Invité. Jais Adam-Troian. Chercheur en psychologie sociale.
Editorial
C’est quoi un terroriste ? Un type tire à la carabine sur les gens dans la rue : c’est un forcené, un déséquilibré pour tout dire un fou. Tels sont les mots des médias.
Mais s’il a dit Allahu akbar à un moment ou un autre aussitôt l’acte est terroriste avant même que Daesh, la foirefouille de l’islamisme meurtrier, n’ait à revendiquer.
Une partie de ce qui fait l’acte terroriste est donc dans notre manière de le percevoir, de le cataloguer. Les faits ne changent pas, bien sûr, et pourtant nos réactions seront différentes. Ne faisons pas semblant de croire que tout ça est facile à comprendre. n’imaginons pas que seule la religion explique les tueries, que seule la géopolitique donne les clef de la mécanique à l’oeuvre, que tout n’est qu’affaire de psychologie individuelle.
Devant cette complexité, nous ne sommes pas démunis toutefois, et il faut prêter oreille aux modèles explicatifs, car ils peuvent nous indiquer les décisions les plus à même d’avoir un impact, de sauver des vies et de repêcher des candidats à la radicalisation avant qu’il soit trop tard. Il faut se défaire, avant toute chose, de l’illusion qu’il y aurait d’un coté des gentils citoyen innocents, et de l’autre de méchants individus destinés à commettre des crimes. Vous le savez si vous aimez la zététique, le contexte est un mot clef. Le contexte explique toujours plus de choses qu’on ne le croit d’abord, car dans le contexte se cachent les déterminants invisibles, les conditionnements subtils, les influences, les injonctions, toute la mécanique qui, en coulisse, prépare les conditions du passage à l’acte.
Si l’on veut prévenir de futurs actes, il faut prendre en compte le contexte et il faut agir dessus. Nous n’aurons pas de brigade des pre-crime capable d’établir qui dans le futur sera un méchant afin de l’arrêter et de l’extraire du monde pour protéger les autres. Non seulement c’est impossible, mais cette perspective serait carrément injuste. L’auteur des méfaits est en réalité aussi, en partie au moins, une victime de son parcours, une victime d’enjeux auxquels il croit devoir soumettre tout le reste, y compris la vie d’autrui et souvent la sienne.
Il faudrait commencer pas comprendre ce qui motive cet acte, ce qui le rend non seulement licite dans l’esprit de celui qui agit, mais nécessaire et donc inévitable. Si nous comprenons l’inévitable assez tôt et si nous agissons sur les ficelles qui le déterminent, on pourrait bien changer les choses. Mais pour changer les choses… il faut changer des choses. Et ça commence par se débarrasser des idées reçues et manichéennes sur ce qui provoque l’acte terroriste.
C’est ce à quoi nous allons nous employer avec notre invité Jais Adam-Troian, chercheur en psychologie sociale qui travaille beaucoup sur le sujet des comportements violents.
La pandémie que nous vivons est préoccupante, non seulement parce que les limites du système de soin, presque atteintes, mettent les soignants à rude épreuve, à deux doigts de la rupture qui pourrait démultiplier les dégâts, mais aussi parce que la désinformation nous submerge, jette la confusion, la discorde et l’angoisse. On aimerait pouvoir se fier à quelques canaux d’information solides, mais nous avons été trahis quasiment de tous les côtés.
L’allié objectif du virus a été le mépris de l’éthique de la recherche et du soin, artificiellement opposées par ceux qui ont eu besoin de faire passer leur manque de méthode pour de la bravoure et leur manque d’humilité pour de la dissidence face à un monde scientifique dépeint comme incompétent, lent et corrompu.
Si vous ne savez plus à qui vous fier, c’est plutôt normal et ça n’est pas votre faute. Nous vivons dans un contexte où des incompétents se sont installés dans les médias, ont accaparé la parole, ont provoqué le désordre et cultivé le soupçon. Le monde politique a complaisamment participé à ce spectacle indécent, le monde scientifique, d’une manière ou d’une autre, a laissé faire. Les paroles prudentes, nuancées, sourcées , celles qui permettent d’évaluer les informations en présence, n’ont pas été en mesure de rivaliser avec les propos expéditifs, excessifs, abusivement rassurants ou angoissants.
Avec cette vidéo, aujourd’hui, nous apportons notre petite contribution à l’assainissement du marché de l’information. Nous recevons Nathan Peiffer-Smadja un épidémiologiste de métier, Chef de Clinique assistant au Services des Maladies Infectieuses et Tropicales de l’hopital Bichat, coordinateur du Réseau des Jeunes Infectiologues Français. Et je lui demande, dans cet entretien, enregistré le 26 juillet, de revenir sur les informations, les croyances, les confusions qui circulent au sujet de la maladie, du virus et des traitements.
https://menace-theoriste.fr/wp-content/uploads/2020/12/miniatures-interview-Nathan-Peiffer-Smadja.jpg10801920Acermendaxhttps://menace-theoriste.fr/wp-content/uploads/2015/08/menace_theo2-300x145.pngAcermendax2020-12-01 12:16:122020-12-04 11:37:11Covid 19 – La parole aux vrais experts
Des extraterrestres en archéologie, avec un titre pareil, certains s’attendent à une franche rigolade. Il faut reconnaître que ceux qui croient aux visites des ET agrémentent leurs versions de détails et de réflexions qui défient souvent les lois du ridicule. Mais gardons-nous de la tentation de prendre tout cela à la légère, comme si ces croyances-là ne méritaient que notre mépris et le fouet cinglant du débunkage le plus expéditif. Nous avons sans doute à gagner à nous intéresser aux raisons pour lesquelles ces récits existent et rencontrent un succès indéniable depuis plus de cinquante ans.
Nous commençons à être familiers avec des histoires rocambolesques à base de soucoupes volantes venant sur Terre, non pas avant hier dans le Puys de Dôme sous la pleine lune au milieu d’une clairière, mais il y a trois mille ou douze mille ans, quand une telle apparition ne pouvait manquer d’être interprétée différemment.
Arthur C. Clarke disait « Une technologie suffisamment avancée est indiscernable de la magie ». Arthur C. Clark a aussi traité d’idiot Erik Von Däniken, l’auteur du livre qui a fait connaître ce qu’on appelle la Théorie des Anciens Astronautes. Cette « théorie », qui est plutôt un scénario, dispose que la visite des extraterrestres a laissé des traces dans l’histoire, dans la culture, dans la biologie et dans les monuments. Si nous regardions mieux, nous pourrions reconnaître les vestiges de ces visites dans les lignes de Nasca par exemple, ces grands dessins visibles seulement du ciel ; et dans la Pierre du Sud à Baalbek, un bloc gigantesque, si énorme qu’on n’image mal que des hommes de l’Antiquité aient pu déplacer ses mille tonnes ; et puis il y a l’étonnante île de Pâques, isolée au milieu du Pacifique, ornée de Moais énormes, étranges et finalement assez incompréhensibles sans une connaissance de la culture qui les a produits. Les exemples sont nombreux, et vous en connaissez certains si vous avez suivi nos travaux autour des élucubrations de La Révélation de Pyramides qui emprunte beaucoup à ce récit Dänikien.
Soyons clair : nous n’avons aucun élément permettant d’accréditer en quoi que ce soit ce scénario. Tous les faits avérés sont explicables de manière plus cohérente, plus simple, plus élégante par des théories qui ne font pas intervenir de civilisation ancienne, avancée et mystérieusement disparue.
Toutefois, la question des origines de la théorie des Anciens Astronautes et de la nature des récits et des croyances qui l’entourent est passionnante : nous sommes dans le domaine d’une mythologie contemporaine, de légendes qui se construisent et évoluent sous nos yeux. On a vu naître tout dernièrement la légende des « momies aliens » de Thierry Jamin qui n’en finit pas de nous promettre les preuves que ces objets issus d’un pillage archéologique du Pérou contiennent un ADN non terrestre. Il y a aussi la légende des crânes de cristal, celle des pierres d’Ica, etc. Autant d’occasions de s’émerveiller, de croire, comme de se moquer.
Et on peut se demander si ces croyances sont de type religieux, ou bien s’il s’agit de pseudo-sciences, de pseudo-histoire, ou d’autre chose encore. Est-ce un mouvement idéologique, en réaction à la culture ambiante ? Est-ce un délire collectif, un effacement pathologique de la ligne qui sépare le réel et la fiction ? N’y a-t-il pas de manière récurrente une dimension conspirationniste dans ces histoires où la vérité est toujours cachée par des élites ?
La croyance dans les Anciens Astronaute pourrait nous révéler, si nous lui accordons un peu d’attention au lieu d’en ricaner, des éléments de compréhension sur la manière dont nous façonnons notre vision du monde et nous rendons sensibles à certains registres d’administration de la preuve tandis que nous nous fermons à d’autres. Et alors c’est un regard d’anthropologue qu’il faut adopter pour extraire du folklore les clefs qui nous éclaireraient sur la circulation et le succès des croyances sur l’histoire du monde. L’anthropologue, ce soir, c’est Wiktor Stoczkowski.
La réalité est un concept important. C’est ce qui continue d’exister même quand nous n’y croyons pas. C’est ce que nous sommes dans l’impossibilité de nier même si on en a très envie. Et c’est, surtout, ce que nous partageons. La réalité est toujours un peu inaccessible, elle échappe aux modèles et aux théories, mais nous essayons quand même de la comprendre car il est utile d’anticiper la réalité, par exemple quand elle ressemble à une épidémie, à un tsunami, ou un dérèglement climatique.
Si nous sommes des militants pour la pensée critique, l’art du doute et la méthode scientifique, c’est parce que ça marche, qu’on peut en espérer des bénéfices collectifs. Et c’est en substance ce qu’est venu nous dire Lawrence Krauss depuis les États-Unis.
Avant toute chose, le professeur Krauss est un scientifique avec une très solide carrière dans la recherche et l’enseignement, depuis presque quarante ans. C’est un physicien et cosmologiste reconnu par ses pairs, président de la fondation Origins Project et il est aussi l’auteur de livres de vulgarisation comme La physique de Star Trek ou A universe from nothing. Enfin, il est particulièrement connu dans le monde du rationalisme pour sa participation à des débats sur l’existence de Dieu et la religion en général. Défenseur de la raison, on l’a vu par exemple dans le film « The Unbelievers » aux côtés de Richard Dawkins que nous avions interviewé à Oxford en début de cette année 2020.
Le 11 septembre il avait rendez-vous avec Acermendax pour une interview. Peut-être avez-vous envie de la regarder ?
Retranscription
Traduit par les bons soin d’Olivier Bosseau, cet entretien est disponible ci-dessous sous un format texte.
Thomas Durand (Acermendax) – Professeur Krauss, merci beaucoup d’avoir accepté notre invitation. Nous sommes en direct de… vous n’êtes pas, en ce moment, chez vous en Arizona. Vous vous trouvez dans l’Oregon. Je me trompe ?
Lawrence Krauss – Oui. Je suis dans l’Oregon qui offre d’habitude de bien plus beaux paysages. Aujourd’hui, malheureusement, tout est rempli de feu et de fumée, [l’entretien a eu lieu en septembre 2020].
TD – La première partie de cet entretien concerne votre motivation et votre vocation. Pourquoi écrire de la vulgarisation scientifique ? Ne serait-il pas plus important de consacrer votre temps à la recherche pour faire des découvertes et participer au progrès de la civilisation ?
LK – Tout d’abord, je ne suis pas sûr que ce soit à moi de dire dans quels domaines j’ai le plus contribué. Je devrais plutôt essayer de me dédier aux domaines auxquels je peux effectivement apporter quelque chose. Ce que je peux vous dire, c’est que c’est par la lecture, enfant, de livres écrits par des scientifiques que je me suis intéressé à la science. C’est ce qui m’a donné la passion de la science, et c’est notamment pour cela que j’ai voulu rendre la pareille en écrivant. Et tout au long de ma carrière, j’ai eu, je pense, le sentiment qu’en faisant de la science sans en transmettre au grand public, j’aurais été en un certain sens, irresponsable ; et en ne faisant que de la vulgarisation, j’aurais fait preuve de négligence, voire de malhonnêteté. Ce que j’ai essayé de faire, c’est en somme de trouver un équilibre entre les deux. Et en général, tout comme la plupart des chercheurs, je ne travaille qu’à des sujets qui m’intéressent, qui me plaisent. Je fais de la science parce que cela me plaît. J’espère, bien sûr, que ce que je fais aura de l’importance mais il me paraît essentiel de trouver son propre équilibre : je ne pense pas qu’il faille que tous les scientifiques passent leur temps à faire de la vulgarisation, mais pour ceux d’entre nous qui, pour une raison ou une autre, peuvent le faire et le font – surtout maintenant que j’ai une sorte de public qui me suit –, il y a en quelque sorte une responsabilité à rester fidèle à ce que l’on fait.
Et, vous avez raison, cela peut me détourner de la science proprement dite, même si j’ai parfois constaté que c’est en vulgarisant telle ou telle chose que j’ai été conduit à y réfléchir d’une manière nouvelle, ce qui a finalement été bénéfique pour mes travaux scientifiques. Mais, comme je le disais, en fin de compte, ce n’est pas à moi de décider de ce qui est le plus utile. Il se peut qu’en définitive, ma vulgarisation auprès du grand public ait été plus utile que mes travaux scientifiques. Je ne fais que ce que je suis capable de faire.
TD – Et donc, justement, avez-vous appris quelque chose en écrivant pour le grand public?
