Ceux qui aiment les sciences et veulent les faire aimer ont-il un autre choix que de raconter une histoire, la plus intéressante possible ? Cela ne veut pas dire qu’il faille se laisser aller aux facilités habituelles de la #SuccessStory dont les codes narratifs véhiculent des stéréotypes là où nous voudrions justement nous débarrasser des idées reçues pour questionner la fabrique du savoir.
https://menace-theoriste.fr/wp-content/uploads/2019/11/miniature-raccoursci-02.jpg10801920Acermendaxhttps://menace-theoriste.fr/wp-content/uploads/2015/08/menace_theo2-300x145.pngAcermendax2019-11-06 09:15:582019-11-06 00:34:44Le piège de l’histoire à succès
Internet n’est pas tombé du ciel. C’est un objet
technologique et social très complexe.
Il nous donne accès à l’information et à la liberté
d’expression comme à aucune autre génération dans toute l’histoire. Nous sommes
tous à quelques clics de la plupart des connaissances universitaires de pointe.
Et à quelques clics également des millions de contenus de propagande, de
réinformation, de communication calibrée pour nous plaire ou nous radicaliser. C’est donc aussi un lieu de pouvoir.
Dans nos usages, nous votons en quelque sorte avec nos clics ;
un peu comme les fourmis laissent derrière elle des traces de phéromones qui
établissent quelles routes seront principalement empruntées par toute la
colonie, nos choix de navigation co-construisent l’architecture dans laquelle
les informations circulent et parviennent jusqu’à nous et nos voisins.
Depuis les débuts de l’ère numérique nous vivons sous le
régime de la neutralité du Net dans lequel tous les bits d’information se
valent et sont traités de la même manière par les serveurs. Tel est l’héritage
laissé par ceux qui inventèrent les prémisses d’Internet il y a soixante ans.
Mais où en sommes-nous aujourd’hui ? Les Fake News pullulent, les croyances les plus extrêmes
exploitent les failles d’algorithmes élaborés pour maximiser la consommation de
contenus, la confiance dans les élites est en berne, la population est
pessimiste, on se méfie de tout ce qui ressemble à une parole officielle, il y
a de toute évidence une crise de notre rapport à la vérité. Et cette crise
s’exprime, se vit, et peut-être se déploie sur Internet.
Comme vous j’aimerais comprendre ce qui nous arrive, et j’aimerais que le plus grand nombre puisse s’aviser des pièges et des éventuelles solutions qui permettent de les éviter. Parmi ces solutions : sortir des GAFAM. Ce sera le
sous-texte de cette émission avec Elzen qui est secrétaire de la Fédération des
Fournisseurs d’Accès Internet Associatifs, et qui est aussi un administrateur
de l’instance PeerTube nommée Skeptikon.
Qui contrôle Internet est une question qu’il m’a lui-même
soufflée en me rappelant que, pour être indestructible, les concepteurs d’Internet
devaient le rendre incontrôlable. La surenchère des contrôles que cherchent
aujourd’hui à exercer les puissants peut-elle aboutir à la destruction du
Net ?
Enregistré le 11 septembre 2019 à la MJC Pichon, Nancy.
Invité : Yves Hansmann. Chef du service des Maladies infectieuses du CHU de Strasbourg. Il est également l’auteur d’un livre : « La maladie de lyme, au-delà de la polémique »
Editorial
Être en bonne santé, ça s’explique mal, ça se passe de diagnostic, ça se constate. Personne ne se rend chez un médecin en exigeant qu’on lui explique comment il se fait qu’il se sente si bien. Celui qui est en bonne santé, en général, ne se pose pas de question, il en profite pour penser à autre chose. Et tant mieux. Quand on est malade, c’est une
autre histoire. On veut savoir ce qui nous arrive. On veut le nom de l’agent
pathogène ou du gène ou du facteur environnemental qui nous cause des ennuis.
Si en plus on nous désigne un coupable à attaquer en justice, on se sent
justifié à porter plainte. La maladie exige des explications ! C’est un
état anormal, insupportable, et on ne se contentera pas d’un « ben c’est
comme ça, c’est la vie, déso. » Et heureusement.
