La chaîne aborde sur un ton décalé dans la forme mais sérieux sur le fond les raisons qui font que notre lecture du monde est souvent bancale.

Ne vous laissez pas influencer par la thématique donnée dans le titre. On ne va pas faire du drama. On ne va pas faire de politique. On va faire de la zététique : l’art du doute méthodique.

 

Voilà ce qui se passe. Une frange de l’Internet, plutôt remontée contre les LGBT et les sciences humaines qui se penchent sur les questions d’oppression et de domination me tombe dessus depuis des semaines avec agressivité et moquerie en disant que je fais honte à la zététique à ne pas savoir reconnaître un garçon d’une fille. Si c’est vrai, c’est grave.

Comme d’habitude tout ça est régurgité par tout un tas d’ahuris qui glissent ce nouvel élément de langage dans leurs attaques, et ressortent des accusations d’être trop politisé. Naguère une petite bande disait « la zététique c’est de droite », donc pas bien, et aujourd’hui une grosse clique dit « la zététique c’est trop woke », donc pas bien.

Dalibor de la chaine Psyhodelik a encore sorti toute une série de vidéos pour dire à quel point il était un meilleur zététicien que moi. Et ça semble convaincre des gens puisque ce conflit a fait perdre plus de mille abonnés à la TeB, une première en huit ans et demi. Ceci étant j’ai vu qu’il était à la mode de dire « la zététique me déçois, je me désabonne » tout en ayant un compte abonné et partageant le pire de la complosphère ce qui suscite en moi… le doute.

 

Face à tout ça il y a plusieurs réactions possibles

  1. Batailler pied à pied, répondre à chaque attaque, à chaque homme de paille, à chaque commentaire. Consacrer mon temps à essayer de convaincre tout le monde. Faire un burn out. Et mourir
  2. Dire à tous ces cons d’aller se faire cuire le cul et les ignorer.
  3. Ignorer tous ces cons sans même leur dire d’aller se faire cuire le cul.
  4. Rester calme, ne pas réagir, et continuer d’essayer de faire avancer la compréhension des gens, notamment sur la question du genre comme je m’y emploie sur Twitter avec mon compte personnel en jouant les Socrate du dimanche avec plus ou moins de talent.
  5. Tout plaquer. Fermer la chaîne et vivre de l’immense fortune accumulée grâce tout mon travail, mes héritages et les chèques des grands industriels qui nous téléguident.
  6. J’ai choisi l’option 6 : Essayer de tirer quelque chose d’utile de tout ça en donnant des explications contextuelles sur l’origine des propos qu’on me reproche, en apportant des éléments qui vous permettront peut-être de mieux comprendre ce que la science dit de ces questions, et en défendant ma manière de concevoir la zététique et de la pratiquer.

 

Soyons méthodiques. Soyons zététique.

Je précise que je suis loin d’être expert de la question du genre, et que je ne suis pas militant sur cette thématique. Cette vidéo n’a pas pour but de décréter une vérité sur le sujet mais d’élaguer un peu les herbes folles qui mettent la pagaille. Si je parle de ce sujet, c’est parce que je suis très étonné du niveau de certitude de ceux qui veulent imposer leur avis. Je pense qu’on y gagnerait tous en appliquant le précepte suivant : juger moins pour comprendre mieux.

Allons-y

1. Le contexte

Le 8 juillet 2019 je réagis au tweet de la revue Psychologies qui partageait la veille l’avis d’une psychanalyste[1].

La psychanalyse, on en a un peu marre. Quasiment le monde entier s’en est débarrassé, mais en France on continue d’aimer cette pseudoscience criminelle qui s’affiche dans tous nos médias. C’est une honte, mais c’est pas le sujet.

Cette psychanalyste répond à la question de Lucie, 6 ans « Je veux devenir un garçon. Pourquoi n’est-ce pas possible ?»

La réponse est « Tu ne peux pas devenir un garçon, Lucie. »

Tout part de là. J’ai remis en question la réponse de cette psychanalyste, (et je vais l’analyser pour vous dans un instant) et je me suis coltiné des tas de gens très intelligents qui m’ont sorti leur cours de biologie du collège pour me montrer que je suis complètement crétin et téléguidé par de l’idéologie. Et depuis cet épisode, essentiellement, je me contente de demander sur Twitter à ceux qui ne veulent pas que Lucie puisse devenir un garçon de me donner la définition sur laquelle ils s’appuient pour énoncer une telle interdiction.

J’espère que ça vous parait aussi important qu’à moi que celles et ceux qui veulent interdire l’usage d’un mot à quelqu’un soient capables d’en définir précisément les contours. Dans cette situation, moi je n’impose rien à personne, je me contente de douter de la réponse de la psychanalyste et de  la certitude de tous ceux qui, apparemment, savent mieux qui est Lucie que Lucie elle-même. Ce que j’apporte c’est du doute. Vous avez le droit de ne pas aimer, mais vous aurez du mal à expliquer que ce n’est pas de la zététique.

 

Revenons à la réponse de la psychanalyste

« Tu ne peux pas devenir un garçon, Lucie, parce que tu es née, comme ta mère, dans un corps de fille. De même que ton frère est né, comme ton père, dans un corps de garçon. Et ça on ne va pas le changer. »

Ca veut dire quoi « naître dans un corps de fille ? » Je suis né avec mon corps, mais si on me disait que je suis né dans un corps de garçon, ça voudrait dire que je suis une chose, une entité, qui est placée à l’intérieur d’un corps. C’est une conception dualiste. Ce n’est pas parcimonieux. L’approche la plus raisonnable, la plus rationnelle, la plus zététique est aussi la plus matérialiste, elle consiste à dire que, jusqu’à preuve du contraire, je suis mon corps et pas une chose qui habite mon corps, et si on veut être plus précis, je suis la conscience que mon cerveau, en relation avec mes autres organes, produit à chaque instant.

Selon ce point de vue, qui peut se discuter, mais qui est le plus zététique que je connaisse, vous n’êtes pas né dans un corps de fille ou de garçon vous êtes avec votre corps, le vôtre, qu’on va ensuite ranger dans une catégorie pour plein de raisons plus ou moins bonnes.

Retour à la psychanalyse :

« Parce qu’on ne peut pas revenir en arrière et renaître dans un corps différent. Cela fait partie des limites que la vie nous impose. Elles peuvent nous mettre en colère parce que nous aimerions n’en avoir aucune et pouvoir réaliser tous nos désirs et accomplir tous nos rêves. Devenir fille si on est garçon ou garçon si on est fille. Ou même être (pourquoi pas ?) les deux à la fois. Et en plus, voler comme les oiseaux et nager comme les poissons. On aimerait bien mais ce n’est pas possible. »

Hypothèse : Et si le cerveau de Lucie produisait une conscience qui se reconnait comme plus proche des attributs associés traditionnellement aux garçons qu’à ceux associés traditionnellement aux filles ? Et si l’identité de genre était une question biologique, physiologique, biochimique… ? Je n’en sais rien. C’est une hypothèse qu’il faudrait tester avant de l’écarter.

Je vous rappelle qu’il existe des résultats indiquant que de tels facteurs biologiques sont impliqués dans l’orientation sexuelle. On n’est pas hétéro ou homo par choix ou parce qu’on a été influencé par une mère castratrice comme les charlatans de la psychanalyse l’ont soutenu et le soutiennent peut-être encore. On est hétéro ou homo parce que quelque chose dans l’histoire de la construction de notre cerveau nous amène à exprimer telle ou telle attirance, ou aucune. Et nous avons appris, lentement, à nous débarrasser des comparaisons insultantes qui rapprochaient l’homosexualité de la bestialité ou de la pédophilie. On a compris que c’était indigne de faire ces comparaisons.

Mais pas chez les psychanalystes où la question de Lucie sur son genre est reléguée au niveau du rêve de voler comme un oiseau.

____________

[Parenthèse. Je suis désolé, je sens que je suis obligé de mettre les points sur les i, pour éviter les mouvements de panique : je ne suis pas en train de dire qu’il faut faire de la chirurgie ou des traitements hormonaux à la petite Lucie, 6 ans. Je ne sais pas quelle est la bonne manière de l’écouter et de l’accompagner pour qu’elle vive sa vie au mieux. Je répète : je ne sais pas ce qu’il faut faire, je laisse ça aux gens dont c’est le métier et qui sont à jour de ce qu’en dit la science. Mais je suis très étonné par le nombre de gens qui sachent, y compris une psychanalyste qui rend un verdict définitif sans jamais avoir rencontré la personne en question.]

 

La psychanalyste poursuit :

« On a donc le choix : continuer à réclamer ce que l’on n’a pas ou accepter de vivre avec ce que l’on a et qui n’est peut-être pas si nul que ça. »

Le problème c’est qu’il me semble très maladroit et violent de dire que Lucie veut ce qu’elle n’a pas, quand en réalité Lucie exprime qu’elle est autre chose que ce qu’on lui dit qu’elle est. Notre psychanalyste fait comme si « Être autre chose que ce qu’on me dit que je suis » était équivalent à « ne pas avoir ce que je désire ». Vous vous rendez compte du niveau d’absence d’écoute de cette psychanalyste ?

« Pourquoi voudrais-tu tellement être un garçon, Lucie ?»

Ca c’est bien. Il faut en effet poser la question et ne pas supposer qu’on sait déjà qu’il s’agit d’un caprice.

Il faudrait surtout demander à Lucie ce que ça veut dire pour elle de « devenir un garçon ». Si jamais elle répond qu’elle veut des chromosomes XY ou bien qu’elle veut avoir des testicules qui produisent des spermatozoïdes, alors on pourra lui répondre que c’est impossible, en effet. Mais si jamais « devenir un garçon » ça veut dire autre chose pour elle, ce qui est probable, alors nous devrions sans doute revoir la réponse.

« La vie de ton frère te semble mieux que la tienne ? C’est possible mais il faudrait savoir pourquoi. Son corps et son sexe te semblent mieux que les tiens ? C’est ce que pensent beaucoup de filles, mais elles se trompent. Car si leur sexe n’est pas aussi apparent que celui des garçons, elles ont en revanche à l’intérieur de leur corps des organes qui leur permettront plus tard d’avoir des bébés dans leur ventre. »  Etc.

Alors, bien sûr, je pense qu’il est sage de commencer par rassurer l’enfant, de lui expliquer comment fonctionne son corps, d’écarter les idées reçues, les fausses hiérarchies et les mauvaises raisons de vouloir s’identifier à tel ou tel groupe. Mais le problème c’est que, moi, je ne connais pas Lucie. Pas plus que vous. Et madame la psychanalyste non plus. On ne sait pas comment cette jeune personne se sent. On ne sait rien des raisons de son questionnement, de sa biologie, de sa psychologie et de son environnement. Et parce qu’on ne sait rien de tout ça, il est rationnel de se retenir d’affirmer ce qu’elle doit être ou ce qu’elle ne peut pas être.

Voilà quelle est ma position sur ce sujet qui a donné lieu à beaucoup d’attaques et de moqueries quand des gens s’amusent à aller pêcher ce que j’ai dit en 2019 pour créer du drama en 2023.

 

 

2. Quelques éclaircissement sur le sexe et le genre

Pour éviter —au moins un peu— que des tas de commentaires me fassent dire ce que je n’ai pas dit, et croiser un peu moins de caricatures stupides, je suis obligé de parler du fond. Je vais essayer d’être clair, concis et prudent.

Le mot sexe, en biologie, désigne plusieurs choses.

Fondamentalement chez les animaux et les plantes au moins, le sexe désigne la fonction de reproduction dans un processus anisogamique. Les corps qui produisent de grands gamètes sont des femelles. Les corps qui produisent de petits gamètes sont les mâles. C’est binaire. C’est facile.

[En réalité c’est pas si facile que ça parce qu’on pourrait discourir sur les espèces hermaphrodites et les cas de changement de sexe au cours de la vie comme chez les poissons clown, qui montrent que la nature se moque éperdument de notre envie que tout soit rangé dans des boîtes. Donc, binaire et facile »… mollo.]

C’est binaire. C’est facile. Mais ça concerne uniquement nos cellules sexuelles. Corrigez moi si je me trompe, mais vous n’avez pas connaissance de la taille des gamètes des gens autour de vous. Certains humains n’en produisent pas. Ce n’est donc jamais ce critère que vous utilisez pour dire monsieur ou madame.

Continuons avec le mot sexe. En biologie, on peut s’intéresser au déterminisme génétique. Nous possédons normalement une paire de chromosomes sexuels : XX ou XY où se trouvent des gènes responsables de la mise en place des organes de la reproduction et des caractères sexuels secondaires : stature, musculature, répartition des tissus adipeux, largeur du bassin —autrement dit la silhouette— pilosité, voix.

Mais là il y a des exceptions avec des gens qui sont XXY ou XYY, ou juste X, ou encore avec une translocation du gène SRY[2]. Et cela aboutit à des corps qui présentent des caractères sexuels primaires et parfois secondaires qu’un regard extérieur assignera facilement à homme ou femme, mais qui sont destinés à être stérile. Il existe des humains XX que vous classeriez sans hésitation chez les hommes et des humains XY que vous classeriez sans hésitation chez les femmes.

