sait depuis qu’il est non seulement utilisé par les consommateurs, que le panier de ceux qui l’utilisent est de meilleure qualité, et que les personnes consommant des produits notés A ou B ont un moindre risque face à certaines maladies chroniques (10). Si on revient maintenant à la théorie « holistico-réductionniste », cette dernière a bien été conçue sur des bases scientifiques. Mais lorsqu’elle est testée, notamment via des analyses en sous-groupes d’AUT, les résultats ne valident pas vraiment les hypothèses.

 

Alors évidemment, on a le droit de ne pas aimer le Nutri-Score, et même de le critiquer, car c’est ainsi qu’il s’améliore. Mais lorsqu’on se dit être catégoriquement « contre le Nutri-Score (…) pour des raisons scientifiques » (11) et qu’on y préfère une théorie invalidée par les études de terrain, il faut peut-être revoir ses cours d’épistémologie.

Ce qu’a montré le rapport de la FAO, et d’autres études depuis, c’est que les AUT sont avant tout plus riches en nutriments défavorables (sucre, acides gras saturés & trans, sel, densité énergétique) et plus pauvres en nutriments favorables (protéines, fibres, vitamines et minéraux) (2). Ces données n’excluent pas la possibilité que certains des effets délétères de ces AUT puissent aussi provenir d’additifs ou du processus de fabrication. Mais ces aspects doivent venir s’ajouter aux données macro et micro-nutritionnelles, pas les remplacer.

 

Conclusion

La consommation d’aliments ultra-transformés fait désormais parti des préoccupations de santé publique de nombreux pays. Compte tenu des données actuelles, il semble pertinent de tenir compte du niveau de transformation de certains aliments, dans les recommandations nutritionnelles. Mais les preuves sont toutefois insuffisantes pour affirmer catégoriquement que l’approche « holistico-réductionniste » doit être la base de nouvelles recommandations. Elle doit d’abord prouver sa prétendue supériorité avant d’être adoptée. En attendant, il semble plus raisonnable d’intégrer la dimension de l’ultra-transformation à ce qui existe déjà. Idem pour les outils comme le Nutri-Score, qui essaie désormais d’intégrer cette dimension dans son logo (12). Pour terminer, « les AUT » semblent être une catégorie extrêmement hétérogène. Peut-être qu’une classification plus affinée, par sous-groupes, permettrait d’obtenir des résultats plus précis, et de ne pas tous les mettre…dans le même panier !

 

Nicolas Parel, Diététicien MSc

Lien vers le profil LinkedIn : https://www.linkedin.com/in/nicolas-parel-7623901b7/


S’il le souhaite, le Dr. Fardet est invité à répondre à cet article sur ce blog.

 

Références :

  1. Mozaffarian D, Rosenberg I, Uauy R. History of modern nutrition science—implications for current research, dietary guidelines, and food policy. BMJ. 2018;361:k2392.
  2. Food and Agriculture Organization. Ultra processed foods, diet quality and human health [En ligne]. 2019 [cité 20 janvier 2024]. Disponible: https://www.fao.org/documents/card/en?details=CA5644EN/
  3. Pagliai G, Dinu M, Madarena MP, Bonaccio M, Iacoviello L, Sofi F. Consumption of ultra-processed foods and health status: a systematic review and meta-analysis. Br J Nutr. 2021;125(3):308‑18.
  4. Fardet A. L’effet de la matrice des aliments pour prévenir les maladies chroniques : la qualité des calories compte plus que leur quantité. Information Diététique. 2023;3:37‑49.
  5. Islam MdA, Amin MN, Siddiqui SA, Hossain MdP, Sultana F, Kabir MdR. Trans fatty acids and lipid profile: A serious risk factor to cardiovascular disease, cancer and diabetes. Diabetes & Metabolic Syndrome: Clinical Research & Reviews. 2019;13(2):1643‑7.
  6. Office fédéral de la sécurité alimentaire et des affaires vétérinaires. menuCH – la première enquête nationale sur l’alimentation [En ligne]. 2022 [cité 20 janv 2024]. Disponible: https://www.blv.admin.ch/blv/fr/home/lebensmittel-und-ernaehrung/ernaehrung/menuCH.html
  7. Srour B, Fezeu LK, Kesse-Guyot E, Allès B, Debras C, Druesne-Pecollo N, et al. Ultraprocessed Food Consumption and Risk of Type 2 Diabetes Among Participants of the NutriNet-Santé Prospective Cohort. JAMA Intern Med. 2020;180(2):283‑91.
  8. Cordova R, Viallon V, Fontvieille E, Peruchet-Noray L, Jansana A, Wagner KH, et al. Consumption of ultra-processed foods and risk of multimorbidity of cancer and cardiometabolic diseases: a multinational cohort study. Lancet Reg Health Eur. 2023;35:100771.
  9. Chen Z, Khandpur N, Desjardins C, Wang L, Monteiro CA, Rossato SL, et al. Ultra-Processed Food Consumption and Risk of Type 2 Diabetes: Three Large Prospective U.S. Cohort Studies. Diabetes Care. 28 févr 2023;46(7):1335‑44.
  10. UNESCO Chair GHE. Why the European Commission must choose the Nutri-Score nutrition label –[En ligne]. 2022 [cité 23 janvier 2024]. Disponible: https://unescochair-ghe.org/2023/05/12/report-why-the-european-commission-must-choose-the-nutri-score-nutrition-label/
  11. 20minutes.fr. Le Nutri-Score nouvelle version, amélioration ou coup d’épée dans l’eau ? [En ligne]. 2024 [cité 23 janvier 2024]. Disponible: https://www.20minutes.fr/sante/4071182-20240118-nutri-score-nouvelle-version-vraie-amelioration-coup-epee-eau
  12. Srour B, Hercberg S, Galan P, Monteiro CA, Edelenyi FS de, Bourhis L, et al. Effect of a new graphically modified Nutri-Score on the objective understanding of foods’ nutrient profile and ultraprocessing: a randomised controlled trial. BMJ Nutrition, Prevention & Health. 2023;e000599.

Annexes

Annexe 1 : Associations entre la proportion d’aliments ultra-transformés dans chaque groupe d’aliments et la survenue de diabète de type 2 (7)

Annexe 2 : Association entre les sous-groupes de consommation d’aliments ultra-transformés et le risque de multi-morbidité cancer-cardio-métabolique (8)

Annexe 3 : Associations entre les sous-groupes d’AUT et le risque de diabète de type 2 (9)

Annexe 4 : Le Nutri-Score

[1] L’institut national de recherche pour l’agriculture, l’alimentation et l’environnement

[2] Une étude écologique se base sur les données d’une population globale et non des données individuelles. Elle permet par exemple de connaître la consommation de viande de bœuf en France, mais pas comment elle se répartit entre les individus. Le niveau de preuve est donc inférieur à une étude de cohorte.

