Enregistré le 4 Octobre 2017 Au G.E.C. Nancy
Invité : Bruno Della Chiesa
Editorial
S’il y a bien un organe qui excite notre imagination, suscite rumeurs et exagération, affole, fascine et passionne, c’est le cerveau. Rappelons les évidences, il est le siège de la conscience, de notre personnalité, le grand organisateur de nos actes, de nos pensées, de nos intuitions et de nos réflexions, il est le champion de l’apprentissage, de l’adaptabilité, et nous ne l’échangerions contre aucun autre cerveau du monde animal… ce qui n’est pas le cas de tous nos organes, avouons-le !
Nous sommes tous équipés d’un cerveau, ce qui nous donne parfois l’illusion que nous sommes aptes à parler des capacités de cet organe sans besoin pour cela d’être neurobiologiste ou psychologue, ni curieux de l’état des connaissances dans les domaines de ces spécialités.
Bien sûr, chacun a le droit d’avoir son avis, même bizarre, sur le fonctionnement de son corps, et de donner foi à des hypothèses spirituelles, baroques à base de corps énergétique, de corps astral ou éthéré. Chacun est même libre de partager librement ces idées où il le veut, à condition d’accepter que d’autres jouissent du même droit, et notamment de celui de questionner ces thèses et les raisons pour lesquelles on pourrait les défendre.
Redisons-le, chacun doit pouvoir continuer à penser librement ce qu’il veut penser. Mais la liberté ce n’est pas la tyrannie de l’égo, le soliloque de l’amour propre qui se mure à l’abri de la contradiction. Et surtout cette liberté s’accompagne d’une responsabilité. Quand on est un média national, cette responsabilité est grande, c’est celle de la valeur accordée à la connaissance commune, la connaissance qui repose sur des preuves, que l’on peut discuter, réfuter et faire évoluer au rythme des découvertes.
Or, continuellement, on nous inflige des idioties. Du film Lucy aux ouvrages des coachs de vie, on nous répète de veilles légendes sur ce que le cerveau serait capable de faire, sur les facultés que nous serions en mesure d’acquérir moyennant qu’on se plie à telle ou telle autorité intellectuelle. Ces idées, Bruno Della Chiesa les a appelées des neuromythes ; c’était avant que n’éclate la mode des neuro-choses et des neuro-trucs, la neurosagesse, la neuronaissances et le neurobaratin…
Avec le cerveau ce n’est pas la taille qui compte, c’est la réticulation, le nombre de connexion, et ce que nous faisons avec notre cerveau a un impact sur tout cela. Or dans notre société hyper compétitive on nous ferait croire n’importe quoi sous la promesse d’améliorer nos capacités cérébrales ou encore mieux, celles de notre progéniture. Si votre enfant réussit mal à l’école, il est tentant de se dire que c’est parce que, d’une certaine manière, il est trop intelligent. C’est la croyance qu’on vous encourage à nourrir, peut-être à tort, avec les concepts de surdoués, d’enfants indigo, de Haut potentiel, de zèbres que l’on oppose peut-être un peu vite aux autres, les imbéciles lambda, les médiocres, ceux qui ne sont rien… Nous vous renvoyons vers le Tronche en Live #11 avec Nicolas Gauvrit, où déjà nous avions évoqué les discours non-scientifiques et les idées reçues autour de la douance.
Le sujet des neuromythes, toutefois, est vaste et nous allons apprendre beaucoup de choses sur ce que l’on croyait savoir à propos du cerveau grâce à notre invité qui nous rend spécialement visite depuis les États-Unis car il est très attaché au partage des connaissances et de la démarche scientifique, c’est le chercheur en neurosciences de Harvard : Bruno Della Chiesa.