La chaîne aborde sur un ton décalé dans la forme mais sérieux sur le fond les raisons qui font que notre lecture du monde est souvent bancale.

À travers le monde, une majorité d’individus adhère à une forme de croyance en Dieu. Vous savez bien que tous n’ont pas fait ce choix librement. Dans certaines régions, l’athéisme est perçu comme une menace à l’ordre public, entraînant des sanctions sévères. Même dans des sociétés où la religion n’est pas dominante, des familles et des environnements continuent d’imposer un dogmatisme qui peut nuire au développement intellectuel des enfants.

Dans nos sociétés pacifiées, nous avons tendance à traiter la question de Dieu avec une indolence presque obstinée, alors qu’elle est corrélée à de nombreuses problématiques sociales et intellectuelles. La communauté antivax, par exemple, entretient des liens profonds avec des courants religieux ; de la même manière, les pratiques de soin non conventionnelles et les gourous de la santé ciblent en priorité les publics déjà prédisposés à croire en l’existence d’une vérité cachée qui attend d’être révélée. Il est frappant de constater que les adeptes du platisme sont systématiquement religieux et que, plus largement, le complotisme trouve un terreau fertile dans des visions du monde façonnées par des croyances surnaturelles.

Cela ne signifie pas que toute religiosité conduit à ces dérives, mais que l’adhésion à une pensée magique peut rendre plus vulnérable à ces narrations trompeuses. Plus encore, lorsqu’une radicalisation est nourrie par une croyance religieuse, elle s’avère souvent plus intense, plus difficile à déconstruire et plus lourde de conséquences. Ce constat devrait nous interpeller. Car tant que nous continuerons à valoriser l’idée que la foi—c’est-à-dire le fait de croire sans preuve—est une vertu en soi, nous favoriserons des dérives évitables. La complaisance à l’égard de ce paradigme a un coût : elle alimente des discours irrationnels qui peuvent, à terme, fragiliser nos démocraties déjà éprouvées par la montée de la désinformation et des extrémismes.

Voilà pourquoi la question de l’existence de Dieu demeure d’une actualité brûlante, même si en France, nous avons parfois l’impression d’avoir dépassé ce débat. La séparation des églises et de l’État a certes relégué la spiritualité à la sphère personnelle, mais il serait naïf de croire que l’influence des religions se limite aux foyers. Elle déborde sur l’espace public et pèse sur les choix de société, notamment en matière de droits individuels.

L’endoctrinement confessionnel des enfants est évidemment une forme de maltraitance dont nous tardons à nous débarrasser, mais le problème perdure tout au long de la vie. Les adultes, en particulier ceux confrontés à des échecs personnels, peuvent facilement être attirés par des idéologies radicales. Cette vulnérabilité est amplifiée par une culture qui valorise la foi et accorde une légitimité à des textes religieux, même lorsque ceux-ci contiennent des appels à la violence théocratique. Les réseaux sociaux, comme TikTok, regorgent de prédicateurs qui, par des récits fallacieux et des arguments trompeurs, cherchent à séduire un public en quête de sens. Ces figures s’appuient sur une pseudo-autorité intellectuelle, souvent ancrée dans des traditions qui ont historiquement servi les puissants et légitimé des discours de haine.

Bien que la majorité des croyants soient des individus pacifiques et bienveillants, certains, influencés par des croyances qui possèdent leur esprit, s’efforcent de prouver la véracité de leur foi. Ils produisent une multitude de livres, de vidéos et de discours, tandis que les non-croyants, souvent moins motivés à défendre leur ‘non-croyance’, laissent le champ libre à ces narrations. Le résultat est que ceux qui s’interrogent sur Dieu et les religions sont exposés quasi exclusivement à des contenus confessionnels qui présentent une vision biaisée de la foi. Ces arguments, bien que souvent défectueux, peuvent sembler convaincants en raison de l’absence de contre-arguments solides.

C’est dans cet esprit que je souhaite contribuer à la culture du débat sur l’existence de Dieu. J’ai élaboré 20 arguments que je considère suffisamment robustes pour inciter à la réflexion. Cette réflexion, évidemment, doit passer par le doute et l’examen critique. Le terme « preuve » est fréquemment utilisé par les apologètes et les prédicateurs, mais je vous invite à découvrir comment j’en fais un usage plus mesuré. J’espère que ces 20 arguments publiés sur YouTube, TikTok et Instagram susciteront votre curiosité et que vous aurez envie de les partager autour de vous.

Une série de ‘shorts’

« Voila pourquoi Dieu n’existe pas » vous propose 20 épisodes très courts dans les prochaines semaines :

  1. Pas de bonne définition
  2. L’existence du mal
  3. Les mauvaises réponse au problème du mal
  4. Dieu ne sert à rien
  5. Zéro preuve empirique
  6. La cause incausée : une absurdité
  7. La complexité inutile
  8. Le libre arbitre exclut Dieu
  9. L’immoralité des textes religieux
  10. Les miracles sont embarrassants
  11. La prière plaide contre Dieu
  12. L’enfer c’est la mort de Dieu
  13. Le paradis est un contre son camp
  14. Le bien et le mal avec ou sans Dieu
  15. La moralité = fruit de l’évolution
  16. Guerres & Religions
  17. La disparité des religions
  18. Dieu se cache ?
  19. La logique est plus forte que Dieu
  20. Le pari de l’athée

 

Émission enregistrée le 28 janvier 2025.

 Invités

  • Samuel Nowakowsky –  Enseignant-chercheur en informatique. Laboratoire lorrain d’informatique et ses applications.
  • Maximilien LANNA –  Professeur de droit public —titulaire de la Chaire Régulation des plateformes numériques et souveraineté.

 

EDITORIAL

 Pour le meilleur et pour le pire, nous sommes entrées dans l’air des intelligences artificielles — Le mot n’est d’ailleurs pas forcément le bon, même s’il s’est imposé, je vous renvoie vers la passionnante émission enregistrée avec Charbel Segerie et Amaury Lorin, du Centre français pour la Sécurité de l’IA et intitulé « Et si les IA prenaient le contrôle ». Tronche en Live 142.

Comme beaucoup de gens, peut-être n’avez-vous pas très envie de vous intéresser aux IA et à leurs concepteurs, mais les concepteurs et les IA, elles vont penser à vous. Et dans leur projet il y a l’idée de penser pour vous, à votre place, mais pas forcément aux mieux de vos intérêts, parce que ce n’est pas vous qui vous possédez les codes ni les clefs des nouvelles machines pensantes.