[3] Procédé qui modifie la structure des acides gras, associé à un risque accru de maladies cardiovasculaires.

 

 

 

Article invité.

La défense de la pensée critique passe souvent par une apologie de la science, de ses accomplissements, de ses mérites, de son importance cruciale pour édifier une démocratie éclairée. Mais c’est au risque d’une idéalisation qui efface les vrais défis que la science doit relever pour être à la hauteur de la mission qui est la sienne. Nous devons exercer un regard critique sur la science et pas seulement sur les faux discours et épistémologies avariées. Encourager nos amis chercheurs & chercheuses à embrasser pleinement les exigences de l’Open Science fait partie des devoirs de la zététique. C’est ce que Nathanael Larigaldie est venu nous dire avec ce billet.

Acermendax

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La zététique et la science

La zététique, depuis ses fondements initiaux jusqu’à la pratique contemporaine, entretient des relations étroites avec les outils scientifiques. Outils qu’elle tend à admirer, promouvoir, et au sein desquels ses principales méthodes sont extraites, afin de les appliquer à l’étude des phénomènes paranormaux en tout premier lieu (lire notamment « Le Paranormal » d’Henri Broch). Avec le temps le champ d’application s’est vu dériver vers une utilisation plus ou moins omnidirectionnelle afin de, comme cela est souvent présenté, pouvoir séparer le bon grain de l’ivraie de ses croyances et connaissances après avoir douté de ses certitudes.

Si les outils scientifiques peuvent assez bien s’appliquer dans les situations où la vérification et l’expérimentation directe sont possibles (c’est-à-dire le plus souvent dans les contextes d’investigation paranormale et de charlatanerie tels que le suggéraient justement Broch et ses premiers disciples), force est de constater que l’application concrète aux sujets plus complexes se limite finalement bien souvent à une injonction à suivre les conclusions des experts scientifiques dès que cela se révèle possible ; en particulier lorsqu’un consensus se dessine parmi ceux-ci.

L’injonction est simple et est pleine de bon sens : quiconque s’intéressant de près à un sujet de façon rigoureuse doit y dépenser énormément de temps, d’argent, accompagnés de longs apprentissages bien souvent pénibles de méthodes spécifiques et pointues. En somme, tout comme quasi-personne ne construit sa voiture en partant d’une clé à molettes et de bouts de taules dans son garage étant donné la colossalité de la tâche et achèterait plutôt sa voiture auprès d’une entreprise, il est pertinent pour quiconque d’utiliser la centralisation et spécialisation d’autrui comme base de connaissance prioritaire pour se former une opinion.

L’argument fait d’autant plus sens que, puisque les méthodes zététiques ont vocation à être empruntées à la science, le zététicien s’assure ainsi que les individus auxquels il accorde sa confiance pour étudier le monde à sa place utilisent des méthodes qu’il juge lui-même pertinentes pour l’étudier. À un certain degré, le scientifique pourrait être vu comme un zététicien ayant le temps, l’argent, le réseau et les incitations nécessaires pour étudier spécifiquement et dans le détail une quantité restreinte de domaines. Ou l’inverse, si l’on préfère cette lecture renversée : un zététicien serait finalement un scientifique amateur n’ayant généralement pas le temps ou les moyens d’étudier certaines (ou toutes) les méthodes complexes que la science utilise pour étudier le réel avec rigueur. En ce sens, la confiance par défaut accordée par la zététique à la science est une heuristique non seulement pertinente, mais également cohérente avec ses propres principes épistémologiques et sa vision proposée du monde.

Il n’y a pas loin à chercher pour observer ces parallèles entre la pratique scientifique et celle de la zététique. L’appel immédiat aux sources face aux affirmations sur les réseaux sociaux (que je surnomme parfois le « source bro? » pour faire un parallèle humoristique avec le plus répandu « source: trust me bro ») est une bonne illustration : les affirmations dans les publications scientifiques sont en général accompagnées d’une source afin de pouvoir juger de sa pertinence/crédibilité. Le fondement et la justification sont les mêmes (bien que l’utilisation de facto puisse être parfois sévèrement critiquée, dans un cas comme dans l’autre d’ailleurs).

Si vous estimez que ce qui est argumenté jusqu’alors est globalement vrai, alors vous devriez également être d’accord avec cette proposition : si la production scientifique ne suit en fait pas les préceptes que la zététique estiment être indispensables pour la création d’un savoir solide et rigoureux, alors l’heuristique de confiance par défaut envers la science ne fonctionne plus. Elle ne consisterait plus, en l’état, qu’à accorder une confiance disproportionnée à des individus ne respectant qu’à leur bon vouloir des principes épistémologiques et éthiques pourtant considérés comme indispensables pour la poursuite de l’étude du monde. En gros, conseiller de croire sur parole des gens dont l’argument central est un « trust me bro, j’ai un diplôme » déguisé. Ce qui serait contradictoire avec une idée un minimum rigoureuse d’esprit critique.

Non : lorsque la zététique conseille d’écouter la science, elle le fait en partant de la supposition que le système scientifique est au moins majoritairement un système basé sur de la rigueur intellectuelle, et non sur une chaîne de gens se faisant tous confiance sans vérifier les affirmations des collègues. Et que donc, par exemple, virtuellement aucun scientifique ne pourrait décemment écrire un papier prétendant avoir trouvé un effet statistique dans ses données sans que, quelque part dans le long et laborieux processus de collecte, analyse, écriture et publication des résultats, ses collègues directs et éloignés ne lui aient simplement demandé « source bro? ».

Et il se trouve, justement, que cela fait bien longtemps que toute une branche de la communauté scientifique tire une sonnette d’alarme qui ne retentit hélas que chez peu de gens : cette supposition est fausse bien, bien plus souvent qu’on le suspecte. Contrairement aux idées reçues, et attendez-vous à une intense déception si vous l’ignoriez avant, les données de l’extrême majorité des papiers scientifiques publiés ne sont jamais ni publiées, ni rendues accessibles aux autres chercheurs, même pendant la revue par les pairs, même lorsque cela est pourtant censément obligatoire pour certaines revues scientifiques, même lorsque d’autres scientifiques les demandent. Et là où la boucle du manquement de rigueur se boucle, c’est qu’il n’existe virtuellement aucune université au monde qui n’effectue le moindre contrôle pour vérifier l’intégrité de la collecte de données.