La pratique de la médecine consiste notamment à identifier la cause d’une maladie. Si vous avez un rhume passager, on peut se contenter d’apaiser les symptômes avec du paracétamol ; on parle alors de traitement symptomatique. Mais si votre problème de douleurs est lié à la présence d’une tumeur, vous n‘avez pas envie qu’on vous soigne avec des antalgiques, il faut s’attaquer à la cause de votre maladie. Dans le cas des maladies infectieuses : hépatite, sida, légionellose, grippe, choléra, rage, etc. nos médecins ont appris à lier spécifiquement des symptômes à un agent et à utiliser les traitements qui savent le cibler de manière efficace… quand c’est possible. Le médecin qui ne sait pas identifier de manière fiable la cause de votre maladie aura du mal à vous soigner, même s’il est sincère et bien gentil.
Nous tenons à notre santé et à celle de nos proches, nous voulons une médecine efficace, à l’écoute, fiable, rassurante. Et bien souvent, grâce aux progrès phénoménaux de la recherche médicale, nous sommes pris en charge, nous sommes soignés et nous avons la chance de survivre à des affections qui nous auraient emportés il y a une génération ou deux. Mais il y a aussi des affections qui résistent aux diagnostics. Certaines personnes ne reçoivent pas du monde médical des réponses à leurs souffrances. Elles ne se sentent pas entendues, respectées, soignées, et elles endurent une errance médicale à la recherche d’un spécialiste qui enfin leur dira le nom du mal qui les frappe. Et parfois ce diagnostic, obtenu de
haute lutte, porte le nom de « Maladie de Lyme chronique ».
Nous verrons ce soir que la maladie
de Lyme est une vraie maladie, c’est une infection par une bactérie nommé
Borrelia. La forme dite « chronique » en revanche est à ce jour loin
d’être reconnue comme une entité nosologique, c’est-à-dire une maladie
clairement définie, un diagnostic fiable. On dira volontiers que les gens
malades s’en fichent un peu du moment qu’on les soigne, mais là est tout le
problème : comment savoir qu’on vous soigne correctement si on ne sait pas
montrer de manière fiable de quoi vous souffrez ?
Aujourd’hui, on voit des gens
recevoir des traitements à haute dose d’antibiotiques pendant des mois pour
traiter une infection qui n’a rien de certain. Les Lyme doctors prétendent parfois que l’environnement
électromagnétique aggrave la maladie, que le Lyme chronique cause la maladie
d’Alzheimer, ou même l’autisme, et veulent traiter ces personnes… avec de hautes
doses d’antibiotiques[1] ou des
produits contenant de la javel. Bref, il y a un joli bordel autour de la
maladie de Lyme et il faudrait commencer par établir clairement ce qui est connu
et ce qu’il reste à comprendre à son sujet.
C’est notre but ce soir de contribuer à éclaircir ces choses, et nous n’avons pas de meilleur moyen que de nous tourner vers des experts capables de nous dire l’état des connaissances scientifiques plutôt que leur sentiment personnel. Nous recevons donc ce soir un spécialiste des maladies infectieuses, et en particulier des borrélioses, l’autre nom de la maladie de Lyme. Merci à Yves Hansmann d’avoir accepté notre invitation.
https://menace-theoriste.fr/wp-content/uploads/2019/09/79_MINIATURE_TenL_1920x1080.jpg10801920Acermendaxhttps://menace-theoriste.fr/wp-content/uploads/2015/08/menace_theo2-300x145.pngAcermendax2019-09-14 17:49:502019-09-14 17:49:52Maladie de Lyme : Le Diagnostic et la Rumeur (Tronche en Live 79)
Si l’on pense à la présence, quelque part dans l’incommensurable immensité de l’univers, d’autres formes de vie que la nôtre, d’autres formes d’intelligences, d’autre civilisations, on se retrouve face à l’alternative suivante : ou bien il y a quelqu’un d’autre, qui regarde les étoiles, se pose les mêmes questions que nous et rêve peut-être de nous rencontrer, et c’est complètement renversant. Ou bien, à l’inverse nous sommes seuls. Rien que nous dans tout ce vide. Et c’est complètement renversant.
