La chaîne aborde sur un ton décalé dans la forme mais sérieux sur le fond les raisons qui font que notre lecture du monde est souvent bancale.

Enregistré au GEC, cours Léopold, à Nancy.

Invités: Pierre Rigaux, (naturaliste, membre de l’ASPAS).

Editorial

Un billet de réponse aux nombreuses réactions négatives suscitées par l’émission sera très bientôt mis en ligne.

Des hommes et des femmes qui tuent des animaux pour le sport, c’est évidemment discutable, et nous viennent d’abord à l’esprit des réflexions éthiques sur la souffrance animale et sur la justification de tuer quand on pourrait très bien s’en passer.

Aborder cette question, c’est s’assurer l’explosion des injures gratuites dans les commentaires. (Allez vérifier !) Parce que presque tout le monde a un avis sur la chasse et estime que les avis différents sont la marque d’une déficience mentale.

Faut-il accorder au moindre mulot des droits équivalents à ceux d’un humain ?  Peut-on farcir de plomb la tête d’une biche comme on cueille une cerise ? D’un extrême à l’autre, en passant par le milieu, les débats d’ordre moral sont très importants, très compliqués, et parfaitement impossibles si l’on n’est pas capable AVANT de se mettre d’accord sur les faits à partir desquels on peut émettre un jugement, construire un argumentaire, et accepter de faire évoluer son opinion.

Nous voulons ici apporter des éclaircissements, décrypter un contexte, décortiquer la complexité d’une question qui a de multiples couches et de nombreux angles d’approche. Par conséquent cette émission ne sera pas un débat pour ou contre la chasse. Nous ne sommes pas là pour dresser le procès des chasseurs ou des écolos. Un écologiste peut très bien être pragmatique et rigoureux — être radical ne signifie pas être extrémiste ; en parallèle un chasseur peut très bien être altruiste, respectueux de l’environnement, attaché à la défense des espèces sauvages, amoureux de la nature. Ceux qui sont absolument convaincu du contraire ont peu de chance d’être utile à une conversation intelligente. Mais nous ne sommes pas en mesure de sonder les cœurs et d’établir qui sont les mieux intentionnés entre les pro- et les anti-chasse. Il serait vain de jouer au concours de gentillesse.

Pour savoir si la chasse doit se poursuivre ou pas, il faut répondre à un certain nombre de questions, mais il faut aussi abandonner les postures reposant sur des sophismes.

Dénoncer la chasse au nom de la souffrance animale n’est valable que si l’on en fait autant avec toutes les activités humaines (et elles ne sont pas rares) qui ont des conséquences aussi graves.

Du côté des défenseurs, on dit que la chasse est une pratique culturelle et millénaire, qu’à ce titre elle mériterait le respect. On retrouve le même argument chez les pro-corridas. C’est un mauvais argument, parce que l’histoire humaine est remplie de traditions, de pratiques culturelles qui nous semblent aujourd’hui odieuses pour d’excellentes raisons. L’appel à la tradition est même en soi une catégorie de sophisme. Ce pseudo-argument n’a de valeur que pour ceux qui sont déjà convaincus, cessons de l’utiliser.

Pour tenter d’aller au-delà des sophismes et des antagonismes stériles, nous avons choisi ce soir de nous limiter au terrain de la mesure scientifique des effets de la chasse sur les écosystèmes. Avant de délivrer des diplômes de supériorité morale aux uns ou aux autres, il faut commencer par être factuel et établir un état des lieux, et pour ce faire, rien n’est plus logique que de se tourner vers un spécialiste des écosystèmes. Cela s’appelle un écologue, et notre invité de ce soir est aussi membre de l’ASPAS, Association de Protection des Animaux Sauvages (et nous questionnerons cette affiliation et ses éventuels biais). Pour mieux comprendre les enjeux écologiques de la chasse, merci d’accueillir Pierre Rigaux.

Enregistré à la Bibliothèque Stanislas de Nancy le 24 avril 2019

Invités : Jean-Baptiste Mouret et Yannick Parmentier

Editorial

Les pauvres humains que nous sommes croisons tous les jours la bêtise naturelle de nos semblables. Les plus chanceux d’entre nous fréquentent aussi l’intelligence, l’art, la sensibilité, l’altruisme, la bonté et on se demande si une machine serait capable de reproduire ces choses-là.

Quand nous parlons d’intelligence artificielle, les profanes (comme moi) s’imaginent une intelligence comparable à celle des humains. C’est d’ailleurs l’objet du fameux Test de Turing : on pourra considérer être en présence d’une IA le jour où, au cours d’une interaction banale, nous ne saurons plus faire la différence entre l’humain et la machine. On parle donc d’une intelligence liée au langage, à la résolution de problèmes, capable d’humour et de compassion. Mais tout cela repose sur une foultitude de présupposés concernant ce que nous acceptons d’appeler « intelligence ». Il n’est pas garanti que nous disposions d’une définition de l’intelligence qui nous permette de nous poser correctement toutes ces questions.