Je vais prendre un exemple. Imaginez un chercheur qui fait passer des questionnaires en ligne pour vérifier le lien entre partage de désinformation et orientation politique (exemple pris au hasard). Ce dernier rapporte un lien statistique entre certaines orientations et le partage de désinformation dans un article scientifique, publié dans une revue académique. Le plus souvent dans le fonctionnement scientifique contemporain, aucun individu au monde autre que l’analyste (et parfois certains de ses co-auteurs, mais c’est loin d’être une généralité) ne posera les yeux sur les données récoltées. Personne ne vérifiera jamais l’intégrité des données à une quelconque étape, et le plus souvent, même chose pour les analyses statistiques. Essentiellement, ce chercheur dit à l’intégralité de la communauté scientifique : « source: trust me bro ».

Si vous avez du mal à croire que ceci puisse arriver facilement, je vous invite à vous renseigner sur l’affaire entourant Francesca Gino (j’y ai notamment dédié un article de blog et un thread Twitter :

https://academia.hypotheses.org/51806  ;
https://twitter.com/NathLarigaldie/status/1687448236708057088.

Cette affaire montre notamment comment l’une des professeurs les plus reconnues de Harvard a très certainement falsifié une bonne partie de sa carrière grâce au fait que même ses très nombreux co-auteurs n’ont jamais vérifié, dans plusieurs papiers de recherche publiés dans d’excellentes revues, si elle effectuait son travail correctement. À titre personnel, je peux témoigner du cas récent d’un papier de recherche dont l’intégralité des analyses statistiques a été réalisée par un assistant de recherche, pré-PhD, ayant appris à faire ces analyses sur le tas alors qu’il n’avait aucune connaissance préalable sur le sujet. Ces analyses n’ont jamais été vérifiées par quiconque, le papier est à présent publié dans une revue bien réputée (entre autres sous le nom de l’un des chercheurs les plus réputés du labo de recherche où elle a été effectuée et du vice-recteur d’une autre université), et faisait partie d’un très gros projet prestigieux financé par les institutions européennes. Cette étude a bénéficié d’une communication de masse dans les médias, et a également été présentée dans des conférences et présentations destinées à informer les futures politiques européennes. Dans le cas de ce papier, le seul individu au monde ayant un jour approché l’analyse statistique sur laquelle repose l’intégralité des conclusions du papier est donc un assistant de recherche qui n’a travaillé dans ce labo que pendant 6 mois avant de quitter le monde académique (et en est d’ailleurs sorti dégoûté par le manque de rigueur). Absolument aucun lecteur de l’article se contentant de faire confiance au process scientifique n’a de moyen de savoir que les points majeurs de l’article réclamant les compétences les plus pointues ont été confiés à un junior, sans vérification de la qualité de son travail par ses seniors. Ce papier, sorti il y a moins d’un an, comptabilise déjà plusieurs dizaines de citations. Je ne pense pas que quiconque ait ce genre de processus en tête lorsqu’il imagine la « rigueur scientifique ».

Demandez-vous : en tant que zététicien, croiriez-vous les conclusions d’un individu sur Twitter disant « j’ai récolté des données que j’ai analysées, mais je ne vous donnerai accès ni aux données ni aux analyses, et ce même si vous êtes, vous aussi, expert du domaine en question. Je vais juste vous les décrire. Et ma conclusion sur le sujet dont nous parlons est […] » ? Bien sûr que non, pas en se revendiquant de l’esprit critique. La seule raison pour laquelle nous acceptons les articles scientifiques comme faisant preuve d’un plus grand degré de fiabilité est que nous imaginons qu’il est absolument évident que le processus scientifique implémente quelque chose, n’importe quoi, pour éviter de devoir juste compter sur ce genre de confiance aveugle. Face à cette affirmation, un zététicien devrait normalement réclamer qu’on lui apporte une preuve que le système fonctionne correctement et tel qu’il l’attend. Et ça tombe bien, puisqu’il existe un champ de recherche (la métascience) qui étudie ce genre de choses. Ce qui tombe vachement moins bien, c’est que quand on vérifie, on se rend en fait compte que nous avons seulement fait appel à ce qui nous semble être du sens commun qui ne se vérifie pas dans la réalité.[1]

Ainsi, pour continuer sur la lancée de l’opacité des données, une analyse (Hardwicke et al., 2021) menée entre autres par Tom Hardwicke et John Ioannidis (le même Ioannidis que le fameux « Why most published research findings are false ») montre qu’en psychologie, sur un échantillon d’études prises au hasard entre 2014 et 2017, seulement 2% partagent les données brutes récoltées dans l’étude, et 1% partagent le code des analyses statistiques réalisées.

Bien que ça y ressemble furieusement, je vous assure que ce n’est pas un cauchemar. En psychologie, et un constat similaire émerge progressivement dans les autres disciplines, 99% des études rapportent bel et bien des statistiques en disant « on a fait telle et telle analyse, et ça a donné tel et tel résultat. Voilà, croyez-nous sur parole quand on vous dit qu’on l’a vraiment fait, et qu’on a fait ça sans erreur ». Et ça va plus loin, puisque Hardwicke et Ioannidis ont également réalisé la cascade suivante : prendre les 111 études en psychologie et psychiatrie les plus citées entre 2006 et 2016, et demander aux auteurs d’avoir accès à leurs données lorsqu’elles n’étaient pas fournies. Ils ont ainsi pu récolter les données pour 14% des articles (Hardwicke & Ioannidis, 2018).

Hardwicke et Ioannidis sont des collègues chercheurs, reconnus de surcroît. Cette étude martèle le terrible constat qu’il est urgent de véhiculer au plus vite : même lorsque des collègues chercheurs demandent « Pardon, mais est-ce qu’on peut jeter un œil à vos données pour vérifier ? », soit une forme parfaitement saine de « source bro? » en plein cœur d’une science censée être rigoureuse et autocorrective, dans 86% des cas les données ne seront jamais transmises à quiconque. Les raisons sont multiples : refus sans explication, « les données ont été perdues », « le chercheur responsable de la gestion des données est décédé et personne d’autre ne les a », etc, etc… De la science sérieuse bien comme on l’aime, donc.