Il est facile de se laisser séduire par tous les services que les IA du marché nous rendent déjà. Gratuitement. Nous sommes en train de nous faire domestiquer, acclimater à cet utilisation très pratique, mais qui ne nous offre aucune garantie sur la manière dont ces services nous seront vendus bientôt.

Le confort d’avoir un copilote automatisé pour de nombreuses tâches aura-t-il un prix raisonnable ?

Il faut sans doute être au moins un peu inquiet sur de nombreux chapitres : l’environnement, la géopolitique, la spéculation, la création de fake news en masse, les ondes de chocs sur l’économie et l’emploi, la surveillance de masse… Nous allons ce soir nous focaliser sur celui des données personnelles.

Elles concernent nos habitudes de consommation, nos opinions, nos différentes identités et les choses qui n’appartiennent qu’à notre intimité, et par exemple les informations qui touchent à notre santé et qui pourraient puissamment intéresser les industriels du médicament ou les assurances et mutuelles, et qui sait d’autre ?

Le traitement à haut débit de nos traces numériques est déjà en cours, et il a déjà participé à une « fabrique du consentement ». Aujourd’hui les plateformes sont des systèmes qui collectent, recommandent et articulent les informations que nous recevons sans que nous ayons le moindre mot à dire, et la fragmentation d’internet pourrait nous conduire à cesser de vivre tous dans le même monde et à nous voir dispersés dans des réalités parallèles abreuvés de narratifs savamment conçus pour notre segment démographique et pour le profit de ceux qui passeront commande de notre vote ou de notre pouvoir d’achat

Alors oui, le sujet est grave. Mais nous allons quand même essayer de passer une bonne soirée à apprendre des choses pour mieux nous préparer grâce aux lumières de nos invités.

 

Emission enregistrée le 15 janvier 2025

Invitée : Annabelle Kremer-Lecointre

 

Editorial

Je suis obligé d’utiliser des mots dans cet éditorial. Et vous en entendrez d’autre tout au long de cette émission. Il y aura des figures de style, des comparaisons, des analogies, des blagues, des approximations, des références plus ou moins pertinentes dans un échange qui se veut pourtant chargé de sens, méthodique, fidèle aux données de la science et fiable. Le défi est de taille, et j’ai bien peur d’échouer quant à moi sur le seul critère de l’exactitude sémantique, mais ne partez pas tout de suite, car il y aura sans doute beaucoup à apprendre de mon échec grâce à mon invitée, Annabelle Kremer-Lecointre, co-autrice avec Monsieur Guillaume Lecointre du livre intitulé « Démystifier le vivant – 36 métaphores à ne plus utiliser ».

Quand nous parlons du vivant, nous utilisons un vocabulaire qui projette sur lui des conceptions qui n’appartiennent qu’à nous. Nous disons que « la nature fait bien les choses », que les plantes sont « intelligentes », ou que la vie fait des « progrès ».  En l’affublant de nos codes, de nos valeurs, de nos préjugés, nous dénaturons le monde biologique. Et c’est ironique puisque rien ne nous semble plus naturelle que l’image culturellement construite que nous nous faisons de la Nature et de la Vie avec des majuscules…

Les mots que nous employons pour parler de la nature, et plus spécifiquement du vivant représentent un danger potentiel que nous ne regardons pas en face.

 

Le premier danger est épistémologique : en plaquant nos représentations humaines sur le vivant, nous nous privons d’une compréhension authentique des mécanismes biologiques. Comment comprendre véritablement la symbiose entre les arbres et les champignons si nous persistons à parler de « communication » ou « d’entraide », des concepts profondément humains qui masquent la réalité des interactions biochimiques ? Cette incompréhension se traduit souvent par des décisions de gestion environnementale inadaptées, basées sur des métaphores plutôt que sur la science.

Plus insidieux encore est le risque de la « naturalisation » de nos préférences culturelles. Le darwinisme social – ou plus précisément le spencérisme – en est l’exemple le plus frappant : en prétendant que la « loi du plus fort » est inscrite dans la nature, certains ont justifié des inégalités sociales, des discriminations, et des violences. D’autres dérives idéologiques trouveront un terreau fertile dans notre tendance à voir la nature à travers le prisme de nos constructions sociales.

Mais le piège le plus subtil est peut-être celui qui touche à notre propre identité. En nous imaginant séparés du reste du vivant, nous cultivons l’illusion d’une possible autonomie totale. Les fantasmes de colonisation spatiale en sont l’expression ultime : l’idée que l’humanité pourrait s’extraire de la biosphère qui l’a vue naître pour recommencer ailleurs, laissant derrière elle une vieille Terre épuisée. Cette vision découle directement de notre incapacité linguistique à nous penser comme partie intégrante du tissu du vivant.

 

L’enjeu, vous le voyez, n’est pas simplement académique ; en nettoyant notre langage des facilités qui nous emprisonnent, nous nous donnons une chance de regarder le vivant tel qu’il est, et non tel que nos mots nous le font voir. C’est aussi un acte de libération, et c’est un acte de respect, et d’humilité envers la nature, qui ne nous a rien demandé ! C’est un acte de reconnaissance que la biosphère ne se réduit pas à ce que vous croyons avoir compris et à ce qui nous arrange de voir ou de laisser dans l’ombre.

 

Nous nous cachons depuis longtemps derrière des métaphores pour justifier la manière dont nous traitons le vivant autour de nous, et le livre d’Anabelle et Guillaume vient nous dire qu’il est un peu temps d’abandonner ces enfantillages.

 

Alors que s’achève 2024, peut-être est-il temps d’une une mise à jour dûment sourcée sur le COVID-19 concernant son origine, l’efficacité des vaccins et leur sûreté.

 

  1. Origine du virus

La question de l’origine du SARS-CoV-2 reste un sujet de débat. Les deux principales hypothèses sont une transmission zoonotique (d’un animal à l’homme) et une fuite de laboratoire. Une étude récente soutient l’idée que le virus provient d’animaux infectés vendus sur le marché de Huanan à Wuhan, en Chine, et non d’une fuite de laboratoire, affirmant qu’il y a peu de chances que cette dernière hypothèse soit correcte[1]. Des agences de renseignement américaines continuent d’explorer la possibilité d’une fuite, bien que cette théorie soit considérée comme minoritaire au sein de la communauté scientifique.

 

  1. Efficacité des vaccins

Les vaccins contre la COVID-19 ont montré une efficacité significative dans la réduction des cas graves et des décès. Des études estiment que les vaccins ont sauvé des millions de vies à travers le monde en prévenant les hospitalisations et les complications graves. En termes de protection, les taux varient selon le type de vaccin et les variants du virus, mais globalement, ils offrent une protection robuste contre les formes sévères de la maladie[2].

