La chaîne aborde sur un ton décalé dans la forme mais sérieux sur le fond les raisons qui font que notre lecture du monde est souvent bancale.

Invités : Olivier Bernard, alias le Pharmachien.

Emission enregistrée le 5 avril 2016.

Editorial

L’Amérique !

Nouveau monde, Eldorado, dernière frontière, Terre de tous les possibles. Pour d’autres symbole de la décadende occidentale, terre du créationnisme et des communautarismes… En tout cas l’Amérique laisse peu indifférent de nos jours. Nous, habitants de la vieille Europe, avons quelques complexes envers ces grands pays de l’ouest, anglophones modernes, puissants et c’est peut-etre pourquoi nous sommes si durs dans notre jugement et les accusons trop volontiers de manquer de culture, d’ouverture ou de bon sens.

En matière de scepticisme aussi, des préjugés nous guettent sans doute, et des préjugés sur le scepticisme c’est comme un juron dans la bouche de la reine d’Angleterre, ça n’a pas sa place. On n’est pas forcément sceptique de la même chose de part et d’autres de l’Atlantique parce que les sociétés n’ont pas exactement les mêmes problèmes. Certes, on y trouve le paranormal, les religions, les pseudomédecines, les sectes et quantités de bullshit et de démagogie dans les sphères politiques. On y retrouve le même type de presse de caniveau et des théories du complot. Est-ce qu’on y répond de la même manière ?

Les québecquois ne sont pas n’importe qui, ils ont le forum des sceptiques du québec et un dictionnaire sceptique fort bien fichu (d’ailleurs nous saluons Klod : Salut Klod !). Et ils ont un pharmacien pas comme les autres qui a décidé de prendre les armes contre les superstitions et autres pensées magiques qui ont trait à la santé et au monde médical. Ce pharmacien, c’est le Pharmachien, et il est notre invité ce soir en direct depuis Montréal. Il est l’auteur d’un livre sobrement intitulé le Pharmachien. Et d’un deuxième dont le titre est une jolie trouvaille : le Pharmachien 2. Vous pouvez en tout cas vous régalez des bandes dessinées pertinentes et caustique sur son blog et ainsi partager autour de vous le salvateur esprit critique pour lequel il oeuvre si bien.

Avec lui ce soir, nous allons évoquer le métier de pharmacien qui ne se pratique pas de la, même manière en France et au Canada, mais pas sans dire un mot des choses qui fâchent : ces médecines alternatives auxquelles votre tante Simone ou vous-même avez parfois recours. Nous essaierons d’avoir un regard croisé sur la zététique d’ici et le scepticisme de la bas, et puis nous nous demanderons sur quel ton on doit s’adresser au public et aux personnes qui adhèrent à des croyances qui s’opposent à ce que la science nous apprend.

Entrons dans le vif du sujet avec Olivier Bernard le Pharmachien

Plan de l’émission

  1. La spécificité du pharmacien du canada ?
  2. Regard sur le scepticisme en Europe.
  3. Approche des pseudomédecines : quel ton employer ?

Invitée : Xavier Ristat, Vulgarisateur et auteur du blog Cygnification.

Emission enregistrée le 23 février 2016.

Editorial

 

Parmi les obsessions humaines, celle de comprendre les autres humains occupe une place de choix. Et c’est heureux, car nous comprendre les uns les autres est ce qui rend possible de vivre en société. Mais, évidemment, tout désir de sens, de signification, nous met face au danger de la sur-interprétation, et nous avons ainsi vu passer au fil des siècles et des millénaires, les haruspices, les medium, les astrologues, les phrénologues, les graphologues et quantité d’autres personnes convaincues de lire dans tel détail négligé par les autres les signes qui permettent de décoder ce que pense autrui, ou ce qu’il désire.

L’idée n’est pas absurde, et de fait la science s’intéresse à la manière dont notre corps peut exprimer des choses à notre insu. Malheureusement ce champ disciplinaire est très peu vulgarisé, et on peut constater que ceux qui parlent du non-verbal sur le net ont tous quelque chose à vendre et tout plein de promesses comme vous apprendre à : « vous bâtir un impact irrésistible grâce à votre langage corporel. »

La méfiance est de mise, quand on sait que l’inventeur de la Synergologie, pseudoscience du non-verbal, ne se défend contre les critiques légitimes apportées à sa discipline que sur le terrain judiciaire, jamais sur celui des faits, des études, bref de la science. Cette manière de se défendre et de se victimiser n’est pas sans rappeler la manière dont les dérives sectaires s’organisent.

Petite parenthèse  : gardons-nous d’accuser sans preuve, de jeter l’anathème sur quiconque, car même les dérives sectaires peuvent avoir pour origine une démarche sincère, et le désir de bien faire. Il n’est donc pas question ici d’accuser les uns ou les autres d’escroquerie, de mensonge ou de manipulation, même s’il est légitime d’avoir des doutes à ce sujet.

Nous n’allons pas ici questionner l’honnêteté ou la psychologie des experts auto-proclamés du Non Verbal, mais leur méthode de travail et la manière dont ils apportent des réponses aux questions que pose leur pratique. Il est important de le faire car les pseudosciences sur le décryptage du comportement humain ont leurs entrées dans les tribunaux de certains pays, sont utilisées par certains recruteurs, et séduisent, évidemment, les individus en quête de plus d’estime d’eux-mêmes, et de sécurité. Bref, ces doctrines ont un réel pouvoir et elles sont potentiellement d’autant plus nocives qu’on ne peut pas en prouver ou en réfuter les principes.

Pour y voir un peu plus clair, nous recevons Xavier Ristat, qui connait bien le sujet pour avoir été synergologue lui-même avant de prendre du recul et d’appliquer la pensée critique à ce qu’il pensait savoir.

Une certaine vision du monde

Moins rationnels que nous le pensons, nous défendons nos idées pour tout un tas de motifs affectifs et nous cherchons toujours à conserver une apparence de cohérence dans l’image que nous faisons de nous-même et du monde qui nous entoure. De manière générale cela fait de nous des êtres fonctionnels, capable de nous organiser en sociétés et en civilisations. Bon an, mal an ça marche. Sauf quand ça dérape, sauf quand les préjugés qui sont aux commandes deviennent des barrières à notre épanouissement. Et ces préjugés trouvent une partie de leurs origines et du pouvoir qu’ils ont sur nous dans le biais essentialiste auquel nous ne pouvons espérer échapper qu’au prix d’efforts constants.

Sixième épisode.

Nous voyons le monde à travers une grille de lecture qui n’est pas seulement culturelle et personnelle, mais qui est encodée dès notre plus jeune âge, probablement de manière instinctive : nous rangeons les objets et les êtres qui nous entourent dans des catégories qui nous aident à comprendre le monde. Mais dans le monde contemporain complexe, ces catégories se retournent contre nous, et nous voici les victimes d’un essentialisme qui nous fait croire que la simplicité de notre lecture rend justice de la complexité du monde.
Monumentale erreur !

Pour soutenir la poursuite de notre projet, visitez notre page Tipeee : https://www.tipeee.com/la-tronche-en-biais


Quelques références scientifiques sur le sujet

  • Bloom. P. (2010) Why we like what we like. Observer. 23 (8), 3 online link.
  • Morton, T. A.; Hornsey, M. J.; Postmes, T. (2009). « Shifting ground: The variable use of essentialism in contexts of inclusion and exclusion. ». British Journal of Social Psychology 48 (1): 35–59. doi:10.1348/014466607X270287.
  • Richardson (2011) Against finality: Darwin, Mill and the end of essentialism. Critical Quarterly. Special Issue: Essentialism in Science and Culture. 53:4, 21–44.
  • Shtulman and Schulz (2008) The relation between essentialist beliefs and evolutionary reasoning. Cognitive Science. 32, 1049–1062.