Un zététicien, et même tout citoyen un minimum à cheval sur la rigueur intellectuelle refuserait sans doute catégoriquement la conclusion d’une personne disant lors d’une discussion qu’il a des données et qu’il a fait des analyses qui lui donnent raison, promis juré craché, mais qu’il a laissées dans son autre pantalon. Il militerait même probablement activement auprès du grand public pour ne jamais accepter ni produire une argumentation aussi faible. Au nom de quel principe méthodologique devrions-nous donc accepter ceci de la part de gens sous prétexte qu’ils font partie d’une institution alors même que cette institution ne fait aucun effort pour garantir l’intégrité du processus de récolte de données ?

De mon côté, je me revendique comme faisant partie d’une sous-communauté grandissante au sein de la science qui estime que les principes de transparence et de responsabilité sont bel et bien censés également être vrais dans le milieu scientifique. Communauté dont la devise progressivement adoptée ces dernières années est « Nullius In Verba », ce qui se traduirait globalement par « ne croire personne sur parole ». Sous bien des égards (que je ne peux malheureusement tous développer ici, sous peine d’écrire un livre plutôt qu’un billet de blog), elle est le penchant purement scientifique du scepticisme. J’ai nommé : l’Open Science.

L’Open Science

J’ai remarqué dernièrement que pour beaucoup, il y a une assimilation quasi-totale de l’Open Science à l’Open Access, comme si la caractéristique principale de l’Open Science était l’ouverture des articles scientifiques au grand public sans avoir à payer la revue scientifique. En réalité, l’Open Science se propose comme l’intégration d’une constellation d’outils, de pratiques et de standards pour améliorer (entre autres) la transparence et la fiabilité de la démarche scientifique. En définitive, l’Open Access n’est qu’une seule de ces nombreuses facettes, et celle-ci n’est pas considérée comme la plus essentielle par la plupart des promoteurs de l’Open Science.

Ainsi, pour prendre quelques exemples rapides, les open scientists considèrent-ils que l’erreur est humaine, et que se tromper arrive à tout le monde. Conséquemment (et pour bien d’autres raisons encore), ils élèvent au rang de standard le fait de fournir les données et le code des analyses statistiques pour permettre à d’autres de vérifier s’ils n’ont pas fait d’erreur. Comme ils estiment également que la réplication est importante pour valider la solidité des conclusions, ils fournissent également tout le matériel de leurs études afin de pouvoir les reproduire telle quelles sans faire perdre son temps à tout le monde.

Cela vous semble être un principe scientifique de base et vous imaginiez que c’est comme ça que la science fonctionne en général sans avoir besoin que ne se fonde un mouvement interne qui essaie de se faire entendre tant bien que mal ? Vous n’êtes pas le seul. Tous les scientifiques à cheval sur la rigueur que je connais ont eu la même désillusion en démarrant leur carrière de recherche. Et pourtant, la communauté Open Science est encore minoritaire au sein du fonctionnement scientifique, malgré des décennies de recherche sur les problèmes mentionnés plus haut, et malgré les plaidoyers d’organisations nationales et internationales à l’adoption des principes souvent évidents qu’elle défend (e.g. premier lien, deuxième lien, troisième lien).

De nombreux scientifiques gravitent autour des communautés sceptiques, parfois en tant qu’invités d’émissions, ou qui parfois eux-mêmes font des études et/ou interventions publiques mentionnant l’existence du biais de confirmation, et que personne n’en est à l’abri. Or, même au sein de cette orbite, le préenregistrement d’études est toujours marginal alors que cet outil est spécifiquement conçu pour réduire significativement le biais de confirmation des scientifiques lors de leurs études (Nosek et al., 2018). Similairement, aucun de ces scientifiques ne niera qu’il est facile de se tromper. Et pourtant, presque aucun ne fournit ni ses données originales, ni son code complet, pour pouvoir vérifier ses travaux. Comment justifier correctement que les scientifiques proches du mouvement sceptique ne soient pas instantanément les meilleurs élèves sur la transparence et la rigueur de leurs travaux ? Doit-on accepter les scientifiques qui disent au peuple qu’il faut avoir de l’esprit critique et qu’il faut vérifier les informations, mais ne permettent pas à leurs collègues experts de vérifier leurs informations à eux ? En tant que scientifique et sceptique, nous portons en nous la responsabilité de crier haut et encore plus fort que les autres « Nullius in Verba », nous compris. J’enjoins le reste des scientifiques n’était pas encore 100% Open Science à emboîter le pas de ceux qui l’ont déjà fait sans plus attendre (et à me contacter s’ils ont besoin de la moindre aide pour démarrer !).

Du côté non-scientifique, il est à présent indispensable de commencer à réclamer des scientifiques qu’ils suivent ces pratiques pour que nous prenions en compte leurs études et leur avis, et de systématiquement demander pourquoi ils ne le font pas le cas échéant. Après des années de pratique scientifique, je peux vous assurer qu’il n’existe aucune justification véritablement satisfaisante pour expliquer l’absence combinée de données, code, matériel et de préenregistrement dans la quasi-totalité des études expérimentales. Dans la majorité des cas, la réponse ne sera rien de plus que « nous n’avons pas eu le temps de le faire », « nous avons oublié », ou « nous ne savions pas ». Je fais semblant de laisser le lecteur seul juge d’estimer la crédibilité à accorder à une étude dont l’investigateur admet ouvertement qu’il a pris des raccourcis dans sa méthode dans l’objectif de publier ses conclusions plus vite afin de favoriser sa carrière ou son influence politique plutôt que la rigueur, qui oublie d’utiliser des outils méthodologiques pourtant faits pour assurer la fiabilité de ses résultats, ou qui ignore leur existence. Ceci devrait suffire à convaincre n’importe quelle personne estimant que la rigueur est indispensable à la crédibilité, du bien-fondé assez clair de la démarche que je propose.[2]

Tout comme nous ne partagerions pas l’avis d’un individu sur Twitter disant « j’te jure, j’ai fait des analyses et j’ai raison, t’as pas besoin de vérifier quoique ce soit ! », cessons de faire la promotion d’études qui ne fournissent ni leurs données, ni leurs analyses, ni le matériel de reproduction, et n’ont pas été pré-enregistrées lorsque cela était réalisable. Surtout lorsque l’on vient d’insister auprès de nos interlocuteurs que la science fonctionne grâce à la réduction du biais de confirmation (très contestable si pas de pré-enregistrement), de la réplicabilité (très contestable si pas de matériel de reproduction) et de la possibilité de vérifier les erreurs (très contestable si ni données ni analyses). Ce sont des critères simples à suivre et à vérifier, des heuristiques qui ne sont pas nécessairement plus compliquées à implémenter que ce qu’un tuto de Defakator pourrait publier sur Youtube.