 

  1. Sûreté des vaccins

Les vaccins COVID-19 ont été soumis à des essais cliniques rigoureux avant leur autorisation, et des millions de personnes ont été vaccinées sans effets indésirables graves généralisés. Bien que certains effets secondaires aient été rapportés, ils sont généralement bénins et temporaires. Les agences sanitaires continuent de surveiller la sécurité des vaccins pour détecter tout effet indésirable rare[3]. Les histoires de « turbo cancer » ou de jeunes qui meurent massivement de problèmes cardiaques ne reposent sur aucune donnée réelle[4].

 

Les dernières informations sur la vaccination contre la COVID-19 chez les femmes enceintes soulignent que les vaccins à ARNm, comme ceux de Pfizer et Moderna, sont sûrs et efficaces. Les données accumulées montrent qu’il n’y a pas d’augmentation des risques de complications telles que les malformations congénitales, les naissances prématurées ou les fausses couches. Les effets indésirables chez les femmes enceintes après vaccination sont similaires à ceux observés dans la population générale[5].

Les recommandations actuelles des autorités sanitaires, comme l’OMS et le CDC, encouragent la vaccination des femmes enceintes, en particulier celles présentant des comorbidités ou un risque accru de complications liées à la COVID-19.

 

Surveillance continue

Bien que le nombre de signalements d’effets indésirables puisse sembler élevé, il est important de le mettre en perspective par rapport au nombre total de vaccinations effectuées et à la nature majoritairement bénigne des effets rapportés. Les systèmes de pharmacovigilance enregistrent tous les décès survenus après la vaccination, qu’ils soient directement liés ou non au vaccin.

Les autorités sanitaires continuent de surveiller les effets indésirables et d’évaluer les données en temps réel. Les évaluations montrent que les bénéfices des vaccins en termes de prévention des maladies graves liées à la COVID-19 l’emportent largement sur les risques potentiels associés aux effets secondaires[6].

 

Addendum

« Et la transmission alors ! Le vaccin ne la réduit pas, sales menteur ! Même Pfizer le dit ! »

Plusieurs études de 2022 ont souligné que bien que les vaccins ARN contre le covid soient très efficaces pour prévenir les formes graves de la maladie, leur efficacité pour réduire la transmission a diminué avec l’émergence de variants comme Omicron. Les données indiquent que la vaccination réduit la transmission, mais pas autant que prévu initialement, surtout après quelques mois suivant la vaccination. Les voici :

  • Lachâtre M, Launay O. Vaccination COVID-19 : technologies vaccinales, efficacité en vie réelle et spécificités [COVID-19 vaccination : Vaccine technologies, effectiveness and specificities]. Médecine et Maladies Infectieuses Formation. 2022 Sep;1(3):129–35. French. doi: 10.1016/j.mmifmc.2022.07.001. Epub 2022 Jul 6. PMCID: PMC9257089.
  • Eyre DW, Taylor D, Purver M, Chapman D, Fowler T, Pouwels KB, Walker AS, Peto TEA. Effect of Covid-19 Vaccination on Transmission of Alpha and Delta Variants. N Engl J Med. 2022 Feb 24;386(8):744-756. doi: 10.1056/NEJMoa2116597. Epub 2022 Jan 5. PMID: 34986294; PMCID: PMC8757571.
  • Prunas O, Warren JL, Crawford FW, Gazit S, Patalon T, Weinberger DM, Pitzer VE. Vaccination with BNT162b2 reduces transmission of SARS-CoV-2 to household contacts in Israel. Science. 2022 Mar 11;375(6585):1151-1154. doi: 10.1126/science.abl4292. Epub 2022 Jan 27. PMID: 35084937; PMCID: PMC9261115.

 

 

Mea culpa ?

Du côté de la zététique, et en tout cas de mon travail, je ne connais pas de raison de retirer des propos anciens ou de ne pas assumer la prudence avec laquelle j’ai critiqué les propos déraisonnables qui affirmaient beaucoup, agressivement, désignaient des méchants et promettaient des procès Nuremberg 2.0. L’examen de conscience de mon travail sur le covid19 me laisse serein.

Charge à ceux qui assènent que la zététique a eu tout faux de travailler un peu à sortir de leurs vitupérations haineuses et à agir avec un peu de méthode, de raison et de science. Chiche ?

 

Bonne année !

Acermendax

 

[1]     https://www.cnrs.fr/fr/presse/covid-19-identification-des-especes-animales-lorigine-possible-de-la-pandemie

Alexander Crits-Christoph, Joshua I. Levy, Jonathan E. Pekar, Stephen A. Goldstein, Reema Singh, Zach Hensel, Karthik Gangavarapu, Matthew B. Rogers, Niema Moshiri, Robert F. Garry, Edward C. Holmes, Marion P. G. Koopmans, Philippe Lemey, Thomas P. Peacock, Saskia Popescu, Andrew Rambaut, David L. Robertson, Marc A. Suchard, Joel O. Wertheim, Angela L. Rasmussen, Kristian G. Andersen, Michael Worobey et Florence Débarre.(2024) Genetic tracing of market wildlife and viruses at the epicenter of the COVID-19 pandemic Author list and affiliations. Cell.

[2] Link-Gelles R, Levy ME, Natarajan K, et al. Estimation of COVID-19 mRNA Vaccine Effectiveness and COVID-19 Illness and Severity by Vaccination Status During Omicron BA.4 and BA.5 Sublineage Periods. JAMA Netw Open. 2023;6(3):e232598. doi:10.1001/jamanetworkopen.2023.2598

[3] https://ansm.sante.fr/actualites/pronostic-a-18-mois-des-cas-de-myocardite-attribuables-a-la-vaccination-arnm-contre-le-covid-19-le-jama-publie-les-resultats-dune-etude-de-pharmaco-epidemiologie-realisee-par-epi-phare

Hause, Anne & Baggs, James & Marquez, Paige & Myers, Tanya & Su, John & Blanc, Phillip & Baumblatt, Jane & Woo, Emily & Gee, Julianne & Shimabukuro, Tom & Shay, David. (2022). Safety Monitoring of COVID-19 Vaccine Booster Doses Among Adults — United States, September 22, 2021–February 6, 2022. MMWR. Morbidity and Mortality Weekly Report. 71. 10.15585/mmwr.mm7107e1.