Chaque hypothèse nous promet le
vertige en réponse, et il n’y a rien de trivial à se passionner pour les
ramifications de leurs présupposés et de leurs conséquences.
Sur Terre nous avons divers catégories
de personnes. Beaucoup de gens sont plus préoccupés par des problèmes plus
immédiats, n’y accordent guère d’intérêt, d’autres jurent d’un complot mondial
pour cacher une vérité qu’ils connaissent on ne sait comment. D’autres scandent
leurs certitudes que toutes ces histoires sont ridicules et ne méritent que
dérision. Et puis il y a une catégorie, peut-être pas si rare, qui se
questionne, qui doute, qui se dit pourquoi pas, et voudrait bien disposer
d’informations fiables et d’une méthode pour y voir plus clair.
Alors disons-le, oui les ovnis sont
un sujet qu’on peut aborder avec sérieux, en respectant scrupuleusement les
personnes qui y croient comme celles qui n’y croient pas. Je me permets un
petit rappel en forme de conseil de prudence sur le mot ovni (Objet Volant Non
Identifié) qui nous allume dans la tête des images, des présupposés, des
stéréotypes qui influencent notre manière de penser et de percevoir.
De fait, si je pointe le ciel en
disant « Oh, un ovni », ceux qui suivront mon regard prépareront leur
cerveau à reconnaître un objet qui vole (et volontiers, même, un vaisseau
spatial). Et rien que ça peut conduire à réellement voir quelque chose que
sinon nous n’aurions pas « vu ». On préfère souvent parler de
Phénomène Aérospatial Non Expliqué (PANE) au lieu d’ovni, car ce que les gens
observent dans le ciel, ce ne sont pas toujours des objets qui volent ; il
peut s’agir d’astres comme la Lune, de nuages, de reflets, d’effets d’optiques
étranges mais naturels, et diverses choses dont nous parlerons au cours de
l’émission. Tout ce cortège d’images mentales qui viennent avec le mot ovni
nous montre que notre regard n’est pas neutre. Il ne peut pas l’être, et le
langage appuie souvent là où ça fait mal. Or c’est bien par le langage que nous
avons accès aux ovnis, car la plupart d’entre nous n’en avons pas vu. Nous
n’avons pas de photographie claire, d’enregistrement univoque, de morceau
d’épave contenant des technologies non-humaines…
L’idée que nous nous faisons des
ovnis est forgée par la manière dont nous en entendons parler. La matière
première des chasseurs d’ovni, ce sont les témoignages humains. C’est
d’ailleurs le grand point commun entre cette thématique et les autres sujets
liés au paranormal, raison pour laquelle il faut s’intéresser aux méthodes
d’analyse des témoignages.
Nos deux invités d’aujourd’hui sont
très spéciaux, un peu comme des agents enquêtant sur l’étrange. Cela fait des
décennies qu’ils sillonnent les forums, les vieilles revues, mais aussi le
terrain, et la parole des témoins.
Amateurs éclairés mais aussi spécialistes érudits de la culture ovni et de ses réseaux, je vous présente Francine Cordier et Patrice Seray.
https://menace-theoriste.fr/wp-content/uploads/2019/08/07_Miniature_BdD__1920x1080.jpg10801920Acermendaxhttps://menace-theoriste.fr/wp-content/uploads/2015/08/menace_theo2-300x145.pngAcermendax2019-08-09 11:11:272019-09-28 21:15:05Prenons les ovnis au sérieux
Les sceptiques et rationalistes sont souvent accusés d’avoir un esprit étroit, d’être « trop cartésiens », sous-entendu peu ouvert aux émotions, aux étrangetés, aux hypothèses alternatives, à l’imaginaire. Rien n’est moins vrai. En plus, des fois, on est même des artistes !
Pour fêter les 150.000 abonnés, nous vous offrons cette chanson écrite par Acermendax, arrangée par Vled et avec un clip réalisé par Loki Jackal.