Je pense avoir montré, au moins partiellement, qu’un zététicien ne réclamant pas que les études auxquelles il se fie suivent les principes de l’Open Science dès que cela est possible trompe en réalité ses propres principes initiaux et se retrouve dans une posture incohérente : il réclame en effet d’inconnus sur internet lors  de discussions publiques un standard de rigueur comparativement supérieur à celui qu’il réclame pourtant à ceux qui lui procurent du savoir, et qui influencent les décisions politiques et  technologiques sous le prétexte que la personne qui a émis la conclusion détient une fiabilité décernée par la détention d’un grade académique ou un emploi salarié dans un centre de recherche. Soyons meilleurs que ça, et réclamons plus des institutions qui viennent ensuite expliquer aux citoyens et aux responsables politiques ce que nous sommes censés penser.

Si vous êtes sages, je tâcherai de développer avant longtemps bien plus d’exemples démontrant l’absolue nécessité de l’Open Science tant dans la production que dans l’évaluation de la science contemporaine. Parce que, trust me bro, je n’ai malheureusement fait ici qu’effleurer la pointe de l’iceberg.

 

Nathanael Larigaldie, PhD

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[1] Notez que les sources que je vais prendre ici, qui sont des plus alarmantes, concernent majoritairement la psychologie. Mais les tendances actuelles montrent que le problème est également présent entre autres en biologie et en médecine. La raison principale pour laquelle la psychologie a toujours le plus de données disponibles concernant ces échecs n’aurait pas pour cause, contrairement à la croyance populaire, que la psychologie dysfonctionne particulièrement plus que le reste. Ce serait plutôt parce que les psychologues acceptent plus facilement la critique de leur discipline, et que l’information est beaucoup moins difficile à faire circuler parce qu’elle est moins alarmante pour le grand public. Mais les initiatives cherchant à évaluer la réplicabilité des études en biologie du cancer, par exemple, y montrent un état absolument calamiteux encore bien pire que celui de la psychologie sociale (e.g. Errington et al., 2021). Ouille.

[2] Note importante : Un passe-droit est à accorder aux études anciennes, pour lesquelles les outils et les formations n’étaient pas encore si facilement disponibles pour l’Open Science. Je place personnellement cette limite arbitrairement à partir de ~2010-2015. Ce qui est certain, c’est qu’il n’est plus excusable pour une étude expérimentale sortant en 2023 de ne présenter ni préenregistrement, ni code, ni données brutes, ni matériel dédié à la reproduction (dans les situations où cela s’applique bien évidemment). Une étude publiée de cette manière devrait dorénavant immédiatement provoquer une dose importante de suspicion quant à son sérieux et sa pertinence au sein de la littérature scientifique

Article invité

Cet article fait suite au premier billet Neurosciences, le nouvel eldorado des coachs en bullshit publié en mai 2023.

Dans la première partie de cette enquête (disponible ici [1]), j’avais mis en lumière différents points quant à l’aspect scientifique que revêtait un “institut des neurosciences appliquées” qui forme des coachs dirigé par David Lefrançois, docteur et chercheur en neurosciences, selon ses dires.

Près de trois mois se sont écoulés et des doutes naissant parmi ses coachs, David Lefrançois a décidé de réagir en réalisant une vidéo de quarante minutes à destination de ces derniers [2]. Il leur montre son diplôme de doctorat et met à leur disposition son mémoire de thèse ainsi qu’un second mémoire, pour garder leur confiance.

Ces documents sont-ils authentiques et cohérents, ou David Lefrançois est-il allé jusqu’à fabriquer de faux documents universitaires pour continuer de se présenter comme docteur dans le milieu du coaching francophone ? A l’heure de la publication de ce billet, ces documents ont déjà disparu de la plateforme où le formateur de coachs les avait publiés pour ses clients mais leur analyse constitue un exercice intéressant et révélateur d’une imposture flagrante.

Sa vidéo, non exempte de quelques attaques personnelles à mon encontre, regorge de détails discutables sur lesquels je ne reviendrai pas dans ce billet, il y présente par exemple un document attestant de son intervention dans un M2 de l’université Paris Sud de 2016 à 2018. Pourtant c’est en 2021, trois ans après ces interventions donc, qu’à l’affirmation “Et tu enseignes également à l’Université Paris-Sud.”, il répondait au présent de l’indicatif: “C’est ça, exactement. Et je suis docteur en neurosciences.”[3].

Enquête, partie 2.

Un diplôme de doctorat … curieux.

Au sein de cette vidéo, David Lefrançois fait donc le choix de présenter son diplôme de doctorat qu’il prétend avoir obtenu en Ukraine. Il le présente en ces mots à sa communauté:

« C’est un diplôme très particulier, on a une petite fiche en or ici, c’est très important, il est numéroté et ce document est directement apostillé par l’état. D’accord ?[…] c’est pas vraiment le genre de documents qu’on peut copier. »

Image extraite de la vidéo où David Lefrançois présente son diplôme [2]

Sur ce diplôme, on distingue qu’il s’agit bien d’un doctorat en sciences (“Доктор наук” en ukrainien), et ce point sera crucial pour la suite, puis on y lit son nom et son prénom écrits en ukrainien et le numéro de ce diplôme (“ДД N°002075”, ДД pour Diplôme de Doctorat).

Et là, premier problème : ce diplôme date de mai 2008, or sur le site de Coach-Up Institut, le premier institut de coaching de David Lefrançois, il s’est prétendu expert en neurosciences à partir de janvier 2007 [4]. Curieux d’être expert avant d’être docteur, non ?