On peut ajouter la question du rôle des hormones dans le développement du fœtus puis de l’enfant avec des personnes qui possèdent le gène SRY responsable de la masculinisation du corps, mais dont les récepteurs à la testostérone ne fonctionnent pas. Ils auront un corps que vous classerez, et moi aussi, dans la catégorie femme. Et puis il y a le taux d’hormone qui peut varier et aboutir à des caractères très sexualisés… ou très peu.

Evidemment, dans la majorité des cas on retrouvera bien les chromosomes XX chez des personnes identifiées comme femmes et des XY chez les personnes identifiées comme hommes. Mais là encore, corrigez moi si je me trompe, vous n’avez pas accès aux chromosomes des gens. Moi non plus. Ce n’est donc pas ce critère qu’utilisent tous ceux et toutes celles qui savent apparemment mieux que moi ce qu’est un garçon ou ce qu’est une fille.

 

La présence des organes sexuels est LE critère utilisé pour enregistrer les nouveaux né dans la case garçon ou la case fille. Ca fonctionne dans l’écrasante majorité des cas. Mais il y a des personnes intersexuées, et leur cas ne peut pas toujours se résoudre avec un coup de bistouri. Cela prouve que ce critère est imparfait, qu’il faut être prudent. Mais de toute façon, corrigez-moi si je me trompe : vous n’avez pas accès au contenu du caleçon ou de la culotte des gens quand vous les appelez monsieur ou madame. Ca veut donc dire que les organes sexuels ne sont pas le moyen par lequel vous les distinguez.

Dans la vie de tous les jours, dans le champ social on classe les gens chez les hommes ou chez les femmes non pas en vertu de leurs gamètes, de leurs chromosomes ou de leurs partie génitales mais en vertu de la présence des caractères sexuels secondaires : silhouette, pilosité, voix. Ces caractères sont fortement corrélés à la présence des gamètes, des chromosomes et des organes sexuels, c’est bien pour ça qu’ils marchent : ce sont des signaux  efficaces. Et quand il arrive que ces signaux soient ambigus : on ne sait pas si on est face à un monsieur ou à une madame, les gens normaux  vont poser la question, et si la personne vous dit qu’elle est un monsieur, alors vous allez l’appeler monsieur. In fine le vrai critère c’est ce que les gens déclarent sur eux-mêmes.

Je ne dis pas que c’est suffisant et que ça règle tous les problèmes, je dis que dans la vie de tous les jours, c’est ça le vrai critère que nous utilisons, et alors il faudrait peut-être se demander pourquoi ?

Dans le dictionnaire on nous dit que l’homme c’est « le mâle de l’espèce humaine ». Or, ce qui définit un mâle, ce ne sont pas ses poils ou la tessiture de sa voix, ou son prénom, mais sa fonction dans la reproduction. Ce qui définit une femelle, ce n’est pas qu’elle soit coquette, porte des jupes et un sac à main, mais qu’elle produise des ovules. Et donc il existe des mots pour aider à distinguer ce qui relève de la fonction biologique de reproduction du rôle social codé, stéréotypé, étroitement lié au sexe mais non confondu avec lui. Un rôle social par lequel les individus se placent eux-mêmes en fonction de leur ressenti dans une case ou dans un autre, ou bien, transgression suprême considèrent que les cases sont imaginaires, construites par la société, et qu’on peut les refuser. Et ça, en gros c’est ce qu’on appelle le genre.

Et c’est l’ensemble des paramètres qui constituent le genre que nous utilisons vous et moi tous les jours pour savoir si on appelle une personne madame ou monsieur. L’usage faisant loi en linguistique, il me semble que si vous voulez absolument une définition à homme et femme, c’est du côté du genre que vous devriez creuser et pas du côté de la biologie. Et c’est un biologiste qui vous le dit.

À cause de cela, je suis étonné par la confiance totale en leur propre jugement qu’expriment les gens qui affirment détenir le véritable sens des mots homme et femmes mais ne savent pas dire pourquoi, sur quel critère, ils peuvent interdire à une personne trans de s’identifier au genre qui ne correspond pas au sexe enregistré à sa naissance. Je pense que ça manque de prudence, d’humilité et que ça revient à vouloir essentialiser, biologiser l’ensemble des attributs traditionnellement associés à tel ou tel sexe.

Je parle de tout cela de manière plus approfondie dans le chapitre 23 de Quand est-ce qu’on biaise, sorti il y a 4 ans. Et je pense être dans mon rôle quand je souligne la présence agressive de ces certitudes encombrantes parce que, justement, pour moi, c’est ça la zététique.

 

 

3. « Ma » zététique

La zététique ce n’est pas la science. En science on produit des connaissances. En zététique on se demande « pourquoi est-ce que je crois ce que je crois ? » et en première analyse on s’intéresse à ce que la science peut en dire.

Le zététicien, il va rendre compte de ce que la science dit ou ne dit pas sur un sujet et met à l’épreuve de la logique et de la dialectique les théories ou les discours qui revendiquent d’énoncer une vérité. Ca peut finir en débunkage, en entretien épistémique, en analyse, peu importe, à chaque fois on se demande s’il existe de bonnes raisons de soutenir une thèse.

Y a-t-il eu un miracle à Fatima en 1913 ? L’homéopathie est-elle efficace ? Peut-on se fier à Didier Raoult ? Les Pyramides d’Egypte sont-elles des centrales électriques ? La zététique aide à trouver la réponse. Dans les cas susnommé la réponse est non.

Mais ça ce sont les sujets faciles. Ce que l’art du doute permet de faire quand on est vraiment bien entraîné (par exemple après 8 ans de pratique quotidienne) c’est se pencher sur les concepts avec lesquels on pense. L’esprit critique ça sert à décider ce qu’il faut croire et ce qu’il faut faire. Et pour ça il faut secouer un peu les fondations, pour voir si ça tient. La zététique, ça casse pas des briques, mais ça aide à casser les concepts.

Nous passons notre temps à percevoir le monde, à le décrire, à l’expliquer, à le prévoir à l’aide de concepts qui sont des créations de l’esprit et qui ne coïncident pas exactement avec le réel. C’est un peu dur à avaler, mais le plus grand service que la zététique peut rendre c’est sans doute de faire admettre cette grande vexation, ça nous rendra plus humbles.

Nous ne disposons pas d’une définition parfaite, étanche, complète et consensuelle du vivant. Et pourtant la biologie fait des prouesses. Le mot espèce est une convention de langage qui date d’avant la théorie de l’évolution et qui est inapplicable dans de très nombreuses situations. Ca j’en parle dans l’Ironie de l’évolution, lisez-le j’aime ce livre. Les concepts omniprésents sans bonne définition abondent : émotion, jeu, intelligence, infini, liberté, temps… Si vous vous penchez sur ces notions pour en délimiter sérieusement les contours, vous ne serez pas déçus du voyage.

La zététique peut servir à nous rappeler qu’il est bon de douter que les mots soient le fidèle reflet du réel, qu’il est bon de nous souvenir que les sciences évoluent, que nos connaissances se périment et que nos certitudes actuelles ne sont pas forcément de meilleure qualité que celles des humains d’il y a mille ans, et que nous serions bien ridicules de nous imaginer détenir une connexion privilégiée avec la vérité.

Quand on pratique cette zététique là, on a des scrupules à tracer des frontières et à dire aux autres qu’ils doivent les respecter parce qu’elles sont réelles, qu’elles le droit de les contraindre. Face à ça, on se met à demander des raisons de croire aux définitions utilisées pour interdire ou pour obliger les gens.

4. La politique n’est pas ce que vous croyez.

Y a-t-il une dérive politique de la zététique ? C’est bien de se poser la question. C’est bien d’être attentif à l’exploitation idéologique des outils. Mais attention, parce que l’influence politique n’est pas forcément là où vous la voyez.

Relayer presque tous les jours des paniques morales de l’extrême droite, tourner en ridicule le combat contre le sexisme, dénoncer les abus de la frange ultragauchiste des ZEM, mais taper tranquillement la discussion avec Conversano et donner de la visibilité au cercle cobalt promoteur d’une science raciste, ça n’est pas apolitique juste parce que le mec qui fait tout ça prétend que c’est apolitique.

Spoiler : c’est de la politique, même quand ça énonce des choses qui vous semblent être des évidences qui devraient s’imposer à tout le monde.

Il y a autre chose qui est politique, c’est l’injonction irritée qu’on nous adresse de ne pas traiter certains sujets, de ne pas relayer l’état des connaissances en sciences humaines sous prétexte qu’elles seraient politisées, mais en réalité parce que ce qu’elles disent contredit certaines évidences confortables.

Vous devriez le savoir, je l’ai déjà dit, la science n’a pas pour rôle de nous dire des choses agréables. Elle est primordiale justement parce qu’elle est le moyen par lequel nous corrigeons nos idées fausses. Si c’était facile de porter un jugement sur le fonctionnement du monde, nous n’aurions pas besoin des sciences. Dans la sphère sceptique on sait se moquer des platistes qui se bouchent les oreilles, mais je suis désolé de vous dire que face aux études sur le genre je vois un paquet de gens pas idiots dont l’attitude n’a rien à envier aux platistes.

Est-ce que la science c’est politique ?

Eh bien non, mais dans un certain sens… oui. Les sciences se construisent au contact du reste de la société, il y a donc une dimension politique dans le recrutement des chercheurs, dans le financement des laboratoires et des travaux, dans la reconnaissance sociale, médiatique des résultats, dans les politiques de transfert des connaissances vers le public, dans l’utilisation ou non des connaissances dans l’éducation et dans les décisions démocratiques.

La plupart du temps c’est invisible, inodore, incolore, indolore. Mais parfois les résultats de la science gratouillent là où ça dérange. On a connu ça avec l’héliocentrisme. Ca a été et ça continue un peu d’être le cas des sciences de l’évolution qui contredisent les évidences des créationnistes et mettent en porte-à-faux l’ensemble des religions. Sur la Tronche en Biais on en parle, c’est même l’origine de mon propre engagement. L’évolution, et la manière dont elle dérange notre manière de voir le monde c’est mon sujet préféré. Allez dire à ceux qui voient comment ça contrarie leur vision du monde que ça n’est pas politique. C’est avant tout scientifique, mais c’est aussi politique, ne serait-ce que parce que la connaissance scientifique réfute certains discours normatifs, dogmatiques et obscurantistes.

Et s’il y a une chose que mon travail sur les conséquences de la théorie de l’évolution m’a appris c’est que les étiquettes que nous posons sur les objets de la nature, et en particulier les êtres vivants, sont fatalement erronées. Nous créons des catégories pour ranger les êtres c’est frénétique, on ne sait pas faire autrement pour essayer de comprendre comment tout ça fonctionne. Alors évidemment la question des catégories homme-femme est dans la mire, c’est forcément un sujet qui se retrouve dans le périmètre des choses que je vais être amené à traiter. Et évidemment ça va déranger les certitudes de certaines personnes. Si ça vous dérange vous, comprenez bien que ça n’est pas mon but et retenez-vous, au moins dans un premier temps, de sauter sur l’idée que je le fais par idéologie pro-ceci ou anti-cela, que j’ai été matrixé, que j’ai perdu toutes mes facultés d’analyse. Être bousculé, irrité, agacé par la zététique vous savez bien que ça fait partie du processus.

L’inconfort que provoque l’approche zététique de la question, c’est le signe que cette approche remet en cause certaines manières de catégoriser les êtres humaines, et ça c’est politique. C’est politique, mais c’est aussi scientifique, et c’est résolument zététique.

Sur la question du genre il y a plein de gens qui disent des conneries de tous les côtés, on a du dogmatisme et de l’extrémisme, de la mauvaise foi, des gens qui ne s’écoutent pas, vous allez devoir vous faire votre avis tout seul. Et si ça vous semble compliqué, vous pouvez aussi suspendre votre avis. Vous pouvez écouter, questionner et ne pas prendre parti. Il me semble sage d’attendre d’avoir de bonnes raisons de tenir une opinion.

 

De mon côté, avec l’équipe de l’ASTEC, je vais continuer de débunker des idées reçues, de vulgariser des travaux scientifiques, de tenter de contribuer à vous aider à questionner les certitudes, les dogmatisme, les automatismes et les mauvais argumentaires qui cherchent à faire passer le camp d’en face pour un ramassis d’abruti.

Franchement, vous avez cru, vous, à cette idée que je serais incapable de distinguer une fille d’un garçon ? Vous avez vu la quantité d’énergie qu’il faut déployer pour réagir à un récit aussi bête ? J’ai l’impression que ces sujets là, désormais, il va falloir qu’on en parle parce que vraiment on entend beaucoup, beaucoup trop de conneries.

 

Des bisous

 

Acermendax

 

[1] Affaire relayée par le Cercle Cobalt

[2] http://acces.ens-lyon.fr/biotic/procreat/determin/html/chromy.htm

Tronche en Live n°121

Emission enregistrée le 22 avril 2023 lors des REC de Toulouse

Editorial

 

Date Stellaire 20.23.04-point-23- Labège, Système Haute-Garonne, Tronche en Live numéro 121.