Invitée : Olivier Dodier, Doctorant en Psychologie sociale & cognitive.

Emission enregistrée le 22 mars 2016.

Editorial

Il parait que la justice, c’est comme la cuisine d’un restaurant : il ne faut pas la regarder de trop près. C’est pourtant ce que l’on va faire, parce que le monde judiciaire présente des similitudes avec le monde de la science. Dans un cas comme dans l’autre on cherche à établir si une proposition est vraie ou fausse : Le boson de Higgs existe-t-il ? Raymond a-t-il tué Barnabé ? Il faut donc, nécessairement, que la démarche des enqueteurs et celle des scientifiques empruntent des chemins similaires. On s’attend à ce qu’ils doivent faire face à des difficultés analogues, à des limites comparables, à des pièges communs.  Il est donc raisonnable de penser que les enquêteurs, dans leur démarche vers la manifestation du vrai, appliquent des méthodes qui, in fine sont celles de la science. Or ce n’est sans pas encore tout à fait le cas.

 

On fait appel à des experts dans les procès, et c’est souvent l’image qui nous vient à l’esprit lorsque l’on songe aux rapports qu’entretiennent la justice et la science. Un homme en blouse blanche qui pointe son index en direction de l’accusé en disant « Oui c’est bien son ADN qui a été retrouvé, donc il est coupable. »  (alors qu’en réalité l’expert peut juste dire si l’ADN d’un individu correspond à des éléments de l’enquête, et rien de plus.)

 

On nous pardonnera la caricature ainsi faite car aucun expert, jamais ne commettrait un tel sophisme. Cependant, on pourrait se demander comment sont choisis les experts qui témoignent devant la justice. En particulier les experts en psychologie qui rendent des rapports sur la base desquels on va juger de la crédibilité d’un témoin, de la propension d’un prévenu à commettre un crime, ou de la responsabilité que l’on peut imputer au coupable. Mesure-t-on le taux d’erreurs et de succès de ces experts ? Publie-t-on les protocoles employés, établit-on un état de l’art sur les méthodes qui fonctionnent et celles qu’il faut laisser derrière-nous ? C’est déjà une série de questions plutot compliquées et lourdes de conséquences, mais la réalité est que la place de la démarche scientifique ne se limite pas à cela.

 

En amont du procès se trouve l’enquête, et mile occasions pour les enquêteurs de commettre des erreurs involontaires dans le traitement des informations et dans l’influence qu’ils exercent eux-même sur leur enquête et sur leurs témoins. Les biais de confirmation sont les ennemis de l’objectivité requise pour ce travail.

Dans les procès d’assise le jury et le juge ont le dernier mot et ils doivent rendre un verdict, mais sait-on s’ils sont bienprotégés contre les biais cognitifs et les influences ?

 

Il est bien possible que les sciences cognitives nous donnent des éclairages sur les processus qui conduisent à des erreurs judiciaires. L’erreur est toujours humaine, elle n’en est pas moins évitable si l’on applique les précautions d’une démarche qui, décidément peut se comparer à la science puisqu’il s’agit d’une recherche systématique de l’erreur. La science peut donner aux professionnels des outils qui les aident à se prémunir contre des erreurs universelles mais lourdes de conséquence.

Et pour en parler, nous recevons Olivier Dodier, doctorant en psychologie sociale et cognitive et vulgarisateur de ces questions sur les réseaux sociaux..

 

Invité : François Theurel, alias Le Fossoyeur de Films.

Emission enregistrée le 09 février 2016.

Editorial

La critique a parfois mauvaise presse. « Arrêtez un peu de critiquer – Y fait rien qu’à critiquer. La critique est aisée, etc. » et on la soupçonne facilement. Trop complaisante, trop virulente, entre bashing et fan attitude, elle a tôt fait de déplaire aux artistes, au public, à ceux qui confondent avoir un avis et faire une analyse.

On oublie parfois que critiquer, ça ne signifie pas dire du mal, c’est un mot qui vient du grec  qui veut dire « juger ».

Juger c’est presque mal en soi à en croire certains fragiles qui voudraient que tout se vaille et qu’on n’ait pas un mot plus haut que l’autre parce que des goûts et des couleurs on ne devrait pas discuter. Mais il est bien possible que ce soit pile l’inverse : des goûts et des couleurs : on ne peut que discuter puisqu’il ne saurait y avoir de vérité unique ni d’avis définitif. A moins de vouloir s’agonir d’injures entre pro et anti-Lynch, ou s’ignorer les uns les autres… Il faut bien en passer par du dialogue.

Et la critique, finalement, est-ce autre chose qu’un acte de communication autour d’une œuvre, du message qu’elle contient, de la manière dont elle a été exécutée, de celle dont elle a été reçue… Si ce n’est pas ça, on pourrait se demander à quoi ça sert de rédiger une critique, de la publier. A quoi bon ? Qu’est-ce qu’on espère ?

Il y a ceux dont c’est le métier, les critiques officiels de la presse qui reçoivent des invitations au spectacle, les plumes estampillées, qui font autorité. Les gens achètent les magasines en partie pour connaître leur avis. La critique est un produit de consommation car il offre un regard particulièrement aiguisé sur une œuvre, et permet de la voir autrement.

A l’autre bout du spectre, il y a le commentaire sur Sens critique ou sur les réseaux sociaux, et les forums : la diatribe ou la dithyrambe et tous les stades intermédiaire. Ainsi, chacun apporte sa voix à la chorale du net 2.0, et le bouche à oreille continue d’être le media le plus utilisé sur Terre

Et puis il y a un entre-deux, quelques voix qui sortent du lot, de nouvelles références qui émergent en dehors des références classiques, et notamment les vidéastes, les youtubers.  On ne compte plus les chaines où il est question de cinéma ou de séries TV, où, avec plus ou moins de bonheur quelqu’un partage avec nous ce que lui inspire tel film.

Mais de la même façon que, sur le marché du conseil, l’offre est largement supérieure à la demande, nous n’avons sans doute pas besoin d’entendre l’avis de tout le monde sur le dernier Tarantino ou le prochain Star Wars. Avoir un avis, même très ferme, très arrêté, très étayé, ce n’est pas la garantie qu’il vaille la peine d’être partagé. Car critiquer, ce n’est pas seulement donner son avis sur quelque chose, c’est aussi expliquer pourquoi l’on pense ce que l’on pense, c’est analyser l’intention de l’artiste et son adéquation avec l’effet obtenu, et cela peut devenir un art à part entière. Le critique, quand il est dans une démarche constructive, c’est-à-dire quand il oublie de prendre les uns ou les autres pour des cons, est le partenaire de l’artiste et du spectateur. Il nous aide à mieux nous comprendre.

Et l’un des plus doués dans cet exercice est avec nous ce soir, c’est François, que vous connaissez sous le nom de Fossoyeur de Films.

Voici un épisode tourné en juillet 2015 et qui aura mis 9 mois à atteindre le stade de vidéo publiée sur le net. Une looongue gestation due à ds limites de temps, de technique, de matériel. On ne voulait pas bâcler le travail. Pour nous faire pardonner ce retard, voici en bonus l’intégralité du script sous forme d’article.

Scepticisme médieval 01


Vled                — Quand on vous dit Moyen-Âge, avouez que vous ne pensez pas tout de suite : ouverture d’esprit, science et rationalisme, lumière ! On a plutôt une image négative de cette époque. Pourtant, le Moyen-Âge ne peut pas être réduit à une ère barbare d’inculture, d’ignorance et de peur. Car ces mots s’appliquent terriblement bien à notre propre époque.

Mendax           — Oui, enfin ça n’est parce que nos contemporains sont moyenâgeux qu’il faut trouver que c’est une bonne nouvelle.