L’émergence de l’intelligence artificielle sera peut-être à l’origine d’une nouvelle théorie de l’intelligence comme dans le passé des inventions ont débouché sur de nouvelles théories et disciplines (la thermodynamique, l’aéronautique, l’optique…)

En tout cas, nous ne pouvons pas échapper au progrès. La loi de Moore prévoit un accroissement continu de la puissance de traitement des microprocesseurs. Nos invités sauront nous dire si cette loi est toujours aussi robuste. Si elle l’est, alors la puissance des ordinateurs qui nous dépassent déjà aux échecs, au jeu de go et dans la plupart des tâches nécessitant de traiter de grandes quantités de données, va continuer d’augmenter et, peut-être, atteindre un seuil critique.

Cet événement, ce moment où la machine créée par l’humain le dépasse, s’émancipe de l’intelligence humaine et devient capable de s’améliorer elle-même, c’est la Singularité et elle a été imaginée dans de nombreuses œuvres de science-fiction… souvent sous un angle dystopique.

Skynet n’est pas encore des nôtres, mais Google est déjà un géant qui s’invite dans nos salons. Nos véhicules sont bardés d’électronique. Bientôt les voitures se conduiront toutes seules, nos téléphones sont déjà smarts, les maisons sont connectées. On sent bien que tout s’accélère. Et si les collapsologues nous laissent un peu de temps, nous verront sans doute la technologie produire ce que nous ne savons pas encore imaginer.

Nous sommes coincés, tous ensemble, en 2019, plus précisément le 24 avril, pour encore quelques courtes heures, et nous sommes bien incapables de voir d’ici à quoi ressemble 2050 ou 2083. Mais avant de nous lancer dans des spéculations hasardeuses ou de pédantes prospectives, nous pouvons déjà tenter de comprendre ce qui se passe vraiment aujourd’hui. Cette intelligence artificielle dont tout le monde parle, à quoi ressemble-t-elle ? Est-elle vraiment intelligente ? Evolue-t-elle vraiment vers la singularité ? Les experts du domaine savent-ils ce qu’ils font ?

Eh bien nous allons le leur demander, puisque nous avons avec nous ce soir deux chercheurs du LORIA (Laboratoire lorrain de recherche en informatique et ses applications) dont les travaux gravitent autour des questions les plus concrètes concernant les IA.

Merci de recevoir Jean-Baptiste Mouret et Yannick Parmentier.


NB : Un gros ennui technique affecte la qualité de l’image de la vidéo. Pour un confort idéal (et ne pas avoir la fin de l’émission tronquée) lancez la lecture en tache de fond sans regarder la vidéo. Nos excuses pour ces désagréments.


Le Bénéfice du Doute #4. Enregistré chez RCN le 24 avril.

Invités

  • Dr Guillaume CONROY – Médecin Hépato-Gastro-Entérologue au Service Expert de Lutte contre les Hépatites Virales (SELVH) du CHR Metz Mercy
  • Carmen HADEY – Vice-présidente SOS Hépatites Alsace Lorraine / Administratrice SOS Hépatites Fédération
  • Pr Marc DEBOUVERIE – Chef de service de Neurologie au CHRU de Nancy / Vice-Doyen de la Faculté de Médecine de Nancy / Fondateur du LORSEP (Réseau consacré aux personnes atteintes de Sclérose en plaque & maladies neuro-dégénératives)

Editorial

Je vous préviens, ce que j’ai à vous dire n’est pas très agréable.

L’hépatite B tue au moins 1350 personnes par an en France. Le virus, 50 à 100 fois plus infectieux que le VIH peut résister presque une semaine en dehors de l’organisme. À cause de cela 30% des infections ont une cause à ce jour inconnue.

Les enfants peuvent donc l’attraper facilement, surtout au sein de la famille. Or plus de la moitié des enfants infectés en bas âge développent une forme chronique de l’infection. À l’âge adulte cette forme chronique se transforme dans 20 à 30% des cas en cirrhose ou en cancer du foie. Il est raisonnable d’avoir peur de l’hépatite B et de chercher à en protéger les enfants, même très petits. Heureusement il existe un vaccin efficace contre cette maladie.

Nous parlerons d’hépatite avec le Dr Guillaume CONROY – Médecin Hépato-Gastro-Entérologue au Service Expert de Lutte contre les Hépatites Virales (SELVH) de l’hôpital de Metz.

