La chaîne aborde sur un ton décalé dans la forme mais sérieux sur le fond les raisons qui font que notre lecture du monde est souvent bancale.

Invité : Jean-Philippe UZAN

Enregistré mardi 5 juin 2018. Amphithéâtre de la Présidence, 34 cours Léopold, Nancy.

Editorial

Au commencement, tout était plus simple. L’humain était dans un état d’ignorance quasi- totale. Le jour succédait à la nuit, le sol était fermement installé sous ses pieds, les saisons allaient et venaient… Et c’était à peu près tout ce qu’on pouvait dire du monde. L’univers était un endroit dangereux. On y mourait jeune et sans rien comprendre aux causes de notre présence. C’était probablement très frustrant.

Mais l’humain est plein de ressources, et il y a une chose dans laquelle il excelle, c’est l’imagination. Imaginer permet de trouver des solutions nouvelles aux problèmes. Imaginer donne accès à des ressources non exploitées, à des stratégies de survie plus élaborée. C’est le superpouvoir de la lignée humaine. Nous imaginons tout le temps : on rêvasse, on fait des projets, on lit des romans, des BD, on va au cinéma, on raconte des blagues, on mythonne on procrastine, on écrit des éditoriaux… Nous racontons des histoires aux autres et à nous-mêmes, et une bonne partie de ce que nous racontons et de ce que nous acceptons de croire est imaginaire.

Mais cet amour pour les histoires participe sans doute à ce besoin que nous avons de connaître l’origine des choses, et leur avenir. L’une des plus grandes entreprises de notre espèce a été de percer sa bulle d’ignorance pour se doter des moyens d’obtenir sur l’univers des réponses qui ne se résument pas à de jolies histoires, mais qui nous informent sur la réalité de ce dont nous ne pouvons pas être les témoins directs.

Et après deux mille siècles d’existence, que de progrès pour notre espèce dans les cent dernières années. Nous avons appris l’âge de l’univers, ou plus exactement le temps qui sépare le présent du moment appelé Big Bang. Nous avons appris la mesure de l’Univers… ou plus exactement la taille ineffable de l’univers observable, ce qui laisse dans l’ombre l’univers inobservable (une idée déconcertante s’il en est). Nous savons comment ont été fabriqués les atomes qui nous composent, nous savons même que les atomes peuvent être brisés, qu’ils contiennent d’autres choses encore plus élémentaires. Nous savons le destin qui attend le Soleil et la Terre, la course folle de la galaxie d’Andromède dans notre direction. Nous avons des images des plus anciens rayonnements émis dans le cosmos et des images de synthèse pour nous raconter la formation du système solaire.

Et plus nous en savons, plus nous avons de questions sans réponse. La frustration nous accompagne toujours.

Par chez nous, au moins, épargnés que nous sommes par les guerres et la famine, nous vivons bien plus vieux qu’autrefois, en meilleure santé, dans un plus grand confort, en relative sécurité, bien nourris, et bien mieux éduqués qu’à n’importe quelle période de l’Histoire. Et pourtant, ironiquement, l’univers n’a jamais été plus hostile à notre existence à long terme. L’endroit est absolument cauchemardesque : astéroïdes, supernovae, extinctions de masse, trous noirs, collisions de galaxies, éclatement du soleil, et disparition de la vie telle que nous la connaissons… le futur lointain nous destine à l’annihilation, et l’univers, dans un sens, est encore plus dangereux qu’il pouvait le sembler à nos ancêtres.

En réponse au désarroi qu’évoque ce destin obscur, certains humains veulent croire que la connaissance trouve sa récompense en elle-même. Pour citer Edgar Poe : « Ce n’est pas dans la science qu’est le bonheur, mais dans l’acquisition de la science. » Ils consacrent leur temps à mettre à l’épreuve ce que nous croyons savoir, à imaginer d’autres phénomènes, d’autres explications qui nous donneraient une image plus juste, plus précise, de l’histoire du cosmos.

Parmi ces gens, on trouve les cosmologistes. Et nous avons l’un de ces êtres étonnants avec nous ce soir en la personne de Jean-Philippe Uzan.

Invité : Etienne KLEIN

Enregistré mercredi 9 mai 2018. Salle Raugraff, Nancy

Editorial

Nous, impénitents curieux qui voudrions tout savoir, dans notre élan archi obstiné à tout comprendre, mesurons l’immensité de notre ignorance aux idées que nous avons sans pouvoir les sourcer, mais aussi à la fragilité des sources, à leur turbidité, aux incertitudes de leurs contours. Car de source, il est toujours question dans le périlleux exercice de la compréhension du monde. En latin source se dit« Origo » et d’un seul coup vous comprenez que cet éditorial est bien celui qui était prévu pour cette émission et pas un malencontreux mélange dans mes fiches !

L’origine de nos connaissances est forcément en question lorsqu’on s’aventure à enquêter sur l’origine des choses. L’ironie ne peut vous échapper, j’en suis sûr, que nous soyons tous ici de ces choses qui peuplent l’univers et s’avisent du mystère fort épais, au moins pour les plus béotiens d’entre nous, que représentent nos origines communes et particulières.