Peut-être vous souvenez-vous de la précédente chanson de notre équipe : « J’ai comme un doute »
J’ai, je crois, un esprit ouvert. Je peux tout croire si cela m’est prouvé. Mais il faut quand même satisfaire Une logique élémentaire Pour ne pas se laisser berner.
Je peux croire au paranormal, Tant de témoins ne sauraient mentir. Mais se tromper c’est banal Pour le modeste animal Qui supporte mal de mourir.
Si tu tiens à ta conclusion Alors je veux la partager. Je ne suis pas débile profond, Tu dois pouvoir m’expliquer. Si c’est toi qui as raison C’est ta responsabilité.
Je peux croire en la naturopathie Consommons moins de médicaments. Mais perso je tiens à la vie Et à celle de mes amis Sans preuve : dis-moi, on fait comment ?
Pont
Je peux croire que la Terre est plate Aux énergies qui parcourent les chakras. Mais permets que, comme Socrate, J’ose, question délicate Demander comment tu sais tout ça.
Je peux croire, pourquoi pas, en Dieu C’est si sérieux un être suprême Qu’on doit trouver une preuve ou deux Qu’on est bien sûr que ce qu’il veut C’est la circoncision et le baptême.
Si tu tiens à ta conclusion Alors je veux la partager. Je ne suis pas débile profond, Tu dois pouvoir m’expliquer. Si c’est toi qui as raison C’est ta responsabilité.
Si tu tiens à la vérité Avec un peu d’humilité On doit pouvoir s’en approcher
Avec les croyances à la mode Faire preuve d’un peu de méthode Aucune colère, pas de haine C’est juste une question d’hygiène.
Qu’on réfute mes certitudes Qu’on questionne mes habitudes J’accepte tous les démentis À mon ouverture d’esprit.
Invité : Monsieur Phi. Enregistré le 23 juillet 2019.
Editorial
La philosophie, amour de la sagesse, questionnement de la condition humaine, vaste champ de réflexion dont les contours sont flous et le centre nulle part, cette chose que l’on rencontre en terminale dans les lycées français ou au détour de la lecture d’un bout de Platon ou d’Aristote, on se demande finalement ce que c’est, et quel est son statut vis-à-vis des sciences.
Philosopher c’est apprendre à
mourir selon Montaigne. Entendez-par : là accepter la finitude de
l’humain.
« Apprendre à mourir! Et
pourquoi donc? On y réussit très bien la première fois! » rétorquait avec
raison le poète Sébastien-Roch Nicolas de Chamfort, ce qui pose la question de
l’utilité de cette vieille habitude, du statut de ceux qu’on nomme les
« philosophes »… Et vous savez la tristesse qui nous envahit quand on
demande autour de nous des noms de philosophes contemporains et que l’on
récolte des patronymes télévicoles et médiagéniques, éditolâtres & plumophores
pour ne pas dire Idiocrates et opiniopathes.
Pourtant des philosophes, des
vrais, il y en a, des gens qui pensent, qui remettent en cause certaines
évidences et montrent que ce qui va de soi est en fait questionnable, et peut
être exploré avec les outils de la pensée méthodique. Les philosophes sont
peut-être les éclaireurs de la science, et aussi les sémaphores des questions
éthiques autour de la production et de l’utilisation de connaissances.
Connaissons-nous cette
philosophie-là ? La trouvons-nous dans les programmes scolaires ?
Nous est-elle aussi utile qu’elle peut l’être ?
Dans la sphère zététique, des
rationalistes et sceptiques, et plus généralement dans le monde de la science,
il y a comme une méfiance à l’égard de la philosophie. Snobe et virulente,
toute vêtue de d’une impénétrable métaphysique, la philosophie disqualifie le
statut de « vérité » à toutes nos connaissances les mieux établies.
Et si l’intention est bonne, on souhaiterait parfois que la forme fut plus
conviviale, car notre scepticisme méthodique nous avait conduits à la même
prudence.
À quoi nous sert la
philosophie ? Quelle idée nous faisons-nous des philosophes ? Est-ce
une discipline littéraire qui a toute sa place au milieu des facultés de
lettres et de sciences humaines ? Est-ce une discipline homogène ?