Je continue avec des choses effrayantes. Il existe une rumeur depuis les années 1990 selon laquelle le vaccin contre l’hépatite B donnerait la sclérose en plaque. Et ça c’est moche, parce que la sclérose en plaque n’est pas plus aguichante. C’est une maladie auto-immune qui conduit à une inflammation et une dégénérescence des nerfs. La maladie est grave et il n’existe pas de traitement curatif. En 2013 elle tuait 20 000 personnes dans le monde. Nous parlerons de cette maladie et de l’origine de cette rumeur qui fait un lien entre vaccin et SEP avec le Professeur Marc DEBOUVERIE – Chef de service de Neurologie au CHRU de Nancy / Vice-Doyen de la Faculté de Médecine de Nancy / Fondateur du LORSEP (Réseau consacré aux personnes atteintes de Sclérose en plaque & maladies neuro-dégénératives).

La lutte contre les hépatites virales passe par une bonne prévention, par une bonne information du public sur les risques, la manière de les éviter ou de les réduire, et notamment sur la pertinence de choisir la vaccination quand la balance bénéfice / risque est clairement établie. Et pour en parler nous aurons au téléphone tout à l’heure Carmen HADEY – Vice-présidente de SOS Hépatites Alsace Lorraine.

Alors voilà : la France bat les records mondiaux de méfiance envers les vaccins pour des raisons liées à l’histoire malheureuse de scandales sanitaires graves (le sang contaminé, le distilbène, l’hormone de croissance et le lien avec la maladie de Creutzfeldt-Jakob, la dépakine, le médiator…). On ne peut pas blâmer les gens d’avoir des doutes. Les autorités de santé ne paraissent plus aussi fiables, les parents hésitent à faire injecter à des enfants en bonne santé des produits qui sortent des laboratoires de grands groupes internationaux, l’obligation vaccinale est vécue comme une atteinte aux libertés… Bref, dans ce contexte on peut comprendre que les gens soient perdus et aient besoin d’une information claire venant d’une source fiable et transparente.

Pour l’Organisation Mondiale de la Santé, l’hésitation vaccinale fait partie des 10 plus grandes menaces pour la santé humaine à l’échelle globale. À cela il n’y a pas de réponse facile, et il semble raisonnable de prendre le temps de questionner des spécialistes et de les écouter.

C’est pourquoi je vous remercie beaucoup d’avoir accepté notre invitation.

Juste avant de commencer, j’ajoute une précision : notre émission est totalement indépendante. Nous choisissons librement les sujets et les invités. Nous fonctionnons au sein de l’ASTEC une association loi 1901 à but non lucratif sans aucun lien d’aucune sorte avec les entreprises pharmaceutiques ou de la santé.

Maintenant, parlons de ce qui menace le plus notre santé : les maladies ou les vaccins ?

Le bénéfice du Doute #3 — Enregistrement 21 mars chez RCN.

Invité : Renaud Evrard

Editorial

Chaque jour se produisent des évènements improbables défiant tous les pronostics. L’extraordinaire existe, c’est normal. C’est même l’inverse qui serait bien étonnant. Les humains qui nous entourent sont nombreux et ils vivent une quantité invraisemblable d’évènements à chaque seconde. Dans un tel effectif nous pouvons trouver à coup sûr d’innombrables coïncidences, et si nous en restons là, piégés par les pentes naturelles de l’esprit, nous pouvons avoir envie de conclure un peu vite à la réalité de phénomènes étranges qui échapperaient depuis toujours à la sagacité des savants, à la curiosité des chercheurs.

Puisque nous n’avons pas réponse à tout, on ne peut pas exclure du champ des possibles les manifestations dont témoignent celles et ceux qui parlent d’extra-terrestres, de hantises, de capacités extra-sensoriels, de causalités atypiques et de toutes les bizarreries qui peuplent la fiction, la mythologie et le folklore. Personne n’a vocation, je l’espère, à empêcher quiconque de rêver, d’imaginer, de supputer ou de croire. Mais qu’en est-il du savoir ?

Ceux qui ont envie d’aller un peu plus loin que le simple sentiment de vérité qu’on éprouve quand on a vécu soi-même une expérience extraordinaire et inexplicable ne trouvent le plus souvent à se tourner que vers des groupes de gens convaincus par les hypothèses les plus étranges et fantasques, des gens parfois très motivés à continuer de croire que ces choses sont inexplicables et donc prompts à ne surtout pas consulter les travaux qui pourraient les détromper. Il ne suffit pas d’avoir vécu une expérience bizarre pour être un expert du paranormal et de l’étrange, cela nécessite une méthode d’investigation et une bonne connaissance des travaux qui ont été faits auparavant (la méthode aidant à faire le tri entre les travaux sérieux et les délires).