Apprendre à douter pour mieux distinguer les connaissances des croyances, pour ne pas accorder sa confiance à ceux qui ne le méritent pas, pour faire des choix plus éclairés, ce n’est pas un projet spécialement moderne, on pourrait même considérer que c’est tout simplement de la philosophie : l’amour et la recherche de la sagesse. Il y a un an, ici même dans un format identique, je demandais à nos invités si la zététique n’était pas en train de réinventer l’eau tiède et de refaire ce que d’autres avaient fait mieux dans le passé ou faisaient mieux aujourd’hui à côté sans qu’on les voie. Et c’est une question que nous devons continuer de nous poser, sinon nous ne faisons plus de zététique.
Mais la question du jour est celle du passage de relai. Comment pouvons-nous donner envie de nous rejoindre à celles et ceux qui partagent nos convictions sur l’importance de la raison et de l’esprit critique, mais qui pour le moment gardent ça pour eux ? Comment faire évoluer le mouvement pour qu’il réponde aux problématiques actuelles et à venir ? Sans quoi il sera bon à ranger sur une étagère à côté d’innombrables autres initiatives un peu vieillottes. Quel bilan d’étape pouvons-nous dresser pour mieux progresser vers nos objectifs ? Et puis d’abord avons-nous les mêmes objectifs ? Et si tel n’est pas le cas, à quel point est-ce grave ? Ferons-nous de bons ancêtres et prédécesseurs pour les futurs penseurs critiques du 24 e siècle et au-delà.

En toute humilité, faisons un peu notre auto-examen avec Henri Broch, Richard Monvoisin, Hadrien Schmitt, Fantine et Miz Poline.

 

Il y a des combats qu’on ne peut pas remporter.

Vous m’avez vu me confronter à des discours faux et trompeurs à de maintes reprises. Je pense qu’il faut être frontal et factuel en face des balivernes, j’en reparlerai dans un prochain vlog sur le débunkage. On a raison de rappeler la vérité ou les doutes légitimes face à des discours qui se répandent et qui revendiquent d’être la voix de la raison, de la science, d’être la lumière au bout du tunnel. Et puis il y a un autre type de discours nuisible beaucoup plus difficile à combattre parce qu’il ne dit rien, il n’est que vomissure.

Un certain Dalibor officie sur YouTube et sur Twitter où le milliardaire Elon Musk a permis son retour après bannissement, comme une grosse pelletée de comptes vecteurs de haine et de fausses informations. Sa chaîne s’appelle Psyhodelik. Sa ligne éditoriale, c’est le drama, le scandale, l’outrance, ce qu’il faut bien distinguer de la satire, de la caricature qui sont des formes d’expression. Dalibor ne fait pas de satire parce qu’il n’a rien à dire. Son accomplissement est d’engranger les vues par centaines de milliers en proposant à un public accoutumé à son prodigue achalandage des heures de lecture laborieuse de messages glanés dans les confins de Twitter et du web agrémentés de rires gras et de commentaires vaseux d’un type qui ne comprend à ce qu’il raconte et organise finalement une sorte de diner de con solitaire, offrande réjouie au voyeurisme ambiant, s’injectant de la panique morale en intraveineuse devant sa webcam.

Dalibor tourne tout en ridicule, mais un ridicule offensé, c’est un clown indigné qui dénonce les vrais dossiers, le vraies menaces contre la démocratie. Au gosier vorace du scandalovore nécrophile tout est caviar, chaque réaction à ses hommes de paille, à ses erreurs ou bêtises devient l’objet d’une nouvelle vidéo où Dalibor n’a guère peur de se contredire puisqu’il ne dit presque rien. Il monte en épingle des paniques, des conflits, génère du harcèlement et s’en sort toujours bien puisqu’il assume n’être là que pour le drama, pour boire les larmes des rageux.

 

Quand Dalibor faisait des gorges chaudes sur ma confrontation avec Idriss Aberkane, je me suis bien gardé d’accepter ses invitations ou de partager ses contenus. Je l’ai tagué une fois sur Twitter, le 28 avril 2022, en réaction à un message ou Idriss Aberkane nous mettait dans le même panier.

C’est notre première et avant-dernière interaction publique. Et figurez-vous que des gens me l’ont beaucoup reproché et me le reprochent encore, car à les en croire par ce petit tag je validais l’ensemble de son œuvre. Je pense que c’est parfaitement débile et l’illustration que trop souvent on s’abaisse au niveau de ses ennemis. Je citerai ce conseil de George Carlin:

« Ne jamais se disputer avec un idiot. Il te ramènerait à son niveau et ensuite te battrait avec l’expérience. »

Sur la séquence Aberkane, Dalibor a pris un malin plaisir à défoncer l’hyperdoctor, mais il ne fallait pas croire pour autant qu’on était face à un travail d’enquête ou d’analyse. On était dans du drama, du grotesque, de la diarrhée construite à partir du travail des autres.

Alors quand plus tard Dalibor, humant le fumet fétide de la calomnie s’est jeté sur la chasse aux pédophiles que des arriérés de Twitter ont voulu lancer sur nous à cause d’un visuel vieux de 7 ans sur notre boutique en ligne qu’ils prennent ou font semblant de prendre pour un message sexuel, la surprise n’a pas été totale.

Dalibor n’était pas notre ami. D’ailleurs il n’est pas le vôtre. Il est traitre à toutes les causes, il ne défend rien d’autre que son droit à la moquerie. Et son petit numéro pour faire monter la sauce des accusations répugnantes s’est soldé par des dizaines et des centaines de messages insultants sur la Tronche en Biais et ma personne. A l’époque j’ai réagi avec un tweet. Un seul. Il en a fait une vidéo dans laquelle il donne des leçons de zététique. J’aurais mieux fait de me taire.

Un mois plus tard il récidive.  Récemment, le compte Twitter de Fantine a été suspendu suite à des signalement massifs d’une conversation où elle défend (mal) l’éducation sexuelle aux jeunes enfants. Elle a sorti une vidéo pour parler du fond : de l’éducation sexuelle, et revenir sur ses tweets très maladroits qui méritaient d’être supprimé. Entre temps j’ai demandé à Twitter de faire attention à l’instrumentalisation des signalements utilisée pour faire bannir des vulgarisateurs des sciences qui dérangent la complosphère. Voici mon tweet.

 

Je n’y défends pas le contenu du propos de Fantine, notamment parce qu’on n’a plus accès à la conversation de Fantine avec un prosélyte religieux opposé à l’éducation sexuelle, et que sans contexte, je ne peux rien défendre. Si on rétablissait le compte, on pourrait avoir accès à ce contexte et porter un jugement. Bref je demande de la prudence à Twitter.

Dans les heures qui suivent Dalibor sort une nouvelle vidéo. Il relaie goulument les pires commentaires accusatoires, qui le font bien rigoler. Et il se permet même de manifester son assentiment, comme après celui-ci « « Si si il [Acermendax]  l’est [pédophile]. Déjà vendre des vêtement de BB avec « j’aime la TeB » dessus faut déjà pas être trop malin, mais bon de la à protéger des pédophiles, il a fait fort encore une fois cet enfoiré.» que Dalibor ponctue d’un « ouaip ». Telle est l’intention derrière cette vidéo : Dalibor valide le narratif de la Tronche en Biais  qui protège des pédophiles, c’est insinué dans sont titre.

Sauf que c’est faux, c’est un narratif dégueulasse qui provoque une nouvelle vague de commentaires haineux et insultants, et va aller infuser dans la complosphère où les rumeurs de ce genre sont à leur aise pour produire des monstres. Cette fois-ci je ne réagis pas avec un tweet public, puisque mon but n’est pas d’alimenter le business du monsieur. Je lui écris en privé.

Je suis fatigué, je suis affecté par l’instrumentalisation de la pédocriminalité dans le but de salir ma réputation par des tas de gens qui ne font strictement rien contre cette criminalité, voire parasitent les efforts de ceux qui agissent (voir à cette fin mon entretien avec le président de l’association les Enfants d’Argus). Alors je lui écris un message sec, sans trace de charité parce que ça suffit. Et je lui précise que ce message est strictement privé parce que je sais qu’il aura très envie de l’utiliser pour son business.

Et là, non seulement il me fait la morale, en justifiant les insultes que je reçois, mais il ajoute une phrase que je ne vous livrerai pas ici pour ne pas violer ses droits mais qui montre bien qu’il n’a aucune espèce d’intérêt pour la lutte contre la pédocriminalité.

Une demi heure plus tard, il partage cet échange sur son Twitter. En prenant soin de caviarder mon message pour retirer ce qu’il ne veut pas que son public voit. Et notamment

« J’ai demandé à Twitter de revoir le bannissement d’un compte de vulgarisation. Sans m’exprimer sur le tweet en question. Un enfant de 6 ans comprendrait la nuance. Vous ne relatez pas des faits, vous n’avez d’ailleurs pas fait le moindre travail de vérification auprès des intéressés. Vous alimentez un narratif « La teb est pédo » pour des raisons qui peuvent être multiples, plus ou moins crapuleuses, mais qui n’ont rien à voir avec l’information du public.

Cet échange est naturellement privé et je vous défends d’en faire mention. (…) »

 

Alors comment réagir ? Comment bien réagir ?

On ne peut pas. On est foutus.

Ce monsieur a mis mon nom et mon visage sur plusieurs de ses miniatures, et il fait profit de lire à son public les réponses faites à ses productions, en ahanant, en butant sur les mots nouveau qu’il ne fait même pas mine d’essayer de comprendre. (Avoir un dictionnaire à portée de main pendant ses enregistrements ne lui a pas traversé l’esprit). Puis il passe à un autre scandale et peut ainsi sortir 4 vidéos dans la journée. Psychodelik c’est 5680 vidéos au moment ou j’enregistre. 116 millions de vues. Et pas un gramme d’éthique.

Il restait la possibilité d’échanger en privé. Mais il ne respecte pas ça non plus. On est coincés.

Alors, bien sur, je vous entends d’ici. Il faut se montrer digne, rester au-dessus de tout ça, être « rationnel » et ne pas tomber dans la confrontation. Ne pas montrer d’affect, rester stoïque, froid, posé, inhumain. Mais le problème c’est que la plupart des gens que je connais, zététiciens ou pas, sont des humains. Et moi je voudrais qu’on se mettre d’accord pour ne pas être inhumains les uns avec les autres. Donc je vous le dis tout net : ne me demandez d’être inhumain ou surhumain dans mes réactions. Même si ça part d’un bon sentiment, vous ne faites pas ça. Vous oubliez.

 

La vidéo que vous regardez existe parce que je suis dégoûté, parce que je suis blessé par des propos qui visent ma personne, ma réputation, celle de mon asso et de ceux qui la font tourner. Personne n’est assez bête pour ne pas voir que ce sont des accusations vides qui servent à créer un narratif et une rumeur qu’on ressassera pendant des années dans le but de discréditer ma parole et de défendre tous les arnaqueurs, manipulateurs, gourous, salopards que mon travail dérange beaucoup. Cette vidéo existe, mais elle n’est pas la solution. Parce qu’on est foutus, quoi qu’on fasse !

 

Je pourrais essayer de vous démontrer que Dalibor n’est pas seulement un imbécile mais qu’il est malhonnête, mais à quoi bon ?

Je pourrais vous dire que ce monsieur fait une interminable série de vidéo sur les athlètes trans sans jamais rien comprendre. Il reçoit Ghaïs au 14e épisode, lequel lui explique ses erreurs. Mais il continue à sortir encore 6 vidéos sur le même sujet en disant encore de la merde. Mais on s’en fout, c’est rigolo, on peut se moquer de ceux qui n’entrent pas dans les cases stérotypées et ça fait du bien.

Je pourrais rappeler  que Dalibor adore se moquer des trans, qu’il adore s’offusquer de tout ce qui touche à la sexualité des autres. Qu’il adore évoquer la terrible menace des woke dans des vidéos où il dresse un portrait imaginaire des courants progressistes. Mais s’en fout : c’est rigolo de se moquer de tous ces cons.

Je pourrais essayer de signaler qu’on ne compte plus les gens dont il a provoqué le harcèlement. Mais apparemment on s’en fout aussi parce que sinon peut plus rien dire.

 

Je pourrais illustrer sa « méthode de travail » qui consiste à choisir un tweet obscur, vu 42 fois, liké deux fois, sur une invitation à boycotter un jeu à cause des positions de JK Rowling (ne me demandez pas mon avis ça n’est pas le sujet) et à en faire une affaire digne d’alerter sa communauté de 30k abonnés sur Twitter. On chercherait en vain un début de réflexion, d’apport de quoi que ce soit au débat. Il bave comme un boomer sur le premier truc qu’il croise et qui l’énerve, et on s’en fout parce qu’on est tout un peu boomer quelque part.

Je pourrais plaider sur le fait que Dalibor se fout complètement que ce qu’il dit soit vrai ou faux, que ça blesse des gens, pourvu qu’il puisse générer du clic en manipulant son public. Mais vous trouveriez que j’abuse en proférant de telles accusations,  alors heureusement ce n’est pas moi qui le dit, c’est lui !