Peut-on en parler sans immanquablement formuler une succession de
questions ?
Vous pensez bien que nous n’avons pas le début de l’ombre de réponses solides, et c’est pour ça que nous recevons Monsieur Phi avec qui nous allons débroussailler quelques idées reçues et interroger les relations complexe qu’entretiennent le rationalisme (la zététique) et la philosophie.
Invités : Patrick Baranger & Jade Herbert — Enregistré le 20 juin 2019
Editorial
Permettez que j’ouvre avec une
citation de Coluche « L’intelligence est la chose la mieux répartie chez
les hommes parce, quoiqu’on en soit pourvu, on a toujours l’impression d’en
avoir assez, vu que c’est avec ça qu’on juge ». De la même manière je ne
connais personne qui estime manquer de rationalité ou d’esprit critique. Cela
devrait tous nous alerter.
Nous vivons une époque formidable.
L’accès à Internet est quasi universel, nous sommes tous à trois clics de
connaissances innombrables, de lieux d’échange qui peuvent transformer nos vies,
nous apprendre à régler nos problèmes, à partager les remèdes contre les
duperies et les mystifications. Les grandes œuvres d’art et leur remises en
contexte ; les documents historiques jusque dans leurs moindres
détails ; les connaissances scientifiques, dans toutes les langues ou
presque.
Mais nous ne les consommons pas. Nous
sommes collectivement apathiques devant ce prodige de notre civilisation. Nous
préférons regarder des conneries, si possible les mêmes conneries que tout le
monde, pour ne pas risquer de se sentir largué. La connerie à la mode a sur
nous plus d’attrait que l’explication ardue d’un mystère scientifique ou
l’enquête fastidieuse sur un scandale d’état.
Soit on trouve ça parfaitement
normal et stylé, soit on comprend que la pensée critique n’est pas la chose la
mieux répartie au monde.
Parce que si les gens préfèrent les
conneries aux grandes œuvres d’art, aux connaissances, aux débats
philosophiques, ce n’est pas par hasard bien sûr, mais parce que nul n’est
totalement libre de penser ce qu’il veut.
Il est facile de dire que l’on est
libre de penser ce que l’on veut, de le proclamer et d’y croire, mais la
condition humaine s’y oppose de toutes les forces des influences que nous
subissons pour le meilleur et pour le pire.
L’espace dans lequel nous nous
autorisons à penser est cerné de murs invisibles qui font croire aux plus
imprudents qu’ils ont pleinement choisi de penser ce qu’ils pensent. Les autres
se posent d’avantage de questions métacognitives ; ils réfléchissent sur
leurs réflexions, et c’est cette activité, sans doute qu’on peut appeler la pensée
critique.
Ce serait formidable de pouvoir
amener tout le monde à développer une telle attitude et les talents qui vont
avec. Peut-on enseigner la pensée critique ? Si oui comment ? Si
non : que faire ?
Evidemment l’école a un rôle
central, mais il y a de la vie hors des écoles, et il existe une éducation
populaire dont l’un des buts est d’aider les citoyens à se méfier des jugements
hâtifs, des stéréotypes, des évidences et des vérités absolues.
La semaine prochaine Les Petits
Débrouillards font leur université d’été à Nancy, et ce sera l’occasion pour le
public de venir échanger avec les membres sur leur action, et notamment sur la
possibilité oui ou non, de devenir plus critique, mieux critique, puisque le
titre de l’événement est « Science, esprit et pensée critiques »
Pour en parler je reçois deux
invités qui connaissent bien les petits débrouillards, le monde de
l’enseignement et de l’éducation populaire.
● Samuel Morin, chercheur, directeur du Centre d’Etudes de la Neige.
● Lionel Scotto d’Apollonia, sociologue et
épistémologue.
● Marie Dégremont, docteur en science politique,
spécialiste des questions de transition énergétique.