La psychologie anomalistique est justement la discipline qui s’intéresse à l’étude des témoignages de celles et ceux qui ont vécu des expériences en décalage avec l’idée que tout un chacun se fait du fonctionnement du monde, et qui se propose d’expliquer l’origine psychologique de certains d’entre eux, pour mieux souligner les phénomènes qui resteraient sans explication, et donc potentiellement paranormaux, surnaturels, préternaturels ou en tout cas anormaux et donc intrigants.

Les travaux dans ce domaine ne sont pas toujours faciles à mener compte tenu de la méfiance de certains tenants vis-à-vis de la méthode scientifique, de la nature élusive des phénomènes allégués, et d’un légitime scepticisme, voire d’une franche hostilité du monde académique envers les sujets farfelus qui pourraient bien être la marotte d’un chercheur zinzin dilapidant des financements scientifiques déjà raréfiés.

Mais il y a quand même des curieux qui choisissent de se pencher sur tous ces témoignages pour comprendre leur origine et travaillent en parapsychologie, en psychologie anomalistique, en clinique des expériences exceptionnelles. C’est le cas de Renaud Evrard, enseignant chercheur en psychologie à l’université de Lorraine.

Invitée : Anne PERRIN.
Tronche en Live #72 enregistré le 20 mars 2019 au GEC de Nancy.

Editorial

Le spectre des rayonnements électromagnétique n’est pas une entité paranormale, c’est la gamme de fréquence des ondes électromagnétiques qui circulent un peu partout dans l’univers. Les humains possèdent un organe spécifiquement adapté à la réception et à l’utilisation d’une toute petite partie de ces rayonnements : c’est l’œil. Cet organe particulièrement fragile possède des pigments, des molécules capables d’interagir avec certains rayonnements dont la longueur d’onde est comprise entre 450 et 750 nanomètres.

Autour de cette gamme de fréquences, on est dans l’invisible, avec d’un côté les infrarouges dont nous pouvons ressentir la chaleur, et les radiofréquences très faibles en énergie qui traversent l’air en interagissant très peu avec la matière. De l’autre côté les ultraviolets traversent la peau, peuvent causer des brûlures, et notre espèce possède un système de défense : le bronzage. On peut citer les rayons X ou les rayons gamma, très destructeurs pour l’ADN.

En clair, certains rayonnements représentent un danger pour la santé, c’est établi, c’est bien connu. La plus dangereuse source de rayonnement connue s’affiche au grand jour, c’est le soleil.

Notre siècle est celui du wifi, du téléphone sans fil, de la connexion permanente aux réseaux à travers la réception et l’émission d’information sous forme de trains d’ondes électromagnétiques. Toutes ces choses invisibles qui nous traversent peuvent susciter l’inquiétude, et un devoir de vigilance incombe à ceux qui veulent les utiliser et nous exposent tous aux conséquences potentielles de cette technologie.

Mais toutes les ondes électromagnétiques n’ont pas les propriétés physiques qui leur permettraient d’interagir avec ce qui compose un organisme vivant. Bien souvent la seule interaction possible est un couplage thermique : ça chauffe. Le micro-onde chauffe, nos téléphones chauffent nos oreilles (même si en réalité c’est surtout une chaleur qui se dégage de la batterie). Cette chaleur n’est pas toujours sans conséquence, mais peut-elle être plus dangereuse que n’importe quelle autre chaleur ?

Pour répondre à cela, il faut comprendre comment un champ électromagnétique peut affecter une biomolécule, et l’altérer suffisamment pour avoir un impact sur son fonctionnement dans la cellule. Il faut aussi comprendre quand un tel effet ne peut pas se produire parce que la nature du champ ou son intensité ne le permettent pas.

Indépendamment de ce que la science nous explique, certains contextes favorisent des narrations où nous attribuons sans preuve à tel élément de notre environnement la raison d’un problème. Le niveau d’adhésion des gens à ces narrations n’est pas vraiment corrélé à leur vraisemblance, comme chacun peut le voir avec le succès des Fake News. Souvent la peur y joue un rôle fondamental. Et les ondes invisibles sortant de ces appareils fabriqués par de grands industriels, omniprésents dans notre environnement font un formidable élément scénaristique pour nous angoisser, et cette angoisse peut elle-même produire les symptômes d’une intoxication fantasmée[1]. Dès lors comment savoir ?

Nous entendons trop d’allégations sur les dangers des ondes pour qu’elles soient toutes vraies (dans le cas contraire nous serions tous en train de mourir d’un cancer du téléphone), mais on ne peut pas s’empêcher de suspecter qu’il n’y a pas de fumée sans feu, c’est bien normal.