Évolution de la présentation de David entre juin 2006 et janvier 2007 [4]

Autre problème, le système ukrainien délivre deux niveaux de doctorat [5]: le diplôme de candidat ès sciences (“кандидат наук” en ukrainien) [6], qui correspond à un niveau Bac+8, au PhD, au doctorat français et qui s’obtient -en Ukraine- avec en général cinq publications en revue à comité de lecture nationale ou internationale. Et le second niveau, celui de docteur ès sciences (“доктор наук” en ukrainien) [7],  qui s’obtient en général dix ans après le diplôme de candidat et qui correspond en France à l’habilitation à diriger de la recherche (HDR) pour aller vers les postes de professeur titulaire. Et c’est ce second diplôme que David Lefrançois présente à ses coachs comme un diplôme de doctorat alors qu’il s’agit en réalité du plus haut diplôme universitaire d’Ukraine que seuls un quart des candidats parviennent à obtenir. Or dans une interview publiée cette année [8], il affirmait poursuivre en Ukraine un deuxième doctorat avant la guerre. Il est pourtant déjà titulaire du deuxième doctorat ukrainien en présentant ce diplôme -s’il est authentique-…

Je me suis alors concentré sur la manière dont il présentait ce diplôme : un diplôme avec hologramme, numéroté, apostillé impossible à copier. Si je devais montrer mon diplôme d’ingénieur, j’expliquerais la mention dans laquelle je l’ai obtenu, je parlerais de mon école, mais jamais il ne me viendrait l’idée de présenter ses sécurités que je ne connais même pas, et encore moins de préciser que ce n’est pas un faux. Alors ce propos m’a mis sur une piste. En effet, la page Wikipédia sur le système académique ukrainien [5] fait mention de la corruption assez importante dans le milieu universitaire, j’ai alors recherché naïvement comment acheter un diplôme de doctorat ukrainien, et je suis tombé sur ce site [9]:

Site de vente de diplômes ukrainiens [9]

Site qui vous propose à l’achat un diplôme de doctorat des années 2000 à 2023, et qui vous recommande avant d’acheter un tel diplôme, de prévenir vos proches que vous êtes docteur (ce qui je l’admets, est plutôt un bon conseil). Site qui vous vend, un diplôme authentifié par l’état ukrainien. Alors j’ai contacté ce faussaire, et dès son premier message, il me propose un diplôme avec les hologrammes officiels pour 1200 dollars, et en option l’apostille et le certificat d’authenticité du consulat pour la modique somme de 600 dollars.

Fin du message envoyé par le faussaire via Whatsapp

 Et c’est curieux: l’hologramme officiel, l’apostille, le certificat d’authenticité, comme une impression d’avoir déjà entendu cela. De plus, en revenant sur le site du faussaire, curieux hasard ou simple coïncidence, la photo du diplôme vierge qu’il propose de personnaliser porte exactement le même numéro de diplôme que le diplôme que présente David Lefrançois.

Photo du faussaire [9] vs diplôme présenté par DLF [2]

En plus de ce diplôme plein de coïncidences, le coach a mis à disposition de ses formés deux mémoires, un mémoire de thèse, ainsi qu’un autre mémoire sans précisions. Regardons maintenant cela de plus près.

Un mémoire de thèse … plagié ?

Cette section a été rédigée grâce au travail drastique d’un coach formé par David Lefrançois ayant un background universitaire. Je remercie cette personne qui a souhaité garder l’anonymat.

Dans le mémoire partagé par David Lefrançois [10], de nombreux éléments alertent d’emblée. Rien que le titre et sa syntaxe semblent curieux pour le mémoire du plus haut niveau académique d’un pays:

Photo de la première page du “mémoire” [10]

 Aucune université précisée, aucun encadrant, aucun membre de jury, et un mémoire d’une centaine de pages hors annexes une fois les pages blanches retirées. Une numérotation incohérente entre l’index et les pages réelles, une pagination à géométrie variable, la forme intrigue pour un mémoire représentant en Ukraine le travail d’une dizaine d’années dans la recherche, si imposant que les relecteurs en réalisent habituellement un résumé de 40 à 50 pages avant la soutenance [7].

 Autre élément, la bibliographie intitulée “Liste des sources utilisées”, censée se trouver en page 157 selon l’index, mais se trouvant en réalité en page 136 pourtant numérotée 95, intrigue. En effet, elle comprend 112 références classées par ordre alphabétique. Mais à partir de la référence 49, l’alphabet recommence, comme si deux bibliographies avaient été assemblées. De plus, la référence 70 est un article scientifique de 2016. Pour une thèse obtenue en 2008, c’est l’illustration d’un sacré don de voyance.

Intéressons-nous maintenant au contenu. Dès l’introduction, des répétitions et erreurs alertent comme “des activités […] professionnelles et professionnelles”, ou encore les verbes “Décriver” et “Découvrer” qui rejoignent les verbes du premier groupe, visiblement. Une mauvaise traduction de travaux ukrainiens qui va nous permettre de remonter aux originaux.

à gauche le « doctorat » de DLF [10], à droite la traduction de [11]

En effet, une partie de la thèse présentée comme la sienne par David Lefrançois est en réalité le travail de thèse de candidat ès sciences de Oleg Vitallievich Grechetsky [11] en sciences de l’éducation physique en 2019 à l’université de Lviv. Pourtant cette référence n’est pas citée dans la bibliographie alors qu’on parle tout de même d’un emprunt d’au moins dix pages identifiées comme étant un strict copier-coller mot pour mot. Même les figures ont été plagiées ou reproduites.

à gauche le « doctorat » de DLF [10], à droite la traduction de [11]

 Mais il s’est aussi grandement inspiré, et ce pour près de 25 pages de contenu et 22 pages d’annexes, mot pour mot, du mémoire de master de Trachuk Vitaly Vladimirovich présenté en 2019 à l’Université de Ternopil [12].

à gauche le « doctorat » de DLF [10], à droite la traduction de [12]

à gauche le « doctorat » de DLF [10], à droite la traduction de [12]

 En ce qui concerne le second mémoire partagé par David Lefrançois à ses coachs [13], sans suspense, il s’agit au moins partiellement d’un plagiat mot à mot d’un article du blog de Mikhail Litvak [14] pour au moins 2 pages, d’un second article du même auteur [15] pour au moins 7 pages et du mémoire de Agata Safaryan [16] pour au moins 11 pages.

à gauche le mémoire de DLF [13], à droite la traduction de [15]

à gauche le mémoire de DLF [13], à droite la traduction de [16]

Il se trouve que (comme surligné en rose) l’auteur de [14] et [15] fait référence sur son blog à l’un de ses ouvrages personnels “Si tu veux être heureux” de 1995. Même cette référence n’a pas été retirée du mémoire, une relecture de ce plagiat aurait peut-être été la moindre des choses.

Alors… docteur ou menteur ?

À ce stade et avec tant d’éléments, difficile de conclure autrement : David Lefrançois a fabriqué un faux mémoire de thèse pour convaincre son public qui doutait qu’il était docteur. Il y a joint un mémoire sur la psychologie du vampirisme lui aussi au moins en partie plagié.

