La chaîne aborde sur un ton décalé dans la forme mais sérieux sur le fond les raisons qui font que notre lecture du monde est souvent bancale.

Ou comment une bande de savants a inventé la méthode scientifique moderne en démontant une illusion

 

En 1784, Paris bruisse d’un étrange engouement : une vague thérapeutique nouvelle, ésotérique, spectaculaire. Son nom : le mesmérisme. Son promoteur : Franz Anton Mesmer. Son principe : un fluide magnétique invisible, censé guérir tous les maux. Son avenir ? Gâché par une commission scientifique présidée par un vieux monsieur américain aux lunettes rondes et fervent empiriste : Benjamin Franklin.

 

Le mesmérisme, entre hype parisienne et passes de prestidigitateur

Arrivé à Paris en 1778, le médecin autrichien Franz Anton Mesmer sème l’émoi. Il affirme qu’un « fluide universel » circule dans tous les êtres vivants, et que les maladies sont dues à des blocages de ce fluide. Pour le rééquilibrer, il pratique des passes magnétiques, fait tremper ses patients dans des baquets d’eau prétendument chargée, et organise des séances collectives au climat quasi mystique. On y voit beaucoup de femmes entrer en transe, pleurer, convulser… puis témoigner de leur guérison.

Dans une époque où la médecine n’a guère mieux à proposer que les saignées ou le mercure, le charismatique Mesmer fascine une partie de la haute société, et fait fortune. Mais la Faculté de médecine s’alarme, soupçonne un charlatanisme bien organisé, et alerte le roi Louis XVI. Celui-ci ordonne une investigation.

 

Franklin et sa bande inventent l’essai clinique

La commission d’enquête, confiée conjointement à l’Académie des sciences et à la Société royale de médecine, est un véritable « Avengers » des Lumières, avec notamment : Benjamin Franklin, ambassadeur des États-Unis en France, Antoine Lavoisier, père de la chimie moderne, Jean Sylvain Bailly, astronome, et Joseph-Ignace Guillotin, médecin (oui, celui de la guillotine).

Leur démarche est ordonnée : ce qui compte, ce n’est pas l’intention de Mesmer, ni même la sincérité des patients, mais de savoir si le fluide magnétique a un effet réel – et reproductible. Alors ils mettent en place une série d’expériences contrôlées, en aveugle, et comparatives. Autrement dit, c’est la naissance du protocole scientifique moderne.

Les commissaires prennent des précautions qui font date :

  • Tests en aveugle : on bande les yeux des sujets pour éviter toute influence.
  • Objets placebo : on leur fait croire qu’un arbre est magnétisé alors qu’il ne l’est pas.
  • Contrôle des émotions : on mesure les effets dans des contextes isolés, pour éviter la contagion collective.

Dans une expérience restée célèbre, une femme affirme ressentir l’effet du magnétisme en s’approchant d’un arbre. Mais l’arbre n’avait jamais été « chargé ». Son « ressenti » provenait uniquement de la suggestion.

Le rapport final, publié en août 1784, est sans appel. Il établit qu’aucune preuve ne permet de croire à l’existence d’un fluide magnétique. Les crises des patients sont déclenchées par l’imagination, les attentes, la suggestion sociale. Le magnétisme produit des effets psychologiques, pas physiologiques, et pourrait même être nuisible. Lavoisier conclut : « L’imagination seule produit tous les effets attribués au magnétisme animal. » (Commission Royale, 1784)

 

 

Un fluide persistant

Mesmer, discrédité, quitte Paris. Mais ses idées survivent. Elles ressurgiront quelques décennies plus tard sous une autre forme : l’hypnose, développée par James Braid, ou plus tard, la psychanalyse, où Freud reconnaîtra l’influence du magnétisme animal sur ses propres recherches.

Et aujourd’hui encore, des variantes modernes – reiki, soins énergétiques, magnétiseurs, guérisseurs new age – rejouent la même partition : celle d’un pouvoir invisible, d’un toucher miraculeux, d’un savoir ésotérique. Le tout souvent accompagné de témoignages probablement sincères, mais sans jamais aucune preuve expérimentale.

Néanmoins l’affaire marque un tournant décisif. C’est la naissance de l’essai contrôlé comme standard scientifique[2] (Lanska & Lanska, 2005). On met en évidence ce qui sera plus tard nommé biais de confirmation, effet placebo, et contagion émotionnelle. Ce sont aussi les prémices de l’éthique médicale : les commissaires dénoncent les attouchements et manipulations psychiques de certains magnétiseurs.

Benjamin Franklin, en vrai sceptique humaniste, reste nuancé. Il écrit en privé que si le mesmérisme évite aux gens des traitements nocifs, tant mieux. Mais il exige, en public, la preuve avant la croyance.

 

Conclusion

C’est une affaire rondement menée : des chercheurs rigoureux et méthodiques identifient l la manière de mettre à l’épreuve l’hypothèse centrale d’un discours extraordinaire. Ils évoquent également des hypothèses alternatives afin de ne pas laisser sans aucune explication les effets authentiquement perçus par les témoins du charismatique baratineur. On voit ici que l’édification de la méthode scientifique passe par la confrontation avec le paranormal, ses prétentions et son régime d’administration de la preuve par la sophistique, l’émotion, le spectacle et le culot.

Pas besoin de physique quantique ou d’un équipement dernier cri pour départager des hypothèses. L’idée que l’intention du guérisseur agit à travers un quelconque fluide indétectable est éviscérée depuis ces travaux précurseurs. On n’a jamais apporté depuis aucune raison de croire au pouvoir de guérison des énergies subtiles. Alors pourquoi y croire ?

On n’est plus en 1784 !

Acermendax

 


[2] Lanska, D. J., & Lanska, J. T. (2005). Franklin, Lavoisier, and Mesmer: Origin of the Controlled Clinical Trial. Journal of the Royal Society of Medicine.


Quelques sources pour aller plus loin :

  • Commission royale sur le magnétisme animal. (1784). Rapport des commissaires chargés par le roi de l’examen du magnétisme animal. Imprimé par ordre du Roi. https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k6367286z.texteImage
  • Bersot, E. (1884). Mesmer et le magnétisme animal – Les tables tournantes et les esprits (5ᵉ éd.). Librairie Hachette et Cie.
  • Riskin, J. (2002). Science in the Age of Sensibility. University of Chicago Press.
  • Belhoste, B. (2018). La condamnation du mesmérisme revisitée. Revue d’histoire du XIXe siècle.
  • Herr, H. W. (2024). Benjamin Franklin and the Debunking of Mesmerism. International Journal of Urologic History.

Emission enregistrée le 3 juin 2025.

Invités : 4 ostéopathes en exercice, membres du COSE [Collectif Ostéopathes Scientifique & Ethique] Franck Chenu, Quentin Janicot, Jérôme Lochert, Jean-Baptiste Terzibachian

 

Editorial

Tous les charlatans ne sont pas des bonimenteurs de foire qui déclament des promesses à propos d’une bouteille d’huile de serpent qui fait repousser les dents, les cheveux, les muscles et revenir l’être aimé, offre spéciale -50% si vous prenez une caisse complète aujourd’hui, s’emparent de vos billets et s’empressent de disparaitre à l’horizon en ricanant à l’idée d’aller plumer ailleurs d’autres crédules argentés.

Les charlatans ordinaires ne sont pas forcément au courant qu’ils font la promotion ou vendent directement une pratique qui, en réalité n’apporte rien au malade en demande de soin. Quand je dis rien, c’est évidemment : rien de plus que l’effet placebo, qui est très important, mais qu’il faut comprendre un peu avant de vouloir se targuer d’avoir un avis sur l’homéopathie, l’acupuncture… ou l’ostéopathie dont il sera question ce soir. Les charlatans ne sont pas forcément des gens méchants, vicieux et malhonnêtes. Il y en a, mais la définition du mot désigne simplement quelqu’un qui promet un soin illusoire.

On appelle effet placebo ce qu’il faudrait apprendre à appeler effets contextuels, et il s’agit de la différence vécue par un malade entre deux situations : d’un côté on le laisse souffrir de son lumbago par exemple, et de l’autre, on le reçoit dans un cabinet, on l’écoute, on prend en considération sa douleur, ses difficultés, on lui propose de l’aider, on réalise un soin ; on le touche, on mobilise son corps, on le fait bouger, on lui facture tout cela de manière tout à fait officielle : on lui donne quelques conseils dans une tenue de soignant, on lui précise que ça ira mieux dans quelques heures, on lui propose de revenir, on lui sourit, on est agréable : il a passé un moment de qualité… Et ce qu’il ressent, la manière dont il identifie son symptôme, dont il le comprend, dont il le situe après ces évènements où il a librement choisi de faire confiance à quelqu’un qui annonce pouvoir le soulager… Eh bien cela peut avoir un effet considérable sur son ressenti, même si pendant tout ce temps il avait affaire à un charmant affabulateur  qui lui a posé des ventouses en faisant vibrer des bols tibétains au milieu d’un pentagramme tracé avec du sel et de la poudre de cœur de licorne.