Yasuhara J, Masuda K, Aikawa T, Shirasu T, Takagi H, Lee S, Kuno T. Myopericarditis After COVID-19 mRNA Vaccination Among Adolescents and Young Adults: A Systematic Review and Meta-analysis. JAMA Pediatr. 2023 Jan 1;177(1):42-52. doi: 10.1001/jamapediatrics.2022.4768. PMID: 36469338; PMCID: PMC9856920. Cette méta-analyse évalue les cas de myocardite et de péricardite après vaccination par ARNm, tout en soulignant que les bénéfices de la vaccination l’emportent sur les risques.

[4] K. Faksova, D. Walsh, Y. Jiang, J. Griffin, A. Phillips, A. Gentile, J.C. Kwong, K. Macartney, M. Naus, Z. Grange, S. Escolano, G. Sepulveda, A. Shetty, A. Pillsbury, C. Sullivan, Z. Naveed, N.Z. Janjua, N. Giglio, J. Perälä, S. Nasreen, H. Gidding, P. Hovi, T. Vo, F. Cui, L. Deng, L. Cullen, M. Artama, H. Lu, H.J. Clothier, K. Batty, J. Paynter, H. Petousis-Harris, J. Buttery, S. Black, A. Hviid. (2024) COVID-19 vaccines and adverse events of special interest: A multinational Global Vaccine Data Network (GVDN) cohort study of 99 million vaccinated individuals,

Vaccine, Volume 42, Issue 9. https://doi.org/10.1016/j.vaccine.2024.01.100.

[5] Ciapponi, A., Berrueta, M., Parker, E. P. K., Bardach, A., Mazzoni, A., Anderson, S. A., Argento, F. J., Ballivian, J., Bok, K., Comandé, D., Goucher, E., Kampmann, B., Munoz, F. M., Rodriguez Cairoli, F., Santa María, V., Stergachis, A. S., Voss, G., Xiong, X., Zamora, N., Zaraa, S., & Buekens, P. M. (2024). Safety and Effectiveness of COVID-19 Vaccines During Pregnancy: A Systematic Review and Meta-Analysis. BMJ.

[6] Effets indésirables des vaccins et dernières évolutions des connaissances scientifiques sur la covid-19 – Rapports d’office parlementaire – Rapport n° 651 (2023-2024), déposé le 30 mai 2024. https://www.senat.fr/rap/r23-651/r23-651_mono.html

Émission enregistrée le 17 décembre.
Invité : Jean-Loïc Le Quellec

Éditorial

La science se trompe, un peu tout le temps. Et c’est là toute sa force, puisqu’elle se corrige. Elle hésite, elle tâtonne, et parfois elle change de paradigme.

Vous connaissez la ville de Troie (non, pas Troyes dans l’aube mais Ilium en Turquie). Pendant des siècles, la cité décrite par Homère dans L’Iliade était considérée comme un pur mythe, une légende grecque sans fondement. Jusqu’à ce qu’Heinrich Schliemann, archéologue amateur mais obstiné, découvre en 1870 les ruines de ce qui pourrait bien être la véritable Troie. La science s’était trompée en rejetant trop vite un récit ancien, mais elle a fini par corriger son erreur. Pensons à la civilisation minoenne en Crète, révélée au début du XXe siècle par Arthur Evans alors qu’on ne connaissait d’elle que des récits mythologiques sur le roi Minos et son labyrinthe. Ou encore les Scythes, ces nomades longtemps jugés « primitifs » par Hérodote, mais dont les tombes gelées de Sibérie ont révélé une culture d’une richesse insoupçonnée : bijoux d’or finement travaillés, textiles somptueux et tatouages complexes. Même la préhistoire, ce temps lointain où l’Homme taillait la pierre, nous a surpris : les fresques rupestres de Chauvet ou Lascaux prouvent que nos ancêtres n’étaient pas seulement des survivants brutaux, mais aussi des artistes d’une sensibilité extraordinaire.

Ces exemples nous rappellent combien nous aimons découvrir ce que nous pensions perdu. Il y a une magie irrésistible dans l’idée qu’une civilisation avancée, oubliée depuis des millénaires, puisse ressurgir du sable ou des profondeurs de la mer. Qui n’a jamais rêvé de l’Atlantide, engloutie par les flots, ou des mystérieuses cités d’El Dorado, enfoncées dans la jungle ? Cet appétit est bien légitime puisque notre histoire est une aventure inachevée, et que des pans entiers du passés restent méconnus.

C’est sur ce désir profond de découverte que jouent des séries comme « Ancient Apocalypse » (traduit « À l’aube de notre histoire ». Dans sa première saison, Graham Hancock, journaliste et écrivain, a captivé des millions de spectateurs en suggérant qu’une civilisation perdue, d’une sophistication incroyable, aurait existé bien avant les premières sociétés humaines connues. Son argument ? Des structures anciennes comme les pyramides de Gizeh ou les mégalithes de Göbekli Tepe seraient les vestiges de peuples disparus, victimes d’un cataclysme oublié. La science, selon lui, refuse d’ouvrir les yeux, et l’archéologie académique lui voue une haine tenace car il faudrait préserver les théories actuelles coûte que coûte.

À travers des séries comme celle-là, nous assistons à la naissance d’une mythologie contemporaine, où des récits alternatifs du passé s’enracinent dans notre imaginaire collectif. Ces nouvelles « légendes » répondent à des besoins profondément humains : donner du sens à un monde complexe, combler les lacunes de nos connaissances et raviver la fascination pour l’inconnu. Ces récits alternatifs fonctionnent comme des systèmes interprétatifs autonomes, échappant délibérément aux validations scientifiques classiques. Ils opèrent selon une logique propre, où chaque réfutation devient une preuve supplémentaire du complot. Là où les mythes anciens étaient enracinés dans des croyances religieuses, les récits contemporains se parent d’un vernis pseudo-scientifique puisque c’est désormais le mode par lequel se fait le récit des origines du monde.

Pour nous dévoiler la structure de la mythologie contemporaine qui se construit sous nos yeux, je reçois Jean-Loïc Le Quellec, anthropologue, préhistorien et spécialiste des mythes, auteur de divers ouvrages dont le très mordant « Des Martiens au Sahara »

 

Emission enregistrée le 27 novembre 2024

Invités :

  • Charbel-Raphaël SEGERIE : Directeur exécutif du CeSIA  – Fondateur de ML4Good
  • Amaury LORIN : membre du CeSIA. Etudiant en Master Logic & Computation à TU Wien

CeSIA : Centre pour la Sécurité de l’IA, qui se présente comme « une organisation française à but non-lucratif dédiée à l’éducation, la recherche, et la diffusion d’informations sur les enjeux de l’intelligence artificielle. » https://www.securite-ia.fr/

 

EDITORIAL

Bonjour tout le monde.

