La chaîne aborde sur un ton décalé dans la forme mais sérieux sur le fond les raisons qui font que notre lecture du monde est souvent bancale.

L’adaptation papier de la Tronche en Biais sort en librairie le 9 janvier 2019.

Le titre est au diapason de celui de la chaîne, mais croyez bien que j’ai dû batailler pour l’imposer, car bien sûr, il ne fait pas tout à fait sérieux au premier abord. Avec l’ouvrage de Francis Martin « Sous la forêt », ce livre inaugure la création d’une nouvelle maison d’édition : HumenSciences. Il est l’occasion pour moi de revenir sur des textes dont la version vidéo date de 2014 pour les plus anciens. En 4 ans de travail sur la chaîne, j’ai pu affiner mon regard sur les concepts que nous cherchons à faire connaître, et j’ai donc revu et corrigé les premiers épisodes de la chaîne.

 

 

Sur la demande de mon éditrice, Olivia Recasens, j’ai conservé la forme du dialogue entre les personnages de Vled et Mendax. Les plus attentifs d’entre vous reconnaîtront également dans certains chapitre une réécriture d’articles de ce blog, comme les Mystères de la Synchronicité ou le Réflexe correcteur.

Le format papier n’est pas totalement comparable au format vidéo, et cet exercice d’adaptation m’a permis de constater que des phrases qui fonctionnent à l’oral passent moins bien dans un livre. Les répétitions, notamment, qui peuvent être habitées par le comédien dans la vidéo, ne sont pas du meilleur effet sur papier, et j’ai dû travailler là-dessus avec les conseils de mon éditrice.

J’ose croire que ce livre est un bel objet qui permet d’avancer à son rythme au milieu des idées fondatrices de la zététique et de glaner quelques références en bas de page. Il couvre ce que j’appelle l’Arc 1 de la Tronche en biais : 10 épisodes où les concepts sont apportés les uns après les autres dans un ordre qui ne doit rien au hasard, pour aboutir à un cas d’école où ils sont mis en pratique dans l’épisode 10, encore inédit à ce jour mais qui devrait être tourné en janvier. Il y sera question de sexe, de genre et de biais cognitifs, et vous devinez bien qu’il va bousculer les représentations de pas mal de monde sur ces questions qui clivent beaucoup plus qu’elles ne devraient si l’on prenait la peine d’écouter réellement ce que disent ceux qui pensent différemment.

 

Les premiers acquéreurs du livre pourront lire ce long chapitre avant la publication de la vidéo correspondante. Vos avis m’intéressent et me permettront peut-être de modifier le script in extremis avant le tournage…

L’Arc 2 est déjà en préparation, pour aller plus loin dans l’exercice du doute et la déconstruction des schémas de pensée qui nous conditionnent à notre insu. Etant entendu que déconstruction ne signifie ni jugement, ni destruction, ni rejet, mais simplement l’analyse la plus objective possible de notre propre fonctionnement.

 

 

Invité : Elisabeth Feytit

Enregistré le mercredi 5 décembre 2018 à la MJC Pichon, Nancy.

 

Editorial

 

On éprouve une grande satisfaction à croire ce qu’on désire être vrai, et rien d’autre. Il n’y a pas de plus grande sensation de liberté que de définir pour soi-même ce qui est réel et ce qui ne l’est pas, et l’on se sent tout à fait en droit de dire à autrui qu’il peut bien croire ce qu’il veut de son côté. Est-ce que ce n’est pas le summum de l’ouverture d’esprit de ne jamais contredire quiconque, de laisser chacun à sa propre vérité ?

Le New Age est le boss final de la croyance : l’égrégore absolument relativiste de tout ce qui est cru, ou a été cru un jour, la soupe ultime où l’on peut toujours recycler une vieille lubie, pourvu qu’on accepte d’abdiquer de notre droit à la critique. Il offre l’avantage d’étancher toute forme de soif de croyance, de noyer les frontières entre les religions, d’offrir un cadre ou personne n’aurait tort et qui permettrait de mettre fin à tous les conflits liés à ces croyances car chacun détiendrait une parcelle de vérité.

Mais est-ce bien aussi positif que ça ? Permettez qu’on suggère qu’il s’agisse peut-être du summum de la fermeture d’esprit que de s’opposer à toute confrontation d’idées, de refuser de mettre à l’épreuve ses croyances, de faire des démonstrations, de respecter la logique, de produire des efforts pour tester avec rigueur ce que nous croyons. Est-ce que ce n’est pas de la fermeture d’esprit de jeter un voile pudique sur les désaccords et les incohérences ?