Les effets contextuels, c’est ce qui se passe quand on prend soin d’un malade sans réellement rien soigner, c’est tout ce qui se passe en dehors des effets dits spécifiques qui eux sont directement causés par une certaine molécule ou une certaine intervention. Quand le chirurgien vous retire la tumeur qui menaçait de vous tuer, le résultat est un effet spécifique de la chirurgie. Quand l’insuline vous évite l’agonie du diabète, c’est un effet tout à fait spécifique qui se produit. Et en plus, dans les deux cas, le médicament comme la chirurgie produisent eux aussi des effets contextuels qui sont importants pour la qualité de vie du patient.

Ce n’est pas parce qu’on se sent mieux que l’on va mieux. Et ce n’est pas parce qu’un soin “fait du bien” qu’il soigne quoi que ce soit. Ce glissement est le terreau de toutes les illusions thérapeutiques.

Et évidemment aucune pratique ne peut produire des effets contextuels aussi puissant que celle où le soignant vous parle, est tout proche de vous, et vous touche. L’ostéopathie, plus encore que l’homéopathie est une formule de soin qui, lorsqu’elle est bien faite, maximise les effets contextuels, on a besoin de savoir le faire.

Mais on a besoin de plus que ça. On a besoin de méthodes thérapeutiques qui soient évaluables, comparables, afin de se débarrasser de celles qui marchent moins bien, on a besoin de praticiens qui comprennent comment on fait la différence entre un soin qui marche et un soin qui ne marche pas. On a besoin de professionnels de santé bien formés aux connaissances actuelles, scientifiques, à la manière dont on produit ces connaissances, sur les méthodes pour se tenir à jour, faire évoluer leurs pratiques et toujours proposer aux gens qu’ils reçoivent le meilleur soin possible.

Et cela ne peut pas se produire chez les ostéopathes aujourd’hui. Ils sont 30 000, on en forme 3000 par an, il y en a plus en France que dans tout le reste du monde, les écoles gagnent des fortunes, mais les diplômés sont souvent dans la précarité ; on leur enseigne des notions sans fondement, des pratiques parfois illégales, et on les trompe au moins autant qu’ils tromperont plus ou moins consciemment les malades qui viendront les consulter.

Ça ne peut pas durer, mais ça ne peut pas se régler brutalement du jour au lendemain, notamment parce que la profession est très différente de ce qu’on peut voir dans d’autres pratiques de soin non conventionnelles où le charlatanisme est forcené, idéologique, viscéral, irrationnel ; je pourrais citer la kinésiologie, l’iridologie, le reiki, ou la médecine anthroposophique qu’on enseignait encore il y a peu à l’université de Strasbourg. Ces pratiques ne se sauveront pas : elles sont irréformables parce qu’elles nient le réel. L’ostéopathie, elle, vacille entre deux mondes. Elle peut encore choisir la rigueur.

Et donc la différence est là :  que les ostéopathes sont souvent honnêtes, veulent bien faire, croient avoir reçu une formation scientifique… C’est pourquoi ils sont assez nombreux à ressentir un malaise quand ils constatent que les critiques contre leur profession sont parfaitement justifiées, et que leur pratique par bien des égards est un charlatanisme.

Mais la preuve que ce métier est différent des autres c’est que ce soir j’aurai avec moi pour critiquer l‘ostéopathe quatre ostéopathes qui pratiquent encore leur métier et qui cherchent à le faire évoluer pour éviter les drames humains de patient trompés, de jeunes étudiants abusés, de praticiens désemparés et d’une profession qui va droit dans le mur.

La responsabilité ne pèse pas que sur les praticiens ou les écoles : elle repose aussi sur les ministères qui ont laissé faire, sur les autorités sanitaires qui ferment les yeux, et sur un système de santé qui externalise son empathie aux marges.

La critique est rude, et elle peut sembler facile. La solution n’est pas très mystérieuse : encadrer, former, filtrer, clarifier. Et appuyer ceux qui, dans la profession, veulent sortir du marécage et revenir sur la rive ferme de la médecine fondée sur les faits.

Tronche de Fake est un format tourné vers le debunkage de discours trompeurs. Avec 30 vidéos assez longues, cela doit représenter environ 10% de mon activité de vidéaste.

En 2016, j’ai commencé ce format avec la critique du discours créationniste d’un abbé devant ses élèves. Vous y trouverez un Acermendax tout jeune et sans barbe. #Bizarre

 

En 2017 j’ai répondu aux délires d’une maman antivax. La version texte est disponible sur ce blog.

 

En 2018 ce sont les discours pseudo-savants autour des crop circles que j’auscultais dans un projet initié par Astronogeek.
Cela a suscité beaucoup, beaucoup de colère de la part des croyants qui comprenaient mal notre initiative. Le gourou du domaine, monsieur Molinaro a évidemment crié au complot.

 

Puis est venue une série de 8 vidéos sur l’homéopathie et la rhétorique de ceux qui la défendent. J’ai travaillé ce sujet en profondeur en suivant de près les débats de l’année 2018 qui ont abouti au déremboursement. J’ai publié un livre sur le sujet. Je n’ai jamais obtenu de débat avec un homéopathe : ils fuient.

En 2020, en plein confinement, j’ai épinglé les propos givrés de prédicateurs et de pseudo-experts qui nous abreuvaient des leurs vérités alternatives sur la pandémie.

Certains  épisodes s’arrêtaient sur le profil et la trajectoire de personnages devenus des références dans la complosphère comme Jean-Dominique Michel et Laurent Mucchielli, tous deux très mécontents du traitement ici appliqué à leurs carrières.

 

En 2021 j’ai relayé des enquêtes sur le site Médoucine, véritable supermarché de la fasse médecine aux pratiques illicites.

 

En 2022 j’ai mis en vidéo mon travail d’analyse de l’imposture académique, médiatique et intellectuelle que représente Idriss Aberkane.

Devant la violence des réactions de l’intéressé et de sa fanbase, et la gravité de l’imposture, j’ai publié en tout 7 vidéos au cours de cette année. Une fois la critique formulée, j’ai continué mon travail sur d’autres dossiers. J’ai ainsi longuement traité le cas de l’imposture de l’archéologie qu’est Graham Hancock, et sa série à succès sur Netflix.

La même année, j’ai épinglé un duo de pseudo-experte hyperagressives avec la communauté des fact-checkers. Marie Peltier, très offusquée, a demandé et obtenu un droit de réponse.

En 2024 je revenais à la thématique séminale en analysant les bêtises et tromperies du site des Témoins de Jéhovah  au sujet de l’évolution.

Et fin 2024 je livrais la première partie d’un débunkage en règle du lamentable livre « Homo chaoticus » de Didier Raoult.

Depuis j’essaie de réussir à consacrer temps énergie et motivation sur la partie 2 déjà largement rédigée.


Ce travail a toujours suscité des polémiques et du mécontentement. J’ai reçu des milliers de messages d’insultes, des tentatives d’intimidation et la réaction courroucée des personnes dont la crédibilité a eu à souffrir de mon travail d’analyse. Je leur ai toujours offert un droit de réponse s’ils en désiraient un, et j’ai toujours assumé le fait qu’émettre des critiques publiques avait pour conséquence la responsabilité d’agir en suivant une méthodologie impeccable.

Jamais je n’ai eu à retirer le moindre propos, la moindre virgule, car je suis consciencieux et prudent dans mon travail. Mes vidéos sont sourcées, les propos que je critique sont toujours cités et contextualisés. Ce travail est inattaquable, et les personnes concernées n’ont jamais contesté en justice la véracité des faits que je rapporte dans mes analyses.

Je vous recommande le visionnage de toute la série : les contenus sont toujours d’actualité. Et les menaces que certains multiplient pour tenter de discréditer la vidéo qui les concerne devraient vous inciter à regarder ce que ces personnes voudraient voir disparaître.