« Qui suis-je ? Où vais-je ? Dans état j’ère ? LOL, MDR » : le scientifique c’est l’univers qui s’observe lui-même et se questionne avec plus ou moins de succès.

Nous baignons aujourd’hui dans des explications, des récits des origines, des cosmogonies, une culture scientifique, et dans ce Zeitgeist, nous partageons des évidences comme celle de s’interroger sur l’histoire de la Terre, sur l’âge du Soleil, sur le moment où l’humain s’est détaché du reste des animaux, et sur ce truc appelé Big Bang qui semble être le top départ de l’expansion de l’univers. Il nous faut un début puisqu’on ne saurait supporter l’étreinte de l’éternité.

En cela nous sommes les fruits de notre époque, perpétuellement au contact de concepts qui n’ont pas toujours existé, et qui, eux-mêmes, ont une ou des origines. Il ne va peut-être pas de soi de s’interroger sur le commencement du monde. Ou peut-être que si, mais pas forcément avec nos modalités actuelles.

Nous apprenons sans cesse des détails, parfois renversants, sur l’origine des atomes qui nous composent, ou des forces physiques qui nous gardent en forme tout en autorisant les réactions chimiques sans lesquelles ma jolie prose ne cajolerait pas vos doux tympans. Et parce que nous désirons persévérer dans ces recherches, enjôlés par le chant solaire béni de la connaissance, nous devons admettre que le passé à de l’avenir. Demain, nous saurons sur hier des choses que nous ignorons en ce jour. On aura d’ailleurs du mal à se représenter ce que cela peut bien faire d’être aussi ignorant que nous le sommes maintenant. D’un autre côté, les découvertes de demain prennent peut-être leur origine en ce moment même…

Vous aurez compris qu’on ne peut pas ne pas mêler la philosophie à de tels questionnements sur le sens même que l’on peut donner à notre soif de connaissance sur l’origine de ce que l’on découvre. Par un heureux hasard nous avons avec nous un homme qui n’est pas le plus banal des théoriciens puisqu’il mêle les compétences de physicien et de philosophe, mais aussi d’amoureux des belles lettres dans l’ordre ou dans le désordre, lui qui sait nous dire à propos de l’origine de l’univers, qu’au cœur de la question, je cite : «un vide noir grésille »— ceci n’est la seule anagramme de cet éditorial de qualité supérieure.

Nous sommes heureux de vous accueillir pour un Tronche en Live dédié à la question des origines et à la manière dont les sciences s’en emparent avec Monsieur Etienne Klein.

 

 

Enregistré au Festival de Géopolitique de Grenoble le 17 mars 2018

Editorial par Thibault Renard

 

S’il ne saurait en être l’inventeur, Donald Trump et son élection semblent constituer le marqueur d’une entrée dans l’ère de la « post vérité ». Quelle pensée critique face à ce « néo-obscurantisme » ? Où en est la communauté sceptique américaine ?

La notion de « néo-obscurantisme » n’a pas surgit avec Donald Trump. Il s’agit même d’une idée plutôt ancienne. Pour Pierre Bourdieu, « L’obscurantisme est revenu mais cette fois, nous avons affaire à des gens qui se recommandent de la raison. Face à cela, on ne peut pas se taire. »[1] Le néo-obscurantisme renvoie selon les auteurs à des réalités parfois différentes, mais la mutation et l’intégration de la science elle-même dans le discours revient régulièrement. En science-fiction par exemple pour Asimov, le « néo-obscurantisme » doit ses succès à la facilité d’adhérer à une vision du monde toute faite et sécurisante, dogmatique, n’autorisant pas de déviation, et surtout qui « vous évite la pénible nécessité de penser ». Ce simplisme s’oppose à l’esprit scientifique, qui doit être ouvert et attentif à la nouveauté, prêt à remettre en cause son acquis, à le revoir et le modifier, pour l’avancement de la connaissance.[2]

Dans le débat public actuel, les termes sont plutôt utilisés pour désigner des personnes qui seraient réfractaires au « progrès » (OGM, principe de précaution, etc.)[3]. Pour Jean-Michel Blanquer, futur Ministre de l’Education « on ne peut rester à l’écart des progrès de la science et ne pas chercher à bénéficier de ses apports. Ce serait du néo-obscurantisme. Je m’inquiète quand j’entends certains se rapprocher de ce néo-obscurantisme, souvent parce que la démarche scientifique a pu invalider certains de leurs postulats. »

Tous font néanmoins donc le constat d’une profonde mutation. Si les formes et la finalité diffèrent, la pierre angulaire semble l’être le rejet de l’approche scientifique, rejet non pas fondé (au premier abord) sur un dogme auquel il faudrait croire à tout prix, mais sur un discours qui sème le doute plutôt que chercher la conviction, mise sur la confiance plutôt que la compétence, joue les émotions contre la raison, la simplicité contre la complexité, etc.  Plus qu’un renouveau du dogme, le néo-obscurantisme semble se caractériser par un « contre-discours », à l’œuvre aujourd’hui sur les réseaux sociaux.