Pour y voir clair, nous recevons une spécialiste de la question. Elle a étudié les effets biologiques des champs électromagEM pendant des années, elle est experte sur les questions mêlant risque, science et société. Elle va répondre à nos plus pressantes questions. Bonsoir Anne Perrin.



[1] https://www.pourlascience.fr/theme/lumiere/quand-la-peur-des-ondes-rend-malade-13440.php

Le bénéfice du Doute #2

Pierre Onfroy est notre invité sur le plateau de RCN

Les artistes sont des menteurs honnêtes. Ils nous racontent des fictions, évoquent des souvenirs factices, simulent des émotions dont certaines deviennent véridiques dans notre propre esprit. Ils court-circuitent nos perceptions et manipulent nos pensées.

Et nous en redemandons, trop heureux d’y croire : c’est la suspension consentie de l’incrédulité. Un contrat tacite nous lie. On va faire « comme si » ; comme si c’était vrai, comme si les enjeux étaient réels, comme si l’Hiver commençait pour de vrai en Westeros, comme si la bombe nucléaire que doit désamorcer le héros était vraiment sur le point d’exploser.

Les spectacles de magie ne fonctionnent pas différemment. Nous acceptons le récit de l’artiste, et de croire (ou de faire semblant de croire) que l’impossible se produit sous nos yeux. Le temps du spectacle, nous mettons de côté notre scepticisme quotidien, celui dont nous sommes tous dotés (car les gens qui croient absolument tout, c’est rare), nous savons que d’une manière ou d’une autre, on va nous mentir. On a même payé notre place ! Mais ce mensonge est honnête. C’est d’ailleurs le titre de la biographie du magicien et grand Sceptique James Randi : « Un menteur honnête ».

Le mentalisme, à la mode depuis quelques années, brouille un peu tout ça. Dans un spectacle classique, vous savez que le magicien ne se téléporte pas à l’autre bout de la pièce, et ne comptez pas sur moi pour vous divulgâcher la fin du film « Le prestige » qu’il faut aller voir s’il vous plait. Nous savons tous que l’assistante, dans la boîte n’est pas réellement coupée en deux. La fascinante illusion que nous observons se trouve dans des contours relativement identifiés. Mais où est le mensonge dans le mentalisme ?

Si le mentaliste devine la carte à laquelle je pense en m’expliquant avoir utilisé les micro-expressions de mon visage, en analysant mes réactions à certains mots, mon langage corporel et quelque autre approche empruntant au registre des explications rationnelles, je peux m’en trouver d’autant plus frappé, d’autant plus enclin à apprécier le show qu’il se dépouille des codes habituels de la magie, mais ne suis-je pas manipulé au-delà de mes attentes et influencé au-delà des limites du spectacle.

C’est bien possible puisqu’une étude récente montre qu’assister à un spectacle de mentalisme a tendance à augmenter la croyance dans les pseudo-sciences.

Dès lors, le contrat est-il violé ? Peut-on être un mentaliste honnête ? Sommes-nous manipulés, influencés au-delà de ce qui est acceptable ? Pour en parler, je reçois un mentaliste qui aura sans doute sur cette question une opinion nuancée. Charge à nous de ne croire que les choses vraies qui seront prononcées dans cet échange avec Pierre Onfroy.


Invité : Laurent Cordonier
Enregistré le mercredi 13 février 2019 dans le théâtre du Saulcy, Espace Bernard-Marie Koltès, Metz

Editorial

Bonjour à tous, chers amis et curieux ; chers sceptiques et rageux, mais qu’est-ce qu’une émission de vulgarisation de la zététique peut bien avoir à dire sur le racisme ? N’est-ce pas un sujet politique où s’affrontent des postures partisanes et où chacun se voit intimé l’ordre de prendre parti ? Est-ce notre rôle de prendre parti ?

Toutes les personnes présentes ici ce soir sont (à priori) des êtres humains, et nous sommes tous humains sans avoir eu à apprendre ce que c’est qu’un être humain. Personne ne peut vous apprendre à être vous, pas plus qu’un potamochère n’apprend à être un potamochère (les requêtes Google pour « potamochère » n’ont pas sponsorisé cette émission).

Nous sommes humains sans avoir appris à l’être, nous existons sans être spécialistes en métaphysique, nous respirons même dans la plus totale ignorance de ce qui se passe dans nos poumons et nos cellules. Tout cela se fait sans que personne ne se soit concerté. Nous avons en nous, ou quelque part entre nous, le programme pour faire un humain, et ce programme a une histoire. Personne ici n’existe en l’absence de relations sociales : avec nos parents, notre cercle de connaissance, nos pairs, nos collègues, nos clients, et cetera. Nul ne devient humain seul dans son coin.