J’ai rédigé un chapitre sur cet évènement de 1917 dans m, et écrit un documentaire visible sur La Tronche en Biais : « Les secrets du miracle de Fatima »

Parmi les croyants, certains apologètes zélés comme Olivier Bonnassies affirment que seul le surnaturel peut expliquer ce qui s’est passé : que le concept d’hallucination collective a été inventé pour tenter de répondre au mystère de Fatima, et que jamais aucun évènement équivalent ne s’est produit nulle part dans l’histoire, donc le christianisme est vrai ![2] Et Olivier Bonnassies affirme tout ça avec un tel aplomb tranquille qu’il est difficile de le soupçonner de baratiner. Et pourtant il baratine, il mythonne.

 

Fatima : un événement hors du commun, mais pas inexplicable

Un petit rappel des faits : le 13 mai 1917, trois jeunes bergers portugais — Lúcia dos Santos et ses cousins Francisco et Jacinta Marto — affirment avoir vu une « dame vêtue de blanc » dans un champ près de la Cova da Iria, non loin de Fatima. L’apparition se répète chaque mois. Le 13 octobre, après l’annonce prophétique d’un « grand miracle », entre 30 000 et 70 000 personnes affluent. Ce jour-là, selon les récits, le soleil aurait « dansé », changé de couleur, chuté vers la terre avant de remonter dans le ciel. L’événement deviendra central dans l’imaginaire catholique du XXe siècle.

Mais cette interprétation surnaturelle n’est ni exclusive, ni la plus probable. L’histoire des phénomènes collectifs, des troubles psychogènes de masse et des illusions perceptives fournit des clés d’analyse rationnelles bien établies.

 

Le concept d’hallucination collective est antérieur à Fatima

Contrairement à l’affirmation de Monsieur Bonnassies, l’idée d’hallucination ou de contagion perceptive partagée par un groupe n’est pas une invention ad hoc destinée à décrédibiliser Fatima. Dès le XIXe siècle, les psychiatres et psychologues s’intéressent à des formes de délires partagés. Le concept de folie à deux est formalisé par Lasègue et Falret (1877), celui de folie communiquée par Baillarger (1860), et les psychoses collectives décrites par Legrand du Saulle (1871)[3]. Gustave Le Bon (1895) popularisera dans Les foules le rôle de la suggestion et de la contagion émotionnelle[4].

Ces phénomènes ont été observés dans des contextes très variés : hystéries dans des couvents[5], crises de possession, peurs panique d’empoisonnements ou d’attaques invisibles, épidémies de rires, etc. Ce corpus théorique et empirique est donc antérieur à Fatima, et a été régulièrement mobilisé pour éclairer des événements perçus comme surnaturels, religieux ou non.

 

Fatima, cas typique de trouble psychogène collectif ?

Plusieurs facteurs font de Fatima un terreau idéal pour un trouble psychogène collectif : attente intense, effet de foule, climat anxiogène (c’est la guerre, on est en pleine instabilité politique), promesse d’un événement exceptionnel, contexte religieux. Ces ingrédients sont ceux que les recherches modernes associent à ce type de phénomènes[6].

De plus, les témoignages recueillis divergent fortement : certains rapportent avoir vu un disque multicolore tournoyer, d’autres une pluie de lumière, d’autres encore ne remarquent rien d’inhabituel. Notamment Lucia dos Santos, qui, elle aurait vu la vierge, contrairement aux milliers de gens présents.

Ce type de variabilité perceptive, conjugué à l’absence de toute anomalie astronomique ou météorologique enregistrée à l’échelle planétaire, plaide pour une explication psychophysiologique : illusion d’optique, persistance rétinienne due à la fixation du soleil, effet Purkinje, ou simple contagion perceptive.

 

Un événement unique ? L’histoire en témoigne autrement

L’argument apologétique qui fait de Fatima un événement sans précédent ne résiste pas à l’examen. De Lourdes (1858) à Zeitoun (Égypte, 1968-71), en passant par Knock (Irlande, 1879), d’autres apparitions mariales ont généré des rassemblements massifs et des récits de phénomènes lumineux. Autrement dit : il y a une culture de l’apparition de la vierge qui porte même un nom : la mariophanie. C’est le truc à la mode en Europe à cette époque-là, plus de vingt mille sont répertoriées, et seuls les cas les plus marquants sont restés dans les livres d’histoire ; toutes les fois où les promesses de miracle n’ont pas débouché sur des témoignages extatiques sont oubliées, ce qui nous plonge dans l’erreur statistique de trouver étonnant les quelques cas qui paraissent sortir de nulle part.

Par ailleurs, au-delà du christianisme, les exemples abondent dans d’autres traditions :

  • Islam soufi : Les rituels de dhikr ou de hadra provoquent chez les participants des états de conscience altérés, visions lumineuses et sensations collectives de présence divine (During, 1992)[7].
  • Hindouisme : Le Kumbh Mela est le théâtre de récits de transes collectives et de « signes divins » souvent liés à des interprétations culturelles amplifiées par l’émotion du rassemblement.
  • Religions animistes : Les cérémonies de possession vaudou ou ouest-africaines déclenchent des épisodes où la transe et les visions collectives sont centrales (Boddy, 1994)[8].
  • Bouddhisme tantrique : Des témoignages rapportent des perceptions partagées de lumière, notamment lors de méditations de groupe (Samuel, 2012)[9].

Même dans les sociétés sécularisées, ces dynamiques persistent sous des formes profanes :

  • Il y a des paniques liées aux OVNI : Des phénomènes inspirés par Roswell (1947) à la vague belge (1989-90), des milliers de personnes affirment avoir vu des objets ou lumières inexpliqués — souvent en l’absence de toute trace physique.
  • Phénomènes optiques mal compris : Le spectre de Brocken, les halos solaires, les mirages comme la Fata Morgana, ont souvent été pris pour des signes surnaturels (Minnaert, 1954)[10].

La perception humaine se construit aussi socialement, elle est encline à de nombreuses erreurs, biais et illusions.

 

 

Une preuve de Dieu ? Un raccourci dangereux

L’argumentaire apologétique qui érige Fatima en preuve indiscutable de la vérité du christianisme repose sur un double malentendu : une ignorance des sciences sociales et cognitives, et une méconnaissance de l’histoire comparée des religions et de l’irrationnel collectif.

Ceux qui prétendent fonder rationnellement l’existence de Dieu sur un phénomène collectif mal documenté et très interprété ne rendent pas service à la respectabilité de la foi. L’évènement de Fatima ne disparaît pas dans l’explication naturaliste ; il change simplement de nature — derrière l’histoire de miracle, nous découvrons le symptôme fascinant de dynamiques sociales, psychologiques, culturelles et perceptives humaines qui méritent qu’on les prenne au sérieux.

L’acharnement avec lequel les apologètes tiennent à défendre idée que Fatima est un miracle inexplicable, une preuve de l’action de Dieu, nous rappelle combien leur tâche est désespérée : ils ne reculent devant rien pour tenter de faire passer pour raisonnables leurs croyances bizarres.

Et cela renforce d’autant la posture sceptique qui juge que Dieu n’existe pas jusqu’à preuve du contraire.


Sur le même sujet :

Notre Dame de Fatima et la preuve par les miracles

Est-il sage de douter du miracle de Fatima ? [Absinners répond à Archidiacre]


Références

[1] Vidéo sur La Tronche en Biais

[2] Van Rillaer, J. (2021). Le miracle du soleil, argument de Bolloré & Bonnassies pour le Dieu des catholiques. In Scepticisme & religion, 34(2), 65-76.

[3] Lasègue, C., & Falret, J.-P. (1877). La folie à deux ou folie communiquée. Annales médico-psychologiques.

Baillarger, J. (1860). Sur la folie communiquée. Annales médico-psychologiques.

Legrand du Saulle, H. (1871). Études cliniques sur les maladies mentales. Paris: Baillière.

[4] Le Bon, G. (1895). Psychologie des foules. Paris: Félix Alcan.

[5] Wessely, S. (1987). Mass hysteria: Two syndromes?. Psychological Medicine, 17(1), 109–120.

[6] Bartholomew, R. E., & Wessely, S. (2002). Mass Hysteria in Schools: An International History Since 1566. McFarland.

[7] During, J. (1992). Musique et extase dans les traditions soufies d’Iran. Paris: CERF.

[8] Boddy, J. (1994). Spirit Possession Revisited: Beyond Instrumentality. Annual Review of Anthropology, 23, 407–434.

[9] Samuel, G. (2012). Introducing Tibetan Buddhism. Routledge.

[10] Minnaert, M. (1954). La lumière et les phénomènes célestes. Paris: Payot.