LK – Oh oui. Vous savez, c’est comme pour enseigner : tant que vous n’avez pas essayé d’expliquer une chose, vous ne l’avez pas réellement comprise. Je vous donne un petit exemple : la particule élémentaire appelée « axion » est un candidat potentiel pour la matière noire ; elle permet de résoudre un problème de physique des particules. Mais le problème qu’elle résout a à voir avec certaines symétries de la nature impliquées dans les propriétés de l’une des particules élémentaires dans l’univers, le neutron. Et je croyais avoir compris comment ces symétries opéraient sur le neutron jusqu’à ce que j’essaie de l’expliquer. C’est là que je me suis rendu compte… car j’ai mis beaucoup de temps à essayer d’expliquer ça, et parfois, lorsque l’on fait de la recherche, on s’attache beaucoup aux détails, et ces détails nous font parfois perdre de vue l’essentiel. Écrire là-dessus me motive car cela me ramène souvent aux raisons pour lesquelles je m’intéresse aux problèmes auxquels je réfléchis, cela me stimule dans mes réflexions. Cela a également permis à mes réflexions, lorsque j’étais en train d’écrire sur différents aspects de la matière noire, de finalement déboucher sur des articles de recherche concernant les manières de détecter la matière noire. Ce n’est donc pas la raison pour laquelle je fais de la vulgarisation, mais c’en est un des effets. Et un autre effet est la motivation. Je pense que nous avons tous besoin d’être motivés pour travailler dur. Et il est bon, parfois, de faire une pause dans ses travaux de recherche et se mettre à autre chose. Mais il y a aussi un enthousiasme croissant qui accompagne l’écriture – parce que j’essaie de me mettre moi-même dans un état d’exaltation afin d’exalter le public – et cet enthousiasme m’anime pour reprendre mes recherches proprement dites. J’espère que vous arrivez à comprendre ce que je veux dire.
TD – Je pense que tout le monde comprendra. C’est donc dans cette perspective que vous avez lancé une nouvelle série de vidéos intitulées « 5 minutes de physique » où vous expliquez des questions à l’aide d’outils scientifiques comme des équations. Quel est le public que vous visez ? Parce que la science peut être vite difficile à suivre.
LK – Eh bien, dans un certain sens, je ne savais pas quel public je visais. J’étais motivé par le fait qu’avec la pandémie, les gens étaient bloqués chez eux sans trop savoir quoi faire de leur temps. Et je me suis demandé comment je pourrais me rendre utile. Mon travail ne porte pas sur la COVID, je ne suis pas médecin. Que pourrais-je faire pour être utile ? Je pourrais peut-être donner à ces gens qui ont du temps libre parce qu’ils ne travaillent pas, ou parce qu’ils doivent travailler chez eux l’occasion d’entendre des choses qu’on ne trouve nulle part ailleurs sur Internet. On trouve en effet souvent de courts exposés sur divers aspects de la science. Je me suis dit qu’en essayant de traiter certains sujets avec plus de profondeur que ce que l’on trouve habituellement – tout en en restant suffisamment bref afin de ne pas être intimidant – je pourrais transmettre tout un tas de choses intéressantes. Je n’avais aucun plan en tête, je l’admets. Le premier jour, je me suis dit que j’allais m’amuser un peu. Et puis j’ai reçu des commentaires de personnes me demandant : « Est-ce que vous pourriez expliquer cela plus en détail ? Peut-être même avec une équation ou deux. » Je me suis alors dit que je pourrais mettre à disposition des enseignements qui, en temps normal, pourraient ne pas être aussi utiles ou si facilement accessibles. Et je voulais que cela puisse d’ailleurs également servir aux professeurs et aux étudiants. Parce que c’est vrai que lorsque je fais de la vulgarisation, je ne m’attends pas toujours à ce que cela soit ces choses-là que l’on reprenne et étudie dans les salles de classe – même si je sais que c’est parfois le cas. Mais beaucoup de parents aujourd’hui enseignent chez eux à leurs enfants, beaucoup d’écoles sont fermées, et c’est pour cela que j’ai voulu mettre à disposition ces matériaux d’enseignement supplémentaires afin que certains professeurs et élèves puissent disposer de connaissances auxquelles ils n’auraient jamais eu accès autrement.
TD – J’ai ici beaucoup de vos livres ici, et en particulier un, sur lequel j’aimerais vous poser une question : La Physique de Star Trek.
LK – Voilà un tas de livres qui fait plaisir à voir.
TD – J’avoue que ma question peut sembler un peu bête mais j’y vais quand même : les fans de Star Trek vous en veulent-ils d’avoir montré l’extrême improbabilité de la téléportation ?
LK – Dans l’ensemble non. Vous savez, quand j’ai écrit ce livre, j’avais terriblement peur de me mettre à dos des centaines de millions de fans de Star Trek. Tout d’abord, je m’impose quelques règles lorsque j’écris [un essai de vulgarisation] : je ne mens pas et j’essaie de ne pas déformer la vérité. Mais cela peut arriver par inadvertance, du fait d’analogies ou d’autre, ou à cause d’une mauvaise présentation des choses. En tout cas, ce n’est pas fait sciemment. Et je ne voulais pas écrire un ouvrage qui énumérerait tout ce qui ne fonctionne pas dans la réalité, parce que ça ne serait amusant pour personne. J’ai donc essayé de réfléchir à la façon de procéder, et ce que j’ai fait, c’est que lorsque, mettons le téléporteur, ne peut pas fonctionner dans ce sens, j’ai essayé de le mettre en rapport avec des choses du monde réel qui, elles, pourraient fonctionner. Et, dans l’ensemble, j’ai trouvé que la réaction des fans de Star Trek était très positive parce qu’ils sont passionnés par tous les ponts possibles entre Star Trek et le monde réel. Et d’ailleurs, comme je le dis dans le livre, c’est cette question du téléporteur qui m’a amené à écrire. Cela avait commencé comme une plaisanterie en me demandant comment je pourrais fabriquer un téléporteur. Et puis je me suis mis à réfléchir à tout un tas de raisonnements physiques amusants. C’était un point de départ, sans se prendre trop au sérieux. J’ai donc été très heureux de voir que la réaction a été bien plus positive que ce que j’aurais imaginé. Et l’autre chose, on en vient à la question de comment toucher un public, c’est que la science peut intimider, mais pas Star Trek. Et c’est probablement le seul de mes livres où j’ai eu des enfants, de huit ans même, qui m’ont contacté pour me poser des questions parce qu’ils étaient intéressés par Star Trek. C’est là une façon de les accrocher pour les intéresser au monde réel. Et y arriver est quelque chose de très gratifiant.
TD – Très bien. La question suivante est donc très liée à celle-ci. Avez-vous déjà eu envie d’écrire de la science-fiction ?
LK – Ah ! On me pose souvent cette question.
TD – Désolé…
LK – Vous savez, j’ai quelquefois contacté des écrivains de science-fiction à ce sujet. Je peux simplement vous dire que je trouve les faits scientifiques bien plus intéressants que la science-fiction – et j’étais un grand lecteur de science-fiction. Je préfère vraiment la vraie science à la science-fiction. Pour tout vous dire, je suis en train d’écrire un roman mais je ne le qualifierais pas de roman de science-fiction. C’est plutôt une fiction qui comporte de la science. Je pense que ce sera amusant, mais pour ce qui est de science-fiction proprement dite, je préfère repousser les limites de l’univers réel et laisser les auteurs de science-fiction faire leur travail dans leur domaine. Mais si je peux faire en sorte que la science rende l’histoire meilleure… Et d’ailleurs, c’est parce que j’ai passé beaucoup de temps maintenant avec La Physique de Star Trek – on me pose beaucoup de questions sur la science-fiction, j’ai fait beaucoup de télé et autre du fait de ce livre – et ce qu’il est vraiment bon de savoir, je pense, et que j’ai appris très tôt des écrivains de science-fiction, c’est que ce qui est véritablement important dans la science-fiction, c’est la fiction, pas la science. Si l’histoire n’est pas bonne, le reste n’a pas d’importance. La science qui est présente doit l’être dans la mesure où elle apporte quelque chose à l’histoire. Je finirai bien par écrire ce roman, mais pour le moment, comme je le disais, l’imagination de l’univers réel dépasse de loin l’imagination des auteurs de science-fiction.
TD – Cela me semble très juste. La deuxième partie de l’entretien concerne votre discipline : la cosmologie. J’ai ici cet autre livre de vous, Un univers à partir de rien – quel titre ! Pourquoi est-ce donc aussi difficile d’imaginer que l’Univers puisse venir de rien ? Est-ce une inadéquation du langage, une limitation psychologique, ou plus fondamentalement une impossibilité scientifique ?
LK – Ce n’est assurément pas une impossibilité scientifique, autrement, je n’aurais pas écrit le livre. Mais je pense qu’il nous est juste très difficile d’imaginer des choses dont nous ne pouvons avoir une expérience directe. L’une des merveilles de la science, c’est qu’elle repousse les limites de notre imagination en nous forçant à affronter des idées auxquelles nous n’aurions autrement jamais eu affaire. Et la notion d’un univers contenant 100 milliards de galaxies, contenant chacune 100 milliards d’étoiles provenant de rien, cela repousse les limites de ce que l’on peut croire. Le fait que la science puisse réellement s’attaquer à ce problème est remarquable, et c’est l’une des raisons pour lesquelles j’ai voulu écrire ce livre. Je pouvais accrocher, une fois encore, mon public avec cette question qui me permettait d’exposer les extraordinaires développements de la cosmologie des cinquante dernières années.
La science a fait évoluer la définition du « rien ». Certaines personnes en sont très contrariées, en particulier des théologiens et des philosophes. Et changer la définition n’a rien d’une échappatoire, cela fait partie du processus d’apprentissage parce que nous comprenons à présent que ce que nous considérions comme le « rien » doit être affiné. Nos notions du « néant » doivent changer. L’exemple que je vais utiliser ici et que vous trouverez aussi dans ce livre, c’est l’exemple tout simple d’un espace vide : vous retirez tout. C’est le néant de la Bible si vous voulez. L’espace vide. Eh bien ce n’est pas vide en termes de particules : en physique, il est rempli d’un brassage bouillonnant de particules virtuelles qui surgissent et disparaissent. Et donc, même si ces particules ne sont pas réelles, les notions de néant et de vide sont assez complexes. Et pas seulement ça : certaines de ces particules virtuelles peuvent devenir réelles. Ce qui fait que la distinction entre « rien » et « quelque chose » commence à s’estomper. Tout cela peut nous déstabiliser, mais c’est aussi ça la science dans cette société moderne où les gens n’aiment pas être mal à l’aise. Dans l’apprentissage, il y a aussi une part d’inconfort, autrement, quel intérêt y aurait-il si on ne repoussait pas ses limites ?
TD – A-t-on prouvé que l’univers puisse venir de rien ?Vous avez dit dans votre livre que cela est peut-être possible, mais est-ce prouvé ?
LK – Non non non non non ! L’un des plus grands malentendus concernant la science est de penser que l’on peut prouver que les choses sont correctes. Nous ne pouvons en réalité que prouver que les choses ne sont pas correctes. Nos idées peuvent l’être, et certaines expériences ultérieures peuvent toujours nous conduire à les affiner. Mais ce qui est remarquable, c’est que cela soit vraisemblable : en s’appuyant sur la compréhension moderne de la physique – ce que je m’efforce de faire dans cet ouvrage – on se rend compte que cette idée folle d’un univers provenant d’absolument rien n’est en réalité pas simplement vraisemblable, c’est également très stimulant. Le fait même que cela soit vraisemblable – on a l’impression que sont enfreintes des lois fondamentales, d’avoir des galaxies là où il n’y en avait pas auparavant, mais vous pouvez montrer que l’énergie totale de l’univers pourrait être nulle – le fait que ce soit vraisemblable est étonnant, mais encore plus étonnant : si vous essayez d’imaginer quelles seraient les propriétés d’un univers qui pourrait être créé à partir de rien, par aucune loi physique ou aucune extrapolation de lois connues de la physique, les propriétés de cet univers serait précisément les propriétés de l’univers dans lequel nous vivons et que nous observons. Ce fait même en dit long. Bien sûr, nous ne pouvons certainement pas le prouver car nous n’avons pas de lois de la physique qui nous permettent de bien comprendre le tout début de notre univers car les lois de la physique s’effondrent, mais de simples extrapolations le rendent vraisemblable, et les implications de tout cela sont très révélatrices. Donc je dirai que c’est là le début le plus plausible de l’univers. Beaucoup plus plausible qu’un grand barbu disant : « Que la lumière soit ».
TD – Je suis d’accord avec tout cela, mais la question demeure : qu’est-ce que « rien » ? « Rien » peut-il exister sans aussitôt devenir quelque chose ?
LK – C’est une bonne question, et j’essaie d’y répondre très minutieusement dans le livre en expliquant ce que j’entends par « rien ». D’abord pas d’espace. Ou plutôt rien dans l’espace. Puis l’absence d’espace lui-même. Et puis peut-être même l’absence de lois. Je suis toujours sidéré par les gens qui laissent un commentaire du genre « votre « rien », ce n’est pas vraiment « rien » ». J’ai vraiment envie de leur demander leur définition du rien. Pour moi, en tant que scientifique, la définition qui convient de « rien » est « l’absence de quelque chose ». Et ensuite quelque chose que l’on peut mesurer, tester – le temps, l’espace. Sur le plan opérationnel, je n’ai rien à faire d’une vague notion philosophique. Sur le plan opérationnel, je pense donc que c’est une définition raisonnable du « rien. » Mais le fait que nous ne puissions pas bien le décrire ne signifie pas pour autant qu’il ne puisse pas exister. Par exemple, certaines personnes vont nous dire : « Comment notre univers pourrait-il exister sans cause ? Comment pourrait-il se mettre spontanément à exister ? » Eh bien, il pourrait se faire que le temps lui-même se mette à exister lorsque notre univers vient à exister. N’oublions pas, en effet, que l’espace et le temps sont liés dans la relativité générale. Alors disons que le temps n’existait pas avant que notre univers ne vienne à exister. Dans ce cas, s’il n’y a pas de temps, vous ne pouvez pas avoir ni cause ni effet. La causalité passe à la trappe. Et cela signifie que notre compréhension, qui se fonde sur les notions de causalité, est manifestement insuffisante pour décrire l’univers. Nous devons élargir nos notions, peut-être même nos notions mathématiques. Nous ne disposons peut-être pas d’une boîte à outils adéquate afin de décrire cela de manière adéquate. Mais l’univers n’existe pas pour que nous puissions être heureux ou pour que nous puissions le comprendre. Et nous devrons peut-être faire face à des notions qui déconcerteront notre bon sens. En réalité, c’est ce que nous faisons sans cesse en mécanique quantique, et c’est l’une des choses que nous avons apprises plus généralement avec la science. Donc, si vous n’aimez pas les définitions de « rien » – et j’essaie d’être très précis à ce sujet –, alors j’aimerais bien que vous me donniez votre définition de « rien ». Et jusqu’à présent, personne ne l’a fait, excepté en termes philosophiques vagues qui n’ont vraiment aucune signification opérationnelle.