Les coachs qui ont suivi ou suivent ses enseignements ne sont pas à blâmer dans cette histoire. Faire confiance à quelqu’un qui se dit docteur, scientifique ou chercheur n’est pas anormal : qui a déjà demandé à son médecin ses diplômes et son mémoire de thèse ? Ce qui est raisonnable, c’est de se questionner lorsqu’un doute apparaît. Et fort heureusement, on rencontre rarement ce genre de cas d’études et pour éviter qu’ils se multiplient et entachent la réputation de tout un milieu, la seule solution est probablement de vulgariser la science et de dénoncer les usurpations.

 

Gautier Corgne

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Cet article existe en version Vidéo sur YouTube

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Sources:

[1] https://menace-theoriste.fr/neurosciences-le-nouvel-eldorado-des-coachs-en-bullshit/

[2] https://vimeo.com/871559850

[3] https://www.coaching-personnel.fr/podcast-oser-ma-vie/articles/oser-ma-vie-avec-david-lefrancois

[4] https://web.archive.org/web/20070104010449/http://www.coachup-institut.com:80/societe/equipe.htm

[5] https://fr.wikipedia.org/wiki/Syst%C3%A8me_%C3%A9ducatif_en_Ukraine

[6] https://fr.wikipedia.org/wiki/Candidat_%C3%A8s_sciences

[7] https://fr.wikipedia.org/wiki/Docteur_%C3%A8s_sciences_(ex-Union_sovi%C3%A9tique)

[8] https://www.youtube.com/watch?v=azW_0sLhrA0

[9] https://kupit-diplom-attestat.com/en/diplomas/buy-doctoral-diploma/

(ATTENTION, la possession d’un faux est répréhensible et je déconseille la consultation et l’usage de ce site)

[10] https://drive.google.com/file/d/1c2Graedb2OICn4_qQ1DjciZo7X0rQ545/view

[11] https://repository.ldufk.edu.ua/bitstream/34606048/21022/1/%D0%93%D1%80%…

[12] https://elartu.tntu.edu.ua/bitstream/lib/29707/6/dyplom_Trachuk.pdf

[13] https://drive.google.com/file/d/15U7WU27AUDfqoHauVS8grqijYHotzeC3/view

[14] http://litvak.me/statyi/article_post/istoki-psikhologicheskogo-vampirizma

[15] http://litvak.me/statyi/article_post/mify-sovremennoy-zhizni

[16] https://artsakhlib.am/wp-content/uploads/2020/05/Агата-Сафарян-Анималистическая-репрезентация-архетипа-“Вампир”-в-романе-Б.Стокера-“Дракула”.pdf

Article invité

 

Ce texte m’a été transmis par ses trois auteurs, inquiets d’entendre régulièrement de fausses informations diffusées dans l’émission ‘“La chronique de Caroline Goldman”. Deux d’entre eux acceptent de donner une identité : Morgane, étudiante en médecine et Elsa Persant, étudiante en sciences politiques.

 

Acermendax

Nota bene : Vous pouvez visiter le site de la médiatrice de radio France .

 

Cher France Inter, Chère Médiatrice

 

Après écoute de “La chronique de Caroline Goldman”, (sur le TDAH et la dysphorie de genre) nous nous inquiétons de la diffusion d’informations non scientifiques et dangereuses sur ces sujets. Nous souhaitons rappeler que la psychanalyse n’est pas une science et enjoignons France Inter à faire appel à des scientifiques professionnels pour traiter de ces sujets complexes et importants.

Concernant le TDAH, Mme Goldman décrit un risque de surdiagnostic, alors même que la Haute Autorité de Santé (autorité publique indépendante à caractère scientifique) rapporte en 2021 un “retard important dans le repérage, le diagnostic et la prise en charge efficace de ce trouble” causé par une formation insuffisante des professionnels de santé [1]. De plus, l’utilisation de la méthylphénidate (molécule de la Ritaline) a été confirmée en 2019 par la HAS. Son utilisation est lourdement encadrée, et intervient dans le cadre d’une thérapie globale [2]. Une méta analyse assure également qu’il n’y a pas d’impact sur l’alimentation au long terme [3]

S’il est légitime de s’inquiéter du manque de moyen de la profession et de l’augmentation de médicaments chez l’enfants, cela ne devrait pas se faire au détriment d’une prise en charge adaptée pour les personnes ayant un TDAH [4].

 

Le 10 août, Mme Goldman partage dans sa chronique l’hypothèse du Dr Flavigny que la transidentité serait due au “fantasme d’un enfant d’avoir déçu ses parents”. Cette affirmation ne semble pas être soutenue par la communauté scientifique. La confiance qu’on peut accorder au Dr Flavigny sur la qualité de sa démarche académique doit s’évaluer au jour de ses positions sur divers sujets (comme l’inceste [5]). Le reste de la thèse ne semble donc pas reposer sur une base solide et entre de plus en contradiction avec les études contemporaines qui reconnaissent l’efficacité des thérapies de réassignement de genre [6].

Ce discours sous-estime la capacité des personnes trans à se connaître dans leur identité de genre. En plus d’être peu étayé scientifiquement, il est également dangereux dans un contexte de hausse de la lgbtphobie et d’attaques contre les droits des personnes trans à l’international.

 

Finalement, nous souhaitons rappeler que la psychanalyse ne s’appuie pas sur une méthodologie scientifique. Une longue lignée de professionnels de la science, de la psychologie ou de la médecine lutte contre cette vision [7,8,9]. Une tribune réunissant plus de 280 professionnels s’est déjà opposée à Mme Goldman sur ses théories d’éducation des enfants [10]. 

 

Pour toutes ces raisons, nous nous inquiétons de l’impact que peut avoir le discours de Mme Goldman et aimerions le retrait de son émission qui a diffusé de fausses informations sur deux sujets particulièrement délicats.