 

Dalibor nous regarde dans les yeux en diffusant un extrait qui fait tenir à un monsieur nommé Wissam un propos raciste. Ca énerve beaucoup Dalibor qui prend un grosse voix menaçante, presque à la gitane. Mais en réalité, dans le contexte, Wissam dit l’inverse. On s’en fout aussi je suppose. C’est pas grave, Dalibor c’est juste un clown sympa.

 

Et c’est en substance  ce que Monsieur Sam et Ghaïs de Geek’n’Fit sont allés lui dire il y a quelques semaines. Au lieu de le mettre face aux conséquences de ce qu’il dit, des rumeurs qu’il répand, des accusations qu’il diffuse, des harcèlements qu’il encourage ; ils sont allés taper la causette en mode la zététique c’est sympa, tu fais partie du clan, il faut que ton public nous rejoigne. Et je pense que cette stratégie ne peut pas marcher, parce que Dalibor ne représente rien ni personne, il ne défend pas de valeur, il ne promeut aucun message.

Psyhodelik, c’est un néant famélique, un trou, un Hanouna du pauvre. Et j’aurais bien aimé qu’il se tienne loin de la zététique et se contente de gloser sur les influenceurs qui couchent avec qui il faudrait pas.

Pour la zététique un type pareil c’est un gros problème. On peut opposer une analyse critique , un argumentaire à des antivax, à des complotistes, à des extrémistes. C’est souvent très compliqué parce qu’ils ne jouent pas le jeu et cherchent toujours à détruire l’adversaire plutôt qu’à réfléchir avec lui, mais au moins il y a un contenu, il y a des assertions, il y a des propos qu’on peut comparer entre eux ou à la réalité ; il y a un tant soi peu de fond parce qu’il y a une revendication à dire quelque chose de vrai. La zététique est apte à répondre à ça. Mais là, avec Daliobor on n’a rien, juste un tube digestif qui produit au kilomètre de l’offense rigolarde réactionnaire, quasiment de l’anti-pensée, de la bêtise sous cellophane… En toute transparence si j’ose dire. Puisqu’il assume faire de la merde, on se retrouve bien embêtés quand il faut y mettre les doigts.

 

Ca va peut-etre vous surprendre, mais je sais reconnaître quelques mérites aux gens que je combats. Idriss Aberkane est un imposteur académique, mais il a un talent d’orateur, il a du vocabulaire il aurait fait un super vendeur, il sait captiver une salle. Frédéric Delavier pense avec ses pieds, mais quand il dessine avec ses mains, c’est impressionnant. Annie Lobé a sans doute des problèmes personnels qui la poussent à s’attaquer aux gens un peu violemment, mais je crois qu’elle est sincère dans son combat ; elle pense défendre les gens contre les méchantes ondes. A cause de ça j’ai pour ces gens plus de respect que pour Dalibor qui n’est de plus qu’un parasite numérique. Il est l’archétype du parasite numérique. Et je n’ai pas de remède contre ça. On ne peut pas se battre contre ce genre de chose.

Dalibor a gagné.

Dalibor a notamment gagné une ou deux plaintes dont je vais discuter avec mon avocat. Je vais également me rapprocher de toutes celles et tous ceux qui seraient en train de monter un dossier pour faire de même. Parce que la justice ne se rend pas sur Internet. Et parce que la vérité n’intéresse pas Dalibor, ceci sera ma seule déclaration sur ce sujet.

 

Et sur le dossier de la pédocriminalité, pour ceux que ça intéresse vraiment, sachez que d’autres entretiens sont prévus pour essayer d’informer mieux le public sur les faits, sur la prévention, et sur la justice.

Evidemment, n’allez pas insulter Dalibor. N’allez pas regarder la vidéo qu’il fera en réaction à celle-ci. Ne participez pas à la dynamique désastreuse dans laquelle ce sont toujours les plus vicieux qui gagnent.

Acermendax

Les ravages de la pureté & Le harcèlement des gourous

Ou : Des vertus de la mesure

 

Petit Vlog au débotté et en deux parties pour contribuer à la bonne intelligence collégiale au mieux de mes modestes facultés. Je vais vous parler des ravages de la pureté, puis des gourous et influenceurs, et de la manière de les critiquer sans les harceler. Pour commencer je voudrais énoncer quelques principes sur lesquels j’espère que nous sommes d’accord dans les grandes lignes sans qu’il soit besoin de pinailler

  1. La liberté d’expression est d’une importance cruciale.
  2. Il faut assumer les conséquences de la parole que nous émettons en public, c’est-à-dire les critiques que l’on peut recevoir en retour.
  3. La pluralité des opinions est une bonne chose.
  4. Enfermer les gens dans une case est une mauvaise idée.
  5. Condamner à perpétuité la réputation d’une personne sur la base d’un propos tenu il y a x année est une posture mesquine, dangereuse, et, souvent, autodestructrice.

 

Et sur la base de ces quelques principes, je voudrais vous proposer une réflexion parce que je vois des comportements embêtant sur les réseaux sociaux autour de la communauté sceptique et parfois à l’intérieur.

 

Je ne suis pas d’accord avec toutes les prises de position des mes estimés collègues de la communauté des promoteurs de la pensée critique. Samuel, Sylvain, Christophe, Defakator, Pauline, Romain, Richard, Henri, Nathan, Virginie, Jean-Michel, Fantine, Florian, Gérald, Olivier, Serge, Ghaïs, Sohane, Dari, François, Faustine, Alexis, Clément, Loïc, Denis. Et CETERA sont tous des gens dont je respecte le travail, pour lesquels j’ai généralement une très haute estime personnelle, et à qui il arrive de dire des choses qui me font hausser un sourcil ou soupirer bien fort.

Sur cette chaîne nous avons reçu quelque chose comme 160 invités, sans doute davantage. À chaque fois, nous essayons d’avoir une intervention qui correspondent au champ de compétence de la personne que nous invitons et de valoriser les paroles qui s’alignent sur l’état des meilleures connaissances. Je ne dis pas qu’on y arrive toujours, mais on fait des efforts constants. Vous imaginez bien que mon équipe et moi-même, nous ne sommes pas d’accord avec l’entièreté des prises de parole publiques de tous ces gens au cours de leur existence. Et vous imaginez aussi sans doute qu’on ne peut pas procéder à une enquête de moralité pour passer au crible toutes les déclaration des gens que nous recevons. J’énonce un peu des évidences, je m’en excuse, mais je constate que c’est nécessaire.

Quand quelqu’un sort une dinguerie ou se comporte mal, cela n’anéantit pas ipso facto tout son travail et l’intérêt qu’on peut accorder à ses propos. En bon bayésien que nous sommes tous, cela nous pousse à réévaluer notre niveau de confiance, et c’est très bien.

Alors on ne va pas pouvoir donner satisfaction à des extrémistes (quel que soit leur camps) qui veulent voir disparaitre des individus à cause d’une prise de position discutable (même en reconnaissant qu’elle serait discutable). Parce que si nous faisons cela, nous allons très vite finir par fréquenter uniquement un petit nombre de gens qui pensent pareils et qui en plus ont toutes les chances d’avoir intégré l’idée qu’il faut excommunier ceux qui dévient un peu, ce qui finit évidemment par éliminer tout le monde.

Notre but, mon but en tout cas, ça n’est pas de tracer une ligne entre les bons et les méchants et tirer un rideau pour ne plus voir ces derniers ; j’ai très envie, au contraire, d’écouter comment pensent les autres pour leur proposer quelques concepts et outils méthodiques que je juge utile pour moins se tromper. Donc, je vous confirme que la porte est ouverte aux extrémistes, pas pour inciter notre public à se radicaliser, mais pour inviter tout le monde à être raisonnable. Et je crois que c’est une position qui est parfaitement comprise par la majorité des créateurs de contenus qui savent que nous avons deux but principaux :

  1. Faire communauté, nous soutenir, nous entraider à penser mieux, à trouver des ressources, à nous débarrasser d’idées mal foutues. Elargir le cercle des rationalistes
  2. Résister aux influences de ce que nous combattons : notamment le dogmatisme, l’intolérance et les pseudosciences.

Ces deux objectifs impliquent de parler aussi à ceux qui ne nous ressemblent pas, de leur tendre la main en étant compréhensif avec leur vécu, leur parcours, leur ressenti, sans pour autant cacher nos désaccord. Et ça, ça peut s’apprendre en faisant le choix que je vous propose.

Quand une personne a des propos ou des comportements que vous désapprouvez :

  1. Si vous le connaissez personnellement, dites-le lui en privé. Passez un coup de téléphone, envoyez un email : expliquez votre point de vue.
    Si vous ne le connaissez pas perso ou si l’étape 1 a grillé a foiré…
  2. Exprimez vous publiquement pour critiquer ce comportement ou ces propos en étant précis sur ce qui vous dérange, en proposant des solutions, en ne parlant pas de ce que vous ne connaissez pas, par exemple les états mentaux de l’intéressé·e.
  3. Et ensuite retenez-vous de suivre cette pente délicieuse qui consiste à rabâcher vos critiques ad nauseam jusqu’à ce que la personne incriminée change assez pour que vous puissiez constater que votre pression a porté ses fruits.

Je vous donne ce conseil, parce si vous faites le choix de ce genre d’attaque :

  1. Ça a peu de chances de marcher. Documentez vous sur la réactance. Et demandez-vous si vous-même vous avez envie qu’on vous traite comme ça.
  2. Vous n’avez pas conscience du phénomène d’engagement dans lequel VOUS mettez les pieds et qui peut vous pousser à sévir dans vos critiques, à devenir de plus en plus exigeant, à vous aveugler même aux changements que la personne que vous critiquez pourrait bien avoir amorcé.
  3. Vous sacrifiez probablement de futures occasions d’échanger avec cette personne et de la faire changer d’avis sur autre chose.
  4. Vous passez sans doute pour un connard aux yeux de ceux qui ne vous prennent pas pour un héros.
  5. La polarisation n’est votre amie que si vous voulez surfer dessus à des fins personnelles. Et ça se voit.

 

On peut plus critiquer les gourous ??

Mais attention, une fois que j’ai dit cela, il faudrait éviter de voir du harcèlement partout, sinon on n’a plus qu’à fermer sa gueule et dire amen à tout le monde. On peut critiquer les influenceurs complotistes et les vendeurs de pseudoscience sans tomber dans le harcèlement. Et pour ça j’en reviens à mes 5 principes du début. Tout en respectant ces principes, on est en droit d’émettre des critiques répétées ce certains personnages, à certaines conditions :

  1. On ne pourrit pas la personne en l’insultant, en lui donnant des surnoms, en lui inventant des maladies mentales, des handicaps ou des perversions. Bref, ne soyez pas un connard, ça devrait être dans vos cordes.
  2. On se concentre sur ce que ses propos ont de faux, trompeur et dangereux. On explique pourquoi on porte cette critique répétée.
  3. On ne s’acharne pas sur une déclaration datant d’il y a dix ans, sauf si c’est pertinent par rapport ce qu’il est en train de faire maintenant.
  4. On se focalise sur l’analyse de la rhétorique, sur la manière dont ce gourou est entendu et suivi malgré ses boniments ; sur le débunkage de son bullshit en proportion de ce qu’il produit.

Le gourou qui sortirait une vidéo par semaine pour dire que tout le monde est corrompu sauf lui ou pour dégoiser des sornettes du haut de ses pseudo-diplômes tout en vendant des formations vérolées. Chaque semaine. Eh bien il mérite de recevoir une réponse, une critique, une analyse, un débunk… Chaque semaine. Je ne dis pas qu’il faut le faire, je ne dis pas que moi je le ferai, mais je soutiens que c’est justifié et que ça ne déroge pas aux 5 principes de base

 

Mais ne confondons pas les gens avec qui nous sommes en simple désaccord, avec qui nous avons une dispute ponctuelle, localisée, circonstanciée, même si elle est profonde… avec celles et ceux qui sont des leaders d’opinion et gagnent du capital symbolique en proférant des boniments, en lançant des accusations vipérines ou en se prévalant d’expertises qui leur sont étrangères au risque de conduire leur public à des décisions désastreuses. En d’autres termes il ne faut pas se tromper de cible et il faut savoir agir de façon proportionnée.

 

Donc…

Ma conclusion sur ces deux sujets : le problème de la pureté et celui de la critique des gourous, c’est que la nuance est notre alliée. Nous sommes toujours plus pertinents quand notre réaction est pondérée, équilibrée. Mais ça implique de résister à des biais cognitifs et à des conditionnements sociaux qui nous attirent vers des réactions cathartiques, lesquelles nous shootent à la dopamine et nous encouragent à saloper notre environnement social. M’est avis que ces principes peuvent nous aider à mieux choisir nos combats, à canaliser plus sagement nos ressources limitées.

Ce que je viens de vous dire est facile à dire, mais c’est bien plus difficile à faire. A vous de voir si vous pensez que ça vaut le coup. La section commentaire est là pour ça.