Une dernière fois, pour résumer ce que j’essaie d’exposer dans ce livre, les trois étapes du « rien » sont les suivantes : tout d’abord rien d’existant dans l’espace, l’espace vide – c’est la définition la plus simple du « rien ». Ensuite : pas d’univers lui-même. Les univers peuvent en effet se mettre spontanément à exister, ce qui signifie que tout ce que nous voyons n’existait pas, au sens propre. Mais y avait-il alors autre chose qui existe ? C’est une possibilité mais comme notre univers n’existait pas, et si quelque chose d’autre existe, vous pourriez alors dire que ce n’est pas « rien », et je n’aurais aucune objection à ce que vous le disiez, mais alors la question est de savoir quelles lois ont fait en sorte que notre univers existe. Et il se peut que les lois elles-mêmes aient été spontanément créées lorsque notre univers a été créé. Il me semble donc que la question vraiment importante n’est pas cette interrogation philosophique de savoir si quelque chose d’autre existait auparavant, alors que notre univers n’existait pas. La question opérationnelle qui a un intérêt est de savoir comment il est possible qu’un univers se mette à exister. C’est la seule question qui compte, et c’est pour cela que j’insiste dans ce livre en répétant que ce ne sont pas les questions qui portent sur le « pourquoi » qui sont importantes, mais celles qui s’intéressent au « comment ». Ce sont ces questions-là qui sont réellement pertinentes.
TD – Vous êtes physicien. Vos collègues physiciens vous ont-ils pardonné d’avoir dit (je l’ai vu dans une conférence) que la plus grande idée scientifique était celle de Darwin ? C’est ce que vous avez affirmé !
LK -. Je ne pense pas qu’ils … Vous savez, les physiciens ont un tel sentiment de supériorité que je ne pense pas que cela les ait dérangés. Il se trouve qu’ils ont meilleure presse que les biologistes. Je pense qu’ils considèrent cela comme une réflexion collégiale et généreuse de ma part. Mais il est amusant qu’aucun physicien n’ait jamais protesté. Des biologistes, par contre, ont soutenu que ce n’était pas vrai. Mais aucun physicien. Laissez-moi juste rajouter une petite chose si vous voulez bien (vous pourrez toujours couper au montage). Juste pour vous dire pourquoi j’ai dit cela de Darwin. Prenez quelqu’un comme Einstein. Ou Newton. Le cas de Newton se rapproche peut-être plus de celui de Darwin. Darwin a non seulement conçu une idée qui a changé le monde, mais il a passé des années à faire des observations et à réaliser des expériences qui constituaient la base de son idée. Il a donc à la fois fait les observations et conçu l’idée. Très peu de scientifiques à part, peut-être, Newton, ont réussi cela. Voilà, c’était ma petite remarque.
TD – Alors pour ce petit intermède, je sais que vous parlez français. Un mot peut-être pour le public français qui nous regarde ?
LK – J’espère que mon anglais, c’est pas trop vite et que tout le monde peut comprendre ce que je dis. Et j’espère aussi que je peux visiter et parler en français et peut-être donner une conférence en français sur les idées dont j’ai parlé aujourd’hui.
TD – J’espère que si vous venez, on sera au courant et que l’on pourra se voir en vrai.
LK – J’ai déjà donné une conférence une fois en français, à Lyon, pour l’association de physique française [Société française de Physique]. C’est joli parce que j’ai étudié à l’avance tous les noms propres [corrects] en français et j’ai donné la conférence avec tous les mots propres en français. Mais tous mes collègues [parlant français] ont utilisé les mots anglais.
TD – Le français est très pollué par beaucoup d’anglais…
LK – Mais ce sont les sciences !
TD – Avez-vous déjà collaboré avec des scientifiques français ? Y a-t-il des Français, vivants ou morts, dont le travail vous inspire ?
LK – Bien sûr qu’il y en a. Je veux dire les travaux de toutes les personnes dans le monde entier. La science est une collaboration internationale et les gens du monde entier y jouent un rôle. J’ai un ancien collègue de Yale [Serge Haroche] qui est un scientifique français qui a récemment remporté le prix Nobel pour ses travaux sur la mécanique quantique, ce qui est très important. J’ai aussi collaboré, il y a quelques années déjà, avec mon ami Thibault Damour de l’Institut des Hautes Études Scientifiques. C’est un spécialiste de la relativité générale, et ce fut l’une des plus agréables collaborations scientifiques que j’ai jamais eue. Il n’y a que dans ce monde moderne qu’une telle collaboration a pu être possible : je prenais l’avion pour Paris le matin et me rendais à cet institut l’après-midi où je travaillais toute la journée. Et puis je reprenais l’avion le lendemain pour enseigner. C’était amusant. Et lorsque vous considérez de grandes expériences comme le grand collisionneur de hadrons, vous avez besoin de scientifiques du monde entier. Ce dont on ne se rend pas compte, je pense, c’est à quel point la science est une entreprise collaborative. On s’imagine des gens comme Einstein, tout seul dans une pièce la nuit. Mais ce n’est pas du tout comme cela que ça se passe. Juste avant de vous parler, je participais à une conférence en ligne, par Zoom, qui avait lieu à Zurich et de par le monde, dans le cadre d’une collaboration expérimentale.
TD – Très bien…. Vous avez écrit ce livre sur Feynman.
LK – Effectivement.
TD – Et j’ai une question à ce propos : Avez-vous des héros dans la science autres que Richard Feynman dont vous avez écrit la biographie scientifique ? Peut-on parler d’héroïsme à propos de la science actuelle ?
LK – J’ai beaucoup de héros scientifiques. J’ai appris que les héros… le terme est peut-être exagéré. Tout le monde est humain, et j’avais ce complexe de considérer mes héros comme des gens irréprochables. Et j’ai eu la joie de faire la connaissance de beaucoup de mes héros. J’ai ainsi appris qu’ils étaient humains. Cela ne veut pas dire qu’ils ne soient pas héroïques dans un sens différent. C’est peut-être d’ailleurs ce qui les rend plus héroïques encore. En un sens, j’admire presque tous ceux avec qui je travaille, y compris mes étudiants. Ils m’ont souvent surpris en réalisant des travaux que je n’aurais jamais été capable de faire. Vous savez, Einstein était sans conteste un héros, et pas seulement bien sûr pour les raisons qu’on connaît. J’ai appris beaucoup de choses sur lui, et pas seulement son travail, mais son intérêt pour la politique et ses exposés, et tout cela c’était important. La liste [de mes héros] est longue. J’ai des mentors pas tout à fait de ma génération : des professeurs qui sont devenus mes collègues, comme Steven Weinberg, un physicien remarquable. Et Sheldon Lee Glashow. Ils ont reçu ensemble le prix Nobel de physique. Tous deux étaient professeurs à Harvard lorsque je m’y trouvais, et nous sommes devenus collègues. Et ils ont chacun une personnalité bien distincte. Ce que j’aime chez mes héros scientifiques – et ce que j’aime dans la science –, c’est qu’il y a de tout. Et on devrait le dire aux étudiants car certains peuvent penser « mais je ne suis pas le meilleur élève en physique » ou « je ne suis pas le plus fort en maths ». Or j’ai des amis qui ont eu le Nobel et qui ont contribué à beaucoup de choses importantes, et certains étaient loin d’être les meilleurs de leur classe en mathématiques. Certains sont d’un naturel très enjoué, d’autres sont plus sérieux. Certains ne font que de la physique, alors que d’autres vont faire différentes choses. Tous les scientifiques que j’ai ainsi pris pour modèles m’ont ainsi influencé de différentes façons. Et comme je le disais, j’ai eu la chance de collaborer avec des gens remarquables, et pas seulement ceux que je viens d’évoquer. Je pense à un autre collaborateur comme Frank Wilczek, qui a également reçu le prix Nobel. Tous me stimulent à leur façon tout en me donnant une belle leçon d’humilité. À mon sens, la chose la plus importante dont il faut avoir conscience – et pas seulement moi, mais tout le monde –, c’est que nous sommes tous liés les uns aux autres par des liens qui font que même mes héros, même les personnes que je trouve remarquables, peuvent avoir des manques dans certains domaines, là où moi je me sentirai peut-être plus à même de réussir, ou là il me sera possible d’arriver à quelque chose. Il est donc important – et particulièrement dans le monde moderne – de pouvoir apprécier les capacités et les talents des gens autour de soi, et de reconnaître qu’ils ont des défauts mais que cela ne retire rien à leurs contributions. Et malheureusement dans ce monde de culture de l’annulation (« cancel culture »), les gens semblent l’oublier.
TD – Oui, il est difficile de parvenir à la perfection.
LK – C’est impossible.
TD – Oui, vous avez raison. Parlons maintenant de science et de croyances parce que je vous connais par vos débats sur Dieu etc. Ma question est donc la suivante : Pourquoi militer pour l’athéisme ? Est-ce le prolongement naturel de votre implication dans la promotion de la science ?
LK – C’en est devenu un prolongement naturel. Mais je dois d’abord dire que je n’ai pas commencé par militer, et d’ailleurs je ne me suis jamais vu comme un militant de l’athéisme. Je suis quelqu’un qui peut provoquer. Ce qui s’est passé, c’est qu’aux États-Unis, il y avait – et il y a toujours – un grand mouvement visant à stopper l’enseignement de l’évolution (je dis cela en regardant le portrait de Darwin juste derrière vous), ou du moins pour le diluer avec les concepts fondamentalement religieux de dessein intelligent (« intelligent design »). Et cela m’a vraiment fâché. Je considérais cela comme une attaque contre la science parce que l’évolution est l’un des fondements de la biologie moderne. Et j’étais fâché, ou plutôt déçu que dans mon propre État aux États-Unis, les biologistes ne se soient pas opposés en s’exprimant contre ces tentatives pour changer l’enseignement des sciences dans les lycées et les écoles publiques. Mes écrits m’avaient donné une certaine visibilité médiatique et je me sentais dans l’obligation de prendre la parole pour défendre la science. Et puis je me suis impliqué à la fois localement et nationalement dans ces efforts de lutte contre ces tentatives religieuses de combattre le darwinisme. Et c’est ce qui m’a – naturellement pourrait-on dire – amené à débattre de la religion et de sa place par rapport à la science.
Mes efforts pour « attaquer la religion » ne visaient que ces tentatives qui cherchaient à nuire à la science chaque fois qu’elle interférait avec la science. Si cela n’interférait pas avec la science, je ne me sentais pas aussi concerné. Mais au fur et à mesure de mon implication – et j’ai participé à plusieurs grands débats avec mon ami Richard Dawkins à cette occasion parce qu’il était plus « militant », si vous voulez utiliser ce terme –, et à mesure que ma visibilité augmentait au sein de ce débat, je me suis rendu compte que la religion comportait des aspects beaucoup plus insidieux. Et un autre de mes amis, Christopher Hitchens, m’a également profondément influencé à cet égard. Parlons de ce qu’il y a de plus insidieux dans la religion – outre le fait que les religions organisées du monde, au moins, se basent sur des absurdités, sur des contes de fées, ce qui ne dérange pas tant que ça. Il y a deux aspects de la religion qui posent problème. Premièrement, je n’aime pas faire étalage de mes connaissances, mais un autre ami qui est également un de de mes héros, Noam Chomsky, dit qu’il ne se soucie pas de ce que les gens pensent, il se soucie de ce qu’ils font. Mais l’argument de poids que je lui rétorque, c’est que ce que les gens pensent influe sur ce qu’ils font. Et vous savez, si chacun était une île [référence à une expression de John Donne], cela ne me dérangerait pas que les gens se leurrent et vivent avec leurs illusions, mais ils ont un impact sur leurs enfants, sur leurs choix politiques, etc. Mais l’aspect le plus insidieux, je n’en ai eu conscience qu’après la sortie d’un film que l’on avait fait sur moi et sur Richard Dawkins qui s’appelait « The Unbelievers » (« Les incroyants »), pour lequel une équipe nous avait suivis– et je trouve très bien que le film se soit fait. Mais ce qui s’est passé, c’est que j’ai reçu beaucoup de lettres et de courriels de gens qui me disaient : « Je suis vraiment heureux de savoir que tout cela existe ! », parce qu’ils se sentaient seuls. Des gens qui venaient par exemple d’une petite ville du sud des États-Unis. Et la religion a cela de vraiment insidieux que ces gens se considéraient comme de mauvaises personnes parce qu’ils questionnaient l’existence de Dieu. C’est ce qu’il y a de pire dans la religion : que des gens se sentent mal dans leur peau simplement parce qu’ils s’interrogent. Et comme je l’ai dit : tout devrait pouvoir être sujet à interrogation. Et c’est particulièrement important aujourd’hui, et pas seulement pour ce qui concerne la religion. Dans notre monde du politiquement correct, d’autres discours sont devenus leur propre religion, et on se retrouve à ne plus pouvoir questionner tout un tas d’idées. Et c’est ce qu’il y a de pire, parce qu’au fondement même de la science, il y a cette idée : « Questionnons et nous découvrirons la réponse, mais suivons les preuves ». Et lorsque tous ces gens, et pas seulement les fondamentalistes, se voient monopoliser leur moralité par la religion et qu’ils considèrent qu’ils ne peuvent pas être de bonnes personnes parce qu’ils remettent en question l’existence de Dieu, on est en face d’un désastre. J’étais donc heureux de pouvoir promouvoir l’idée qu’il n’y a rien de mal, au contraire, à soutenir qu’il n’y a pas de preuves de Dieu, qu’il n’y a rien de mal à dire cela, et pour deux raisons. Premièrement, cela incite les gens à penser – on peut l’espérer, parfois cela les met en colère – mais cela permet aussi à des gens de voir qu’ils ne sont pas seuls, qu’ils font partie d’une communauté d’individus rationnels et ouverts aux questionnements. La meilleure chose relative à ce film, c’est qu’il a permis à des gens de s’apercevoir qu’il y avait des milliers de personnes comme eux. Et je pense que c’est là l’une des raisons de la prospérité de la religion : cela crée un sentiment de communauté, et il est important que les gens pour qui la vie n’est pas une question de religion, il est important que ces personnes fassent également l’expérience d’un sentiment de communauté. C’est une longue réponse à votre question… mais la dernière chose que j’aimerais ajouter, c’est que je me suis d’abord dit athée. Et puis, sans doute du fait de mon ami Christopher Hitchens, j’ai commencé à me considérer comme un antithéiste, parce que ce Dieu de la Bible, vous n’auriez certainement pas envie qu’il existe, si cela était possible. Mais j’ai ensuite moi-même évolué d’un cran en devenant apathéiste. Autrement dit, je m’en fiche. Parce que les gens semblent penser que la question de Dieu et de la science est une question cruciale, alors que ça ne l’est pas du tout. Je suis scientifique depuis quarante-cinq ans et je n’ai jamais entendu le mot de « Dieu » mentionner dans aucune réunion scientifique. Cela n’a pas d’importance parce que nous ne nous soucions que de la façon dont le monde fonctionne, et Dieu n’a aucune pertinence à ce niveau-là.
