La chaîne aborde sur un ton décalé dans la forme mais sérieux sur le fond les raisons qui font que notre lecture du monde est souvent bancale.

Invités : Stéphane Debove.

Président du Café des Sciences et auteur de la chaîne La Main Baladeuse et du blog Homo fabulus.

Emission enregistrée le 12 juillet 2016.

Editorial

Chers auditeurs, chers abonnés vous êtes des gens bien. La plupart d’entre vous n’ont jamais tué personne, ni même sérieusement songé à le faire. Vous n’avez sans doute jamais tué ni maltraité aucun mammifère de votre vie. L’image d’un être humain qui souffre, ou l’histoire d’un être torturé vous inspire tristesse, dégoût ou colère. Vous êtes des êtres moraux.

Vous êtes des animaux plus moraux que les autres en plus. Vous êtes plus sensibles aux injustices que nos amies les bêtes. Votre empathie est aussi plus prononcée. Ça veut dire qu’Homo sapiens n’est pas condamné à être une espèce d’enfoirés qui bouffent la planète. Bonne nouvelle, non ?

Non seulement vous êtes moraux, mais en plus, votre moralité est une chose extrêmement importante pour vous. Chacun d’entre vous s’estime sûrement plus moral que la moyenne. C’est scientifiquement prouvé. On a même prouvé que les détenus des prisons américaines s’estiment eux-mêmes plus moraux que la moyenne. C’est dire ! A croire qu’il nous est quasiment impossible de ne pas nous considérer nous-mêmes comme de bonnes références en matière de bien et de mal. Essayez donc chez vous, pour voir, s’il vous est facile de vous débarrasser de votre jugement moral pour accepter celui d’autrui. Vous trouverez sans doute la tâche bien plus dure que celle consistant à abandonner votre avis sur tout un tas d’autres choses. Comment cela se fait-il ?

Pourquoi notre sens de la morale nous est-il à ce point chevillé au corps ? Et puis pourquoi la morale déteint-elle sur tout ? Pourquoi la moindre polémique scientifique, politique, le moindre désaccord de voisinage retentit-il, invariablement, d’allégations d’ordre moral ? Les Homo sapiens mettent de la morale partout, constamment ils jugent du bien et du mal, et se placent toujours dans la première catégorie. Quand appel à l’autorité il y a, que ce soit la majorité, la tradition, Dieu ou la Nature, c’est toujours une autorité morale, et la morale de cette autorité est toujours parfaitement alignée avec celle de l’individu qui parle. Comment se fait-ce ?

Pourquoi agissons-nous ainsi si naturellement ? Pourquoi, si le darwinisme est vrai, ne sommes-nous pas des individus égoïstes luttant à chaque instant contre tous afin d’obtenir domination, contrôle des ressources, et meilleur succès reproductif ? Qu’est-ce qui a bien pu se passer dans l‘histoire de notre espèce pour que nous ayons ces comportements bizarrement altruistes, ce sens de l’équité hypersensible, ce dégoût pour l’injustice et cet élan d’entraide devant quelqu’un qui souffre ou se trouve en danger ?

Quelle est l’origine de notre moralité ? Une question que nous poserons à notre invité, Stéphane Debove, docteur en psychologie dont la thèse portait justement sur le sujet.

 

Notre équipe a pu avoir accès aux locaux et au temps disponible de plusieurs chercheurs de l’Infrastructure Climeri-France, c’était sur le campus de l’université Pierre & Marie Curie. Nous voulions savoir comment travaillent les climatologues, comment ils construisent puis testent leurs modèles et ce qu’ils ont à répondre aux climatosceptiques (qu’on devrait sans doute appeler des climato-négationistes puisqu’ils nient les résultats d’un consensus scientifique).

Le résultat de cette opportunité, c’est une vidéo réalisée dans le cadre de la Fête de la Science qu’accompagnent les 3 entretiens complets, afin que vous ayez accès aux propos entiers des chercheurs plutôt qu’aux seuls morceaux choisis pour la réalisation du film.