D’un côté nous sommes des êtres sociaux et acculturés : mais de l’autre nous naissons avec le potentiel d’apprendre. Nous avons tous, et dans toutes les cultures, des intuitions sur la manière dont fonctionne le monde, c’est ce qu’on appelle des « théories naïves », et ce sont des approximations tout à fait remarquables ; elles nous permettent d’anticiper les conséquences de nos actes et de ceux d’autrui avec une efficacité qui nous rend parfois un peu trop sûrs de la qualité de nos prédictions.

Si vous parlez français, il est probable qu’on vous ait appris le français, mais en revanche personne ne vous a appris à savoir apprendre à parler français. D’ailleurs la langue française est née avant qu’on bâtisse des écoles : les enfants apprennent en grande partie tout seul (ce qui n’est pas une façon de dire que les profs ne servent à rien, cette profession est juste cruciale pour éviter les catastrophes tapies dans l’ombre. Et tout le monde sait qu’ajouter des drapeaux dans les salles de classe ne va pas les aider beaucoup). Personne n’a décidé de la forme de la grammaire française ou des autres langues humaines. Pourtant ces grammaires existent. Dès lors peut-on les qualifier de « naturelles » ? Vous savez la prudence que nous recommandons dans l’utilisation de ce mot. Mais utilisons-le là où il a du sens.

Nous sommes tous le résultat, l’aboutissement temporaire, de l’histoire d’une lignée de primates qui ont été sélectionnés pour leurs caractères avantageux. Dans certaines lignées c’est la vitesse, la force ou la capacité à supporter des températures extrêmes ou à lutter contre les parasites. Chez nous ce fut notamment la cohésion sociale, l’entraide, la bonne intelligence, la culture. La nature a fait de nous des êtres sociaux et nous n’avons pas réellement le choix d’être autre chose que ce que nous sommes.

On peut s’en réjouir ou s’en désoler. On a bien le droit. Mais ce n’est pas ce que nous ferons ce soir.

Ce soir nous allons nous demander comment on peut essayer de bien décrire, de bien comprendre le fonctionnement de l’être humain, avec ses spécificités, sans en faire un être complètement à part de la nature, car cela nous priverait d’explications tout à fait valables sur nos comportements, nos préférences, nos choix, nos problèmes et leurs éventuelles solutions.

Nous allons questionner les disciplines qui tentent de donner une lecture sensée à ce que font les humains. Sociologie, anthropologie et sciences cognitives sont-elles en concurrence, en porte-à-faux, en contradiction ? Y a-t-il une guerre entre ces disciplines ? Est-ce que j’exagère délibérément dans le but de faire du sensationnalisme et de vous inciter à cliquer et partager ?

Laurent Cordonier est sociologue, il est l’auteur de « La nature du social » qui traite exactement du sujet de ce soir, et il va nous éclairer sur ce que son approche peut apporter à notre effort collectif de mieux nous comprendre.

Enregistré le 12 janvier 2019

Petit édito

Pourquoi cette conversation, pourquoi cet échange ? De quel droit osons-nous aborder un thème comme « métaphysique et zététique » avec un jeune vidéaste spécialisé dans le gaming ? Qu’est-ce que c’est que ce bordel ?

Petite remise en contexte : Il y a quelques jours je suis taggué sur twitter pour attirer mon attention sur le tweet un peu bizarre de Sardoche que je vais vous lire et qui sera le premier sujet de notre entretien sceptique

« Il existe deux types de sciences : – Celles qui concernent des énergies/informations mesurables par des outils inanimés – Celles qui concernent des énergies/informations non mesurables par des outils inanimés.

Les deux domaines sont parfaitement complémentaires : A∩B=∅ / A∪B=Ω Il est impossible de quantifier ou mesurer un des éléments d’un domaine en utilisant l’autre. La « méthode scientifique » est propre au premier ensemble et ne validé l’appartenance qu’à ce dernier.

Mon point de vue est juste de dire que si vous réfutez ce qui n’est pas validé par la méthode scientifique, vous réfutez donc toujours par la méthode scientifique qu’il puisse exister des énergies non quantifiables par nos outils inanimés.

Hors il existe des dixaines de situations, notamment dans le quantique mais aussi dans la composition de notre univers qui ne peuvent s’expliquer que par l’existence d’énergies non quantifiables / mesurables.

Pour autant ce raisonnement ne valide pas la plupart des sciences « occultes ». Mais elles ne peuvent se faire réfuter par la méthode scientifique aussi simplement.