TD – Y a-t-il selon vous de mauvaises manières de défendre la science ou la liberté de conscience ? Et pouvez-nous donner quelques exemples de ce que nous devrions arrêter de faire.
LK – Ce que nous devrions d’abord arrêter de faire, à mon sens – et je m’y efforce depuis longtemps maintenant –, nous devrions arrêter de penser que les gens qui attaquent la science à cause de leurs croyances religieuses ou autre le font parce qu’ils seraient stupides : ils sont ignorants. Il y a une énorme différence. On peut être quelqu’un d’assez intelligent mais ignorer certaines choses qui vous conduiront à de mauvais arguments. Nous ne devrions donc pas être condescendants et prêcher comme si nous disposions en quelque sorte de la sagesse ou de l’intelligence ultime. Nous devons considérer les arguments de ces gens – même si certaines de ces personnes ne valent évidemment pas la peine que l’on débatte avec elles –, on doit néanmoins prendre leurs arguments au sérieux. C’est la première chose. La deuxième, et les scientifiques essaient de ne pas le faire, c’est de ne pas donner l’impression que nous avons toutes les réponses parce que c’est exactement le contraire de ce dont nous devrions parler : nous avons les bonnes questions. Nous n’avons pas les réponses. Et avoir les bonnes questions rend la vie passionnante. L’autre chose qu’il nous faut éviter, c’est de donner l’impression que la science aurait plus de valeur dans l’expérience humaine que l’art, la musique, la littérature, etc. La science est d’une importance vitale dans divers aspects de notre société, mais pour être un être humain, la science partage – et c’est en partie ce que j’essaie de faire depuis trente ans, c’est de faire des ponts entre la science et la culture – la science partage avec la culture une dimension importante qui est de nous forcer à adopter une nouvelle perspective de notre place au sein du cosmos. Lorsque vous voyez une toile de Picasso, ou quand vous écoutez une symphonie de Mozart ou un morceau d’Eric Clapton ou de qui vous voulez, cela vous amène à changer votre point de vue sur vous-même en un sens – même si vous vous laissez simplement prendre par la musique. Voilà les trois choses que je pense nous devrions nous méfier de faire lorsque nous expliquons à quel point la science est merveilleuse. Et d’ailleurs, la science n’est pas intrinsèquement merveilleuse : si elle l’est, c’est dans la mesure où elle marche ! Si elle ne marchait pas, ça n’aurait aucun intérêt. Et lorsque je dis « science », je ne parle pas de personnes ou d’un livre en particulier. Je parle du processus de la science : questionner librement, tester, réévaluer, remettre en cause ses propres suppositions. Tout ce processus peut être mis à profit bien au-delà de la science dans notre vie pour nous aider de bien des façons.
TD – J’ai une question plus personnelle si cela ne vous dérange pas. Je sais que votre frère est religieux si bien que l’on peut se demander s’il est plus difficile de convaincre ses proches.
LK – Bien sûr. Tous les gens mariés le savent. Avec la famille, avec ma fille également : ma fille sait beaucoup mieux que la plupart des gens comment me faire réagir. Et il est difficile d’avoir une conversation raisonnable lorsque l’on est sous le coup de l’émotion. Il est donc parfois plus difficile d’avoir une conversation sereine, rationnelle, où vous prenez du recul, ou vous êtes détaché de votre famille proche. Et il vaut souvent mieux accepter les différences parce qu’il n’y a pas de… La vérité c’est que l’on s’imagine que l’on arrive à convaincre les gens, mais en fin de compte, ce sont les gens qui se convainquent eux-mêmes. C’est sans doute pour cela que j’admire Socrate. Tout ce que l’on peut faire, c’est de poser les questions et faire en sorte que les gens pensent par eux-mêmes. Ce n’est pas à vous de les convaincre.
TD – Très intéressante réponse. Je me reconnais tout à fait dans ce que vous dites. (J’espère au moins.) La dernière partie porte sur la science et la société parce que nous vivons des temps intéressants. Dans – désolé – mais dans l’Amérique de Donald Trump…
LK – Vous connaissez le proverbe juif qui dit : « Que Dieu nous préserve de vivre une époque intéressante. »
TD – Oui, malheureusement, nous sommes en plein…
LK – Fin de la parenthèse …
TD – Dans l’Amérique de Donald Trump, donc, quelle est la place de la science dans le débat public ?
LK – C’est vraiment étrange, vous savez. Il n’y a pas de doute que les gens font naturellement (c’est encore vrai dans l’ensemble même si c’est en train de changer), les gens ont naturellement confiance dans les scientifiques et dans la science. L’éditeur d’un de mes livres, peut-être celui sur Star Trek, disait : « Les gens ont beau dire qu’ils ne croient pas dans la science, ni dans ceci ou cela, mais quand les extraterrestres arriveront, ils seront les premiers à aller trouver les scientifiques. Tous ces gens iront chercher de l’aide auprès des scientifiques. On cherche à se protéger : les gens vont voir le médecin… Laissez-moi vous raconter une petite histoire. (Vous pourrez toujours la couper.) Elle me vient de mon ami Steven Weinberg qui est un physicien lauréat du prix Nobel et qui est aussi athée. Il vit au Texas. Il écrit et parle de l’athéisme. Un jour qu’il conduisait à travers les plaines du Texas et qu’il voyait des fermes, il eut conscience que tous ces gens étaient très religieux et il se demanda de quel droit il pouvait parler de religion. Il réfléchit et se dit qu’auparavant, ces mêmes gens priaient pour que tombe la pluie – et certaines personnes, certains politiciens le font d’ailleurs toujours au Texas. Mais aujourd’hui, s’ils veulent savoir ce qui se passe, ils vont se tourner du côté des météorologues. En définitive, les gens savent, en leur for intérieur, que la science marche.
Mais cela s’est tellement politisé que cette notion de réalité est en train de passer à la trappe, et pas seulement aux États-Unis, mais dans le monde entier parce que les gens décident qu’ils peuvent accepter leur propre réalité. C’est ce que font les religieux : ils jettent les faits qui leur déplaisent et ne gardent que ceux qui leur plaisent. On a d’ailleurs tous cette tendance, ne nous voilons pas la face. Nous avons tous tendance à faire des rationalisations. C’est pour cette raison que la science est tellement importante, pas seulement les faits de la science : ce sont les techniques de la science qui nous permettent de surmonter cette tendance humaine naturelle. Et aujourd’hui, nous voyons dans mon pays que les gens disent que la science est dangereuse, que le processus scientifique est dangereux car cela conduit à des questions qui dérangent ou menacent. Et cela fait longtemps que les religieux – certains d’entre eux – ont cette impression. Pas tous bien sûr, mais certains se sont sentis menacés par la science. Et ce qu’il y a de vraiment effrayant, c’est que dans la scène politique, les gens se sentent menacés par la science. Bien sûr, les politiciens cherchent à réaliser leur programme politique, et les faits viennent souvent heurter leur programme politique. Ils s’efforcent donc souvent de minimiser les faits. Mais aujourd’hui, la puissance effective d’Internet est telle que nous avons la possibilité d’aller jusqu’à nier l’existence des faits eux-mêmes. Il y a beaucoup d’aspects dans ce problème qui tient en partie à la façon dont nous enseignons. Nous enseignons en suivant le modèle du XXe siècle, qui consistait surtout à faire apprendre un certain nombre de choses. Les enfants à l’école devaient connaître un certain nombre de faits… Mais mon téléphone contient plus de faits que je ne pourrai jamais en connaître. Mais on y trouve également plus de mensonges que je ne pourrai jamais en connaître. Il nous faut donc enseigner les jeunes générations à savoir distinguer ce qui est sensé de ce qui est absurde, leur enseigner comment pouvoir déterminer sur Internet entre ce qui doit être mis au rebut et ce qui ne doit pas l’être.
Et vous savez quoi ? La méthode pour y arriver est fondamentalement la méthode scientifique : faire de vastes recherches, examiner toutes les différentes perspectives, essayer de tester, etc. Mais c’est extrêmement inquiétant, et vous le voyez dans la pandémie en ce moment : vous le voyez quand les chefs des grands gouvernements nient la réalité. Et, là non plus, rien de bien nouveau, mais on y arrive aujourd’hui avec une efficacité redoutable. Et ce qu’il y a de vraiment inquiétant, c’est qu’il ne semble pas y avoir de mécanisme de neutralisation. Le bruit sur Internet l’emporte souvent sur le signal.
TD – Une dernière question, une question très lugubre. S’il n’y a pas de Dieu, pas de justice cosmique, pas d’espoir au-delà de la mort, aucune chance pour que la terre échappe à son destin funeste quand le Soleil vieillira… à quoi bon agir pour l’écologie, l’éducation ou la paix ? Pourquoi ne pas être égoïste et profiter à l’excès de toutes les ressources dès aujourd’hui ?
LK – La réponse se trouve dans la rationalité, pas dans la religion. La réponse vient d’abord du fait de notre empathie, en tant qu’êtres humains. Mais il nous faut avant tout nous rendre compte que le fait qu’il n’y ait peut-être pas de vie après la mort, que l’avenir lointain sera sans doute épouvantable, tout cela devrait nous donner conscience de la valeur du présent, cela devrait nous conduire à profiter de chaque instant qu’il nous est donné de vivre. Penser qu’il n’y a pas de vie éternelle après la mort rend donc votre temps ici-bas plus précieux et signifie que vous devriez faire autant que possible l’expérience de tous les aspects merveilleux d’une vie humaine, autrement dit avoir une conscience qui nous permette d’apprécier l’univers qui nous entoure, qui nous permette d’apprécier la musique et la littérature, l’amour et le sexe et tout ce dont les êtres humains font l’expérience – le bonheur et la tristesse … Cela veut dire que le présent a plus de valeur, et pas que vous devriez aller vous tuer. Mais en même temps, nous sommes également conscients que – et je pense que cela fait partie du contrat social dont Rousseau a parlé il y a déjà bien longtemps – à savoir que nous naissons libres mais que nous sommes toujours enchaînés, nous sommes liés à nos voisins. Et dans un certain sens, notre propre bonheur est lié au bonheur général. Vous pouvez toujours demander « mais alors, pourquoi ne pas tuer son voisin ? ». La réponse, c’est que votre voisin, lui aussi, pourra vous tuer. Vous êtes alors dans un constant état de siège et, comme le disait Rousseau, la société a fait un contrat qui à un certain niveau nous contraint nous-même afin de permettre de façon optimale le plus grand bonheur au plus grand nombre. Il y a donc un certain égoïsme à être altruiste parce qu’en définitive, vous êtes bénéfiques au sort des autres, parce qu’en un sens, vous vous attendez à ce que cela soit bénéfique à votre propre sort.
Et la dernière chose, c’est que nous avons des enfants. Nous avons cet impératif génétique de nous reproduire. Et si l’avenir lointain est affreux, ce qui comptera vraiment, c’est de savoir si l’avenir de nos enfants ou de nos petits-enfants sera pire que le présent. Et beaucoup de gens, je pense, essaient, autant qu’ils le peuvent, de rendre ce monde meilleur, parce qu’ils veulent de façon égoïste que que le monde soit un meilleur endroit pour leurs enfants. Parce qu’il est naturel de vouloir que la vie de ses enfants soit meilleure que la sienne.
TD – Nous allons parler de votre dernier livre, qui sortira en janvier, je crois.
LK – Oui, en janvier.
TD – La partie de l’entretien consacré à l’essai The Physics of climate change sera disponible sur cette chaîne YouTube en janvier, au moment de la sortie conjointe du livre aux États-Unis et en France (sous le titre Comprendre le changement climatique aux éditions H&O).
Un dernier sur tout ce dont nous venons de parler ? Quelle est la chose la plus importante que les gens devraient garder à l’esprit après avoir vu cette vidéo ?
LK – J’espère que les gens qui auront vu cette vidéo en garderont deux choses. Tout d’abord que l’univers est une chose remarquable. Il est tellement remarquable que vous pouvez laisser de côté toutes les absurdités. La réalité est suffisamment fascinante. Deuxièmement, l’expérience de l’univers dans tout ce qu’il offre est ce qui donne toute la valeur à la vie d’un être humain. Ce qui veut dire apprécier les sciences et l’univers, même sans le faire à un haut niveau. Vous n’avez pas besoin d’être Mozart pour apprécier la musique, et vous n’avez pas besoin d’être Einstein pour apprécier la science. Et la dernière chose, c’est que la science, par son processus tout comme par ses bienfaits technologiques, peut rendre le monde meilleur. Les questions de la science sont d’une importance vitale pour chaque problème majeur de société. Si vous pensez à chaque question politique à venir, depuis la santé et la sécurité jusqu’à l’énergie : dans tout, la science joue un rôle. Il faut avoir conscience de cela et s’efforcer, dans la mesure du possible, si vous vivez dans une démocratie, de vous instruire suffisamment, de prendre des décisions rationnelles concernant les politiciens qui réalisent les projets politiques.