La « post-vérité » («Post-truth») est un peu plus récente puisque son utilisation date du milieu des années 2000. Mais à l’issue du Brexit et de la victoire de Donald Trump, elle est choisie comme mot de l’année 2016 par l’Oxford Dictionary (et entre en 2017 dans le Petit Larousse et le Robert illustré), où il s’agit «des circonstances dans lesquelles les faits objectifs ont moins d’influence pour modeler l’opinion publique que les appels à l’émotion et aux opinions personnelles».

Avec l’élection de Donald Trump s’ouvrirait donc l’ère de la « Post vérité ». L’élection de Donald Trump marquée par les fake news, les « faits alternatifs », le discours complotiste contre les médias et le système… semble en effet marquer aux Etats-Unis la victoire d’un néo-obscurantisme entrainant et fédérant dans son sillage les communautés conspirationnistes, climato-sceptiques, créationnistes… Cependant, Donald Trump n’est l’instigateur d’aucune de ces initiatives ou communautés, qui existaient bien avant lui.

Il faut malgré tout reconnaître que 2016 a marqué un tournant : la rencontre entre une volonté et des moyens politiques (Trump, ainsi que la cyberstratégie de la Russie), un contre-discours mûri au fil du temps et dirigé contre l’esprit critique et scientifique, ainsi qu’un nouveau média : les médias sociaux.

Face à ce contre-discours, cette disproportion de moyens, cette prime à l’émotion et l’immédiateté, la pensée critique et la démarche scientifique doivent-elles à leur tour se renouveler et inventer un « néo-scepticisme » ? Quelle attitude adopter sur ce nouveau champ de bataille que sont les réseaux sociaux ? Quelle est la situation actuelle de la communauté sceptique américaine ?

Ces questions seront abordées à travers une table ronde mettant en avant des vulgarisateurs européens et francophones de la pensée critique et de l’esprit sceptique présents sur le web, et particulièrement les médias sociaux :

  • Christophe Michel (France), de la chaine Youtube « Hygiène mentale »
  • Thomas Durand & Vled Tapas (France), de la chaine Youtube « La Tronche en Biais »
  • Jean-Michel Abrassart (Belgique), du balado-podcast « Scepticisme scientifique »
  • Ariane Beldi (Suisse), du site internet « Simplement correct ».

[1] Emission  «Fin de siècle», du 31 janvier 1999.

2 « Le message d’Isaac Asimov », Jean-Pierre Thomas, Sciences et Pseudo Sciences n° 198, juillet-août 1992

3 « La France, malade du néo-obscurantisme », Irène Inchauspé, L’Opinon, 17 Février 2014

Dans le précédent épisode, nous avons présenté des expériences classiques en psychologie sociale soulignant les facteurs qui augmentent le conformisme face à une autorité ou à un code social. L’expérience de Milgram montre qu’une personne lambda peut infliger des chocs électriques potentiellement mortels quand un contexte bien précis est mis en place. Cette expérience et ses variantes indiquent aussi que la moindre faille dans l’autorité détruit en grande partie l’influence que nous subissons. Le conformisme n’est jamais absolu ; il faut une source reconnue d’autorité et une unanimité de cette autorité pour obtenir une obéissance déraisonnable.

L’expérience de Asch sur les traits de différentes longueurs établit que face à une erreur unanime, nombre d’entre nous se conforment à cette erreur pourtant manifeste. Mais cette expérience et ses variantes mettent en évidence deux postures : certains se trompent de bonne foi, sous l’influence inconsciente exercée par le groupe ; d’autres font consciemment le choix de suivre l’avis du groupe malgré un avis personnel différent. Cette diversité est au cœur de notre fonctionnement individuel et collectif : c’est la diversité de nos réactions face aux influences et aux autorités qui permet le plus souvent qu’un débat ait lieu. Car dès l’instant qu’existe un environnement diversifié dans lequel l’unanimité est défiée, on peut s’attendre à une forte réduction du conformisme conscient ou inconscient.

Assurer la diversité de l’offre cognitive, s’ouvrir soi-même aux alternatives, et donc renoncer à toute posture dogmatique apparait comme la réponse la plus efficace à notre légitime crainte d’être influencés jusqu’à la manipulation.

Cela peut paraitre paradoxal : il faut s’ouvrir pour être en sécurité.

Les débats de l’arène politique et sociale jouent ce rôle. Bien sûr, ce n’est pas une panacée : on retrouve des camps dans lesquels des postures rigides sont érigées en modèles indéboulonnables, en autorités dont il ne faut pas douter. Les effets pervers de l’influence peuvent y être très puissants, même si le reste de la société offre une variété de discours et d’avis. Cet enfermement transforme la moindre confrontation d’idées en une bataille rangée où la parole adverse est vécue comme une agression. De peur d’être influencés par la parole d’un groupe identifié comme ennemi, nous discréditons d’emblée toute idée émise par lui, nous éliminons l’alternative, et en réalité nous maximisons nos risques d’être manipulés par les autorités du groupe auquel nous nous identifions. Car, rappelons cette évidence, les influences les plus puissantes sont celles qu’exercent les individus et les groupes auxquels nous nous fions. On n’est jamais trahi que par les siens.