Editorial
Nous connaissons le principe de l’effet de serre
depuis environ 150 ans. Depuis plus de 60 ans, nous savons que le climat
mondial change de manière brutale, et on suspecte que les modifications
atmosphériques dues à l’activité humaine y soient liées. Depuis 1995 la chose
est prouvée. Cela fait 24 ans que nous voyons sortir, année après années, des
études qui confirment les causes anthropiques d’un changement climatique aux
conséquences potentiellement dramatiques pour beaucoup de monde.
Quand je dis « nous » je parle des membres
de notre espèce dont le métier est de chercher à savoir ce qui se passe avec
notre climat, notre atmosphère et tous les systèmes en interaction. Leur métier
est de savoir, d’avoir une idée de l’étendue de ce qui n’est pas su, et de
transmettre tout ça au public pour que la société puisse faire des choix
éclairés.
Mais il y a comme un truc qui cloche, du sable dans
les rouages, de la boue dans les yeux, une gonade dans le potage parce qu’on a
beau produire de la connaissance, c’est comme si on ne voulait rien savoir.
La climatologie, ça existe, ça produit des modèles, ça
fait des prédictions. Et ça tombe juste, puisque les modèles successifs se
ressemblent et coïncident avec les données récoltées. Depuis la
convention-cadre des Nations Unies sur les changements climatiques, rédigée en
1992, nous avons eu 24 Conférences des Partis (on se souvient de la COP21 de
Paris en 2015), le GIEC en sera bientôt à son sixième rapport, on entend parler
de bien des tractations pour lutter contre le changement climatique, mais on se
demande si du concret existe, quelque part.
En dépit de tous ces travaux, le grand public reste
plutôt inculte, le monde journalistique n’est pas toujours plus brillant, et
les décisions politiques prises au nom de nous tous pourraient bien n’être que
très peu inspirée des conséquences qu’il faudrait pourtant tirer de ces
connaissances.
Pour parler de ces questions, il faut commencer par
comprendre, au moins dans les grandes lignes, ce que c’est que le climat, et
quel est le travail des climatologues. Nous entamerons cela avec Samuel Morin,
qui est directeur du Centre d’Etudes de la Neige, et donc climatologue. Il sera
l’un des co-auteur du prochain rapport du GIEC, on pourra donc aussi évoquer
avec lui comment travaille le Groupe Intergouvernemental d’Etude du Climat.
Quand on donne la parole à un climatologue, on voit
surgir des commentaire et des critiques, le plus souvent émanant de personnes
ignorantes, mais parfois de personnalités scientifiques qui estiment qu’on a
tout faux et qui n’hésitent pas à nier les résultat d’un consensus scientifique
sur lequel s’accordent plus de 99% des études (Le chiffre était de 97% il y a
quelques temps, mais vous voyez ça avance[1]). Ces
gens s‘estiment climato-réalistes, on les appelle improprement
climato-sceptiques, peut-on dire que ce sont des climato-négationnistes ?
Qui sont-ils et que disent-ils ? Nous en parlerons avec le sociologue et
épistémologue Lionel Scotto d’Apollonia qui les connaît bien.
Pour la troisième et dernière partie, nous allons
poser ce qui est sans LA question la plus importante, une fois qu’on s’est mis
d’accord sur ce que dit la science.
Nous savons que l’activité humaine, depuis deux
siècles, modifie l’atmosphère. Les rejets de gaz à effet de serre continuent
d’augmenter malgré tout. On se trouve dans une situation où notre voiture se dirige
vers un mur ; on me voit approcher, et nous continuons d’appuyer sur l’accélérateur.
Pourquoi ? Pourquoi, si ce danger est la plus grande menace au monde, ne
voyons-nous pas des décisions urgentes à tous les niveaux de la société ?
Pourquoi, finalement, continuons-nous sur notre lancée sans réellement remettre
en cause notre fonctionnement collectif ? C’est une question politique,
qu’éclairera pour nous Marie Dégremont, docteur en science
politique, spécialiste des questions de transition énergétique.