TD – Merci beaucoup, professeur Krauss, pour ce temps passé en notre compagnie aujourd’hui.
Et merci à vous d’avoir regardé cette vidéo. N’hésitez pas à partager si vous l’avez aimée et à revenir en janvier regarder le bonus de cette interview à propos du livre sur le changement climatique. Vous pouvez soutenir la Tronche en biais et l’Association pour la Science et la Transmission de l’Esprit Critique (l’ASTEC) qui produit ces contenus sur HelloAsso, sur Tipeee, sur différentes plateformes d’aide à la création de nos contenus. Merci d’avance et faites attention aux idées que vous envisagez de mettre dans votre tête.
https://menace-theoriste.fr/wp-content/uploads/2020/10/miniatures-interview-Lawrence-Krauss.jpg10801920Acermendaxhttps://menace-theoriste.fr/wp-content/uploads/2015/08/menace_theo2-300x145.pngAcermendax2020-10-19 11:04:332020-10-19 11:04:35À la lumière de la physique – Entretien avec Lawrence Krauss
On peut l’oublier parfois ; derrière la luisante musculature, derrière la technicité poussée à l’extrême, la puissance développée, le métabolisme exalté, derrière la discipline, l’entrainement, le gout de l’effort –le culte du corps, aussi– derrière la professionnalisation, la marchandisation, l’iconisation, les sportifs, y compris au top niveau, sont des humains avant tout. Ils ont leurs fêlures, leurs idées reçues, leurs petites manies, leurs rituels.
« C’est toujours les mêmes gestes. D’abord la jambe gauche, toujours. Chaussette, chaussure. Puis la jambe droite. Et puis une gorgée de Volvic. Toujours. » En l’an 2000 c’est ce que nous disait Zidane. Hélas, je crois savoir qu’il était payé pour le dire et que son témoignage doit être considéré avec prudence. Mais l’idée du rituel est là.
Certains sportifs ont leur slip porte-bonheur, leurs chaussettes porte-bonheur, leur numéro porte-bonheur et mille autre petites lubies qui ont du sens pour eux, mais que l’on peut s’accorder à trouver irrationnels. Ce n’est pas le slip ou le maillot qui fait la performance. Dans le cas contraire les coachs, les entraîneurs, les investisseurs s’en seraient rendu compte, croyez bien qu’ils surveillent de près les statistiques de leurs poulains.
La science s’invite de plus en plus dans le suivi des progrès des athlètes, dans l’élaboration des programmes d’entraînement. La science, c’est rassurant parce que ça marche, on a confiance dans celui ou celle qui peut appuyer ses déclarations sur la science. Mais tout ce qui brille n’est pas or, et la blouse blanche, vous le savez, est plus fiable en tant que vêtement qu’en tant qu’argument.
Il existe donc pléthore d’énoncés pseudo-scientifiques qui jouissent d’un certain succès dans le monde du sport comme dans les autres domaines de notre belle civilisation.
Le monde du sport confronte les individus à des discours puissants : les meilleurs méthodes pour prendre du muscle, pour éviter la blessure, pour se nourrir, pour consolider son mental, le recours aux médecines alternatives, aux pratiques « énergétiques », la bro-science qui diffuse des idées reçues à travers un bouche-à-oreille prompt aux dérives, et puis des idéologies qui peuvent être très positives, bien sûr, mais cultivent souvent des stéréotypes lourds, un virilisme du muscle, une confirmation des a priori sexistes, des spirales d’addiction (nous verrons si on peut employer ce terme ou non), un culte de la performance qui laisse sur le carreau ceux à qui ne reviendra jamais la médaille, même de bronze.
Le sport est-il un univers impitoyable, lieu de compétition absolue encourageant des comportements toxiques comme le dopage ? Le sport est-il au contraire un lieu de dépassement de soi, d’exploration des possibles, de victoire contre les pessimismes ? Est-ce un accélérateur des chauvinismes, de la fermeture tribale, quasi primitive, des tribunes se livrant des guerres imbéciles ou bien est-ce un vecteur de la concorde de l’humanité entière tournée vers les anneaux olympiques ?
Je vous pose ces questions, mais je ne compte pas y répondre. Ce soir, pour la première fois, nous nous intéressons au sport, et nous allons nous questionner sur les croyances qui élisent domicile dans la tête des sportifs, et qui pilotent un peu leurs comportements, leurs attitudes, leurs choix, et donc une partie de leur vie.
Nos deux invités sont Ghaïs, alia Geek’n’fit sur sa chaîne Youtube dédiée à la culture physique et Mathias Soulhol, tous les deux versés dans les sciences du sport (les fameux STAPS de nos universités) et à qui je laisse le soin de se présenter eux-mêmes.
Vous connaissez la chloroquine, l’hydroxychloroquine et l’azithromicyne, parce que votre environnement ne vous a pas permis d’échapper à ces mots. Certains médecins et quelques chercheurs défendent l’idée que ces médicaments sont efficaces contre le covid-19 (ou la covid-9, vous avez le droit à cette conjugaison, réjouissons-nous de ces petites libertés pugnaces dans la morne vallée des infrangibles règles de l’existence).
Efficace ou pas efficace ? Peu d’entre nous sont capables de détecter la vérité rien qu’en regardant autour d’eux, de savoir si un médicament est utile simplement en y pensant très fort. Il faudrait être medium authentique ou prophète patenté. La chose est rare.
Aux plus érudits et entraînés d’entre nous, il faut des données sur lesquelles réfléchir, et la réflexion n’aboutira jamais à des conclusions plus précises, plus fiables que ne le sont les données de départ. Nous avons déjà parlé sur cette chaîne des études publiées par l’équipe de Didier Raoult sur le traitement que son IHU promeut. Nous avons même invité Didier Raoult à s’exprimer chez nous, si le cœur lui en dit, où la conversation pourrait toucher des sujets scientifiques et où nous aurions des questions bien précises dont les réponses nous permettraient d’évaluer un peu mieux la crédibilité qu’on peut lui accorder. Mais ce soir Didier Raoult n’est pas des nôtres, nous recevons quelqu’un d’autre.
Certains voudraient voir sur notre chaîne un débat, ils voudraient de la contradiction, ils pensent, ou en tout cas ils disent que cela serait plus honnête, plus neutre, plus à même de les aider à se faire un avis. La partie de moi qui s’intéresse aux phénomènes des croyances estime que ce qu’ils veulent en réalité c’est voir quelqu’un défendre chez nous ce qu’ils croient être vrai. Ils veulent que leur croyance soit représentée dans l’émission. Et c’est humain, on peut les comprendre, ce n’est pas totalement illégitime… mais Didier Raoult ne serait pas d’accord avec eux.
Le vrai débat, le travail de véridiction scientifique est irréductible à des arguments assénés dans une vidéo YouTube, sur Twitter ou un plateau télé, et Didier Raoult refuse de débattre avec ses collègues. Récemment encore son audition devant le Sénat aurait dû se faire dans un cadre « contradictoire » avec une « table ronde »
« Mais (je cite un article de Public Sénat) l’infectiologue devenu star a refusé. Il voulait être seul. »
Et, à la limite, peu importe, si l’on raisonne sur le long terme. Car les « vérités de science » émergent avec le temps dans la littérature, et pas ailleurs. Pour se faire un avis sur une question scientifique, il faut attendre que des travaux soient publiés ; par plusieurs équipes, suivant divers protocoles dans divers contextes, et il faut ensuite reprendre l’ensemble de ces données et évaluer si elles permettent de formuler une réponse robuste. Ce travail de collecte, de tri, de pondération, de mise en perspective des travaux scientifiques sur un sujet, cela s’appelle une méta-analyse.
Il y a un mois, jour pour jour, le 26 aout 2020, sortait dans le journal Clinical Microbiology and Infection la première méta-analyse sérieuse sur la question des effets de l’hydroxychloroquine, associée ou non à l’azithromycine, sur les patients Covid19. Je vous propose que nous nous penchions ensemble ce soir sur ce travail avec deux des 6 co-auteurs de ce papier : Thibault Fiolet et Matthieu Mulot.
Informations complémentaires !
Thibault Fiolet – Quoidansmonassiette: Méta-analyse : l’hydroxychloroquine est-elle efficace pour réduire la mortalité liée au COVID-19 ? https://youtu.be/kt6pRSA_Mz4
Matthieu Mulot – Lebiostatisticien: Introduction à la méta-analyse : effet de l’HYDROXYCHLOROQUINE sur la mortalité (Fiolet et al. 2020) https://www.youtube.com/watch?v=hwE6HAg4o_8
https://menace-theoriste.fr/wp-content/uploads/2020/09/12_Miniature_BdD__1920x1080.jpg10801920Acermendaxhttps://menace-theoriste.fr/wp-content/uploads/2015/08/menace_theo2-300x145.pngAcermendax2020-09-27 11:17:172020-09-27 11:17:19Méta-analysons la chloroquine
Didier Raoult n’est pas un hurluberlu sorti de nulle part. Il possède de vrais diplômes, par exemple, ce qui le distingue de certains parvenus qui font malgré tout illusion. Didier Raoult a signé de vrais articles de recherche ; et il a même écrit une partie d’entre eux. Il a une vraie pratique de la science, une vraie expertise. Il a aussi une longue carrière, il fait autorité dans certains domaines. Il prononce, en outre, des critiques sur la gestion des institutions de santé qui ont l’air frappé au sceau du bon sens
Normalement, un tel homme est l’incarnation même de l’expertise. Il a le profil des gens que nous invitons dans nos émissions parce que nous estimons qu’il est toujours plus sage de s’en remettre à ceux qui ont fait la démonstration de leur capacité à mener une carrière académique : un tel parcours sanctionne la maîtrise des notions épistémiques que nous valorisons.
Normalement. La plupart du temps. En général.
mutatis mutandis
Vous vous doutez bien qu’il y a des exceptions. Mais le pédigrée de Didier Raoult plaide en sa faveur ! En tout cas à première vue.
Il est tout à fait logique de l’écouter, de donner à sa parole plus de valeur qu’à celle des journalistes ou des politiques, car son métier lui a appris à doser à la perfection le niveau de certitude qu’il peut indexer à ses paroles. Il doit savoir se référer au consensus quand il existe, rappeler les incertitudes quand il y en a, et surtout adopter l’humilité du chercheur qui sait bien que les faits peuvent le démentir à mesure que de nouveaux travaux sont publiés. Il doit être sévère avec ses propres hypothèses, il en va de sa crédibilité, et donc de son utilité auprès du public.
Mais quelque chose a déraillé dans le rapport qu’entretient Didier Raoult avec le monde de la science. D’humilité on ne voit goutte. Le consensus, il le décrie, le méprise, estime qu’on n’apprend jamais rien avec lui parce que c’est dans la contradiction qu’on avance (Et on ne saurait être plus d’accord : c’est dans la contradiction qu’on peut aboutir parfois… à un consensus). Et pourtant la contradiction, étonnamment, il la refuse aussi. On ne le voit apparaître en public que face à des politiques ou des journalistes généralistes, jamais confronté à des chercheurs qui pourraient remettre en question ses déclarations ! Et les critiques scientifiques, il les disqualifie avec une rhétorique discutable : plaidant rien moins que la corruption généralisée des chercheurs qui ne s’alignent pas sur sa position concernant l’efficacité de l’hydroxycholoroquine contre le covid9.
En d’autres termes, le comportement de Didier Raoult allume les alertes qui sont généralement calibrées pour détecter les imposteurs, les gourous, les fraudeurs. Cela pose de très nombreux problèmes. On se demande si nos outils de détection sont si mauvais qu’ils ne permettent pas de distinguer un vulgaire menteur d’un plus-grand-expert-mondial, l’élite, mais on se demande aussi si les médias ont mis l’accent sur les bonnes choses, ont mis les faits au centre de leur préoccupation au lieu de s’occuper du look des uns ou du tempérament des autres. On se demande s’il faut encourager les chercheurs à créer leurs propres canaux de communication dédiés à défendre leur positon directement auprès du public. On se demande si les politiques ont joué franc jeu sur les mesures les plus fiables ou s’ils ont ménagé l’électorat en fonction de la popularité des avocats d’un traitement particulier.
Dans tous les cas, on doit constater que, sur Internet au moins, Didier Raoult déchaîne les passions. Or on ne peut pas ne pas parler de lui lorsqu’on s’intéresse à la manière dont circulent les croyances et comment la science est perçue par le public. Tout le monde ne peut pas avoir raison au sujet de ce monsieur : manipulateur mégalomaniaque ou savant dédié au travail de terrain, haut fonctionnaire passé maître dans l’art d’exploiter le système, ou chevalier solitaire dénonçant les magouilles. L’image que nous nous faisons de lui dépend de bien des facteurs. Cela dépend des informations disponibles, mais aussi de notre parcours personnel vers ces informations, et peut-être aussi, de notre style cognitif, c’est-à-dire notre rapport aux preuves, aux intuitions, aux démonstrations. C’est en tout cas la thèse défendue dans un article que nos deux invités sont en train de publier actuellement.
Florian Cova et Joffrey Fuhrer sont philosophes à l’Université de Génève. Et ils travaillent volontiers en psychologie social. Merci à eux d’être avec nous ce soir en direct de leur université.
Nous avons rencontré Richard Dawkins chez lui, à Oxford fin février 2020 pour un entretien d’une heure. L’homme, trés affable et souriant, a accepté de dîner en notre compagnie le soir même. Nous étions très heureux de pouvoir échanger avec l’auteur du « Gène égoiste » et de tant d’autres ouvrages édifiants sur la théorie de l’évolution. L’entretien avait pour thème le sujet de son dernier livre « Dieu ne sert plus à rien » (Outgrowing God) aux éditions H&O, un retour sur le thème de l’athéisme après son retentissant « Pour en finir avec dieu » (The God Delusion).