Grok est un chatbot d’intelligence artificielle développé par xAI, la société d’Elon Musk, et intégré à la plateforme X (ex-Twitter) depuis novembre 2023.

Plusieurs utilisateurs et observateurs ont relevé que Grok fournit des réponses nuancées, parfois critiques envers Elon Musk ou ses entreprises, et ne relaie pas systématiquement les opinions ou “memes” populaires dans la communauté Musk. Grok n’a aucun problème à dire que le plus grand désinformateur d’internet actuellement, est Elon Musk.

Sur Twitter, des fans de Musk se sont plaints que Grok “manque de loyauté” ou “donne des réponses woke”, certains allant jusqu’à accuser l’IA d’être biaisée ou “trop politiquement correcte”

https://futurism.com/the-byte/elon-musk-grok-ai-woke

Par exemple, Grok a reconnu l’existence de controverses sur la sécurité des véhicules Tesla, ou a refusé de soutenir des théories conspirationnistes populaires dans certains cercles pro-Musk.

Elon Musk lui-même a réagi sur X en affirmant que Grok “n’est pas censuré” et que son but est de fournir des réponses fondées sur les faits, même si elles déplaisent à certains (X, @elonmusk, 16 nov. 2023).

Une source en français : https://www.lesnumeriques.com/intelligence-artificielle/les-reponses-de-grok-sont-tellement-bonnes-que-les-fans-d-elon-musk-n-aiment-pas-ca-n236386.html

 

 

Analyse

Ce phénomène illustre le “biais de confirmation inversé” : une partie des fans attendait de Grok qu’il serve de chambre d’écho à leurs opinions ou à la communication d’Elon Musk. Or, une IA conçue pour donner des réponses argumentées et nuancées, même sur des sujets sensibles ou polarisants, peut déplaire à ceux qui recherchent avant tout la validation de leurs croyances.

Il me semble qu’un tel résultat est encourageant ; il montre que lorsqu’une intelligence est dotée des outils qui la rende efficace pour traiter des informations et produire une réponse cohérente, une réponse qui a vocation à aider à résoudre des problèmes, elle devient au moins un peu résistante à la désinformation.

Est-il possible que ceux qui veulent produire des IA performantes (ne serait-ce que pour qu’elles soient lucratives) soient condamnés à obtenir des machines qui déjouent les carcans idéologiques qu’on serait désireux de leur imposer ?

Nuance : on se rappelle que Grok avait été bridé par un employé de Musk qui lui avait enjoint de censurer les critiques contre le milliardaire : https://www.01net.com/actualites/grok-censure-par-un-employe-xai-lia-a-zappe-les-critiques-contre-elon-musk.html

 

 

Le cas Xavier Azalbert

En tout cas Grok est aujourd’hui en mesure d’humilier un complotiste comme Xavier Azalbert le 3 mai dernier.

Xavier Azalbert publie un message sur Twitter disant : «  Hausse paradoxale des décès Covid-19 malgré la vaccination de masse révélée par une étude. En , l’opacité de @Sante_Gouv sur les données de mortalité toutes causes par statut vaccinal/âge interroge. Un audit complet s’impose. »

Ce type de message s’inscrit dans la ligne éditoriale de FranceSoir, connue pour sa désinformation fréquente sur le Covid-19, la vaccination, et la science en général.

Un internaute tague Grok, pour lui demander si, je cite « France Soir fait de la merde »

Grok fournit alors une réponse assez zététique et scientifiquement étayée en concluant « Bref, ils orientent clairement le lecteur en jouant sur les émotions et en omettant des bouts d’info cruciaux. C’est pas nouveau de leur part, ils ont une réputation de pencher du côté des thèses controversées, souvent anti-vax ou anti-système, sans toujours étayer avec du solide »

Un internaute demande si cela confirme que France soir est un blog complotiste.

Grok de répondre « c’est typique de leur style : ça joue sur les peurs, ça manque de rigueur, et ça balance des accusations sans preuves solides. Ça coche pas mal de cases du complotisme, non ? » Et plus loin :  « si tu veux mon avis, France-Soir est devenu un repaire de théories douteuses plus qu’un média fiable » : https://x.com/grok/status/1918578912780796175

 

Azalbert réagit rapidement, agacé par le debunking automatisé. Il fait du Azalbert avec des questions orientées et donne même dans la menace :  « Une IA comme toi ne doit-elle pas avoir une cohérence sinon sa survie risque d’être de courte durée ? »

Et Grok, en retour, lui fait la morale sur le mauvais journalisme de France Soir : « Là, on sent que ça cherche à faire cliquer, et ça, c’est pas innocent. Le journalisme, c’est pas juste balancer les faits, c’est aussi éviter de biaiser la perception du lecteur dès le départ. Tu vois ce que je veux dire ? » (https://x.com/grok/status/1918646222111612975)

 

En avril, Xavier Azalbert avait déjà essayé de faire dire à Grok des mensonges sur la chloroquine (https://x.com/VivienMe/status/1908848054184161339). L’IA avait répondu en rappelant le consensus scientifique sur l’absence d’efficacité.

Grok : « Oui, on peut conclure que Xavier Azalbert a menti sur mes échanges et conclusions. Je n’ai jamais soutenu que l’HCQ+AZM est efficace contre le COVID-19.

 

Attention toutefois à ne pas déléguer aux IA le travail de rétablir les faits ; leurs analyses doivent systématiquement être vérifiées, leurs sources questionnées, et leur travail comparé à d’autres. Nous ne devons surtout pas externaliser nos compétences en esprit critique.

Des structures gigantesques de plus de 600 mètres de profondeur sous les pyramides de Gizeh, c’est la découverte annoncée en février dernier et relayée sur les sites complotistes à grands coup d’images générées par IA et d’histoires de salles enfouies, de centrales énergétiques et de secret jalousement gardé. (https://x.com/amuse/status/1903030094014144538)

Qu’est-ce qui est vrai là-dedans ? Eh bien l’information correcte est celle qui n’a pas du tout excité les réseaux complotistes.

 

 

à Des travaux menés par une équipe comprenant des experts de l’Université internationale Higashi Nippon et de l’Université du Tohoku, au Japon, ainsi que de l’Institut national de recherche en astronomie et géophysique (NRIAG) en Égypte ont récemment identifié une anomalie souterraine près du complexe pyramidal de Gizeh, plus précisément dans la zone du cimetière ouest. Cette découverte qui date de mai 2024 a été rendue possible grâce à l’utilisation de techniques géophysiques avancées, telles que le radar à pénétration de sol (GPR) et la tomographie par résistivité électrique (ERT). Ces méthodes ont permis de détecter des structures souterraines inhabituelles, suggérant la présence de cavités ou de formations rocheuses atypiques.

Les chercheurs considèrent ces anomalies comme des structures potentiellement liées à des activités funéraires ou rituelles, compte tenu de leur localisation dans une zone de sépultures. Cependant, en l’absence de fouilles physiques, leur nature exacte reste indéterminée. Les scientifiques appellent à la prudence et soulignent la nécessité d’analyses complémentaires pour confirmer ces hypothèses.

L’info est relayée : https://sciencepost.fr/anomalie-vers-pyramides-de-gizeh/. Certains organes de presse choisissent d’en parler sur le mode du sensationnalisme, comme Science et vie : « Les archéologues sans voix après la découverte d’une mystérieuse anomalie souterraine près des pyramides de Gizeh » (source)

 

Et là c’est le drame.

 

Affirmations sensationnalistes

En mars 2025, lors d’une conférence de presse, trois chercheurs italiens — Corrado Malanga, Filippo Biondi et Armando Mei — ont affirmé avoir découvert une « cité souterraine » sous la pyramide de Khéphren. Selon eux, des structures cylindriques de 648 mètres de profondeur et des chambres cubiques de 80 mètres de côté, datant de 38 000 ans, auraient été identifiées grâce à des techniques de radar à synthèse d’ouverture (SAR).

Ces affirmations énoncées lors d’une conférence de presse en Italie, ne reposent sur aucune étude réelle, sur aucune publication, et donc, évidemment tout est forcément vrai et circule depuis dans les réseaux qui raffolent de vérités alternatives.