Et si demain une intelligence artificielle dépassait ses créateurs ? Une entité superintelligente, non alignée avec nos intérêts, pourrait se mettre à agir contre nous, trop vite et trop puissamment pour qu’on puisse l’arrêter. Pas dans un scénario de science-fiction où des robots envahissent le monde, mais à travers des applications discrètes, confortables, qui gèrent peu à peu nos vies et nous rendent dépendants.

Imaginez : une IA, pensée pour optimiser nos besoins, qui finit par décider ce qui est bon pour nous sans que nous ayons notre mot à dire. La question n’est pas tant de savoir si cela pourrait arriver, mais quand cela deviendra une menace réelle.

Alors, de qui serait-ce la faute ?

Faudrait-il accuser les concepteurs, trop idéalistes pour prévoir les conséquences ? Les industriels, pressés d’innover pour conquérir les marchés ? Les actionnaires, uniquement guidés par la rentabilité ? Les politiques, souvent en retard d’une révolution numérique, sans vision stratégique ? Et nous, citoyens, utilisateurs, qui acceptons sans broncher de déléguer des pans entiers de notre vie à des algorithmes ?

Cela vous rappelle peut-être Oppenheimer et les dilemmes moraux qui ont suivi la création de la bombe atomique. Ce parallèle est souvent fait par les chercheurs en intelligence artificielle, y compris par certains leaders du domaine, comme Sam Altman ou Demis Hassabis, qui reconnaissent que l’IA comporte des risques existentiels. Mais combien parmi eux auront le courage de tirer la sonnette d’alarme avant qu’il ne soit trop tard ?

L’histoire nous montre qu’il est toujours plus facile de laisser la boîte de Pandore s’ouvrir que de refermer le couvercle. Et dans le cas de l’IA, il y a une différence essentielle : la vitesse. Les IA génératives, qui apprennent à apprendre, évoluent beaucoup plus rapidement que nos lois ou notre compréhension collective.

Et puis, n’oublions pas notre responsabilité à nous, vulgarisateurs et créateurs de contenu. Parler de l’IA sous l’angle sensationnaliste – vous savez, « l’IA qui va détruire le monde » – sans analyser les nuances du sujet, contribue à alimenter une peur stérile. D’ailleurs, petite confession : cet éditorial a été rédigé avec l’aide d’une intelligence artificielle. Paradoxal, non ? Utiliser une IA pour alerter sur les dangers qu’elle pourrait représenter.

Mais c’est là toute l’ambiguïté de notre époque. L’IA est déjà partout : dans vos smartphones, vos réseaux sociaux, vos recherches sur Internet, vos outils de travail. Elle simplifie nos vies, certes, mais à quel prix ? Et surtout, avec quelles garanties pour demain ?

Alors, qu’allons-nous faire ? Attendre que des algorithmes dictent nos choix ? Ou réfléchir, collectivement, à ce que signifie garder le contrôle ? Ce soir, nous explorons ces questions complexes avec nos invités, chercheur et spécialiste en sécurité de l’IA. Ensemble, nous tenterons de comprendre comment concilier progrès technologique et respect des valeurs humaines.

 

Quelques ressources

 

 

Emission enregistrée le 29 octobre 2024

Invité : Pr Stéphane CHARPIER

 

EDITORIAL

 

La médecine ne nous rendra pas immortels, mais de temps en temps elle fait des avancées majeures et ramène parmi les vivants des personnes naguère condamnées. Untel qui ne respire plus peut être réanimer – la mort cardiaque n’est plus vraiment la mort, car pendant quelques minutes on peut intervenir – lle coma, le coma profond, le coma dépassé… les terminologies changent, les soins progressent, et on en voit se réveiller, tel des Lazare qui semblaient bel et bien partis pour de bon.

La médecine en est aujourd’hui à la mort cérébrale, à la question des dommages irrémédiables sur les structures du cerveau qui produisent notre expérience consciente, et il arrive de déclarer mort un corps dont tout fonctionne en dehors du cerveau. Une femme enceinte qui tomberait dans cet état pourrait même porter à terme son enfant, et lui donner la vie, tout en étant, quoi…  morte ? L’immense majorité des humains passera un jour l’arme à gauche d’une manière qui répondra clairement aux critères de la science ; d’un étant clairement vivant, ils passeront à un état de mort indubitable, et aucun ne se réveillera dans son cercueil par erreur, terreur ultime de la taphophobie qui frappe celles et ceux craignant d’être enterrés vivants.

Mais il restera quelques cas exceptionnels qui mettent à l’épreuve nos définitions, notre compréhension de ce que signifie être un humain en vie, et aussi nos lois, nos règlementations, nos textes éthiques, notre manière d’attribuer des responsabilités à celles et ceux qui veillent sur les malades et dont le rôle n’est pas de devenir les juges des morts.

Peut-être êtes-vous comme moi : je n’ai pas vraiment envie de penser à la mort, aux décisions ultimes, à l’encadrement règlementaire qui protège les droits du mourant et de ceux qui l’accompagnent. La vie est un moment intéressant qui réclame toute mon attention. Et pourtant nous devons beaucoup à ceux qui ont regardé les morts de près, les ont disséqués, examinés, manipulés… Il a fallu des Thomas Willis, des Jan Swammerdam, des Luigi Galvani, des Giovani Aldini, des Dominique Larrey, des Humbolt, Richerand, Nysten, Dupuytren, des François-Xavier Bichat auxquels le livre de Stéphane CHARPIER rend hommage en nous rappelant tout le chemin parcouru depuis une ignorance quasi-totale jusqu’aux services modernes de réanimation, aux laboratoires de neurosciences et aux travaux qui aujourd’hui traquent les ultimes signes de vie dans la symphonie cérébrale : l’onde de la mort dont on a déterminé qu’elle était le point final de l’existence consciente… Jusqu’à ce que le bon professeur Charpier et son équipe ne détectent une onde de la résurrection… « La science de la résurrection » est le titre de son livre. À croire que la mort cherche à s’échapper des doigts de la science.

À tout le moins on peut constater les progrès fantastiques des connaissances depuis le temps où Mary Shelley inventait la science-fiction avec son Frankenstein et des questionnement à la pointe de la science de son temps.

Mon invité ce soir est Stéphane CHARPIER, professeur de neurosciences à l’Université de la Sorbonne, directeur de l’équipe de recherche Excitabilité cellulaire et dynamiques des réseaux neuronaux à l’Institut du cerveau et de la Moelle épinière (ICM) de l’Hôpital de la Pitié-Salpêtrière.

 

Lien vers le livre du Pr Charpier.