Je continuerai de croire à des éléments de ces deux ensembles pour ma part et j’espère que vous ouvrirez votre esprit à l’un ou l’autre des ensembles si vous y êtes opposés car ils sont complémentaires. »

J’ai échangé avec lui pour avoir quelques explications, car le jeune homme est suivi par plus de 125k personnes sur twitter, et que l’on sait bien qu’un grand pouvoir implique de grandes responsabilités… On en veut pour preuve la vidéo de Squeezie qui racontait dernièrement des salades sur les pyramides et a envoyé ses millions de jeunes abonnés vers des narrations qui sont promues par des gens dont les bonnes œuvres sont dans le collimateur des institutions luttant contre les dérives sectaires.

Très vite Sardoche me propose que nous échangions de vive voix, il estime se faire mal comprendre et n’être pas jugé comme il le mérite. Proposition acceptée, ce qui nous amène ici et maintenant, voire même ici et en replay.

Le but d’un entretien comme celui-ci n’est pas de terrasser son ennemi, mais de le comprendre. S’il se dévoile comme un parfait crétin, c’est dommage pour tout le monde, c’est un peu stérile, mais avec un peu de chance on peut s’aviser qu’il y avait plus à comprendre qu’on ne l’avait soupçonné, et on en retire quelque chose, et notamment un peu plus de prudence dans nos jugements.

***

***

Au cours de l’échange, j’évoque des travaux de recherche sur les conséquences de l’humour.
Voici les travaux en question :


Invité : Evelyne Heyer
Enregistré le mardi 15 janvier 2019 à l’amphithéâtre de la Présidence, Cours Léopold, Nancy.

Editorial

Bonjour à tous, chers amis et curieux ; chers sceptiques et rageux, mais qu’est-ce qu’une émission de vulgarisation de la zététique peut bien avoir à dire sur le racisme ? N’est-ce pas un sujet politique où s’affrontent des postures partisanes et où chacun se voit intimé l’ordre de prendre parti ? Est-ce notre rôle de prendre parti ?

Bien sûr, nous avons nos idées, et nous n’avons pas honte de le dire. Mais l’émission de ce soir n’a pas pour but de proclamer ce qui est bien ou ce qui est mal, de vous délivrer la bonne parole sur ce qui doit ou ne doit pas être fait (même si parfois, en filigrane, se distingue notre avis sur la question). Nous pouvons aborder la question du racisme avec l’œil détaché, clinique, méthodique d’une approche scientifique qui n’a pas vocation à prescrire les comportements et choix politiques mais à décrire les phénomènes et à prédire les conséquences des options qui s’offrent à la société.

Pour pouvoir faire cela, il faut accepter une prémisse audacieuse au regard de la dynamique des échanges de noms d’oiseaux sur les réseaux sociaux. Cette prémisse c’est que, dans un contexte scientifique, « raciste » ne peut pas être une insulte. Nous utiliserons ce soir le mot « raciste » pour décrire des idées, des comportements, des réactions, des phénomènes sociaux, mais sauf maladresse de langage (l’erreur est humaine), nous ne qualifierons pas de raciste les individus, car c’est trop souvent tomber dans le piège de l’escalade dans une discorde où il devient impossible d‘adopter le point de vue de l’autre ; l’autre devient alors un ennemi qu’on ne peut convaincre et qu’il faudra abattre, faire taire, par d’autres moyens. Permettez qu’on suggère des alternatives moins belliqueuses de mettre les gens d’accord.

Dire qu’untel est raciste, et qu’à ce titre il faut éviter tout contact, se garder de la souillure d’un échange, est-ce que ce n’est pas s’enfermer dans une logique essentialiste dans laquelle les individus appartiennent pour toujours à un camp ? Il est bien possible que cet essentialisme soit plus proche du racisme que de l’antiracisme. Il est bien possible que l’essentialisme soit l’un des thèmes de notre émission. La pensée essentialiste, celle qui range les gens dans des boites, qui leur assigne des qualités intrinsèques, leur attribue des intentions préétablies, c’est la substance même du racisme. Bien sûr, il y a d’autres dimensions, historiques, culturelles, et vous pensez bien que nous n’avons pas la prétention de couvrir complètement le sujet en deux petites heures.

Les chercheurs et les férus de zététique savent qu’on ne peut pas ranger les gens dans des catégories et espérer être dans le vrai très longtemps. Il n’existe pas d’un côté le groupe des personnes rationnelles et en face les irrationnels, ici les gentils, là les méchants. Ce qui nous distingue, ce sont nos idées, nos approches et la méthode que nous mobilisons pour évaluer nos représentations.