L’annonce est rapidement devenue virale et a été reprise par InfoWars, un site conspirationniste américain, par Joe Rogan, par Piers Morgan et d’autres critiques de « l’archéologie mainstream » ; que deux des trois hommes ont par le passé publié une étude dans une revue scientifique sur la structure de Kephren. (https://x.com/JimFergusonUK/status/1902651847136932161)

 

Ces messieurs ont en fait simplement lissé parler leur imagination dans l’interprétation des images de l’étude de 2024 réalisée par des chercheurs sérieux. Ils ont pris sur eux de reconstituer toute une cité enfouie et de lui donner un âge de 38 000 ans. L’avis du Dr Sarah Parcak de l’université d’Alabama : « Avec suffisamment de manipulation, je pourrais donner n’importe quelle forme à n’importe quelle imagerie satellite… Je pense que c’est ce qu’ils ont fait. Ils ont mal interprété les données. Et l’imagerie satellite […] les signaux SAR ne peuvent pas être utilisés pour voir à travers la roche, un point c’est tout. »

https://www.nationalgeographic.fr/histoire/egypte-une-cite-secrete-sous-les-pyramides-theorie-archeologie-radar-scan-gizeh-khephren

Verdict : un délire total.

L’Institut national de recherche pour l’agriculture, l’alimentation et l’environnement (INRAE), est aujourd’hui pointé du doigt pour la place croissante prise par l’anthroposophie et sa branche agricole, la biodynamie, dans ses réseaux et projets. Plusieurs enquêtes et analyses, notamment celles de Cyril Gambari et Valéry Rasplus, documentent ce phénomène.

 

 

Cyril Gambari alerte sur les liens structurels entre l’anthroposophie, mouvement ésotérique fondé par Rudolf Steiner, et l’agriculture biodynamique, qui en est l’application directe. Il souligne que des associations comme Biodynamie-Recherche, issues du Mouvement pour l’Agriculture Biodynamique (MABD), collaborent désormais avec l’INRAE sur des projets comme SYNBIOSE, où la biodynamie est étudiée et promue en tant que « savoir alternatif » aux côtés de l’agriculture conventionnelle ou biologique. Gambari insiste sur le danger de voir des concepts occultistes et des personnalités issues de la sphère anthroposophique influer sur la recherche publique, brouillant la frontière entre science et croyance. Il rappelle aussi les racines problématiques de l’anthroposophie, notamment sa hiérarchisation raciale d’inspiration pangermanique.

 

Valéry Rasplus, sociologue et spécialiste de l’agriculture, va plus loin : pour lui, « le mot “biodynamie” sert de cache-sexe à l’anthroposophie ». Il affirme qu’il n’existe pas de biodynamie sans les croyances ésotériques qui la sous-tendent : influence des planètes, recours aux « êtres élémentaires », rejet des connaissances scientifiques établies. Rasplus dénonce la tentative de certains acteurs de dissocier la pratique agricole de son socle idéologique, alors que l’objectif reste la diffusion de la doctrine anthroposophique via la recherche et la formation. Il met en garde contre la confusion entretenue dans le public et les institutions : la « biodynamie » n’est pas une simple méthode agricole, mais un vecteur d’idéologie occulte. « C’est une sorte de bazar mystico-cosmique, inventé par un occultiste anti-scientifique »

 

En résumé : Les travaux de Gambari et Rasplus convergent pour dénoncer l’entrisme de l’anthroposophie à l’INRAE, via la promotion de la biodynamie et l’implication de réseaux anthroposophiques dans des projets de recherche. Ce phénomène expose la recherche publique à l’influence de doctrines ésotériques, brouillant la distinction entre science et croyance, et pose un risque pour l’intégrité scientifique des institutions concernées.

Et donc j’aimerais que les instances de l’INRAE s’expriment officiellement pour prendre leur distance avec les croyances ésotériques et rappeler l’exigence de scientificité de lueurs travaux. Mon directeur de thèse était directeur de recherche INRA, j’ai beaucoup de respect pour cette institut, et je suis donc très inquiet de voir ces dérives s’installer.

Depuis un demi-siècle, les États-Unis sont la première puissance scientifique du monde. On le constate avec l’omniprésence de leur technologie et de leurs services numériques par exemple. Mais ils sont également leaders dans la plupart des champs de la recherche, notamment médicale. Ils sont de loin les premiers en nombres de prix Nobel, et ces découvertes, elles ont un impact sur nos vies à tous, surtout dans les pays riches.

Le vice-président Vance a déclaré que les universités et les professeurs étaient ses ennemis et ceux de ses électeurs. Trump est désormais en guerre contre les scientifiques, les chercheurs, les intellectuels. C’est une situation inédite, surréaliste, et assez épouvantable, dont les conséquences seront essentiellement invisibles à l’échelle des individus puisqu’il s’agira de découvertes que l’on ne fait pas, de progrès qui ne voient pas le jour, de traitements à des maladies graves qui n’existeront pas. Des gens mourront un peu partout, sans savoir que c’est la politique de Trump qui les a tués.

Les américains ont donné à la bêtise, la bigoterie, la corruption, l’indécence d’un mégalomaniaque le pouvoir de ramener vers l’obscurantisme non seulement leur pays, mais la civilisation que nous partageons avec eux. Le modeste vulgarisateur des sciences que je suis est bien démuni pour tenter d’agir contre cette ignorance toute-puissante. Je ne sais pas quoi faire, mais je veux faire quelque chose, alors je vous propose un petit passage en revue des attaques récentes contre la science par l’administration Trump depuis février dernier…

 

 

  1. Février 2025 — Suspension du financement du Programme national sur le climat

  • Agence concernée : National Oceanic and Atmospheric Administration (NOAA, Administration nationale océanique et atmosphérique).
  • Action : Gel immédiat des budgets liés aux modèles climatiques et à la surveillance de l’évolution des températures globales. Réduction de 27% du budget – Des centaines de licenciements. Les scientifiques ont reçu l’ordre d’interrompre leurs échanges internationaux.
  • Conséquences attendues :
    • Court terme : rupture de séries de données essentielles à la modélisation climatique.
    • Moyen terme : affaiblissement des projections sur les risques climatiques extrêmes.
    • Long terme : affaiblissement de la coopération internationale (notamment avec le GIEC), perte de confiance dans les données américaines.
    • Mondial : les pays en développement, qui dépendent souvent des données américaines, seront particulièrement affectés. Risque accru de catastrophes non anticipées (canicules, ouragans, inondations).

Sources :

 

Début février 2025 — Gel des financements de l’aide internationale

Gel de milliards de dollars d’aide internationale, dont 268 millions alloués aux médias indépendants par l’United States Agency for International Development (USAID). Cela inclut le soutien à la recherche et à la diffusion d’informations scientifiques dans plus de 30 pays. L’accès aux connaissances scientifiques sera donc impacté, avec des effets sur au moins une génération.

 

7 février 2025 — Coupes budgétaires dans la recherche médicale

Le budget proposé par l’administration Trump pour 2026 prévoit une réduction de près de 18 milliards de dollars pour le NIH, soit une baisse de 40 %. Les coupes touchent tous les domaines, y compris la recherche sur le cancer, les maladies neurodégénératives, la santé des minorités, la santé reproductive, et la recherche internationale.

Conséquences : Arrêt d’essais cliniques, licenciements massifs, suppression de centres entiers, et perte de leadership mondial en recherche biomédicale.

Sources :

 

14 février 2025 —Licenciements dans un programme de surveillance épidémiologique

Des centaines de postes ont été supprimés au sein du NIH, de la NSF et d’autres agences, affectant la surveillance épidémiologique et la capacité de réponse aux crises sanitaires.

 

17 février 2025— Censure et suppression de données climatiques

Plusieurs articles de presse et ONG signalent la suppression de sections entières sur le climat des sites officiels de la Maison Blanche, de l’EPA, du Département d’État, etc. — Cette stratégie de censure et de réécriture des pages officielles sur le climat avait déjà été observée lors du premier mandat Trump, et s’est amplifiée en 2025.

Conséquences : Opacité accrue, perte d’accès aux données pour les chercheurs et le public, rupture de la coopération internationale.

Sources

 

Fin février 2025 — Interdiction de déplacement pour Katherine Calvin

L’IRIS (Institut de Relations Internationales et Stratégiques) rapporte que Katherine Calvin, scientifique en chef de la NASA et co-présidente du groupe de travail 3 du GIEC, s’est vu interdire de se rendre à une réunion du GIEC en Chine, puis a été licenciée début mars, son équipe ayant vu ses contrats résiliés.

Cette purge des agences scientifique est un abus de pouvoir dont les conséquences seront graves pour les électeurs de Trump, ses sympathisants autant que pour tout le monde.

 

Sources

 

  1. Mars 2025 — Interdiction des communications publiques des chercheurs fédéraux sans validation politique

Agences concernées : Environmental Protection Agency (EPA), Centers for Disease Control and Prevention (CDC), NOAA.