 

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Des chercheurs ont déjà donné l’alerte, comme par exemple Franck Ramus sur son compte X (Twitter) :

Sur le même sujet

 

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1:https://www.has-sante.fr/jcms/p_3302480/fr/trouble-du-neurodeveloppement/-tdah-reperage-diagnostic-et-prise-en-charge-des-adultes-note-de-cadrage 

2 : https://www.has-sante.fr/jcms/p_3305318/fr/ritaline-lp-methylphenidate-tdah

3:https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S0013700617300635?casa_token=9pkEwCe2EdkAAAAA:vJ0CaEj1qAhyNeBRppeRb_klFrRMANKMUvLx4QOASt8LKEBm9da6qaP6qXGtGt2Rac_A1Sp1jg#abs0005 

4:https://www.has-sante.fr/upload/docs/evamed/CT-19405_RITALINE%20LP_PIC_EI_AvisDef_CT19405.pdf & https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S0929693X18300459?casa_token=7Ea1NY33RhkAAAAA:5oCf9dyN1ju44EtEzVqr5lDTBtMdm9yCCa0tGivvW-3zmfLbH5ued0Ju5sQI_SDFpzaUA9-Y6g#bibl0005 

5 :  https://www.youtube.com/watch?v=EAEI3olhybY

6 : https://www.sciencedirect.com/science/article/abs/pii/S0094014319300497?via%3Dihub 

7 : Psychothérapie : trois approches évaluées

8 : Le livre noir de la psychanalyse

9 : Une revue ouverte des études de résultat en psychanalyse

10 : https://www.docdroid.net/hamp8mf/liste-signataires-tribune-le-monde-20-mars-pdf

Comment dois-je réagir si je suis un expert, un spécialiste, voire un chercheur* dont les compétences sont remises en cause publiquement ? Il sera question ici d’experts qui prennent la parole, qui exercent explicitement leur expertise dans le cadre des médias, des réseaux sociaux, de conférences ou de livres.

 

Quelques comportements attendus

Notez bien qu’il s’agit d’une liste de critères qui n’ont pas vocation à être systématiquement présents mais qui représentent une matrice permettant d’évaluer si une personne entre un peu, beaucoup ou pas du tout dans ce qu’on peut reconnaître sous le mot expert.

  1. Le plus simple, le plus évident, mais pas le meilleur :  je rappelle mes titres académiques, les postes que j’ai occupés, les médailles et les hommages reçus. C’est la preuve sociale que mon expertise est largement reconnue. (Evidemment ça ne prouve pas que j’ai raison sur un point en particulier qui serait en question à l’instant t —voir deuxième liste—, mais ici nous cherchons des indices d’expertise)
  2. Je montre mes travaux validés par les pairs, les autres spécialistes. Le format idéal, qui constitue la forme la plus fiable (mais pas totalement fiable non plus) est l’article de recherche publié dans une revue à comité de lecture.
  3. Je montre mes collaborations passées ou en cours avec des institutions spécialisées du domaine, des chercheurs reconnus, etc.
  4. Je montre mes travaux, mes contributions et leur impact : si je suis cité par d’autres acteurs du champ dans leurs propres travaux, cela plaide pour le fait que j’y ai apporté quelque chose. Si personne ne me cite, je suis peut-être un fin connaisseur, mais puis-je me dire « expert » ?
  5. Je montre que dans mon travail je sais faire référence à l’état des connaissances du domaine, je fournis des sources à mes propos, j’aiguille le public vers les travaux d’autres spécialistes. En somme : mes contributions contiennent d’abondantes références à la littérature spécialisée.
  6. Si j’ai participé à des controverses scientifiques sur un sujet, je montre que j’ai su ne pas substituer mon avis d’expert avec une vérité établie par tout un champ disciplinaire. Cette forme d’humilité est le gage que je sais de quoi je parle lorsque je suis assertif.
  7. J’accepte de revenir sur les imprécisions ou erreurs que j’ai pu faire. Être un expert ne me protège pas de tenir des propos qui mériteraient d’être corrigés.
  8. Je demeure dans les limites de mon champ de compétence, ou bien je précise quand j’évoque des sujets qui s’en éloignent. De manière générale, je ne fais pas évoluer le périmètre de mon expertise au gré des besoins du moment.
  9. J’évite de m’exprimer (en tout cas à répétition) dans des médias qui par ailleurs désinforment le public, prennent des positions anti-science ou laissent libre cours à la parole d’imposteurs, baratineurs et autres magouilleurs.
  10. Je comprends que dans le champ social la confiance des autres n’est pas un dû et que je dois la mériter en donnant des gages. Je reconnais qu’il peut arriver qu’un expert doive défendre son expertise dans des polémiques, et même parfois faire face à des attaques injustes dont on sort par le haut en apportant des éléments qui permettent de rétablir ou de maintenir la confiance.

 

Parenthèse : On n’a évidemment pas besoin de se dire expert pour avoir le droit d’émettre un avis sur un sujet, pour partager ses connaissances, pour vulgariser une étude ou un concept, pour remettre en question des paroles officielles ou pour demander à un expert comment il sait telle ou telle chose.

 

Les propos et attitudes qui seront moins pertinents (même s’ils peuvent être vrais)

  • « C’est moi le meilleur. Je suis l’élite. »
  • « On s’en prend à moi car je mets en danger un business. »
  • « Tout le monde est corrompu sauf moi. »
  • « Je n’ai aucun conflit d’intérêt, donc je suis un expert »
  • « Les critiques sont orchestrées par un groupe qui me veut du mal. »
  • « On me critique parce que je me coiffe bizarrement, parce que je suis malade, parce que je suis moche, parce que je suis une femme. »
  • « Je me sens pas bien, je veux faire une pause. Vous devez garder vos critiques pour quand je vous dirai que je me sens mieux. »
  • « J’étais le premier à parler de ce sujet, j’ai le droit de le dire puisque je ne connais pas ceux qui en parlaient avant. »
  • « Défendez-moi ! Exprimez votre soutien inconditionnel. Faites taire les critiques ! »

 

Voici des sources scientifiques à propos de l’expertise (et de la pseudo-expertise) :

  • Caley MJ, O’Leary RA, Fisher R, Low-Choy S, Johnson S, Mengersen K. What is an expert? A systems perspective on expertise. Ecol Evol. 2014 Feb;4(3):231-42. (lien)
  • Michel Croce, On What it Takes to be an Expert, The Philosophical Quarterly, Volume 69, Issue 274, January 2019, Pages 1–21, (Lien, hélas derrière un paywall)
  • Fuhrer J, Cova F, Gauvrit N, Dieguez S. Pseudoexpertise: A Conceptual and Theoretical Analysis. Front Psychol. 2021 Nov 11;12:732666. (Lien).

 

 

Acermendax

(qui n’est plus un chercheur et qui ne se dit pas expert)

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* Chercheur n’est pas un titre protégé, mais la plupart des gens s’accordent à dire qu’un chercheur est une personne qui produit de la connaissance en publiant des travaux dans des revues à comité de lecture. C’est le sens que je lui donne.