La Terre, le climat et Homo sapiens

Les trois entretiens complets

 

 

 

Pour aller plus loin…

La chaîne Youtube du Réveilleur se penche sur le sujet du réchauffement climatique.

 

Un jugement moral qui ne dit pas son nom.

Proche parent de l’essentialisme, l’appel à la nature consiste à convoquer la nature pour justifier un jugement moral que l’on ne sait pas trop comment justifier autrement (c’est-à-dire rationnellement). L’appel à la nature peut bien sûr servir à expliquer des jugements tout à faits respectables, voire juste : l’eau de source est assurément une boisson saine, qui n’offre pas les désagrément d’autres breuvages sucrés ou alcoolisés… Mais on sait bien que les sophismes servent parfois à défendre des idées justes, ce qui ne rend pas les idées fausses, mais ne rend pas le sophisme correct.

Septième épisode.

Argument omniprésent et terriblement tentant, l’appel à la nature est à bannir des débats d’idée pour la simple raison que personne n’a le monopole de la « Nature » ni aucune définition vraiment opérationnelle ; c’est un mot fourre-tout, véritable auberge espagnole où chacun trouve ce qu’il y apporte. Chers amis, cessons d’invoquer la nature pour débattre du bien et du mal, trouvons d’autres manière d’évaluer les mérites des idées des uns et des autres.

 

Pour soutenir la poursuite de notre projet, visitez notre page Tipeee : https://www.tipeee.com/la-tronche-en-biais

 

 

 

Pour votre santé cognitive, consommez 5 pages zététiciennes par jour

 

Invités : Montezuma de la chaîne Linguisticae.

Emission enregistrée le 28 juin 2016.

Editorial

Comme vous le savez tous, les mots ont un sens. Et non seulement ils ont un sens, mais en plus ils ont une histoire. Le françois d’aujourd’hui n’a pas grand chose à voir avec la langue de nos aieux du moyen age. Aux oreilles d’un latin de l’Antiquité il ressembleroit à un sabir grossier. Notre langue n’est qu’un latin abâtardis qui ferait probablement honte aux anciens, et ils diraient « Bou diou mais tout se perd de nos jours ! ».

Et notre bon français continue de changer, tout comme les autres langues vivantes, et il serait vain de chercher à s’y opposer parce que c’est comme ça que ça marche. Les langues humaines sont dites “naturelles” (entre guillemets) parce que personne ne s’est levé un matin pour inventer le mot matin ou décider de l’accord du participe présent. Les choses se sont faitess à travers l’usage des populations. Les langues évoluent… Beaucoup proviennent de langues ancestrales qui ont divergés, se sont isolées, ont parfois échangé des mots, des tournures, ont perdu du vocabulaire tandis qu’un nouveau était créé. Bref, tout ça est assez darwinien.

Et pourtant, il y a aussi une part de construction, de réglementation dans les langues. On se fixe des règles communes pour pouvoir se comprendre, et heureusement parce que c’est un petit peu à ça que ça sert.

Nos langues actuelles sont donc à la fois le résultat de l’évolution non dirigée de ce caractère vital pour l’humain qu’est sa capacité à communiquer des idées complexes, mais aussi de l’action des communautés humaines sur leur propre langage. C’est un phénomène de culture et de nature, ce qui est une belle occasion pour se rendre compte que ces deux notions ne sont pas réellement antinomiques.

En tant que processus naturel et humain, les langues sont donc des objets de science que l’on peut étudier, décrire, expliquer à travers des disciplines qui exigent méthode et rigueur. La linguistique est une science. Cela veut dire, au cas ou en aurait douté, qu’on ne peut pas dire n’importe quoi sur le langage du moment que ça nous plait ou que cela semble faire avoir du sens ou de la logique. Le bon sens n’est pas un outil très performant pour la compréhension des phénomènes complexes si on ne lui adjoint pas de la pensée méthodique.