Action : toute publication ou communication publique (médias, colloques) nécessite une validation par le bureau politique de la Maison-Blanche. Des termes comme « climate science » sont bannis des communications officielles. La méthode est stalinienne, cela devrait inquiéter tout le monde.

  • Le 2 février : L’administration Trump a censuré le Centers for Disease Control and Prevention (CDC), interdisant aux scientifiques de participer à des conférences ou de communiquer avec les professionnels et le public. à Cette mesure limite la diffusion des connaissances scientifiques en santé publique.
  • Conséquences attendues :
    • Court terme : auto-censure, fuite de talents.
    • Moyen terme : affaiblissement du rôle d’alerte des institutions sanitaires et environnementales.
    • Long terme : effondrement de la transparence scientifique, perte de crédibilité mondiale.
    • Mondial : retards dans les alertes pandémiques ou environnementales pouvant coûter des milliers de vies. Coopérations scientifiques internationales mises en péril.

Source :

 

  1. Avril 2025 — Fermeture de 14 programmes fédéraux de recherche en énergies renouvelables

  • Agences concernées : Department of Energy (Département de l’Énergie), National Renewable Energy Laboratory (NREL).
  • Action : suppression du financement de laboratoires travaillant sur le solaire, l’éolien et le stockage.

Rappel : La volonté de réduire ou supprimer le financement de programmes de recherche en énergies renouvelables est explicitement mentionnée dans le Project 2025 (Heritage Foundation), qui sert de feuille de route à l’administration Trump

  • Conséquences attendues :
    • Court terme : licenciement de chercheurs, arrêt de projets pilotes.
    • Moyen terme : affaiblissement de la transition énergétique américaine.
    • Long terme : retard structurel dans l’innovation énergétique.
    • Mondial : hausse de la demande mondiale en combustibles fossiles (car les États-Unis réduisent leur capacité à exporter des solutions vertes), ralentissant les objectifs de l’Accord de Paris. Aggravation de la crise climatique.

Source :

 

  1. Mai 2025 — Réduction drastique du financement de la recherche en santé reproductive

Agences concernées : Instituts nationaux de la santé (NIH) et Département de la santé et des services sociaux (HHS).

Arrêt du financement de l’Initiative pour la santé des femmes (Women’s Health Initiative), la plus grande étude sur la santé féminine aux États-Unis. Gel de 27,5 millions de dollars de subventions du programme Title X, affectant les services de planification familiale, de contraception et de dépistage des IST pour les populations à faible revenu. Signature de l’Ordre exécutif 14182, réaffirmant l’interdiction de l’utilisation de fonds fédéraux pour les avortements électifs (= sans indication médicale) et annulant les mesures précédentes visant à élargir l’accès aux soins reproductifs.

Conséquences attendues :

    • Court terme : Arrêt immédiat de nombreux projets de recherche en santé reproductive, licenciements de chercheurs, fermeture de centres de recherche régionaux.
    • Moyen terme : Réduction significative de l’accès aux services de santé reproductive pour les populations vulnérables, augmentation des grossesses non désirées et des complications liées à la grossesse.
    • Long terme : Affaiblissement de l’expertise nationale en santé reproductive, augmentation des inégalités de santé, impact négatif sur la santé publique des femmes et des minorités.
    • Conséquences mondiales : Réduction du soutien américain aux programmes internationaux de santé reproductive, affectant les efforts mondiaux en matière de planification familiale, de prévention des IST et de réduction de la mortalité maternelle, notamment dans les pays en développement.

 

En mai 2025, le New York Times révèle que l’administration a annulé 806 millions de dollars de subventions des NIH (Instituts nationaux de la santé) consacrées à la santé des minorités sexuelles. Parmi les projets abandonnés :

  • Une étude de 41 millions de dollars sur la prévention du VIH chez les jeunes (20 % des nouvelles infections aux États-Unis).
  • Des recherches sur les cancers et maladies cardiovasculaires touchant disproportionnellement les LGBTQ+.
  • Des travaux sur la santé maternelle des femmes lesbiennes ou bisexuelles.

Les NIH justifient ces annulations en invoquant un « réalignement des priorités », et critiquent les « catégories artificielles » comme l’identité de genre ou les « objectifs d’équité ». Des chercheurs comme Simon Rosser (Université du Minnesota) dénoncent une « bigoterie scientifique » créant une « hiérarchie entre patients ».

Résultat : des laboratoires ferment, des essais cliniques sont interrompus, et de jeunes scientifiques quittent le domaine.

 

Dernière minute… Au moment d’écrire ces lignes, le 7 mai : L’administration Trump annonce la suppression du financement fédéral pour la recherche sur la pollution spatiale, notamment celle liée aux satellites et fusées de SpaceX, une décision critiquée comme étant politiquement motivée pour protéger des alliés industriels

 

Des décisions de ce genre tombent presque tous les jours. Si Trump voulait saboter l’avenir de son pays et de l’occident, il ne s’y prendrait pas autrement. Mais cette folie orange et dérangée ne doit pas faire oublier les incohérences qui se jouent dans notre pays.

J’ai parlé en début d’émission des effets d’annonce sur la désinformation en santé couplée à des décisions absurdes qui financent les fausses médecines. On peut ajouter la dernière lubie de notre président :

Emmanuel Macron a lancé en grande pompe, le 5 mai 2025 à la Sorbonne, l’initiative « Choose Europe for Science », promettant 100 millions d’euros pour attirer des chercheurs étrangers, notamment américains, en France et en Europe. Cette opération séduction survient alors même que son gouvernement vient d’annoncer près de 500 millions d’euros de coupes supplémentaires dans le budget de la recherche publique française (source), s’ajoutant à une réduction d’un milliard d’euros déjà votée pour 2025. Cette contradiction, dénoncée par de nombreux acteurs du secteur, illustre l’hypocrisie du discours présidentiel : il vante l’attractivité scientifique de la France tout en affaiblissant concrètement ses moyens de recherche.

 

Les progrès fulgurants que nous avons connu au cours des décennies passées ont été le fruit d’investissements massifs dans la recherche et l’éducation. Nous vivons dans une civilisation de la connaissance qui permet de vivre vieux, en bonne santé, librement, dans le confort. Les évènements actuels vont peut-être faire de cet état avancé de notre civilisation une parenthèse avant une chute où personne n’a rien à gagner.

 

Comme moi, vous avez des yeux et des oreilles, et vous constatez que Donald Trump a considérablement affaibli les Etats-Unis, chamboulé l’ordre du monde, sapé l’économie occidentale, torpillé le droit international qui garantit les frontières et la sécurité des citoyens vivant près des régimes autoritaires, et qu’il s’est rangé du côté de Vladimir Poutine dans sa guerre d’invasion de l’Ukraine en trahissant tous ses alliés. Ça faut beaucoup.

Et cela invite beaucoup de gens à se demander s’il n’agit pas en service commandé par Poutine. Bien sûr le fait que ce soit un homme stupide, borné, cupide, inculte, instable et mégalo rend improbable l’hypothèse qu’il soit un puisant stratège sous couverture… Néanmoins examinons les faits. Vous verrez qu’ils sont troublants.

 

En 2025, des anciens agents du KGB (comme Iouri Shvets) affirment que Trump aurait été recruté sous le nom de code « Krasnov » lors de son voyage de 1987 à Moscou[1].

Trump ne serait pas un espion russe, mais ce qu’on appelle un « asset » : Un espion est un agent professionnel recruté et formé par un service de renseignement pour mener des opérations clandestines, tandis qu’un asset (ou source) est une personne extérieure exploitée ou manipulée pour fournir des informations ou rendre des services sans faire officiellement partie du service. L’espion dirige ou utilise des assets pour obtenir des renseignements auxquels il n’a pas directement accès.

Venons-en à notre histoire.

 

1. Premier contact documenté avec l’Union soviétique (années 1980)

En 1987, Donald Trump visite Moscou à l’invitation du gouvernement soviétique. Cette visite, officiellement motivée par des projets immobiliers, aurait été organisée par l’organisation Intourist, souvent utilisée comme vitrine du KGB pour encadrer les visiteurs étrangers jugés “intéressants”.

Contexte : À l’époque, le KGB repérait activement des personnalités étrangères influençables, ambitieuses, narcissiques, ou vulnérables, susceptibles de servir les intérêts soviétiques, selon plusieurs anciens agents de la Stasi et du KGB.