Merci à tous les trois d’avoir accepté notre invitation
[1] Those 3% of scientific papers that deny climate change? A review found them all flawed (2017) — Lien.
https://menace-theoriste.fr/wp-content/uploads/2019/06/76_MINIATURE_TenL_1920x1080.jpg10801920Acermendaxhttps://menace-theoriste.fr/wp-content/uploads/2015/08/menace_theo2-300x145.pngAcermendax2019-06-30 11:58:392019-06-30 11:58:39Le climat change… Et alors ? (TenL#76)
Le Bénéfice du Doute #5. Enregistré chez RCN le 23 mai 2019.
Invité : Mehdi Moussaïd.
Editorial
« La foule est la mère des tyrans. » disait Denys d’Halicarnasse un siècle avant notre ère. « La foule est la bête élémentaire, dont l’instinct est partout, la pensée nulle part. » jugeait André Suarès plus récemment.
On n’aime pas la foule. On la juge
facilement vulgaire, manipulable, terriblement inintéressante. La foule ne
contient finalement que des gens qui ne sont rien, ceux qui ne savent pas se
distinguer par leurs qualités ou leurs efforts. Les artistes ne sont pas tendre
avec elle, à l’image de Malarmé : « Cette foule hagarde ! Elle
annonce : Nous sommes la triste opacité de nos spectres futurs. » et l’on
voit que la foule, d’une certaine manière, nous renvoie à notre insignifiance
personnelle. Comment ose-t-elle ? C’est odieux pour ceux d’entre nous qui
chérissons notre individualité.
Nous voudrions que le monde soit
dirigé par des esprits éclairés, par les meilleurs d’entre nous, par les plus
méritants, et l’antithèse de cet idéal, c’est le chaos qui ne manquerait pas de
survenir —nous le sentons bien— si on laissait aux incultes, aux profanes, au
tout-venant, aux manifestants le pouvoir de décider ce que la société doit
faire.
Madame Michu n’est pas loin de la
juger pire que l’anarchie cette Ochlocratie : « Gouvernement par la
foule, la multitude, la populace ». Là où la démocratie serait
l’organisation d’un choix rationnel parmi plusieurs projets politiques que le
peuple sanctionne avant de concéder à être gouverné, le pouvoir exercé par la
foule ne peut offrir que démagogie, emportements, jugements hâtifs et
libération des pulsions les plus basses. C’est le despotisme de la cohue. En somme il faudrait être pervers pour aimer
la foule.
Mais Madame Michu, ET vous qui
m’écoutez, ET moi-même, nous sommes la foule des autres. Que sommes-nous sinon
des éléments d’un grand tout, constamment en interaction les uns avec les
autres et souvent moins libre qu’on se plait à le croire ?
Car c’est l’une des questions
fondamentale : les êtres humains existent-t-ils pleinement de par
eux-mêmes ou seulement dans la dynamique qu’ils créent ensemble ? Cette
multitude si détestée ne nous est-elle pas nécessaire ? Les foules
sont-elles capables d’une forme d’intelligence qui surpasserait celle de
l’humain moyen ? Selon la formule
du psychologue social Jonathan Haidt l’humain serait à 90% chimpanzé et à 10%
abeille. Si c’est vrai la foule est en nous.
Et alors nous avons besoin que des chercheurs se penchent sur cette entité pour nous aider à comprendre qui nous sommes. Alors je pose la question à mon invité Mehdi Moussaïd : qui sommes-nous ?
Répondre à la question… et même la poser, cela réclame de
savoir ce que c’est que l’intelligence, et le défi est considérable parce qu’il
n’existe pas encore une définition compréhensible qui mette d’accord tous les
spécialistes. Mais il faut aussi savoir ce qu’est une plante… et en fait ce
n’est pas si simple que ça en a l’air.