Et ce soir nous allons nous intéresser à l’aspect darwinien -ou non- des langues humaines avec Montezuma dont vous connaissez peut-etre le travail de vidéaste vulgarisateur…

Invité : Clément Charpentier.

Emission enregistrée le 14 juin 2016.

Editorial

« Pas de panique ! »

Douglas Adams en fait le message le plus important de son Guide du Voyageur Galactique. La Panique, c’est la peur sourde, la terreur totale et incompréhensible inspirée par le dieu Pan, le dieu des mystères. La panique est contagieuse, la panique est galopante, et la panique éteint complètement notre esprit critique, elle règle notre cerveau en mode “survie” et l’empêche d’élaborer la moindre pensée réflexive.

Alors, bien sûr, les dangers existent, et la panique peut avoir gardé en vie nos ancêtres quand leurs cousins un peu plus nonchalants passaient l’arme à gauche. Mais une réaction intuitive de cette sorte, si elle fut peut-être adaptée au mode de vie tribal qui a perduré pendant quelques centaines de siècles, n’est pas très efficace dans le monde moderne où des situations complexes réclament de notre part des réponses au moins un peu structurées.

La Panique Morale est une réaction de ce genre, que l’humain manifeste face à des pratiques, à des comportements “déviants” qui le mettent mal à l’aise et qui remettent en cause l’ordre des choses, sa jolie et délicate vision du monde. Puisqu’il se sent attaqué, il faut bien qu’il y ait un agresseur, un coupable, et l’humain raffole de l’idée du bouc émissaire, du coupable désigné contre lequel déchaîner sa frustration et son angoisse.

Il n’est pas nécessaire que l’humain se sente réellement menacé, qu’il éprouve de la peur. Il suffit qu’il soit offensé, outragé, dégoûté par quelque chose. Il suffit qu’il éprouve le besoin de faire disparaître ce qui le dérange.

Comme souvent on n’a pas besoin que quiconque soit à la manœuvre. Le phénomène suit la loi des boules de neige et s’auto-entretient. Il n’est pas nécessaire que quelqu’un ait provoqué la panique, que qui que ce soit l’ait désirée. Mais ceci étant, bien sûr, il est des situations où il est bien pratique d’éteindre l’esprit critique des individus, des situations où des humains en position de pouvoir vont chercher à attiser la haine des étrangers, l’indignation contre les casseurs, la suspicion contre les grandes industries, etc. pour que l’attention des gens soient obnubilée loin des affaires qu’on souhaite garder discrètes. Les manipulations de ce genre existent, c’est indéniable, mais pour mesurer leur efficacité il faudrait toutes les repérer, ce qui pose un petit problème d’échantillonnage.

Dans le paysage de ces dernières années, on trouve sans peine des exemples de la panique morale et de sa version pugnace et organisée : la croisade morale. C’est la Manif Pour Tous, c’est le soupçon permanent contre les jeux vidéos ou les jeux de rôle, c’est la guerre contre la drogue définie par principe comme la seule stratégie possible ; c’est aussi une composante de mouvements d’opinion contre les OGM, le nucléaire, une certaine forme de progrès. Et bien sûr la logique de la Panique Morale est parente incestueuse des théories du complot qui n’existent que par l’aversion qu’elles savent susciter envers leur bouc émissaire particulier.

Nous allons regarder d’un peu plus près ce que ces concepts peuvent nous apprendre sur notre manière de réagir individuellement et collectivement aux idées, aux comportements, aux propositions qui chagrinent notre vision du monde. Et pour cela nous recevons Clément Charpentier : mathématicien, informaticien et gesticuleur de conférence.

 

Références

Invités : Pouhiou de la chaîne Pouhiou, et membre de Framasoft.

Emission enregistrée le 31 mai 2016.