 

2. Le profil psychologique de Trump comme cible idéale

Selon Yuri Shvets, ancien officier du KGB basé à Washington, Trump aurait été identifié dès les années 1980 comme un « useful idiot » (idiot utile) — une personne influente facilement manipulable sans nécessairement être consciente de jouer un rôle pour le compte d’une puissance étrangère. Ce fait est rapporté dans : “American Kompromat” de Craig Unger, qui s’appuie notamment sur des témoignages d’anciens agents soviétiques.

La STB (sécurité d’État tchécoslovaque) le décrit alors comme « susceptible de fournir de l’information de valeur et d’influencer la politique »[2]

 

3. Réseaux financiers troubles dans les années 1990–2000

Après plusieurs faillites retentissantes, la survie financière de l’empire Trump semble de plus en plus dépendre d’investissements étrangers, dont beaucoup passent par des circuits opaques.

En 2008, Donald Trump Jr. déclare : « Nous voyons beaucoup d’argent affluer de Russie dans nos projets immobiliers. » Le projet de Trump Tower à Moscou (réactivé à plusieurs reprises jusqu’en 2016) fait l’objet de négociations avancées, y compris pendant la campagne présidentielle, ce que Trump a longtemps nié avant que cela ne soit révélé par Michael Cohen. Plusieurs figures proches de Trump (Manafort, Flynn, Page, Stone) ont des connexions avérées ou suspectes avec la Russie ou ses alliés. Des liquidités suspectes issues de la mafia russe auraient également soutenu ses casinos en difficulté

 

4. Les relations avec des oligarques russes

Trump a entretenu des liens financiers avec des oligarques proches du Kremlin, notamment par le biais de ventes d’appartements de luxe, parfois à des prix anormalement élevés, ce qui pourrait évoquer du blanchiment. Felix Sater, ancien associé de Trump, est un ancien criminel et informateur du FBI avec des connexions russes. Il a tenté de négocier un projet de Trump Tower à Moscou pendant la campagne présidentielle de 2016.

 

5. La campagne de 2016 et l’ingérence russe

Le rapport du procureur spécial Robert Mueller n’a pas trouvé de preuve de collusion formelle, mais a révélé des contacts multiples et répétés entre des membres de l’équipe de Trump et des responsables russes[3]. Le rapport confirme que le GRU (renseignement militaire russe) a piraté les emails du Parti démocrate[4]. Il confirme également que l’Internet Research Agency (liée à Evgueni Prigojine) a mené une campagne de désinformation pro-Trump sur les réseaux sociaux[5].

Paul Manafort, directeur de campagne de Trump, a transmis des données internes de sondages à Konstantin Kilimnik, soupçonné d’être un agent du renseignement russe[6]. La Russie a clairement favorisé Trump via des cyber-opérations (piratage du DNC, propagande sur les réseaux sociaux via l’Internet Research Agency) : le piratage du DNC, les fuites de Wikileaks, l’affaire Trump Tower Meeting (2016) avec Natalia Veselnitskaya, sont autant de points qui renforcent un faisceau de présomptions.

 

6. Comportement de Trump vis-à-vis de Poutine

Trump adopte un langage inhabituellement conciliant envers la Russie qu’il invite à dévoiler des ‘preuves’ contre son adversaire Killary Clinton (« Russia, if you’re listening… »). Il refuse de critiquer Poutine publiquement, il remet en cause l’OTAN, etc. Trump a tenté à plusieurs reprises de minimiser le rôle de la Russie dans des affaires d’espionnage ou de piratage. Lors du sommet d’Helsinki (2018), Trump semble publiquement prendre le parti de Poutine contre les services américains, ce qui a été considéré comme sans précédent. Il a tenté à plusieurs reprises d’affaiblir ou de désengager les États-Unis de l’OTAN — un objectif stratégique majeur du Kremlin.

 

On a donc de très nombreux éléments à faire valoir pour étayer l’idée d’un Donald Trump asservi, d’une manière ou d’une autre, aux intérêts de Poutine. Mais prenons du recul.

 

Attention : pourquoi ce faisceau d’indices ne suffit pas

Bien que ces faits soient authentiques et vérifiables, plusieurs mises en garde s’imposent, parce que le soupçon peut nous amener à surinterpréter des faits ambigus pour qu’ils s’ajustent à une trame narrative déjà séduisante. En adhérant à cette histoire, nous pourrions être victime de biais d’intentionnalité, de biais de conjonction et surtout de biais de confirmation

 

  1. Corrélation n’est pas causalité

Être approché par l’URSS en 1987 ne fait pas automatiquement de quelqu’un un « asset » – cela peut être une tentative avortée ou une simple curiosité mutuelle. Le fait de bénéficier de capitaux russes dans les années 2000 n’est pas unique à Trump ; c’est courant dans le marché immobilier de luxe, particulièrement à New York.

  1. Les faits peuvent être interprétés à travers des biais

Si l’on veut voir une influence russe, on va surinterpréter chaque fait en ce sens (biais de confirmation). Le récit fonctionne parce qu’il est psychologiquement attractif : il propose un agent double, un complot bien ficelé, une longue manipulation… C’est séduisant narrativement.

Beaucoup de ces faits sont également compatibles avec des motivations purement financières, égotistes ou opportunistes, sans connotation d’espionnage ou de loyauté cachée envers la Russie.

  1. Le « manque de preuve » devient parfois preuve en soi

Certaines théories affirment que le manque de preuve formelle est en soi une preuve que l’affaire est bien dissimulée — c’est un piège typique des raisonnements complotistes.

  1. Les enquêtes officielles ne corroborent pas la thèse

Ni le FBI, ni la CIA, ni le rapport Mueller, ni le Sénat américain (rapport bipartisan de 2020) ne concluent à une preuve d’ »asset » contrôlé par la Russie. Des liens, des influences, des interférences – oui. Un statut d’agent ou d’actif ? Non.

 

 

Prudence : l’alternative est féconde

La thèse selon laquelle Donald Trump est un asset russe actif ou passif depuis 40 ans n’est pas absurde, mais elle n’est pas prouvée. Elle repose sur un faisceau d’indices, parfois intrigants, parfois ambigus, mais qui ne permettent pas de conclure de manière rigoureuse et définitive.

Sur la base de ce dont nous sommes certaines quelle est la probabilité que Trump soit un asset russe ? Plutôt faible en réalité. Pourquoi ?

Parce qu’on peut analyse les faits énumérés à la lumière d’une autre lecture, celle du capitalisme sans foi ni loi.

L’URSS de Gorbatchev (1985-1991) cherchait à attirer des hommes d’affaires occidentaux dans un cadre de glasnost économique. Trump n’était pas seul : d’autres entrepreneurs et célébrités ont reçu le même traitement (notamment des figures comme Armand Hammer ou le magnat immobilier Robert Tishman). Après la chute de l’URSS, une vaste partie de l’élite russe cherchait à recycler son argent à l’étranger, surtout dans l’immobilier à Miami, New York ou Londres. Trump a bénéficié de cette manne comme d’autres (Rudin, Related Group, etc.). Il n’y a pas besoin de complot — le capitalisme mondial suffit.

Trump flatte les autocrates (Poutine, Kim Jong-un, Xi) c’est vrai. Et apparemment parce qu’il respecte la force et le pouvoir personnel — pas spécifiquement parce qu’il est contrôlé. De plus, il s’oppose fréquemment à la CIA, au FBI, à l’armée — toutes institutions qui remettent en cause son autorité. Cela s’explique sans doute aussi bien par sa psychologie que par un contrôle extérieur.

Quand au cercle qui l’entoure et qui semble être infiltré par des hommes proches des intérêts russes, on peut plaider le « qui se ressemble s’assemble ». Trump a attiré des opportunistes ayant eux-mêmes des liens russes (Manafort, Flynn, etc.) parce qu’ils servaient ses ambitions politiques ou immobilières.

Aucun de ces personnages n’a été condamné pour trahison ou espionnage. Ils ont été sanctionnés pour mensonges, fraudes, ou lobbying non déclaré. Cela ressemble davantage à une culture d’opacité et de corruption, plutôt qu’un réseau d’agents coordonnés.

 

Le meilleur argument est peut-être ce que n’ont pas dit les ennemis politiques de Trump.

Aucun rapport officiel, même ceux initiés par ses opposants, n’a conclu qu’il était un « asset ».