Vled            — Ce n’est pas ce que je dis, Mendax. Simplement les gens de cette époque n’étaient pas si différents.  Ils avaient envie de comprendre le monde qui les entoure, et ils se posaient des tas de question.

Mendax        — J’ai comme un doute.

Vled                — Dans ce cas, allons faire un tour au Moyen-Âge !

Arrivée à Montbazon, forteresse médiévale.

Vled                — Nous sommes maintenant au Moyen Âge, bonnes gens. Regardez ce magnifique autochtone.

Nota Bene    — Arrête tes conneries, Vled.

Vled                — Nous ne sommes pas une chaîne d’histoire, et nous ne dresserons pas une liste exhaustive des grands penseurs du moyen âge, mais nous allons profiter de notre visite aujourd’hui de la forteresse de Montbazon qui date du 10ème siècle, pour essayer de voir quelle était la forme médiévale de la pensée critique. Vous allez voir que ce n’est pas exactement  la même chose que notre démarche scientifique actuelle… et que c’est même assez éloigné du scepticisme et de la zététique.

Mendax — Alors, déjà, commençons par dire deux mots du scepticisme.

Le scepticisme, c’est quoi  ?

Au sens strict, c’est une doctrine philosophique selon laquelle la pensée humaine ne peut déterminer une vérité avec certitude. Cela vient du grec skeptikos, « qui examine ». Et ça remonte à l’Antiquité et à un certain Pyrrhon qui n’a rien écrit qui nous soit parvenu. Déjà à l’époque c’est une philosophie méthodologique et non dogmatique qui refuse de poser des hypothèses métaphysiques. Le sceptique laisse toujours la place à la réfutation des idées.

Cette philosophie rejette toute connaissance douteuse afin de ne surtout pas défendre une opinion fausse et trompeuse qui serait source de malheur. Initialement, le scepticisme était un moyen d’arriver à l’ataraxie et à l’acatalepsie : la tranquillité de l’esprit et l’incompréhension. Ce n’est pas exactement une philosophie de l’ignorance, car affirmer que les choses sont insaisissables, fondamentalement inconnaissables, ce serait dogmatique, ce que rejette le scepticisme, mais le Pyrrhonisme n’était pas vraiment une invitation à expliquer le monde.

Ce courant n’est pas étranger à la pensée Socratique « La seule chose que je sais c’est que je ne sais rien. », et il va faire école en Grèce, notamment avec Arcésilas et sa Nouvelle Académie qui propose le concept de suspension du jugement « Épochè » qui consiste à demeurer sans opinion et à n’accepter que le raisonnable. En l’absence d’une vérité absolue, les sceptiques de la Nouvelle Académie favorisent ce qui est le plus vraisemblable.

Agrippa (1er siècle) peaufine l’école sceptique et entend prouver l’impossibilité de la certitude et la subjectivité de la connaissance. C’est un peu le relativisme avant l’heure, et cela interdit à l’humain d’avoir accès à une vérité qui ne dépende pas de ses préjugés.

Les arguments du scepticisme sont plutôt solides, et les grands penseurs du Moyen Âge vont passer leur vie à tenter de le réfuter.  Le Moyen-âge est donc loi de l’image sale qui lui colle à la peau, c’est une époque anti-sceptique.

Scepticisme médieval 02

Comment ça se passe au Moyen-âge ?

Au Moyen-Âge, la science a le sens de « savoir », et il n’y a pas de « scientifique » dont l’activité professionnelle est de produire de la connaissance. Ce métier n’apparaitra qu’au 19ème siècle. A cette époque, l’ancêtre de la science est la philosophie naturelle, et elle est réalisée par des philosophes.

En occident, le scepticisme est battu en brèche par Saint Augustin au 4ème siècle, puis c’est le silence radio pendant huit siècles.

Saint Augustin (354-430) réfute le scepticisme, et notamment l’idée sceptique qu’il faut s’attacher non pas à connaître la vérité (qui serait inatteignable) mais à estimer la vraisemblance des propositions. St Augustin trouve facile de rejeter cette option en disant qu’il est impossible d’estimer la vraisemblance d’une proposition s’il ne connait pas vérité à laquelle elle doit se comparer. Malin.

St Augustin montre les limites du doute en appliquant un doute hyperbolique, comme les sceptiques. Pour lui, si l’on peut douter de l’existence du monde on ne peut en revanche pas douter de l’existence des états mentaux qui nous donnent l’impression du monde. Ne pouvant pas nier ces impressions, il suffit à Augustin de dire que ces impressions constituent le monde, dès lors le monde existe.

Mendax        — Tu trouves ça convaincant ?

Vled                — Le philosophe faisait autorité. Plus tard dans sa vie, il développe une théorie de l’illumination dans laquelle la simple idée de Dieu garantit l’existence de la certitude.

Mendax        — Euh. Et tu trouves ça convaincant ?

(Tête de Vled)

Mendax        — C’est bien ce qu’il me semblait.


Scepticisme médieval 04

Dans les siècles suivants, il se passe peu de choses sur ce terrain-là, et il faut aller au Moyen-Orient aux alentours de l’an mille pour trouver des philosophes qui s’intéressent au scepticisme. C’est le cas de Alhazen (965-1039), né dans l’actuel Irak en 965. Il est contemporain à la construction de la forteresse de Montbazon.

Alhazen s’intéresse aux illusions d’optique. Il a notamment été le premier à expliquer le paradoxe de la Lune (et du soleil) qui parait plus grande quand elle est proche de l’horizon que lorsqu’elle est haut dans le ciel… Il travaille beaucoup sur le fonctionnement de l’œil[1]. Alhazen est l’un des premiers à comprendre que notre perception du monde n’est pas immédiate mais passe à travers des inférences extrêmement fugaces. Il est donc bien conscient de la faillibilité de la perception sensorielle qui dresse une barrière entre l’humain et la connaissance du monde.

Alhazen n’avait pas de lien direct avec la pensée sceptique, mais son travail  a consisté à constamment douter des connaissances établies sur le monde, c’est donc d’une mise en pratique du scepticisme qu’il s’agit ici. Roger Bacon (1214-1294), qui est considéré comme l’un des pères de la méthode scientifique, s’inspirera des travaux d’Alhazen.

Autre savant d’origine persane, Algazel (1058-1111) cherche à atteindre une connaissance absolue et il commence par lister toutes les raisons pour lesquelles on peut douter de nos connaissances. Il faut commencer par douter de nos sens, et Algazel cite par exemple notre ombre au soleil, qui semble immobile aussi longtemps qu’on la regarde et qui pourtant se déplace sous nos yeux. Il émet également des doutes sur la capacité de la raison humaine à rendre compte du réel.

Un peu à la Descartes, il s’autorise à douter de tout, et il doute notamment de la possibilité de relier de manière certaine les causes à leurs effets… et il se retrouve dans une grande détresse, car il lui semble que le point de vue sceptique est vrai, que la certitude ne peut être atteinte. Désemparé, il est soudain guéri de cette maladie par le sentiment de la nécessité de ses croyances grâce à une lumière projetée dans sa poitrine par Dieu tout puissant.

Mendax     — D’accord. C’est très convaincant

Vled               — Le scepticisme va revenir en occident à la faveur des croisades.

Ici s’inscrit la séquence réalisée par Dave de la chaîne Histoire Brève sur la manière dont les penseurs sont « redécouverts » par l’occident.

Vled           — Et donc les philosophes occidentaux redécouvrent Aristote, les académiciens… et les sceptiques en langue arabe, qu’ils retraduisent en latin.

Scepticisme médieval 05

Il est venu le temps des Universités !

Au onzième siècle, la recherche met le pied hors des abbayes et des monastères ; les premières universités européennes sont fondées : Bologne, Montpellier, Sorbonne, Oxford, Cambridge… Elles reçoivent la précieuse liberté académique qui les soustrait à l’autorité des évêques. À cette époque la langue de la science est le latin, et ceux qui ont accès aux études sont bien souvent des clercs et des religieux. Les universités restent intimement liées à l’Église et soumise à un sévère contrôle afin d’éviter toute hérésie.