Editorial

Du bout d’un clic de souris ou d’un effleurement d’écran tactile ; au bureau, à la maison ou dans la rue, vous avez accès à l’Internet. À travers des écrans qui vous suivent partout, vous pouvez consulter quasiment tout ce que l’humanité actuelle sait de son présent, de son passé, de la nature, de l’univers et de la connaissance elle-même. Si nos ancêtres apprenaient que nous utilisons ces formidables moyens de communication pour partager des images de chaton, des chaines de mail ou des photos de nos parties intimes, leur incompréhension serait bien grande et ils auraient quelque motif à regimber devant notre facilité à juger primitives et frustres les générations qui nous on précédés.

Mais qu’il s’agisse de chercher un restaurant, un magasin, un artisan, de régler les démarches administratives, de vous documenter sur l’actualité, sur votre région, de rester en contact avec vos proches, même distants, de vous exprimer sur vos passions, vos créations, vos opinions, d’échanger, de débattre, de préparer un voyage ou d’en partager les photos, désormais tout cela se passe en ligne. Une partie toujours plus importante de notre vie est numérique, elle circule dans le cloud. Et si vous êtes, comme nous, relativement ignorants de la manière dont fonctionnent les logiciels, les sites, les serveurs, vous avez probablement du mal à savoir où ces informations transitent, qui peut y avoir accès, et à quelle fin on pourrait vouloir les archiver gratuitement pour vous.

“Quand c’est gratuit, c’est que c’est toi le produit !” dit-on souvent.

Il y aurait beaucoup à dire sur l’histoire d’Internet, et pourquoi il est devenu le lieu de l’exercice de beaucoup de nos libertés individuelles. Nous nous cantonnerons à la question de la valeur que nous attachons à ces libertés.

Aucun individu n’est le client de Facebook ou de Google. Ils ne vous vendent rien. Le fonctionnement de ces géants du numérique est similaire à celui des chaines de télévision ; vous êtes leur cheptail. Ils vendent à des annonceurs du temps de cerveau disponible. Ils récoltent vos données personnelles afin de faciliter le ciblage des messages publicitaires. Vous devenez plus faciles à manipuler. Les mêmes outils peuvent être utilisées dans le monde politique afin de vous rendre plus sensible à tel ou tel candidat. Doit-on l’accepter ?

Pour le moment les opérateurs ont l’obligation de traiter tous les paquets de données de la même manière, mais certains voudraient d’un Internet à deux vitesses où l’argent déciderait de l’accessibilité des pages. Les riches pourraient refaçonner votre paysage numérique dans un sens qui favorise leur enrichissement. Ce qui les en empêche, c’est le principe de la neutralité du net. Pour combien de temps ?

Pour bien comprendre la fragilité des libertés dont nous jouissons dans le prolongement numérique de nos existences, nous recevons un membre de l’équipe de Framasoft. Avec lui nous allons essayer de comprendre ce qu’est un logiciel libre, ce que le modèle libriste apporte à la fois en termes de liberté et de sécurité (si souvent antinomiques) et quels sont les choix que chacun d’entre nous peut faire pour aller dans le bon sens.

 

Invités : Clément de la chaîne Climen.

Emission enregistrée le 17 mai 2016.

Editorial

 

Il y a un truc pour flairer le piège, détecter l’entourloupe, débusquer la duperie, c’est l’explication monocausale.

Les pseudomédecines ont généralement leur explication monocausale à tout ce qui vous perturbe. Souvent ce sont les ondes et les énergies, parce que c’est évocateur et invisible, alors c’est pratique pour impressionner à peu de frais. Et donc ce sont vos shakras qui se bouchent, vos méridiens qui s’affaiblissent, votre aura qui périclite, et on peut tout réparer avec de la méditation, des aiguilles plantées là où il faut ou du feng shui, moyennant finance. Mais cela peut aussi être votre psychisme et sa charge émotionnelle qui est en cause, les non-dits, les blessures intimes, et alors la psychologie trans-générationelle va vous soigner à coup de régression vers la vie de vos ancêtres. La psychanalyse, elle, va vous aider à vous inventer de faux souvenirs de maltraitance afin d’avoir enfin une raison d’aller mal. Pour d’autres tous vos problèmes viennent de votre posture, toutes les solutions sont dans votre voûte plantaire ou tout passe par la détoxification.