Sur Youtube, les vidéastes ayant une audience importante sont appelés « influenceurs ». L’influence est d’autant plus grande que le visage du vidéaste apparaît à l’écran, qu’il inspire la sympathie, que le public peut s’identifier à lui et se conformer à ses choix et préférences.

Quand nous sommes à l’écran, sur La Tronche en Biais, nos personnages portent une blouse blanche. Vous savez pourquoi, nous l’avons expliqué dès le premier épisode : la blouse blanche est devenue le costume de la « scientificité », un artifice de communication employé pour augmenter le crédit que vous accordez à notre parole. Mais le principal bénéfice n’est pas là ; plus vous associerez la blouse blanche aux concepts de zététique et d’esprit critique, plus vous activerez votre vigilance épistémique devant des personnes ainsi vêtues dans le but de mieux vous convaincre. En tout cas, c’est le pari que nous voulons tenter.

 

Avec presque cent mille abonnés, notre chaîne rentre sans doute dans la catégorie des influenceurs, mais d’autres chaînes sont beaucoup plus efficaces dans le domaine : elles décrochent des contrats.

Quand des entreprises viennent investir dans votre programme afin de s’assurer que votre public sera exposé à leur marque, quand des vidéos monétisées sont mises en avant par la plateforme vidéo pour maximiser le temps de visionnage et d’exposition aux messages publicitaires, alors on est en présence d’un système qui exploite sciemment la manière dont le cerveau humain évalue la fiabilité d’une parole, la qualité d’une information ou d’un produit.

À cet égard La Tronche en Biais est une sorte d’échec. Nos vidéos ne sont pas monétisées (choix volontaire de notre part) et peu d’entreprises désirent placer leur produits dans nos programmes. Cela pour une très bonne raison : nos vidéos ne sont pas calibrées pour provoquer un acte d’achat, mais au contraire pour activer votre vigilance épistémique, un terme que l’on doit à Dan Sperber[1].

 

 

La vigilance épistémique est cette faculté que nous avons de traiter une information avant de l’intégrer à notre représentation du monde. Nous commençons notre vie avec une très faible vigilance épistémique, de manière à pouvoir croire ce que nous disent les adultes qui nous élèvent ; ainsi nous apprenons plus vite. Il y a en effet plus de bénéfices que de risques à croire ce que nous disent nos parents et nos enseignants. Cela ne veut pas dire que les enfants sont incapables d’évaluer la compétence et la fiabilité des adultes. Ils le peuvent et cette compétence s’accroît avec l’âge : nous devenons moins naïfs[2]. Notre expérience personnelle façonne la manière dont nous choisissons d’accorder ou non notre confiance à telle ou telle source d’information.

 

Les vrais problèmes commencent sur les sujets où nous n’avons qu’une compréhension partielle des énoncés et où nous devons, ou bien mobiliser beaucoup d’efforts pour compléter notre compréhension, ou bien jauger de la crédibilité de l’énoncé par la confiance que nous accordons à la compétence de la source. Notre vigilance épistémique s’endort un peu quand nous sommes en terrain de confiance, et ainsi nous partageons autour de nous des informations qui ne nous semblent vraies que pour la raison parfois discutable qu’elles viennent d’une source que nous aimons bien. Ainsi tombons-nous parfois dans le piège des canulars[3].

Dans ces conditions, il nous faut maximiser le second aspect de la vigilance épistémique, celui qui nous permet de traiter le contenu des énoncés. Ce traitement n’est efficace qu’au prix d’un investissement de temps et d’énergie dans l’acquisition de connaissances, et nous ne disposons pas toujours des ressources nécessaires.

Nous aimons le confort d’une pensée facile, perfusée par des sources sympathiques, alimentée en informations confirmant nos idées préalables, protégée contre les discours alternatifs par une bulle de filtre, dispensée des efforts et de la prudence qu’il faut déployer quand on s’aventure à penser hors du terrain balisé de la pensée de groupe. Mais nous savons bien, au fond, que ce confort est un piège.

 

La vigilance épistémique que nous espérons stimuler chez le lecteur comme chez ceux qui suivent notre chaine — y compris en arborant une blouse — réduit les bénéfices que les influenceurs peuvent attendre d’une manipulation du public, et augmente au contraire les chances que des informations de mauvaise qualité ou destinées à tromper entachent leur réputation, entament leur crédibilité et in fine réduisent leur pouvoir de nuisance.

Alors, bien sûr, je vous dis tout cela en espérant que vous accepterez d’adhérer à mon propos. Je vous demande d’accepter l’influence que j’espère exercer en vous livrant ce message. Et on peut estimer que c’est une posture quelque peu paradoxale. À vous maintenant d’évaluer la valeur du contenu de ce propos.