Préférer ses anecdotes personnelles plutôt que des études contrôlées, se fier à ses intuitions plutôt qu’à une vérification méthodique des faits, croire au karma au risque de justifier les injustices que doivent subir les plus défavorisés, ce n’est pas de l’ouverture d’esprit. Boire les paroles d’un gourou parce qu’il nous dit des choses qui correspondent exactement à ce que nous voulons entendre, ce n’est pas de l’ouverture d’esprit.

Il n’y a pas de gourou en science, pas au sens de maître à penser qui serait source d’enseignement et de sagesse. L’autorité du savant n’existe qu’à travers son respect pour la démarche rationnelle de recherche systématique de l’erreur, elle émane du contexte dans lequel il accepte de soumettre ses énoncés à l’examen collectif des chercheurs.

Mais c’est tellement mieux de se réfugier dans l’idée que nos pensées positives peuvent rendre le monde meilleur sans avoir à agir, à militer, à voter, à s’investir physiquement. C’est tellement plus satisfaisant, la croyance à la carte dans tel ou tel concept ésotérique qui nous rappelle la pureté de notre âme et la frivolité des événements terrestres puisque l’important se situe dans la cinquième dimension, dans un niveau vibratoire supérieur, là où nos énergies peuvent libérer leur plein potentiel. C’est tellement bien qu’on peut comprendre l’attrait de ces croyances, et comme il est tentant d’imaginer être un enfant indigo, ou bien parent d’un enfant de cristal. On peut s’en convaincre en toute bonne foi ; la sincérité n’a jamais empêché les erreurs.

Jessica Schab a cru aux illuminatis, aux forces de l’ombre et à la Loi d’Attraction. Elle a cru qu’elle était La première enfant de cristal à s’incarner sur Terre pour pour sauver l’humanité de son enfermement dans la matrice et pour l’aider à réaliser son potentiel. Des dizaines et des dizaines de milliers de gens y ont cru aussi, et elle est devenue leur gourou. Mais un jour elle a dû faire face à ses propres questionnements et elle a choisi de ne plus croire et de le dire. C’est ce dont il est question dans le film « Ex-Gourou » que prépare notre invitée, la productrice et réalisatrice Elisabeth Feytit.

Invité : Grégoire Perra

Enregistré le mercredi 14 novembre 2018 au Muséum Aquarium de Nancy.

 

Editorial

Il ne faut pas voir des sectes partout. Le mot secte est d’ailleurs problématique, car il est difficile de définir ce qu’est réellement une secte. Il faut de toute façon se méfier des étiquettes qui ne sont jamais le complet reflet de la réalité.

Alors pour se faire un avis au-delà des préjugés et de l’affectif, il faut s’attacher aux faits, s’intéresser à l’historique d’une doctrine, à son fondateur, à son bagage idéologique, à son épistémologie, à ses réseaux, à son évolution et à la manière dont elle réagit aux critiques. Cela, cher spectateurs, vous pourrez le voir dans les commentaires de cette vidéo ou sur les pages qui critiqueront cette émission consacrée à l’anthroposophie.

Vous l’ignorez peut-être, mais il y a beaucoup d’anthroposophes. Aucun d’entre eux ne pense appartenir à une secte : la secte, c’est toujours chez les autres. Mais… Ils ont leur maître à penser, Rudolf Steiner, mort en 1925, dont la prose prophétique et absconse réunie en 354 volumes subit une exégèse constante pour lui donner du sens dans le monde contemporain. Ils ont leurs rites, leur attachement au paranormal, aux énergies, à l’astrologie et à un certain regard sur la nature qui peut sonner comme de l’écologie, qui ressemble à un discours solidaire, écoresponsable, porteur de valeurs très positives. Il est à peu près normal de commencer par éprouver de la sympathie pour les idées que les anthroposophes affichent sur leurs têtes de gondoles, comme Pierre Rabhi par exemple. Ils adoptent tous les codes des gentils rebelles en résistance contre le méchant empire. On a envie d’être d’accord avec eux, de croire qu’ils ont des solutions pour nous rendre la vie plus belle.

Seulement l’anthroposophie contrôle des écoles, des banques, des usines de fabrication de produits homéopathiques, elle est à l’origine de la biodynamie, elle caresse l’espoir d’un moteur éthérique activé par la pensée humaine, et par bien des aspects, quand on y regarde mieux, elle ressemble sans doute moins aux rebelles qu’à l’Empire.