Mendax        — Par exemple la recherche des sciences naturelles s’est parfois heurtée à l’idéologie religieuse pour laquelle établir des lois régissant la nature, c’est limiter le pouvoir de Dieu, et c’est donc blasphématoire.

Les théologiens et les philosophes européens vont donc étudier les textes antiques rapportés d’orient et s’efforcer d’en faire la synthèse et d’en adapter la pensée au paradigme chrétien. Et c’est le cas de l’école de Chartres ! [Fondée en 1004] qui devient un pôle intellectuel de premier ordre. Au 12ème siècle, les gens allaient à Chartres pour voir la belle cathédrale, ses vitraux incomparables et un morceau de voile qu’on prétend avoir appartenu à la Vierge Marie herself, mais cent ans plus tôt on y venait déjà car s’y trouvait la plus célèbre académie de France et l’élite des théologiens et philosophes de l’époque[2]. On y étudiait les 7 arts libéraux

Mendax        — Le Trivium & le Quadrivium.

Le Trivium concerne le pouvoir de la langue, il rassemble grammaire, dialectique et rhétorique. Le quadrivium se rapporte au pouvoir des nombres et il se compose de l’arithmétique, de la musique, de la géométrie et de l’astronomie.

Les sept arts libéraux sont d’ailleurs représentés par 7 sculptures sur le portail principal de la cathédrale. Mais à cette époque, et pour encore pas mal de temps, la philosophie naturelle est inféodée à la théologie. L’étude rationnelle de la nature doit permettre de confirmer ce que la théologie dit sur le monde.

Et le scepticisme des philosophes de l’antiquité pose comme un petit problème. Si les sceptiques ont raison et que l’on ne peut avoir aucune certitude sur rien du tout, alors pourquoi écouter l’Église ? Pourquoi ne pas douter du dogme ? Le paradigme théologique avait besoin que les sceptiques aient tort. Les philosophes chrétiens ont donc travaillé à cette fin.

Faisons un peu de name dropping, et commençons avec Henri de Gand (1217–1293). Il lit assidûment Aristote, Cicéron , Augustin, Averroès,  et il a un accès indirect aux travaux d’Héraclite, Zénon, Protagoras, Démocrite et Platon. Il prend le scepticisme au sérieux et dresse une liste des arguments en faveur ou contre la connaissance. Il conclut que la connaissance est possible, et son argument le plus intéressant, le plus central, est la loi de non-contradiction. Pour Henri de Gand, quelque-chose de vrai doit être cohérent. Cette loi de non-contradiction est en soi une certitude.

Mais Henri va plus loin, et il pense que la « pure vérité », elle, n’est accessible qu’à travers l’illumination divine. Donc la connaissance n’est accessible qu’à la bonne volonté de Dieu, ce qui est raccord avec la condamnation de 1277[3] dans laquelle Henri a été impliqué en participant à la rédaction de la liste de 219 propositions interdites.

La condamnation de 1277

[Narration par Rigo  de la chaîne Pour la petite histoire]

Scepticisme médieval 06

Etienne Tempier, évêque de Paris et fervent augustinien, est fermement opposé à certaines thèses aristotéliciennes et averroïstes qui circulent chez les philosophes. En 1270 il publie une première condamnation qui interdit 13 propositions philosophiques ou théologiques concernant notamment le déterminisme (et donc le libre arbitre), l’éternité du monde ou la négation de la providence universelle de Dieu.

Cette première condamnation fut insuffisante pour empêcher l’enseignement des thèses incriminées. Il faut savoir que les membres des Universités à cette époque, recevaient interdiction d’expliquer les textes qui semblaient contredire la foi, sinon dans le but de les réfuter. Un parfum d’hérésie planait dans le monde universitaire.

En 1277 une nouvelle condamnation tombe : une liste, longue et désordonnée de 219 propositions « erronées » et donc interdites. Elle touche aussi bien les thèses de Thomas d’Aquin (1224-1274) mort trois ans plus tôt, que celles d’Aristote et Averroès.  La censure marque une opposition non seulement au scepticisme mais aussi au rationalisme, et aux efforts de certains philosophes pour justifier rationnellement la croyance en Dieu.

C’est dans cette condamnation que l’évêque de Paris juge hérétique de croire dans les lois de la nature, car cela empiète sur l’omnipotence de Dieu.

Mendax      — Ben voilà, c’est ce que je disais tout à l’heure.

Voix Off        — C’est assez impoli de couper une voix off pendant qu’elle parle.

Mendax      — Eh bien alors je m’excuse. Je vous en prie, vous pouvez continuer

Voix Off        — J’ai terminé. C’était la condamnation de 1277.

Mendax      — (Tête de Mendax) Ok. Merci beaucoup.

La lutte contre le scepticisme

John Duns Scotus (1265–1308) n’est pas convaincu par les arguments de Henri de Gand, mais il est certain que le scepticisme est faux et il s’emploie à le combattre. Comme les autres, il considère que le monde est compréhensible grâce à l’illumination divine. Il y aurait 4 types de connaissances nécessairement vraies, et notamment : 1) les propositions logiques par nature (l’ensemble est plus grand qu’une de ses parties), 2) ce qui relève de la proprioception (il ne l’appelait pas comme ça): je sais que je suis éveillé, que je suis en vie, que je suis debout, etc.

Il défend ensuite l’idée que les évènements qui se produisent de manière répétée ne peuvent pas être dus au hasard mais sont le résultat de l’agencement du monde par Dieu. Dès lors on peut inférer une connaissance à partir de l’observation répétée des phénomènes. Ce mode d’inférence par induction correspond à notre fonctionnement quotidien, et il est celui qu’emploient les chercheurs en sciences naturelles, en particulier s’ils travaillent sur des échantillons. Mais Scotus admettra plus tard qu’il s’agit du plus bas degré de connaissance, et que cela n’apporte pas une certitude absolue.

Roger Bacon (1214-1294) est reconnu comme l’un des esprits les plus brillants du Moyen-Âge. Docteur en arts [arts libéraux, précurseurs des sciences actuelles], il étudie à Oxford puis enseigne à Paris. On le considère comme l’un des pères de la méthode scientifique car il met en avant, pour la première fois, l’empirisme : « aucun discours ne peut donner la certitude, tout repose sur l’expérience ». Et expérience à l’appui, il ose remettre en cause l’autorité d’Aristote. Ses idées lui valent tracasseries, harcèlement et emprisonnements, et ses thèses sont notamment visées par la condamnation de 1277. Avec lui, un pas important a été franchi : le questionnement des autorités intellectuelles, et la reconnaissance du rôle de l’expérience dans l’évaluation des hypothèses.

Guillaume Durand de Saint-Pourçain (v 1270 – 1332 ou 1334) n’était pas un journaliste, mais un théologien rationaliste pour qui, dans la recherche de la vérité, l’exercice de la raison l’emporte sur toute autorité humaine, y compris celle d’Aristote. Durand de Saint-Pourçain est un nominaliste pour qui les universaux n’existent pas, l’essence ne précède pas l’existence ; il juge que de nombreux concepts de la scolastique sont superflus. Bref, il remet en cause le paradigme de son époque. Et sa démarche n’est pas sans rappeler le rasoir d’Ockham, ce qui tombe bien…

Car Guillaume d’Ockham, (1285 – 1347) était justement son contemporain. Alors disons-le tout de suite, Ockham n’était pas non plus un sceptique au sens où on l’entend de nos jours. Par exemple, il n’admettait pas que la perception humaine soit faillible. Au contraire, il affirmait que nous étions toujours capables de déterminer le réel de l’irréel. Il est tout de même novateur sur plusieurs points. Il prône la séparation de la raison et de la foi ; la philosophie n’est plus la servante de la théologie mais son égale. Il est aussi précurseur de la sécularisation, il refuse que l’église ait un pouvoir politique.