Sous la vidéo, vous trouverez la transcription en Français de notre conversation. C’est Olivier Bosseau qui s’est chargé de traduire tout cela en français.
Acermendax — Professeur Dawkins, je vous remercie d’avoir accepté notre invitation pour cet entretien autour de votre œuvre et en particulier de votre dernier livre Dieu ne sert plus à rien – je le montre à la caméra. Nous allons parler de tout cela, et je laisse la parole à mon collègue qui commencera avec le mot de « mème ».
Vled — Tout à fait. Vous êtes en effet l’inventeur du concept de mème qui est désormais plus célèbre que vous. Quel regard portez-vous sur le succès du mot dans le langage populaire ? Est-ce toujours un objet de la recherche scientifique ?
Richard Dawkins (Richard) — C’est toujours un objet de recherches scientifiques, en grande partie menées par Daniel Dennett, un philosophe américain, Susan Blackmore en Grande-Bretagne, et quelques autres chercheurs, qui ont conservé sa signification originelle d’analogue culturel du gène : un réplicateur qui se reproduit dans le milieu de la culture humaine. Et il n’a d’intérêt que s’il est à la base d’un processus darwinien de sélection naturelle, ce qu’il pourrait être – ce n’est pas évident qu’il le soit – mais il pourrait l’être. Certes, les mèmes existent dans le sens d’entités autoréplicatives ; là-dessus, il n’y a aucun doute. Dans Le Gène égoïste, je parlais de phénomènes de mode vestimentaire ou d’engouements à l’école, par exemple. Les mots eux-mêmes sont des mèmes parce qu’ils passent de génération en génération, et même si l’accent avec lequel ils sont prononcés peut varier – un accent parisien peut être différent d’un accent provençal, etc. –, il y a malgré tout une sorte de processus de normalisation qui fait que, parce qu’ils connaissent la langue, les gens reviennent au mot, si bien que le mot lui-même est un réplicateur bien solide, même si la façon de le prononcer est différente. Les mèmes sont donc une réalité, mais la question est de savoir s’ils sont naturellement sélectionnés comme des gènes. Peut-être que oui, peut-être que non. Je pense que quelque chose de l’ordre du phénomène de mode est à l’œuvre. Les modes dépendent de leur popularité : elles survivent ou non en fonction de leur popularité. Si vous sifflez un air, quelqu’un pourra le « reprendre » et le siffler lui aussi, et quelqu’un d’autre pourra alors le reprendre à son tour, et c’est ainsi qu’il se propagera. Les mèmes ont donc une capacité à se propager, et certains se propagent vraisemblablement mieux que d’autres parce qu’il y a de meilleurs airs ou de meilleures modes.
Acermendax —Dans votre dernier ouvrage Dieu ne sert plus à rien, vous discutez de différentes attitudes religieuses : l’athéisme, l’agnosticisme, le panthéisme, etc. Y a-t-il, à vos yeux, une différence pratique entre être athée et être agnostique ? Est-ce que cela ne se résume pas, au fond, à une question de diplomatie, de politique ou à un désir d’éviter les conflits ?
Richard — Je pense que cela tient en grande partie à un désir d’éviter les conflits. Darwin lui-même fut interpellé par un athée allemand du genre militant qui lui demanda : « Pourquoi vous ne vous dites pas athée ? » Ce à quoi Darwin répondit à peu près ceci : « Cela pourrait sembler trop agressif. Les gens ne sont pas prêts. » Si bien que cet athée allemand dont le nom ne me revient pas [Ludwig Büchner] expliqua à Darwin ce qu’il entendait par là, et Darwin lui répondit « Ah, alors dans ce cas, je suis athée dans le sens que vous dites, mais je préfère toujours m’abstenir d’utiliser ce mot. »
Acermendax —Einstein non plus n’était pas clair…
Richard —Einstein aimait beaucoup le vocabulaire religieux. Et c’est regrettable parce que beaucoup de gens essaient désespérément de faire passer Einstein pour quelqu’un de religieux, ce qu’il n’était pas. Il était très clair là-dessus. Il était agacé lorsqu’on disait de lui qu’il croyait en un Dieu personnel. Il l’a dit clairement : « Je ne crois pas en un Dieu personnel. » Mais il avait quand même recours au vocabulaire religieux ; il disait « mais Il ne joue pas aux dés », autrement dit Dieu ne joue pas aux dés. Il a également dit : « ce que je veux vraiment savoir, ce qui m’intéresse par-dessus tout, c’est de savoir si Dieu avait le choix lorsqu’il a créé l’univers », et il voulait dire par-là : « l’univers peut-il exister de plus d’une façon, ou n’y a-t-il qu’un seul univers possible ? » Et pour exprimer cette question intéressante, effectivement très intéressante, il utilisait le vocabulaire religieux, pour la plus grande joie de tous ceux qui voulaient prétendre qu’il était l’un des leurs. Mais il n’était pas religieux, pas plus que Darwin dans sa vie d’adulte – pendant sa jeunesse, Darwin l’était, bien entendu.
Acermendax —Que pensez-vous du concept de l’ignosticisme ? L’idée que Dieu est trop mal défini pour répondre à la moindre question le concernant.
Richard — Eh bien, j’ai la même position qu’avec l’agnosticisme, autrement dit que tout cela ne me gêne pas tant que l’on ne pousse pas le raisonnement en disant que « par conséquent il y a 50% de chances que Dieu existe. » Ce qui est une belle absurdité. On pourrait dire : « Je ne sais pas », parce qu’on ne le sait pas avec certitude, mais on peut tout de même en évaluer les probabilités en disant qu’il est plus que probable que Dieu existe ou n’existe pas. Je me méfie donc toujours lorsqu’on a recours à ces concepts d’agnosticisme ou d’ignosticisme afin de donner la même probabilité à l’existence et à l’inexistence de Dieu, comme s’il y avait une ignorance totale à ce sujet.
Vled — Pensez-vous que la croyance en Dieu puisse disparaître ?
Richard —Oui, mais je ne pense pas que ce soit pour tout de suite.
Vled — Je doute que nous soyons encore là pour le voir.
Acermendax —On parle d’un siècle ? D’un millénaire ?
Richard — Les prévisions sur le long terme sont notoirement fausses. Cela dit, cela pourrait se faire très rapidement. C’est ainsi que ça s’est passé et que ça se passe, je pense, en Europe et aux États-Unis. La religion joue, bien sûr, toujours un rôle alarmant aux États-Unis, mais la situation change rapidement, et dans la bonne direction. La question est différente dans le monde islamique. Si le changement est rapide, c’est sans doute à cause d’Internet qui est de plus en plus accessible parce que les technologies informatiques coûtent de moins en moins cher, ce qui fait que de plus en plus de gens peuvent accéder à Internet. Et même si l’on trouve beaucoup d’âneries sur Internet, les gens peuvent toujours choisir. La situation pourrait donc s’accélérer de façon assez spectaculaire. C’est du moins ce que j’espère.
Vled — Je me permets de rebondir là-dessus en vous demandant si pour vous, compte tenu d’Internet précisément, l’ignorance serait aujourd’hui, en quelque sorte, un choix.
Richard — L’ignorance, un choix ? Cela voudrait dire que l’on refuserait aveuglément de lire certaines choses qui sont, j’imagine, accessibles. Il est sûr que lorsque l’on enseigne l’évolution, on peut être confronté à ce problème, à certaines personnes… Des collègues américains, des enseignants, m’ont dit que lorsqu’ils font un cours sur l’évolution, certains élèves se bouchent les oreilles, littéralement. Voilà un cas où l’on refuse aveuglément d’apprendre, où l’on choisit inconsidérément l’ignorance. Mais je ne pense pas que ce soit une attitude très courante.
Vled — Richard Dawkins est-il l’ennemi des croyants ?
Richard — Dans un sens purement verbal, oui, je peux me penser comme un ennemi dans le sens où je discute avec eux, je débats, mais de manière civilisée, courtoise, et certainement pas de façon violente.
Vled — Ouais.
Acermendax — Quelle réponse ! Très ramassée, superbe.
Vled — Que pensez-vous du concept de laïcité française qui offre théoriquement à tous un cadre permettant la pleine liberté de conscience mais interdit à quiconque de dire « les règles de mon Dieu prévalent sur les lois humaines » ?
Richard —Je n’y ai pas beaucoup pensé, à vrai dire. Je suis, évidemment, favorable à ce que l’on suive sa conscience, tant que l’on ne porte pas atteinte à la liberté d’autrui. Je crois en la liberté, je crois en la liberté de parole, d’expression, et à ce titre, je ne veux absolument pas imposer mes propres croyances à quelqu’un d’autre.
Vled — Bien sûr, nous nous souvenons tous de votre « coup d’état sur les bus » il y a quelques années [en 2008], où vous aviez fait placarder une affiche disant « Il n’y a probablement pas de Dieu, alors [arrêtez de vous de vous inquiéter et] profitez de la vie », je ne me souviens plus des mots exacts mais ce n’était assurément pas agressif, cela voulait simplement dire « Faites ce que vous voulez. »
Richard — Oui. Le « probablement » a été rajouté par la jeune femme qui a lancé la campagne, Ariane Sherine. Elle tenait à ce mot, et j’ai trouvé ça plutôt drôle, j’ai beaucoup aimé. C’est à la fois décalé et provocateur. Ce « probablement » est curieusement provocateur, il fait réfléchir les gens.
Acermendax — Pensez-vous que, sans religion, les attaques de Charlie Hebdo en 2015 auraient quand même eu lieu ?
Richard —Eh bien, non. Le motif était clairement religieux. Les agresseurs avaient été endoctrinés dès leur enfance à croire en leur religion, et ils pensaient qu’il était absolument…. C’étaient des gens sincères et honnêtes qui croyaient réellement que quiconque insultait Allah ou Mahomet méritait de mourir. Ils ont été élevés avec ces croyances. Et il n’y aurait donc bien sûr pas eu d’attaques sans religion.
Acermendax — Comment éviter les amalgames entre les croyants et les fanatiques qui adorent le même livre ?
Richard — À mon sens, les fanatiques sont ceux qui font justice eux-mêmes et nuisent à autrui, alors que les croyants qui ne sont pas fanatiques vont simplement vivre leur vie et laisser les autres vivre la leur sans troubler leur liberté.
Acermendax — Mais l’athéisme peut-il servir d’alibi à un racisme antimusulman ?
Richard — J’en doute. J’ai du mal à imaginer un athée qui justifierait la violence par son athéisme. Antimusulman dans le sens de débattre de l’Islam, bien sûr, mais je ne pense pas que quelqu’un de véritablement et sincèrement athée puisse jamais tuer ou blesser quelqu’un du fait de son athéisme.
Acermendax — Je parle d’alibi, il peut arriver que des positions athées soient utilisées à des fins politiques pour attaquer des Musulmans.
Richard — Je vois ce que vous voulez dire. Je peux les attaquer dans un débat, mais certainement pas en usant de violence, et je ne ferai preuve de discrimination que dans la mesure où ils font preuve de discrimination contre nous. Par exemple, si l’on essaie, ce qui arrive, d’empêcher des femmes de s’assoir à certains endroits d’un amphithéâtre où je fais une conférence, je proteste et refuse de la donner. Ils font de la discrimination et je ne fais que répondre à cela en leur disant que je n’aime pas cette façon de discriminer, et que je refuse donc de faire ma conférence.
Acermendax — Avez-vous un message pour votre public français, peut-être même en français?
Richard — Non, je ne peux pas le faire en français. J’essaie d’apprendre le français. J’ai fait du français pendant des années à l’école mais dans le système éducatif anglais, on enseigne les langues vivantes comme on enseigne le latin. On apprend la grammaire et toutes sortes de règles. Mon professeur de latin disait « que faire lorsque l’on rencontre un ut suivi d’un subjonctif. On s’arrête et on réfléchit. » Eh bien non, précisément : on ne s’arrête pas pour réfléchir lorsque l’on apprend une langue. C’est exactement ce que l’on ne fait pas. Si bien que je ne pourrai pas vous parler en français. Un message pour le public français… Mon message est le même que pour n’importe quel autre public…
Acermendax — Mais les Français aiment penser qu’ils sont différents.
Vled — Ce n’est pas le cas.
Richard — Je préfère penser qu’ils ne le sont pas. Je pense en effet que quel que soit le pays où vous viviez, la science est partout la même. On parle de philosophie française ou de philosophie continentale – on fait cette distinction entre philosophie continentale et par exemple philosophie anglo-américaine. Mais pouvoir faire cela est une critique que l’on peut porter à la philosophie : on ne devrait pas faire de différence. La philosophie, c’est la philosophie, de même que la chimie, c’est la chimie. On ne parle pas de chimie française ou anglaise, c’est la chimie, point.
Acermendax — Il y a bien la « nouvelle médecine germanique », mais c’est de la belle foutaise.
Richard — Vous dites ?
Acermendax — Il y a la médecine germanique, la biologie totale.
Richard — Ah oui ? Je ne connaissais pas. Donc en tant que scientifique, je trouve déplorable que l’on fasse ces distinctions. Bien sûr que dans la pratique, il y a des différences. De toute évidence, le monde islamique est complètement différent, ce qui n’a pas lieu d’être, à mon sens. Mon message à tous ceux qui lisent mes livres, dans n’importe quelle langue, c’est de faire connaître la science – la science est universelle, elle est la même partout dans le monde.