Nous pensons que notre travail peut porter ses fruits en vous inspirant une certaine dose de confiance, mais surtout en vous aidant à muscler votre vigilance épistémique, y compris envers nos propres contenus. Viser la rationalité, c’est vivre tous les jours comme si c’était le premier avril en sachant que les infos qui nous plaisent, nous étonnent, nous choquent pourraient bien être fausses ou ambiguës. La manière la plus prudente de trier les informations est de ne pas se focaliser sur l’identité de la source, mais sur la méthode qui a permis de produire cette information. Ce qui doit faire autorité, c’est la démarche. La pensée de groupe, même si ce groupe est étiqueté « zététique », est l’ennemie de la pensée critique. Faites-nous confiance là-dessus !

 

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[1] Dan Sperber, Fabrice Clement, Christophe Heintz, Olivier Mascaro, Hugo Mercier, Gloria Origgi And Deirdre Wilson, 2010. Epistemic Vigilance. Mind & Language, Vol. 25, pp. 359–393. http://www.dan.sperber.fr/wp-content/uploads/Epistemic-Vigilance-published.pdf

[2] cf le livre « The enigma of reason » par Hugo Mercier et Dan Sperber. Harvard University Press, 2017.

[3] http://journals.openedition.org/terrain/15187 Radu Umbres, 2013. Chasse au dahu et vigilance épistémique

Invité : Didier Gourier

Enregistré le mercredi 11 avril 2018 à la Faculté des Sciences et Technologie, Vandoeuvre-les-Nancy.

Editorial

 

Nos congénères et nous-mêmes sommes des machines à croire très performantes. On peut croire tout dès l’instant qu’on pense tenir une preuve. Mais souvent cela fonctionne dans l’autre sens : nous nous sentons autorisés à appeler « preuve » tout ce qui vient confirmer ce qu’on pensait déjà. Ceux qui pensent que la Terre est plate ont plein de vidéos YouTube à partager où des gens diversement compétents font des démonstrations étonnantes, notamment par leur choix délibéré d’ignorer de nombreux faits qui ne collent pas avec leur vision des choses. Ceux qui croient à tel ou tel complot peuvent multiplier les sources et les arguments et constituer un mille-feuilles argumentatif où la quantité produira une illusion de qualité.

Ceux qui veulent croire que l’homéopathie fonctionne plus qu’un placébo pensent avoir des preuves et ils pourront même citer des articles de recherche, des professionnels de la santé pour être d’accord avec eux et pour évoquer une sorte de « magie » à l’œuvre dans les pratiques thérapeutiques non-conventionnelle.

Evidemment ceux qui croient ces choses estiment avoir raison, sinon ils changeraient d’avis. Ceux qui changent d’avis estiment d’ailleurs être plus dans le vrai après ce changement d’avis. Conclusion : on pense toujours avoir raison à l’instant T où on se le demande (sauf quand on doute). C’est pourquoi il est important de savoir chercher des éléments de preuves qui ne dépendent pas de nous et de notre envie d’avoir raison à l’instant T. C’est pourquoi en zététique on demande des sources aux allégations sur les pouvoir de l’esprit, les manifestations paranormales, l’apparition de PANE (l’autre manière de nommer les ovnis).

Les antivax, par exemple. Si on leur demande des preuves de leurs accusations multiples et variées sur les dangers des vaccins, ils donnent volontiers des liens vers des vidéos où une mère de famille ou bien un médecin lambda (volontiers homéopathe et chaman) raconte une suite d’anecdote, énonce des faits étonnants (qu’il s’agirait de vérifier) ou dénonce un complot de Big Pharma. Parfois c’est un blog qui leur semble pouvoir convaincre le monde entier. Généralement ce sont des anecdotes personnelles.

Nos congénères semblent ne pas bien faire la différence entre un commentaire sur le forum doctissimo et PNAS, Trends in molecular medicine ou Annual Review of Genetics. Ils ne savent tout simplement pas reconnaître un véritable article scientifique découlant d’un travail de recherche validé par un processus de relecture critique par des professionnels. Et ce n’est pas totalement leur faute : quelqu’un leur a-t-il jamais expliqué de quoi il retourne ?

La publication scientifique, l’article de recherche, la revue, la méta-analyse, autant d’objets qui ne sont familiers qu’à ceux dont le métier est ou a été la science. Mais même les professionnels ne se penchent pas toujours avec assez d’attention sur les forces du processus de validation des connaissances produites… ou sur ses lacunes. Car il ne suffit pas de brandir la dernière publication en date pour détenir la vérité définitive sur un sujet. On connait les écueils de la course à la publication, de la spéculation, des échecs de réplication des résultats et même, parfois de la fraude. L’élaboration du consensus scientifique réclame du temps, et donc de la patience. Et donc de la prudence quant à ce qu’on doit juger prouvé ou douteux.