Et puis on lui attribue la fameuse phrase : « entia non sunt multiplicanda praeter necessitatem » qui signifie« il ne faut pas multiplier les entités sans nécessité ». C’est le principe que l’on nomme désormais le rasoir d’Ockham, cet outil intellectuel avec lequel on peut faire le tri entre les hypothèses utiles et celles qui sont superflues.

Mendax        — Un principe qui est un petit peu présent chez Aristote aussi, en fait, puisqu’il avait écrit : « Frustra fit per plura quod potest fieri per pauciora » . « C’est en vain que l’on fait avec plusieurs ce que l’on peut faire avec un petit nombre »

Scepticisme médieval 07

Après Ockham les choses s’accélèrent un petit peu. William Crathorn (c 1330) pense que nos perceptions peuvent nous tromper, puisque nous n’avons accès qu’aux représentations mentales des objets. Dieu pourrait très bien nous faire voir quelque-chose alors que l’objet n’existe plus, un peu comme le cercle que forme sur notre œil une chandelle que l’on fait tourner rapidement à bout de bras. La connaissance est alors impossible, sauf que Crathorn ose ajouter  une limite au pouvoir trompeur de Dieu : « Dieu ne peut pas faire penser un caillou», ce qui réduit d’autant son pouvoir trompeur. Pouvoir trompeur encore plus limité par la « bonté » de Dieu qui interdit qu’il passe son temps à nous tromper. Dès lors, le scepticisme est faux.

Mendax        — Voilà. Exactement ce qu’il fallait démontrer. Ça tombe bien.

Nicolas D’Autrecourt (1295-98  – 1369)  pense différemment. Il  s’approche dangereusement de la thèse sceptique en considérant que toutes les connaissances (hormis la certitude de la foi) découlent d’un principe fondamental : la non-contradiction. Il nie à l’humain la possibilité de à décrire liens de causalité avec certitude. Toutefois, il ne voit pas de raison valable de douter de la phénoménologie, c’est-à-dire de la manière dont nous faisons l’expérience intime des perceptions de notre corps. Il conclue que chacun peut douter de tout sauf de l’existence de sa propre âme. En se déclarant notamment en faveur de l’atomisme, il s’attaque à des positions aristotélicienne toujours considérées comme la référence par l’Église. Convoqué devant le Pape pour ses écrits et ses enseignements, il est condamné en 1346 pour hérésie. Il doit abjurer publiquement de 66 propositions « erronées » et ses travaux seront brûlés. Mendax, un commentaire ?

Mendax      — Non, merci. De toute façon l’épisode est fini.

Vled           — Eh bien, en fait… Je voulais parler aussi, un peu de Jean Buridan, Marsile d’Inghen,  André de Neufchâteau, Francis Bacon, Descartes, Malebranche, Pierre Bayle[4], et puis…

Mendax      — Non, mais sérieusement ?

Vled                — Oui, je sais bien, tu as raison.Je m’emballe un peu là, mais c’est parce que…

Mendax      — Attends !

Vled                — Quoi ?

Mendax      — Chut. Je profite.

Vled                — De quoi ?

Mendax      — Tu as dit que j’avais raison !

Bref, notre but ici est de montrer que le scepticisme a traversé les âges et en particulier l’époque très défavorable du Moyen Âge sans vraiment perdre de la force. Les arguments des sceptiques sur les limites de nos perceptions, les limites de notre mode de raisonnement par induction et la difficulté que nous avons à nous extraire des paradigmes à l’intérieur desquels nos connaissances ont toutes les apparences de la solidité restent d’actualité. La scolastique a échoué à prouver que la connaissance absolue sur le monde était possible.

Le point de vue sceptique demeure : toutes nos connaissances actuelles, aussi solides soient-elles peuvent être remises en question, et par conséquent elles doivent être remises en question. Mais ne jugeons pas trop sévèrement le Moyen-Âge.

Scepticisme médieval 08

Sommes nous dignes du scepticisme ?

Les penseurs de cette époque n’avaient ni la liberté académique ni les grandes découvertes, ni l’incalculable somme de ce que nous savons ignorer pour les aider à prendre la mesure de la place l’entreprise de la connaissance humaine sur l’univers.

Aujourd’hui nous pouvons avoir tendance à jeter un regard un peu arrogant sur les questions qui se posaient sur la nature  de la matière et de ses quatre éléments ou bien des moyens par lesquels l’œil pouvait voir le monde en émettant des rayons qu’il recaptait ensuite. Et nous pouvons juger un peu psychorigide le réflexe par lequel les philosophes chrétiens et musulman en appellent à Dieu pour contrecarrer  la pensée sceptique qu’ils rejettent sans savoir comment la réfuter. Mais notre propre maladresse vis-à-vis des concepts de l’infini, du néant, de la nature du temps, des relations entre les forces fondamentales, ou encore du hasard seront peut-être source d’autant d’amusement et de sévérités parmi nos lointains descendants. Un peu de pensée critique aujourd’hui, ici sans plus tarder, c’est le meilleur moyen que nous avons pour que l’avenir nous reconnaisse sinon de l’érudition, au moins un peu de sagesse.

Mendax        — J’ai le droit d’avoir comme un doute ?

Scepticisme médieval 03


Références :

[1] Il contredit Ptolémée qui pensait que l’œil fonctionnait en envoyant de la lumière sur les objets en faisant remarquer que si c’était vrai… nous pourrions voir dans l’obscurité. Il revient donc à la théorie de l’intromission d’Aristote ! J Méthodiquement il va prouver que les objets réfléchissent la lumière dans toutes les directions et qu’il faut que les rayons atteignent l’œil avec un angle de 90° pour que nous voyions l’objet.

Il devance les travaux et les découvertes des savants européens. La plupart de ses livres ont disparu, et seuls quelques-uns ont été sauvés grâce à leur traduction en latin à la fin du 13ème siècle.

[2] http://hodiemecum.hautetfort.com/archive/2008/04/10/10-avril-saint-fulbert-eveque-de-chartres-1028.html

[3] http://philosophie_du_moyen_age.fracademic.com/80/Condamnation_de_1277

http://plato.stanford.edu/entries/condemnation/

La condamnation est locale (Paris), une autre est prononcée peu après à Oxford, puis elles sont plus ou moins abrogées.

[4] http://plato.stanford.edu/entries/bayle/#BaySke

Invitée : Serge Bret Morel, Secrétaire de l’Observatoire Zététique. Ex astrologue.

Emission enregistrée le 26 janvier 2016.

Editorial

Les étoiles ont une forte influence sur l’humanité.

Avant les télécommunications, le GPS et les chaînes documentaires, avant les librairies, la cartographie, avant même l’écriture, les étoiles étaient déjà là. Déjà, elles brillaient, et déjà leur mouvement dans la nuit permettait de s’orienter dans le monde. Et leur position sur l’horizon au cours de l’année permettait même de prévoir les grands changements saisonniers.

Les étoiles étaient le premier calendrier, et l’humain si friand d’histoires où il se donne le premier rôle a gardé en mémoire ce grand cycle astronomique en créant des légendes, en peuplant le ciel de créatures dont les exploits ou les trahisons expliquaient les événements ici-bas. Et de génération en génération ces légendes ont forgé les astérismes, les constellations que nous connaissons aujourd’hui.

