Enregistré le 5 juillet 2017 au Muséum Aquarium de Nancy.
Invité : Didier Desor
Editorial
Certains animaux apprennent tout seuls à ouvrir des bouteilles de lait, à imiter leurs congénères, à employer de nouveaux outils. Certains imitent la voix humaine. Certains peuvent adopter des petits, y compris d’une espèce différente. Les capucins se rebellent contre l’injustice. Les pigeons sont superstitieux.
« Qu’est-ce que c’est que ce comportement ? » se demandèrent un jour les inventeurs de l’éthologie, la science qui s’intéresse au comportement animal. Comment quelque chose d’aussi complexe, d’aussi abstrait qu’un comportement, qu’il s’agisse de faire la cour à un partenaire sexuel, de savoir être tour à tour agressif ou soumis, de migrer à travers l’océan sur 10 000 km, comment un organisme issu de la sélection naturelle peut-il hériter d’attributs aussi étonnants et raffinés ? Comment se fait-il que les êtres vivants produisent cette chose qu’on appelle la culture ?
L’humain n’est pas en reste avec tout une gamme d’extravagances : nous sourions, nous émettons des vocalisations explosives sous l’effet de l’amusement ou du ravissement d’entendre un éditorial de qualité supérieure ; nous tombons amoureux et commettons à cause de cela des absurdités. Parfois nous sommes tétanisés par la peur ou bien nous rougissons sous l’effet de la honte. Et nous ne sommes pas les seuls.
C’est peut-être la deuxième grande leçon de cette science : la présence ailleurs que chez nous-mêmes de ce qui nous semble naïvement n’appartenir qu’à la nature humaine. Car, comme vous savez peut-être, certains oiseaux vivent en couple toute leur vie, les chimpanzés se font la guerre, les rats rient, les fourmis pratiquent agriculture et élevage, et tout un tas d’espèce savent s’équiper d’outils pour se procurer de la nourriture.
Mais la première leçon leçon de l’éthologie, née il y a moins d’un siècle, c’est que tout cela se réalise sans que les animaux ne possèdent une représentation interne de la finalité de leurs comportements, alors même que ces comportements semblent orientés vers des objectifs précis.
Mais alors, quelle proportion de nos propres comportements correspond à ce qui vient d’être dit ? Quand agissons-nous par instinct, en réponse à des stimulis qui peuvent être manipulés dans le but d’obtenir de nous des réponses conditionnées ? Pour le savoir, il faut que la recherche fondamentale sur ces questions avance, et notamment grâce à des travaux comme ceux de Didier Desor qui a passé des années à étudier comment les rats se comportent lorsqu’en groupe ils sont confronté à des défis.
Ce qu’on apprend sur les rats nous éclaire-t-il sur qui nous sommes ? Nous en parlerons donc avec Didier Desor, chercheur en neurosciences comportementales.