Acermendax

Tronche en Live n°119

Emission enregistrée le 22 février 2023

Editorial

La science et la pensée critique sont des démarches qui décapent nos idées reçues, déchirent nos illusions, bousculent nos évidences et dérangent notre zone de confort. Si c’était facile de tout savoir et de tout comprendre, si ça ne demandait pas de gros efforts contre nos intuitions, ça se saurait.

Les cultures humaines débordent de récits consolateurs qui aident à supporter les épreuves de la vie. Les sceptiques comme nous se privent de cette béquille, ils rejettent la tranquille réassurance que, au bout du compte, chacun se verra récompensé ou puni selon son dû par un cosmos attentif à ne laisser passer aucune petite injustice. Hors jeu, donc, les promesses des grandes religions et des spiritualités qui prétendent en savoir long sur l’éternité, l’harmonie, la justice cosmique et le sens profond, premier et entier de notre existence.

Il y a quelque chose de déprimant là-dedans. Et les sceptiques passent pour des gens amers, tristes, en colère auprès de certains défenseurs de l’ésotérisme et de la spiritualité surnaturelle.

Il semble que pour beaucoup de gens, c’est plus dur de vivre en admettant que nous sommes le résultat d’une longue séquences d’événements hautement improbables. On peut légitimement estimer qu’il est insuffisant d’être un primate bipède presque raisonnable, traversé d’émotions et d’états mentaux pas toujours en adéquation avec le réel, destiné à respirer quelques décennies puis à rejoindre le néant pour le reste de ce que l’univers a de temps en réserve. Avoir le néant pour destination et l’oubli, irrémédiable, pour lointain héritage, c’est pas terrible.

Et il faut comprendre que cela puisse paraitre monstrueux à beaucoup de nos complanétaire : notre posture sceptique, philosophiquement matérialiste, est minoritaire chez l’espèce humaine.

Mais elle est courante chez les grands penseurs, et elle nous susurre des conseils qu’il n’est pas si difficile de comprendre et d’accepter : Carpe Diem, notamment. Cueillons aujourd’hui les fruits de la vie.

J’ajoute que l’optimisme doit être notre compagnon de route, sans quoi le cynisme imposera ses aboiements dans nos conversations. Je sais bien que la situation est grave, que l’avenir est incertain, que des catastrophes nous guettent ; mais on ne les repoussera pas en s’empêchant de vivre, et elle ne viendront pas plus vite si l’on s’accorde le droit de dire à nos enfants qu’ils méritent une belle vie et trouveront des solutions aux problèmes que nous ont légué ceux qui, avant nous, ont dû se farcir une existence pas toute rose non plus et n’ont pas assez souvent fait les bons choix, de notre point de vue.

Ce soir, nous vous proposons une parenthèse de pensée positive.

Alors attention, il n’est pas question ici de la pensée positive chère au développement personnel matinée de pensée magique : « quand on veut on peut », « il faut trouver en soi les ressources d’avancer », « vive la résilience ! » et autres discours qui empêchent d’envisager les vraies réponses structurelles pour y substituer le culte de l’effort personnel. Et évidemment je ne défends pas l’idée que nos pensées ont un effet direct sur le monde, qu’il faut nier les problèmes pour vibrer à des fréquences harmonieuses, qu’il faut sourire comme un idiot jusqu’à ce que les choses s’améliorent d’elles-mêmes. Je parle simplement d’optimisme, parce que je pense que nous en avons besoin.

Il va falloir beaucoup travailler, râler et se battre pour passer les épreuves qui nous attendent, mais je vais oser paraphraser notre ami Molière : « Il faut râler et se battre pour vivre et non pas vivre pour se battre et râler. » et je vous propose qu’on s’amuse un peu ce soir en attendant la mort avec quelques jeux imaginés par d’indécrottables rationalistes. Je voudrais que nous soyons un peu heureux d’être qui nous sommes, que nous montrions de temps en temps la facette créative, ludique, hédoniste de notre personnalité, car je crois que cela nous aidera à garder l’envie d’agir.

La Tronche est à VOUS #7

Emission enregistrée le 16 février 2023

Editorial

Ce soir La Tronche est à VOUS. Vous pouvez trouver en description le lien vers le salon Discord ou un Tutoriel vous explique comment demander la parole au sujet des pseudosciences dans le monde du travail. Venez nous parler de votre expérience sur le sujet afin de donner de la voix à ce problème. Mais venez aussi si vous avez des compétences juridiques et des solutions à proposer à ceux qui doivent subir les assauts de ces discours trompeurs.

 

Le travail est l’univers de l’efficience, de la rationalisation des coûts, de la maximisation des effets, de la sagesse dans les investissements, de la gestion rigoureuse de toutes les ressources. Ou n’est-ce qu’une illusion entretenue par commodité ? On peut se le demander au vu du succès des innombrables coachs vendant toujours plus de techniques qui appellent à de nouvelles formations, à de nouvelles dépenses, à une dépendance toujours accrue envers des gourous du bien-être, du bien-fonctionner, du bien-paraître, avec leurs conseils de « bon sens » enrobés de phrases puissantes et positives, faciles à digérer, déclinables à l’infini, et très compatibles avec l’idéologie en place qui rend l’individu seul responsable de son sort, de ses difficultés, de ses échecs. Les pseudosciences sont au service du système ; elles s’alignent toujours avec les préjugés du patron qui devrait au contraire vouloir être challengé dans ses représentations, ses choix, ses stratégies, afin de traquer ses éventuelles faiblesses et améliorer ses résultats.

Recrutement – gestion du personnel – animation d’équipe – gestion des conflits — développement personnel — santé au travail : les pseudosciences vendent aux entreprises de fausses solutions à de vraies problématiques.

 

La mode managériale du recours à des discours lénifiants, personnels, tournés vers le dépassement de soi, la recherche de ressources internes, la remise en question des rigidités individuelles en vue d’accroitre l’adaptabilité de la masse salariale aux impératifs de la vie moderne n’est pas un hasard. Elle participe d’une culture d’entreprise où l’on cherche à se défausser sur le salarié de la responsabilité de ce qui lui arrive, de ses ressentis et de ses réactions. De cette manière, on apprend à chacun à gérer le stress au lieu de réfléchir collectivement à la gestion du stress et aux solutions à envisager qui pourraient impliquer de réviser certaines évidences sur l’organisation du travail.

Cette focalisation sur la trajectoire personnelle, cet amour de la décontextualisation pour essentialiser le parcours de chacun, a le grand avantage de retirer au chef la responsabilité du mal vivre de ses employés, mais il n’y a aucune garantie qu’il s’agisse d’un pari gagnant pour lui. Les managers sont comme tout le monde, sujets à des croyances qu’ils ne mettent pas volontiers à l’épreuve. Et il se pourrait que toute cette mode envahissante soit génératrice de perte d’efficacité, de rendement, d’intelligence à l’échelle de l’économie entière sans que personne ne soit en mesure de s’en rendre compte, puisque personne n’est motivé à en mesurer l’impact. D’un simple point de vue égoïste les managers devraient avoir envie de s’assurer que toutes ces pratiques ne coûtent pas un pognon de dingue pour rien, et d’un pont de vue plus humaniste, on souhaiterait que l’épanouissement individuel ne soit pas une variable d’ajustement des gestionnaires, ni confiée à des mercenaires du slogan publicitaire armés de l’attirail du diplômé en marketing qu’on a dressé à exploiter la moindre faille de jugement de sa clientèle.

 

Les pseudosciences dans le travail, c’est bien sûr l’interminable farandole des fausses médecines puisque la santé concerne tout le monde et que la santé au travail est une question fondamentale. Mais c’est aussi l’entrisme d’une forme de pensée magique, de spiritualité dans certains rapports à la nature, et on le voit à travers la biodynamie, très attrayante dans le monde viticole depuis quelques années. Mais c’est encore la question des experts en justice. En France, des psychanalystes continuent de venir déverser des propos déconnectés du corpus scientifique dans les prétoires. C’est la présence de pseudo-experts auprès des élus qui peuvent tomber dans de vraies arnaques comme la célèbre affaire des avions renifleurs. À tous les échelons, les discours pseudo-scientifiques parasitent l’activité humaine. Et malheur à ceux qui le feraient remarquer, car rien n’est plus simple que de reprocher à celui qui détecte la magouille d’être vecteur de mauvaises énergies, de valider par son refus le diagnostic qu’il s’agit d’un mauvais élément, d’un employés mal aligné, rétif aux efforts de l’équipe qui veut s’améliorer.

Si des patrons nous écoutent ce soir, ils devraient prendre conscience qu’installer un climat d’unanimité autour de leurs décisions est une stratégie qui garanti que les mauvais choix auront des conséquences bien plus grave qu’ils auraient pu éviter.

La Tronche est à VOUS.

 

Emission enregistrée à la Cité des Sciences et de l’Industrie le 10 janvier 2023.

Invitées :

  • Maud Gouy (Commissaire de l’exposition Cancers)
  • Laurence Caunézil (Commissaire de l’exposition Cancers)
  • Claude-Agnès Reynaud. Immunologiste. Directrice de recherche Emérite de l’Hôpital Necker. Présidente du Conseil Scientifique national de La Ligue contre le Cancer.
  • Caroline Robert. Dr en médecine, chercheuse à l’Inserm, cheffe du service de dermatologie de l’Institut Gustave Roussy.

 

EDITORIAL

L’univers est composé de matière et d’énergie que l’humain a classé en deux catégories : les choses qui donnent le cancer, et les choses dont on n’a pas encore montré qu’elles donnent le cancer mais dont on devrait se méfier quand même.

On a souvent l’impression que tout donne le cancer. L’amiante, le benzène, le tabac, l’alcool, le soleil, la charcuterie, les boissons chaudes, le sexe et le plutonium. On peut parfaitement vivre sans plutonium. On peut vivre en se privant de la plupart des substances dont on a montré qu’elles augmentaient fortement les risques d’avoir un cancer. On peut aussi s’organiser pour éviter tous les facteurs de risque, et avoir un cancer quand même, puisque la génétique donne aussi le cancer, la vilaine.

Nous sommes cernés.

Nous sommes des organismes pluricellulaires et à cause de ça, on ne peut pas se débarrasser à 100% du risque d’avoir un cancer. Même le Rat-Taupe nu peut avoir le cancer. Celles et ceux d’entre nous qui vivront vieux en accumulant les décennies finiront presque tous par avoir un ou plusieurs cancers. Ils ne seront pas forcément graves, on aura le temps de mourir d’autre chose, mais ils seront là.

Alors je me pose la question : une maladie a ce point omniprésente à laquelle nous n’avons presque aucune chance d’échapper à moins de nous transformer en amibe unicellulaire (et je vois bien les efforts en ce sens de certains commentateurs, que je salue malgré tout), une maladie dont les risques s’accroissent à chaque fois qu’on fait un truc qui nous plait comme manger un barbecue…  Faut-il en avoir peur absolument tout le temps, en faire l’urgence totale et permanente, ou au contraire arrêter de s’inquiéter, puisque de toute façon personne ne quittera cette planète en vie ?

Bien sûr la réponse est sans doute quelque part entre les deux. Il faut avoir peur du cancer pour rester en éveil, pour éviter les risques inutiles, pour suivre quelques consignes de prévention et accepter les mesures de dépistage. Ca nous économisera bien des soucis. Mais il ne faut sans doute pas paniquer constamment, s’empêcher de vivre, dramatiser absolument tous les diagnostics, stigmatiser la maladie et donc un peu aussi les malades. Il faudrait équilibrer notre peur de ce mal, car comme le disait ce cher Beaumarchais « Quand on cède à la peur du mal, on ressent déjà le mal de la peur. »

Les cancers nous concernent tous, ils sont la première cause de mortalité en France. Tous les jours on dénombre environ 1000 nouveaux cas dans le pays. Mais avoir un cancer, ça ne veut pas dire qu’on va en mourir, et désormais ça ne signifie plus forcément qu’on va devoir subir un traitement invasif et douloureux. Désormais on survit au cancer, on entre en rémission et on peut même dire qu’on en guérit. Le taux de survie à 5 ans de certains cancers est désormais très élevé : 88% pour le cancer du sein chez la femme, 98% pour le cancer de la prostate chez l’homme, ou encore 93% pour le cancer de la thyroïde. Environ la moitié des malades peuvent continuer leur activité professionnelle pendant leur traitement. Autant dire que tout ça a beaucoup changé depuis l’époque pas si lointaine où la médecine ne pouvait pas faire grand chose pour les malades.

 

Nous sommes en direct depuis la Cité des Sciences et de l’Industrie, à Paris, au sein même de l’exposition CANCERS, et ce soir nous allons discuter avec les commissaires de cette exposition : Maud Gouy et Laurence Caunézil, mais aussi avec deux chercheuses du domaine : l’immunologiste Claude-Agnès Reynaud et la dermatologue Caroline Robert.

Merci à elles d’être présentes avec nous, et merci à Universcience pour ce partenariat, notamment à Aurore Wils, Camille Corsia et Sadek qui nous ont aidés à préparer l’émission.

 

A voir également, l’émission sur l’apport de la biologie de l’évolution au traitement des cancers avec Frédéric THOMAS

Mais aussi notre émission sur les thérapies alternatives autour des cancers avec le cancérologue Simon SCHRAUB.