Tentons ce soir de nous initier aux grandes lignes du fonctionnement et des éventuels dysfonctionnements de la science contemporaine à travers l’objet de la publication scientifique avec le chercheur Didier Gourier.

 

 


 

Enregistré sur le campus de l’Université de Grenoble le Samedi 17 mars 2018.

La Conjuration Open Source est une conversation publique entre plusieurs acteurs du monde de la pensée critique afin de comparer les approches, les sensibilités, les priorités des uns et des autres. Puisqu’aucun dogmatisme n’est possible en la matière, seul le débat permet de dégager les idées qui méritent d’être soutenues et creusées.

Petit éditorial

Existe-t-il un mot pour mettre d’accord tous les sceptiques sur l’étiquette qu’ils doivent porter ? On en doute assez pour renoncer à l’exercice.

Il y a le mot « Zététique » qui est l’art du doute. Un effort constant pour se rappeler que l’alternative est féconde, que l’on doit rester ouvert à de meilleures explications sur le monde.

Il y a le scepticisme dont le sens est très proche : le sceptique c’est celui qui « sait » que ses connaissances sont fragiles, qui refuse le dogmatisme et toute forme de pensée arrêtée.

Le rationaliste estime que l’exercice de la raison est le meilleur moyen d’éclairer nos actions, nos choix, nos réflexions.

Le scientifique c’est celui qui fait profession d’appliquer une méthode fondée sur le scepticisme et sur l’empirisme pour tester des connaissances et en produire de nouvelles.

Chacun d’entre nous se reconnait plus ou moins dans ces termes ou dans d’autres. En tout, il n’y a pas, il ne peut pas y avoir d’Eglise du scepticisme, de Haute Autorité de la Zététique, de dogme scientifique, ni de secte rationaliste. L’exercice de l’esprit critique ne peut se pratiquer que dans la libre circulation des idées, et leur libre critique. Bref, c’est une forme de conjuration publique, ouverte, Open Source, dans laquelle existent diverses sensibilités, dont aucune ne peut prétendre être la voie de la pureté devant guider le monde vers la lumière.

Nous sommes justement réunis ensemble pour tenter un exercice d’autocritique sur la manière dont nous tentons de pratiquer et de partager l’esprit critique dans notre travail. J’aimerais que chacun décrive en quelques mots son apport personnel, sa pratique, sa conception de ce qu’est l’esprit critique.

 

Invités :

  • Michelle MIELLY : Anthropologie du développement et éthique culturelle aux USA – Recherche et enseignement sur Mobilité, Migration, Expatriation. Questions identitaires.
  • Ludovic JEANNE : Géographe social. Processus de diffusion des pratiques corporelles traditionnelles (arts martiaux).

Enregistré le vendredi 16 mars 2018 au Festival de Géopolitique de Grenoble.

Editorial

Peut-on comprendre le monde en faisant abstraction de ses croyances ?

 

Depuis quatre milliards et cinq cent quarante-trois millions d’années, la planète Terre existe, orbite, révolutionne et abrite des kyrielles d’espèce vivantes dans d’innombrables écosystèmes sans jamais avoir eu besoin d’un géopoliticien pour gérer les opérations. Le monde s’occupe de lui-même tout seul depuis ce temps, et l’espèce humaine a fondé des civilisations, des cultures, des langages sans jamais vraiment savoir ce qu’elle faisait au moment où elle le faisait.
Aujourd’hui nous préférons connaître les conséquences de nos décisions de manière à éviter les catastrophes qui ont essaimé l’histoire brouillonne de notre espèce tumultueuse : guerres, épidémies, révoltes, famines ou grèves de la SNCF.

Cette maîtrise du futur à laquelle nous aspirons pour nous-mêmes, pour nos enfants, pour le bien-être général, et même pour le bien des écosystèmes, nous ne l’obtiendrons qu’en appliquant des méthodes qui permettent d’évaluer la fiabilité des outils qui prédisent les marchés financiers, les tendances politiques, les dynamiques sociales, l’évolution des ressources, de leur disponibilité et leur correspondance avec les besoins et les aspirations. C’est un petit peu compliqué, évidemment.
L’avenir des humains présents dans cette pièce ou devant leurs écrans ne dépend pas que d’eux-mêmes, mais aussi en bonne partie de décisions prises par des responsables politiques et financiers un peu partout dans le monde. Nos destins sont liés, et on devra faire avec.

Le bon côté des choses est que le bonheur personnel de nos dirigeants est globalement corrélé au bonheur général plus qu’à leurs portefeuilles individuels. Le problème est qu’on peut se demander s’ils le savent. Mais s’ils le savent et si nous sommes dirigés par des individus pleinement rationnels, et au moins un peu éthiques, alors les outils de la géopolitique qui permettent de prédire les conséquences des grandes décisions aboutiront à un monde plus juste, plus heureux, mieux administré.
Ça c’est dans l’idéal, en supposant que nos dirigeants et nous-mêmes soyons toujours rationnels, que nous fassions les choix optimaux aux moments opportuns, que nous soyons informés et que nous comprenions les enjeux de nos choix. Mais en réalité nous sommes des singes : à peine raisonnables la moitié du temps, impatients, impulsifs, désordonnés et incorrigibles. Comme la Reine d‘Alice au Pays des merveilles, il nous arrive avant même l’heure du petit déjeuner, de croire jusqu’à six choses impossibles. Et ces croyances façonnent le monde réel presque aussi sûrement que si elle était possibles. Il faut donc probablement en tenir compte.