Vled — Quelle est la meilleure réponse qu’un athée puisse faire à la question « Et si jamais vous vous trompez ? »
Richard — Il y a deux réponses que j’aime beaucoup. Il y a celle de Bertrand Russell. « En admettant que vous rencontriez Dieu et qu’Il vous demande : alors ? », Bertrand Russell avait cette réponse : « Dieu, tu ne m’as donné assez de preuves. Pourquoi t’es-tu donné autant de mal pour te cacher, pour te dissimuler ? » Stephen Fry à la télévision irlandaise a, lui aussi, donné une formidable réponse, que je ne vais essayer de redire avec son éloquence. Quand à moi je pourrais dire : « Mais quel Dieu es-tu donc ? Es-tu Baal ? Es-tu Zeus ? Es-tu Thor ? Es-tu Wuotan ? Es-tu Mithra ? Es-tu le Seigneur Krishna ? » Il y a tellement de dieux. C’est l’une des objections que l’on peut faire au pari de Pascal, autrement dit parier sur le mauvais dieu pourrait être tout aussi mauvais que de parier sur une absence de dieu. Comme je l’ai dit à une jeune femme aux États-Unis lorsqu’elle m’a posé cette question, vous trouverez cela sur YouTube : il y a tellement de façons de se tromper. Pour cette femme qui avait grandi dans une famille fondamentaliste chrétienne, soit vous aviez foi en Jésus, soit vous vous trompiez. Mais elle aussi a, bien sûr, autant de risques de se tromper en croyant dans le mauvais dieu.
Vled — Lorsqu’on est « Professeur pour la compréhension de la science » à l’université d’Oxford, est-on obligé d’aborder la question de la religion ?
Richard —Non, pas du tout. Et cela ne posait aucun problème que je le fasse. Plutôt même le contraire. Certains ont dû penser que je ne devrais pas traiter de la question de la religion. Je l’ai fait quand même, mais de façon très modeste. La plupart de mes livres sont en effet des ouvrages uniquement scientifiques. Il n’y a que Pour en finir avec Dieu et Dieu ne sert plus à rien qui portent sur la religion. Mais non, il n’y a jamais eu aucune consigne de traiter ou de ne pas traiter de religion liée à ce poste de professeur.
Vled — Le monde académique prend-il suffisamment position au sujet de l’influence des religions dans la société ?
Richard —Ce serait une bonne chose si la grande majorité des scientifiques qui ne sont pas religieux le faisaient savoir, au lieu de simplement continuer leurs travaux dans leur laboratoire et d’éluder le problème. Cela peut en effet donner la légère impression que des gens comme moi et Sam Harris sommes les seuls à être athées, alors que, bien sûr, la grande majorité des scientifiques, en particulier des scientifiques éminents membres d’académies nationales, sont en réalité athées. Il faut que cela se sache, autrement, comme je le disais, on pourrait penser que Christopher Hitchens, Sam Harris et moi-même sommes des voix isolées. Ce qui n’est, bien sûr, pas le cas.
Acermendax — Vous considèrent-ils comme un extrémiste ?
Richard —Ils pourraient le penser, mais je ne suis pas un extrémiste, ma position est tout à fait ordinaire ; ils ont exactement la même, mais eux ne l’expriment pas publiquement comme moi.
Acermendax — Vous parlez de la façon dont nos cerveaux ont évolué pour identifier des « patterns » (des schémas, des séquences). Est-ce la même qualité qui, paradoxalement, conduit à la fois à l’esprit de découverte scientifique et à l’esprit religieux ?
Richard — Oui. J’entends par là que les scientifiques sont bien sûr amenés à identifier des patterns, et ils le font de manière très systématique. Ils testent leurs idées avec des patterns. Je pense que, dans la mesure où la religion essaie d’expliquer des phénomènes scientifiques comme l’univers et la vie et les choses en général, [les religieux] essaient également d’identifier des patterns, mais ils le font mal.
Acermendax — Les êtres humains sont-ils assez sages pour faire un usage réfléchi des nouvelles technologies, en particulier, des innovations émergentes dans le génie génétique telles que CRISPR-Cas9 ? Serait-il plus prudent de se référer aux recommandations établies par la religion ?
Richard —La technologie étant une science appliquée peut prendre des directions terrifiantes. Et comme je l’ai souvent dit : si votre but est de faire du mal, la science est la meilleure façon d’y parvenir. Si votre but est de faire du bien, la science est la meilleure façon d’y arriver. La science est la meilleure façon de résoudre les problèmes. Ce qu’il faut donc faire, c’est de s’assurer que ces armes puissantes que la science nous fournit – je ne parle pas d’armes militaires, mais des puissantes technologies que la science permet d’obtenir – soient utilisées à des fins positives, et non négatives. Mais bien sûr, si vous voulez faire une guerre, n’importe quelle nation fera appel à ses scientifiques afin de développer des armes vraiment terrifiantes. La science est donc une technique puissante permettant de faire le mal comme le bien, et nous devons essayer de la contrôler.
Acermendax — Et donc, il faudrait moins de science ?
Richard —Non. Une meilleure science. Je veux dire, une science qui soit mieux appliquée. Je distinguerais la science de la technologie : la science est la recherche désintéressée de la vérité et la technologie l’application de la science. Je ne pense pas qu’il y ait une mauvaise science dans ce sens d’une recherche désintéressée de la vérité. Mais il peut y avoir une mauvaise technologie.
Vled — Vous avez débuté votre carrière académique comme professeur de zoologie à Oxford. Aviez-vous déjà envie de faire le genre d’actions pour lesquelles vous êtes connu ? Votre parcours correspond-il à ce que vous aviez l’intention de faire, ou bien l’inattendu et le hasard y ont-ils joué un rôle ?
Richard —Eh bien, quand j’ai commencé comme étudiant de troisième cycle, je travaillais sur quelque chose de très différent. C’était plutôt de la psychologie animale, avec tout un aspect mathématique. D’autre part, le sujet de l’évolution m’avait toujours beaucoup intéressé, toujours été très intéressé par l’évolution, l’une des spécialités de la zoologie d’Oxford, qui s’est toujours distinguée par une solide tradition évolutive. Mais ce n’est qu’au moment de l’écriture du Gène égoïste… Non, non, ce n’est pas tout à fait ça. Dix ans avant d’écrire Le Gène égoïste, [Niko] Tinbergen mon maître, m’avait demandé de continuer ses conférences lorsqu’il était en congé sabbatique, et j’ai suivi ma propre direction dans ces conférences, et ce sont en grande partie ces travaux que j’ai finalement incorporés au Gène égoïste, dix ans plus tard. J’ai mis tout cela de côté, et en 1976, dix ans plus tard, mon intérêt pour l’évolution s’est ravivé avec l’écriture du Gène égoïste. Et depuis, tous mes livres ont porté sur l’évolution.
Acermendax — La société laïque peut-elle offrir les mêmes avantages sociaux que les communautés religieuses telles que l’engagement communautaire, le sentiment d’appartenance, la solidarité, etc.?
Richard —Beaucoup de gens pensent qu’aller à l’église leur permet de remplir un besoin, de satisfaire un sentiment de communauté et d’appartenance. Je ne suis pas sûr que cela soit vrai.
Vous pouvez avoir cela en participant à des clubs de lecture, à des conférences, des choses de ce genre. Des gens peuvent se retrouver, se rassembler socialement autour d’intérêts communs sans qu’il soit question de religion. De même avec les mariages et les enterrements. Je ne sais pas pour vous, mais lorsque j’assiste à un enterrement religieux, ce qui me touche le plus, ce ne sont pas les éléments religieux, c’est l’éloge funèbre de quelqu’un qui connaissait le défunt et l’aimait, ou bien une musique ou un poème que le défunt aimait. Et les parties religieuses comme les prières n’ont pas tellement de valeur parce qu’elles sont trop générales, elles ne sont pas spécifiquement destinées à la personne décédée.
Vled — Cela me met même parfois mal à l’aise.
Richard —Oui, moi aussi. Et c’est sans doute la même chose avec les mariages. Si l’on s’en tient à un cérémonial qui est le même pour tout le monde, la cérémonie ne se déroule pas de la même façon que lorsqu’on la personnalise, qu’on l’adapte aux personnes concernées.
Acermendax — La moitié de « Dieu ne sert plus à rien » est consacrée à expliquer l’évolution du vivant. Cela veut-il dire que la théorie de l’évolution est le meilleur argument contre le théisme ?
Richard — Pas pour beaucoup de gens, mais ça l’est pour moi. Comme je vous le disais, la raison que j’avais d’être religieux, quand je l’étais, était une raison scientifique. Une raison scientifique erronée, mais c’était bien une raison scientifique. Il y a des gens à qui l’on demande pourquoi ils croient en Dieu et qui vous répondent « eh bien, regardez la beauté du monde, regardez les arbres, regardez les oiseaux, regardez les fleurs » – et beaucoup de gens font cette réponse. Eh bien, c’est à eux que s’adresse cette partie de Dieu ne sert plus à rien. Mais on trouve également des gens qui vous répondront : « Oh, non, si je crois en Dieu, ça n’a rien à voir avec ça. Je crois en Dieu parce qu’une petite voix me parle dans ma tête » ; ou bien : « Je n’ai rien trouvé d’autre qui explique la morale ». Pour ces gens-là, la deuxième moitié du livre ne sera d’aucune utilité.
Thomas: Est-ce à cause de cette menace posée par l’évolution que les créationnistes et les intégristes s’opposent autant à son enseignement ?
Richard —Je pense que oui. En particulier aux États-Unis et dans le monde islamique, ils considèrent leurs Écritures comme saintes et immuables, et comme la vérité révélée de Dieu. Ce qui fait que tout ce qui semblera contredire leurs Écritures, ils le combattront. Cela, bien sûr, ne s’applique pas aux théologiens, ni aux évêques ou archevêques à la théologie prétendument raffinée. Eux n’ont, au moins la plupart d’entre eux, aucun problème avec la vision scientifique du monde, même si, à mon avis, ils n’en parlent que de façon détournée avec tout un charabia.
Vled — Dieu ne sert plus à rien s’adresse aux adolescents et aux jeunes adultes. Pensez-vous qu’il ait une chance d’atteindre le public qui en aurait le plus besoin ?
Richard — Il y aurait bien sûr un problème si les parents interdisaient à leurs enfants de le lire, ou s’il y avait une impossibilité de ce genre ; mais chez les adolescents, il est peu probable que cela ait beaucoup d’effet. Je voulais écrire un livre à destination des jeunes enfants mais on aurait pu se retrouver avec certains parents qui auraient refusé d’acheter le livre. Mais avec un public adolescent, je ne pense pas que cela arrive. Peut-être. En tout cas, le livre se vend très bien, et j’espère que ce sera aussi le cas en France. L’édition française est prévue pour… ?
Olivier — Mai. [Merci, COVID-19 ! Il sera publié en juin 2020]
Richard —Mai, Très bien. Je me réjouis déjà.
Acermendax — Vos réflexions sur l’athéisme ont-elles évolué au fil des années, et en particulier depuis la publication de Pour en finir avec Dieu en 2006 ?
Richard —Curieusement non, parce que mes réflexions se sont toujours fondées sur la science. Ce sont toujours des raisons scientifiques qui m’ont conduit à être sceptique vis-à-vis de la religion. Ce n’est pas le cas pour tout le monde. L’opposition à la religion de Christopher Hitchens, par exemple, s’appuyait sur des considérations politiques, morales et sociales. Pour moi, le problème vient de ce que la religion avance des explications concurrentes et fausses sur des choses que la science étudie. Et depuis que je suis scientifique, depuis mes études à Oxford disons, je pense que j’ai été athée à peu près de la même façon que je le suis aujourd’hui.
Acermendax — Pensez-vous avoir commis des faux pas dans votre parcours de porte-parole de l’athéisme ? Et si oui, quelles leçons en avez-vous tirées ?
Richard —Je ne suis pas sûr que … Laissez-moi réfléchir. J’ai peut-être… j’ai certainement fait plusieurs faux pas en science, mais j’essaie de voir si j’en ai fait concernant l’athéisme.
Acermendax — Quelque chose que vous auriez dit, où plus tard vous vous seriez dit « peut-être que je n’aurais pas dû dire cela à ce moment-là. »
Richard — J’ai été critiqué par d’autres athées pour avoir insinué que les gens avec lesquels je débattais étaient stupides. Et comme ils l’ont bien fait remarquer, dans l’ensemble, les gens ne vont pas changer d’avis si vous leur dites qu’ils sont stupides. On m’a ainsi reproché de manquer de tact, d’être d’un abord trop froid, de ne pas me montrer un minimum bienveillant.
Acermendax — Que pensez-vous de ce genre de critique ?
Richard —Il y a beaucoup de vrai. Je pense que ce n’est pas tout à fait vrai qu’il soit impossible de faire changer quelqu’un d’avis. On peut y parvenir, peut-être pas en leur disant qu’ils sont stupides, mais en leur laissant tirer la conclusion eux-mêmes qu’ils le sont. Lors de mes premières années à l’université, j’avais moi-même été séduit par le philosophe et prêtre français Pierre Teilhard de Chardin, et je trouvais que son livre Le Phénomène humain était vraiment génial. Et puis j’ai lu la critique qu’en a faite Peter Medawar, et je me suis rendu compte à quel point ce livre était un ramassis d’absurdités du début à la fin. Et je me suis dit : « J’ai été stupide ». Ce n’est pas Medawar qui m’a dit : « Toi, Dawkins, tu es stupide », c’est moi-même qui me suis fait la remarque. Montrer à quelqu’un qu’il est stupide, cela ne veut donc pas nécessairement dire qu’il se braquera contre tout ce que vous essaierez de lui dire. Un homme au Texas m’a même fait un procès en demandant une grosse somme d’argent parce que j’avais dit que quiconque prétendait ne pas croire en l’évolution était ou ignorant, ou stupide, ou fou. Et beaucoup de gens, lui compris, pensait que j’étais allé trop loin. Mais vous remarquerez qu’il y avait « ignorant » dans les possibilités, et il n’y a rien de mal à être ignorant.
Vled — Tout à fait.
Richard —Nous sommes tous ignorants concernant la plupart des choses. Et c’est donc un fait que les gens qui ne croient pas en l’évolution sont ignorants. Qu’ils soient stupides ou fous, c’est une autre affaire, et je ne mets pas l’accent là-dessus. Ils sont incontestablement ignorants, et de dire cela n’a rien d’une insulte. C’est une simple déclaration factuelle.
Vled — Quel conseils pouvez-vous donner à une personne qui souffre d’avoir des proches très croyants et voudrait les « déconvertir » ?