Chez Thierry Casasnovas et son site Regenere.org, le monde moderne agresse votre corps et toutes les maladies sont dues à l’acidification et aux toxine. Vous pouvez les combattre avec du jus de fruit, ou de légume obtenu à l’aide d’un extracteur de jus vendu sur la boutique du site (jusqu’à 1000 euros). Vous pouvez aussi en profiter pour acheter les DVD ou biens des couteaux, un déshydrateur, des compléments alimentaires et tout un tas de choses, ou bien vous inscrire à des conférences et des formations, le tout géré (c’est écrit en page d’accueil pour éviter les ennuis judiciaires),  par des gens qui ne sont pas des professionnels de la santé ni de la nutrition.

Cette absence de professionnalisme peut se détecter aisément quand on entend monsieur Casasnovas dire que la cellulite est une inflammation due à la toxicité de notre alimentation : que les graisses s’accumulent dans le corps uniquement pour piéger les toxines et les acides que nous consommons, et mille autres choses que nous ne pourrons effleurer ce soir avec notre invité qui a suivi de près les productions de monsieur Casasnovas et estime qu’il est grand temps d’apporter un regard critique et sérieux sur ce qui se dit. Parce qu’on ne fait pas n’importe quoi avec la santé, et que pour savoir si celui qu’on écoute sait de quoi il parle, on n’a pour le moment pas inventé mieux que le diplôme, il faut au moins se méfier de ce monsieur Casasnovas et prêter l’oreille à Climen, qui est vidéaste mais aussi pharmacien. Il a sur ces sujets des lumières que d’autres, comme nous, n’ont pas forcément.

Invités : Dari de la chaîne Temps Mort, la blogueuse Irna, le blogueur Zegatt et Clément Dr en mathématiques.

Emission enregistrée le 19 avril 2016.

Editorial

Scoop ! Nous n’étions pas sur le plateau de Gizeh quand la première pierre de la Grande Pyramide fut posée. Comme vous, sans doute, nous n’avons pas assisté à la construction du Machu Picchu, perché dans les montagnes. Nous n’avons pas vu couler le Titanic, ou se dérouler la bataille d’Austerlitz. Nul ici ne fut témoin de la révolution française ni de l’extinction des dinosaures. Un seul d’entre vous a-t-il seulement jamais posé les yeux sur les Îles Galápagos ?

Cela signifie-t-il que nous ne savons rien sur ces événements ou sur ces lieux éloignés ? Si vous êtes tenté de répondre oui, alors vous vous condamnez vous-même à recommencer tout le travail des savants d’aujourd’hui et d’hier. Vous devrez calculer vous-même le diamètre de la Terre et sa distance à la Lune et au Soleil avant de pouvoir admettre le système héliocentrique. Mais il vous faudra encore retrouver par le calcul et l’expérimentation les règles par lesquelles on établit la température et la composition d’une étoile à partir du spectre de la lumière émise. Vous devrez voyager dans le monde entier pour vous assurer de l’existence de Tokyo, de l’Afrique et du kébab au coin de la rue Jeanne-d’Arc. Et pour ce qui est de Jeanne d’Arc vous la rangerez dans la fiction tant que vous n’aurez pas lu, sans l’aide d’aucun traducteur, la totalité des documents d’archive relatifs à son existence mais aussi les documents qui attestent ou questionnent l’authenticité de ces archives. Naturellement, il vous aura fallu auparavant dater avec certitude les documents et pièces archéologiques à l’aide d’appareils de radiométrie que vous aurez non seulement calibrés mais encore conçus vous-même sur la base des connaissances de physique et d’ingénierie que votre scepticisme absolu vous aura obligé à acquérir tout seul. Il va sans dire que vous aurez dû pour cela inventer le feu, la métallurgie et toutes les techniques permettant de fabriquer les outils nécessaires à la conception de ces machines extrêmement précises.