Netflix a fait un carton avec la série titrée en anglais « Ancient Apocalypse » et en français « à l’aube de notre histoire » (un titre mollasson, les traducteurs sont mauvais ou un peu gênés par ce qu’on leur demande de faire). Cette série de 8 épisodes met en vedette le narrateur Graham Hancock. Ce succès n’a rien d’étonnant, les livres du monsieur se vendent à des millions d’exemplaires : il raconte des choses intéressantes.

La thèse tient en deux phrases : Notre espèce est amnésique, nos livres d’histoire ignorent complètement une ancienne civilisation de bâtisseurs, anéantie par un cataclysme naturel il y a 12800 ans. Cette ancienne culture peut être retrouvée dans le monde entier sur des sites très anciens qui font référence à des mythes communs que les archéologues ne sont pas foutus de lire correctement parce qu’ils ne veulent pas accepter la vérité découverte par quelques théoriciens marginaux dont Graham Hancock.[1]

Intéressant, non ? Mais tout ce qui est intéressant n’est pas forcément vrai. Ni inoffensif.

 

Je vais vous divulgâcher l’affaire. Graham Hancock raconte des balivernes, et c’est un homme en colère de ne pas être pris au sérieux par les experts. Il choisit les faits qui l’arrangent, ignore complètement le contexte, les explications déjà fournies, les travaux actuels des experts, les incohérences entre les éléments qu’il rassemble, il amasse une pile de cerises et vend tout ça en répétant ad nauseam que les archéologues se trompent. Il s’agit d’une sorte de trafic de contrefaçon de la préhistoire qui jongle avec le mystère, les effets de dévoilement et un sentiment anti-intellectuel qui aime prendre les universitaires pour des idiots pantouflards aux idées archaïques ou bien des corrompus.

Episode 1 « Ca fait de moi l’ennemi numéro 1 des archéologues.»  « L’archéologie n’adhère pas aux nouvelles preuves »

Quand on fait un travail sérieux, on n’a pas besoin de chercher à discréditer les experts : on expose sa démonstration et on attend les critiques.

Nous avons ici rassemblés tous les ingrédients d’une fiction potentiellement sympathique, mais sans le talent et le travail d’un auteur qui pourrait en faire de la bonne fiction. Alors on nous vend tout ça avec une étiquette de science alternative. Et ce qui aurait pu être de la bonne fiction devient de la désinformation. Avec la complicité d’un géant comme Netflix pour financer tout ça et l’injecter dans tous les foyers du monde.

 

De quel droit il critique, lui ?

Je n’ai aucun intérêt personnel à attaquer ce programme, ni aucun ressentiment envers M Hancock.  Quand je croise un programme qui dit des conneries, j’ai envie de dénoncer ces conneries dans l’espoir d’entendre moins de conneries. Je suis certain que vous pouvez comprendre cette motivation.

Quand on critique les récits alternatifs des bonimenteurs sur l’histoire ou sur la science, on se heurte généralement à deux contre-attaques

— La première : Tu n’es pas un expert. Tu n’es pas allé sur place. Ce n’est pas ton domaine Tu n’y connais rien. Tais toi.

— La deuxième, adressée à de véritables experts est : Tu es payé par le gouvernement, ou bien par une grande entreprise, ou bien tu veux vendre tes propre livres : et donc tu as des intérêts à protéger et tu t’attaques à tout ce qui met en danger la version officielle. Alors tais-toi !

On croise toujours. Toujours. L’une de ces deux attaques, voire les deux. Or si vous êtes capable de défendre une seule et même idée avec ces deux contre-attaque, alors vous avez un problème avec la logique et vous ne cherchez pas à savoir ce qui est vrai mais à défendre ce qui vous plait. Il se trouve que la plupart des humains fonctionnent comme ça : l’expertise du camp d’en face nous semble toujours suspecte, beaucoup moins solide que l’expertise du camp des idées que l’on pense vraies. Mais en face ils pensent pareil, alors cet argument n’a en réalité aucune portée, aucune chance de convaincre l’autre ; il ne sert pas à ça. Il est simplement le reflet de notre croyance. Et donc, je suggère de nous en méfier.

Graham Hancock commence son spectacle en insistant sur le fait qu’il n’est pas un chercheur, qu’il est journaliste. Par conséquent, je n’ai pas besoin d’être un expert ou un chercheur, pour réaliser une analyse sur la manière dont il construit son histoire.

« Si la théorie est vraie elle chamboule tout»

–> Oui. Bien sûr. Comme vous le savez déjà : « si c’est vrai, c’est très grave ! » nous disent les complotistes et beaucoup de pseudo-savants détenteurs d’une vérité alternative. Mais avant de dire que c’est grave, que c’est important, que ça chamboule tout, on doit prouver que c’est vrai.

 

Comment faire ?

Selon toute vraisemblance, vous n’êtes pas un expert en archéologie. Devant un programme qui prétend dévoiler la vérité méconnue sur le lointain passé, je suis comme vous : je n’ai pas les connaissances suffisantes pour détecter à coup sûr ce qui est vrai et ce qui est faux dans la plupart des faits qui vont être présentés. Mais, vous comme moi, nous sommes capables de nous poser des questions et de repérer des incohérences. Quand on n’est pas historien et qu’on n’a qu’une faible connaissance de l’état de la science sur une époque ou un site, on n’est pas réduit à gober ce qu’on entend ou à tout rejeter en bloc. On peut malgré tout évaluer la crédibilité de ce qu’on entend. Mais ça demande quelques efforts et de ne pas se fier à ses seules impressions, sentiments et intuitions.

Source pour reconnaitre un DOCUMENTEUR.

Parcourons le récit

Episode 1

La série démarre à en Indonésie, à Gunung Padang, un site daté du 5e au 2e siècle avant notre ère, notamment grâce à des poteries, mais vieux de 8000 ans pour d’autres. Soit. Mais Graham Hancock veut affirmer que le site date de 24.000 ans. Et qu’il s’agit d’une pyramide. Et que les spécialistes ignorent tout de la civilisation qui l’a construite, qu’ils le vivent mal et préfèrent donc ne pas y croire. A l’appui de ce récit la série nous fournit de très belles prise de vue aérienne faits avec un de drone et des images de synthèse qui reconstituent la pyramide ancienne. Elle est là, devant nos yeux. C’est donc que c’est vrai. Personne ne s’amuserait à dessiner de telles images qui seraient purement nées de son imagination ! Sauf que c’est exactement ce qui se passe.

Sur place le géologue Danny Hillman Natawidjaja adhère à la version de la civilisation perdue, prétend qu’il existe trois chambres secrètes à l’intérieur de ce qu’il appelle une pyramide. Sauf qu’il est la risée du métier pour qui la colline est une colline. C’est exactement ce qui se passe avec l’histoire des « pyramides de Bosnie » défendue par Semir Osmanagic pour des raisons idéologiques nationalistes. Pour cet entrepreneur, la colline de Visoko est la plus grande pyramide du monde : il dirige sur le site des fouilles qui construisent les ruines qu’il prétend découvrir. Et de la même manière le politique s’en mêle, avec le président de l’Indonésie qui approuve les récits de pseudo-histoire qui flattent les idéaux nationalistes.

 

Pour les archéologues, le site de Gunung Padang est remarquable, il s’agit du plus grand site mégalithique du sud-est asiatique, mais ils rappellent qu’en archéologie on découvre d’abord la culture, on estime l’âge des artefacts, on étudie les cultures avoisinantes, les références, les influences, et ensuite seulement on peut établir la place historique de la construction. Dans la méthode de Graham Hancock, on trouve des choses, on les date au carbone 14 et on invente une culture qui en serait à l’origine[2]. De cette manière, Hancock valide l’idée d’une pyramide vieille de plus de dix mille ans parce que cela l’arrange. Et c’est comme ça, l’affaire est réglée.

Pour cette série Netflix, les primitifs de cette région ne peuvent pas avoir soulevé toutes les lourdes pierres au sommet de la colline, il faut donc que d’anciens sages leur aient appris comment faire en les civilisant. Et s’il ne reste rien de ces anciens sages, c’est parce que leur civilisation a disparu sans laisser de trace. Et s’il ne reste aucune trace c’est parce que le Déluge a tout effacé. Et on est certain que le Déluge a eu lieu puisque beaucoup de cultures dans le monde ont des récits d’inondations catastrophiques qui ne peuvent avoir pour origine qu’un même cataclysme mondial.

Ceci n’est pas une théorie scientifique, c’est un brouillon de script pour un film de Roland Emmerich. Ce n’est pas une démonstration, c’est une monstration : « Regardez là c’est bizarre hein. Et ici comme c’est trop étrange. Personne n’a d’explication, donc j’ai raison ! »

 

Episode 2

Ensuite Graham Hancock se balade devant la caméra au Mexique. La grande pyramide de Cholula existe. Mais ce n’est pas suffisant pour Graham Hancock qui nous dit qu’elle a été construite par des bâtisseurs anciens ayant reçu l’enseignement d’un sage venu de la mer. Le procédé est identique à celui du 1er épisode. Pas question que les autochtones aient pu faire ça tout seul.  Il faut lire dans la statuaire qu’un mystérieux sage est venu de la mer pour enseigner la civilisation à ces gens.

 

Episode 3

« Tout ce que les archéologues disent sur l’histoire de Malte est faux »[3]. Derechef le même message : les peuple connus par les historiens sont trop primitifs pour être les bâtisseurs des temples qu’on trouve sur l’ile. Et ces temples sont plus vieux qu’on ne le dit. Sur quoi tout cela repose-t-il ? Regardez bien : sur rien. Ce que Hancock ne dit pas c’es que les travaux de datation de ces sites anciens sont multiples et convergents[4].

Pour prouver sa « théorie », Hancock décide de croire que des dents de Neandertal ont été retrouvé sur l’ile, dans la grotte de Ghar Dalam. La littérature scientifique penche plutôt pour des dents d’homme modernes , mais en fait peu importe, parce que posez-vous la question : la présence de Neandertal sur Malte a-t-elle quelque chose à voir avec l’existence d’une civilisation ancienne perdue ? Hancock est-il en train de dire que cette civilisation perdu était celle d’Hommes de Neandertal ?

 

Episode 4

On s’en va aux Bahamas pour s’étonner de la présence de ce qui ressemble à un mur ou à une chaussée immergée à faible profondeur. Ce serait une construction humaine ! Et ce serait fantastique.. En réalité les géologues ont la réponse. Ce qu’on appelle la Route de Bimini est d’origine naturelle[5]. Ces grès de plage sont le résultat d’un phénomène de sédimentation. D’ailleurs, on ne trouve aucun artefact, aucun outil, ni trace d’outil, que ce soit sur la « route » ou sur les iles voisines ou alentour. Zéro bâtiment monumental. Aucune trace de civilisation. Comment Graham Hancock explique-t-il cela ? Eh bien il ne le fait pas, il n’en dit pas un mot.

Mais plus grave, toute l’opération de monstration est dézinguée par Hancock lui-même  qui déclare à la 19e minute :

« Je m’en fiche que la Route de Bimini soit naturelle ou faite par l’homme, ce que je dis c’est que c’est putain de bizarre qu’elle apparaisse sur une veille carte. »

Il fait alors référence à la carte de Piri Reissur laquelle beaucoup de bêtises ont été écrites. On prétend qu’elle montrerait l’Antarctique libéré des glaces, donc à une époque trrrèès reculée. Balivernes. La carte de Piri Reis n’est pas si étrange qu’on voudrait le croire ; à ce sujet, vous pouvez lire l’article Wikipédia[6] et consulter ses nombreuses sources.

On voit ici clairement à l’œuvre la pensée motivée de l’auteur. Il choisit des éléments éparses, les interprète à sa sauce, les relie entre eux, c’est un travail d’imagination digne d’un scénariste, je respecte ça. Mais le faire passer pour une enquête sérieuse pouvant donner des leçons aux archéologues et historiens ? Vraiment, Netflix ?

 

Episode 5

L’épisode de Gobekli Tepe est intéressant parce que la rhétorique  y est clairement défectueuse. On peut le repérer sans avoir de connaissance et sans chercher à vérifier les faits tels qu’ils sont présentés.

On nous explique que la plus grande chambre de Gobekli Tepe est aussi la plus ancienne, et ce serait la preuve qu’il n’y a pas eu de coup d’essai, donc qu’il s’agit d’une œuvre permise par une science venue d’ailleurs. Et cela valide le récit déjà présenté auparavant de la culture supérieure détruite mais transmise via quelques survivants. Mais voilà qu’un peu plus tard on nous révèle que le site contient une vingtaine d’autres enceintes repérées sous le sol mais non explorées et donc non datées. Evidemment, on est en droit de se demander si elles ne pourraient pas être plus anciennes et donc avoir préparé la construction de la grande chambre, ce qui démolit l’argument précédent. Avoir laissé passer une telle auto-contradiction est très révélateur : c’est typiquement le genre d’indice qui doit immédiatement rendre suspicieux.