Au milieu de cette voute étincelante qui a été le spectacle le plus impressionnant présenté aux yeux humains durant des centaines de siècles, il y avait des étoiles pas comme les autres. Dans l’immobilité générale, ces astres-là allaient et venaient, et parfois décrivaient des trajectoires étonnantes, stupéfiantes. Ces astres furent nommés les vagabonds : les planètes. Et leurs mouvements si particuliers, cycliques eux aussi, apportaient une complexité à la configuration du ciel et permettaient de se souvenir d’une date reculée ou d’en prévoir une à venir.

L’astrologie de ce temps-là était totalement confondue avec l’astronomie. On ne savait rien sur la nature des étoiles, rien sur celle des planètes, on ignorait évidemment la forme de notre galaxie ou qu’il pouvait en exister des milliards d’autres. Dans la profonde ignorance de ce temps-là, se tourner vers les étoiles pour savoir où et quand on était, confinait au génie, et il a fallu beaucoup d’intelligence pour fabriquer les légendes qui, des millénaires durant, décriraient fidèlement les mouvements du ciel.

 

Aujourd’hui, bien sûr, nous restons très ignorants, mais des générations passées et de leur travail acharné, nous avons hérité des connaissances et une méthode pour les améliorer. Nous pouvons toujours nous émerveiller devant la beauté du ciel, mais nous disposons d’outils pour décrire l’univers plus efficacement qu’avec des légendes.

Et surtout nous avons les mathématiques, les statistiques, la science pour nous permettre de vérifier si les natifs du capricorne sont plus enclins à se noyer que les Balances, si les sagittaires sont plus athlétiques que les Gémeaux ou si les Taureaux sont plus productifs dans les métiers agricoles que ne le sont les Cancers. On peut calculer l’effet de la position de telle planète sur les comportements, sur la santé, sur la fortune de telle ou telle partie de la population. On peut vérifier la précision des prédictions des astrologues, on peut tester les raisons pour lesquelles les gens se reconnaissent dans tel ou tel horoscope.

Et tout cela a été fait.

L’absence totale de validité de l’astrologie est un fait avéré dans le monde de la science. L’affaire est pliée depuis bien longtemps : la divination, ça ne fonctionne pas. La divination, ce n’est pas la raison pour laquelle les légendes et les constellations ont pu être transmises au fil des âges. L’astrologie d’aujourd’hui est l’indigne héritière d’une technologie qui a permis à nos ancêtres de se placer dans le temps et dans l’espace, de comprendre l’univers au moins assez pour passer la mauvaise saison et migrer dans la bonne direction.

Il faut respecter la manière dont nos lointains parents ont réussi à coder des connaissances dans le seul support à leur disposition, l’écran étincelant de la nuit. Et c’est manquer à l’hommage qu’on leur doit de mélanger leur savoir ancien avec les salmigondis des diseurs de bonne aventure, les platitudes des scribouilleurs d’horoscopes, les fadaises et fariboles d’un Paco Rabanne, ou les divagations d’un Nostradamus.

Et ce soir, nous avons un expert du domaine pour mesurer avec lui combien l’astrologie est déconnectée de la réalité, et s’avère encore plus absurde, plus absconse, plus désordonnée encore que l’image que s’en peut faire une personne pourtant sceptique et avisée. Notre invité est Serge Bret-Morel, naguère astrologue lui-même pour des raisons peut-être liées à ce qui a été dit au début de cet éditorial, mais désormais sceptique et auteur d’un ouvrage à paraitre bientôt qui présente une analyse critique de l’astrologie.

Emission enregistrée le 24 novembre 2015.

Bienvenue en France. Si vous êtes prof de chimie et qu’on vous découvre un cancer, votre traitement est pris en charge, vous entrez dans un circuit de soin où vous n’avez rien à débourser. Avec un peu de chance, vous en sortez guéri et vous retournez à une vie normale, et si possible utile à la société.

Dans notre beau pays, la série Breaking Bad aurait donc duré un seul épisode. Rendons hommage aux américains sacrifiés qui ont rendu possible l’existence de cette série.

Mais pourtant le français râle, et d’une certaine manière pourquoi s’en priver. Ce n’est pas parce qu’un système est bien qu’il ne peut pas être améliorer, et certains soins restent difficile d’accès, les soins dentaires, les soins ophtalmologiques… Alors le français râle, d’accord, mais parfois en plus il est médisant, ce qui n’est pas très gentil. Et l’on entend évoquer la corruption qui règne partout, l’arrosage systématique des médecins par les industriels. L’ombre de Big Pharma s’étend partout et l’on veut croire que la planche de salut est du côté des médecines douces ou alternatives, de ces disciplines qui utilisent le mot naturel comme un argument de vente et qui s’avèrnt des entreprises extraordinairement lucratives dans la mesure où elles n’ont pas de travail de recherche à financer. Le profit n’est pas toujours là où on l’imagine.

Ne jouons pas les ingénus, les grandes entreprise du secteur ne font pas de philanthropie, elles visent le profit, sont administrés par des individus dont la compétence n’a rien de médicale mais qui rendent des comptes à des actionnaires attachés à leurs dividendes ; si on ne les surveillait pas de près, elle feraient des choix économiques davantage inspirés par l’appat du gain que par l’amour de la santé publique. Ces entreprises sont d’ailleurs contraintes par contrat à faire de la recherche de pointe, notamment sur les vaccins qui sont des produits très peu rentables d’un point de vue pécuniaire, mais d’une importance cruciale pour la santé publique.

Être sceptique vis-à-vis de Big Pharma n’est donc pas une faute en soi, c’est même plutot indispensable. Mais être sceptique ça ne veut pas dire nourrir le soupçon permanent, le sous-entendu, la calomnie ni rejeter les données expérimentales. Le doute raisonnable ne doit pas être manié en prêtant des intentions malhonnête à autrui, car c’est la garantie de toujours trouver de quoi justifier nos soupçons. Il y a de l‘argent, beaucoup d’argent, dans le monde de la santé, et c’est normal, car c’est à la fois important et compliqué, comme l’enseignement.
Nous allons voir ce soir que l’opacité du système empeche les patients et même les médecins de connaître le coût réel des soins, que le trou de la sécurité sociale n’est pas un trou mais un différentiel entre ce qu’elle coûte et le prix que les gouvernants veulent bien y mettre, et que les idées reçues associées à nos intuitions mal-fichues contribuent à rendre attractives les médecines non scientifiques qui cherchent à s’emparer d’une part des nombreux milliards d’euros que nous dépensons pour rester en vie et en bonne santé.
Mais il nous faut pour cela quelqu’un qui s’y connait bien, et nous avons donc invité François de la chaine Primum Non Nocere, médecin et vulgarisateur. Bonsoir François

Le texte qui suit est le script de la vidéo Tronche de Fake #1 : Discours créationniste chrétien que vous pourrez visionner en fin d’article.

Il s’agit de l’analyse de la première partie de la conférence de l’Abbé Frament, donnée au sein d’un lycée français, une école hors contrat où ce genre de dérive (et combien d’autres ?) est possible puisqu’on la retrouve affichée sur le net.

Le lecteur curieux pourra trouver une autre critique de cette vidéo dans l’excellent blog La Théière Cosmique.

 

Introduction.

Il y a quelques jours je découvrais la vidéo de l’abbé Frament intitulée « L’évolution selon les manuels de SVT: ils sont inexcusables ».

Le monsieur explique qu’il présente ici une conférence qu’il a déjà donnée à ses élèves du Lycée Saint Bernard de Bailly. J’ignore ce qu’il enseigne, probablement la philosophie ou la théologie. Ici, il a décidé de présenter à ses lycéens des arguments scientifiques.

(1min00) … « Nous donnons à nos élèves la réponse à l’évolution d’un point de vue philosophique en classe de philo et d’un point de vue théologique en cours de doctrine… mais l’abbé m’a demandé de voir ça plutôt du côté des arguments scientifiques. »

Avant de réaliser cette réponse en vidéo, j’ai tenté de contacter ce monsieur en écrivant au webmaster du site sur lequel il a écrit quelques articles. Plusieurs semaines ont passé, je considère ne plus devoir attendre une réponse, mais si d’aventure il désirait débattre de ces questions avec moi, j’espère être disponible pour pouvoir répondre présent.