Rudolf Steiner, c’est la confusion constante entre science et spiritualité, un mélange des genres qui ne produit jamais aucune connaissance mais encourage à penser que les autres, tous les autres sont fermés d’esprit. Il n’y a qu’à citer un extrait de son opus 13  « La science de l’occulte » : « Les procédés d’initiation font évoluer l’homme depuis la forme normale de la conscience diurne jusqu’à une activité psychique où il dispose d’organes spéciaux pour ses perceptions spirituelles ».

Nous avons un adage en zététique : l’alternative est féconde.

Oui, nous voulons manger des aliments sains produits dans le respect de l’environnement et des personnes qui travaillent. Oui, nous voulons un système éducatif tourné vers les besoins de l’enfant pour garantir son épanouissement à son propre rythme, et ne pas formater, et donc mutiler, son potentiel. Oui, nous voulons des banques éthiques qui investissent d’abord dans les projets utiles à la société plutôt que dans ce qui est rentable à court terme. Mais devons-nous pour cela de toute force avaler le galimatias vibratoire, le baragouin karmique, l’amphigourique cosmogonie délirante du cacographe Steiner ? Devons-nous accepter que les médias et certains ministères tentent de banaliser un mouvement qui a vocation à tout anthropophiser ?

Car sachez qu’on peut tout anthropophiser : les esprits, bien sûr, mais aussi les portes, le béton, les fenêtres, et les canalisations ; l’épistémologie, la médecine et la politique. L’anthroposophie est une vision globale, un intégrisme ésotérique qui s’empare en priorité des esprits jeunes, comme ce fut le cas pour notre invité qui a connu le mouvement de l’intérieur et pourra nous en expliquer le fonctionnement. Bonsoir Grégoire Perra.

 

 


Pour aller plus loin.

La Tronche en Biais a 4 ans aujourd’hui.

 

J’ai enregistré le petit Vlog tout moche ci-dessous à l’insu de mes camarades afin de vous dire un petit nombre de choses. Et d’abord MERCI.

Je vous fais un petit historique pour que tout le monde soit à jour.

 

Au départ le célèbre Vled Tapas était connu pour sa chaîne traitant de musique, et en particulier de la musique dans les jeux vidéos. Amoureux, comme moi, des concepts de la zététique, il m’a convaincu d’en faire une chaîne. C’était la Tronche en Biais ! Et ce qui n’était qu’un petit projet pour partager ce que Vled et moi pensions de la zététique, de l’esprit critique, et des raisons pour lesquelles il est important d’adopter une démarche rationnelle est devenu une grosse chaîne encadrée par une association que font vivre des bénévoles que vous ne voyez pas à l’écran.

 

Ce quatrième anniversaire est l’occasion pour moi de leur adresser publiquement un message d’amour. J’espère qu’ils me pardonneront.

Il y a d’abord eu Loki Jackal, le réalisateur de nos vidéos canon. Sans son talent de créateur graphique, de monteur, de réalisateur, nos premières vidéos auraient peut-être fait un flop. Et la Tronche en Biais a donc démarré sous la forme d’un trio. Vous n’avez jamais vu la vraie première vidéo de la TeB : nous avons détruit ce prototype pour confier la réalisation à Loki.

Nous avons fonctionné comme ça pendant deux ans, et assez vite nous avons imaginé que le format du live serait intéressant, et finalement la Tronche en Live est devenue notre programme principal, en tout cas le plus régulier, celui qui nous permet d’aborder le plus de thèmes, puisque la connaissance de fond, ce sont nos invités qui la fournissent. Je suis particulièrement fier de la qualité de nos invités et d’apprendre moi-même autant de choses dans le processus de création de ces émissions en direct. Et je suis reconnaissant envers tous ceux qui nous ont fait assez confiance pour venir passer une soirée à parler en direct sur l’antenne d’une chaîne qui s’appelle la Tronche en Biais.

La Tronche en Live a beaucoup évolué quand Guillaume a rejoint notre équipe. C’est lui qui a apporté de la rationalité dans la gestion de nos projets, qui a déployé des talents inouïs dans l’organisation et l’amélioration de la qualité des lives. Avec lui, et avec une petite poignée d’amis, nous avons fondé l’Association pour la Science et la Transmission de l’Esprit Critique. Et cette petite équipe s’est étoffée lentement pour répondre au besoin des projets que nous essayons de mener à bien.