 

Episode 6

Je ne vais m’attarder que sur certains points parce que maintenant vous avez compris la méthode employée. Graham Hancock va visiter le site du tumulus du Grand Serpent dans l’Etat de l’Ohio, mais il n’est pas autorisé à y installer son équipe de tournage alors il fait un caca nerveux sur le parking et crie à la censure, comme si le filmer en train de crapahuter sur le site, comme on le voit faire en mode carte postale dans les autres épisodes, était indispensable à son message. La censure consiste à empêcher un auteur de partager ses idées, ses travaux. Pour Hancock, qui parle sur Netflix à des millions de gens, la censure c’est lui dire : non, vous ne pouvez pas emmener votre équipe de tournage sur ce site amérindien pour dire devant une caméra que tous ceux qui travaillent ici mentent au public.

Le grand Tumulus du serpent est digne d’intérêt. Il n’est pas construit n’importe comment mais présente un alignement avec le ciel. En soi c’est banal. Même nos maisons sont construites en tenant compte de l’ensoleillement. Mais Hancock nous réserve une surprise

« On le date de [telle époque] mais c’est sûrement une reconstruction, car le Serpent est connu pour changer de peau. »

La méthode de Hancock se révèle dans toute sa splendeur : le vertige des analogies, la magie des symboles, l’imagination débridée. Graham Hancock voudrait ce ce site date de l’époque du cataclysme dont il veut nous montrer l’existence, alors il décide que cette construction n’a de sens que si on suppose qu’elle a été faite il y  a douze mille ans. Bien sûr, tel un astrologue, il trouvera des alignements pertinents à l’époque voulue, et estimera que ça prouve qu’il a raison. Et peu importe ce qu’en pensent les experts du site. De toute façon ce sont de vilains censeurs.

 

Episode 7

Je vais résumer cet épisode à une citation de Graham Hancock.

« Ne vous fiez pas aux experts. Faites vos propres recherches. »

Cela n’empêche pas notre homme de convoquer des gens qu’il présente comme des experts pour valider son propos. Il faut visiblement se fier aux experts qui sont d’accord avec lui, ou qui au minimum opinent devant une caméra, même si après coup, ils regrettent qu’on ait instrumentalisé leur parole. Comme c’est le cas de l’archéologue maltaise Katya Stroud, qui explique être en désaccord avec le contenu du programme et que sa parole a été dénaturée, tronquée et citée hors contexte. Bref, l’experte choisie par Graham Hancock nous dit que le programme est malhonnête[10]. C’est probablement la pire critique qu’un documentaire puisse recevoir.

 

Episode 8

À la fin de cette série, on nous résume l’histoire. Une comète a frappé la terre, a provoqué une période hivernale catastrophique qui correspond au Dryas récent, une époque géologique déjà décrite par les paléontologues. Et cet événement a détruit une grande civilisation dont les survivants sont allé transmettre leur savoir aux pauvres sauvages du reste du monde. Cette histoire, c’est celle de l’Atlantide telle qu’Ignatus Donnelly nous la raconte en 1882[7]. Graham Hancock ne fait que reprendre cette légende qui servait à dénier les réalisations des peuples natifs du continent Américain. Les anciens sites d’Amérique venaient forcément d’un autre peuple, supérieur, blanc. Je vais y revenir.

 

Habile Marketing

La série de Hancock est habile. Elle va plaire à beaucoup de gens qui ont des idées très différentes, parce que si vous regardez bien, le tour de force narratif de ce programme est le suivant : il ne dit RIEN sur la civilisation ancienne dont il prétend nous révéler l’existence !

À quoi ressemblaient ces humains ? Quelle langue parlaient-ils ? Quel niveau de technicité, de technologie possédaient-ils ? Sur leur couleur, leur culture, leur ethnie…  Pas un mot. Et ça c’est formidable. Si vous voulez croire à une race supérieure oubliée, ça marche. Si vous voulez croire à une visite extraterrestre, aux Elohims un à n’importe quel mythe antédiluvien, c’est open bar. Et le titre Ancient Apocalypse nous rappelle Ancient Aliens (« Alien theory » pour le titre anglophone destiné aux marché français), un programme complètement débile qui en est à sa 18e saison. Je connais des chercheurs qui aimeraient avoir le budget de ces producteurs pour faire de la vraie science ou des programmes qui informent et éduquent au lieu d’hypnotiser.

Hancock ne prend pas le risque de déstabiliser son public. Il ne contredit aucune des thèses farfelues des pseudo-historiens. Il se contente de taper sur la position du monde académique. Il n’appelle même plus Atlantide l’ancienne civilisation de son récit (alors que de là que tout part !). Il est donc plébiscité par tout un tas de gens dont les croyances sont incompatibles mais ont un point commun : le rejet de l’état des connaissances scientifiques sur la base d’un sentiment personnel d’une vérité plus grande, plus impérieuse. Le principal pour eux, c’est d’avoir un programme grand public qui semble aller dans leur sens.

Graham Hancock était moins habile dans le passé. Dans les premières éditions de ces livres, avant 1995, l’ancienne civilisation dont il parle tout le temps était… blanche[8]. Le peuple ancien, l’origine de la civilisation, ce sont des blancs. Il fallait des blancs pour apprendre aux sauvages du monde comment construire des temples, faire des mathématiques ou de l’agriculture. Et en réalité c’est ça la grande différence d’avec l’histoire réelle : la place des blancs.  Mais Hancock ne le dit plus parce que le public qui y croit déjà n’a pas besoin qu’on le lui rappelle explicitement, il le comprend. Et, bien sûr, il aurait plus de mal à passer sur Netflix s’il versait ouvertement dans le suprémacisme.

Cette théorie est suprémaciste car elle a permis aux colons banc de considérer que les autochtones n’avaient rien accompli par eux-mêmes et n’avaient construit aucun des grands tumulus américains. Sur cette base, on a nié leur droit sur les territoires qu’ils occupaient. On ne peut pas passer sous silence la tradition raciste qui accompagne ces récits depuis près de cents cinquante ans. Cela fait partie des motivations de ceux qui y participent et c’est clairement la couleur idéologique des réseaux qui en font la promotion.

 

Que disent les experts ?

5.1—  Lettre de la Society for American Archaeology[9] ,

Le président de la SAA, forte de 5500 membres, a envoyé un courrier aux dirigeants de Netflix.

« La série dénigre les archéologues et leur profession sur la base d’affirmation fausses et de désinformation. (…) Nous avons trois problèmes principaux avec « Ancient Apocalypse »:

(1) — l’hôte de la série rabaisse violemment les archéologues et la pratique de l’archéologie avec une rhétorique agressive, cherchant délibérément à nuire à nos membres et à notre profession aux yeux du public.

(2) — Netflix présente le programme comme une « docu-série », un genre qui implique que son contenu est fondé sur des faits, alors que l’émission est basée sur de fausses affirmations sur les archéologues et l’archéologie.

(3) — la « théorie » présentée est depuis longtemps associée aux idéologies racistes et suprématistes blanches, elle traite injustement les peuples autochtones ; et encourage les extrémistes. »

Sur la charge idéologique de ce programme : « The assertions Hancock makes have a history of promoting dangerous racist thinking. His claim for an advanced, global civilization that existed during the Ice Age and was destroyed by comets is not new. This theory has been presented, debated, and refuted for at least 140 years. It dates to the publication of Atlantis: The Antediluvian World (1882) and Ragnarok: The Age of Ice and Gravel (1883) by Minnesota congressman Ignatius Donnelly. This theory steals credit for Indigenous accomplishments from Indigenous peoples and reinforces white supremacy. From Donnelly to Hancock, proponents of this theory have suggested that white survivors of this advanced civilization were responsible for the cultural heritage of Indigenous peoples in the Americas and around the world. However, the narratives on which claims of “white saviors” are based have been demonstrated to be ones modified by Spanish conquistadors and colonial authorities for their own benefit. These were subsequently used to promote violent white supremacy. Hancock’s narrative emboldens extreme voices that misrepresent archaeological knowledge in order to spread false historical narratives that are overtly misogynistic, chauvinistic, racist, and anti-Semitic »

 

 

Que vaut cette histoire ?

Graham Hancock n’aime pas la science. Il n’apporte aucune démonstration scientifique. Et c’est logique. Il est féru de métaphysique, et il déroule un récit qui ne s’appuie que sur une collection d’interprétations personnelles de quelques sites anciens et une sorte de vérité intérieure. Hancock est le prédicateur d’une religion New Age héritée de la théosophie, qui n’essaie jamais de peser le pour et le contre dans les faits allégués mais choisit constamment où se trouve la vérité en dénigrant les « soi-disant experts » qui ne pensent pas comme lui. Il faudrait le croire parce qu’il est marginal, parce qu’il défend une version de l’historie non admise par les experts. Le processus de victimisation appelé Syndrome de Galilée est à l’œuvre : je suis seul à dire ce que je dis, on me contredit. C’est parce que la vérité fait peur. Rappelons nous que lorsqu’un homme isolé contredit tous les experts du monde, c’est plutôt en soi un excellent indice qu’il a clairement tort.

Dans une conférence TED de 2013, Graham Hancock explique que pendant 24 ans il a été presque en permanence défoncé au cannabis[11], ce qui l’a beaucoup aidé dans son travail d’auteur. Il a arrêté le cannabis quand il a commencé l’ayahuasca. Je ne dis pas que ce programme est le résultat d’un délire de drogué, mais… à la vérité je me demande ce qui empêcherait de le dire. La manière dont l’auteur traite son cerveau et les moyens par lesquels il s’approche de la vérité nous renseignent sur la confiance qu’on peut accorder à ses hypothèses.

« L’ancienne apocalypse pourrait se répéter»

 

Je finirai avec un jugement personnel. On a le droit d’émettre un jugement sur ce qu’on vient d’analyser aussi longuement, cela ne veut pas dire que l’on délivre une vérité définitive. Selon moi, un tel programme ne peut pas aider les spectateurs à évaluer correctement leur niveau de confiance envers les sources les plus fiables. Graham Hancock et Netflix nous apprennent à nous méfier de la science et à nous réfugier dans les bras des baratineurs. Cela ne peut pas avoir des conséquences heureuses pour l’humanité. On ne devrait jamais faciliter la production et la diffusion de tels contenus. Ils font du mal. Où sont les productions Netflix qui aideraient le public à ne pas se faire avoir pas de tels fantasmes ?

 

Boite à outil

Notre meilleur moyen d’éviter de croire n’importe quoi, c’est le questionnement. Voici les questions que je propose de se poser lorsqu’on est face à un contenu de ce type.

 

  1. L’auteur est-il un spécialiste du sujet ?
    1. [On peut être un amateur éclairé et avoir des propos de haute qualité. Mais l’avantage d’être un spécialiste qui publie des travaux scientifique c’est qu’on a la preuve que d’autres experts estiment le travail valable. ]
  2. L’auteur donne-t-il les sources de ses propos pour que l’on puisse aller vérifier les faits et la manière dont ils sont compris par les experts des domaines concernés ?
  3. L’auteur donne-t-il un avis personnel ou fait-il appel aux connaissances établies ?
  4. Le récit a-t-il une résonance idéologique ?
  5. Que disent les experts de ce travail ?
  6. Assiste-t-on à une démonstration ou à un scénario s’appuyant sur des éléments disparates ?
  7. Le récit est-il totalement cohérent ? Le choix des éléments et événements utilisés pour faire la démonstration est-il justifié ?
  8. L’interprétation des fait laisse-t-elle de la place aux hypothèses alternatives ? Explique-on pourquoi ces alternatives ne sont pas convaincantes ?
  9. La méthode permettant de mettre à l’épreuve le récit proposé est-elle soulignée, mise en avant ou au contraire disqualifiée ?
  10. L’auteur a-t-il un intérêt personnel (pécuniaire, idéologique, symbolique) à faire croire à son histoire ?
    1. Hancock a une longue et lucrative carrière d’auteur d’histoire alternative derrière lui, et il tient à promouvoir une certaine spiritualité.

Je finirai avec le conseil donné par l’archéologue John Hoopes [12] à ceux qui veulent se renseigner sur les sites anciens

« Curieusement – et je sais que les journalistes pourraient se hérisser à ce que je dis – Wikipédia est la meilleure source. Il est maintenu par des nerds, et les parges liées à l’archéologie sont maintenu par des nerds en archéologie. Les articles à ce sujet sont bons ! J’ai le sentiment qu’ils s’amélioreront encore grâce à cette série, car les gens voudront s’assurer que les informations soient là pour les téléspectateurs qui feraient des vérifications. »

 

Acermendax

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Références

[1] Il expose sa théorie à 30 min de l’épisode 1.