S’il vous reste du temps, vous pourrez disséquer toutes les animaux et les plantes que vous croiserez pour réapprendre par vous-même les sciences biologiques. Et une chose est sûre et certaine, jamais vous ne direz un traître mot sur la conception des Pyramide si vous n’êtes pas allé en Egypte.

D’un autre côté, si vous admettez que la science est en bonne partie cumulative, qu’elle est un ensemble de propositions cohérentes qui permettent de construire une vision du monde globalement fiable, vous pourrez en référer à la parole des experts. Vous pourrez dire qu’il est à peu près certain qu’un astéroïde tombé dans le Yucatan il y a 65 millions d’année à éradiqué un grand nombre d’espèces de plantes et d’animaux, même si vous n’y étiez pas. Vous pourrez vous appuyer sur les travaux de tous ceux qui vous ont précédé et se sont posé les mêmes questions que vous. Que vous soyez dans le Cantal, en Californie, à Calcutta ou à Caracas il vous suffira d’ouvrir un livre, une revue ou un document scientifique pour connaître les dimensions des Pyramides avec exactitude, l’emplacement et l’orientation des pièces archéologiques trouvées dans telle ou telle tombe, les diverses versions des traductions des cartouches et tout une multitude de faits que des gens intelligents ont interrogés avant vous pour établir des théories. Sans qu’il soit nécessaire de vous déplacer sur la Lune, vous pourrez jouir des connaissances rapportées par ceux qui s’y sont rendus.

Si vous êtes dans cette disposition d’esprit vous aurez alors l’humilité de ne pas prétendre réinventer l’eau chaude à chaque fois que vous ouvrez la bouche. Vous aurez alors un peu plus de considération pour le travail des anciens. Vous aurez sans doute une meilleure compréhension de la nature de ce qu’on appelle une « preuve scientifique », et nous reviendrons ce soir sur ce sujet avec Dari Beliakhov. Vous comprendrez comment on peut donner un âge à un édifice comme la Pyramide de Khéops, et Irna viendra nous l’expliquer. Vous serez en mesure de comprendre pourquoi ce qu’on appelle les pyramides d’Amérique n’ont finalement rien à voir avec les tombeaux géants qui bordent le Nil, et Zegatt viendra dans l’émission nous le montrer.  Vous disposerez d’un vaste corpus de connaissance grâce auquel vous pourrez vous protéger contre les illusions que peut produire le hasard et la rhétorique de ceux qui veulent vous manipuler, et c’est de cela que viendra nous parler notre quatrième invité, Clément.

C’est donc émission en quatre parties à laquelle nous vous convions ce soir.

Invités : Rodolphe Meyer qui a rédigé un article sur ce sujet.

Emission enregistrée le 3 mai 2016.

Editorial

L’an Mil et le jugement dernier, l’an deux mille et le bug géant, l’apocalypse nucléaire de l’affrontement des deux blocs, le choc des civilisations, la théorie du grand remplacement, le 21 décembre 2012… les scénarios de fin du monde ne manquent jamais à l’appel. À chaque époque son lot d’histoires à faire peur. Alors cette histoire de changement climatique, de pollution, de limites des ressources naturelles, finalement voilà qui ressemble à un nouvel avatar du fantasme catastrophiste dont nous aimons nous délecter secrètement, pour éprouver le plaisir coupable de penser vivre les derniers moments de joie de notre si décevante espèce.

Pourtant il se pourrait bien qu’il y ait une réelle différence. Non pas qu’on veuille vous faire peur, car on réfléchit mal quand on a peur et on a plutôt envie que tout le monde réfléchisse correctement, mais… La surpêche, la déforestation, l’accumulation des polluants dans l’eau et le sol et l’impact général de l’activité humaine sur le climat ne sont pas des lubies, il s‘agit d’une réalité constatée par ceux dont le métier est de constater les choses et de vérifier s’ils ont bien constaté sans se gourer ; on appelle aussi ça des scientifiques. Il y  a un an une étude (en partie financée par la Nasa et injustement attribuée à cette agence) annonçait un effondrement de notre civilisation actuellement pour 2040. S’agit-il d’une nouvelle prophétie angoissée, de l’histoire à faire peur sélectionnée par nos contemporains pour avoir l’impression de vivre une époque intéressante ? Ou bien ferions-nous mieux de prendre cela au sérieux ?