Nous allons demander ce soir à deux chercheurs de nous dire si l’on doit tenir compte des croyances pour expliquer le monde et comment le faire si cela doit être fait. D’abord il faudrait s’assurer que nous sommes bien renseignés sur ce que nous croyons les uns et les autres.
Le thème du festival de géopolitique de Grenoble cette année, ce sont les États-Unis, et on imagine sans peine que les croyances des gens là-bas ne sont pas sans conséquence sur la vie de beaucoup de monde sur la planète. Mais qu’en est-il des nôtres ? Est-on bon juge de ses propres croyances ?
Nous allons essayer de mettre de l’ordre dans ces idées avec nos invités Michelle MIELLY et Ludovic JEANNE.

 

Invité : Adrien Gontier

Enregistré le vendredi 23 février 2018 à TCRM Blida.

 Editorial

Combien sommes-nous prêt à payer, combien d’efforts consentirions-nous pour confirmer notre vision du monde ? Certaines croyances sont plus compatibles que d’autres avec la science et les connaissances sans cesse affinées dont nous disposons. Quand les faits et la croyance entrent en conflit, les faits ont souvent peu de chance d’en sortir vainqueurs ; vous connaissez comme nous la dissonance cognitive (si ce n’est pas le cas, pensez à regarder la Tronche en Biais épisode 3).

Beaucoup de personnes religieuses sont très attachées à la science et n’éprouvent guère de difficulté à vivre leurs croyances tout en acceptant les connaissances nouvelles. On peut être croyant et raisonnable. Dans les cas difficiles, il existe un courant de pensée, « l’accommodationnisme » dont le travail est de faciliter cette coexistence pacifique entre science et religion. Toutes deux répondraient à des questions différentes et rempliraient donc deux magistères distincts entre lesquels les conflits ne seraient en fait que des erreurs de communication. On peut douter de la pertinence de l’accommodationnisme et juger qu’il est plus un outil de paix sociale que d’épistémologie, mais ce n’est pas le sujet de ce soir. Nous allons nous intéresser à des cas de conflit ouverts entre une vision très arrêtée de la vérité religieuse et l’état des connaissances actuelles sous l’éclairage de la science…

C’est aux Etats-Unis que ce passe l’affaire dont nous allons parler, plus particulièrement au Kentucky, et on pourrait s’en étonner. Pensez donc : The United States of America, première puissance militaire du monde, à peu près première puissance économique, première puissance scientifique et technologique… et seule grande démocratie où le créationnisme a pignon sur rue et constitue même un sujet de fierté pour des élus qui s’en réclament. ‘Meurica !

Nulle part ailleurs on ne voit une association exonérée d’impôts rassembler suffisamment d’argent (27 M de dollars en 2007) pour créer un parc d’attraction-musée dévolu à défendre l’idée que la Terre a été créée en six jours il y a six mille ans et que les espèces sont apparues telles que nous les voyons aujourd’hui. Près 3 millions de visiteurs s’y sont rendu depuis son ouverture.

La même association, dont le nom signifie en français « réponse dans la genèse » a ouvert un second parc-musée en 2016 avec un budget de 150 millions de dollars. The Ark Encounter est une reconstitution de l’arche de Noé dans laquelle on nous explique que le déluge est un évènement historique, comme l’est l’histoire de Noé et de ses fils telle que racontée dans la genèse.

Ces endroits peuvent-ils légitimement être appelés musée quand la plupart des objets exposés ont été expressément manufacturés dans le but d’y être exposés ? Les associations de musée américains ne les reconnaissent pas comme tel. On peut imaginer que c’est parce qu’ils sont réticent à l’idée d’enseigner à des enfants que les Tyrannosaures étaient végétariens et vivaient à l’époque d’Adam et Eve.

Musées ou pas, ces lieux existent, ils sont visités, ils ont une influence et ils manifestent le désir d’imposer une vision du monde bien particulière avec ses codes de moralité et une pensée qui fait le vide autour d’elle. Antithèse parfaite de la démarche scientifique qui propose des hypothèses pour ensuite tenter de les éliminer, ces musées de la création sont construits sur une conclusion à défendre à tout prix, qu’il faut argumenter à l’aide de tous les artifices.

Pour bien le comprendre, il faut être allé sur place, il faut avoir vu le parcours proposé aux visiteurs et le message qu’on souhaite les voir ramener chez eux. C’est justement ce qu’a fait notre invité qui est aujourd’hui en direct depuis les Etats Unis. Adrien Gontier est l’auteur du blog www.curieuxdesavoir.com , il est docteur en géochimie et il va partager avec nous son étrange expérience dans les musées créationnistes américains.