[2] Source : https://www.smh.com.au/world/digging-for-the-truth-at-controversial-megalithic-site-20130726-2qphb.html

[3] https://timesofmalta.com/articles/view/maltese-archaeologists-push-back-netflix-show-s-temple-claims.995910?fbclid=IwAR0HJS0S8s9TyU2Wu1o3e82yioF-GuzezEB-OvB9wu3DWei4mhaLpoMGrgw

[4] https://ahotcupofjoe.net/2022/11/graham-hancocks-ancient-apocalypse-a-review-of-episodes-three-and-four/

[5] https://actugeologique.fr/2022/12/pas-de-vestige-de-latlantide-pres-des-iles-de-bimini/?fbclid=IwAR2v15twJSQFVoFXrcDxZTFF6j09LI2kromP4yc1r9JcjdD30P5QimFXMro

[6] https://fr.wikipedia.org/wiki/Carte_de_Piri_Reis

[7] https://www.jasoncolavito.com/ragnarok-the-age-of-fire-and-gravel.html

[8] https://boingboing.net/2022/11/27/archaeologists-reveal-the-white-supremacist-nonsense-behind-netflixs-ancient-apocalypse.html

[9] http://www.saa.org/quick-nav/saa-media-room/saa-news/2022/12/01/saa-sends-letter-to-netflix-concerning-ancient-apocalypse-series

[10] https://actugeologique.fr/2022/12/pas-de-vestige-de-latlantide-pres-des-iles-de-bimini/?fbclid=IwAR2v15twJSQFVoFXrcDxZTFF6j09LI2kromP4yc1r9JcjdD30P5QimFXMro

[11] https://www.youtube.com/watch?v=Y0c5nIvJH7w

[12] Source : https://slate.com/culture/2022/11/ancient-apocalypse-graham-hancock-netflix-theory-explained.html?fbclid=IwAR3FosO7Gf3XjQc-fkw-FnZ-Z02F3KLsQb-c2aIFNKe0tyixsX78POQYTeA

 

Ressources

— Le site d’IRNA.

Une critique en Français de Ancient Apocalypse, publiée ce matin dans Le Devoir (Montréal) par un collègue, directeur du département d’anthropologie de l’Université de Montréal.

The Ancient Absurdities of Ancient Apocalypse [Slate].

Critique par des archéologues français [20 minutes]

Article sur la préhistoire de Malte. Et sur la Route de Bimini.

Pour The Guardian, il s’agit du programme le plus dangereux de Netflix.

— « Netflix’s ‘Ancient Apocalypse’ is more fiction than fact, say experts »

Enregistré à l’amphithéâtre Déléage le 12 décembre 2022.
Invité : Thomas Andrillon, chercheur à l’Inserm

 

 

Editorial

C’est bizarre cette histoire de sommeil. Il faudrait que tous les êtres humains passent entre six et neuf heures par jour allongés, silencieux, inertes, comme inconscients. Un tiers de notre vie se passe sans que nous soyons là, notre corps à la merci de son environnement. C’est obligatoire : si l’on vous prive de sommeil, vous mourez. Et c’est un peu absurde à première vue, parce cette omniprésence du sommeil, cet état de conscience diminuée, éteinte, absente, on la retrouve partout dans le monde animal. Il existe une forme de sommeil chez tous les animaux, de la marmotte à la mouche en passant par le dauphin qui est capable de faire dormir la moitié de son cerveau, puis l’autre moitié, parce que sinon il se noierait…

Certains animaux dorment par toutes petites périodes, mais ils dorment, ils se retrouvent dans un état particulier qui correspond au sommeil. Je suis comme vous, je trouve ça étonnant, je l’ai appris en préparant l’émission.

Autrement dit, le sommeil est universel. Et on devrait s’en étonner.

Le fait que nous ayons un besoin vital d’interrompre le fil de notre conscience, de notre rapport au monde ne va pas de soi. On pourrait imaginer le grand avantage que représenterait la capacité à être toujours en alerte, toujours capable de repérer une proie ou de détecter un danger ; un avantage qui devrait, en quelques dizaines de générations, favoriser grandement les lignées qui ne dorment pas, par rapport à celles qui sont obligées de le faire. Pour rendre compte des faits observés, il semble logique que le sommeil ait une fonction, qu’il représente en lui même un avantage plus grand que l’inconvénient d’interrompre sa vigilance sur le monde autour de nous.

Pourquoi les animaux, et notamment les humains dorment-ils ? En voilà une bonne question, et j’espère que nous aurons des pistes ce soir.

Mais au delà de cette question un brin philosophique qui interroge l’origine du sommeil et des rêves, nous nous attarderons sur les questions plus concrètes des troubles du sommeil. Des gens qui dorment mal, pas assez ou bien en restant fatigués quand même, nous en connaissons tous, cela affecte leur qualité de vie. Il sera intéressant de regarder quels progrès ont été faits dernièrement sur ce front.

Et puis enfin, nous discuterons des rêves, parce qu’il s’il y a quelque chose de mystérieux dans le sommeil c’est quand même bien cette production de l’esprit, ces images, ces scènes parfois très vivides, très marquantes, que notre cerveau produit sans qu’on lui demande et sans stimulation, un état qui a très longtemps inspiré beaucoup de croyance et qui continue à exciter l’imagination.

On ne va pas vous laisser comme ça, avec toutes ces questions brûlantes, nous allons avoir avec nous un chercheur du Paris Brain Institute, de l’Inserm, un biologiste spécialisé dans l’étude du sommeil qui a écrit sur les ondes cérébrales, l’imagerie, les marqueurs neuronaux, la mémoire acoustiques, la vigilance durant le sommeil et cetera.

Nous accueillons Thomas Andrillon.

Ce billet s’adresse en particulier à celles et ceux qui partagent des contenus complotistes, qui y croient plus ou moins et conspuent toute la sphère sceptique qui est à leurs yeux, ou bien corrompue ou bien une bande d’idiots utiles du pouvoir. Si ça ne vous dérange pas, je vais vous appeler complotistes.

 

Petite parenthèse le complotisme ce n’est pas un mot qu’on balance à la tête de quelqu’un qu’on n’aime pas, c’est un concept précis, utilisé par les chercheurs et qui désigne une forme de rhétorique ou de raisonnement où l’on pose comme prémisse l’existence d’un complot ; on en est sûr, on n’en doute pas. Et déploie ensuite tout un argumentaire qui finit par confirmer cette certitude dont il n’était de toute façon pas question de douter. C’est pour ça que l’expression théorie du complot est embêtante : en réalité il n’y a pas de théorie, il a une croyance.

 

Seconde parenthèse. Les complots existent. Et tous les complots découverts, dénoncés et punis à travers l’histoire n’ont jamais été prouvés par des complotistes. Soit ils ont été éventés par les comploteurs eux-mêmes parce qu’un secret c’est dur à garder, soit ils ont été mis au jour par des gens qui enquêtent, qui prouvent, qui travaillent avant de dire qu’ils savent.

 

La dernière fois que je me suis adressé à vous, chers complotistes, plus spécialement aux antivax parmi vous, pour dire à quel point je vous trouve cons, j’ai reçu beaucoup d’insultes en commentaire. J’en ai tiré une leçon : vous écoutez quand on vous parle, au moins un peu frontalement. Et déjà je vous en félicite, sincèrement. Écouter ce que pensent ceux qui nous critiquent est crucial. Ça ne veut pas dire qu’on va tomber d’accord, mais au moins on est ouverts.

 

Aujourd’hui je voudrais vous expliquer comment on vous voit, depuis ici. Je peux avoir tort dans ma perception, mais ma perception, je la connais et je ne peux pas me tromper quand je décris ce que vous m’inspirez. Attention, vous pourriez être surpris.

 

  • Quand vous prenez la parole, vous voulez exprimer votre individualité. Vous vous dressez contre un monde injuste et brutal dans lequel vous ne recevez pas ce que vous pensez mériter. Vous vous investissez d’une sorte de mission.
  • Vous souhaitez vous connecter avec des gens qui pensent comme vous, qui cherchent une autre réalité que ce qu’on nous sert dans les grands médias.
  • Vous vous méfiez de ceux qui ont l’air de défendre des vérités verticales, qui s’expriment avec des formules toutes faites, qui prétendent avoir raison parce qu’ils représentent une autorité.
  • Vous avez tendance à détester un peu vite les gens qui vous contredisent, à croire sans prudence les histoires négatives qui les concernent, à traiter le camp d’en face comme s’ils étaient tous interchangeable, tous coupables, tous malhonnêtes.

 

Voilà quatre choses que m’inspirent les complotistes. Ces quatre jugements, vous devriez les recevoir sans vous sentir insultés parce que je pense exactement la même chose des sceptiques et zététiciens (relisez pour voir !). Ces quatre caractéristiques, je les retrouve chez les complotistes comme chez les sceptiques militants. Cela veut-il dire que ces deux groupes font la même chose ? Non.

 

L’un des traits les plus problématiques de notre espèce, c’est le tribalisme, la pensée de groupe. C’est la rançon de notre sens étroit de la coopération en petite équipe, ce qui est le secret de notre réussite évolutionnaire en tant d’humains. Dans un millénaire où nous devons collaborer par millions, sans mise à jour de notre cerveau, évidemment on se retrouve face à gros chantier.

 

Chers complotistes, je ne vous connais pas, mais je pense que vous valez mieux que le conneries que vous partagez, que vous dites, et que vous pensez peut-être ; comme je sais que les sceptiques valent mieux qu’ils donnent d’eux, parce qu’ils ne sont pas toujours à la hauteur (moi non plus) des principes émancipateurs qu’ils défendent.

Chers complotistes, vous êtes en bonne partie semblables aux sceptiques, nous avons des qualités et des défauts communs. Il nous manque certainement des qualités, de la culture, du courage, du vécu, de la mise en pratique… Mais il vous manque à coup sur de la métacognition, de la méthode, de la logique. Si on s’écoutait ça se passerait mieux. Mais on ne s’écoute pas. On ne s’écoute pas parce que nous voyons l’autre comme un ennemi. Je considère que le voir comme un con est un peu moins grave, mais ça ne résout rien.

 

Chers complotistes. Vous êtes en colère. Une partie de cette colère est légitime ; une autre est cultivée par des gens qui existent à travers vous. Vous êtes dégoûtés par l’état du monde, par la concentration des pouvoirs, par la brutalité du gouvernement. Moi aussi.

Mais le problème du complotisme c’est que votre mouvement informe incite à croire tous les récits ulcérants agités par des personnages qui font profession de surfer sur votre indignation pour se payer une carrière politique. Le complotisme colporte toutes les Fake news qui s’attaquent au pouvoir dans l’espoir que ça va lézarder le système, mais en réalité ça n’aboutit qu’à créer de la confusion alors que nous avons tous besoin de savoir distinguer ce qui est vrai de ce qui est faux pour pouvoir nous débarrasser des menteurs et des hypocrites.

« Moi j’aime pas trop les voleurs et les fils de pute. »

 

Je n’ai rien de personnel contre vous. Et en réalité vous non plus, parce qu’on ne se connait pas, et parce que vous n’êtes statistiquement pas aussi cons que les antivax sur lesquels je m’énervais la dernière fois et  qui vociféraient des horreurs en bas de chez moi. Le problème, c’est que vous vous sentez insultés dès qu’on vous dit que vous êtes complotiste. Et, du reste, certains utilisent ce mot comme une insulte ; nous seront peut-être d’accord pour dire que ceux là se comportent comme des cons.

 

Le complotisme existe, c’est une mauvais manière de raisonner, de militer, d’affirmer savoir ce qu’on ne sait pas,  de déshumaniser l’adversaire et de donner du pouvoir à des manipulateurs un peu tarés qui croient au satanisme ou à des pervers qui ne croient qu’à leurs propres ambitions. Les leaders du complotismes n’ont aucune solution. Ils n’en cherchent pas : ils tirent profit du merdier qu’ils entretiennent, ils ont un intérêt personnel à vous voir en colère, dégoutés, révulsés par les histoires fausses qu’ils agitent sous votre nez.

Des scénarios qui circulent dans la complosphère, on peut presque toujours dire : « Si c’est vrai, c’est très grave ». Et quand on n’est pas con, on veut d’abord vérifier si c’est vrai avant de hurler partout que c’est très grave.

Le nazisme, par exemple, est une idéologie complotiste. Sauf que ce qui était vraiment grave c’était la haine générée par les scénarios complètement fous des propagandistes. Si une histoire absolument révoltante de complot meurtrier impliquant des milliers de scientifiques, techniciens, ingénieurs et fonctionnaires œuvrant à dépeupler la planète vous prend aux tripes et vous donne envie de tout casser parce que c’est pas possible de vivre dans un monde pareil… Rappelez vous que, peut-être, en effet, c’est « pas possible », qu’on a vu dans l’histoire des manipulations de masse qui exploitent la colère, et de cette mise en garde attribuée à Voltaire : « Ceux qui peuvent vous faire croire à des absurdités peuvent vous faire commettre des atrocités ».

 

Chers complotistes, enfin, je tiens à vous dire que votre cerveau est très probablement en parfait état de marche, que vous disposez d’un accès internet pour vérifier les infos que vous recevez et que le complotisme n’est pas votre identité, vous avez le droit de changer d’avis. On a du côté des sceptiques pas mal de gens qui ont cru à ce que vous croyez.

Chers sceptiques, vous savez le bien que je pense de vous. Attention à notre propre tribalisme, à la tentation d’une pureté militante qui nous pousserait à rabaisser les autres. Essayons de nous rappeler ce que nous avons en commun et que si la bienveillance est importante pour parler aux tenants-croyants de théories farfelues, elle ne devient pas subitement une option superflue quand on discute entre nous.