 

L’idée principale du livre « Homo chaoticus » de Didier Raoult consiste à prétendre révolutionner la compréhension du vivant grâce à ses travaux et réflexions sur les Transferts Horizontaux de matériel Génétique (THG). Nous aurions besoin de lui et de son livre pour dépasser Darwin et comprendre que l’image populaire de l’arbre du vivant est fausse, que l’évolution ne se limite pas à la transmission filiale de caractères plus ou moins mutés puis sélectionnés, mais que des transferts de séquences à partir de microorganismes jouent un rôle très important dans l’évolution. C’est une révolution !

Le problème est que dans cette histoire le travail de Didier Raoult occupe une place secondaire, marginale, liée à l’activité intense de séquençage de ses équipes qui leur a permis d’identifier de nombreuses instances de ce genre de transfert. Guère plus.

Faisons un petit historique des vraies découvertes en la matière, et nous verrons si nous avons besoin que le professeur marseillais révolutionne tout ça.

Le concept de transfert horizontal de matériel génétique (THG) a radicalement modifié notre compréhension de l’évolution biologique, en complétant la vision traditionnelle de l’évolution par descendance verticale, c’est-à-dire par transmission génétique des parents à la progéniture. Les contributions majeures à l’étude du THG sont les suivantes :

  1. Frederick Griffith (années 1920) – Les premières preuves expérimentales de transferts horizontaux de gènes viennent des travaux de Frederick Griffith en 1928. Il observe que des bactéries non pathogènes peuvent acquérir des gènes de virulence à partir de bactéries mortes, un phénomène qu’il décrit comme la « transformation bactérienne ». Il ne savait pas encore que ce processus impliquaient le transfert de gènes. Ces notions sont enseignées au lycée[1].
  2. Barbara McClintock (Années 1940) – Barbara McClintock découvre les éléments transposables, ou « gènes sauteurs », dans le génome du maïs. Elle a démontré que certains segments d’ADN peuvent se déplacer d’un endroit à un autre, modifiant l’expression des gènes adjacents. Ce mécanisme de réorganisation génétique active a révolutionné la compréhension des génomes, montrant que ceux-ci ne sont pas statiques mais dynamiques. Bien que sous-estimés à l’époque, ses travaux ont été largement reconnus avec l’obtention du prix Nobel en 1983.
  3. Susumu Ohno (années 1970)[2] – Susumu Ohno est surtout connu pour avoir introduit le concept « d’ADN poubelle » (junk DNA), et pour ses travaux sur la duplication génétique. Dans son livre Evolution by Gene Duplication, il a expliqué comment la duplication des gènes permettait l’évolution de nouvelles fonctions. Son travail a influencé les recherches ultérieures sur l’évolution des génomes et les mécanismes par lesquels de nouveaux gènes apparaissent, ouvrant la voie à la compréhension de l’importance des transferts horizontaux.
  4. Lynn Margulis [3] (années 1970) – Margulis propose en 1970 que des événements de transfert de gènes horizontaux entre des organismes ancestraux aient conduit à l’incorporation de certaines bactéries en tant qu’organites des cellules eucaryotes (comme les mitochondries et les chloroplastes). Cette hypothèse est révolutionnaire à son époque. En proposant une origine symbiotique à toute la lignée qui va donner les organismes pluricellulaires, elle montre que le transfert de matériel génétique peut avoir un rôle tout à fait considérable sur l’histoire du vivant.
  5. Carl Woese[4] (1977) – À la fin des années 1970, Carl Woese révolutionne la biologie en étudiant les séquences d’ARN ribosomique pour classifier les formes de vie.[Les ribosomes sont des particules cytoplasmiques généralement formées de trois types d’acides ribonucléiques, associés à des protéines et déchiffrant le code inscrit dans l’ARN messager pour synthétiser des protéines]Il découvre trois domaines distincts de la vie (bactéries, archées et eucaryotes). Ses recherches révèlent que les transferts de gènes horizontaux brouillent la classification stricte des organismes, en particulier chez les bactéries et les archées. Il conclut que les transferts génétiques fréquents ont créé un réseau évolutif plus complexe que le simple arbre linéaire communément représenté au public.
  6. Jörg Hacker et James B. Kaper (années 1980-1990)[5] – Jörg Hacker et James B. Kaper ont étudié le rôle des îlots de pathogénicité dans les bactéries, qui sont des segments d’ADN acquis par des transferts horizontaux. Ces îlots confèrent des avantages spécifiques, comme la virulence. Leur travail a montré comment les bactéries pouvaient échanger des gènes pour s’adapter rapidement à de nouveaux environnements, comme l’acquisition de résistance aux antibiotiques.
  7. Jeffrey Lawrence et John Roth (1996) [6]– Jeffrey Lawrence et John Roth ont montré que les transferts horizontaux étaient essentiels à l’évolution bactérienne. Ils ont proposé que l’évolution adaptative rapide des bactéries ne pouvait pas être expliquée uniquement par des mutations aléatoires et la sélection naturelle. Leur modèle met en évidence le rôle des transferts horizontaux de gènes comme mécanisme central de la diversification des bactéries.
  8. William Ford Doolittle (années 1990)[7] – Doolittle contribue à renforcer l’idée que le THG est un phénomène fondamental dans l’évolution, en particulier chez les micro-organismes. En 1999, il publie plusieurs articles expliquant comment le THG, notamment par des plasmides, des virus et d’autres vecteurs, façonne l’évolution bactérienne, mais aussi, plus largement, l’histoire de l’évolution des organismes.
  9. Eugene Koonin (années 2000)[8] – Il est l’un des principaux chercheurs à étudier l’impact du THG dans l’ère des génomes séquencés. Il observe des transferts horizontaux non seulement chez les procaryotes, mais aussi chez les eucaryotes. Koonin montre que les transferts horizontaux de gènes contribuent à la plasticité génétique et accélèrent les innovations évolutives.
  10. Nancy Moran (années 2000) [9]– Nancy Moran a réalisé des études sur les symbioses bactériennes chez les insectes, comme les pucerons, démontrant que ces symbiotes bactériens avaient acquis des gènes par transfert horizontal. Ses recherches montrent que les transferts horizontaux entre bactéries et hôtes multicellulaires jouent un rôle crucial dans l’évolution des symbioses. Cette découverte est importante car elle élargit le rôle du THG au-delà des microbes, touchant également des relations symbiotiques dans des organismes plus complexe
  11. Tal Dagan et William Martin (2000s-2010s)[10] – Dagan et Martin ont proposé le concept de réseaux phylogénétiques, qui intègre les THG pour représenter l’évolution non plus comme un arbre strictement hiérarchique, mais comme un réseau d’interactions complexes. Cela a été particulièrement important pour comprendre l’évolution des organismes unicellulaires, mais a aussi des implications pour les eucaryotes.
  12. Julie Dunning Hotopp et al. (2007)[11] – L’équipe de Julie Dunning Hotopp a publié une étude importante en 2007, montrant des preuves de transfert horizontal de gènes des bactéries vers les animaux, en particulier les insectes. Ils ont trouvé des segments d’ADN bactérien intégrés dans le génome de la mouche drosophile, un exemple frappant de transfert horizontal qui a ouvert de nouvelles perspectives sur l’impact du THG sur l’évolution des eucaryotes.
  13. Patrick Keeling et Jeffrey Palmer (années 2000)[12] – Keeling et Palmer ont étudié les génomes des plastes et des mitochondries, montrant que ces organites (résultant d’endosymbioses) avaient acquis des gènes par transferts horizontaux au cours de leur évolution. Ils ont contribué à notre compréhension du rôle des THG dans l’évolution des organismes eucaryotes et la transmission des gènes entre les génomes nucléaires et ceux des organites.