Eh bien il y a d’un côté les sciences de l’environnement qui depuis longtemps nous disent que les écosystèmes dont nous dépendons ne sont pas là de toute éternité et qu’ils n’ont aucune obligation légale de continuer à exister dans le seul but de maintenir notre petit confort. Il y a des données scientifiques qui nous disent clairement que nous puisons copieusement dans des ressources que nous ne savons pas renouveler et que nous réussisons à épuiser, petit à petit les renouvelables… Et de l’autre côté il y a l’économie, la science qui étudie la production et la consommation des biens et des services. Et elle nous dit que le mode de fonctionnement de nos sociétés est juste complètement déraisonnable, et que la fragilité des écosytstèmes n’est rien à coté de celle de nos économies.

Tout a une fin, nous sommes dans un monde fini, on peut donc s’attendre à voir chuter notre civilisation. Peut-etre même est-il trop tard pour l’empêcher. Ca ne veut pas dire qu’on ne puisse rien faire aujourd’hui qui ait un réel impact, une réelle importance dans vingt, trente ou cent ans.

Pensons un peu à demain en recevant notre invité, Rodolphe Meyer, qui est doctorant en sciences de l’environnement et qui tient une chaîne YouTube dédiée aux questions que nous allons évoquer ce soir : le Réveilleur.

Invité : Nicolas Vivant de l’Observatoire Zététique.

Emission enregistrée le 8 mars 2016.

Editorial

La zététique ne consiste pas à se jeter sur les gens pour leur interdire de croire dans les esprits, la télépathie ou le vaudou. Etre zététicien, ce n’est pas être un inquisiteur ni un Science Justice Warrior, un prescripteur de ce qu’il faut croire à quelle heure et dans quelle position. La zététique, c’est une méthode que l’on utilise pour distinguer le vrai du faux tout en s’efforçant de se rappeler qu’une vérité absolue ça n’existe que dans les compte de fée et les livres sacrés qui jugent la vie humaine moins importante que le respect d’un interdit alimentaire.


Par définition même, le zététicien ne peut pas être dogmatique et il doit donc douter a priori de ce qui est avancé. Mais le doute n’est pas une fin en soi, sinon autant appeler cela la religion du doute et établir que le dogme est de douter de tout, ce qui ne nous conduirait pas très loin. Le doute n’est qu’un outil dans notre attirail, un outil puissant et tranchant à manipuler avec précaution. Le but de la démarche est de dépasser le doute et d’aboutir à une opinion éclairée.

Or donc quand on vous dit qu’un cataplasme peut soigner une scoliose, que du nitrate d’argent combat les ulcères ou que l’astrologie peut prévoir les cracs boursiers, il s’agit de déclarations sur la manière dont fonctionne le monde, et ce sont des choses que l’on peut tester. La zététique consiste en cela : tester ces allégations. Décrire le phénomène attendu, construire un protocole permettant de vérifier si c’est conforme au réel. Et même mieux que cela, la zététique de terrain, c’est s’adresser à ceux qui pensent pouvoir prouver l’existence d’un phénomène extraordinaire ou franchement paranormal, et leur donner l’occasion de mettre ces idées à l’épreuve de l’expérimentation.

Jusqu’à preuve du contraire, tout ce qui affecte le monde dont nous faisons l’expérience est accessible à l’expérimentation scientifique, pourvu que l’on sache développer un protocole suffisamment subtil et prudent.

Et c’est un peu le travail de notre invité de ce soir. Il gère la préparation et l’exécution des expériences sur des phénomènes présumés paranormaux au sein de l’Observatoire Zététique, et il va nous raconter comment cela fonctionne… Bonsoir, Nicolas Vivant.