Je porte une blouse, uniforme de l’autorité scientifique. Ceux qui ont vu les autres vidéos de la Tronche en Biais ont compris que c’est un moyen pour nous de démythifier ce costume. Somme toute l’habit ne fait pas le moine. En l’espèce, la blouse servira de réponse au petit col blanc de l’autorité théologique que monsieur l’abbé représente aux yeux des élèves qui ont dû suivre cette malheureuse conférence.

Regardons-en le contenu.

2min 10 « On abordera les impasses, les difficultés que posent les théories générales de l’évolution. Et arrivé à ce point-là les élèves demandent mais pourquoi enseignent-ils encore l’évolution ? (…) Pourquoi s’obstinent-ils ? »

2min40 « une théorie est un ensemble d’hypothèses»

Non. Une théorie n’est pas juste un ensemble d’hypothèses, c’est un modèle explicatif du monde, une approximation de la manière dont la nature fonctionne. La théorie est construite à partir de connaissances préalables, d’observations nouvelles, d’hypothèses sur les mécanismes à l’œuvre et de prédictions sur ce que des expériences ou des relevés doivent montrer si la théorie est juste, à quoi s’ajoutent les méthodes et les protocoles pour vérifier le statut de ces hypothèses. La théorie, c’est le niveau le plus élevé de la construction conceptuelle des explications sur l’état et le fonctionnement du monde. Ce serait bien de ne pas l’oublier.

3min « La théorie ne vaut… comme toute chaine, que ce que vaut le maillon le plus faible.»

Comparaison n’est pas raison.

Une théorie ce n’est pas une chaine, parce que la manière dont la science explore la nature n’est pas rectiligne. Il y a de nombreuses disciplines dont les résultats se répondent et parfois se contredisent et permettent ainsi d’améliorer les connaissances. Il eut été plus inspiré de comparer une théorie à une toile d’araignée où se qui compte c’est la cohérence du maillage. Mais encore une fois comparaison n’est pas raison ; les images faciles sont propices à travestir la réalité, et on ferait bien d’en éviter l’usage, à moins de savoir très exactement de quoi on parle et dans quelles limites on établit cette comparaison.

Ajoutons qu’une théorie aussi riche que celle de l’évolution a de très nombreux faits à expliquer : la biodiversité, les convergences évolutives, les dimorphismes sexuels, les comportements, et mille autres choses. Si la partie de la théorie qui s’intéresse à l’un de ces phénomènes s’avère faible et fausse, cela ne rend pas automatiquement caduque le reste du paradigme évolutif. Car l’évolution est une théorie mais c’est aussi un paradigme, c’est-à-dire un angle de vue sur le réel qui est la source d’une vision du monde.

 

Partie 1. L’origine de la théorie.

3min40 « Les deux théoriciens de l’évolution : Lamarck et Darwin »

La pensée évolutionniste ne date pas de Lamarck et Darwin[1]. Durant l’antiquité, il y a eu Anaximandre, Démocrite ou Empédocle pour proposer des origines non surnaturelles aux espèces. Il y a eu des Chinois, des Romains puis des penseurs du Moyen-Orient pour suggérer que les êtres vivants n’étaient pas immuables. À la Renaissance, Buffon est beaucoup moins fixiste que Linné, Cuvier démontre des épisodes d’extinction d’espèce dans le passé, et le grand père de Darwin, Erasmus écrit déjà que tous les êtres vivants descendent sans doute d’organismes rudimentaires qui vivaient dans la boue… Ce que Lamarck cherche à comprendre, c’est le mécanisme de ce qu’on appelait le transformisme ; il échoue en partie. Et Darwin va proposer sa théorie de la sélection naturelle ; pas tout seul d’ailleurs puisque le jeune Wallace arrive aux mêmes conclusions de manière indépendante ; tous les deux publieront ensemble leurs travaux.

Il est donc parfaitement incorrect de dire  :

4min45 « la théorie de Lamarck est tombée quand on a commencé à étudié l’ADN»

Puisque l’ADN était totalement inconnu à l’époque où la sélection naturelle a été formulée par Darwin et Wallace. Il s’écoulera 95 ans avant la découverte de la molécule porteuse de l’hérédité par Watson, Crick et Franklin. Comment quelqu’un qui prétend enseigner le sujet à des lycéens peut-il en savoir si peu

« L’ADN de Rambo n’est pas modifié parce qu’il a fait du culturisme. »

Il est vrai que Darwin a longtemps continué à croire à l’hérédité des caractères acquis. Il avait tort. Mais il se trouve qu’on sait maintenant que ce n’est pas non plus complètement faux. L’épigénétique ça existe. C’est un domaine où il reste beaucoup de choses à comprendre, mais une chose est sûre : pour le moment il est simplement faux de dire que l’on sait que le culturisme a ou n’a pas d’effet sur la manière dont vont s’exprimer les gènes de la génération suivante. Il peut se produire des modifications épigénétiques subtiles et héritables ; la recherche dira si c’est le cas ou non. À ce jour, il convient d’être humble et prudent et de ne pas se risquer à des affirmations péremptoires si on ne veut pas finir par être démenti par des gens mieux informés.

5min26 « Darwin a donné deux théories. La micro-évolution et la macro-évolution »

Darwin n’a jamais dit ni écrit ça. Ces mots datent de 1927[2] sous la plume de l’entomologiste russe Yuri Filipchenko… qui n’est pas darwinien. Il croit à l’existence d’une force qui dirige l’évolution, et refuse la sélection naturelle de Darwin. Les termes sont ensuite utilisés par son élève Theodosius Dobzhansky, qui lui fut l’un des auteurs de la théorie synthétique de l’évolution, laquelle intègre les principes darwiniens avec les connaissances biochimiques acquises par la suite.

Quoi qu’il en soit  les biologistes de l’évolution ne font pas de réelle distinction entre micro et macro-évolution. C’est la même chose ; seule l’échelle temporelle diffère. Vouloir les distinguer comme le fait le monsieur, ce serait comme dire que les historiens considèrent que les siècles et les millénaires sont des choses sans aucun rapport entre elles.

6min : L’exemple de la phalène du boulot et du mélanisme industriel. Il parle de rocher, de feuille et de « deux zones géographiques différentes»

Monsieur l’abbé parle ici de l’exemple célèbre des phalènes du bouleau et de ce qu’on a appelé le Mélanisme industriel[3]. Mais comme il mélange un peu tout, reprenons cet exemple très simple que l’on enseignait il y a quelques années au collège.

La phalène du bouleau est un papillon de nuit qui se pose dans la journée sur l’écorce des arbres. Ces papillons sont de tailles, de forme et de couleurs multiples, c’est la diversité interne à toutes les espèces. C’est la même chose que chez les humains où chaque individu est un peu différent des autres.

La révolution industrielle arrive et la pollution par le charbon encrasse les troncs d’arbres. Et alors que constate-t-on ? Que les phalènes de couleur claire, qui étaient les plus nombreuses, deviennent moins fréquentes au fil des ans alors que les phalènes sombres, elles, font le chemin inverse. La couleur sombre devient un avantage sélectif pour les individus. C’est l’illustration simple et claire du mécanisme de la sélection naturelle au sein d’une diversité préexistante.

Ce qui est très intéressant c’est que la pollution a fini par diminuer dans cette région. Les troncs d’arbre retrouvent leur blancheur, et à nouveau les phalènes blanches ont  un avantage, si bien que leur population augmente au détriment des phalènes sombres. Cela montre que la diversité génétique est demeurée riche au sein de l’espèce, contrairement à ce que monsieur l’abbé pense avoir compris.