 

Et alors ?

Les apports de ces différents chercheurs et chercheuses ont démontré que le transfert horizontal de matériel génétique joue un rôle majeur dans l’évolution, en permettant à des organismes d’acquérir des traits nouveaux de manière rapide et indépendante de la descendance directe.

Les concepts centraux de variation, d’héritabilité et de reproduction différentielle dont la conjonction produit la sélection naturelle, restent fondamentaux, mais ils ont été élargis pour inclure des mécanismes supplémentaires qui permettent une évolution plus rapide et une adaptation plus flexible, notamment chez les micro-organismes. En raison de ces travaux on sait que représenter le vivant comme un arbre est simpliste et qu’il faudrait le voir comme un réseau, il ressemble davantage à un buisson tout emmêlé de toiles d’araignées.

Certaines affirmations contemporaines, souvent relayées par des figures polémiques comme Didier Raoult, suggèrent que ces idées seraient « ignorées » du grand public ou des scientifiques, mais cela ne reflète pas la réalité des débats scientifiques actuels puisque la majorité des biologistes reconnaissent le rôle des transferts horizontaux, à tel point qu’on parle sans problème d’évolution réticulée.

Cette reconnaissance de la complexité de l’évolution s’est faite sans abandonner pour autant les fondements darwiniens.

Dans son livre destiné au grand public, Didier Raoult ne cite, pour autant que je m’en souvienne, qu’un seul des chercheurs dont je vous ai présenté le travail, ignorant tous les autres au profit de citations d’Héraclite, Platon, Nietzsche ou Einstein.

Nous avions pourtant droit à une promesse dès les premières lignes : « Avec ce livre, je souhaite mettre en place une nouvelle théorie de l’évolution basée sur les données les plus récentes. » Et la couverture annonçait « révolution dans l’évolution ». C’est dommage parce que cela n’a aucune chance de se faire à travers un livre bâclé ; il faudrait toiut au contraire que l’auteur prenne le temps de soumettre aux spécialistes une démonstration en règle des principes nouveaux qu’il estime apporter. Mais soit dit entre nous cela n’arrivera pas car Didier Raoult n’apporte rien de nouveau.

 

Je le sais parce que j’ai lu son livre « Homo chaoticus ». Merci aux éditions Michel Lafon de m’avoir envoyé cet exemplaire du livre. Je vous parlerai de son contenu… Bientôt.

 

 

Remerciements : Hervé SEIST – Samuel ALEXANDER – Stéphane DEBOVE

[1] https://www.profsvt71.fr/pages/terminale-spe-svt/genetique-et-evolution/transferts-horizontaux-et-complexification-des-genomes-1.html

[2] https://link.springer.com/book/10.1007/978-3-642-86659-3

[3] https://fr.wikipedia.org/wiki/Th%C3%A9orie_endosymbiotique

[4] https://acces.ens-lyon.fr/acces/thematiques/biodiversite/dossiers-thematiques/les-trois-domaines-du-vivant/historique-de-la-classification-du-vivant-1/demarche-historique#:~:text=La%20comparaison%20des%20ARN%20ribosomiques%20a%20conduit%20historiquement%20%C3%A0%20la,l’arn%20messager%20en%20polypeptide.

[5] James B. Kaper Jorg Hacker (1999) The molecular basis of infectious diseases: pathogenicity islands and other mobile genetic elements. Amer Society for Microbiology

[6] Lawrence, Jeffrey & Roth, John. (2014). Genomic Flux: Genome Evolution by Gene Loss and Acquisition. 10.1128/9781555818180.ch15. – https://rothlab.ucdavis.edu/publications/Genomic%20Flux.pdf

[7] Doolittle, W. F. (1999). Phylogenetic classification and the universal tree. Science, 284(5423), 2124-2128.

[8] Koonin EV. Darwinian evolution in the light of genomics. Nucleic Acids Res. 2009 Mar;37(4):1011-34. doi: 10.1093/nar/gkp089. Epub 2009 Feb 12. PMID: 19213802; PMCID: PMC2651812.

[9] Moran NA, McCutcheon JP, Nakabachi A. Genomics and evolution of heritable bacterial symbionts. Annu Rev Genet. 2008;42:165-90.

Un article de Marc-André Selosse https://www.pourlascience.fr/sd/biologie/l-evolution-par-fusion-6304.php

[10] Dagan, T., Martin, W. The tree of one percent. Genome Biol 7, 118 (2006). https://doi.org/10.1186/gb-2006-7-10-118

Dagan, T., Artzy-Randrup, Y., & Martin, W. (2008). Modular networks and cumulative impact of lateral transfer in prokaryote genome evolution. Proceedings of the National Academy of Sciences, 105(29), 10039-10044.

[11] Dunning Hotopp JC, Clark ME, Oliveira DC, Foster JM, Fischer P, Muñoz Torres MC, Giebel JD, Kumar N, Ishmael N, Wang S, Ingram J, Nene RV, Shepard J, Tomkins J, Richards S, Spiro DJ, Ghedin E, Slatko BE, Tettelin H, Werren JH. Widespread lateral gene transfer from intracellular bacteria to multicellular eukaryotes. Science. 2007 Sep 21;317(5845):1753-6.

[12] Keeling, P., Palmer, J. Horizontal gene transfer in eukaryotic evolution. Nat Rev Genet 9, 605–618 (2008). https://doi.org/10.1038/nrg2386

Emission enregistrée le 16 juillet 2024
Invité : Bernard LAHIRE, Directeur de recherche CNRS au Centre Max-Weber  et à l’École normale supérieure de Lyon.