Nous autres primates, mammifères, tétrapodes, métazoaires,
opisthocontes que nous sommes, jetons souvent un œil hautain sur le reste du
vivant. Il y a les espèces supérieures, celles qui nous ressemblent, et puis il
y a le petit peuple de la planète, ceux qui ne sont rien… Quant au végétal, on
a parfois le sentiment qu’il fait juste partie du décor. Nous vivons au milieu
d’êtres vivants que la plupart d’entre nous ne connaissons qu’en surface. Si
vous voulez mesurer à quel point vous ne connaissez pas les plantes, je vous
propose un petit défi : essayez de dessiner le cycle de reproduction d’un
arbre. Pour un humain, vous devriez vous en sortir sans trop de difficulté,
faisons-le ensemble dans les grandes lignes : deux gamètes se
rencontrent pour donner une cellule-œuf qui se divise et produit un embryon,
puis un bébé humain qui grandit et produit à son tour des gamètes, (ou bien
mâle ou bien femelle) ; l’un de ces
gamètes va rencontrer celui émis par un autre humain (de sexe opposé) et le
cycle repart avec l’événement de fécondation. Chez les plantes, ou chez les
champignons, c’est différent, et même bizarre d’une certaine manière. Les
aliens de la science-fiction ne sont finalement pas si exotiques que ça si nous
les comparons au châtaignier ou à la glycine. L’étrange nous entoure.
Mais revenons à l’intelligence de ces plantes. Qu’en
est-il ?
Doit-on admettre que nous sommes passés à côté de cette
intelligence, ou faut-il voir dans cette quête une autre forme de mépris, celui
qui nous pousse à anthropomorphiser ce à quoi nous désirons nous
intéresser ? Faut-il que les plantes soient intelligentes, un peu comme
nous finalement, pour qu’on les respecte ? Pour qu’elles soient dignes
qu’on leur consacre notre attention ?
Vous imaginez bien que je n’ai pas les réponses à ces
questions, et dans cette émission nous allons recevoir des gens qui en savent
bien plus que moi afin de nous mettre d’accord sur les idées fausses à écarter,
sur les connaissances établies qu’il faudrait reconnaître et sur ce qui
appartient au domaine incertain et flou du doute raisonnable.
Pour ce premier épisode du Bénéfice du Doute, nous avons pour
parrain un chercheur éminent. Francis Martin a reçu les lauriers de la
recherche agronomique de l’INRA pour ses travaux pionniers sur la symbiose
entre les arbres et les champignons. Les arbres n’existeraient pas en l’absence
de leurs partenaires mycéliens. Cette symbiose, elle est omniprésente autour de
nous, et pourtant elle est discrète à nos yeux. Ce phénomène, il en parle dans
un livre qui vient de sortir « Sous la forêt » aux éditions
HumenSciences.
Avec Francis Martin, aujourd’hui nous allons essayer de savoir si nous nous posons les bonnes questions sur les arbres et sur les plantes en général. Bonjour Francis Martin.
Pour offrir les meilleures expériences, nous utilisons des technologies telles que les cookies pour stocker et/ou accéder aux informations des appareils. Le fait de consentir à ces technologies nous permettra de traiter des données telles que le comportement de navigation ou les ID uniques sur ce site. Le fait de ne pas consentir ou de retirer son consentement peut avoir un effet négatif sur certaines caractéristiques et fonctions.
Fonctionnel
Toujours activé
Le stockage ou l’accès technique est strictement nécessaire dans la finalité d’intérêt légitime de permettre l’utilisation d’un service spécifique explicitement demandé par l’abonné ou l’internaute, ou dans le seul but d’effectuer la transmission d’une communication sur un réseau de communications électroniques.
Préférences
L’accès ou le stockage technique est nécessaire dans la finalité d’intérêt légitime de stocker des préférences qui ne sont pas demandées par l’abonné ou l’internaute.
Statistiques
Le stockage ou l’accès technique qui est utilisé exclusivement à des fins statistiques.Le stockage ou l’accès technique qui est utilisé exclusivement dans des finalités statistiques anonymes. En l’absence d’une assignation à comparaître, d’une conformité volontaire de la part de votre fournisseur d’accès à internet ou d’enregistrements supplémentaires provenant d’une tierce partie, les informations stockées ou extraites à cette seule fin ne peuvent généralement pas être utilisées pour vous identifier.
Marketing
Le stockage ou l’accès technique est nécessaire pour créer des profils d’internautes afin d’envoyer des publicités, ou pour suivre l’internaute sur un site web ou sur plusieurs sites web ayant des finalités marketing similaires.