L’ASTEC, c’est donc Vled Tapas, Acermendax, Loki Jackal et Guillaume Cervantes (il a renoncé à son pseudo, c’est idiot), mais aussi d’autres gens… Lionel, notre président, est un érudit de l’informatique et d’Internet ; il est prévu qu’il partage ses connaissances et ses analyses sous un format vidéo, il faudra juste qu’on l’encourage très fort !! Patrice Seray et Francine Cordier ont une longue expérience du monde de l’ufologie et du travail d’enquête à partir de témoignages liés aux ovnis. Le très talentueux Luca Bobenrieth se charge de la communication visuelle de nos projets (l’évolution des logos, des habillages, tout ça…). Gabriel est en charge du son des vidéos, lequel nous a longtemps posé problème, il nous fallait un pro aux manettes. Lise est la cadreuse des émissions Live, elle prend aussi de super photos. Luca, Gabriel et Lise sont chargés de la communication de l’association.

Je ne vais pas vous dévoiler toute la cuisine de l’asso, ce n’est pas le sujet, mais nous avons aussi dans l’équipe : Charlotte, Loïc, Florian, et Bunker D, le blogueur sceptique. Chacun apporte ses compétences et son esprit critique à notre travail commun au degré d’implication qu’il souhaite.

 

C’est ce qui nous permet de faire avancer de front plusieurs projets : les épisodes scénarisés, les documentaires, les livres, les interviews, les formations à l’esprit critique [Si vous cherchez une formation stimulante pour vos étudiants, vos collègues ou vos employés, l’ASTEC peut sans doute vous aider…] et même un jeu de société. Bref, en, quatre ans, nous avons fait du chemin, nous avons rencontré des gens formidables, participé à des tables rondes, des conventions à des projets divers et variés, été invités un peu partout en France, en Belgique et en Suisse… parce que nous faisons des vidéos sur Internet et qu’un certain nombre de gens aiment assez notre travail pour le partager, nous soutenir et nous critiquer.

 

Nous ne sommes pas toujours d’accord sur tout dans l’équipe, et on se frite un peu de temps à autres, ce qui est très stimulant et fait partie du contrat moral d’un projet comme le nôtre. Mais nous partageons ensemble des valeurs et cela nous donne assez de cohésion pour travailler chacun à son rythme sur nos projets communs. Des projets qui peuvent avoir un effet sur la société, nous l’espérons, si vous, nos plus de cent mille abonnés faites le gros du travail : celui d’utiliser quotidiennement les outils de la pensée critique que nous tâchons de décrire le mieux possible pour les rendre toujours plus faciles à utiliser dans le cadre de nos interactions avec les idées fausses, les discours séducteurs, les impostures, les pseudo-sciences et les dogmatismes.

 

Merci à ceux d‘entre-vous  qui commentent les vidéos sur la chaîne, qui mettent un pouce bleu, qui les partagent sur leurs réseaux, qui en parlent autour d’eux, qui donnent un euros ou deux à l’ASTEC, qui défendent une bonne pratique de la zététique laquelle n’est ni arrogante, ni vindicative. Merci à ceux qui nous envoient les articles et les ressources de qualité que nous pourrions partager avec tout le monde.

Quant aux rageux, aux obsédés de la pureté idéologique, aux relativistes absolus, aux miliciens clavicoles qui se cherchent des ennemis, évidemment je ne dis pas merci, mais je tiens à acter votre existence et votre pouvoir de nuisance. Il est réel. Vous impactez réellement le moral et la motivation des gens sur lesquels vous déversez vos commentaires, parce que ce sont des êtres humains, comme vous, peut-être de meilleurs êtres humains que vous du reste, car s’acharner à insulter ou à condamner sans comprendre ne fait pas de vous des gens bien.

Votre influence sur nous est toutefois limitée par la cohésion de notre équipe sans laquelle nous aurions peut-être tout arrêté… et par les témoignages nombreux que nous recevons de celles et ceux pour qui notre chaine, et plus généralement la zététique bienveillante pratiquée par beaucoup de confrères a eu un impact fort sur leur vie. Je tiens personnellement à remercier encore une fois chacun de ceux qui nous ont écrit pour nous livrer un petite tranche de leur vie dans laquelle la zététique a eu son importance, parfois une très grosse importance. Et pour finir je vous invite à nous écrire à nous, mais aussi aux collègues qui font le même travail, si jamais ce que nous faisons vous a aidé, vous a touché, a changé quelque chose dans votre vie ou dans celle de vos amis.