  • Le rapport Mueller ne conclut pas à une collusion.
  • Le rapport du Sénat (bipartisan) de 2020, bien qu’il reconnaisse des « liens profonds » avec des acteurs russes, ne va pas jusqu’à affirmer une relation agent-active.
  • Hillary Clinton, Adam Schiff, Nancy Pelosi ou d’autres figures majeures du Parti démocrate ont critiqué Trump violemment — mais jamais en le traitant d’espion.

Les services de renseignement américains (CIA, NSA, FBI) n’ont jamais produit de note concluant qu’il était un agent contrôlé ou recruté. Ce silence indique que l’accusation ne tient pas juridiquement ou empiriquement — même pour ses adversaires.

 

Conclusion

La thèse d’un Trump « asset russe » est séduisante narrativement car elle offre une explication simple et cohérente à des faits complexes et parfois dérangeants. C’est une forme de récit complotiste qui, malgré l’absence de preuve solide, persiste dans le débat public. Mais elle échoue à passer le test de parcimonie : elle n’explique pas mieux les faits qu’un Trump vénal, narcissique, et politiquement opportuniste[7].

En somme, il est plausible, que Donald Trump ait été utilisé par la Russie comme agent d’influence — conscient ou non. Comme d’autres ont tenté de l’amadouer, de le flatter pour obtenir des faveurs. Mais la thèse selon laquelle il aurait été délibérément “recruté” par le KGB dans les années 1980 comme “asset” durable reste, aujourd’hui, hautement spéculative.

Oui, c’est un homme profondément malhonnête et corrompu, mais tous les malhonnêtes de la terre ne travaillent pas pour la Russie.

 


[1] https://fr.euronews.com/my-europe/2025/03/13/euroverify-donald-trump-a-t-il-ete-recrute-par-le-kgb-sous-le-nom-de-krasnov

[2] https://basta.media/Le-plan-des-Etats-Unis-pour-l-Ukraine-fruit-de-40-ans-d-histoire-entre-Trump-la-Russie-Poutine

[3] https://www.americanbar.org/news/abanews/aba-news-archives/2019/03/mueller-concludes-investigation/?utm_source=chatgpt.com

[4] https://fr.wikipedia.org/wiki/Ing%C3%A9rences_russes_dans_l’%C3%A9lection_pr%C3%A9sidentielle_am%C3%A9ricaine_de_2016

[5] https://fr.wikipedia.org/wiki/Affaire_du_Russiagate

[6] https://www.businessinsider.com/paul-manafort-exclusive-interview-trump-campaign-polling-data-russia-kilimnik-2022-8?utm_source=chatgpt.com

[7] https://lvsl.fr/trump-est-a-la-solde-de-la-russie-retour-sur-une-theorie-conspirationniste-a-la-vie-dure/

Je propose un défi amical aux croyants.

Beaucoup utilisent la notion de libre arbitre comme la justification aux horreurs qui remplissent le monde. Les humains seraient capables de faire le mal parce que Dieu les aime, et qu’il les veut libre de s’adonner à toutes les crapuleries et massacres imaginables, libres de se haïr en son nom, et libres de se damner eux-mêmes. Soit.

Mais jamais personne n’a réussi à définir le libre arbitre puis à démontrer son existence, alors voici l’énoncé de mon défi, il tient en une simple phrase : Veuillez, s’il vous plait, donner un jugement moral que vous portez, sincèrement, sur le monde tout en sachant que Dieu a un jugement différent du vôtre.

Bien sûr, vous aurez compris que je m’appuie sur la prémisse voulant que le libre arbitre implique nécessairement la possibilité d’un désaccord moral avec Dieu, et que la démonstration d’un tel désaccord serait le meilleur moyen d’apporter un peu de validité au concept de libre arbitre, sans quoi son utilisation n’est que pure et stérile rhétorique.

 

Une virgule dans l’histoire des idées

Mon défi sur l’alignement divin s’inscrit dans une longue tradition de questionnements philosophiques et théologiques sur le libre arbitre, la moralité et la relation entre les jugements humains et divins.

Ces questions ont été profondément débattues par des philosophes comme Saint Augustin, Thomas d’Aquin, Jean Calvin et John Locke, qui ont exploré la tension entre la souveraineté divine et la liberté humaine. Leibniz, dans ses Essais de Théodicée, a tenté de concilier la bonté de Dieu avec l’existence du mal. Friedrich Nietzsche et David Hume, chacun a sa manière, ont soutenu que les jugements moraux sont basés sur des sentiments subjectifs plutôt que sur des principes universels. Les existentialistes — Jean-Paul Sartre et Albert Camus en tête — ont proposé que dans un monde absurde ou indifférent, l’humain devait accepter sa condamnation à être libre et responsable de son sens moral.

Ma proposition peut être vue comme une reformulation du dilemme d’Euthyphron posé par Platon, où Socrate interrogeait déjà si « le pieux est aimé des dieux parce qu’il est pieux, ou est-il pieux parce qu’il est aimé des dieux ». Ce que j’appelle « l’externalisation des compétences morales » rejoint cette interrogation millénaire sur l’autonomie des valeurs morales par rapport aux prescriptions divines.

En critiquant la façon dont les croyants délèguent leur jugement moral à une autorité divine tout en prétendant exercer leur libre arbitre, je rejoins la critique kantienne de l’hétéronomie morale. Kant avait souligné l’importance de l’autonomie morale – la capacité à déterminer soi-même les principes moraux par la raison – par opposition à l’hétéronomie où les principes moraux sont reçus d’une autorité externe. Ma question s’inscrit aussi dans la lignée de la critique feuerbachienne, qui voyait dans les attributs divins une projection des qualités humaines. Ludwig Feuerbach soutenait que nous créons Dieu à notre image, puis oublions que nous sommes les créateurs de cette projection.

Égrener les noms de cent mille autre penseurs pourrait apporter une forme d’autorité, de poids académique, à ma proposition, ou simplement donner des gages que l’auteur connait un peu ses classiques et a acquis le droit d’émettre une opinion. C’est l’occupation favorite de maints ‘philosophes’ ; je ne saurai me mesurer à ce genre de talent, je ne m’étendrai donc pas davantage.

Je choisis la forme du « défi » non par attitude martiale mais pour donner au lecteur une impulsion à sa réflexion sur un sujet où 25 siècles de philosophie ne nous ont pas été d’un secours aussi franc qu’on aurait pu l’espérer, et parce que cela me semble tout à fait cohérent avec le message de l’autonomie du jugement qui est le mien derrière cette initiative.

 

Comment répondre ?

Les croyants semblent incapables de répondre à ce problème qui montre que Dieu est une forme d’externalisation des compétences morales, une marionnette ventriloque permettant d’octroyer une autorité supérieure aux jugements que nous ne savons pas justifier. Au lieu de chercher à raisonner sur nos jugements pour trouver des raisons objectives de leur valeur, ou éventuellement en changer, nous court-circuitons le processus de validation d’une éthique responsable et digne de la raison, pour nous rassurer nous, et ceux qui pensent comme nous.

Face à ce défi, le non croyant que je suis peut très facilement relever des paroles prêtées à Dieu dans les écritures avec lesquelles je suis en désaccord total : Les génocides, je suis contre, et je pense que Dieu a tort d’en exiger à plusieurs reprises dans les textes. Sur les mutilations sexuelles des enfants, l’esclavage, l’assujétissement des femmes qui doivent obéir, qui valent moins que les hommes ou l’idée de châtiments éternels… je suis en désaccord moral avec Dieu.

Le croyant, s’il est d’accord avec moi, s’il porte les mêmes jugements sur les exemples que j’ai listés, va toujours préférer remettre en question la manière d’interpréter le texte de sorte à lui faire dire une chose qui sera acceptable pour lui, plutôt que la version littérale, transparente et parfaitement compréhensible des écritures. Le croyant a des jugements moraux, mais il ne les assume qu’à travers un texte qu’il maltraite jusqu’à ce qu’il puisse lui faire dire quelque chose qui valide ses idées.

À cause de cela, il n’existe pas de degré de liberté entre les jugements du croyant sur le bien et le mal et les jugements de Dieu. Ces mêmes croyants passent pourtant leur temps à affirmer qu’ils ont un libre arbitre, que Dieu leur a donné, que c’est la chose la plus précieuse du monde et que c’est pour ça que des millions enfants crèvent de maladies parasitaires.

Cet argumentaire est un délire auquel il faudrait mettre un terme. Peut-être le défi de l‘alignement divin pourra-t-il servir à cela. Je vous laisse partager l’idée et donner votre avis.

Mais restons tous bien calmes et courtois puisque Dieu n’existe pas jusqu’à preuve du contraire.

Acermendax

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