Le racisme est une question qui divise, un thème politique majeur, un fait de société, un concept invoqué dans toutes sortes de circonstances, et comme tous les mots utilisés à tous bouts de champs, victime de son succès, sa définition devient parfois un peu floue, et ce flou autorise doubles discours quiproquos et manipulations. Avant de pouvoir réellement parler de la place du racisme dans notre société, des réponses qu’il convient d’y apporter, des abus de toute sorte qui lui sont liés, il faut nous mettre d’accord sur ce dont nous parlons, et pour cela nous tourner vers les connaissances établies sur le sujet.

Nous recevons la commissaire scientifique de l’exposition 2017 du Musée de l’Homme « Nous et les autres : Des préjugés au racisme », une biologiste spécialisée en anthropologie génétique, lauréate du prix Diderot 2017. Elle connait beaucoup mieux le sujet que vous et nous, nous sommes heureux d’accueillir Evelyne Heyer.

Editorial

Chers compagnons humains, en cette fin 2018, nous nous apprêtons à honorer la coutume de retrouvailles familiales enjouées, d’excès de nourriture injustifiables, de gaspillages record et de la dose d’hypocrisie qu’il faut à chacun pour trouver tout cela formidable. Ceux d’entre nous qui éprouvent un réel plaisir à s’adonner à la fièvre acheteuse ainsi qu’aux traditionnelles libations sont bien chanceux, et je tiens à les saluer sans trace de cynisme : ils sont plus adaptés que les autres au monde actuel. Tant qu’il dure.

Bien sûr, la férocité de notre zététique habitude à tout questionner, à déloger les squelettes dans les placards, à douter des évidences,nous conduit à érafler le clinquant de ces injonctions au bonheur saisonnier,et si vous ne voulez rien d’autre que passer un Joyeux Noël bien mérité, cet éditorial vous semblera démarrer bien fâcheusement. Alors soyons positifs.

Les fêtes de fin d’année sont l’occasion de multiples engueulades recuites, de rengaines idiotes, de rancunes mal digérées et d’une incapacité générale à éviter les sujets qui fâchent. Cette année encore le tonton raciste, la grand-mère homophobe, le cousin facho ou la belle-sœur écolo-bobo prosélyte vont nous gaver entre les huîtres et le foie gras. Il est même bien possible que nous soyons nous-mêmes coupables de remettre sur le tapis la manière dont nous pensons avoir rabattu le caquet de notre voisin de table.

De l’apéro au dessert, ça va jaser. Ça va s’accuser de ne rien comprendre, ça va se moquer du mauvais français ou de l’inculture de l’autre. Ça va appeler à témoins des gens qui s’en foutent. Ça va casser les pieds de tout le monde, faire pleurer les enfants et gâcher la fête. Et puis ça ne voudra pas en démordre en plus, il faudra que ça ait le dernier mot. Ça croira débattre alors que ça ne fera que pérorer, comme l’an dernier… Alors qu’au fond on n’avait pas besoin de régler ce problème-là ce soir ; on aurait pu faire une partie de jeu de société ou se rappeler de bons vieux souvenirs, faire de la musique ou raconter des histoires drôles. Parce qu’en plus, bien souvent, celui qu’on agonit à cause qu’il ne veut pas comprendre qu’on a raison, on l’aime bien. C’est parce qu’on l’aime bien qu’on veut le convaincre. Et c’est sans doute pareil de son côté. Il est possible qu’on soit un petit peu cons, en fait.

On devrait commencer par se dire qu’on s’aime bien, qu’on est content de se voir, et si vraiment on veut ramener le vieux désaccord d’il y a un an, on devrait commencer par écouter le résumé que l’autre veut en faire.Ben oui, parce qu’en fait on n’a pas vécu la même scène de la même manière, et si on croit pouvoir la reprendre là où on l’a laissée, le problème c’est quel’autre il a toutes les chances d’avoir un autre contexte en tête. Il suffirait de s’écouter, de se rappeler qu’on a peut-être au moins un petit peu tort, quel’autre peut avoir au moins un tout petit peu raison, et qu’on a besoin de rester amis les uns avec les autres pour que ces petites engueulades aient la moindre utilité.

Chers amis, si vous aimez râler, débattre, vous chicaner,pinailler et contredire, vous avez besoin de gens qui vous aiment assez pour jouer le même jeu que vous sans foutre en l’air toute la préparation que la fête a réclamé. Un peu de respect pour celle et ceux qui ont passé 6 heures dans la cuisine. Aimez-vous les uns les autres, bordel de merde !

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Ci-dessous la vidéo de notre émission décontractée spécial noël, avec un invité mystérieusement secret.

On y parle d’un outil proposé par Acermendax : la « Triade Zététique », des productions de la TeB, du fonctionnement de l’ASTEC, de notre futur, et nous lisons quelques commentaires particulièrement gentils… ou méchants. Bonnes fêtes de fin d’année à tous !