Parce qu’au final c’est la seule chose qui puisse vraiment donner du sens à tout ce que nous faisons depuis 4 ans.

Dès lors la question est : on continue  ?

 

 

 

Invités : Astronogeek, Defakator, un Monde Riant, Francine Cordier, Patrice Seray + Feat. Christophe Michel de Hygiène Mentale

Enregistré le mercredi 10 octobre 2018 au GEC de Nancy.

Editorial

Des choses bizarres se produisent de temps en temps. Tous les jours des évènements improbables ont lieu. Chaque fois qu’une personne gagne à la loterie alors qu’elle avait neuf cent mille neuf cent quatre-vingt-dix-neuf chances sur un million de ne pas gagner, l’improbable s’est produit. Chaque fois que, par coïncidence, votre cousine Jessica vous téléphone au moment pile où vous ne pensez pas à elle, une synchronicité n’a pas lieu… Et personne ne le remarque.

Des choses totalement renversantes se produisent en ce moment même. Des baleines et des oiseaux migrent sur des milliers de kilomètres sans GPS, sans cartographie, sans même toujours savoir où ils vont. Les abeilles construisent des alvéoles hexagonales sans jamais apprendre la géométrie à l’école. Je ne vous parlerai même pas des termitières et de leurs systèmes de thermorégulation. Les planètes se déplacent presque toutes dans le même plan et si nous les ramenions à la taille d’une boule de billard, elles seraient plus lisses que nos boules de billard.

Le microplancton produit la majeure partie de l’oxygène de notre atmosphère ; ce qui était au départ un poison métabolique a jadis transformé les paysages, oxydé les roches, et décidé que certaines lignées animales allaient coloniser le monde pendant que d’autres allaient s’éteindre. Un battement d’aile de papillon à Sarraltrof peut provoquer la pluie plutôt que le beau temps deux semaines plus tard dans le Wiltshire.

Des causes modestes peuvent avoir des effets importants. Les simples particularités de la matière produisent des phénomènes complexes et imprévisibles. Le hasard produit parfois des régularités. Le monde est infiniment complexe, notre ignorance est colossale.

Mais nous savons comment est apparu le Crop Circle de Sarraltroff. Savoir cela nous permet de raisonner en terrain solide. Grâce à cette connaissance, on peut tester la fiabilité des experts, la validité de leurs méthodes, la réalité de leur capacité à percevoir des énergies à partir desquelles ils prétendent avoir accès à des connaissances qui échapperaient aux sceptiques. Le simple fait de savoir la véritable origine de cet agroglyphe éclaire soudain tous les discours qui y font référence et nous renseigne sur la confiance que l’on peut accorder aux différentes personnes qui vont en parler.

 

Ce que nous avons constaté, c‘est le vif désir de conclure à une origine non humaine, de conclure au sens du message qui serait ainsi transmis, de conclure sur l’identité des auteurs, de conclure sur la qualité des « énergies » ressenties. Et toutes ces conclusions définitives ont en commun de s’appuyer sur l’ignorance de ce que nous, nous savions, mais aussi sur une incroyable quantité d’autres ignorances sur les fameuses énergies, sur les Êtres à l’origine du message, sur ce qu’il se passe quand on écrase du blé avec une planche, sur le nombre de pures coïncidences mathématiques que l’on peut trouver dans un dessin simplement construit avec des cercles, sur le nombre de mouches mortes qu’on trouve dans un champ normal, sur le fonctionnement du cerveau de celui qui veut croire à l’intervention d’une entité mystérieuse.

« Le mystère est un habit commode pour l’absurdité » a dit John Adams.

Si la science est la recherche systématique de l’erreur, le Crop Circle de Sarraltroff a peut-être mis en évidence une erreur récurrente et fatale dans la logique de ceux qui veulent voir dans les Crop Circles et dans les ovnis la manifestation d’une intelligence non humaine. C’est l’erreur qui consiste à fonder son raisonnement sur des choses que l’on ignore, sur des hypothèses spéculatives qui ne recouvrent pas l’ensemble des possibles. C’est l’appel à l’ignorance souvent couplé à un retournement de la charge de la preuve où ce serait à l’autre de prouver qu’on se trompe.

Nous sommes ce soir en compagnie de la petite équipe du Crop Circle de Sarraltrof, et il semble bien que ce projet a montré que certains experts se trompent. Sauf erreur de ma part.

Bienvenue dans La Tronche en Live.