6min50 : « ce qui s’est passé pour les Pinsons des Galapagos c’est qu’avec le temps, ils n’ont plus été capables de se reproduire entre eux non pas pour des raisons génétiques mais pour des raisons physiques. »

Les pinsons qui ne peuvent pas se reproduire entre eux, c’est la définition même d’une spéciation au sens de l’espèce biologique. Le phénomène ici est dû à un isolement reproductif entre des populations isolées sur des iles. Nul besoin d’invoquer une incompatibilité « physique » (mal définie) et surtout nulle raison d’écarter des raisons « génétiques » comme ça, gratuitement. Ce qui sépare ces pinsons, c’est le temps : de génération en génération, leurs génomes s’éloignent. On parle de « dérive génétique », donc ben… c’est génétique. Même que ça se calcule, cette dérive.

7min24 « Exemple des races de chiens.. . Pourtant c’est la même espèce, on a la même paradigme génétique. comparaison avec les pinsons qui ne se reproduisent pas entre eux et là on dit que ce sont des espèces… « vous verrez ils le disent maintenant : La notion d’espèce est mal définie. Je n’ai pas autorité. On se sert de cette notion floue…» à 8min22

La notion d’espèce est floue… C’est à la fois vrai et terriblement ironique de le remarquer, puisque l’espèce est à l’origine un concept fixiste !

[On parlait d’espèces bien avant Darwin, et on continue pour des raisons pragmatique, mais  les sciences de l’évolution nous ont appris que les espèces n’étaient pas homogènes dans le temps et dans l’espace, qu’elles n‘avaient pas de frontière bien définies, non pas parce que nous aurions du mal à trouver les critères objectifs qui les séparent, mais certainement parce que ces critères n’existent pas. Moralité il n’y a pas d’espèce, mais des lignées en perpétuel changement. Mais pour le comprendre, il faut être dans le paradigme évolutif.

 « Rien n’a de sens en biologie sinon à la lumière de la théorie de l’évolution. » Theodosius Dobzhansky

9min « Ensuite il y a la deuxième théorie de darwin… la macro-évolution » « on passe du poisson au lézard, du lézard au dinosaure et cetera et on arrive au singe et à l’homme.»

Monsieur l’Abbé ne vous fait-il pas penser à madame Garrison ?

https://www.youtube.com/watch?v=F9NPnKZkF-Y

« Les êtres vivants viennent d’une même souche qui s’est multiplié par le hasard, par la sélection naturelle. »

C’est très flou, ça, monsieur ! Le hasard intervient au niveau des mutations aléatoires dans le génome. Ensuite il n’y a plus beaucoup de hasard. Il faut que la mutation soit compatible avec le développement de l’embryon, sinon c’est une fausse couche et ça arrive tous les jours. Ensuite si la mutation apporte un désavantage, elle ne sera pas transmise à la descendance, au contraire si elle est avantageuse, elle aura tendance à se fixer dans la population, et là c’est un phénomène aléatoire, mais l’avantage n’est pas dû au hasard, mais au contraire à la forte résilience des pressions de sélection au cours du temps dans un environnement donné. Évidemment si on ne dit pas cela et qu’on se contente de lancer le mot hasard, la théorie semble fumeuse.

C’est un procédé rhétorique malhonnête qu’on appelle l’argument de l’épouvantail. On travesti la position que l’on attaque et on se bat avec un épouvantail pas très fortiche en défense. Mais, bien sûr on ne prouve rien et ne convainc que ceux qui ne connaissent pas la vraie version de la thèse adverse.

9min40 « les arguments qu’il apporte sont l’anatomie comparée.. ‘tous les êtres qui respirent ont une cage thoracique »…

Tous les organismes pluricellulaires respirent. Tous n’ont pas de cage thoracique, vérifiez sur une méduse ou une écrevisse, et nous avons donc une jolie preuve que les approximations grossières et fausses n’effraient pas monsieur l’abbé. C’est dommage.

9min53 « tous les êtres qui marchent ont des jambes… paléontologie : des formes qui vont du plus simple au plus complexe »

L’évolution n’est pas un changement vers le plus complexe. Les être unicellulaires restent à l’heure actuelle les plus nombreux, les plus diversifiés et les plus adaptés à tous les milieux. Le monsieur ne dit pas exactement le contraire, mais c’est sans doute mieux de le rappeler quand même, car je doute qu’il ait cela en tête.

« Les principes de Darwin. Premièrement des changements très progressifs (..) la nécessité pour cela d’innombrables formes intermédiaires. Deuxièmement c’est le hasard des mutations génétiques et la sélection naturelle du plus apte à la survie.

En fait c’est la sélection naturelle du suffisamment apte, et la nuance est d’importance.

« On verra les innombrables objections, voire même les impossibilités que ces hypothèses soulèvent. »

Avec plaisir.

11min « Actuellement on a Néodarwinisme avec deux tendances. Les vitalistes ( !) qui affirment l’existence d’une force de complexification (!!) et les « mécanistes ». Ca rappelle Anaxagore et Démocrite, c’est exactement la même erreur que ces grecs. »

 

Là c’est très intéressant car quand on recherche dans la littérature scientifique des concepts « vitalistes », c’est-à-dire liés à une force  vitale, à un principe organisateur du vivant qui dirigerait l’évolution… Eh bien on ne trouve rien. Parce que c’est pas du tout un concept scientifique !

Le monsieur est sans doute diplômé en philosophie, mais il lui faudrait lire un peu les travaux des biologistes… ou même simplement les manuels qu’il critique pour s’aviser que nulle parton ne trouve le présupposé d’une force vitale, puisque ça c’est précisément un concept spirituel, voire religieux, c’est sa vision du monde a lui qui réclame l’existence d’un tel principe. On a une expression facile pour décrire ce à quoi nous assistons : « Prendre son cas pour une généralité ».

« Donc voilà pour l’origine de cette théorie de l’évolution… »

Et pour la suite, je vous donne rendez-vous dans une prochaine vidéo. D’ici là, prenez-soin de votre esprit critique.

3. Regarder la vidéo. Discours créationniste Chrétien – Tronche de Fake #1 (Abbé Frament)

 

 


 

Références

[1] https://fr.wikipedia.org/wiki/Histoire_de_la_pens%C3%A9e_%C3%A9volutionniste

[2] https://fr.wikipedia.org/wiki/Micro%C3%A9volution_et_macro%C3%A9volution#Origine_des_termes

[3] Cf. la critique de ce cas d’école par Christian Le Guillou https://www.google.fr/url?sa=t&rct=j&q=&esrc=s&source=web&cd=3&cad=rja&uact=8&ved=0ahUKEwi9hffU5brJAhWGPRoKHeayAI0QFggwMAI&url=http%3A%2F%2Fwww.svt.ac-aix-marseille.fr%2Fancien_site%2Fexpoconf%2Fdarwin%2Fla_phalene_du_bouleau.pdf&usg=AFQjCNFX5qKFQta4RdBMZkkrnzBm5t6yTQ&sig2=66xtZm9uO_3VvO2gQBlPnQ

Invité : Clara Egger et Ismaël Benlismane, du CORTECS

Emission enregistrée à Grenoble en novembre 2015.

Nous avons profité de notre passage à Grenoble et de l’accueil chaleureux de l’équipe de Radio Campus Grenoble pour échanger une heure durant avec Clara Egger et Ismaël Benslimane, membres du CORTECS.

CORTECS = COllectif de Recherche Trans-disciplinaire Esprit Critique & Sciences.

Ce fut l’occasion de parler de la place de la pensée critique dans l’enseignement et de la difficulté d’utiliser des médias et des réseaux dont le fonctionnement même est souvent antinomique avec cette pensée critique.

Pour en savoir plus, visitez le site de CORTECS : http://cortecs.org/