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Invitée : Nathalie Nadaud-Albertini

Enregistré le Mercredi 7 février 2018 au G.E.C  Nancy.

Editorial

Bonjour chers téléspectateurs. Si vous nous regardez à distance, vous êtes des téléspectateurs. Croyez-le ou pas, ce n’est pas un mot nouveau inventé pour YouTube ; on l’utilisait autrefois pour le média appelé Télévision.

Vous nous regardez et nous existons pour de vrai. En dehors de cet éditorial, aucun texte n’est écrit, nous sommes donc dans un programme de Téléréalité. Ou pas. Il est bien possible que définir ce qu’est la téléréalité soit un brin plus compliqué que cela.

Vous avez tous entendu parler de la téléréalité, vous en avez sans doute regardé, en tout cas vous n’avez pas pu échapper au phénomène. Vous adorez, vous méprisez, vous observez d’un œil distant ou amusé, seul, en famille, avec des amis, vous votez ou non, vous en parlez au travail ou à l’école, vous avez vos têtes de turc et vos chouchous… ou bien vous fuyez comme la peste tout ce qui relève de ces programmes. Mais il est fort improbable que vous puissiez éprouver une réelle indifférence face à la Real TV qui fait commerce de toutes les outrances acceptables, de nos indignations faciles, de nos stéréotypes et de notre imaginaire partagé.

On pourrait vous expliquer le phénomène par le quart d’heure de gloire Warholien, mais on citera plutôt Umberto Eco qui avait prédit le succès du phénomène dans les années 1980, et ce pour des raisons morales. Nous avons tous appris à ne pas montrer du doigt la dame bizarre du bout de la rue, à ne pas nous moquer des handicapés ou des idiots. Certains apprennent mieux que d’autres le respect de la dignité humaine, mais il reste au fond de nous des mécanismes de primate qui trouvent un exutoire dans le village mondialisé actuel, et via la lucarne télévisuelle qui nous offre en spectacle des idiots volontaires, les nouveaux gladiateurs.

Bien sûr, on ne peut pas réduire la Téléréalité à une fascination-répulsion ; il y a d’autres dimensions au phénomène, et il y a désormais des recettes qui assurent un succès étonnant depuis 1997. En France cela commence avec Loft Story en 1999, et cet éditorial n’est pas assez long pour que l’on vous fasse la litanie de tous les programmes qui ont suivi dans le pays de Molière.

Loft Story, Koh Lanta, Pekin Express, le Bachelor, Greg le millionnaire, mon incroyable fiancé, La Belle et ses princes presque charmants, Qui veut épouser mon fils ?, La Villa des cœurs brisés, Les Princes de l’amour, L’amour est dans le pré, l’Amour est aveugle, Séduis-moi… si tu peux ! L’ile de la tentation, L’Île des vérités, La Revanche des ex, Adam recherche Ève, Mariés au premier regard, Star Academy, Popstars, la Nouvelle Star, X Factor, L’école des stars, Pop Job, The Voice, La France a un incroyable talent, Rising Star, Las Vegas Academy, Danse avec les stars, Top Chef, MasterChef, Le Meilleur Patissier, Cauchemar en cuisine, Cauchemar chez le coiffeur, Hair, le meilleur coiffeur, Le chantier, On a échangé nos mamans, le pensionnat de Chavagne, La ferme célébrité, Carré ViiiP, Secret Story, Dilemme, Les Anges, Allô Nabilla, Les Marseillais, Les Ch’tis, ET CETERA ! La Culture.

Si une industrie prospère sur tous les écrans du monde, il y a des raisons, et pour les explorer, nous pouvons compter sur l’expertise de notre invitée : sociologue des médias et spécialiste de la téléréalité, Nathalie Nadaud-Albertini va nous parler d’indignation, de scandale, d’individualisme, d’esprit critique et de démocratie. Osons un instant rêver qu’un jour ce genre de réflexion sera aussi populaire que les Cht’is à Las Vegas parce que, sincèrement… Voilà, quoi. Bonsoir Nathalie Nadaud-Albertini.

Nous rencontrons quotidiennement des mots et des images par milliers. Nous entretenons d’innombrables interactions avec d’autres organismes, souvent humains, émettons des jugements et prenons des décisions qui auront des conséquences sur de futurs jugements et de futures décisions… sans que nous en ayons conscience. Baignés dans le bouillon effervescent d’une société codifiée, exigeante, et désormais ultraconnectée, nous avons plutôt intérêt à prendre conscience qu’il est impossible de se soustraire complètement aux influences que nous subissons en permanence.

Nous préférerions nous imaginer libres, autonomes, seuls aux commandes de nos goûts, de nos valeurs et de nos actes, mais tout au fond vous savez bien que si vous étiez né il y a mille ans de cela, vous n’auriez pas les mêmes avis sur un très grand nombre de sujets. Se réfugier dans l’illusion de la liberté est peut-être la pire manière de s’asservir… Bref, comme nous, vous êtes sous influences.

 


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