 

Dans l’arsenal des gros raccourcis bien pratiques auxquels notre cerveau a recours pour se faire rapidement une idée sur une situation, c’est-à-dire plus vite que la vitesse de la pensée, c’est-à-dire à la vitesse des préjugés, on trouve une erreur particulièrement courante et dramatique : celle qui nous pousse à surestimer les causes intrinsèques, internes aux individus devant les causes extrinsèques, contextuelles.
L’erreur fondamentale d’attribution  n’est pas sans rappeler l’essentialisme dont nous avons déjà parlé, et elle est bien pratique pour façonner des petites narrations ad hoc que nous avons traité dans la vidéo sur la rationalisation. On voit bien que tous ces biais s’interpénètrent, se renforcent l’un l’autre et nous tendent des pièges redoutables et invisibles.

A cause d’eux, nous aboutissons en toute bonne foi à des jugements injustes qui perpétuent des inégalités et des violences dont, en réalité, la plupart d’entre nous conviendraient sans doute qu’il faut les combattre.

Invité : Nathan Uyttendaele (Créateur de La Statistique Expliquée à mon Chat)

Enregistré mercredi 19 juin 2018. Amphithéâtre Déléage de la Fac de lettres. En Partenariat avec l’Université de Lorraine et Science & you.

Editorial

Des mystères nous entourent, de l’intérieur des particules élémentaires jusqu’au bord potentiels de l’univers, nous baignons dans une réalité qui n’est pas spécialement intéressée par notre avis sur la valeur du nombre pi ou la masse de l’électron. Nous nous retrouvons dans un monde sans mode d’emploi, novices à chaque étape de notre vie, incertains de ce que pensent les autres, de quoi demain sera fait, de la stabilité géopolitique et du retour de bâton de la biodiversité et du climat. L’incertitude est partout et elle nous angoisse.

Heureusement, nous ne sommes pas complètement ignorant. On a compris quelques petits trucs sur la manière qu’à la matière d’interagir avec elle-même, sur la dissipation de l’énergie, sur la mécanique, la biologie, la psychologie et même la sociologie… Il reste du travail, mais soyons encouragés par les brillantes réussites de la science. C’est grâce à la science que nous avons percé l’un des plus déroutants mystères de tous les temps : celui de la tartine.

Nous savons tous, nous l’avons vu : la tartine tombe toujours du côté du beurre — ou de la confiture ou de la pâte à tartiner à l’huile de palme qui tue les orangs-outangs. La tartine, toujours, tombe du mauvais côté. Par quel mystérieux hasard la tartine sait-elle comment elle doit s’y prendre pour gâcher notre petit déjeuner ? Eh bien désormais cette grande question est résolue. La tartine qui tombe de la table de la cuisine est attirée par le sol selon un certain vecteur d’accélération, elle bascule dans le « vide » avec un mouvement angulaire initial. Son poids n’est pas uniformément réparti, la densité du beurre ou de la confiture dépassant celle de la mie de pain. La taille de la tartine est corrélée à la taille de l’humain qui prend son petit déjeuner. Mais c’est également le cas de la table. Le rapport entre la longueur de la tartine et la hauteur depuis laquelle elle chute n’est pas dû… au hasard. La taille de l’humain est par ailleurs liée à la force d’attraction qui précipite la tartine vers son destin.

Il suffirait que nous tartinions moins, ou bien sur du pain plus dense, des tartines beaucoup plus longue ou au contraire bien plus courtes, en déjeunant sur une table basse, pour que les drames cessent. Cette solution nous est offerte par la puissance explicative de la science, mesdames et messieurs.

Cet exemple nous montre combien un phénomène même trivial se trouve déterminé par des facteurs qui entretiennent entre eux des relations. Ce sont ces relations qui permettent d’établir des règles, des lois, mais tout cela se cache derrière le bruit de fond du hasard produit par tous les autres facteurs que nous ne savons pas isoler. Un bruit de fond souvent trop dense pour qu’on y voie quoi que ce soit.

Il faut beaucoup d’efforts, d’imagination, de rigueur pour trouver des méthodes fiables d’isoler dans le bruit les petits signaux qui peuvent nous en dire plus… « La science c’est un jeu dont la règle du jeu consiste à trouver quelle est la règle du jeu ». La formule est de François Cavanna, et elle résume bien la démarche et en particulier le rôle d’une petite famille de scientifiques qui s‘attachent à traquer les corrélations et d’abattre à mains nues celles qui ne sont qu’illusoires. Ce sont des brutes. Ce sont, bien sûr, vous l’aurez compris : les statisticiens.