Richard — C’est la question la plus difficile que l’on me pose, et on me la pose souvent… Ce sont souvent des jeunes qui me la posent ; ils sont devenus athées, ce qui cause une immense peine, un grand désarroi à leurs parents ou parfois à leur conjoint. Il n’y a pas de réponse facile à donner parce que les parents sont profondément sincères, profondément blessés, profondément inquiets. Ils pensent que leur enfant va aller en enfer, et ils en sont véritablement et extrêmement ébranlés. Mais pourtant, leur enfant a raison. Ce que je peux seulement dire, mon seul conseil, est d’essayer de faire preuve de tendresse à leur égard, d’essayer de comprendre les tourments qu’ils traversent, mais aussi de discuter avec eux de cela. De leur dire qu’ils ont tort.
Acermendax — Quels conseils donneriez-vous au jeune Richard Dawkins ?
Richard — Je pourrais vous répondre : « Ne commets pas les erreurs que j’ai commises », mais ce serait plutôt vague. Si vous me demandez les erreurs que j’ai faites tout au long de ma carrière scientifique, je vous dirai que j’ai consacré énormément de temps à faire de la programmation informatique. Ce qui était fascinant, ce qui est fascinant. Mais c’est un vice, et tout le temps que j’ai passé à faire des programmes informatiques, j’aurais pu le consacrer à la biologie. La programmation est quelque chose de fascinant, comme la résolution de problèmes aux échecs, ou d’autres choses du même ordre. Mais j’imagine que ce n’est pas ce genre de réponse que vous attendiez… J’aimerais bien me retrouver dans cette position. Curieusement, il y a quelques années, une société de télévision est venue me voir avec cette idée de séquencer mon génome. Et on a entièrement séquencé mon génome. L’idée du programme télévisé était de mettre mon génome sur un disque et de l’enterrer pendant cinq cents ans. Et puis, il serait déterré dans cinq cents ans, et d’ici là, la science aurait la capacité de me cloner à partir de ce disque. Nous n’en sommes pas loin aujourd’hui ; il faudrait encore un peu de recherche en embryologie. Et donc, un « moi plus jeune » serait en effet né cinq cents ans plus tard.
Vled — On dirait un scénario de science-fiction rétro.
Richard — Exactement, oui. Mais vous pouvez comprendre pourquoi cette idée a pu attirer un producteur de télévision. Ça aurait été un moyen de pouvoir discuter de questions telles que l’identité personnelle. Cet individu n’aurait pas été moi, mais mon vrai jumeau, mon jumeau monozygote. Les journalistes d’alors auraient été voir ces vrais jumeaux pour leur dire : « Vous êtes la même personne, ça se voit, ça ne se voit pas », etc. Mais, cela aussi aurait été l’occasion pour moi de donner des conseils à mon moi plus jeune car il aurait été exactement, génétiquement, mon moi plus jeune. C’était l’idée de ce programme qui ne s’est finalement pas fait. Le génome a été séquencé, puis à la dernière minute, ils ont changé le format, et cela a donné autre chose.
Vled — Y a-t-il des petites choses dont vous savez qu’elles sont stupides mais que vous continuez à croire ou qui vous font agir comme si elles étaient vraies ? Vous disiez, par exemple, dans une discussion avec Brian Greene que vous n’auriez pas aimé dormir dans une maison réputée être hantée.
Richard —C’était plus une boutade qu’autre chose. J’essayais de montrer un côté humain plutôt que froid, sans pitié…
Acermendax — Rationnel ?
Richard —Rationnel, oui. Il y a une part d’irrationnel que l’on peut pardonner en chacun de nous. Martin Gardner [1914-2010], un grand sceptique et mathématicien américain, qui a tenu pendant des années une chronique de mathématiques dans le Scientific American. On peut dire qu’il était athée, avec un esprit rationnel, mais il préférait penser pour des raisons d’ordre émotionnel que peut-être il y avait un Dieu, et c’est ce qui l’amenait à se considérer comme religieux. Voilà un bon exemple de quelqu’un d’ultra-rationnel, un rationaliste de renom qui, malgré tout, pour des raisons émotionnelles, se dissociait pour ainsi dire de la rationalité pour des raisons d’ordre vraiment personnel.
Acermendax — Ça, c’est pour M. Gardner, mais pour Richard Dawkins ? Est-ce qu’il y a quelque chose… ?
Richard —Non, pas du tout. Certainement pas à cet égard.
https://menace-theoriste.fr/wp-content/uploads/2020/07/miniatures-tronche-en-biais-hors-série-14-Dawkins.jpg10801920Acermendaxhttps://menace-theoriste.fr/wp-content/uploads/2015/08/menace_theo2-300x145.pngAcermendax2020-07-02 17:48:572020-07-02 17:49:33God and the scientist – Entretien avec Richard Dawkins
« La plupart du temps les informations sont de meilleure qualité sur Youtube que sur les médias traditionnels. » Déclaration de Didier Raoult, le 16 mai 2020.
Bienvenue sur YouTube ! Sur notre chaîne dédiée à l’esprit critique, nous essayons depuis 5 ans de prendre du recul vis-à-vis des discours et des croyances, et de mettre en avant les maigres moyens que l’humain peut mobiliser pour essayer de comprendre un peu le monde qui l’entoure. Notre monde est devenu bien compliqué à suivre à cause d’un coronavirus jadis occupé à infecter les chauves-souris, qui a trouvé le moyen de contaminer notre espèce avant de se répandre et de semer assez de chaos pour nous murer des mois durant.
Dans ce contexte explosif de menace sanitaire, de tension sociale, de résistance à l’autorité, d’impréparation du pouvoir, de maltraitance chronique des services hospitaliers, d’incertitudes scientifiques, les angoisses se sont accrochées aux promesses les plus réconfortantes. Celui qui a promis le mieux, le premier, le plus fort, avec le plus d’aplomb, c’est Didier Raoult avec la chloroquine, puis l’hydroxychloroquine, puis l’hydroxychloroquine associée à l’azithromycine.
Et d’emblée se sont cristallisées des postures hargneuses entre ceux que d’aucuns appelaient les pro- tandis qu’eux-mêmes qualifiaient les autres d’anti-. Nous avons assisté au top départ d’un marathon effréné de l’étripage, de la baston et du grabuge. Dans la fureur de l’esclandre personne ne s’écoute, on se radicalise, on se range dans un camps, souvent pour ne pas se sentir seul, abandonné en rase campagne par un troupeau querelleur galopant au vent des rumeurs comme si prendre soin de regarder où l’on met les pieds était une tocade de gentillet romantique, une simagrée d’intello au corps de lâche.
Dans un tel climat, on a vu des gens complètement ignares (ce qui n’est pas une tare) défendre mordicus leur compréhension de la situation dans le plus beau florilège d’amphigouris sophistiques qu’on ait jamais vu hors campagne présidentielle. Tout y est passé.
L’analogie douteuse qui consiste à nous dire que nous sommes en guerre, et qu’à la guerre, il faut agir comme Foch plutôt que comme Pétain. L’appel à la popularité est revenu plusieurs fois. Par exemple, citation : « Vous voulez faire un sondage entre Véran et moi pour voir qui ils croient ? Vous voulez voir ce que c’est que la crédibilité ? Faites les sondages, moi je les ai ! » (source). Ou encore à travers des pétitions censées démontrer la plus grande pertinence d’un traitement médical par rapport aux autres.
Il y a eu un double standard omniprésent où chaque camps a exigé beaucoup plus d’arguments de la part des gens d’en face qu’eux-mêmes n’en avaient pour justifier leur position. Nous avons lu et entendu des ad hominem et des ad personam toutes les 2 minutes de la part de quasiment tout le monde. Un certain nombre se déversent actuellement dans le chat, la section commentaire en est remplie. CQFD, merci aux participants.
Et puis il y a eu ce faux dilemme insultant qui consiste à dire : c’est la chloroquine ou rien. C’est le remède que moi je veux, sans quoi je vous accuse de laisser crever mon beau-frère.
Cette longue séquence d’empoignade démesurée restera comme un triste exemple de ce qu’on fait de pire en termes de débat public et d’information scientifique de la population. En ce qui nous concerne, nous avons appelé à la prudence, à la mesure, et aux doute face à des déclarations qui faisaient frétiller nos détecteurs de billevesées. Nous avons nous-mêmes fait confiance à des études plutôt qu’à d’autres, et en une occasion au moins nous avons eu bien tort (nous reviendrons sur l’étude de Merha et al. publiée dans The Lancet puis rétractée). Notre posture sceptique a été un avantage dans cette crise, elle nous a permis de rester ouverts aux informations de bonne qualité qui plaidaient dans un sens comme dans l’autre. Cette posture toutefois n’oblige pas à renoncer à toute opinion. Nous ne prétendons donc pas être neutres. Personne ne l’est. Didier Raoult n’est pas neutre, ça se voit, et on fait avec.
Nos deux invités ne sont pas neutres, mais l’avis qu’ils vont partager avec nous sera argumenté, contextualisé, sourcé, et exprimé avec une honnêteté à laquelle nous sommes censés veiller. Nous allons réouvrir le dossier Chloroquine pour comprendre comment nous en sommes arrivés là, faire le point sur l’état des connaissances et des doutes et nous demander comment nous allons bien pouvoir faire à l’avenir pour reconnaître une information scientifique fiable. Le challenge est de belle taille.
L’histoire de l’Egypte et de ses pyramides remplit des bibliothèques, des musées, occupe des milliers de chercheurs depuis deux siècles. Il y a tant à savoir et à comprendre que tout un volet de l’archéologie a été nommé Egyptologie. On pourrait passer toute une vie à explorer un petit aspect de cet immense ensemble d’objets, de traces, de théories, de controverses et de consensus. C’est à la lumière de ces connaissances qu’on peut mesurer l’immensité encore plus grande de ce qu’on ignore sur ce peuple et ses réalisations. Une telle discipline académique est intimidante pour n’importe qui. Mais il y a des exceptions. Le 4 décembre 2019 est publié sur YouTube un film qui a l’ambition de remettre à leur place tous les spécialistes du sujet.
Grande Pyramide K 2019 cumule aujourd’hui plus de 2 millions six cent mille visionnages. Beaucoup plus que n’importe quel article de recherche sur le sujet. Ce film nous explique que les pyramides ont été construites par les anciens égyptiens sans tailler une seule pierre. Tout l’édifice est en pierres moulées, une sorte de béton. Les ouvriers ont réduit d’immenses quantité de calcaire en poudre qu’ils ont acheminée jusqu’au chantier. Le béton est alors coulé sur place, ce qui permet de ne pas déplacer une seule pierre. Certains reconnaîtront la thèse marginale dite des « géopolymères » de Joseph Davidovitz qui date de 1979.
Le film va plus loin, beaucoup plus loin. Partant du principe que les égyptiens ne savaient pas tailler les pierres dures, on explique l’existence de la chambre du roi et de ses grands blocs de granite d’Assouan en affirmant que cette roche a été fondue, transportée sous forme de lingots, puis moulée dans la Pyramide sous sa forme actuelle. Toute la statuaire antique de pierre est née de la même technique : rien n’est taillé, tout est moulé.
Il faut maintenant expliquer cet exploit, et le film nous annonce que l’énergie solaire a été utilisée grâce à d’immenses lentilles qui permettaient d’en concentrer les rayons et de dépasser 1800°C. La technologie de la concentration du flux solaire a été utilisée pour excaver les grands obélisques et pour graver les hiéroglyphes que l’on trouve sur les pierres dures.
Le film nous donne la recette des lentilles égyptiennes : on mélange du natron et de la chaux, cette soude caustique est ensuite mélangée avec du sable blanc et chauffée à 1000°C pour obtenir du silicate de sodium. Cette substance est mélangée avec du silicate de potassium puis le liquide est coulé dans un moule en forme de lentille. 3 jours plus tard cette merveille de technologie est démoulée et elle peut faire fondre le granite. Le matériau des lentilles est malheureusement sensible à l’eau dans laquelle il se dissout. Et cela explique que l’on n’ait aujourd’hui nulle trace de ces objets tandis qu’étrangement abondent les outils, les textes et les dessins liés à la taille de la pierre
Le film estime que cette technologie a été tenue secrète, raison pour laquelle aucun historien, aucun spécialiste n’a jamais entendu parler de ces immenses lentilles de 5 à 10 mètres de diamètre alors même qu’elles ont été utilisée par les grecs et les romains qui eux mon plus n’ont jamais vraiment taillé de pierre.
Enfin, le film nous révèle que les anciens Egyptiens ont fait le tour du monde dans l’antiquité, qu’ils ont construit les pyramides américaines, qu’ils ont tracé des hiéroglyphes en Australie, bref qu’ils sont à l’origine de toutes les grandes civilisations de la Terre. Là où les récits de ce genre font généralement appel à la civilisation de l’Atlantide, des hommes plutôt blanc venus plutôt du nord, le film Grande Pyramide K2019 prend fait et cause pour une thèse afrocentriste où les Pharaons étaient noirs, un fait que l’on aurait essayé de nous cacher, comme le reste. Eh oui car le film annonce dès son sous-titre qu’il y a un problème avec la version « officielle » de l’histoire puisqu’il nous apporte, je cite : « la nouvelle histoire de l’humanité dévoilée »
C’est un projet colossal que de dévoiler la nouvelle histoire de l’humanité, et il ne peut s’entreprendre qu’avec un solide bagage sur l’état actuel des connaissances, avec une puissante capacité d’analyse, avec une méthodologie apte à convaincre les experts. C’est un travail de longue haleine qui ne peut sûrement pas se résumer à un simple film. Et c’est pour voir au-delà du film, pour comprendre la méthode de travail de son auteur que nous recevons Fehmi Krasniqi ce soir.
Pour voir la version longue de l’expérience réalisée au Four Solaire d’Odeillo
https://menace-theoriste.fr/wp-content/uploads/2020/05/Miniature-TenL89-Pyramides-fondues.jpg10801920Acermendaxhttps://menace-theoriste.fr/wp-content/uploads/2015/08/menace_theo2-300x145.pngAcermendax2020-05-21 15:26:542020-05-21 15:36:19Des Anciens Égyptiens autour du monde ? (Tronche en Live 89)
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