 

Editorial

Je vais énoncer un ensemble de faits qui devraient vous sembler d’abord d’une grande banalité, voire même inintéressants et sans lien aucun avec le thème des sciences sociales. Et pourtant nous verrons ce soir combien il est fructueux de s’interroger sur les conséquences en cascades de ces simples observations.

Allons-y. Les humains sont des animaux, des organismes hétérotrophes (c’est-à-dire qui doivent consommer d’autres organismes pour se maintenir en vie). Leur système digestif autorise une certaine gamme d’alimentation à base de fruits, de graines et de chaire animale.

Les humains sont homéothermes, diurnes, mobiles, dioïques (ce terme vient de la botanique : il décrit une espèce où l’ont peut distinguer deux types d’individus en fonction de leur sexe). Ils présentent un léger dimorphisme sexuel, la fécondation se produit à l’intérieur du corps des femelles, la copulation est possible à n’importe quel moment de l’année sans période d’œstrus contrairement à leurs cousins les plus proches. Les humains ont une longue période de développement, de croissance, d’enfance, donc de dépendance, et une durée de vie longue comparée aux autres animaux de même taille.

Tout cela a des conséquences inévitables sur leur mode de vie, sur les relations qu’ils peuvent entretenir et sur les comportements adaptés qu’ils peuvent acquérir dans leur environnement. Ces contraintes, installées au fil de millions d’années, tout au long de la lignée qui conduit jusqu’à nous, sont physiques, biologiques, historiques ; leurs conséquences sont sociales et culturelles. Et, à leur tour, les dimensions sociales et culturelles ont des effets sur de nombreux aspects de la physiologie, de l’éthologie, de l’anatomie, bref de la biologie de l’espèce.

La sociologie humaine serait très, très, différente s’ils avaient une forme de crabe, une fécondation externe ou des portées de 8 bébés. Cette évidence peut sembler tellement criante qu’on se demande ce qu’on pourrait bien en faire. Mais c’est une évidence qui a été soigneusement mise de côté par les sociologues tandis qu’ils construisaient leur discipline, la sociologie. Et il est peut-être temps de passer à une nouvelle étape de l’histoire de cette science si elle veut être pleinement scientifique. C’est en tout cas ce que propose notre invité de ce soir, Bernard LAHIRE dans son livre « Les structures fondamentales des sociétés humaines ».

Monsieur LAHIRE est un éminent sociologue, que l’on peut difficilement suspecter de vouloir du mal à ce champ disciplinaire ; et il ose ici un mouvement audacieux : tendre la main aux sciences de la nature, et notamment à la biologie, sur la base d’un principe solide : les sciences qui décrivent et expliquent le monde ne peuvent pas dire des choses contraires.

Où en est la scientificité des sciences sociales ? À quoi ressemblent ces structures fondamentales des société humaines ? Le monde académique est-il prêt à répondre aux exigences de scientificité pour des disciplines ? Nous essaierons d’avoir des réponse à ces trois grandes questions et à bien d’autres dans les deux prochaines heures en compagnie du Professeur Bernard LAHIRE, Directeur de recherche CNRS au Centre Max-Weber  et à l’École normale supérieure de Lyon.

Emission enregistrée le 19 juin 2024

Invitées : Anne-Hélène BOUCHOUX, Sarah LAUDOUAR, Willy MANGIN.

Editorial

Panique dans nos assiettes. Désormais la mort rode sur la nappe cirée ; nous mangeons mal, nous creusons notre tombe avec les dents ; c’est décidé la bouffe aura notre peau.

Tout —absolument tout— est mauvais pour la santé si consommé dans de mauvaises proportions. Le kiwi, c’est très bon le kiwi, c’est plein de vitamines, mais si vous n’avalez que ça pendant deux semaines, ça ne va pas bien se passer. Et à la longue vous allez mourir. D’ailleurs, c’est un résultat robuste bien que décevant : sachez qu’à ce jour 100% des gens qui mangent des trucs finissent par mourir.

Sans sucre, sans gluten, sans féculents, sans céréales, sans viande rouge : les humains meurent quand même.

Les journaux fainéants nous sortent six fois par jour des billets disant que tel aliment donne le cancer ou que tel autre protège contre le cancer, mais ça ne veut rien dire à part « je n’y connais rien mais je dois vendre du papier pour nourrir ma famille, la nourriture c’est important, s’il te plait, achète mon journal ou clic sur la pub. Mes enfants te remercient. »

Nous pataugeons dans un brouhaha d’inquiétudes horrifiées où il faut susciter le plus d’angoisse pour essayer de refourguer sa solution maison. Et au cœur de cela se niche un constat facile : tout le monde a son mot à dire sur l’alimentation, tout le monde peut aisément se sentir un peu expert du sujet ; on s’autorise à dire ce qui nous passe par la bouche, et on imagine qu’il suffit d’avoir une bonne tête sympathique ou un peu de style dans la plume pour avoir le droit de déverser des conseils.

Le problème, c’est qu’on méprise la diététique : cette espèce de sous-science des régimes amaigrissants, à peine différentiable de la naturopathie gnagnan qui nous fait des leçons de morale sur le fait qu’on mange mal et que 5 fruits et légume par jour / et que des fibres / et que, attention au gras, au sucré, au salé / nananère…

Le problème c’est que la Junk Food est partout, et qu’on le sait très bien. En réaction à l’invasion industrielle des aliments ultratransformés qui s’invitent dans mes placards autant que dans les vôtres, s’installe une sorte de nouvelle religion du bien manger, une tendance à l’orthorexie qui érige en modèle des influenceurs télégéniques dénués de compétence, de cohérence et d’éthique.

Quand tout le monde se mêle de nous faire la morale sur ce qu’on ne doit pas manger, sur ce qu’on ne doit pas faire manger à ses enfants, sur la bonne silhouette qu’on doit arborer, sur les bonnes, les mauvaises marques, sur l’écoresponsabilité, le végétarisme, le gaspillage, le fait maison… Qui pourrait avoir envie d’accorder du crédit à un diététicien formé à l’université, diplômé et dont l’activité est régie par les règles de professionnels de santé ? Qui a vraiment envie de prendre la diététique au sérieux ? Ce biais, je le souligne parce que je crois le retrouver en moi-même ; j’ai déjà ici critiqué les élucubrations de la naturopathie mais en plus de 150 émissions en live on n’avait jamais donné la parle à un diététiciens.

Ce soir nous en avons 3.