Un spécimen de cette catégorie farouche de savant nous a rejoints ce soir. Vous connaissez sa voix, car il est le maître d’Albert, le félidé de la chaine « La statistique expliquée à mon chat » et il vient nous parler des joies, des douleurs et du rôle de plus en plus central de la statistique dans la conduite de la recherche scientifique. Bonsoir Nathan Uyttendaele.

Tronche de Fake #3

Depuis 50 ans des figures géométriques sont retrouvées dans les champs de céréales. On entend dire que ces agroglyphes seraient des messages d’intelligences non humaines, peut-être extraterrestres, et les spéculations vont bon train. Mais ceux qui prétendent détenir la vérité sur ces Crop Circles savent-ils de quoi ils parlent ? Ont-ils pris soin de tester la solidité de leurs hypothèses ? Et si on tentait une expérience pour vérifier cela ?


Ah, et pour la philosophie de la démarche, lire ce message aux exoticiens.


Cette vidéo fait partie d’un projet collectif avec des collègues vidéastes qui publient leurs propres vidéos aujourd’hui-même !

Vous pouvez donc regarder la nôtre, mettre un pouce, partager puis filer regarder le travail des copains :

A voir sur Defakator

A voir sur Hygiène Mentale

A voir sur Un Monde Riant

A voir sur Astronogeek

 

 

Invités :  Amélie Vialet, paléoanthropologue — Bernard Godelle, biologiste de l’évolution.

Enregistré le 8 août 2018 au Musée préhistorique de Tautavel.

Pour sourcer et vérifier les propos avancés dans cette vidéo : https://captainfact.io/videos/gmXa

Editorial

Si vous nous écoutez, c’est selon toute vraisemblance que vous êtes un Homo sapiens. Vous n’y êtes d’ailleurs pour rien, pas plus que dans le génie de Victor Hugo ou la victoire de l’équipe de France de foot. Vous êtes un humain ou une humaine parce que vos parents en étaient eux aussi.

Il y a sur Terre une seule et unique espèce humaine. On n’en a pas toujours été sûr. Fut un temps où l’on se questionnait sur l’humanité des peuples jugés non civilisés. Dans certaines cultures, le mot humain ne désignait que les membres de ladite culture. Il nous a fallu du temps pour apprendre, comprendre et admettre que les noirs d’Afrique, les jaunes d’Asie, et tous les autres autour de nous étaient beaucoup moins différents qu’on avait pu le croire. Toutes les populations humaines sont interfécondes. Toutes ont une histoire que l’on peut retracer, qui commence en Afrique, dans une région où les habitants actuels présentent la variabilité génétique la plus importante au monde : ils sont les héritiers de la population ancestrale, quand tous les autres sont les descendants de ceux qui ont migré.

Car l’humain est un grand voyageur, il s’est installé un peu partout, sur des territoires qui n’étaient pas les siens, sur une Terre sans frontière qui n’a pas de raison de se sentir en sa possession, dans des paysages qui étaient là avant nous, et même avant ceux qui étaient là avant nous. Parce que la science avance, on n’a jamais su autant de choses sur l’histoire de notre espèce, et en 2018 plus que jamais, personne ne peut ignorer –personne ne devrait oublier– que hors d’Afrique, tous les humains sont des migrants.

Certains ont peut-être besoin qu’on leur explique à quel point c’est vrai. Les américains d’origine européenne devraient savoir que d’autres humains étaient là avant que leurs ancêtres s’installent et, grosso modo, exterminent les « américains de souche » du nord au sud. On n’a jamais revu une immigration aussi dévastatrice. Mais les européens savent moins qu’eux-mêmes occupent un territoire jadis foulé par des… par des humains différents : les prénéandertaliens puis les néandertaliens appartiennent au genre Homo et à ce titre ce sont des humains, même s’il s’agit d’humains tels que vous et moi n’en avons jamais vu.

Néandertal est le véritable premier européen. Blanc. (1% d’entre eux étaient roux). Les Cro Magnon qui s’installent en Europe, il y a quarante mille ans, aurait été noir et nous, les Homo sapiens blancs, nous n’existerions que depuis moins de 10 000 ans. Nous sommes les descendants des hommes noirs qui ont remplacé la population européenne initiale. Le Grand Remplacement est donc une histoire ancienne, et on devrait se détendre.

Il reste que si nous savons aujourd’hui que notre prochain est tout aussi humain que nous, nous continuons à nous estimer différent des grands singes, nous percevons une sorte de fossé entre eux et nous. Sur combien de centaine de milliers d’années peut-on remonter le temps avant de croiser un ancêtre direct que nous aurions du mal à reconnaître pleinement humain ? Où commence l’humanité ? Quels critères permettent de la délimiter ?

Pour ce numéro spécial enregistré en direct du musée de préhistoire de Tautavel, nous allons fouiller cette question avec deux experts, Amélie Vialet, paléoanthropologue, et Bernard Godelle, biologiste de l’évolution.

Invité : Sébastian Diéguez

Enregistré mardi 4 juillet 2018. Musée aquarium de Nancy

 

Editorial

 

Personne n’aime les menteurs ! Les menteurs trichent, ils disent des choses fausses et notre seule chance de connaître la vérité est de les soupçonner, de les accuser. Ils nous obligent à gober ou bien à nous rebeller ; ils violent toutes les formes de convention du langage, et c’est scandaleux. Mais il en va autrement des bullshiteurs, des baratineurs, des faux experts, des imposteurs au moins un peu habiles, dont les discours ne sont pas tout à fait du mensonge tout en étant catégoriquement distincts de la vérité.

Si nous tolérons autant les bullshiteurs dans les publicités, sur les plateaux télé, dans les formations professionnelles, et sur Youtube, parmi mille autres lieux et circonstances, c’est parce qu’il n’est pas bien difficile de ne pas être dupe. Quand on voit clair dans le jeu d’un charlatan, on est parfois tenté de rire de la crédulité des gogos qui boivent ses paroles. A l’inverse du menteur qui ne peut être percé à jour que par une enquête ou une connaissance fine d’un sujet, le baratineur se reconnait à sa posture, à sa rhétorique, et à cause de cela nous avons tendance à estimer qu’il doit son succès à la bêtise des autres.

Détecter les balivernes que d’aucuns acceptent de croire a quelque chose de gratifiant, et le baratineur que nous ne croyons pas flatte notre intelligence. C’est peut-être pour cela que, collectivement, nous le traitons bien moins sévèrement qu’un menteur. Qui croit un bullshiteur n’est-il pas à moitié coupable lui-même d’avoir manqué de jugeote ?

Tous les baratins n’ont pas le même succès, et la crédulité a ses modes. Anatole France avait annoncé que l’auréole d’autorité qui accompagne la science produirait des « crédulités scientifiques », et nous voyons des gourous s’emparer du vocabulaire de la science pour « faire comme si » leur baratin méritait d’être appelé théorie, d’être comparé à la relativité d’Einstein, comme si leur sort rappelait le cas de Galilée, harcelé par l’Eglise, comme si l’aspect bizarre et impénétrable de la mécanique quantique, par simple analogie, validait la bizarrerie et l’apparente complexité de leurs propres concepts.

Les gourous, imposteurs et charlatans ont décidément la vie facile car ils n’ont pas besoin d‘inventer des concepts bien compliqués, il leur suffit de dire des choses que des gens ont envie de croire dans un emballage mercatique qui associe leur nom à une sorte de marque. Les jus de fruits sont bons pour la santé : achetez mon extracteur de jus et vous guérirez du cancer. Nous sommes des célébrités d’une intelligence comparable à celle d’Einstein : achetez nos livres sur le « visage de Dieu ». Je suis un génie hyperdoctoré et si vous achetez mon livre, vous serez comme moi, plus intelligent. Et cetera.

 

Cette indulgence face au bullshit accompagne une asymétrie désormais bien connue. Formulée par le programmeur Alberto Brandolini en 2013 « La quantité d’énergie nécessaire pour réfuter des idioties est supérieure d’un ordre de grandeur à celle nécessaire pour les produire. »

Or, qui est assez motivé pour dépenser temps et énergie à la réfutation d’idées auxquelles personne n’aurait dû accorder crédit pour commencer ? Qui serait assez crétin pour se lancer dans une course perdue d’avance sur des sujets souvent ridicules ? Qui serait assez maso et fou ? Hmm. Et bien nous ne sommes pas seuls, et nous pouvons le prouver en recevant le chercheur en neurosciences Sebastian Dieguez !

Nota Bene : environ 7 minutes sont manquantes à la fin de la partie 2. Mais nous les avons récupérées et vous pouvez les voir en cliquant ici ou bien sur la fiche qui apparaitra en haut à droite de l’écran dans la vidéo principale de l’émission.